La réunion

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La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à la discussion unique sur l'exécution budgétaire des missions Administration générale et territoriale de l'État ; Immigration, asile et intégration ; Sécurités et du compte d'affection spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

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Mes chers collègues, l'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen des politiques publiques relatives aux missions Administration générale et territoriale de l'État (AGTE) ; Immigration, asile et intégration ; Sécurités et au compte d'affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

Nous allons procéder, dans un premier temps, à une discussion centrée sur l'exécution budgétaire 2023, puis dans un second temps, à une discussion d'une thématique d'évaluation retenue par le rapporteur spécial Charles de Courson.

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Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Mesdames et messieurs les députés, je suis heureuse d'être parmi vous ce soir pour représenter l'exécution du budget du ministère de l'intérieur et des outre-mer au cours de l'année 2023.

Je suis attachée à l'idée de rendre compte au Parlement de l'utilisation des crédits que vous votez. Il s'agit en effet d'un devoir de transparence vis-à-vis de la représentation nationale et, plus généralement, vis-à-vis de nos concitoyens. S'agissant du ministère de l'intérieur et des outre-mer, ministère de la sécurité, des libertés publiques et de la citoyenneté, ce devoir s'apprécie avec une sensibilité particulière. En 2023, neuf policiers, quatorze gendarmes et cinq pompiers sont morts en service. Je tiens à saluer ce soir leur mémoire, ainsi que celle des deux gendarmes décédés la semaine dernière en Nouvelle-Calédonie.

L'analyse de l'exécution budgétaire conduit à souligner l'investissement des femmes et des hommes qui réalisent leur mission au profit de leurs concitoyens, bien souvent dans des conditions très difficiles. L'année 2023 a été marquée par une activité opérationnelle intense. Elle a constitué une étape importante de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques (Jop) de Paris.

Elle est également la première année de mise en œuvre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), marquée par une marche de progression des crédits ministériels de 1,8 milliard d'euros. En 2023, le taux de consommation des crédits du ministère est très élevé et résulte d'une activité opérationnelle soutenue, mais aussi d'un contexte marqué par l'inflation.

Ainsi, 97 % des crédits de paiement (CP) disponibles ont été consommés, soit 22,7 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement (AE) exécutées se sont élevées à 24,3 milliards d'euros. Cet écart entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement s'explique par le fait que la Lopmi permet des investissements importants devant permettre de transformer le ministère et préparer l'avenir.

Ensuite, ce taux de consommation s'explique par une activité opérationnelle particulièrement soutenue, qui peut se résumer en six points. Premièrement, les violences urbaines de l'été dernier ont impliqué une forte mobilisation des forces de sécurité et la réparation des dégradations ayant touché les matériels et les locaux du ministère. À ce titre, une ouverture de crédit de 50 millions d'euros a dû intervenir dans la loi de finances de fin de gestion.

Deuxièmement, la sécurisation de la coupe du monde de rugby, qui s'est déroulée dans d'excellentes conditions, a constitué une véritable répétition en vue des Jeux olympiques et paralympiques.

Troisièmement, il faut évoquer le renforcement de la stratégie nationale d'attaque au feu naissant pilotée par la sécurité civile. La saison des feux a été moins intense en 2023 qu'en 2022. Il s'agit du résultat d'une action résolue qui repose sur une mobilisation accrue des moyens aériens et des colonnes de renforts. Malgré un nombre de départs de feu croissant, supérieur de 43 % en 2023 à la moyenne de ces dix dernières années, la superficie brûlée est restée extrêmement contenue.

Quatrièmement, les inondations dans le Nord-Pas-de-Calais ont conduit à l'intervention de la réserve nationale, au remplacement des moyens de pompage et à la mobilisation des colonnes de renforts de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.

Cinquièmement, l'accueil des personnes déplacées d'Ukraine doit être mentionné. Ce sont ainsi 280 00 bénéficiaires de la protection temporaire qui ont été accompagnés, pour un coût total de 326 millions d'euros supportés par la mission Immigration, asile et intégration. Si un abondement est intervenu dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion, le ministère a adapté sa gestion afin d'assurer l'avance de trésorerie.

Sixièmement, le nombre de demandeurs d'asile reste élevé : 145 522 demandes ont été enregistrées par les préfectures en 2023, contre 136 724 en 2022.

Le niveau de consommation des crédits reflète les tensions inflationnistes qui ont affecté le budget du ministère en 2023, de deux manières : d'une part, les effets directs de la hausse des prix sur les consommations d'énergie, des achats, ou encore les investissements du ministère, estimés à 292 millions d'euros ; et d'autre part, les mesures salariales décidées en 2022 et 2023 afin d'accompagner l'ensemble des agents publics face à l'inflation, qui ont représenté un coût de 710 millions d'euros l'an dernier.

Malgré les tensions pesant sur son budget, le ministère s'est attaché à poursuivre le déploiement de ses priorités tout au long de l'année 2023. Premièrement, le ministère a continué à renforcer la présence des forces de sécurité sur la voie publique et leur capacité d'intervention au plus près des populations. Au-delà des hausses d'effectifs, la mise en place des onze unités de forces mobiles s'est poursuivie. De même, les premières dépenses visant à préparer la création de 238 nouvelles brigades de gendarmerie ont été réalisées en 2023.

Deuxièmement, l'effort de modernisation des forces de sécurité, engagé avec le Beauvau de la sécurité, n'a pas ralenti. À titre d'illustration, près de 300 millions d'euros ont été consacrés à l'équipement des forces, incluant notamment 150 millions d'euros dédiés à l'habillement, au matériel de protection individuelle et à l'armement. Aussi, 4 101 véhicules ont été commandés pour environ 120 millions d'euros.

Troisièmement, le programme de rénovation immobilière représente 95,1 millions d'euros de maintenance lourde. Le programme de rénovation immobilière et de construction nouvelle a donc été poursuivi, avec des projets parmi lesquels figure, pour la police nationale, l'hôtel des polices de Nice, avec 4,7 millions d'euros en AE et 42 millions d'euros en CP, et le commissariat de Valenciennes, avec 37 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP. Pour la gendarmerie nationale, il faut citer la réhabilitation des logements du quartier Pichard à Drancy, pour 15,5 millions d'euros, et celle de la caserne Hetzel à Marseille, pour 18,6 millions d'euros.

Quatrièmement, le ministère a procédé, dès 2023, aux acquisitions nécessaires à la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques, notamment pour la lutte contre les drones, la modernisation des salles de commandement, la cybersécurité ou encore le matériel de protection périmétrique.

Cinquièmement, l'année 2023 a marqué un fort engagement en faveur de la sécurité civile et, plus largement, de la lutte contre les incendies et du secours aux victimes. Ainsi, 150 millions d'euros ont été engagés dans le cadre des pactes capacitaires afin de cofinancer, aux côtés des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), l'acquisition de nouveaux moyens. De même, un contrat a été signé avec Airbus en vue de renouveler la flotte d'hélicoptères de secours de la sécurité civile, afin d'atteindre une flotte de quarante appareils. Par ailleurs, 2023 a posé les premiers jalons de la création de la quatrième unité des formations militaires de sécurité civile à Libourne, annoncée par le Président de la République, avec le recrutement de soixante-cinq militaires et le lancement des premiers investissements.

Sixièmement, les moyens consacrés à la sécurité routière ont contribué à une baisse de l'accidentalité en 2023, avec 3 170 personnes décédées sur les routes de France métropolitaine, soit 97 personnes de moins qu'en 2022. Afin de faciliter l'accès au permis de conduire, le financement du dispositif du permis à un euro par jour a augmenté et quinze postes d'inspecteur du permis de conduire ont été créés en 2023, avec un objectif de cent créations de postes entre 2023 et 2026.

Septièmement, les données disponibles font apparaître un renforcement effectif de la politique d'éloignement : 22 704 étrangers ont quitté le territoire national (éloignements, départs volontaires aidés et départs spontanés), soit une hausse de 16,9 % par rapport à 2022.

Huitièmement, le réarmement de l'État territorial est engagé. En 2023, quarante-deux emplois ont été créés dans les préfectures et sous-préfectures et 6,2 millions d'euros ont été consacrés à la réouverture de sous-préfectures. Au total, cinq sous-préfectures sont restituées et une créée, à Rochechouart, Clamecy, Montdidier, Nantua, Château-Gontier et Saint-Georges en Guyane.

Neuvièmement, en matière numérique, un effort sans précédent a été réalisé en 2023. À titre de rappel, la Lopmi se veut avant tout une loi de transformation numérique. Ainsi, la consommation s'est élevée à 755 millions d'euros en AE, et 642 millions d'euros en CP.

À titre d'exemple, s'agissant du réseau radio du futur (RRF), l'opérateur chargé du projet a été créé en 2023 et a pu bénéficier de 109 millions d'euros de subventions de la part du ministère. Au total, le RRF devrait coûter 896 millions d'euros jusqu'à l'horizon 2030. Il va jusqu'à la mise en place d'un réseau de communication mobile très haut débit s'appuyant sur les réseaux des opérateurs téléphoniques 4G et 5G. De son côté, pour Nexis, le système unifié de gestion des alertes et opérations, 27 millions d'euros ont été engagés en 2023. Ce projet établit une interopérabilité.

En conclusion, l'augmentation de crédits dont le ministère de l'intérieur et des outre-mer a bénéficié en 2023 en application de la Lopmi, lui a permis de concilier à la fois la poursuite de la mise en œuvre de ces priorités, un niveau d'activité opérationnelle très soutenu, l'absorption des effets de l'inflation, une contribution au soutien apporté aux agents publics face à la hausse des prix en finançant sous enveloppe les mesures salariales interministérielles dites Guerini.

Toutefois, compte tenu de la moindre ampleur des marches prévues au titre des annuités ultérieures de la Lopmi, du coût pérenne des mesures salariales interministérielles et de la contribution du ministère à l'effort de redressement des comptes publics, les marges de manœuvre budgétaires du ministère vont se réduire. Un effort de priorisation et de réexamen des sous-jacents de la programmation devra donc être consenti, en lien avec la représentation nationale.

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S'agissant de l'exécution budgétaire de la mission Administration générale et territoriale de l'État, j'observe que la réalisation a été conforme à la prévision. Les écarts par rapport à la loi de finances initiale (LFI) sont relativement faibles ; le seul point d'attention étant le niveau d'engagement des dépenses immobilières, bien en deçà de ce qui était attendu, ce qui me semble révéler de réelles fragilités dans la conduite d'opérations, comme le souligne d'ailleurs la Cour des comptes.

Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur deux sujets que j'ai pu approfondir. Le premier concerne les effectifs dans les préfectures. J'avais constaté que le programme 354 avait perdu 15 % de ses emplois en dix ans, alors que ceux de l'administration centrale avaient augmenté de près de 40 % dans le même temps. Les services en charge des titres des étrangers et du contrôle de légalité sont ceux qui ont le plus souffert de ces réductions d'effectifs.

Lors de l'examen en séance des crédits de la mission AGTE, le ministère de l'intérieur s'était engagé à diminuer le nombre d'équivalents temps plein (ETP) en administration centrale pour créer des effectifs supplémentaires en préfecture, sans alourdir le budget de l'État. Vous aviez donné un avis favorable à mon amendement qui proposait de renforcer les services chargés du contrôle de légalité de 190 emplois en transférant un peu moins de 13 millions d'euros du budget de l'état-major et des services centraux du ministère vers les préfectures. Cet amendement de crédit avait été adopté par notre Assemblée, mais n'a hélas pas été retenu dans la version du texte après l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution. Où en sommes-nous actuellement dans le renforcement des effectifs des préfectures, et plus particulièrement des services en souffrance, comme ceux dédiés aux étrangers ou au contrôle de légalité ?

Le second sujet sur lequel je souhaite vous interroger concerne la délivrance des titres d'identité. Quels sont actuellement les délais pour obtenir une carte d'identité nationale (CNI) ou un passeport ? À l'approche de l'été, sommes-nous en train de connaître des retards importants, comme en 2022 et en 2023 ? Enfin, ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux de rétablir un droit de timbre pour la délivrance des CNI et d'augmenter celui sur les passeports, afin de mieux indemniser les communes volontaires pour la réalisation de ces démarches ?

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Dominique Faure, ministre

L'objectif de la Lopmi porte sur une augmentation de quarante-trois postes en 2023. Ce travail est en cours et se poursuivra en 2024. Ensuite, le délai de délivrance des titres augmente à l'approche des vacances. À ce jour, il se stabilise en mairie à treize jours pour obtenir en moyenne des rendez-vous. Le délai d'impression et d'envoi est légèrement au-dessus de la cible, puisqu'il est de vingt-trois jours alors qu'il devrait être de vingt-et-un jours. Je m'impliquerai personnellement afin que la petite hausse récente de ces délais ne se poursuive pas, pour revenir à des délais raisonnables, c'est-à-dire trois semaines à un mois entre le moment où le titre est demandé et celui où il est reçu.

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Avant de commencer, je souhaite me joindre à l'hommage rendu par Madame la ministre à nos forces de l'ordre qui ont perdu la vie dans l'exercice de leurs fonctions.

La LFI pour 2023 avait ouvert des crédits en hausse pour l'exécution des trois programmes que je rapporte : ceux de la gendarmerie nationale, de la police nationale, de la sécurité et l'éducation routières. Comme l'a rappelé Madame la ministre, l'année 2023 a vu la mise en œuvre, pour la première année, des dispositions de la Lopmi : la progression des crédits de titre 2 acte un plan ambitieux de création d'emplois, de revalorisation salariale issue du Beauvau de la sécurité, ainsi que de la mise en œuvre de mesures générales de revalorisation dans la fonction publique.

Les crédits exécutés des deux programmes sont en hausse. En 2023, les taux de consommation des crédits de paiement sont de 99,41 % pour la gendarmerie et 98,9 % pour la police. Je souligne ces très bons résultats. Pour ces deux programmes, les dépenses de titre 2 sont au premier plan. Ils pèsent près de 84 % des CP du programme Gendarmerie nationale et 87 % de ceux du programme Police nationale.

Ma première question porte sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Lors de son examen, j'avais déposé un amendement de crédit pour prévoir la rémunération des heures supplémentaires des effectifs de police lors des prochains Jeux olympiques. Cet amendement n'a pas été voté, ni retenu par le Gouvernement dans le texte final. Le nécessaire a-t-il été fait ? Je rappelle en effet que le ministre de l'intérieur avait annoncé quelques semaines plus tard qu'il prendrait des dispositions à cet effet.

Ensuite, en 2023, lors des émeutes en France, les forces de l'ordre ont rencontré des difficultés liées à leur équipement et à la réalimentation de leurs stocks. Ici aussi, le nécessaire a-t-il été fait pour éviter qu'une même situation ne se reproduise ?

Les crédits de la sécurité routière sont en très nette progression, comme en 2022, contribuant à sauver des vies.

Enfin, je souhaite aussi aborder la question des annulations de crédits décidées en début d'année 2024 et en particulier les 134 millions d'euros sur le budget de la police nationale. Pouvez-vous confirmer ou non qu'il y aura des conséquences sur l'organisation des Jeux olympiques et la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie ? Pouvez-vous nous dire quels sont les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité dans les territoires d'outre-mer, notamment à Mayotte et en Guyane ?

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Dominique Faure, ministre

Le paiement des heures supplémentaires sera réalisé en fin d'année 2024. Après les violences urbaines, l'entièreté des engagements du ministre de l'intérieur a été tenue concernant les équipements des forces de sécurité intérieure. Par ailleurs, les crédits concernant les Jeux olympiques ne seront pas annulés. Des travaux sont en cours pour essayer de concilier les priorités que je vous ai citées. Ces annulations de crédits sont absolument nécessaires à la lumière des 3 000 milliards d'euros de dettes et des 40 milliards d'euros de frais financiers liés à la dette chaque année.

De nombreux renforts sont déployés à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. En Nouvelle-Calédonie, 3 000 forces de sécurité intérieure ont été envoyées. Le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et le Raid sont déjà partis depuis maintenant plusieurs jours sur ce territoire pour accompagner nos forces de sécurité intérieure présentes sur le terrain.

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En 2023, les moyens et intérêts de la sécurité civile ont été de nouveau fortement sollicités, de même que les crédits du programme Sécurité civile. Je pense notamment à la campagne estivale de lutte contre les feux de forêt qui a débuté très tôt, dès le mois d'avril, dans les Pyrénées-Orientales, mais aussi aux nombreuses interventions des formations militaires de la sécurité civile (Formisc) en métropole comme sur des terrains de très fortes inondations par exemple, et en outre-mer, à Mayotte, dans le cadre d'une mission de production d'eau potable, ainsi qu'à l'étranger.

Je tiens à rappeler ici que les crédits du programme dont je suis le rapporteur ne représentent qu'une petite part des dépenses de sécurité civile, essentiellement dédiée aux moyens terrestres et aériens de la sécurité civile. La majorité de ces dépenses est portée par les Sdis, dont le nombre d'interventions ne cesse de progresser et pour lesquels la pression opérationnelle est de plus en plus forte.

S'agissant de l'exécution budgétaire pour l'année 2023, trois faits marquants doivent être distingués. Il s'agit d'abord du report de certains investissements en 2024. Cela est notamment le cas pour l'acquisition de nouveaux avions bombardiers d'eau. Ce retard pris dans le renouvellement de notre flotte d'aéronefs conduit déjà la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) à recourir à la location pour un montant avoisinant 30 millions d'euros. Madame la ministre, ne serait-il pas judicieux d'acheter en propre des hélicoptères lourds bombardiers d'eau ou d'explorer des pistes pour aménager certains avions militaires déjà en notre possession, pour leur permettre de larguer du produit retardant ?

Le deuxième fait marquant concerne une hausse des dépenses contraintes. Les dépenses d'intervention augmentent par exemple année après année du fait de la plus grande fréquence et de l'intensité des événements climatiques extrêmes. J'en profite pour vous interroger sur le modèle de financement de nos Sdis qui, eux aussi, subissent cette hausse des dépenses. Allez-vous engager une réforme lors du prochain projet de loi de finances ? Par ailleurs, l'inflation grève encore un peu plus le budget alloué à la sécurité civile, notamment à travers la hausse des prix des carburants.

Ensuite, nous constatons une nette dégradation des indicateurs relatifs à la disponibilité des moyens aériens. Le rapport annuel de performance évoque « des mises en veille techniques de base tout au long de l'année et l'appui des forces aériennes de gendarmerie pour effectuer par subsidiarité certaines missions sur deux bases au mois d'août ». Madame la ministre, allez-vous suivre ou avez-vous suivi les recommandations de la Cour des comptes de ne pas prendre en charge les défaillances du prestataire de maintien en condition opérationnelle des hélicoptères de la sécurité civile et travaillez-vous à un changement de prestataire ?

La solution Nexis 18-112 a été déployée, il me semble, dans le Centre d'incendie et de secours (CIS) de Corse du Sud. D'autres déploiements sont-ils prévus cette année et quels sont les retours des Sdis ? Avez-vous travaillé à l'inclusion par Nexis d'un suivi opérationnel de chaque sapeur-pompier, ce qui permettrait de connaître l'exposition au risque de ces derniers ?

Enfin, jeudi dernier, des milliers de sapeurs-pompiers venus de toute la France ont manifesté à Paris. L'État va-t-il s'engager pour mieux protéger leur santé et nos sapeurs-pompiers vont-ils bénéficier de mesures compensatoires liées à leur engagement pour les Jeux olympiques et paralympiques ?

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Dominique Faure, ministre

La flotte actuelle de bombardiers d'eau est de vingt avions, dont douze Canadair et huit Dash. Nous avons également commandé quarante hélicoptères à Airbus et un marché pluriannuel a été passé pour disposer de dix hélicoptères bombardiers d'eau de juin à septembre. Nous continuons à travailler sur des pistes nouvelles et sur des dispositifs les plus efficaces et les plus flexibles au regard du changement climatique.

Ensuite, nous avons reçu, avec Gérald Darmanin, le président Sauvadet et quatre de ses vice-présidents, particulièrement impliqués sur le sujet des finances des départements et des Sdis. Ensemble, nous avons décidé de lancer le Beauvau de la sécurité civile, qui se déroulera durant toute l'année. Je vous invite évidemment à vous joindre à tous les députés intéressés à ces différentes étapes.

Vous m'avez également interrogée sur l'impact de l'inflation sur le budget des départements et des Sdis. L'inflation devrait s'établir autour de 2,2 % en 2024, quand elle était supérieure à 5 % en 2023. Nous prenons en compte cette inflation et avons identifié environ quatorze départements dont la santé financière est fragile et sur lesquels nous agissons avec un fonds de sauvegarde.

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Madame la ministre, nous avons compris que le ministère de l'intérieur sera peu ou pas concerné par des annulations de crédits sur les 10 milliards d'euros d'économies annoncés. La Cour des comptes rappelle que les dépenses de personnel connaissent une forte hausse depuis 2017. Elle s'explique notamment par l'augmentation des effectifs, avec 13 724 recrutements supplémentaires dans la police et la gendarmerie entre 2017 et 2023. Cependant, différents exemples montrent que chaque département n'est pas loti de la même manière. Par exemple, la Seine-Saint-Denis est sous-dotée en effectifs de police judiciaire, avec un effectif réel de 120 fonctionnaires contre 129 en 2021. Pouvez-vous évoquer ces inégalités territoriales ?

Ensuite, nous nous dirigeons vers les Jeux olympiques les plus sécuritaires de l'histoire, ce qui ne correspond pas forcément aux Jeux olympiques populaires qui avaient été évoqués. Des contrôles administratifs seront notamment décidés sans intervention de la justice, à partir de fichiers extrêmement importants, particulièrement en vue de la cérémonie d'ouverture, ce qui interroge sur la proportionnalité des moyens déployés. Une cérémonie dans un stade aurait été à ce titre plus raisonnable. Quel sera le coût supplémentaire occasionné par la mobilisation des policiers et des gendarmes pour ces Jeux olympiques ?

Enfin, les opérations « Place nette » XXL ont fait l'objet d'une communication importante. J'ai écrit au ministre de l'intérieur, sans qu'il m'ait répondu pour le moment, afin de connaître les moyens budgétaires consacrés à ces opérations. Avez-vous des éléments à me communiquer à ce sujet ?

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Dominique Faure, ministre

Nous avons connu 577 millions d'euros d'annulations de crédits en 2024. Le ministère de l'intérieur et des outre-mer (Miom) a ainsi contribué largement à l'effort de redressement des finances publiques.

Ensuite, vous avez pointé un sentiment d'iniquité territoriale, notamment concernant la Seine-Saint-Denis. Sachez que le ministre, son cabinet et son administration ont conduit un travail d'analyse territoriale avant de décider de la répartition de ces brigades de gendarmerie.

Vous considérez par ailleurs que les Jeux olympiques et paralympiques seront les plus sécuritaires de l'histoire. Il est de notre responsabilité de sécuriser cet événement planétaire, cette immense fête populaire, dans le respect du droit. Par ailleurs, 200 millions d'euros ont été budgétés pour ces Jeux et je ne peux pas vous indiquer leur surcoût, puisque nous ne disposons pas actuellement de chiffres actualisés.

Enfin, je n'ai pas d'éléments particuliers à vous communiquer concernant les opérations « Place nette » XXL. Le ministre vous répondra ultérieurement sur les coûts afférents.

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Madame la ministre, avec Stella Dupont, nous rapportons les crédits de la mission Immigration, asile et intégration. Ma première question concerne le programme 104, et notamment son action 12, avec le déploiement du programme Agir. La montée en puissance du déploiement du programme n'est pas à la hauteur de ce que nous avions escompté budgétairement. Nous souhaiterions en connaître les motifs. Existe-t-il des difficultés en lien avec les opérateurs et les associations qui sont censées en assurer le déploiement ?

Ma deuxième question a trait au financement de la protection des déplacés d'Ukraine au travers de la protection temporaire. Nous réitérons notre demande d'une budgétisation initiale du coût pour la mission, à la fois des dépenses d'hébergement et d'allocation pour les demandeurs d'asile, tout en saluant le fait que le Gouvernement a choisi en fin d'année, de financer et d'abonder la mission à la hauteur des crédits nécessaires. Je précise d'ailleurs que les crédits liés à l'allocation pour demandeur d'asile sont inférieurs à ceux que nous attendions, compte tenu du ralentissement des délais de traitement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Nous y voyons les prémices des bénéfices que nous apportera la loi immigration en la matière.

Enfin, le dernier point concerne la rénovation des centres de rétention administrative (CRA). Nous observons en effet une sous-exécution de 35 millions d'euros des crédits qui figurent sur le programme 303, et notamment sur l'action 3. Selon la réponse du ministère, cette sous-exécution est imputable à la programmation pluriannuelle de ces investissements et à leur mise en œuvre complexe. Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, la nature de ces difficultés ? Sont-elles liées à l'implantation territoriale des locaux et des centres de rétention administrative ? Existe-t-il des difficultés concernant l'acquisition du foncier, des difficultés qui relèvent de l'acceptabilité en matière de politique publique pour ces projets locaux ?

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Dominique Faure, ministre

La sous-exécution du programme 104 provient essentiellement du rythme de déploiement du programme Agir ; la consommation de CP a progressé moins rapidement que celle des AE. Les marchés subséquents conclus dans les régions et départements prévoient des versements échelonnés des CP.

Le coût total de la mission pour les bénéficiaires de la protection temporaire Ukraine s'est élevé à près de 330 millions d'euros sur les deux programmes. Il n'y a pas eu de budgétisation temporaire, le remboursement interministériel intervient en fin d'année.

Les dépenses d'immobilier des CRA sont tributaires de l'avancement des travaux. Vous avez raison d'évoquer l'absolue nécessité de cette rénovation et la sous-exécution actuelle. La cible de 3 000 places à échéance de 2027 est en train d'être mise en œuvre. Enfin, des retards dans l'exécution des chantiers expliquent parfois la sous-exécution de ces crédits.

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Je souhaite d'abord me féliciter de l'augmentation de la dotation budgétaire pour les missions de sécurité, qui répondent à une priorité essentielle pour nos concitoyens.

Je souhaite vous interroger sur le dispositif de système d'entrée et de sortie aux frontières de l'Union européenne (UE), lancé en 2020. Il devait entrer en vigueur en octobre 2022, mais a été repoussé à octobre 2024. Il crée une inquiétude considérable aux frontières, notamment à la frontière entre le Royaume-Uni et la France, puisque les flux de passagers sont très importants et qu'aujourd'hui, les postes frontières ne sont absolument pas en mesure d'absorber les dispositifs supplémentaires qui seront ajoutés pour la mise en œuvre de ce nouveau règlement européen.

Cette mise en œuvre est-elle toujours fixée à octobre 2024 ? Envisagez-vous de la repousser ? Pouvez-vous nous dresser un tableau plus complet des crédits alloués à cette mise en œuvre, notamment concernant les agents supplémentaires de la police aux frontières qui seront nécessaires ? Troisièmement, la mise en œuvre a-t-elle été affectée par les annulations de crédits ? Enfin, des financements de l'Union européenne viennent-ils aider la mise en œuvre de ce dispositif à cette frontière, qui est tout à fait particulière en raison de la densité du trafic entre l'Union et un pays tiers ?

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Dominique Faure, ministre

Ce système des entrées/sorties (EES) consiste en un renforcement des vérifications aux frontières de l'Union européenne. Dès son entrée en service, les ressortissants de pays tiers qui rentrent dans l'espace Schengen en court séjour devront systématiquement enregistrer leur biométrie faciale et digitale lors de leur passage à la frontière. Ce système est issu d'un règlement européen adopté en 2017, fortement soutenu par la France. Il permettra de mieux lutter contre l'immigration irrégulière en ayant une meilleure connaissance de la population étrangère présente sur notre sol.

Après plusieurs reports successifs pour raisons techniques, je peux vous confirmer que la date de mise en œuvre est toujours fixée à l'automne 2024, sans toutefois que le jour exact ne soit définitivement arrêté.

En matière budgétaire, les services du ministère se préparent depuis de nombreuses années à l'entrée en service des EES, selon deux axes principaux : le renforcement des effectifs de la police aux frontières (Paf) et des investissements dans les systèmes informatiques.

La direction générale de la police nationale (DGPN) prévoit un renforcement des effectifs de la police aux frontières (Paf) à hauteur de 462 ETP sur le programme 176 pour la mise en œuvre de ces EES.

La délégation à la transformation numérique (DTNum) investit dans des kiosques de préenregistrement, le Miom finance l'investissement (28 millions d'euros depuis 2020, dont 8 millions d'euros d'AE en 2023) sur le programme 176. Les gestionnaires d'infrastructures Aéroports de Paris et Eurostar en payent le fonctionnement. Les fonds européens financeront ces investissements technologiques à hauteur de 75 %. Les annulations de crédits n'impacteront donc pas ces dépenses.

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Les chiffres présentés ne sont qu'une infime partie du coût de l'immigration pour nos finances publiques. Le parent pauvre de votre politique semble malheureusement être la lutte contre l'immigration irrégulière, puisqu'à peine 178 millions d'euros ont été exécutés.

En matière de sécurité civile, nous ne voyons ici qu'une partie du problème, puisque la question essentielle concerne le financement des Sdis, ainsi que le statut des pompiers volontaires remis en cause par l'Union européenne. Votre Gouvernement saura-t-il le défendre ? Nous déplorons cependant le retard important dans la fourniture des moyens aériens.

Ensuite, l'augmentation des crédits en direction de la sécurité ne suffit pas. Il manque une vraie doctrine de sécurité avec une réponse pénale. À défaut, nous continuerons à voir l'insécurité exploser, comme nous le constatons, hélas, tous les jours. Nous nous inquiétons en outre de la consommation des crédits immobiliers, alors que nos policiers et gendarmes travaillent et parfois vivent dans des conditions dégradées, voire indignes. Le Gouvernement est-il bien conscient de cette situation ?

Nous déplorons aussi – alors que les chiffres montrent que la traque des automobilistes se poursuit avec certains radars dont l'utilité apparaît uniquement financière – que les contributions aux collectivités locales pour l'amélioration de la sécurité routière représentent en 2024 à peine la moitié de ce qu'elles auraient dû être.

S'agissant de l'administration générale et territoriale de l'État, nous observons le même problème de gestion immobilière, avec des sous-consommations importantes malgré des besoins criants. Concernant les moyens humains, quand allez-vous mener une véritable réflexion sur la place trop importante de certaines agences et la possibilité de les ramener dans le giron de l'action territoriale de l'État ?

Enfin, nous pouvons nous inquiéter de la hausse de deux contentieux : d'une part, le contentieux des étrangers, qui illustre la nécessité de revoir et de simplifier le droit en la matière ; et d'autre part le contentieux en indemnisation pour le refus du concours de la force publique. Comptez-vous limiter les refus des préfets de procéder à l'exécution des jugements, qui posent un vrai souci en termes d'État de droit et sont mal vécus par les victimes de ces délits ?

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Dominique Faure, ministre

Vos propos me paraissent excessifs. Nous avons voté une loi pour lutter contre l'immigration irrégulière ; nous construisons plus de places en CRA. L'immobilier constitue une priorité : les sous-consommations s'expliquent par la vie des programmes, des décalages et des indisponibilités de nos entrepreneurs. Par ailleurs, j'ai préalablement annoncé la commande de quarante bombardiers. Je pense que vous avez tous les éléments pour au contraire considérer que nous sécurisons, avec le ministre de l'intérieur, nos concitoyens.

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Nos sapeurs-pompiers recevront-ils une prime en lien avec les Jeux olympiques, comme c'est le cas à l'heure actuelle pour les forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police ou la gendarmerie ? En effet, ils seront tout autant mobilisés que ces dernières pour assurer le bon déroulement des Jeux olympiques.

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Dominique Faure, ministre

Nous avons lancé le Beauvau de la sécurité pour traiter un certain nombre de sujets, dont celui-ci. Il est urgent, évidemment, d'y répondre. Je suis personnellement, avec le ministre de l'intérieur, en contact avec nos syndicats de pompiers. Le travail est en cours et nous ne manquerons pas de vous informer lorsque la décision sera prise.

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L'action 2, « Garantie du droit d'asile », du programme Immigration et asile de la mission Immigration, asile et intégration nous permet d'évaluer le coût de l'accueil des demandeurs d'asile, et notamment des déplacés ukrainiens. Il représenterait 25 % du montant du budget en termes de CP, avec un montant qui s'établirait à plus de 320 millions d'euros, ce qui est considérable. À quel rythme aujourd'hui assiste-t-on au retour dans leur pays des Ukrainiens ou à l'arrivée de nouveaux Ukrainiens ? Est-il envisagé que ces crédits puissent baisser ?

Par ailleurs, nous observons une évolution positive des crédits qui concernent la lutte contre l'immigration irrégulière, notamment avec une amélioration des délais de l'Ofpra. Comment ces délais ont-ils pu baisser et existe-t-il encore des marges restantes ?

Troisièmement, la sous-exécution des crédits de l'action 3, « Lutte contre l'immigration irrégulière », est préoccupante. La Cour des comptes relève que cette sous-exécution serait imputable à la difficile programmation pluriannuelle de ces investissements et à leur mise en œuvre complexe, avec des contraintes liées aux études préalables ou à la passation de marchés. Depuis sept ans, ces projets sont annoncés et les retards constatés sont de moins en moins acceptables, compte tenu du nombre de personnes qui se retrouvent en dehors du giron de l'État et qui finissent par s'installer dans la clandestinité pendant une bonne dizaine d'années, jusqu'à ce qu'ils soient obligés de régulariser leur situation. Quelle est l'avancée des travaux dans ce domaine ?

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Dominique Faure, ministre

Pour ma part, j'ai envie de demander comment nous pouvons aller encore plus loin, pour faire en sorte que cette guerre cesse grâce à la victoire de l'Ukraine. Pour répondre à votre question, le flux des Ukrainiens évolue, mais le stock demeure.

Ensuite, vous nous interrogez sur la sous-exécution du programme de lutte contre l'immigration irrégulière. La loi immigration permet d'accélérer le dispositif, grâce à des moyens complémentaires. Cette loi a été votée récemment, en décembre 2023, mais elle vise véritablement à accélérer le dispositif et son efficacité pour lutter contre cette sous-exécution que vous avez constatée.

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Je voudrais vous interroger sur des programmes qui nous paraissent essentiels pour assurer la sécurité des populations et la vie démocratique de notre pays. Selon les observations qui ont pu être effectuées et à quelques exceptions près, les engagements stratégiques correspondent bien à la mise en œuvre de la première année de la Lopmi, ce qui traduit aussi une bonne qualité de gestion budgétaire.

Je m'attache plus particulièrement aux programmes 354, 161 et 232, à la lumière de mon expérience d'élu local. Tout d'abord, je me réjouis de voir que les moyens humains des préfectures sont confortés ; notre Assemblée devra y être particulièrement vigilante.

Le programme pour la sécurité civile sur la lutte contre les feux de forêt peut susciter plusieurs interrogations. La forêt représente un véritable poumon vert qu'il nous faut savoir préserver, mais il faut aussi travailler dans le temps long et s'appuyer sur des expériences acquises. La question de la qualité des indicateurs de performance doit ainsi être soulignée à juste titre. Il faut maintenir des moyens aériens de lutte contre les incendies. Nous attendons avec impatience le déploiement du système de coordination des moyens d'incendie et de secours, condition nécessaire à la mise en œuvre de la loi incendie que nous avions votée. Auriez-vous des précisions à nous apporter sur ce point ?

S'agissant du programme 232, je m'interroge sur la réforme en profondeur de la diffusion de la propagande électorale appelée par le rapporteur. À titre personnel, je suis assez réservé : ce sujet de fond ne se limite pas au seul impact environnemental des documents.

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Dominique Faure, ministre

J'ai déjà indiqué à quel point nous sommes attachés à déployer des moyens humains dans les préfectures. Le ministre et moi-même sommes déterminés et je veux simplement rappeler que nous avons créé voire réouvert de nouvelles sous-préfectures.

S'agissant de la lutte contre les feux de forêt, j'ai rencontré hier l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) pour voir comment, en complément de tous les services que nous rend Météo France, nous pourrions encore mieux prévoir ces événements, en prenant en compte un plus grand nombre d'indicateurs sur la sécheresse des sols, l'état des nappes, la densité et les essences de nos forêts, certaines étant plus inflammables que d'autres.

S'agissant de la propagande électorale, je peux simplement vous dire que le ministre et moi-même émettons a priori un avis défavorable.

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Je souhaite revenir plus particulièrement sur les moyens alloués aux forces de sécurité intérieure. Plusieurs faits d'actualité, mais aussi des événements divers organisés sur le territoire, ont mobilisé nos forces de l'ordre. Encore une fois, en 2023, dans des conditions plus ou moins difficiles, nos gendarmes et nos policiers ont permis d'assurer la sécurité de nos concitoyens et ont garanti la sûreté publique au quotidien.

Dans le cadre de son examen des programmes 152 Gendarmerie nationale et 176 Police nationale, la rapporteure spéciale a relevé avec satisfaction la bonne exécution budgétaire de la mission, notamment grâce à la croissance des crédits prévus par la Lopmi. La hausse des crédits de la mission est particulièrement liée au plan ambitieux de création d'emplois et aux revalorisations salariales issues du Beauvau de la sécurité.

Durant l'année 2023, les crédits exécutés des programmes de la gendarmerie nationale et de la police nationale ont tous deux connu une progression par rapport à 2022 et les dépenses de personnel constituent le premier poste de dépenses des deux programmes. Il s'agit évidemment d'une bonne nouvelle, car cela conditionne les conditions d'embauche et de rémunération des femmes et des hommes qui nous protègent au quotidien.

Pour nos compatriotes, la traduction concrète de ces chiffres porte aussi sur le renforcement des effectifs de police dans nos territoires, la revalorisation des rémunérations ou encore la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. En ce qui concerne les crédits hors dépenses de personnel, les deux programmes présentent là aussi une progression de crédits exécutés en 2023 par rapport à 2022. Ces chiffres répondent à certaines nécessités, tout en étant confrontés au contexte d'inflation. Madame la ministre, quelle analyse le Gouvernement mène-t-il au sujet de ces résultats budgétaires ? D'autres investissements budgétaires sont-ils prévus pour continuer à soutenir nos forces de l'ordre ?

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Dominique Faure, ministre

Vous soulignez effectivement les hausses de crédits qui ont permis de revaloriser les salaires de nos gendarmes et de nos policiers, de créer des emplois et ces 200 nouvelles brigades en cours de déploiement. En 2024, nous disposons des montants votés dans la loi de finances, dont les 200 millions d'euros dévolus aux Jop. Lorsque ceux-ci seront consommés, les budgets seront réajustés.

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La note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes sur les crédits 2023 de la mission Sécurités met en évidence la croissance des crédits de personnel et un appareil de formation de ces mêmes personnels « sous tension ».

S'agissant du recrutement, le schéma d'emplois a été atteint. Comment les moyens en personnels, comment sont-ils répartis entre territoires, selon quels critères, avec quels outils de gestion et selon quels indicateurs, démographiques ou relatifs à la délinquance ?Enfin, lors de la mandature précédente, à l'occasion d'une commission d'enquête, les députés avaient été surpris de constater que l'affectation des moyens répondait à des critères variables.

Nous constatons une hausse significative des départs définitifs ou temporaires des fonctionnaires de gendarmerie et de police. Dans la police, le recrutement de contractuels administratifs a permis de libérer des postes actifs de terrain. Ces départs et les recrutements à venir supposent que la formation soit correctement assurée. Quelles mesures le ministère de l'intérieur a-t-il prises ou entend-il prendre pour garantir un niveau de formation suffisant et adapté aux différents enjeux de la présence des forces de sécurité, notamment en matière d'entraînement, de formation aux interventions et d'utilisation des armes ? Comment les crédits affectés à ces dépenses vont-ils évoluer ?

Enfin, sous le contrôle du président de la commission, je suggère que vous puissiez adresser aux députés une note circonstanciée à l'appui de votre propos. Elle permettra que l'évaluation fasse l'objet d'un suivi constructif.

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Dominique Faure, ministre

Je réponds d'ores et déjà positivement à cette demande de note circonstanciée. Je demanderai au cabinet du ministre de vous la faire parvenir.

Vous nous demandez également des détails sur la répartition territoriale des effectifs. La délinquance fait naturellement partie des différents critères que nous prenons en compte. Une fois les besoins analysés, nous regardons spécifiquement dans chaque département comment la complémentarité entre gendarmerie et police s'opère.

Enfin, je vous indique que les formations ont été renforcées dans trois domaines : la déontologie, le suivi psychologique et l'utilisation des armes.

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En 1998, le droit de timbre a été supprimé pour la délivrance des cartes nationales d'identité, mais a été maintenu pour les passeports. Lorsque cette délivrance a été déléguée aux communes volontaires, ces dernières ont été indemnisées, mais de manière insuffisante, avant de connaître une revalorisation. J'avais lancé pour ma part l'idée du rétablissement d'un droit de timbre pour les CNI, afin d'améliorer la rémunération de ces communes volontaires. M. Darmanin n'y semblait pas trop favorable à l'époque. La position du Gouvernement a-t-elle évolué ?

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Dominique Faure, ministre

Au printemps 2023, j'ai obtenu de la Première ministre une augmentation significative de 70 à 100 millions d'euros pour la dotation aux collectivités locales, compte tenu du nombre de demandes de titres qu'elles devaient gérer. Ce montant semble suffisant comme j'ai pu le constater lors de mes visites sur le terrain. L'État finance en moyenne à hauteur de 70 % le poste d'accueil en mairie de la personne qui reçoit les demandeurs.

Je prends note de votre demande, mais vous avez compris que notre Gouvernement ne souhaite pas augmenter la fiscalité, afin de favoriser le pouvoir d'achat de nos concitoyens, malgré les difficultés financières qui sont les nôtres.

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Le ministre de l'intérieur affiche l'objectif d'un accroissement des forces de l'ordre sur la voie publique. Cependant, je constate que le nombre d'heures de la police nationale sur la voie publique a chuté en 2023 par rapport à 2021 et qu'il est stable par rapport à 2022. Il semble y avoir un problème de cohérence, d'autant plus que le nombre d'heures totales a progressé et que le temps consacré à l'enquête a également diminué, passant de 80 % à 75 %. J'ajoute que depuis la loi sécurité globale, la Lopmi a accordé une attention particulière à la vidéosurveillance, renforcée depuis dans sa composante algorithmique. Où en sommes-nous ?

Les pompiers ont connu une de leur plus grosse mobilisation jeudi dernier, car ils n'en peuvent plus d'être délaissés par leur ministère. Ils demandent notamment, à juste titre, une augmentation des moyens, par exemple pour la prévention face aux produits toxiques auxquels ils sont particulièrement exposés. Madame la ministre, qu'en est-il des budgets pour financer la prévention, mais aussi les moyens humains et matériels nécessaires ?

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Dominique Faure, ministre

Vous regrettez la baisse du nombre d'heures de nos policiers et nos gendarmes, sur la voie publique. La réforme que nous conduisons vise justement à renforcer notre capacité de redéploiement des policiers. Ensuite, vous me semblez opposer la vidéosurveillance et le redéploiement des policiers, mais nous avons besoin des deux.

Le ministre comme moi-même sommes extrêmement attachés à cette présence sur la voie publique et il ne vous a pas échappé que nous avons lancé un Beauvau des polices municipales pour favoriser ce continuum de sécurité. Nous continuons également à travailler avec nos policiers et nos gendarmes, afin que les images issues de caméras de vidéoprotection soient de plus en plus utiles à nos policiers et à nos gendarmes.

J'ai déjà répondu à l'un de vos collègues au sujet des pompiers. Nous ne les oublions pas et je les ai reçus avec le ministre de l'intérieur. Nous avons lancé le Beauvau de la sécurité civile et je pense qu'ils obtiendront dans ce cadre des réponses à leurs questions.

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Madame la ministre, vous avez indiqué précédemment que le nombre de places avait augmenté dans les CRA. Cependant, le taux d'éloignement dans les centres de rétention administrative est de 35 % en 2023 : deux tiers des étrangers enfermés en CRA pour être expulsés sont en réalité relâchés et se maintiennent donc sur le territoire. En connaissez-vous les raisons ? Est-ce lié à la durée légale maximale de rétention, de quatre-vingt-dix jours, qui arrive à expiration et qui n'est donc pas suffisante ? Est-ce lié à une absence de laissez-passer consulaires ou aux recours exercés ?

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Dominique Faure, ministre

Le traitement de ces dossiers est plus ou moins long en fonction des nationalités concernées. Le ministre de l'intérieur et les préfectures travaillent intensément pour essayer d'être le plus pertinent possible dans ces reconduites à la frontière.

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La France dispose de 200 000 pompiers, ces héros du quotidien présents à tout moment et dont 90 % sont des pompiers volontaires : en plus du travail qu'ils accomplissent chaque jour, ils se donnent davantage pour le pays et pour nos concitoyens. Ils attendent donc légitimement d'être reconnus. La réforme des retraites votée comportait une disposition leur permettant d'obtenir des trimestres de retraite supplémentaires quand ils ont effectué dix années de volontariat. Malheureusement, le décret n'est toujours pas appliqué. Quand cette reconnaissance concrète et matérielle sera-t-elle instituée ?

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Dominique Faure, ministre

Comme je l'ai indiqué précédemment, ce sujet nous préoccupe particulièrement. Le Beauvau de la sécurité civile permettra d'apporter rapidement des réponses sur le sujet des retraites, qui me tient à cœur.

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Ma question concerne les délais de délivrance des titres de séjour pour les étrangers. Charles de Courson a déjà souligné la faiblesse des moyens humains opérationnels en préfecture, en particulier pour les services des résidents étrangers. La Cour des comptes, qui préconise toujours pourtant la réduction des dépenses publiques, a souligné dans son rapport de novembre 2023 l'insuffisance des moyens affectés à la délivrance des titres des étrangers et a pointé les limites du numérique pour améliorer la productivité et les délais en la matière. Enfin, la Cour a souligné le recours de plus en plus fréquent à des contractuels de courte durée pour des missions permanentes, ce qui dégrade encore un peu le service. En conséquence, les délais peuvent atteindre plusieurs années pour des dossiers qui réunissent pourtant tous les critères de régularisation. Cette situation n'est pas acceptable. Quand les moyens affectés à la délivrance des titres de séjour seront-ils enfin renforcés ?

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Dominique Faure, ministre

Notre objectif consiste à réduire les délais et nous y travaillons. Une augmentation des effectifs est prévue en 2024 pour les services étrangers ; c'était d'ailleurs déjà le cas en 2023.

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Des annonces effectuées récemment sur un allègement des moyens de lutte contre l'incendie ont soulevé une légitime inquiétude en Corse, où nous connaissons un milieu fragile encore affaibli par l'évolution climatique. J'ai eu l'occasion d'attirer à plusieurs reprises l'attention du Gouvernement sur la nécessité de ne pas toucher aux moyens de lutte et le ministre a tenu sa promesse pour 2023. J'avais par ailleurs souligné la nécessité d'installer une base de Canadair à Bastia dans le cadre d'une politique d'amplification des moyens aériens définie par le Président de la République. L'emplacement de l'aéroport de Bastia est idéal en Méditerranée et le ministre de l'intérieur avait lui-même souligné que la Corse pouvait constituer une sorte de porte-avions avancé pour mener des opérations de sécurité civile en Méditerranée.

Je réitère donc ma demande, visant à ne pas affaiblir les moyens indispensables à la préservation du milieu naturel en Corse ; et à installer une base à vocation méditerranéenne.

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Dominique Faure, ministre

Nous consacrons beaucoup d'efforts à la base de Libourne et nous avons déjà commencé à recruter des Formisc. Une base permanente n'est pas prévue à ce jour en Corse, mais je m'engage à faire remonter votre propos au ministre de l'intérieur. Je rappelle enfin que nous renforçons de manière significative les moyens aériens.

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Ma question porte sur l'action 12, « Intégration des étrangers primoarrivants », du programme Intégration et accès à la nationalité française de la mission Immigration, asile et intégration et notamment sur le programme Agir. Des interrogations subsistent concernant le déploiement de ce futur programme, compte tenu du décalage de calendrier et des difficultés d'exécution financière dans certains départements. Pouvez-vous nous en dire plus ?

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Dominique Faure, ministre

Votre question est pertinente et j'en prends note. Nous vous tiendrons informé et vous répondrons par courriel ou par téléphone.

Enfin la commission procède à la discussion sur la thématique d'évaluation Le fonds interministériel de prévention de la délinquance (M. Charles de Courson, rapporteur spécial).

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Le rapporteur spécial, M. de Courson, s'est penché sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance.

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Pour cette édition 2024 du printemps de l'évaluation, j'ai choisi d'exercer mes pouvoirs de rapporteur spécial sur les crédits destinés au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Lors de l'examen du PLF à l'automne dernier, je m'étais engagé devant vous à procéder à l'évaluation de ce fonds. En effet, une partie importante des amendements sur la mission AGTE portait sur le FIPD.

Par ailleurs, ce fonds a été négativement mis en lumière l'année passée avec l'affaire dite du fonds Marianne. Au-delà des responsabilités individuelles dans l'attribution indue de subventions dans le cadre de cet appel à projets, j'ai voulu savoir si nous avions affaire à des défaillances isolées ou bien à des dysfonctionnements récurrents quant à la gestion du FIPD. Avant de vous présenter l'état de mes investigations à l'heure actuelle – car il s'agit d'un contrôle que je souhaite continuer à approfondir en allant dans trois départements –, je souhaiterais d'abord vous présenter le fonctionnement du FIPD et ce qu'il représente dans le budget du ministère de l'intérieur.

Le FIPD est une création de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Initialement, il était géré par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé). Après la disparition de cet établissement public, les crédits du FIPD ont été directement rattachés au ministère de l'intérieur en 2016 et ils figurent depuis dans le programme 216, Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur. Depuis la même année, le fonds s'est vu confier le financement d'actions de prévention de la radicalisation, dans le contexte de la série d'attentats contre notre pays en 2015. En 2023, plus de 83 millions d'euros de dépenses ont été engagés et les crédits oscillent entre 65 millions d'euros et 75 millions d'euros chaque année.

La gestion du FIPD est très déconcentrée, puisque 90 % des crédits sont consommés, au niveau départemental, par les préfets. Au niveau national, un comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) en fixe les orientations d'utilisation. Présidé par le Premier ministre, il réunit la majorité des ministres. À la suite de l'affaire du fonds Marianne et des conclusions tirées par l'Inspection générale de l'administration (IGA), aucun appel à projets national n'est actuellement piloté par le CIPDR. Les crédits qui sont aujourd'hui consommés au niveau central ne servent qu'à abonder des projets déjà sélectionnés au niveau local. En 2023, il s'agissait par exemple de la sécurisation des différents sites des Jeux olympiques, notamment en Seine-Saint-Denis, ou encore du plan « Marseille en grand ».

Concrètement, les dépenses du FIPD prennent la forme de subventions attribuées à des collectivités territoriales, mais aussi à des associations. Conformément aux orientations prises par le CIPDR, les subventions du FIPD entendent répondre à quatre objectifs, improprement appelés « programmes » par le ministère de l'intérieur.

Si l'on considère le montant des dépenses engagées, le plus important est le programme « D » de prévention de la délinquance, qui représentait 35 millions d'euros en 2023. Ces subventions permettent le financement d'actions en faveur des jeunes par la prévention de la récidive, la lutte contre le décrochage scolaire ou encore la promotion de la citoyenneté ; mais aussi des actions en faveur des victimes de violences intrafamiliales. Parmi les objectifs de ce programme, il faut également ajouter l'amélioration de la tranquillité publique par le biais de la médiation et du dialogue entre la police et la population ; et du financement de postes de coordonnateurs des plans locaux de prévention de la délinquance.

Ensuite, le programme « S » est dédié à la sécurisation, avec 33 millions d'euros de dépenses engagées en 2023. Il s'agit principalement du financement des équipements de vidéoprotection des communes, mais aussi d'aide pour l'achat de fournitures et de matériels pour les polices municipales, ou encore de subventions pour garantir la sécurité des lieux publics, notamment des établissements scolaires.

Le troisième programme, dit « R », concerne la prévention de la radicalisation, avec 10 millions d'euros en 2023. Il permet le financement des actions des référents locaux de contre-discours républicain, de soutien à l'insertion sociale ou encore à la parentalité. Enfin, le quatrième et dernier programme, avec moins de 6 millions d'euros, porte sur la sécurisation des sites exposés aux risques terroristes, par exemple des écoles confessionnelles, des églises, des synagogues.

Vous constaterez comme moi, mes chers collègues, que certaines actions financées par les crédits du FIPD n'ont qu'un lien ténu avec la lutte contre la délinquance et la radicalisation. Il est vrai que les objectifs assignés à ce fonds sont complexes à accomplir. Comment éviter que des infractions soient commises ? Comment empêcher une personne de se radicaliser et de commettre des attentats ? Force est de constater que l'absence de périmètre précis pour l'utilisation des crédits du FIPD ne peut que conduire à un foisonnement des actions subventionnées.

Dans mon département de la Marne, environ 240 000 euros de subventions ont été versés à des associations en 2022. Si plus de la moitié ont été attribués à une structure qui vient en aide aussi bien aux victimes qu'aux ex-détenus, nous y trouvons également des associations qui s'occupent de sports et de loisirs, de la représentation des familles, de l'égalité femmes - hommes, d'éducation civique, de l'accompagnement à la parentalité ou encore de la lutte contre l'exclusion sociale.

Je ne remets pas en cause la pertinence que peuvent avoir ces activités dans la prévention de la délinquance à moyen et long terme, mais cela illustre la confusion des objectifs poursuivis. De plus, comment mesurer l'effet de ces dépenses ? Il ressort de mes travaux que de nombreuses subventions sont reconduites quasi automatiquement. Les conventions qui régissent leurs versements sont très sommaires et ne comportent pas d'objectifs qualitatifs ou quantitatifs contraignants.

Plus largement, le FIPD ne fait l'objet d'aucun indicateur de performance dans les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances, ce qui ne permet pas au législateur de mesurer sa pertinence. Cette carence est d'autant plus problématique que les crédits du FIPD ont augmenté de plus de 20 % depuis 2016 ; et que la délinquance et la radicalisation n'ont guère régressé dans le même laps de temps. D'après les statistiques du ministère de l'intérieur, la quasi-totalité des indicateurs de la délinquance enregistrée étaient même en hausse en 2022.

Enfin, il faut avoir conscience de la faible importance du FIPD dans l'ensemble des politiques publiques qui entendent concourir à la prévention de la délinquance. D'après le document de politique transversale qui nous est communiqué au moment de l'examen du projet de loi de finances, le FIPD ne représente qu'à peine plus de 2 % des crédits destinés à cette politique publique, qui s'élèvent au total à plus de 3,7 milliards d'euros.

J'en tire la conclusion que le FIPD est finalement un instrument de politique sociale qui n'a pas sa pertinence parmi les crédits du ministère de l'intérieur pour ce qui concerne les associations. En ce qui concerne les collectivités territoriales et principalement les communes, il conviendrait, là encore, de s'interroger sur l'efficacité des équipements financés, comme la vidéoprotection, dans la prévention de la délinquance. Sans remettre en cause ces installations, on peut se demander si le FIPD était le vecteur opportun. Je précise d'ailleurs que les subventions pour la vidéoprotection ne relèveront plus du CIPDR et des crédits du FIPD au sens strict à compter de 2024.

La loi de finances distingue désormais des crédits destinés à l'équipement de caméras (à hauteur de 25 millions d'euros) du reste du FIPD, dont l'enveloppe est dès lors de 62 millions d'euros. Ces crédits seront pilotés par la direction des entreprises et partenariats de sécurité des armes (DEPSA), conformément à la Lopmi. Je suis donc d'avis de supprimer le FIPD, de le remplacer par une augmentation des dotations aux collectivités territoriales, et de transférer les crédits dont bénéficient des associations aux programmes des ministères susceptibles d'être concernés.

À défaut d'une disparition du FIPD, je préconise au moins de clarifier sa fonction et de resserrer le contrôle de ces crédits. Ces évolutions sont d'autant plus nécessaires que la création de la DEPSA et la séparation des dépenses d'intervention pour la vidéoprotection vont mécaniquement recentrer le FIPD sur les associations. Quitte à exister, le CIPDR ne devrait pas demeurer un organe inactif. Sa dernière réunion remonte à 2019 pour la détermination de la stratégie nationale de prévention de la délinquance. De même, alors qu'il est censé produire un rapport annuel au Parlement, il ne l'a plus fait depuis 2018.

De son côté, le secrétariat général du CIPDR devrait être doté d'un réel statut et son rôle de pilotage des crédits mieux assuré, comme le recommande d'ailleurs la Cour des comptes. Son rôle est d'autant plus important que la consommation des crédits est déconcentrée. Lui seul est ainsi à même de définir des priorités et d'assurer une certaine cohérence des pratiques sur l'ensemble du territoire national. Les débats lors de l'examen du futur projet de loi de finances nous permettront, à n'en pas douter, de revenir sur ce sujet.

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Dominique Faure, ministre

Monsieur le rapporteur, nous souscrivons à votre diagnostic et avons d'ores et déjà engagé les chantiers de transformation de la structure. Sur le plan opérationnel, le secrétaire général du CIPDR est chargé de l'élaboration de la future stratégie nationale de prévention de la délinquance avec les directeurs des administrations concernées. D'autre part, ce secrétaire général s'est vu confier l'élaboration d'une nouvelle feuille de route visant à actualiser le plan national de prévention de la radicalisation.

Dans ce cadre, les instances de travail interministérielles seront désormais régulièrement réunies. Sur le plan du fonctionnement, notre objectif consiste à doter la structure d'un véritable statut administratif, avec des missions clarifiées et une gestion efficiente de ses moyens. À cet égard, le secrétaire général du CIPDR (SG-CIPDR) a engagé une amélioration des processus internes en matière de marchés publics, d'attribution de subventions et de gestion des ressources humaines. Nous avons par ailleurs chargé l'Iga de conduire une mission relative à la gestion du fonds interministériel de prévention de la délinquance, dont l'objet sera de formuler toute recommandation relative au pilotage central du fonds quant à ses orientations nationales et à sa gestion budgétaire ; aux conséquences à tirer sur le plan de la gestion des crédits de la répartition des responsabilités entre les différents services centraux du ministère ; aux degrés et aux modalités de déconcentration du fonds.

Le découpage du FIPD a été récemment impacté par l'évolution de l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur, qui attribue, à compter du 1er janvier 2024, la gestion des crédits de vidéoprotection de voie publique à la nouvelle DEPSA créée par le décret n° 2023-582 du 5 juillet 2023. Ainsi, la responsabilité des objectifs du fonds est aujourd'hui partagée entre le SG-CIPDR et la DEPSA et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), au titre de la vidéoprotection des lieux de culte.

Les conclusions de ces différents missions et travaux sont attendues pour mi-juin. Elles nous permettront d'engager, avec le secrétaire général du ministère de l'intérieur et des outre-mer et le SG-CIPDR, la rénovation de ce fonds interministériel de prévention de la délinquance, tant pour préciser ses domaines d'intervention que pour améliorer sa gestion. Les objectifs du fonds seront conçus sur la base de la future stratégie nationale de prévention de la délinquance. Nous souhaitons enfin systématiser la pluriannualité des investissements avec des contrats pluriannuels d'objectifs permettant de donner de la visibilité sur trois ans.

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Je salue l'excellent rapport de Charles de Courson et doute avec lui de l'efficacité du FIPD dans la prévention de la délinquance. Je ne pense pas non plus qu'il constitue le vecteur approprié pour la vidéoprotection. J'estime enfin qu'il faut supprimer cette instance.

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Je remercie M. le rapporteur pour son travail très éclairant concernant un fonds qui pose en effet un certain nombre de questions. Les 76 millions d'euros en crédits de paiement sont-ils bien utilisés ? À notre sens, la partie concernant la vidéoprotection et la sécurisation de sites est indéniablement utile, comme j'ai pu le constater sur le terrain.

Il est possible d'être sceptique sur l'utilisation de certains fonds attribués aux associations, pour des opérations dont la pertinence et l'efficacité ne sont pas toujours prouvées. Le rapporteur suggère à juste titre d'établir a minima des objectifs quantitatifs et qualitatifs contraignants. Nous suivrons donc avec attention l'évolution prévue de ce fonds.

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Dominique Faure, ministre

Vous indiquez à quel point la vidéoprotection est précieuse, à la fois pour nos forces de sécurité intérieure et pour les collectivités locales. Nous y souscrivons, de même qu'à la fixation d'objectifs qualitatifs et quantitatifs, qui seront nécessaires, quand la stratégie aura été rédigée.

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Nous partageons les conclusions du rapporteur sur la confusion des objectifs poursuivis. Vous avez évoqué un contrat pluriannuel qui permettrait de suivre les fonds utilisés avec davantage de précision. Nous y sommes évidemment favorables, ainsi qu'à la mise en place d'indicateurs précis pour pouvoir cibler les fonds.

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Dominique Faure, ministre

Je vous remercie d'avoir souligné l'intérêt que vous portez au contrat pluriannuel et d'avoir relevé à quel point les indicateurs et leur suivi nous permettront de vérifier la fiabilité et l'efficacité de ces fonds à destination des associations.

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Le rapport indique que les missions du FIPD ont été étendues plusieurs fois sans évaluation de leur pertinence et que 90 % des crédits sont exécutés au niveau départemental. Envisagez-vous de revoir et de rationaliser les missions du FIPD pour recentrer ses actions sur des objectifs plus précis et mesurables ? Comment pouvez-vous garantir une meilleure efficacité et une meilleure coordination des interventions locales pour maximiser l'impact des fonds alloués ?

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Dominique Faure, ministre

Nous devons attendre mi-juin le rendu du travail que réalise actuellement l'Iga, mais aussi celui que le SG-CIPDR mène pour élaborer la nouvelle feuille de route visant à actualiser le plan national de prévention et de la radicalisation.

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D'après le service statistique ministériel de la sécurité intérieure, l'année 2022 a été marquée par une hausse de la délinquance. Afin d'éviter des actes plus graves, nous devons agir dès les premiers signes. La prévention de la délinquance est un réel enjeu de société et il semble donc pertinent de s'interroger sur le FIPD, fonds destiné à financer des actions de prévention de la délinquance. Par la suite, ses missions ont été élargies à la prévention de la radicalisation et à la prévention des dérives sectaires.

Entre 2016 et 2023, les moyens du FIPD ont connu une augmentation de plus de 20 %. L'évolution des dépenses du FIPD correspond une gestion déconcentrée, répartie en quatre objectifs : la prévention de la délinquance, la sécurisation, la prévention de la radicalisation et la sécurisation des sites sensibles.

Au cours des cinq dernières années, 90 % des crédits du fonds ont été exécutés au niveau départemental et la quasi-totalité des dépenses prennent la forme de subventions en direction des collectivités et des associations. Pour mesurer la pertinence et l'efficacité des actions mises en place, une évaluation plus précise et plus régulière semble essentielle.

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Dominique Faure, ministre

Cette plus grande évaluation constituera évidemment une composante importante de la stratégie nationale de la prévention de la délinquance. Ensuite, nous veillerons à ce que la composante départementale demeure toujours aussi importante.

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Je tiens vraiment à remercier notre rapporteur pour cet important travail, qui interroge de façon pratique et opérationnelle l'existence du fonds interministériel de prévention de la délinquance. Il pose, entre autres, la question de la gouvernance du fonds, de son périmètre et de ses actions. Il s'interroge sur l'efficacité de sa dépense et, plus fondamentalement, sur le sens de ce dispositif.

À l'instar d'autres dispositifs, je note que les actions menées à travers des crédits dédiés ne sont pas évaluées et que les indicateurs utiles ne sont pas connus ni explicités. Je suis assez favorable à un meilleur fléchage des crédits en leur donnant une réelle orientation, c'est-à-dire la prévention et non la sécurisation, une partie des crédits servant à la vidéoprotection.

Nous soutenons l'idée d'une réorientation claire en direction du tissu associatif à destination des jeunes, des victimes, des activités notamment sportives et culturelles, avec un encadrement de qualité. Je partage aussi l'avis de M. le rapporteur selon lequel l'administration doit mieux évaluer l'utilisation des fonds avec des indicateurs.

Il serait ainsi possible de suggérer des critères de qualification des encadrants, des critères de temps sur le terrain et des critères de fréquentation. Leur utilisation pourrait également être remise en perspective avec d'autres dispositifs employés. Enfin, l'administration publique gère trop souvent des dispositifs qui s'ajoutent les uns aux autres sans évaluation de leur efficacité, de leur pertinence, et sans remise en cause de leur articulation avec d'autres actions. Nous pouvons aujourd'hui faire mieux et souhaitons que vous preniez en considération les différentes remarques et suggestions qui ont été formulées.

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Dominique Faure, ministre

Je ne pense pas qu'il soit opportun d'opposer les quatre composantes du dispositif, car nous devons être performants sur l'ensemble d'entre elles. Ensuite, je ne peux que prendre en compte les critères que vous proposez, pour les transmettre au ministre de l'intérieur. Je tiens à redire à quel point nous sommes attachés au sens et à l'efficacité de ce dispositif. À ce titre, il est nécessaire de mettre en œuvre les différents critères d'évaluation.

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Je remercie à mon tour M. le rapporteur pour son travail. Nous partageons ses conclusions sur une redéfinition des objectifs du FIPD.

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Je partage les remerciements adressés au travail du rapporteur, à la fois utile et précis. Je m'inquiète de la part significative des fonds dévolue à la vidéosurveillance, dont nous savons grâce à des études qu'elle ne permet pas d'assurer la prévention ou la sécurisation. Cela pose question, à une époque où l'argent public est une denrée de plus en plus rare. Je vous rejoins donc sur la nécessité de réoctroyer ces fonds à des associations.

Madame la ministre, pouvez-vous vous engager à nous assurer un suivi des préconisations de M. le rapporteur et nous communiquer le contenu du rapport de l'Iga ?

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Dominique Faure, ministre

M. le rapporteur n'a absolument pas dit qu'il fallait transformer les fonds de vidéosurveillance en fonds à donner aux associations. Il a appelé de ses vœux la réalisation d'un travail en profondeur. J'y ai répondu positivement. La vidéosurveillance, qu'elle soit algorithmique ou non, est cruciale pour nos collectivités locales. J'ai également pris l'engagement de mener une évaluation préconisée par M. le rapporteur. Enfin, je ferai remonter au ministre de l'intérieur votre souhait d'être tenue informée pendant l'été ou à la rentrée sur la suite qui sera donnée aux rapports qui ont été commandés.

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Je crois que Madame la ministre est consciente de toutes les critiques justifiées qui sont évoquées dans ce rapport. Il reste à connaître les décisions qui seront prises à la mi-juin. Allez-vous vous orienter vers la poursuite de l'éclatement ? Les fonds qui sont destinés à la vidéoprotection des collectivités locales pourraient être gérés dans le cadre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

La solution radicale, qui a ma préférence, consisterait à remettre les autres crédits dans les différents ministères dont ils relèvent. La solution intermédiaire consisterait à améliorer la situation et notamment les conventions, dont nombre d'entre elles sont répétitives, pour aborder le sujet de manière pluriannuelle.

En application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information du rapporteur spécial.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 16 heures 30

Présents. - M. Christian Baptiste, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Christine Decodts, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, Mme Félicie Gérard, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. Mohamed Laqhila, M. Mathieu Lefèvre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, M. Alexandre Sabatou, Mme Eva Sas, M. Jean-Philippe Tanguy

Excusés. - Mme Christine Arrighi, Mme Anne-Laure Babault, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Jean-René Cazeneuve, M. Joël Giraud, M. Tematai Le Gayic, Mme Constance Le Grip, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Christine Pires Beaune, M. Charles Sitzenstuhl

Assistaient également à la réunion. - Mme Marietta Karamanli, M. Damien Maudet, Mme Sandra Regol