Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 7 mai 2024 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission procède à l'audition, à huis clos, de Mme Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

La séance est ouverte à 16 h 35

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Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle cet après-midi l'audition de Mme Catherine Colonna, que cette commission connaît bien pour l'avoir reçue à plusieurs reprises en sa qualité de cheffe de la diplomatie française de mai 2022 à janvier dernier. Madame la ministre, je vous remercie infiniment d'avoir accepté de venir devant nous afin de présenter et commenter les conclusions du groupe d'examen indépendant que vous avez présidé du 14 février au 30 avril 2024. Ce groupe a été chargé par António Guterres, le secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (ONU), d'évaluer les mécanismes et procédures de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre.

Madame Colonna, le travail que vous avez mené a été réalisé avec trois organismes de recherche, selon une composition assez nordique à vrai dire : l'Institut Raoul Wallenberg en Suède, l'Institut Christian Michelsen en Norvège et l'Institut danois pour les droits de l'Homme. Cette configuration est assez étrange, au-delà de la qualité de ces trois instituts. Peut-être pourrez-vous nous expliquer les raisons de cette concentration géographique ?

Cet exercice a été engagé sur décision d'António Guterres, qui fait l'objet de diverses contestations actuellement ; personne remarquable, il est l'objet de mises en cause assez sévères de la part de l'État israélien. Parallèlement au travail de votre groupe d'examen, une enquête est aussi actuellement menée par le bureau des services du contrôle interne des Nations Unies, mais ses conclusions ne sont pas encore connues.

Votre groupe d'examen a été constitué à la suite de l'accusation par les autorités israéliennes concernant la participation de plusieurs personnels de l'UNRWA au pogrom – je pense que le mot s'impose – du 7 octobre 2023 et sur leurs liens supposés avec le Hamas. Les objectifs assignés à vos travaux étaient de trois ordres. Il s'agissait d'abord d'identifier les mécanismes et procédures dont l'Office dispose actuellement pour garantir la neutralité et répondre aux allégations et aux informations indiquant que ce principe pourrait avoir été violé. Deuxièmement, il convenait de déterminer comment ces mécanismes et procédures ont été ou non mis en œuvre dans la pratique et si tous les efforts possibles ont été déployés pour les appliquer pleinement. Enfin, il vous fallait évaluer l'adéquation de ces mécanismes et procédures et déterminer s'ils sont adaptés à leurs objectifs, notamment en ce qui concerne la gestion des risques, avant de formuler des recommandations.

Le 22 avril dernier, vous avez rendu vos conclusions définitives après un rapport intermédiaire transmis au secrétaire général de l'ONU, le 20 mars.

Pour résumer, ces conclusions soulignent notamment qu'en l'absence d'une solution politique entre Israël et les Palestiniens, l'UNRWA joue un rôle déterminant pour fournir de l'aide humanitaire et des services sociaux aux réfugiés palestiniens dans les territoires occupés, en Jordanie, en Syrie et au Liban.

Ce constat est fondamental à l'heure où certains préconisent de substituer à l'Office d'autres agences de l'ONU, tel le Programme alimentaire mondial. En effet, il faut bien que quelqu'un s'occupe des populations concernées. Pour ma part, il m'avait semblé historiquement et juridiquement qu'un territoire occupé était de la responsabilité de la puissance occupante. Or Israël a déclaré sans hésitation à plusieurs reprises qu'il ne veut pas s'en charger. En conséquence, l'UNRWA exerce en quelque sorte un rôle de substitution à celui d'Israël. Si d'autres solutions peuvent être imaginées, il faut bien partir de l'idée que l'UNRWA remplit un vide. Estimez-vous que d'autres possibilités de substitution existent, en l'absence de volonté d'Israël de s'impliquer ?

Ensuite, vous précisez également que l'UNRWA dispose déjà de nombreux mécanismes pour s'assurer que ses activités respectent les principes humanitaires, y compris les principes de neutralité. Nous avons cependant reçu un ensemble d'informations très préoccupantes, notamment sur l'activité éducative de l'UNRWA, faisant état d'incitations à la haine raciale. Les soutiens d'Israël soulignent que derrière l'activité de l'Office se profile une forme de solidarité implicite avec les combats touchant à la question palestinienne, parfois extrémiste en allant jusqu'à une mise en cause des principes de l'ONU. Cet organisme existant depuis 1949, une imbrication semble inévitable entre les populations portant assistance et les populations aidées. Cela dit, il semble bien – et j'aimerais bien connaître votre opinion à ce sujet – que si les procédures sont définies formellement, le fonctionnement semble très imparfait.

Vous identifiez huit domaines dans lesquels les améliorations peuvent être réalisées afin de respecter davantage le principe de neutralité, en formulant à chaque fois des recommandations telles que l'accroissement de la fréquence des rapports publiés par l'UNRWA à destination des bailleurs, la création d'un conseil exécutif pour renforcer la gouvernance ; le renforcement des effectifs internationaux dans l'encadrement ; le renforcement du criblage par des personnels palestiniens ; l'intensification des inspections des installations, ou encore la révision des manuels scolaires.

S'agissant des allégations d'appartenance de certains personnels de l'UNRWA à des organisations terroristes, le rapport du groupe d'examen indépendant constate qu'à ce jour, aucune preuve formelle n'a été fournie à l'ONU par l'État d'Israël. À ce titre, il convient de se demander si ces preuves n'existent pas ou si Israël n'a pas voulu les donner pour des raisons qui relèvent de techniques de confidentialité. Cependant, les images et les commentaires montrent qu'un certain nombre d'acteurs du pogrom du 7 octobre étaient effectivement très directement lié à l'UNRWA, un véhicule officiel de l'Office ayant notamment été utilisé ce jour-là.

Si elles ne lèvent pas toutes les interrogations, les conclusions du groupe d'examen indépendant constituent une étape importante dans la restauration de la crédibilité de l'UNRWA et de l'action des Nations Unies auprès de la population civile palestinienne, notamment à Gaza, à condition qu'on lui donne suite. Une partie des bailleurs internationaux, dont la France, attendait des résultats de ce travail avant de débloquer leur contribution à l'Office, dont les finances sont dans une situation détestable, alors que son action sur place n'a jamais été aussi nécessaire. De son côté, la France a refusé, par principe, de suspendre les crédits : d'une part, parce qu'aucune institution ne pouvait prendre immédiatement le relais de l'UNRWA ; d'autre part, parce que l'on ne peut condamner avant d'instruire.

Votre groupe d'examen a contribué à une première instruction et les États qui avaient suspendu ou menacé de suspendre leurs crédits y reviennent. C'est le cas notamment de la République fédérale d'Allemagne, qui est certainement au sein de l'Union européenne l'un des États les plus soucieux des questions touchant à la sécurité d'Israël. L'Allemagne a estimé qu'il fallait maintenir les crédits à l'Office, ce qui n'exclut pas de conduire des réformes extrêmement profondes au sein de l'UNRWA, car il est impossible de laisser 2,5 millions de Gazaouis sans assistance d'aucune sorte.

Je vous cède la parole, afin que vous nous éclairiez et que vous nous disiez d'abord comment vous avez ressenti sur le plan personnel cette tâche. Il s'agit en effet d'une mission extraordinairement délicate ; vous avez été confrontée à des horreurs absolues, à une situation qui ne cesse de se détériorer sur le plan humanitaire. Vous avez également été secondée par des réseaux dont l'intégrité morale et intellectuelle ne peut pas être contestée.

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

Je vous remercie de m'accueillir pour évoquer ce sujet important. Je ne représente pas aujourd'hui la France devant vous, de même que je ne la représentais pas dans cette mission que m'a confiée intuitu personae le secrétaire général António Guterres, pour le compte des Nations Unies.

Ce travail touche un sujet complexe, qui déchaîne le plus souvent les passions, mais aussi les a priori, plutôt que la raison. Dans ce rapport que j'ai voulu court, nous nous sommes efforcés d'employer un langage clair. Nous avons veillé à rédiger ce rapport de façon concise, dans l'espoir qu'il puisse être lu avant d'être commenté. Encore faut-il qu'il soit commenté pour ce qu'il dit et non pour ce que chacun a envie d'y voir. Malheureusement, cela n'a pas été toujours le cas.

Cette expérience a été particulièrement intéressante et évidemment compliquée. Je précise que nous avons été bien accueillis partout, ce qui n'empêche pas les divergences ni les débats que nous avons pu avoir avec un certain nombre de parties prenantes. Nous avons donc été bien reçus, à la fois par un certain nombre d'États donateurs mais aussi sur place par les parties prenantes, par les pays hôtes et par Israël. Cela n'était pas forcément évident, compte tenu des positions assez arrêtées de l'actuel gouvernement israélien quand il parle de l'UNRWA.

Notre mission était effectivement compliquée mais libellée de façon précise. Nous étions là pour évaluer si l'UNRWA fait tout ce qui est en son pouvoir pour respecter ce principe cardinal du droit international humanitaire qu'est le principe de neutralité, en prenant en compte les circonstances particulièrement difficiles dans lesquelles s'exerce sa mission. Cette agence des Nations Unies n'a à ce titre pas d'obligation de résultat mais une obligation de moyens et se doit de respecter les principes du droit international humanitaire, en particulier ce principe de neutralité.

Le secrétaire général de l'ONU a par ailleurs lancé une enquête sur les allégations d'origine israélienne concernant l'implication de certains personnels de l'UNRWA dans le drame du 7 octobre, qui ont été complétées depuis par d'autres allégations. Pour notre part, nous n'étions pas de ces enquêteurs ; nous devions regarder si l'Office fait tout ce qui est en son pouvoir, dans des circonstances compliquées, pour faire respecter ce principe de neutralité.

Évidemment, il est difficile de ne pas prendre en compte la réalité du terrain, voire les convictions de chacun. Je rappelle que l'UNRWA assure des services de base à la population de Palestine, qui est réfugiée depuis la fin de la guerre entre les pays arabes et Israël qui a suivi la création de l'Etat d'Israël. L'UNRWA fournit des services de base pour une population qui n'a pas d'État : éducation, santé, services publics minimums, microcrédits, distribution de nourriture et de biens de première nécessité. Il existe naturellement une porosité avec le terrain. Cependant, toute organisation internationale, toute agence des Nations Unies, tout employé – local ou international – de cette dernière, est tenu par les mêmes obligations de neutralité. Il est possible d'avoir ses propres idées et chaque individu est libre mais, dans son comportement – y compris en dehors des heures de travail –, il doit souscrire à cette obligation de neutralité. Il faut distinguer le milieu, l'ambiance, voire les convictions, et le comportement.

Des enquêtes se déroulent parallèlement et sont menées par le Bureau des services du contrôle interne de l'ONU – l' Office of Internal Oversight Services ou OIOS –, qui continue son travail pour évaluer la véracité des allégations contre douze employés de l'UNRWA, étendues ensuite à cinq employés supplémentaires puis deux autres. Cette enquête, séparée de notre mission, a tardé à bénéficier de la coopération des autorités israéliennes, avant de finalement l'obtenir. Les inspecteurs sont allés sur place fin mars et y sont retournés juste après Pessah. Dans quelques semaines, l'OIOS rendra ses conclusions définitives, après avoir transmis des conclusions provisoires il y a une douzaine de jours. Si ma mémoire est bonne, un employé a été totalement blanchi et réintégré et les enquêtes se poursuivent pour les autres.

Pour notre part, comment avons-nous travaillé ? En effet, j'ai été aidée considérablement par les trois instituts mentionnés par le président Bourlanges et choisis par l'ONU. Je pense qu'ils l'ont été en fonction d'un éloignement géographique jugé suffisant pour ne pas tomber dans les passions que déchaînent trop souvent ces questions, mais également parce que ces trois organisations non-gouvernementales (ONG) respectées témoignent d'une grande tradition humanitaire.

Nous nous sommes réparti le travail et ces instituts ont dépêché des équipes sur le terrain à Amman, siège principal de l'UNRWA, pour mener une centaine d'entretiens avec les parties prenantes, des employés locaux et internationaux, des responsables de différents pays concernés. Ils ont également étudié les textes, les procédures et les rapports d'audit.

Pour ce qui me concerne, j'ai surtout été en contact avec les pays et les parties prenantes. J'ai ainsi consulté quarante-six pays, au plus haut niveau possible, c'est-à-dire le plus souvent au niveau ministériel, pour avoir une connaissance précise de leurs attentes, de leurs critiques, de leurs perceptions du sujet. J'ai consulté également les parties prenantes en me rendant sur place, à Tel-Aviv, Jérusalem, Ramallah et Amman.

J'ai consulté également un certain nombre de pays de la région et parlé à de nombreux représentants de l'UNRWA, non seulement le commissaire général et son directeur de cabinet mais aussi un grand nombre d'employés locaux, et y compris quelqu'un à Gaza. Bien évidemment, j'avais demandé officiellement que certains chercheurs puissent se rendre à Gaza mais, compte tenu de la situation, nous n'avons pas obtenu de réponse sur ce point. J'ai également eu des contacts avec d'anciens commissaires généraux, le haut-commissaire aux réfugiés, d'anciens conseillers juridiques de l'organisation, le coordinateur de l'Union européenne (UE) ou avec la nouvelle coordonnatrice des Nations Unies de l'action humanitaire et de la reconstruction à Gaza, Mme Kaag.

Finalement, nous avons pu nous répartir le travail et bien comprendre la situation sur place, avec la pleine conviction de tous – à l'exception d'un gouvernement – que le rôle de l'UNRWA est absolument indispensable et irremplaçable.

En effet, personne d'autre ne s'occupe de cette population des réfugiés de Palestine, où il n'y a pas d'État. Il faut adresser à la communauté internationale et aux parties prenantes la question de savoir pourquoi, soixante-quinze ans plus tard, il n'y a toujours pas de solution politique. L'UNRWA n'en est pas responsable ; cette responsabilité incombe aux parties prenantes, au premier chef, et ensuite à la communauté internationale, qui n'agit pas assez pour relancer ses efforts en vue de la restauration d'un horizon politique, puis d'une solution à deux États vivant en paix et en sécurité, seul moyen pour les deux peuples de voir leurs aspirations légitimes reconnues.

L'UNRWA est irremplaçable aussi parce que, quoi que l'on en dise, personne d'autre n'est capable de fournir des services tels que l'éducation, la santé, la distribution de nourriture. Lorsqu'il existe des coopérations avec d'autres agences des Nations Unies, celles-ci sont bienvenues et naturelles. Nous souhaitons même qu'elles soient renforcées à l'avenir.

Le constat est assez simple à établir. Je le redis : l'UNRWA réalise un travail indispensable compte tenu de l'absence de solution politique mais l'Office est soumis à de grands défis pour certaines de ses actions, en particulier sur le respect du principe de neutralité, qui doit être plein et entier.

Nous avons formulé une cinquantaine de propositions, dont je souligne qu'elles ont été conçues pour être visibles, concrètes, réelles et pratiques. La plupart peuvent être immédiatement mises en œuvre. D'autres devront faire l'objet d'investissements politiques et financiers de la part de la communauté internationale, ou être travaillés sur plus long terme par l'Office.

Nous avons dégagé huit piliers d'action, que je souhaite vous présenter rapidement, dans la mesure où ils offrent un cadre.

Tout d'abord, le premier concerne de meilleures relations entre l'UNRWA et les États, en particulier avec les États bailleurs. Tout est transparent mais les informations ne remontent peut-être pas au bon endroit. De nombreux gouvernements et États donateurs demandent donc que l'UNRWA soit plus directe et plus simple dans ces remontées d'informations, par exemple sur l'état du budget ou les difficultés rencontrées pour faire respecter le principe de neutralité. Il ne s'agit pas du problème le plus compliqué à traiter : il existe de nombreux mécanismes permettant de le résoudre, y compris par un investissement personnel du commissaire général Lazzarini.

Le deuxième pilier concerne la gouvernance. L'UNRWA est dans une situation compliquée : elle est chargée d'une partie des prérogatives d'un État sans disposer des autres prérogatives, notamment en matière de loi et d'ordre, d'organisation de la société et des élections. Elle a donc plus de devoirs que de droits. Pour assurer ces services, le commissaire général est le seul à répondre à l'Assemblée générale des Nations Unies, qui renouvelle le mandat de l'Office tous les trois ans. En revanche, il n'existe pas de conseil d'administration mais simplement une commission consultative, qui émet des avis. Or par définition, émettre des avis n'est pas décider. De plus, cette commission ne se réunit ni suffisamment, ni au bon niveau. Elle peut également être conduite à éviter les sujets difficiles. Nous recommandons par exemple que la question de la neutralité soit systématiquement inscrite à l'ordre du jour des réunions régulières ; cela n'est pas le cas aujourd'hui. Lorsque des questions difficiles sont abordées, les pays qui composent cette commission sont divisés et ne tranchent pas. Cela s'est produit encore récemment quand le commissaire général a voulu réformer le système très particulier des syndicats de personnels à l'UNRWA et qu'il n'a pas été suivi. L'Office ne fonctionnera pas mieux si la communauté internationale ne remplit pas mieux ses responsabilités, à commencer par la commission en question.

Le troisième pilier a trait au management et à la supervision en général, y compris celle des projets. De manière simplifiée, l'UNRWA est fournisseur de services, qui sont assurés par des Palestiniens dans les dispensaires, dans les écoles, etc. La composition de l'Office est tout à fait unique, puisqu'il regroupe seulement 0,8 % de personnel international et plus de 99 % de personnel local. Dans ces conditions, le personnel local est évidemment plus politisé que de raison, voire peut violer le principe de neutralité. Par le passé, certains cas ont d'ailleurs fait l'objet de sanctions allant jusqu'au licenciement. Au sein de ce personnel local figurent évidemment des capacités d'encadrement mais l'échelon de l'encadrement intermédiaire est trop absent, essentiellement pour des raisons financières. Le rapport indique que tant qu'il n'y aura pas de capacités supérieures de management, l'UNRWA éprouvera beaucoup de difficultés à contrôler tout ce qui se passe, y compris dans la décision de projets et dans le recrutement de certains personnels. Le personnel local est parfois confronté à un équilibre très compliqué à respecter entre signaler des manquements, et subir une pression voire des menaces pour sa sécurité, et ne pas les signaler.

Le quatrième pilier concerne la neutralité du personnel, dont j'ai déjà largement parlé. Il s'agit là d'un très grand défi. Certes, des mécanismes, des codes de conduite, des obligations statutaires existent et des vérifications sont menées au moment du recrutement. Mais là aussi, il existe un peu trop de porosité avec le milieu ambiant. Nous estimons donc que l'essentiel à l'avenir résidera dans la capacité de l'UNRWA à mieux connaître le profil des personnes que l'Office emploie. Dans certains pays, comme la Jordanie, il existe une très bonne coopération entre l'agence et les autorités. Cette coopération a également existé par le passé avec Israël mais elle n'est plus aussi bonne depuis une dizaine d'années. Nous formulons des propositions assez simples pour améliorer cet état de fait, en incitant les uns et les autres à mieux coopérer.

Le cinquième pilier porte sur la neutralité des installations. Il peut arriver que cette neutralité ne soit pas respectée ni par les uns, ni par les autres, sans que le management supérieur de l'Office ne le sache. Des groupes djihadistes ont pu ainsi creuser des tunnels à partir de ces installations. De même, des incursions militaires israéliennes armées dans les bâtiments constituent tout autant une violation du principe de neutralité. Nous avons formulé un certain nombre de propositions. L'UNRWA mène comme elle peut, tous les trois mois, des inspections régulières sur les bâtiments dont elle a la responsabilité ; cette fréquence est sans doute insuffisante et il pourrait être pertinent de mener également de telles inspections de manière aléatoire, sans prévenir. Mais elle devrait également disposer de plus de moyens pour y parvenir et étendre le champ de ses inspections.

La neutralité de l'éducation constitue le sixième pilier. Il s'agit là d'un domaine qui a été abondamment commenté depuis vingt ans. Lorsque j'étais ministre déléguée aux affaires européennes se posait déjà la question de l'aide de l'Union européenne en raison des manuels scolaires utilisés, qui sont ceux des pays hôtes, et non ceux de l'UNRWA. Ces manuels sont parfois critiquables et justement critiqués. L'Office suit les recommandations de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) en utilisant des manuels scolaires des pays en question, ne serait-ce que pour permettre aux étudiants de poursuivre un cursus scolaire, voire universitaire. Des progrès ont été accomplis, les manuels ont été révisés par l'Autorité palestinienne, mais ils demeurent perfectibles. Nous n'avons pas consulté les manuels syriens mais je crois qu'il faudrait accorder autant d'importance à ce qui se passe en Syrie qu'à ce qui se passe à Gaza ou en Cisjordanie. Pour des raisons de temps, mais pas uniquement, je n'ai pas pu me rendre en Syrie.

Il existe des examens précis, réguliers, qui sont menés notamment par l'UNRWA, mais il existe également des rapports internationaux. Selon ces examens et rapports, il ressort que 3,8 % des contenus sont « problématiques ». Par « problématiques », il faut comprendre le non-respect des valeurs des Nations Unies, parfois des incitations à la haine, parfois la glorification du djihad. Ces contenus problématiques peuvent figurer dans les manuels ou plus souvent dans des suppléments pédagogiques produits localement par tel ou tel proviseur, dans le dos de l'UNRWA ou avec un contreseing de petit niveau. Les contenus peuvent parfois être antisémites, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises dans le rapport. Ils concernent par exemple la négation de l'existence de l'État d'Israël ou la description d'un peuple uniquement avec des qualités négatives. Ces exemples sont peu fréquents mais ils existent.

Face à ce constat, nos recommandations sont multiples. Il s'agit notamment de poursuivre un examen plus précis de ces textes, pourquoi pas avec Israël, quand ce pays est concerné. Un tel mécanisme est déjà à l'œuvre avec l'Autorité palestinienne mais il faut aller de l'avant. Dans l'immédiat, il ne faut pas utiliser les manuels scolaires ni les suppléments pédagogiques qui posent problème.

Le septième pilier porte peut-être sur un problème encore plus compliqué. Je parlais précédemment du système des syndicats. Il existe un syndicat par zone de compétence : Liban, Syrie, Jordanie, Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est, et Amman, le quartier général. Au fil des années, un certain nombre de partis politiques, de factions ou de groupes armés se sont servis des élections syndicales pour asseoir leur influence et leur pouvoir. Dans certains cas tout à fait inacceptables, l'encadrement de l'UNRWA a été menacé. Des grèves sont intervenues et nombre d'entre elles n'avaient rien à voir avec la défense des intérêts des salariés. Il faut donc revoir ce système, remettre à jour le statut de 1990 et le mettre en conformité avec les statuts des syndicats de l'ONU ou des autres agences de cette dernière. Il convient également de demander davantage de représentativité : au niveau supérieur, on dénombre dix-huit hommes élus contre une seule femme, alors que les femmes représentent la moitié du personnel de l'UNRWA.

Enfin, le dernier pilier concerne les partenariats avec les autres agences et organisations de l'ONU, comme l'organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), le Programme alimentaire mondial (PAM), par exemple. Ces partenariats sont prescrits dans la résolution de 1949 qui a créé l'UNRWA. De manière réaliste, il faut néanmoins souligner que l'UNRWA emploie des personnels locaux et ne paye pas autant que les autres agences des Nations Unies. De même, pour délivrer des sacs de farine ou allumer les fours des boulangeries, nous retrouvons les mêmes mains, qui sont celles de la population réfugiée palestinienne locale. Il ne faut donc pas en attendre une substitution comme certains parfois le pensent – et le disent – à tort.

En conclusion, nous avons été assez directs et avons essayé de trouver, face à chaque problème, des mécanismes qui peuvent être mis en œuvre rapidement pour la plupart d'entre eux. J'ai présenté mon rapport au secrétaire général le 19 avril ; il a été rendu public et présenté le 22 avril, date à laquelle le secrétaire général l'a endossé. En effet, celui-ci nous a fait l'hommage de reprendre l'intégralité des recommandations. Il demandé au commissaire général de les mettre en œuvre, ce à quoi ce dernier s'est engagé « sans délai ». Le commissaire général finalise le plan d'action qu'il avait commencé à travailler. Le secrétaire général, lui, a confié à une petite équipe de New York le rôle d'assurer le suivi de la mise en œuvre de ces recommandations.

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Je vous remercie pour cet exposé très argumenté et clair. Comme vous l'avez expérimenté en tant que ministre de l'Europe et des affaires étrangères, les orateurs des groupes vont à présent pour interroger.

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Vous avez rappelé le cahier des charges de votre groupe d'examen, qui consistait déterminer si l'Office faisait tout ce qui est en son pouvoir pour garantir sa neutralité. Vous avez insisté sur ce point, qui me semble important. Dans le climat électrique est très polarisé de la guerre à Gaza, votre rapport était très attendu car de vos conclusions dépendent les financements de l'UNRWA, et peut-être même sa pérennité.

À l'occasion de votre nomination, vous avez indiqué que votre objectif était de produire un rapport rigoureux et fondé sur des faits, dans un contexte de désinformation qui est propre, malheureusement, à toute situation de conflit. Nous vous remercions pour ce rapport, qui conclut que l'UNRWA est irremplaçable et constitue un outil de stabilisation dans la région. Vous concluez également que l'UNRWA est perfectible et formulez un certain nombre de propositions, que vous avez présentées de manière détaillée cet après-midi.

Comment pensez-vous que ces propositions peuvent être mises en œuvre concrètement ? Vont-elles nécessiter des moyens supplémentaires et une volonté politique pour pouvoir être appliquées ? Considérez-vous que ces moyens puissent être au rendez-vous ? Quel est votre avis personnel sur la réalité de la situation, une fois que le rapport a été rendu public ? Comment pouvons-nous avancer à partir de vos cinquante propositions et huit axes d'action, au-delà de la mise en place d'un groupe chargé de les mettre en œuvre ?

Vous avez également rappelé que, soixante-quinze ans après la création de l'UNRWA, la situation n'avait pas évolué, ce qui est inacceptable. Vous avez en outre souligné que la communauté internationale portait aussi une part de responsabilité. Quel est, à votre avis, dans le contexte actuel extrêmement grave et polarisé, le levier politique aujourd'hui disponible pour une communauté internationale qui peine parfois à faire entendre sa voix ?

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

S'agissant de votre premier point, une temporalité des mesures peut être établie. Toutes devraient être engagées le plus rapidement possible ; certaines peuvent être d'effet immédiat ; d'autres demanderont plus de temps. Par exemple, il est possible d'établir immédiatement de meilleures relations avec les pays bailleurs, de les informer de manquements soupçonnés et de ne pas attendre que la pression monte. De même, il est possible de mettre immédiatement à l'ordre du jour de la commission consultative la question de la neutralité. En revanche, il faudra plus de temps pour réformer le statut de 1990 sur les syndicats de personnels, compte tenu de l'implantation de certains d'entre eux. Le commissaire général travaille sur un plan d'action, à la demande du secrétaire général de l'ONU, afin d'indiquer très précisément les actions qui seront entreprises et leur échéancier, dans le cadre d'un suivi qui sera assuré à New York.

S'agissant des moyens, certaines actions n'en nécessiteront pas mais cela ne sera pas le cas pour toutes. Par exemple, des personnels et des compétences seront nécessaires pour assurer une capacité d'encadrement et de supervision, y compris ex post. Si le budget ne change pas, il sera obligatoire d'opérer des choix difficiles – et la communauté internationale devra aider en cela le commissaire général – pour accorder moins de financements à la partie « projets », pour en faire bénéficier la partie dévolue au management et à l'encadrement. Une autre possibilité consiste à augmenter le budget mais nous sommes loin d'être dans ce cas de figure.

Quoi qu'il en soit, il est impératif d'établir une responsabilité partagée de l'UNRWA, du secrétaire général, de l'Assemblée générale et de l'ensemble des parties prenantes. Il n'est pas possible de se plaindre sans agir.

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Vous avez été chargée par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et les procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations formulées à son encontre. Selon votre rapport, l'UNRWA a mis en place un nombre important de mécanismes et de procédures pour garantir le respect des principes humanitaires, en mettant l'accent sur le principe de neutralité, à la suite des événements ayant eu lieu en Israël.

Dans votre rapport, vous avez également rappelé que le gouvernement israélien n'a pas informé l'UNRWA d'une quelconque préoccupation relative à un membre figurant sur la liste du personnel depuis 2011. Vous avez insisté en conférence de presse sur le besoin de réformer la gouvernance de l'Office, qui fonctionne actuellement avec un conseil consultatif mais non un conseil exécutif.

Je souhaiterais savoir quels éléments pertinents Israël aurait pu vous fournir sans l'avoir fait. Israël a-t-il fourni des éléments qui ont contribué à élaborer vos propositions concernant l'évolution de la gouvernance ? Enfin, selon France 24, vous avez évoqué en conférence de presse que certains contenus de livres scolaires de l'agence onusienne pouvaient présenter un caractère antisémite et antisioniste. Vous enquête permet-elle d'indiquer quelle proportion du budget de l'UNRWA, notamment financé par la France, a été affectée à la production de tels contenus ?

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

Notre mission n'était pas chargée de l'enquête sur la véracité des allégations portées par Israël à l'encontre d'un certain nombre de personnels de l'UNRWA, qui relève d'un organe spécialisé de l'ONU : l'OIOS.

Ensuite, je souhaite apporter une précision. Lorsque nous indiquons dans le rapport qu'Israël n'a pas encore donné d'informations sur une allégation, il ne s'agit pas de l'allégation concernant la participation supposée d'un certain nombre d'individus appartenant à l'UNRWA aux attentats terroristes du 7 octobre mais de l'allégation apparue en mars sur l'appartenance supposée, selon Israël, d'employés de l'Office à des groupes terroristes, Hamas ou Djihad islamique. Cela étant, lorsque je me suis rendue en Israël avec ma petite équipe et certains des chercheurs, nous avons assisté à des présentations de la partie israélienne, qui assoient la thèse de l'actuel gouvernement de M. Benjamin Netanyahou. Ces éléments ne sont pas de notre ressort ni de notre compétence.

Ensuite, j'ai qualifié les contenus et fourni un certain nombre d'exemples, de pourcentages et indiqué à quel point ils étaient intolérables. Sur cet aspect, le rapport est aussi clair qu'il peut l'être. Nous demandons que, lorsque de tels contenus existent, l'UNRWA cesse tout simplement de les utiliser dans des écoles dont l'Office a la responsabilité. S'il n'est pas responsable des manuels scolaires et des suppléments pédagogiques, il est néanmoins injustifiable d'utiliser ces matériels.

Dans les 3,8 % de contenus évalués comme problématiques, il me semble que l'UNRWA estime que 0,8 % sont particulièrement problématiques. Parmi les rapports qui circulent figurent l'étude commandée par la Commission européenne il y a quelques années, le rapport Eckert, mais également le rapport d'une ONG israélienne, le rapport du Congrès américain ou le rapport d'autres commissions. Ces rapports ont tous été consultés et je les ai lus aussi attentivement que possible, ce qui m'a permis de forger ma conviction et d'écrire ce que j'ai écrit.

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Je tiens d'abord à saluer le contenu de votre rapport, qui indique que l'action de l'UNRWA est « indispensable et irremplaçable ». Je déplore par ailleurs le nombre inédit d'humanitaires des Nations Unies qui ont été tués dans ce conflit. En effet, plus de 200 travailleurs humanitaires ont péri, dont 180 membres de l'UNRWA. L'Office a payé un très lourd tribut, alors même qu'il s'occupe depuis soixante-quinze ans de 6 millions de Palestiniens.

Vous avez indiqué qu'il existait deux missions distinctes concernant les preuves fournies à l'ONU par Israël. Si j'ai bien compris, vous avez relevé qu'une enquête avait été menée à son terme pour le moment et qu'elle avait blanchi l'un des salariés de l'UNRWA, tandis que d'autres étaient toujours en cours. Avez-vous reçu des éléments concernant le moment où ces allégations ont été formulées ? J'observe pour ma part qu'elles sont apparues concomitamment au moment où la Cour internationale de justice (CIJ) a évoqué un risque génocidaire de la part de l'Etat d'Israël et demandé qu'Israël prenne des mesures conservatoires, ce qu'il n'a pas fait.

Depuis, des États donateurs ont annoncé le gel de leurs financements et les attaques continuent de se multiplier. Ainsi, l'UNRWA a été délogée des bâtiments qu'elle occupait à Jérusalem et privée de l'un de ses comptes bancaires par une banque israélienne. De même, ses collaborateurs ont été interdits d'accès à Jérusalem et désormais son chef, Philippe Lazzarini, s'est vu par deux fois refuser l'accès à la bande de Gaza, ce qui constitue une violation du droit international. Une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU adoptée en décembre 2023 exige en effet que les parties autorisent et facilitent l'utilisation de tous les itinéraires en direction et dans l'ensemble de la bande de Gaza, pour permettre à l'aide vitale de parvenir aux civils.

Enfin, n'avez-vous pas le sentiment qu'à travers l'UNRWA, c'est l'ensemble de l'ONU et du droit international qui se trouvent affaiblis et décrédibilisés ? Vous avez bien rappelé que l'UNRWA est indispensable aux civils puisqu'aucune solution politique n'existe aujourd'hui. À l'heure où se prépare une offensive contre Rafah, le gouvernement d'extrême droite de Benjamin Netanyahou essaye justement de remettre en cause et d'enterrer – peut-être définitivement – cette solution à deux États, qui figure pourtant dans les résolutions des Nations Unies et que nous défendons.

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

Je ne suis pas la personne idoine pour vous informer de l'avancée de l'enquête de l'OIOS. Les seuls éléments dont je dispose ont été rendus publics par le porte-parole du secrétaire général. Je ne suis pas non plus la mieux placée pour commenter le moment où ces allégations ont été produites. Il me semble néanmoins – mais cela demande vérification – que celles-ci sont intervenues avant le 26 janvier.

Votre deuxième question sort quelque peu de mon champ de compétence, ou du moins du sujet que j'avais à traiter. La position publique du gouvernement israélien sur l'UNRWA se distingue de toutes les autres ; le G7, par exemple, a réaffirmé il y a peu que l'UNRWA tenait un rôle indispensable et que l'Office est vital pour la population des réfugiés de Palestine.

Derrière les attaques contre l'UNRWA, il faut séparer les allégations dont nous ne pouvons pas dire aujourd'hui si elles sont vraies ou fausses des attaques contre le secrétaire général des Nations Unies. Certaines affirmations sont parfois outrancières. De même, l'équivalence que certains veulent établir entre l'UNRWA et un groupe terroriste est hors de propos.

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Il est des vérités qui sont parfois difficiles à entendre. L'UNRWA est une des organisations des Nations Unies les plus dotées, mais également la plus corrompue. Elle continue pourtant de bénéficier de complaisance de la quasi-unanimité de la communauté internationale, qui considère comme vous l'avez répété, qu'elle est « irremplaçable ». Pourquoi, dans votre rapport, persistez-vous à donner autant de crédit et un blanc-seing à l'UNRWA, qui participe directement et activement à la haine du Juif, à l'endoctrinement des enfants et à la radicalisation de la jeunesse palestinienne ?

L'UNRWA n'est hélas pas un agent de paix mais un moteur de la haine. Selon un rapport de mars 2023 de l'ONG UN Watch, 133 éducateurs de l'agence sont impliqués directement dans l'apologie de la haine antisémite et du terrorisme. Cette haine du Juif dans les manuels palestiniens a été condamnée par le Parlement européen le 17 avril dernier. Depuis des années, cette agence est complice, à Gaza, du Hamas, relaye ses opérations terroristes, fournit son support logistique et offre son soutien dans la construction de tunnels. Tsahal a découvert un centre opérationnel du Hamas sous le siège de l'agence à Gaza.

Le 7 octobre, l'UNRWA a franchi un nouveau cap : sur les chaînes Telegram, des milliers de ces professeurs de haine ont célébré le pogrom juif comme le plus beau jour de leur vie. Je rappelle que 2 315 membres de l'UNRWA étaient membres du Hamas ou du Jihad islamique et que, a minima, douze – voire cinq de plus – ont participé au massacre du 7 octobre.

Jonathan Samerano, dont nous avons rencontré la mère en pleurs avec le président Bourlanges et la Présidente de l'Assemblée nationale, a vu son assassinat filmé par une GoPro. Son bourreau portait le badge de l'UNRWA et le pick-up qui a traîné son corps appartenait à l'UNRWA. Ceci est un fait !

Malgré tout cela, madame la ministre, votre rapport minimise, lisse, euphémise et remet en question beaucoup de ces crimes. Il continue à offrir un blanc-seing à une agence noyautée par le Hamas, au service du terrorisme qui souhaite la disparition d'Israël. Je n'attends pas grand-chose du « machin » qu'est l'ONU, qui a placé la Libye à la tête de son Conseil des droits de l'Homme et l'Iran à la tête de la Conférence du désarmement.

M. Guterres a commandé un rapport qui avait pour objectif de rassurer, de motiver les donateurs et d'édulcorer les exactions, d'exhumer une agence couverte de honte. L'UNRWA est l'un des responsables du malheur du peuple palestinien, le cheval de Troie du terrorisme. Il faut impérativement effectuer une réforme structurelle, ex nihilo, de l'agence, ainsi qu'établir un contrôle total de son action.

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Madame la ministre, à travers les témoignages recueillis ici ou là, il n'est pas possible de nier l'ampleur des débordements qui ont été commis par un certain nombre d'agents de l'UNRWA. Cela pose malgré tout le problème de l'adéquation des procédures. Comment tant de dérives, qui ne sont pas seulement occasionnelles, ont-elles pu survenir ? Ne croyez-vous pas que les procédures doivent être très profondément modifiées, afin de resserrer les écrous ?

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

Je suis obligée – et chacun peut s'astreindre à la même obligation – de différencier les allégations et les faits. Il va de soi, et nous l'avons écrit, que si les faits évoqués par M. Meyer Habib étaient avérés, il s'agirait d'un crime, d'une abomination, d'une violation de leur obligation de neutralité par les employés en question. Ensuite, il est effectivement nécessaire de resserrer un certain nombre d'écrous, pour reprendre votre expression, Monsieur le président. En revanche, il est erroné de dire que nous donnons un blanc-seing à l'UNRWA quand nous indiquons qu'il faut urgemment procéder à certaines réformes, de manière aussi immédiate que possible, sujet par sujet.

Cela dit, Monsieur le député, ne soyez pas plus Israélien que les Israéliens. Lorsque je me suis rendue dans ce pays, j'ai été reçue par différentes institutions, dont le ministère des affaires étrangères, le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (Cogat), le Conseil de sécurité nationale (NSC), les services de renseignement, l'armée israélienne (IDF). Les vues sont plus mesurées, plus diverses, que celles que l'on entend parfois concernant l'UNRWA.

À une époque pas si lointaine, la coopération était meilleure entre l'UNRWA, d'une part, et le Cogat, par exemple, ainsi que l'armée israélienne, d'autre part, ce qui permettait sans doute de détecter un certain nombre de problèmes avant qu'ils ne se produisent. C'est pourquoi j'en appelle à une amélioration de la coopération. Ensuite il arrive que l'ONG UN Watch mente, par exemple en prétendant que nous aurions refusé de recevoir ses représentants.

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

L'enquête – dont je ne suis pas chargée – dira ce qu'il en est.

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Je dispose du film où le pick-up et le badge de l'UNRWA sont visibles. Je peux le projeter ici, en commission, avec l'accord du président.

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Je ne doute de l'existence de ce film. Je rappelle également que le groupe d'examen n'avait pas pour mission de mener des enquêtes précises et ponctuelles sur ces éléments. Il est effectivement nécessaire de contrôler les personnels et les procédures mais il faut bien distinguer la réflexion sur le fonctionnement de l'UNRWA et la mise en lumière très précise des exactions, dont tout porte à croire qu'elles ont été assez abominables. Néanmoins, il ne faut pas confondre les rôles.

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Nous nous félicitons de cette mission qui a été confiée à Catherine Colonna par le secrétaire général de l'ONU, ainsi que de la remise de ce rapport. Je me réjouis également du fait que notre ancienne ministre de l'Europe et des affaires étrangères ait été choisie pour conduire cette mission. Au-delà de la reconnaissance de sa grande expertise et de la considération personnelle que nous lui devons, l'image de la France est ainsi reconnue à l'ONU. La République française est considérée par de nombreux pays, comme une puissance d'équilibre, comme nous avons pu nous en rendre compte lors de la mission que nous avons menée avec Jean-Pierre Lecoq au titre de notre commission.

Sur le fond, votre rapport présente une série de propositions qui apportent des réponses réalistes et concrètes, un grand nombre de mesures de prévention, de signalement et de sanction. En effet, vous avez constaté de nombreuses manifestations d'opinions contraires au devoir de neutralité. Il a été question des manuels scolaires et vous avez aussi constaté l'utilisation abusive des installations de l'Office, notamment les hôpitaux, à des fins militaires par le Hamas.

Vous avez souligné que l'UNRWA emploie 99 % d'employés locaux et seulement 0,8 % de fonctionnaires internationaux, ce qui ne favorise pas le respect du principe de neutralité du personnel, de surcroît à Gaza. Cette agence est obligée de coexister avec une autorité de fait exercée depuis 2006 par le Hamas, qu'une trentaine de pays, dont la France, considèrent comme une organisation terroriste.

Au terme d'un communiqué récent de la présidence de la République, nous avons entendu que le destin des Palestiniens de Gaza ne peut plus être soumis aux activités terroristes du Hamas et que les opérations israéliennes doivent cesser. Madame la ministre, je vous pose peut-être une question impossible mais votre avis nous serait précieux : comment écarter le Hamas du pouvoir à Gaza tout en cessant les opérations militaires ?

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

Je serais tentée, par facilité, de retourner la problématique. Comment détruire le Hamas uniquement par une opération militaire ? C'est impossible. Le président de la République l'a dit à la fin du mois de novembre. Dans mes anciennes fonctions, mes collègues et moi-même avions posé cette question à Israël. Anthony Blinken a, de son côté, indiqué que le Hamas était aussi une idée et que l'on ne combat une idée qu'avec une meilleure idée.

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Vous pouvez également citer Benyamin Netanyahou. J'ai été quand même très surpris par son communiqué, il y a deux jours, quand il a indiqué qu'il ne voulait pas souscrire aux conditions fixées par le Hamas, qui se maintiendrait avec ses forces intactes. Après sept mois d'une guerre aussi cruelle que celle qui a eu lieu, considérer que les forces du Hamas sont intactes constitue plutôt un aveu d'impuissance.

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

Je ne sais pas ce qu'il en est exactement mais chacun doute effectivement que le Hamas soit totalement éradiqué. La grande majorité des démocraties s'est prononcée sur le caractère terroriste du mouvement et il est évident qu'Israël a le droit de se défendre après les abominations du 7 octobre, de même qu'il peut avoir pour objectif de mettre le Hamas hors d'état de nuire. Encore faut-il le faire dans le respect du droit international, ce qui n'est pas pleinement le cas.

Comment aller plus loin ? Seule une solution politique est à même d'y parvenir, avec des Palestiniens en charge de leur avenir, disposant d'un État à travers une Autorité palestinienne revitalisée, qui pourra donner un avenir, non seulement aux Palestiniens mais aussi aux Israéliens, afin que leur sécurité soit reconnue. Au-delà, il s'agit d'éviter de nombreux troubles dans la région car nous craignons que l'arc de crise ne s'agrandisse.

Mais ces questions vont au-delà de la mission de l'UNRWA, qui est là pour combler un vide et doit assurer des services à une population qui n'a pas d'État pour le faire.

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Je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir présenté ce rapport sur des accusations graves contre l'UNRWA. En préambule, je souhaite rappeler la position de notre groupe vis-à-vis de ce qui se passe aujourd'hui à Gaza. Nous demandons la libération des otages, un cessez-le-feu et, dans l'immédiat, l'arrêt des opérations sur Rafah car il faut empêcher tout prix une catastrophe humanitaire.

Nous avons aussi noté que, dans votre rapport, vous soulignez que l'UNRWA est irremplaçable et indispensable aux Palestiniens. Vous avez même parlé d'un rôle vital qu'elle exerce auprès de ces populations en l'absence d'un État. Pour autant, nous devons faire la lumière sur ce qui s'est passé, afin que la crédibilité de cette agence mais aussi de l'ensemble des agences de l'ONU soit confirmée. Vous avez également souligné qu'à l'heure où nous parlons, des enquêtes demeurent en cours et qu'une allégation n'est pas une preuve.

Ma première question concerne le service éthique de l'UNRWA, qui regroupe trois personnes. Pensez-vous, en l'état actuel des choses, que ce nombre est suffisant ? Cette équipe mériterait-elle d'être renforcée ?

Ensuite, l'UNRWA est théoriquement là pour gérer une situation provisoire mais qui dure depuis soixante-quinze ans. Vous avez souligné la nécessité d'une solution politique, que nous partageons tous. Nous sommes tous d'accord qu'il faut bâtir une solution à deux États : il s'agit d'ailleurs de la position constante de la France et de l'ONU. Mais comment envisagez-vous le futur à moyen terme ? Il faut espérer que l'agence en sorte consolidée, mais comment agir mieux encore ?

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Je me permets de relayer la question de M. Garot. Il existe une interrogation légitime sur l'incidence du caractère totalement dérogatoire de la situation de l'UNRWA par rapport aux agences de l'ONU, notamment dans la durée, la nature du mandat et la nature des dysfonctionnements qui sont aujourd'hui sur la sellette.

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

Le service éthique de l'UNRWA est effectivement composé de trois personnes. De même, le service chargé de l'investigation et des évaluations regroupe quinze ou vingt personnes, réparties sur six champs géographiques. Les enjeux portent à présent sur la mise en œuvre des actions. Comment faire pour rendre les inspections plus régulières et profondes dans les écoles et les installations de l'UNRWA ? Comment pousser les investigations plus loin ? Soit le budget augmente, mais nous n'en prenons pas le chemin, soit il faut avoir le courage de faire des choix et que la communauté internationale aide l'UNRWA à réaliser ces choix. Les dysfonctionnements existent mais nous ne donnons pas un blanc-seing à l'UNRWA en établissant cinquante recommandations précises qu'il faut mettre en œuvre le plus rapidement possible.

S'agissant du second volet de votre question, tout est lié. Il faut rétablir la confiance, en faisant la clarté sur ce qui ne va pas, y compris dans la partie dédiée aux enquêtes. Si des crimes ont été commis, ils doivent être sanctionnés. Les réformes que recommande le rapport devront être mises en œuvre le plus rapidement possible. Je salue d'ailleurs la position du représentant permanent d'Israël aux Nations Unies à Genève. Lors du débat sur l'UNRWA il y a une semaine, tout en critiquant le rapport, il a néanmoins indiqué qu'il fallait mettre en œuvre ces recommandations parce qu'elles apporteraient des améliorations substantielles.

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Madame la ministre, je voudrais tout d'abord, au nom du groupe Horizons, vous féliciter pour l'excellent rapport que vous avez dirigé sur l'UNRWA. Ce travail est d'autant plus nécessaire que le conflit entre Israël et le Hamas a pris une tout autre ampleur et que l'Office a été remis en cause de manière grave par certains États membres. Il lui a notamment été reproché d'avoir promu des contenus pédagogiques contrevenant clairement à la neutralité qu'il doit garder dans ce conflit.

Le rapport du groupe d'examen indépendant chargé d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA émet un certain nombre de recommandations afin d'assurer la neutralité de l'organisation. Il est toutefois important de rappeler, comme vous l'avez fait, l'absolue nécessité de continuer à soutenir cette organisation dont le travail constitue une véritable ligne de vie pour de nombreux réfugiés palestiniens.

Ma question portera donc sur la sécurité du personnel de l'Office. L'une des principales garanties de la neutralité des agents concerne leur protection, à la fois financière, pour limiter la corruption, matérielle, pour éviter toute pression, mais surtout statutaire, afin d'assurer une plus grande liberté d'action. Dans votre intervention de ce jour, vous avez rappelé la nécessité d'une telle neutralité.

Votre travail a abordé cette neutralité sous la question de la sécurité et de la protection des personnels, des installations, de l'éducation et des syndicats. Mais qu'en est-il du lien entre l'assurance de cette sécurité en temps de guerre et la neutralité des agents ? Ont-ils suffisamment de moyens matériels et financiers pour s'assurer qu'ils ne céderont pas aux pressions de l'une ou l'autre des parties au conflit ?

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

La question de la sécurité des personnels est effectivement centrale. Néanmoins, je ne crois pas que les principaux manquements viendraient d'une insécurité financière. Les pressions sont plus d'ordre politique et sont liées à ce qui se déroule sur place depuis trop longtemps.

La principale motivation des débordements est d'ordre politique, ce qui pose plutôt la question de la protection des employés, internationaux comme locaux. Des menaces physiques ont ainsi parfois empêché des personnes de témoigner, raison pour laquelle le rapport propose des essais de hotline ou la protection des lanceurs d'alerte, pour permettre aux informations de remonter sans que l'employé ne s'expose lui-même.

Un autre volet concerne la santé mentale des personnels. À Gaza, des gens sont enfermés dans un territoire, avec peu de perspectives positives depuis quelques années, subissant des bombardements tous les deux ou trois ans. Il existe de réels problèmes de traumatisme psychologique et l'UNRWA n'a pas les moyens de s'occuper de la santé mentale de ses employés après de tels traumatismes.

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Je cède à présent la parole aux députés désirant s'exprimer à titre individuel.

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Je souhaite saluer à la fois la ministre et la présidente du groupe d'examen. J'ai été particulièrement touchée lorsque vous avez été désignée car j'y vois là un honneur pour la France et un hommage à votre intégrité, en dépit des allusions peu agréables que j'ai pu entendre.

Vous avez raison lorsque vous indiquez qu'il faut distinguer les faits des allégations. Dans l'horreur qu'a constitué le 7 octobre 2023, il est en effet possible d'imaginer que certains témoignages aient été fragilisés. Néanmoins, les accusations sont graves et doivent être prises avec beaucoup de précautions.

La question que je souhaite vous poser paraphrase les romans policiers : à qui profite le crime ? À qui profite le dénigrement incessant et très grave des Nations Unies ? À qui profiterait l'effondrement de l'UNRWA ? À qui profiterait l'enlisement de vos cinquante propositions, qui sont très intéressantes ? Enfin, de façon plus positive, comment faire en sorte que les intérêts soient convergents ?

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

Cela ne profiterait évidemment à personne ; ajouter le chaos au chaos ne serait dans l'intérêt de personne, et particulièrement pas d'Israël. Si l'UNRWA n'avait plus les moyens de fonctionner, la population serait livrée à elle-même. Au-delà d'en arriver à cette situation répréhensible et moralement injustifiable, la population serait encore plus sensible aux tendances extrémistes qui s'exercent déjà sur elle. Nous en avons d'ailleurs parlé très franchement avec les autorités israéliennes ; il ne faut pas confondre l'UNRWA et le droit au retour, qui provient d'une autre résolution de l'Assemblée générale, datant également de 1949.

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Madame la présidente du groupe d'examen, plusieurs choses m'interpellent dans votre présentation. Vous avez évoqué les difficultés de recrutement et de management du personnel local de l'UNRWA. Ces problèmes de management et de recrutement ne seraient-ils pas précisément liés au fait que des personnes seraient antijuives, antisémites et pro-Hamas ? À partir du moment où cet Office de l'ONU continuera à recruter localement, le même problème ne se posera-t-il pas de manière récurrente ? Ne s'agit-il pas d'une fatalité ?

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

Madame la députée, permettez-moi de vous dire que vous allez quand même un peu vite en besogne. Les questions de management ne concernent pas que les personnels mais aussi les projets, d'une façon générale, et le suivi par un encadrement intermédiaire. Ne soyez pas injuste a priori et sans preuve avec le personnel local de l'UNRWA. Rien ne permet d'affirmer que 99 % des personnels de l'Office posent problème. Israël a porté des allégations concernant quelques dizaines de personnes, quand nous parlons de 12 000 employés locaux à Gaza et en Cisjordanie. Si des crimes ont été commis, il faut en tirer toutes les conséquences, à la fois pour ces personnes et pour l'organisation, comme cela a été le cas dans le passé, lorsque des manquements aux obligations de neutralité ont eu lieu.

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Je n'ai pas dit que tous les personnels palestiniens de l'UNRWA étaient des assassins. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! J'ai simplement souhaité savoir si, de votre point de vue, un recrutement local, dans un contexte aussi sensible, ne pouvait pas expliquer certaines défaillances.

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Il n'est pas question aujourd'hui de remettre en cause les missions de l'UNRWA, qui sont indispensables. Mais il importe de s'interroger sur les quelques manquements qui ont pu intervenir. Vous avez évoqué une enquête en cours. Douze employés auraient participé aux massacres du 7 octobre. De même, il semblerait que 3 000 employés se seraient réjouis des actes du Hamas sur un groupe WhatsApp, que 1 200 employés ou des membres de leurs familles seraient affiliés au Hamas ou du Djihad islamique.

Vous avez également mentionné que 4 % des manuels scolaires posent problème mais le diable se cache souvent dans les détails. De plus, 60 % du budget de l'UNRWA est dévolu à l'éducation. Serait-il envisageable de diviser la mission de l'UNRWA en deux : une mission concernant la branche humanitaire et une autre concernant l'approche éducative, ce qui permettrait de mieux contrôler l'activité de la seconde sans mettre en péril la première, qui est évidemment indispensable ?

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

Il est toujours possible de segmenter mais l'UNRWA n'assure pas que deux fonctions ; l'Office opère aussi dans de nombreux autres domaines, dont la santé, l'éducation, la distribution de vivres.

L'enquête en cours n'est pas de mon ressort mais il faut bien distinguer les allégations portant sur des faits délictueux, criminels ou violant le principe humanitaire de neutralité, et les convictions politiques. Il n'est pas proscrit d'avoir des opinions mais l'engagement militant ne peut se traduire concrètement par des manifestations ou des prises de position publiques qui éloignent du respect du principe de neutralité.

Au-delà, je ne sais pas comment il est possible d'organiser, en pratique, la dualité que vous avez évoquée. Qui s'occuperait des actions humanitaires ? L'Autorité palestinienne a été chassée de Gaza par la force en 2007. Avant les bombardements, 350 000 élèves étaient scolarisés. Il est toujours possible qu'une autre agence portant un autre nom prenne la relève mais je ne crois pas que cela règlera le problème.

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J'ai personnellement l'impression qu'il peut exister trois niveaux de responsabilité potentiels très différents pour des personnels de l'UNRWA.

Il y a d'abord la participation à des activités criminelles, comme celle du 7 octobre. Cela appelle une réaction extrêmement vive de la part de l'organisation et des pouvoirs publics.

Il y a deuxièmement une participation d'une grande partie du personnel de l'UNRWA à une atmosphère diffuse de solidarité palestinienne et anti-israélienne, qui est extrêmement difficile à combattre.

Troisièmement, il existe une dérive potentielle de l'ensemble de l'action éducative et civique vers un endoctrinement, au travers de matériels cognitifs mis à disposition des populations. Cet aspect implique un encadrement infiniment plus fort des agents en charge et une reprise en main, pour réapprendre un certain type d'éducation fondée sur l'humanisme, le respect des opinions de chacun et l'horreur du racisme. Il s'agit d'un travail de longue haleine mais qui doit être entrepris car il est inadmissible que l'ONU véhicule autre chose que les principes universels de la Charte des Nations Unies.

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Catherine Colonna, présidente du groupe d'examen indépendant chargé par le secrétaire général de l'ONU d'évaluer les mécanismes et procédures de l'UNRWA pour assurer sa neutralité et répondre aux allégations de violations graves formulées à son encontre

La vérité oblige à dire que sur ce dernier point, des progrès ont été accomplis, y compris de la part de l'Autorité palestinienne, même s'ils ne sont pas satisfaisants. Par ailleurs, le rapport précise bien qu'il faut cesser immédiatement d'utiliser de tels matériels scolaires dans les écoles de l'UNRWA.

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Je ne doute pas que votre rapport sera à l'origine de nouveaux progrès. Je vous remercie d'avoir répondu, une fois encore, à la sollicitation de la commission des affaires étrangères.

******

Informations relatives à la commission

À l'issue de cette audition, la commission désigne :

- M. Mohamed Laqhila, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant, signé à Bruxelles le 7 novembre 2022, à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, et le protocole y relatif, faits à Paris, le 20 mars 2018, tels que modifiés par l'avenant, fait à Luxembourg, le 10 octobre 2019 (n° 2347).

La séance est levée à 18 h 20

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bertrand Bouyx, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Philippe Emmanuel, M. Guillaume Garot, Mme Maud Gatel, Mme Claire Guichard, M. Michel Guiniot, M. Meyer Habib, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Yaël Menache, Mme Mathilde Panot, M. Frédéric Petit, M. Vincent Seitlinger, Mme Laurence Vichnievsky, M. Lionel Vuibert

Excusés. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Élisabeth Borne, M. Sébastien Chenu, M. Olivier Faure, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, Mme Stéphanie Galzy, M. David Habib, Mme Brigitte Klinkert, Mme Marine Le Pen, Mme Karine Lebon, M. Sylvain Maillard, M. Laurent Marcangeli, Mme Nathalie Oziol, M. Bertrand Pancher, Mme Béatrice Piron, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa