Mesdames et messieurs les députés, je suis heureuse d'être parmi vous ce soir pour représenter l'exécution du budget du ministère de l'intérieur et des outre-mer au cours de l'année 2023.
Je suis attachée à l'idée de rendre compte au Parlement de l'utilisation des crédits que vous votez. Il s'agit en effet d'un devoir de transparence vis-à-vis de la représentation nationale et, plus généralement, vis-à-vis de nos concitoyens. S'agissant du ministère de l'intérieur et des outre-mer, ministère de la sécurité, des libertés publiques et de la citoyenneté, ce devoir s'apprécie avec une sensibilité particulière. En 2023, neuf policiers, quatorze gendarmes et cinq pompiers sont morts en service. Je tiens à saluer ce soir leur mémoire, ainsi que celle des deux gendarmes décédés la semaine dernière en Nouvelle-Calédonie.
L'analyse de l'exécution budgétaire conduit à souligner l'investissement des femmes et des hommes qui réalisent leur mission au profit de leurs concitoyens, bien souvent dans des conditions très difficiles. L'année 2023 a été marquée par une activité opérationnelle intense. Elle a constitué une étape importante de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques (Jop) de Paris.
Elle est également la première année de mise en œuvre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), marquée par une marche de progression des crédits ministériels de 1,8 milliard d'euros. En 2023, le taux de consommation des crédits du ministère est très élevé et résulte d'une activité opérationnelle soutenue, mais aussi d'un contexte marqué par l'inflation.
Ainsi, 97 % des crédits de paiement (CP) disponibles ont été consommés, soit 22,7 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement (AE) exécutées se sont élevées à 24,3 milliards d'euros. Cet écart entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement s'explique par le fait que la Lopmi permet des investissements importants devant permettre de transformer le ministère et préparer l'avenir.
Ensuite, ce taux de consommation s'explique par une activité opérationnelle particulièrement soutenue, qui peut se résumer en six points. Premièrement, les violences urbaines de l'été dernier ont impliqué une forte mobilisation des forces de sécurité et la réparation des dégradations ayant touché les matériels et les locaux du ministère. À ce titre, une ouverture de crédit de 50 millions d'euros a dû intervenir dans la loi de finances de fin de gestion.
Deuxièmement, la sécurisation de la coupe du monde de rugby, qui s'est déroulée dans d'excellentes conditions, a constitué une véritable répétition en vue des Jeux olympiques et paralympiques.
Troisièmement, il faut évoquer le renforcement de la stratégie nationale d'attaque au feu naissant pilotée par la sécurité civile. La saison des feux a été moins intense en 2023 qu'en 2022. Il s'agit du résultat d'une action résolue qui repose sur une mobilisation accrue des moyens aériens et des colonnes de renforts. Malgré un nombre de départs de feu croissant, supérieur de 43 % en 2023 à la moyenne de ces dix dernières années, la superficie brûlée est restée extrêmement contenue.
Quatrièmement, les inondations dans le Nord-Pas-de-Calais ont conduit à l'intervention de la réserve nationale, au remplacement des moyens de pompage et à la mobilisation des colonnes de renforts de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.
Cinquièmement, l'accueil des personnes déplacées d'Ukraine doit être mentionné. Ce sont ainsi 280 00 bénéficiaires de la protection temporaire qui ont été accompagnés, pour un coût total de 326 millions d'euros supportés par la mission Immigration, asile et intégration. Si un abondement est intervenu dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion, le ministère a adapté sa gestion afin d'assurer l'avance de trésorerie.
Sixièmement, le nombre de demandeurs d'asile reste élevé : 145 522 demandes ont été enregistrées par les préfectures en 2023, contre 136 724 en 2022.
Le niveau de consommation des crédits reflète les tensions inflationnistes qui ont affecté le budget du ministère en 2023, de deux manières : d'une part, les effets directs de la hausse des prix sur les consommations d'énergie, des achats, ou encore les investissements du ministère, estimés à 292 millions d'euros ; et d'autre part, les mesures salariales décidées en 2022 et 2023 afin d'accompagner l'ensemble des agents publics face à l'inflation, qui ont représenté un coût de 710 millions d'euros l'an dernier.
Malgré les tensions pesant sur son budget, le ministère s'est attaché à poursuivre le déploiement de ses priorités tout au long de l'année 2023. Premièrement, le ministère a continué à renforcer la présence des forces de sécurité sur la voie publique et leur capacité d'intervention au plus près des populations. Au-delà des hausses d'effectifs, la mise en place des onze unités de forces mobiles s'est poursuivie. De même, les premières dépenses visant à préparer la création de 238 nouvelles brigades de gendarmerie ont été réalisées en 2023.
Deuxièmement, l'effort de modernisation des forces de sécurité, engagé avec le Beauvau de la sécurité, n'a pas ralenti. À titre d'illustration, près de 300 millions d'euros ont été consacrés à l'équipement des forces, incluant notamment 150 millions d'euros dédiés à l'habillement, au matériel de protection individuelle et à l'armement. Aussi, 4 101 véhicules ont été commandés pour environ 120 millions d'euros.
Troisièmement, le programme de rénovation immobilière représente 95,1 millions d'euros de maintenance lourde. Le programme de rénovation immobilière et de construction nouvelle a donc été poursuivi, avec des projets parmi lesquels figure, pour la police nationale, l'hôtel des polices de Nice, avec 4,7 millions d'euros en AE et 42 millions d'euros en CP, et le commissariat de Valenciennes, avec 37 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP. Pour la gendarmerie nationale, il faut citer la réhabilitation des logements du quartier Pichard à Drancy, pour 15,5 millions d'euros, et celle de la caserne Hetzel à Marseille, pour 18,6 millions d'euros.
Quatrièmement, le ministère a procédé, dès 2023, aux acquisitions nécessaires à la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques, notamment pour la lutte contre les drones, la modernisation des salles de commandement, la cybersécurité ou encore le matériel de protection périmétrique.
Cinquièmement, l'année 2023 a marqué un fort engagement en faveur de la sécurité civile et, plus largement, de la lutte contre les incendies et du secours aux victimes. Ainsi, 150 millions d'euros ont été engagés dans le cadre des pactes capacitaires afin de cofinancer, aux côtés des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), l'acquisition de nouveaux moyens. De même, un contrat a été signé avec Airbus en vue de renouveler la flotte d'hélicoptères de secours de la sécurité civile, afin d'atteindre une flotte de quarante appareils. Par ailleurs, 2023 a posé les premiers jalons de la création de la quatrième unité des formations militaires de sécurité civile à Libourne, annoncée par le Président de la République, avec le recrutement de soixante-cinq militaires et le lancement des premiers investissements.
Sixièmement, les moyens consacrés à la sécurité routière ont contribué à une baisse de l'accidentalité en 2023, avec 3 170 personnes décédées sur les routes de France métropolitaine, soit 97 personnes de moins qu'en 2022. Afin de faciliter l'accès au permis de conduire, le financement du dispositif du permis à un euro par jour a augmenté et quinze postes d'inspecteur du permis de conduire ont été créés en 2023, avec un objectif de cent créations de postes entre 2023 et 2026.
Septièmement, les données disponibles font apparaître un renforcement effectif de la politique d'éloignement : 22 704 étrangers ont quitté le territoire national (éloignements, départs volontaires aidés et départs spontanés), soit une hausse de 16,9 % par rapport à 2022.
Huitièmement, le réarmement de l'État territorial est engagé. En 2023, quarante-deux emplois ont été créés dans les préfectures et sous-préfectures et 6,2 millions d'euros ont été consacrés à la réouverture de sous-préfectures. Au total, cinq sous-préfectures sont restituées et une créée, à Rochechouart, Clamecy, Montdidier, Nantua, Château-Gontier et Saint-Georges en Guyane.
Neuvièmement, en matière numérique, un effort sans précédent a été réalisé en 2023. À titre de rappel, la Lopmi se veut avant tout une loi de transformation numérique. Ainsi, la consommation s'est élevée à 755 millions d'euros en AE, et 642 millions d'euros en CP.
À titre d'exemple, s'agissant du réseau radio du futur (RRF), l'opérateur chargé du projet a été créé en 2023 et a pu bénéficier de 109 millions d'euros de subventions de la part du ministère. Au total, le RRF devrait coûter 896 millions d'euros jusqu'à l'horizon 2030. Il va jusqu'à la mise en place d'un réseau de communication mobile très haut débit s'appuyant sur les réseaux des opérateurs téléphoniques 4G et 5G. De son côté, pour Nexis, le système unifié de gestion des alertes et opérations, 27 millions d'euros ont été engagés en 2023. Ce projet établit une interopérabilité.
En conclusion, l'augmentation de crédits dont le ministère de l'intérieur et des outre-mer a bénéficié en 2023 en application de la Lopmi, lui a permis de concilier à la fois la poursuite de la mise en œuvre de ces priorités, un niveau d'activité opérationnelle très soutenu, l'absorption des effets de l'inflation, une contribution au soutien apporté aux agents publics face à la hausse des prix en finançant sous enveloppe les mesures salariales interministérielles dites Guerini.
Toutefois, compte tenu de la moindre ampleur des marches prévues au titre des annuités ultérieures de la Lopmi, du coût pérenne des mesures salariales interministérielles et de la contribution du ministère à l'effort de redressement des comptes publics, les marges de manœuvre budgétaires du ministère vont se réduire. Un effort de priorisation et de réexamen des sous-jacents de la programmation devra donc être consenti, en lien avec la représentation nationale.