La réunion

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La commission des affaires économiques a procédé à l'audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

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Chers collègues, notre commission auditionne M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Monsieur le ministre, nous sommes heureux de pouvoir évoquer avec vous la situation générale de notre économie et d'échanger sur les actions engagées et prévues par le Gouvernement afin de consolider notre réindustrialisation et, plus largement, le dynamisme et la compétitivité de nos entreprises.

L'économie française a pu résister, au cours des dernières années, à deux importants chocs d'origine extérieure : la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19 et la crise énergétique liée à la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Son attractivité pour les entreprises est établie : la France est devenue le premier pays d'accueil des investissements étrangers en Europe. C'est une très bonne nouvelle pour notre pays, qui doit faire valoir ses atouts.

Malgré un ralentissement de l'activité en fin d'année 2023, du fait d'une conjoncture moins favorable dans la zone euro, la France a pu conserver une croissance très légèrement positive, contrairement par exemple à l'Allemagne. Selon les prévisions de la Banque centrale européenne (BCE), la croissance moyenne des pays de la zone euro pourrait être de l'ordre de 0,6 % en 2024, puis de 1,5 % en 2025 : nous aimerions que vous nous présentiez la stratégie du Gouvernement pour stimuler davantage la croissance et soutenir les efforts engagés, notamment en faveur de l'emploi, dans l'ensemble des secteurs économiques.

S'agissant de l'industrie, alors que la loi relative à l'industrie verte a été publiée il y a un peu plus de six mois, pourriez-vous nous indiquer quels sont vos projets pour renforcer la mobilisation de notre économie dans ce domaine ? Pourriez-vous également nous présenter le contrat stratégique de la filière automobile 2024-2027 signé hier par le Gouvernement avec les acteurs de la filière ? Comment devrait-il permettre d'atteindre le chiffre de 2 millions de véhicules électriques produits chaque année en France en 2030 ? Nous savons en effet que la concurrence des acteurs américains et surtout chinois est très vive dans ce domaine. D'une façon plus générale, notre déficit commercial à l'égard de la Chine, s'il a un peu baissé par rapport à 2022, atteint encore 46 milliards d'euros en 2023.

Le Gouvernement entend également renforcer ses efforts en faveur de la simplification de la vie des entreprises et de nos concitoyens dans leurs démarches administratives – nous avons notamment entendu parler de la suppression de formulaires Cerfa. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce que vous envisagez de faire pour progresser en la matière ? L'attente des chefs d'entreprise est grande.

Par ailleurs, notre commission suit avec attention les enjeux numériques. Après l'adoption par le Parlement, le 10 avril dernier, du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN), pourriez-vous nous donner des indications sur les projets du Gouvernement en faveur de la résilience numérique et de la cybersécurité ? Pourriez-vous, en particulier, nous indiquer votre analyse de notre capacité à défendre notre souveraineté numérique, notamment face aux grandes plateformes, et nous préciser quelles sont les prochaines étapes prévues pour permettre à notre pays et à l'Europe de rester au niveau dans ce domaine critique ?

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Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Je n'oublie pas, monsieur le président, que vous avez été un grand ministre de l'agriculture, attaché à ce qui est peut-être le premier défi français : redevenir une nation de production.

Regardons ce qu'il s'est passé en France depuis une quarantaine d'années : nous avons abandonné notre production pour devenir une nation de consommateurs ; les productions agricoles et surtout industrielles se sont effondrées. Je considère que la pire faute politique, économique et même morale qui ait été commise dans notre pays depuis quarante ans, ce sont les délocalisations industrielles, menées sous des prétextes faussement intelligents mais en réalité stupides, avec des concepts tous plus fallacieux les uns que les autres, comme l'industrie sans usine ou les usines sans ouvriers.

Tout cela nous a conduits droit dans le mur. Nous sommes la seule des grandes nations industrielles européennes à avoir perdu la moitié de sa production industrielle en l'espace de quarante ans – sa part dans le PIB est passée de 20 % à 10 %, alors qu'elle augmentait légèrement en Allemagne et restait stable en Italie. Tout notre objectif, avec le Président de la République, a été de répondre à ce défi, en refaisant de la France une nation de production et de plein-emploi, avec un cap clair : devenir la première économie décarbonée en 2040. Voilà le travail que je poursuis depuis sept ans que je suis ministre de l'économie et des finances – sept années non pas de réflexion, mais de décisions.

Les résultats économiques français – je tiens à le rappeler dans ce climat de pessimisme généralisé – sont bons. On n'a cessé de nous tympaniser avec la récession, décrite comme inéluctable en 2023 : nous avons obtenu 0,9 % de croissance, ce qui est très proche de la prévision du gouvernement français. On nous avait dit qu'au premier trimestre 2024, la croissance serait nulle : nous avons fait 0,2 %. On n'a pas arrêté de nous dire qu'elle serait au maximum de 0,5 % en 2024 : nous avons déjà un acquis de 0,5 %. On nous a affirmé que le chômage allait exploser en début d'année : nous venons de créer 50 000 emplois. On a prétendu que les Français perdaient du pouvoir d'achat : l'augmentation des salaires au premier trimestre 2024 s'établit à 3,3 % par rapport au premier trimestre 2023, soit plus que l'inflation. Celle-ci, je le rappelle, est tombée à 2,2 % : c'est une grande victoire du Gouvernement d'avoir réussi à la maîtriser en deux ans, comme je m'y étais engagé. Je ne dis pas que tout est facile pour les Français, mais que l'économie française fait bien, que ses fondamentaux sont solides et qu'il faut persévérer dans la même direction, qui est celle d'une nation de production décarbonée au plein emploi – et je ne varierai pas de cette ligne.

Quelles décisions expliquent les résultats obtenus, les usines qui ouvrent, les emplois industriels qui sont recréés ? Tout d'abord, et même si elle est très contestée, notre politique fiscale fait l'attractivité de notre pays. Nous avons baissé l'impôt sur les sociétés (IS) de 33,3 % à 25 %. On n'a pas cessé de nous dire qu'il fallait le réaugmenter et le moduler. Eh bien non ! Ce qui est précieux pour les entreprises, ce sont la stabilité et la visibilité. Si nous changeons le taux de l'impôt sur les sociétés tous les quatre matins, nous en perdons l'attractivité. Nous avons également instauré un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %. Néanmoins, la France reste l'un des pays qui taxent le plus lourdement le capital en Europe ; or, il n'y a pas d'industrie sans capital. Nous devons donc avoir une fiscalité attractive en la matière.

Deuxièmement, nous avons transformé en profondeur le marché du travail, en le réformant et en relançant l'apprentissage, qui est devenu une voie d'excellence pour tous les jeunes. Nous avons en outre modifié l'assurance chômage et engagé une réforme des retraites. Le résultat, c'est que nous avons le taux d'emploi le plus élevé depuis 1975 – ce sont les chiffres de l'Insee fin 2023. Cela fait un demi-siècle que la France n'avait pas connu un taux d'emploi aussi élevé. Est-ce que tout est rose ? Non. Est-ce que nous allons dans la bonne direction ? Oui, même s'il reste du travail à accomplir, concernant notamment l'emploi des plus de 55 ans, qui me tient très à cœur.

En troisième lieu, nous avons rouvert des filières industrielles. Certains parlementaires du Rassemblement national m'ont interrogé sur les choix que nous avons faits en faveur des véhicules électriques. Il faut être clair : si on refuse le passage au véhicule électrique, si on ne crée pas des usines de batteries, d'anodes et de cathodes, si on ne fabrique pas de moteurs électriques, comme à Trémery, il ne nous restera plus qu'à acheter des véhicules chinois. Refuser la transition vers le véhicule électrique, c'est défendre les intérêts de la Chine, et non ceux de la France. Tous les constructeurs automobiles étrangers – chinois, sud-coréens ou autres – rêvent que la France ne se batte pas pour le véhicule électrique. Nous sommes un marché de 67 millions de consommateurs plutôt riches : si nous ne produisons pas de véhicules électriques, nous les achèterons demain à des pays étrangers. Être patriote, c'est défendre l'industrie en France ; être patriote, c'est anticiper les grands changements et non les subir. C'est exactement ce que nous faisons en matière industrielle, en combinant réindustrialisation et décarbonation.

Ce que chacun doit bien comprendre, c'est que la transition énergétique est une opportunité historique pour la France de se réindustrialiser. Les États-Unis l'ont parfaitement compris en mettant en place l'Inflation Reduction Act (IRA). La Chine l'a parfaitement compris en accélérant la production d'éoliennes, de panneaux photovoltaïques, de véhicules électriques ou de batteries. Et nous l'avons aussi parfaitement compris, avec le Président de la République, en liant décarbonation et réindustrialisation. Aucun autre pays en Europe n'a mis en place un crédit d'impôt industrie verte pour les productions de pompes à chaleur, de batteries électriques, d'hydrogène ou d'autres produits industriels verts.

La crise sanitaire liée au covid-19 et la crise inflationniste ont radicalement changé la donne, en modifiant le visage de la mondialisation. La mondialisation heureuse est derrière nous : l'explosion des chaînes de valeur sur toute la planète – je prends un peu de titanium ici, un peu d'aluminium là, du caoutchouc dans un troisième endroit, des semi-conducteurs dans un quatrième endroit – est finie. Chacun veut son indépendance dans les filières critiques. Nous avons engagé le travail pour bâtir notre indépendance dans des filières critiques qui vont de l'aéronautique à l'automobile, en passant par l'espace, l'hydrogène vert, les pompes à chaleur ou les batteries. Afin d'accentuer ce mouvement tout en faisant en sorte que la France garde les mêmes résultats économiques, la réindustrialisation et la décarbonation doivent s'accélérer.

Pour cela, nous devons rester attractifs pour les investisseurs étrangers. Il n'est donc pas question de changer notre politique fiscale. Ne comptez pas sur moi pour augmenter les impôts : ce serait le pire signal adressé aux investisseurs. On peut évidemment récupérer l'argent des rentes, et nous le ferons, notamment sur les énergéticiens, c'est-à-dire ceux qui gagnent de l'argent uniquement parce que les prix du marché augmentent et non parce qu'ils ont investi. En revanche, nous ne toucherons pas à l'impôt sur les sociétés (IS), nous ne toucherons pas à la baisse des impôts de production et nous ne voulons pas toucher au prélèvement forfaitaire unique.

En deuxième lieu, il faut que nous soyons capables de protéger notre industrie – j'emploie ce terme à dessein. Protéger, cela signifie tout d'abord réserver les aides aux produits qui respectent les meilleurs standards environnementaux, c'est-à-dire nos produits. L'aide à l'installation d'une pompe à chaleur s'élève à 9 000 euros. Les pompes à chaleur produites en France sont plus chères car elles utilisent un gaz qui n'émet quasiment aucun CO2, contrairement à d'autres qui sont importées. Il est normal que je réserve les aides aux pompes à chaleur qui émettent le moins de CO2.

Il en va de même pour les véhicules électriques : il est essentiel de conserver les 1,2 milliard d'aides accordés sous forme de bonus et de donner de la visibilité pour que les industriels puissent investir. Mais nos batteries et nos véhicules électriques obéissent à des règles environnementales plus strictes que ceux produits en dehors des frontières européennes. J'ai donc pris la décision de réserver les bonus aux véhicules électriques les plus performants du point de vue environnemental, c'est-à-dire ceux qui sont produits en Europe. Cela a fait chuter de 44 % les importations en provenance de Chine. Les discussions ne sont certes pas faciles ensuite avec le gouvernement chinois, mais ce commerce est fondé sur un principe de réciprocité, qui implique que les mêmes normes, les mêmes règles doivent s'appliquer d'un bout à l'autre de la planète, sans quoi il n'y a pas de justice, pas d'équité et pas de compétition possible.

Tant que le coût de production dans un secteur reste trop élevé, nous comptons maintenir les aides à la demande, quitte à les diminuer par la suite. La contrepartie, c'est que nous voulons de la production en France. Je l'ai dit aux patrons de Renault et de Stellantis à plusieurs reprises. Je peux faire état ici de certaines négociations : il a, par exemple, fallu livrer un véritable combat pour garder l'usine Alpine à Dieppe. En tant qu'actionnaires de Renault, il nous a fallu démontrer qu'il y avait un intérêt pour l'entreprise à agir de cette façon, en trouvant un équilibre entre la compétitivité du site et l'aide à la demande que nous maintenons pour préserver celui-ci. De même, à Sandouville, pour les véhicules utilitaires légers, 200 millions d'euros seront investis et plus de 1 000 emplois industriels créés mais, en contrepartie, il faut de la commande publique et des aides à la demande. C'est comme cela que l'on construit un partenariat intelligent.

S'il y a une chose dont je suis fier, dans l'accord qui a été conclu hier, c'est qu'il a montré l'unité de la filière automobile. Je salue en particulier l'esprit de responsabilité des syndicats, qui sont lucides sur la férocité de la compétition mondiale. Nous avons signé un accord de filière, qui permet de trouver un bon équilibre entre la politique économique globale du Gouvernement, les aides à la demande que nous maintenons et les investissements des industriels en France – fabrication de la E-3008 à Sochaux, ou encore de la R5 à Douai. On me dit qu'on ne peut pas produire de segment B en France ; or, ce sera le cas avec la R5, parce que c'est un véhicule électrique rentable, avec des batteries produites en France et le soutien à la demande apporté par l'État français.

Le quatrième volet porte sur la simplification. Nous devons aller beaucoup plus loin dans ce domaine. Nous voulons supprimer les 1 800 formulaires Cerfa existant en France. C'est un travail de Titan – il suffit de recenser toutes les obligations qui sont derrière un formulaire Cerfa pour comprendre à quel point c'est difficile – mais nous voulons accélérer dans cette voie, afin de faciliter les autorisations d'ouvertures et d'agrandissements d'usines et, ainsi, de gagner la bataille de la réindustrialisation qui, à mes yeux, est absolument fondamentale.

Le grand défi, maintenant, est de faire en sorte que cette politique économique nationale de productivité, d'innovation, de réindustrialisation et de protection de notre industrie devienne un choix européen. Depuis 2017, nous avons réussi à faire bouger les lignes. Il y a sept ans, il était impossible et même inenvisageable d'octroyer des aides d'État au secteur industriel ; c'est désormais possible. Il y a sept ans, les projets importants d'intérêt européen commun (Piiec) n'existaient pas ; ils existent désormais et permettent de bâtir des coopérations en matière d'hydrogène vert ou de pompes à chaleur. Il y a sept ans, il était absolument impossible de mettre en commun certains investissements ; nous le faisons aujourd'hui.

Maintenant que nous avons convaincu les autres États membres de la nécessité de mettre en œuvre une politique industrielle européenne – cela a été notre combat et notre victoire –, une autre grande question se pose : comment refonder la politique commerciale européenne, notamment sur le principe de réciprocité ? Si nous sommes les seuls à réserver nos bonus sur les véhicules électriques à des productions européennes et à réclamer un contenu européen dans les critères d'attribution des marchés publics, il y a fort à parier que nous allons devenir la cible des deux autres grands continents, en particulier des États-Unis – surtout si des changements interviennent dans ce pays dans quelques mois – et de la Chine. Pour tenir cette ligne d'innovation et de protection, d'investissement et de défense de nos intérêts, qui me paraît la seule responsable, il faut impérativement que ces choix nationaux deviennent, dans les prochains mois, des choix européens.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Monsieur le ministre, vous avez présenté les choix politiques que nous faisons sur des fondements économiques solides. En témoigne cette information publiée cette semaine : la France est, pour la cinquième année consécutive, le pays d'Europe le plus attractif pour les investissements étrangers.

Ce succès n'est pas qu'un simple chiffre : c'est une excellente nouvelle pour des millions de Français, dans toutes nos régions. C'est d'abord une très bonne nouvelle pour l'emploi : en 2023, les 1 200 projets d'investissements recensés ont en effet permis la création de 40 000 emplois, soit davantage qu'en 2022. C'est aussi une bonne nouvelle pour l'ensemble du territoire français, parce que les villes de moins de 20 000 habitants vont accueillir la moitié de ces projets d'investissements et trois projets industriels annoncés sur quatre. C'est enfin une bonne nouvelle pour les finances publiques, parce que ces investissements vont créer de la valeur dans notre pays, et donc augmenter les recettes fiscales et diminuer les dépenses publiques.

Nous sommes convaincus que ce succès est le fruit de la constance. Depuis sept ans, malgré les crises et les fortes oppositions rencontrées dans nos combats politiques, nous avons tenu le cap de notre politique économique, qui est une politique de l'offre. Nous avons baissé les impôts de plus de 50 milliards d'euros : la moitié de cet effort a bénéficié aux ménages, l'autre moitié aux entreprises. Nous avons réformé le marché du travail pour permettre à ces dernières de créer près de 3 millions d'emplois depuis 2017. Nous investissons désormais 54 milliards d'euros dans nos secteurs industriels stratégiques, notamment à travers le plan France 2030, et nous mettons tout en œuvre pour simplifier la vie des Français et des entreprises, en particulier dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique que vous avez présenté.

Ces réformes sont d'autant plus cruciales qu'elles s'inscrivent dans un contexte de basculement de l'économie mondiale, marqué par des tensions sans précédent. On a observé, à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine, une rupture énergétique entre l'Europe et la Russie. La Chine ferme à une partie des entreprises européennes l'accès à ses marchés stratégiques – c'est l'un des enjeux de la visite d'État du président chinois en France. Quant aux États-Unis, ils ont adopté l' Inflation Reduction Act, qui frappe de plein fouet l'économie européenne, comme en témoigne la baisse de 15 % des investissements américains en Europe cette année.

Vous avez affirmé votre volonté d'accélérer la transformation de notre économie au service d'un objectif : l'indépendance et la sécurité économique de la France et de l'Europe. Nous soutenons pleinement cette ambition. Alors que vous avez déjà annoncé des mesures concrètes dans ce domaine, pouvez-vous nous présenter votre feuille de route sur les enjeux d'attractivité pour les mois à venir ?

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Bruno Le Maire, ministre

Je vous remercie d'avoir rappelé l'importance et la férocité de la compétition que se livrent l'Europe, la Chine et les États-Unis. Pour l'Europe, la politique chinoise et la politique américaine constituent, en quelque sorte, une double peine.

Notre continent a subi, plus que tous les autres, les conséquences de la guerre en Ukraine : il a été le premier touché par les problèmes d'approvisionnement en gaz et la flambée des prix de l'énergie, du gaz comme de l'électricité. On entend parfois que l'Europe n'est pas capable de défendre ses valeurs, mais elle paie au prix fort sa position courageuse dans le conflit en Ukraine. L'impact de cette guerre sur notre économie est le prix que nous payons pour la défense de notre liberté et de notre souveraineté.

La Chine se montre très offensive, bénéficiant de fortes capacités de production de marchandises qu'elle cherche à vendre sur le marché européen. Quant aux États-Unis, ils ont fait le choix du protectionnisme et s'y tiendront, quel que soit le résultat de l'élection de novembre prochain.

Dans certains secteurs dont on parle peu, les chiffres sont assez stupéfiants. L'Europe s'effondre notamment dans le secteur de la chimie, parce que ce dernier consomme beaucoup d'énergie et que nous avons édicté des normes très strictes. En quelques années, la part de la Chine dans la production chimique mondiale est ainsi passée de 10 % à 43 %, quand celle de l'Europe a été réduite de moitié.

L'attractivité est une question de stabilité. Si nous restons attractifs, c'est parce que nous sommes stables dans nos décisions fiscales et économiques, sur le marché du travail comme dans l'industrie.

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Monsieur le ministre, vous allez fêter vos sept ans au ministère de l'économie, et pourtant, vous semblez découvrir chaque jour la réalité de votre mauvais bilan, le fonctionnement du marché européen de l'électricité, que vous soutenez, ou l'état des finances publiques, que vous avez vous-même dégradées.

Vous n'apprenez pas des erreurs du passé. Vous allez encore aggraver la situation économique du pays en le soumettant à une nouvelle cure d'austérité, en décidant de nouvelles baisses des dépenses sociales, en vous attaquant aux droits des chômeurs et des travailleurs, et en supprimant des emplois dans les écoles et les hôpitaux publics, ce qui va réduire l'activité. Ce n'est pas La France insoumise qui le dit, mais l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui rappelle que les coupes budgétaires de 10 milliards d'euros que vous avez d'ores et déjà prévues vont faire reculer le PIB de 0,2 point.

Non, vous n'apprenez pas des erreurs du passé. Vous appliquez la politique d'austérité qui a déjà ruiné la Grèce. Pourtant, à l'époque, l'ex-ministre grec Yánis Varoufákis expliquait que Paris était la destination finale de la troïka, qui avait pour but de casser les services publics et les droits sociaux. Nous y voilà. C'est vous qui êtes chargé de la sale besogne. Cette logique doit cesser.

Vous êtes à court d'idées pour boucler votre budget. Vous pourriez déjà permettre à l'Assemblée nationale de se prononcer sur un projet de budget rectificatif, faute de quoi nous déposerons une motion de censure. Or, vous avez vidé de 50 milliards d'euros par an les caisses de l'État, à coups de cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises. Votre bilan, c'est 100 milliards d'euros de dividendes pour les actionnaires du CAC40, des écarts de salaires absolument monstrueux au sein des entreprises – je pense à la rémunération de Carlos Tavares alors que PSA menace ses sous-traitants – et le doublement des grandes fortunes. Il est temps de mettre fin à ces surprofits, à ces sursalaires et à cette surexploitation du travail des Français.

Vous parlez d'industrie. Là non plus, vous n'apprenez pas de vos propres erreurs. Vous vous vantez d'un bilan du cabinet EY, mais l'avez-vous seulement lu ? Ce document nous apprend que la France est à l'avant-dernière place en matière d'emplois créés par les investissements étrangers et à la dernière place dans le secteur industriel. La réalité de votre bilan industriel, c'est que les défaillances de PME n'ont jamais été aussi nombreuses – et pas seulement en raison du covid-19 – et que la part de l'emploi industriel dans l'emploi total n'a jamais été aussi basse. À cela s'ajoutent la liquidation de Duralex et de Systovi – une entreprise qui produisait des panneaux photovoltaïques – ainsi que les menaces très directes qui pèsent sur Metex, MA France et un site de General Electric dans ma circonscription.

Vous dites vouloir enfin protéger notre industrie. Devant le bilan désastreux de votre politique, vous êtes obligé de reprendre les mots qui sont les nôtres. Cependant, vous savez très bien que les traités européens interdisent ce protectionnisme dont nous avons besoin, et que la Commission européenne, que vous soutenez, ne le permet pas. Êtes-vous prêt à déroger aux traités et à désobéir à la Commission ?

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Bruno Le Maire, ministre

Comme le disait Lénine, l'une de vos grandes références, les faits sont têtus. Les chiffres le sont tout autant : nous avons permis 660 ouvertures d'usines et créé 133 000 postes d'ouvriers, ce qu'aucune majorité n'avait fait depuis quarante ans.

Il y a quelque temps, nous étions ensemble à Saint-Nazaire. Plutôt que d'évoquer les entreprises rencontrant des difficultés, que nous accompagnons évidemment, vous auriez pu parler de ce qui se passe dans cette ville. La renaissance des Chantiers de l'Atlantique est incroyable. Retrouvons un peu de volontarisme, d'optimisme et d'enthousiasme face à ce que les entrepreneurs, les ouvriers, les ingénieurs et les techniciens français sont capables de faire ! Les Chantiers de l'Atlantique se sont complètement réinventés : ils produisent les paquebots de luxe les plus prestigieux de la planète et, désormais, des sous-stations pour les éoliennes, ayant bénéficié d'un investissement de 4,5 milliards d'euros. Pourquoi n'en parlez-vous pas ? Ne voyez pas forcément la vie en noir, regardez-la un peu plus en rose ! Tout cela illustre l'efficacité de notre politique.

J'ai déjà répondu dix fois à vos remarques sur l'austérité. Comment peut-on employer ce terme quand la dépense publique représente 56 % de notre richesse nationale, soit la part la plus importante de tous les pays développés ? Retrouver des comptes publics bien tenus, comme en 2017 et 2018, permet au contraire de bénéficier de taux d'intérêt plus bas. C'est bon pour les consommateurs, pour les investisseurs, et cela rétablit la confiance des ménages, qui sont incités à consommer. Au bout du compte, contrairement à ce que dit l'OFCE, c'est bon pour la croissance.

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La désinvolture et la négligence du capitaine du Titanic ont conduit à une catastrophe inévitable. Je ne peux m'empêcher de faire un parallèle entre ce naufrage et la direction dans laquelle vos choix en matière de finances publiques entraînent notre pays. Vous faites naviguer la France sur des eaux dangereuses : les signaux d'alarme sont nombreux et les passagers inquiets.

Malheureusement, les chiffres sont têtus : la dette publique explose, puisqu'elle s'est accrue de 1 000 milliards d'euros en sept ans. Près de 200 milliards de plus sont prévus pour cette année. Désormais, pour éponger la dette, nous risquons de voir les impôts augmenter, ce qui pèsera sur les ménages et sur les entreprises déjà fragilisées. Je ne parle même pas des collectivités territoriales, que vous comptez faire payer pour combler le déficit de l'État. Il n'y a aucune raison de les mettre à contribution pour corriger le dérapage budgétaire, dont l'État est seul responsable.

Pour les exercices 2023 et 2024, vous nous avez trompés en faisant adopter par 49.3 deux budgets insincères, bâtis sur des prévisions de croissance trop optimistes. Quelle déconnexion avec la réalité économique ! Le groupe Les Républicains regrette que vous ne souhaitiez pas entendre parler de projet de loi de finances rectificatif. Quel manque de considération pour la représentation nationale !

Autre aspect inquiétant : le nombre record de faillites d'entreprises françaises au cours de ces derniers mois devrait être un signal d'alarme pour le Gouvernement.

Le dernier coup de massue en date concerne l'énergie. L'abandon d'une loi de programmation énergétique est incompréhensible. Sans programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), la France ne pourra pas redevenir compétitive, ni proposer un prix de l'électricité acceptable pour le porte-monnaie de chacun de nos compatriotes et de nos entreprises. L'immobilisme et l'absence de cap condamnent notre souveraineté énergétique.

Heureusement que l'agriculture se trouve, depuis une semaine, au cœur de l'actualité législative : cela vous évite d'oublier nos paysans. Mais vous n'annoncez que des mesurettes, alors que les agriculteurs attendent toujours des mesures conjoncturelles concrètes. S'agissant des mesures structurelles, comment peut-on espérer atteindre la souveraineté alimentaire et faire du renouvellement des générations en agriculture une cause nationale en parlant aussi peu de compétitivité, de filières, de revenus, et en occultant totalement le volet fiscal, notamment pour les installations-transmissions ? Du reste, l'annonce récente du report de la concrétisation des mesures agricoles au projet de loi de finances pour 2025 est improductive et très dangereuse. Vous devriez savoir que le monde paysan est encore en ébullition.

Face à ces défis colossaux, nous attendons des actions concrètes pour soutenir notre économie, notre agriculture et notre modèle énergétique. Qu'allez-vous faire ? Il y a urgence. Espérons qu'il soit encore temps de redresser la barre pour éviter l'iceberg et le naufrage économique !

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Bruno Le Maire, ministre

Je regrette le manque de cohérence de votre groupe en matière de finances publiques : on ne peut pas nous reprocher de dépenser trop quand on a déposé, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, 1 467 amendements représentant plus de 150 milliards d'euros de dépenses supplémentaires ! Je vous tends à nouveau la main et vous invite à soutenir la stratégie du Gouvernement. Nous avons besoin de soutien, tant il est difficile de rétablir les finances publiques. Nous voulons agir avec sang-froid et fermeté pour redresser les comptes publics. La preuve que cette stratégie convainc un certain nombre d'observateurs, c'est que la note française a été maintenue par Moody's comme par Fitch.

Notre stratégie repose sur trois piliers. Premièrement, la croissance est là, positive, comme je l'avais indiqué et contrairement à certaines prévisions, répétées depuis trois mois, selon lesquelles la croissance serait nulle ou négative au premier trimestre. Deuxièmement, nous maintenons les réformes de structure, en engageant une réforme de l'indemnisation du chômage et en défendant un projet de loi de simplification de la vie économique, sur lequel je tends, là encore, la main au groupe Les Républicains. Troisièmement, nous poursuivons la réduction des dépenses publiques : parce que cette politique est difficile et qu'il faut savoir couper la dépense là où elle est la moins efficace, toute proposition est la bienvenue sur ce sujet sensible.

Vous devriez vous réjouir que le Gouvernement ait relancé l'énergie nucléaire et pris la décision d'investir dans six nouveaux réacteurs nucléaires. Cela n'était pas arrivé depuis trente ans, puisque nous étions victimes du « nucléaire-bashing » et de cet art absolument consommé que nous avons, en France, de taper sur nos atouts. J'ai constamment défendu le nucléaire, que je considère comme un atout, y compris le maintien de Fessenheim. Je ne suis ministre de l'énergie que depuis six mois, et je suis heureux de pouvoir accorder mes actes avec mes convictions, en mettant en œuvre la décision du Président de la République d'ouvrir six nouveaux réacteurs de type EPR.

Enfin, je vous rassure, nous prévoyons bien des mesures fiscales pour le secteur agricole, à savoir la pérennisation du dispositif d'exonération de cotisations patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TODE), que j'avais mis en place lorsque j'étais ministre de l'agriculture, ainsi que la pérennisation et l'adaptation de la déduction fiscale s'appliquant à l'élevage bovin, plafonnée à 15 000 euros par exploitation, en l'étendant à l'assiette des cotisations sociales, conformément à la demande de la filière.

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Monsieur le ministre, je connais votre goût pour les pommes françaises. Je tiens à vous féliciter pour tous les contrôles que vous avez diligentés depuis les jours de colère du monde agricole et qui ont apporté la triste preuve de l'irrespect par certains acteurs des lois Egalim et de diverses autres réglementations.

Lorsque je me promène sur les marchés, je m'interroge souvent sur l'origine réelle de tomates, d'asperges ou de poires présentées comme françaises. En France, nous consommons beaucoup plus de poires françaises que notre pays en produit ! Il y a donc un problème, celui de la francisation, qui représente un fléau pour la production nationale, pas seulement dans le secteur agricole.

Comment pouvez-vous rassurer les agriculteurs sur la lutte contre la francisation, dans les marchés d'intérêt national (MIN) comme dans les marchés physiques ? Pouvez-vous étendre les contrôles aux lieux de vente et ne pas les restreindre à la grande distribution – je ne voudrais pas paraître comme m'attaquant seulement à cette dernière ? Dans les poubelles des marchés, on constate que des marchandises présentées comme françaises ne le sont pas : il faut agir pour sauver la production nationale !

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Bruno Le Maire, ministre

Je partage avec vous un goût prononcé pour les pommes, notamment limousines et normandes – vous connaissez le mot de Churchill à partir du proverbe anglais : « Une pomme par jour éloigne le docteur…surtout si on vise bien. »

La francisation est révoltante : j'ai mobilisé 150 agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur le sujet – j'en profite pour saluer le travail remarquable de cette direction dans la lutte contre la francisation. J'entends parfaitement ce que vous dites sur la grande distribution et les marchés, et je suis ouvert à un renforcement des sanctions en cas d'infraction aux règles d'étiquetage, laquelle représente une perte de 2 % du chiffre d'affaires. Rien n'est plus révoltant que de tromper le consommateur en prétendant qu'une marchandise étrangère a été produite en France.

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Je ne suis pas persuadé que le consensus national sur la nécessité de réindustrialiser soit né en 2017 ; vous n'avez pas le monopole de ce récit partagé. Cette politique ne peut fonctionner que si elle est assise sur un contrat social, lequel doit reposer à nos yeux, comme l'a rappelé Boris Vallaud lors du débat d'orientation et de programmation des finances publiques, sur quatre piliers : taxation des superprofits, optimisation de la dépense publique, intensification de l'effort productif et augmentation du pouvoir d'achat des classes populaires les plus défavorisées.

Nous aimerions mettre en avant trois idées, issues de notre tradition politique, que nous souhaiterions intégrer à de futurs textes législatifs parce qu'elles peuvent participer de ce contrat social.

Tout d'abord, nous voudrions indexer l'impôt sur les sociétés sur les critères retenus par la directive européenne CSRD, qui porte sur le développement durable des entreprises. L'objectif est de dépasser le cadre de la comptabilité monétaire pour prendre en compte la performance sociale et environnementale : nous pourrions appliquer une variante, qui évoluerait, à recettes égales, dans un rapport de vingt à trente, pour un équivalent actuel de vingt-cinq.

Ensuite, pour lutter contre l'indécence de certaines rémunérations, nous avions déposé il y a quelques années une proposition de loi visant à limiter l'écart des salaires dans un rapport d'un à douze. Une disposition pourrait prospérer, celle de la non-déductibilité de l'IS des salaires et des charges salariales au-delà d'une certaine quotité. L'effet redistributif d'une telle mesure pourrait être immense.

Enfin, il y a encore beaucoup de travail à accomplir dans le domaine de la réciprocité : le groupe Socialistes et apparentés a avancé une proposition, qui porte sur l'agriculture mais que nous pourrions étendre à l'industrie, visant à imposer de véritables mesures miroirs reposant sur le principe d'inversion de la charge de la preuve, grâce à une certification de qualité des produits et de conformité aux standards européens, opérée par un organisme tiers, lui-même agréé par l'Union européenne. Après de très longues négociations, nous avions obtenu, en commission mixte paritaire sur le texte devenu la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte, l'engagement qu'un décret serait rédigé pour assurer le respect du principe de réciprocité dans la commande publique. Annoncé pour la fin du mois d'avril, il n'est toujours pas publié. Quand le sera-t-il ?

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Bruno Le Maire, ministre

Je vous transmettrai par écrit la date exacte de la publication du décret.

Le récit sur la réindustrialisation ne date bien évidemment pas de notre arrivée aux affaires, mais cette politique suppose des décisions fiscales que personne n'avait eu le courage de prendre. L'industrie est hautement capitalistique et elle dégage des marges souvent très faibles – très modestes dans le secteur automobile, un peu plus élevées dans l'aéronautique, mais toujours plus minces que dans le luxe ou les cosmétiques. Il fallait donc prendre des mesures fiscales permettant à l'industrie de se développer : seuls nous l'avons fait !

Je vous rejoins en revanche sur les écarts de salaires et sur les mesures que vous appelez de vos vœux. Je me retrouve totalement dans les propos du président de Michelin, Florent Menegaux, insistant sur la nécessité de fixer des salaires décents et de limiter les écarts entre les rémunérations des dirigeants et celles des autres salariés. Nous devons mener une réflexion à l'échelle européenne. Que dirait-on si le chef de l'administration de l'économie et des finances gagnait 100, 150, 200 ou 250 fois plus que le fonctionnaire le moins bien payé ? Ce serait inacceptable. Je crois à un capitalisme juste et équitable, qui valorise le mérite, le succès et la réussite sans céder à certains excès. Les propositions de M. Menegaux sont intéressantes, et nous devons nous saisir du sujet.

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Mon engagement et mon histoire personnelle, familiale et politique ont été traversés par les drames humains et les cicatrices territoriales engendrés par le renoncement industriel, dans lequel votre famille politique n'est pas exempte de responsabilité. Dans les discours, une prise de conscience s'est certes opérée, mais les délocalisations ne résultent ni de l'opération du Saint-Esprit, ni de la main invisible du marché : elles sont le produit de décisions politiques fortes consistant à donner aux gens toute licence pour faire du pognon là où ils le veulent.

Malgré le bilan que vous présentez, force est de constater que de nouveaux sacrifices industriels ont lieu : ce ne sont pas des discours qui vont rassurer les salariés des entreprises Systovi, Duralex, Forvia ou ExxonMobil, chez moi, en Seine-Maritime – eux qui sont jetés comme des Kleenex même quand le groupe dans lequel ils travaillent dégage des bénéfices. L'État est encore loin de se montrer suffisamment protecteur et stratège. La politique de l'offre et celle jouant sur le coût du capital ne peuvent parvenir à elles seules à relancer l'industrie.

L'intelligence ouvrière mériterait d'être un peu plus reconnue et entendue : quand on prend la peine de demander aux salariés des verreries leur avis sur la stratégie industrielle, ils ont des choses à dire ; lorsque l'on demande, comme je l'ai fait, aux salariés d'Alpine leur vision de l'avenir de l'automobile, ils ont plein d'idées intelligentes. Quelle est votre opinion sur la place des salariés dans la définition des stratégies industrielles ?

Notre pays manque de main d'œuvre qualifiée : le secteur nucléaire illustre particulièrement cette pénurie, mais un récent rapport de l'Observatoire paritaire de la métallurgie a mis en lumière le déficit d'offres de formation au poste de chaudronnier-soudeur, métier sacrifié lors de la crise de la sidérurgie des années 1970. La volatilité des prix de l'énergie constitue une autre source de faiblesse, car elle porte préjudice à la compétitivité des industries françaises : dans ce domaine, le marché ne fonctionne pas. Enfin, il faut instaurer des mesures de protection aux frontières européennes, miroirs de celles déployées par les pays asiatiques et par les États-Unis.

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Bruno Le Maire, ministre

Fidèle à la longue tradition de rapprochement entre les communistes et les gaullistes, je crains de partager pleinement les propos de M. Jumel – vous vous garderez de le répéter, monsieur le président. La réindustrialisation est un combat extrêmement dur, parce que les intérêts financiers sont lourds. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites sur les ouvriers, comme j'ai pu le constater à Ascoval lors de l'un de mes premiers déplacements comme ministre chargé de l'économie et des finances il y a sept ans. Si je n'avais pas rencontré les ouvriers et les syndicats – auxquels je rends hommage –, ce site aurait fermé car les investisseurs ne le jugeaient plus rentable, estimant que l'aluminium ne pouvait plus être produit en France. Or, à Ascoval, l'unité de production était flambant neuve ; les ouvriers, totalement mobilisés, m'ont expliqué que l'électrification avait coûté cher, mais qu'elle faisait de l'unité de production la structure la plus en pointe en Europe. Ce sont les ouvriers qui m'ont convaincu qu'on ne pouvait pas la sacrifier, pas les investisseurs, même si ces derniers ont ensuite joué leur rôle. Vous avez raison, écouter ce que les salariés et les ouvriers ont à dire sur leur outil de production est toujours utile.

On me reproche parfois d'utiliser le mot de « protection », mais je n'hésite pas à l'employer : l'Europe doit protéger ses intérêts. M. Lakshmi Mittal a choisi Aluminium Dunkerque comme premier site pour décarboner sa production – preuve de l'attractivité de notre pays – et a implanté une usine sidérurgique fonctionnant avec des fours électriques. Dans ce site de plusieurs milliers d'hectares, l'un des plus étendus d'Europe, des investissements de 5 milliards d'euros ont été consentis pour aménager la chaîne de production ; l'aluminium qui sortira de l'usine et qui servira à fabriquer des tôles pour les voitures sera forcément plus cher que celui produit en Turquie, en Inde ou en Chine. Sans protection, le modèle économique n'est donc pas viable.

Le grand sujet devant nous est l'attractivité des métiers industriels : nous devons tous nous retrousser les manches pour développer les stages et informer les jeunes sur ces métiers. Nous manquons de chaudronniers, de soudeurs, d'ingénieurs et d'énormément de techniciens de maintenance.

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La situation de la dette justifie que nous nous interrogions sur les dépenses. Quel regard portez-vous sur le crédit d'impôt recherche (CIR) ? Son périmètre est-il dans le viseur de Bercy ?

J'ai déjà effleuré le sujet avec vous lors d'une séance de questions au Gouvernement il y a quelques semaines : pouvez-vous nous dire clairement et simplement si vous envisagez de déployer le rachat d'actions, tel que l'avait voulu la commission des finances en adoptant un amendement du groupe Démocrate défendu par son président, Jean-Paul Mattei ?

Interpellé la semaine dernière dans l'hémicycle par les députés du groupe Les Républicains, le ministre délégué chargé des transports a loué la capacité du PDG de la SNCF à négocier avec les organisations syndicales et a salué la signature d'un accord intéressant sur les fins de carrière ; or, vous avez annoncé ce matin, par voie de communiqué, que M. Jean-Pierre Farandou ne conserverait pas ses fonctions après les Jeux olympiques. Y a-t-il un lien entre le contenu de l'accord et la décision du Gouvernement ? Comment entrevoyez-vous l'avenir de cette grande entreprise qu'est la SNCF ?

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Bruno Le Maire, ministre

La stabilité fiscale est très précieuse pour l'attractivité du pays, même s'il est intéressant d'évaluer l'efficacité de certaines dépenses fiscales, y compris celle du CIR, et de vérifier qu'elles ne créent pas d'effets injustifiés. Il incombe aux parlementaires de mener ce travail, et, n'étant pas obtus, je pourrais entendre certaines de leurs propositions.

Nous avons été très clairs sur les rachats d'actions : nous sommes prêts à envisager, dans les mois qui viennent et à l'occasion du projet de loi de finances, une taxation de ces opérations, dans des modalités qu'il reste à définir avec les députés de la majorité – Jean-Paul Mattei ou d'autres.

Je souhaite dissiper tout malentendu sur la SNCF : je me suis exprimé sur l'accord et je ne retire pas un mot de mes propos ; j'aurai l'occasion de discuter avec le PDG de l'entreprise du financement du dispositif, ce dernier ne devant pénaliser ni le client, ni l'usager, ni le contribuable. Cela ne retire rien à la qualité du travail accompli par M. Farandou à la tête de la SNCF. Le communiqué publié aujourd'hui consacre l'application de la règle sur la limite d'âge, qui touche M. Farandou. Ne mélangeons pas tout et redisons notre reconnaissance envers le PDG de la SNCF pour son travail.

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Entendre certains collègues parler d'austérité me ramène à 2012. J'étais déjà de ces Français d'Espagne qui ne peuvent que sourire quand on emploie ce terme galvaudé. Permettez-moi donc de rappeler aux experts de La France insoumise ce qu'est l'austérité budgétaire. En Espagne, la part des dépenses publiques dans le PIB est passée de 46 à 42 % entre 2009 et 2012, ce qui représenterait actuellement en France une réduction des dépenses de 130 milliards d'euros. Rien qu'en 2012, les budgets des ministères espagnols ont été réduits de 17 % en moyenne, la prime de Noël des fonctionnaires a été supprimée, leur nombre de jours de congé a été réduit, les indemnités de chômage sont passées de 60 à 50 % du dernier salaire, les taux de remboursement des médicaments ont diminué et le taux de TVA a augmenté de 3 points. C'est cela l'austérité, la vraie. Et je ne parle même pas de la baisse des salaires réels par tête entre 2010 et 2012, ni du taux de chômage, qui était alors de plus de 25 %. Ma question, monsieur le ministre, est simple : comment qualifieriez-vous la politique budgétaire actuelle, qui est évidemment tout sauf une politique d'austérité ?

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Monsieur le ministre, le Gouvernement a déposé un projet de loi de simplification de la vie économique, mais la meilleure simplification serait d'avoir des services publics qui fonctionnent bien et qui répondent aux besoins de nos concitoyens et de nos entreprises. Cela concerne notamment La Poste, qui, dans un territoire rural comme l'Aveyron, rend un service essentiel en distribuant le courrier, les colis et les journaux. La Poste exerce des missions de service public et elle est détenue à 100 %, en tant que groupe, par des capitaux publics. Elle a donc des comptes à rendre au ministre que vous êtes, à la représentation nationale et aux maires, qui ont un rôle démocratique essentiel en matière d'aménagement du territoire.

Le 19 avril dernier, je vous ai saisi, ainsi que vingt et un maires de ma circonscription, d'un projet de dégradation du service postal dans notre territoire, qui se traduira par un allongement des tournées, des fermetures de bureaux et une rupture du lien social. À ce jour, nous n'avons de réponse ni de votre ministère, ni de la direction de La Poste. La réorganisation prévue est inacceptable et le silence de La Poste l'est tout autant. Quand allez-vous lui demander d'avoir davantage de considération pour les habitants des territoires ruraux, les maires et les facteurs, qui subissent tous des réorganisations entraînant un recul du service public ?

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Nous avons beaucoup parlé, ces dernières semaines, de l'explosion du déficit des comptes publics, qui représente désormais 5,5 % du PIB. Le déficit du commerce extérieur est moins évoqué. L'an dernier, il atteignait pourtant près de 100 milliards d'euros, soit un montant presque deux fois supérieur à celui de 2019, alors que nos voisins allemands et italiens enregistrent des excédents, respectivement de 110 et 35 milliards. Notre déficit s'explique par le faible poids de notre industrie manufacturière et par l'insuffisance de notre réseau de PME exportatrices. Je pense qu'il faudrait non pas présenter un énième plan en la matière, mais plutôt simplifier les dispositifs actuels et surtout soutenir nos filières.

S'agissant du numérique, il reste, contrairement à ce que l'on pourrait croire, beaucoup de zones blanches. Êtes-vous prêt à un nouveau new deal afin d'assurer une couverture numérique équitable pour tous nos concitoyens ?

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Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos propos relatifs à l'état de l'industrie en France. À l'image de mon collègue agriculteur de la Sarthe, différents acteurs, comme ceux de la filière du réemploi de matériel, demandent plus de contrôle. J'ai été très intéressé par la visite, dans ma circonscription, de la société Cofiem, qui développe l'économie circulaire et l'emploi local, évite des déchets et crée de la valeur, mais qui souffre du non-respect ou, en tout cas, du manque de contrôle de l'application du décret n° 2022-190, qui encadre notamment l'usage des notions de « comme neuf » et « refait à neuf » pour différencier les vendeurs d'occasion des acteurs faisant un vrai travail de réemploi, la société en question étant spécialisée dans les appareils liés à l'industrie.

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L'histoire, si on n'en tire pas les leçons, est un éternel recommencement. Comme il y a dix ans, s'agissant de PSA, 400 salariés de MA France, à Aulnay-sous-Bois, se battent pour préserver leur emploi – je rappelle que ce sous-traitant du successeur de PSA, Stellantis, est le dernier survivant de l'industrie automobile en Seine-Saint-Denis. Le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert hier la voie à un placement de MA France en liquidation judiciaire. Plusieurs centaines de familles risquent ainsi d'être plongées dans une grande détresse, alors que le département est déjà très défavorisé socialement. La direction se joue des salariés depuis le début, en ne formulant que des propositions dérisoires et en se livrant à un chantage indigne. Par ailleurs, Stellantis fait le choix de délocaliser la majorité de sa production, malgré des bénéfices records et des aides publiques directes et indirectes très élevées.

Monsieur le ministre, vous avez reconnu ces derniers jours qu'il était nécessaire de responsabiliser Stellantis quant à l'accompagnement des salariés de MA France. Que ferez-vous concrètement dans les négociations ? On ne liquide pas en une semaine un sous-traitant de Stellantis. Que prévoyez-vous pour que ce groupe recase les salariés ? Allez-vous l'obliger à reprendre en priorité, pour les 42 % de production qui resteraient en France, les salariés de MA France ?

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Alors que notre majorité a adopté une loi consacrant l'accélération du déploiement des énergies renouvelables, que les projets se multiplient et que le marché est porteur, trente salariés de Recom-Sillia, à Lannion, ont récemment appris leur licenciement. Lannion résiste grâce à nos efforts, et aux vôtres, pour développer, entre autres, la filière industrielle des télécoms et de la photonique – je pense à l'installation de Qualcomm, aux exigences à l'égard de Nokia et aux plans de relance. Dans ce paysage plutôt positif, la nouvelle de la liquidation judiciaire de Recom-Sillia nous conduit à nous interroger. Que nous manque-t-il pour espérer voir demain des panneaux photovoltaïques bretons, français ou européens équiper les nombreux projets que notre pays va mener en la matière ?

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Je prolonge la question de ma collègue Abomangoli au sujet de MA France, qui est l'exemple même du sous-traitant totalement intégré à une multinationale, en l'occurrence Stellantis, qui donne les ordres, fournit, en tant que cliente, les matières premières et est propriétaire des principaux moyens de production. Stellantis, dont les profits explosent – ils s'élèvent à 18 milliards d'euros –, qui a versé 16 millions à son patron et qui a installé son siège social aux Pays-Bas, pour des raisons fiscales, a touché depuis plusieurs années au moins 1 milliard d'euros d'aides publiques, ce qui lui donne des responsabilités à l'égard de nos concitoyens. Vous dites vous-mêmes, et nous sommes là tout à fait d'accord, que désindustrialiser est une faute politique et morale. Comment comptez-vous mettre Stellantis face à ses responsabilités au sujet du maintien de ce qu'il reste du tissu industriel en Seine-Saint-Denis ? L'État et ce gouvernement ne sont-ils plus que des spectateurs voués à pleurer sans rien faire ? Ou bien, au contraire, l'État a-t-il encore des moyens d'action ? Nous vous transmettrons, si vous le voulez bien, un dossier à la fin de cette audition.

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La surcharge administrative représente environ 84 milliards d'euros de perte de production dans notre pays, soit à peu près 3 % du PIB. Cela fragilise notre croissance et c'est une source de découragement pour nos entrepreneurs. Il est essentiel que les travaux menés ne se limitent pas à la loi, car un très grand nombre de contraintes administratives relèvent du domaine réglementaire. Quelle méthode de travail comptez-vous mettre en place pour les mesures de simplification par voie réglementaire, qui ne sont pas abordées dans le projet de loi mais sont nécessaires afin de réaliser des gains de temps et de compétitivité, d'apporter des réponses aux dirigeants d'entreprises, qui ont été largement consultés, et surtout de maintenir une relation de confiance entre l'administration et les entrepreneurs ?

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Puisque vous êtes chargé à la fois de l'économie, des finances et de l'énergie, monsieur le ministre, et que toute dépense semble mériter, dans notre modèle social, une coupe claire, permettez-moi de vous redemander à combien vous chiffrez le « pognon de dingue » qui pourrait être dilapidé dans votre obsession nucléaire. Prolongation des réacteurs vieillissants, démantèlement, gestion des déchets, construction de nouveaux réacteurs et de nouvelles piscines d'entreposage et de retraitement, nouvelles usines de fabrication de combustible : sans même parler des SMR (petits réacteurs modulaires), on peut chiffrer votre rêve nucléaire à un montant allant de 300 à 400 milliards d'euros dans les dix ou quinze ans qui viennent. Confirmez-vous cette estimation ? Sinon, pouvez-vous présenter votre propre calcul ? Qui, du consommateur ou du contribuable, va payer ? Qu'en est-il de votre accord avec EDF, dont nous peinons à déceler la concrétisation ? Enfin, puisque vous avez renoncé à sortir du marché européen, peut-on savoir à quel prix les ménages, les entreprises et les collectivités paieront demain leur électricité ?

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Je vous propose de nous vieillir de quelques semaines en abordant la question de la saison touristique, qui s'annonce plus qu'exceptionnelle, en particulier dans le département où j'ai été élu et que vous connaissez bien, la Vendée. Dans ce département, où nous sommes quasiment au plein emploi, le secteur touristique peine à recruter. Une récente étude a ainsi fait état d'un manque de 11 000 salariés, alors que la saison va se prolonger du fait du passage de la flamme olympique, des Jeux olympiques et du Vendée Globe, au mois de novembre. Des mesures ou des initiatives pourraient-elles être envisagées afin de dynamiser les recrutements dans ce qui est le premier secteur d'activité du département ?

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Vous êtes effectivement venu aux Chantiers de l'Atlantique, monsieur le ministre, et vous avez pu constater que ce qui fonctionne le mieux, c'est ce à quoi vous n'avez jamais cru. C'est une entreprise que l'État a rachetée, ce sont les sous-stations pour l'éolien en mer, auquel M. Macron a fait perdre cinq ans au cours de son premier mandat, c'est une industrie qui a la capacité de se projeter grâce à une planification, permise par la puissance de l'investissement de RTE.

Je vous ai remis, le jour de votre visite, des courriers des organisations syndicales de General Electric concernant une usine de nacelles où 500 emplois vont être supprimés et où des inquiétudes existent quant à la pérennité même du site à long terme. Vous avez dit tout à l'heure que vous étiez ravi d'avoir rencontré les salariés d'Ascométal : venez rencontrer ceux de General Electric. Êtes-vous prêt, pour garantir la pérennité de ce site, à n'avoir aucun tabou, y compris celui de la nationalisation ?

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Bruno Le Maire, ministre

Je réponds à M. Vojetta, qui m'a demandé comment nous caractérisons notre politique budgétaire, qu'il s'agit tout simplement d'une politique de responsabilité. Ce n'est certainement pas de l'austérité – le niveau de dépenses publiques reste élevé – ni du laxisme. Il faut redresser les comptes publics : c'est impératif pour revenir sous les 3 % de déficit en 2027.

Il faut bien mesurer les défis considérables auxquels La Poste est confrontée en raison de l'effondrement du volume du courrier. Des engagements ont été pris au sujet de la qualité du service postal, et les subventions de l'État seront réduites si la qualité du service postal n'est pas assurée – les aides y sont conditionnées. Nous ferons un point sur la question spécifique de l'Aveyron avec Philippe Wahl dans quelques jours.

Monsieur Ray, je vous rejoins totalement en ce qui concerne le déficit extérieur. C'est l'un des points noirs de la France. Or, je pense très sincèrement que la puissance d'une nation se mesure à sa capacité à dégager un excédent commercial. Je l'ai dit à plusieurs reprises, la France n'a pas vocation à avoir systématiquement un déficit en la matière. Avant 2000, nous étions en excédent. Si nous sommes en déficit depuis vingt-cinq ans, c'est lié à la facture énergétique et à la désindustrialisation. La situation s'est améliorée entre 2022 et 2023, mais elle reste insatisfaisante. La seule solution, je reviens à mon intervention liminaire, est de redevenir une nation de production. Si nous favorisons trop la consommation, nous aurons toujours une balance commerciale déficitaire. Par ailleurs, le Rassemblement national nous accuse d'aller trop vite dans le domaine des véhicules électriques, mais il est indispensable de basculer vers cette industrie si nous ne voulons pas être de purs spectateurs et consommateurs dans la révolution automobile en cours.

S'agissant du réemploi de matériel, évoqué par M. Daubié, nous sommes tout à fait disposés à renforcer les contrôles.

Pour ce qui est de MA France, objet de deux questions posées par La France insoumise, Stellantis a décidé d'interrompre son approvisionnement auprès de ce sous-traitant. Il ressort des discussions que nous avons eues que la décision prise par Stellantis, qui concerne 90 % du chiffre d'affaires de MA France, est définitive. Par conséquent, notre action est désormais concentrée sur le reclassement des salariés, dans le cadre du fonds exceptionnel que nous avons mis en place, il y a quelques années, pour l'industrie automobile. Un conciliateur a été nommé et le ministre délégué chargé de l'industrie, Roland Lescure, suit la situation avec la plus grande attention.

Monsieur Bothorel, nous avons choisi de relancer la production de panneaux photovoltaïques en France. C'était un choix difficile, mais nous l'avons fait après avoir regardé les commandes qui étaient devant nous : elles devraient représenter 20 milliards d'euros en France dans les années qui viennent. Cet argent doit-il aller exclusivement à des panneaux chinois ou bien essayons-nous de produire ? Si nous voulons le faire, il faut réunir les conditions que j'ai évoquées en matière de compétitivité et on doit surtout produire des panneaux d'un standard plus élevé, réutilisables et ayant de meilleures performances. C'est l'ambition des deux gigafactories, l'une à Hambach et l'autre à Fos-sur-Mer, dont j'ai annoncé l'ouverture : il s'agit de redevenir un grand pays producteur de panneaux photovoltaïques, de dernière génération. Je pense qu'il est indispensable de faire ce pari, car je ne crois pas, je le répète, à un modèle dans lequel nous importons pour couvrir tous nos besoins en matière d'industrie verte. Il vaut mieux nous donner les moyens de produire sur notre territoire.

S'agissant de la simplification, au sujet de laquelle Nicole Le Peih m'a interrogé, les mesures réglementaires feront l'objet d'un comité de suivi parlementaire : vous y serez donc également associés.

Nous avons une divergence à propos du nucléaire. Nous estimons qu'il est rentable et nécessaire pour la continuité de l'approvisionnement électrique de produire de l'électricité nucléaire, donc d'avoir des réacteurs. S'agissant des accords entre EDF et l'industrie, le nombre de contrats signés ne me permet pas de dire que nous sommes pleinement satisfaits, mais nous ferons le point fin mai ou début juin : s'il y a alors un nombre suffisant d'accords, cela voudra dire qu'un équilibre a été trouvé ; sinon il faudra, comme le prévoit la clause de revoyure, réviser un certain nombre de paramètres.

En ce qui concerne le recrutement dans le secteur touristique, il y a effectivement, Stéphane Buchou l'a dit, une difficulté. La pénurie de main d'œuvre dans le domaine de l'hôtellerie, de la restauration et de l'événementiel montre qu'il reste beaucoup à faire pour valoriser ces métiers et développer les qualifications nécessaires.

Monsieur Tavel, je vous dis très simplement que la nationalisation n'est pas la réponse à toutes les difficultés industrielles. Sinon, l'État serait ruiné depuis longtemps. Les Chantiers de l'Atlantique fonctionnent très bien, mais ce n'est pas forcément un modèle qui peut valoir pour tout le monde. J'ai eu l'occasion de vous indiquer à Saint-Nazaire que j'avais rencontré à Washington le patron de General Electric et que je veillais à ce que les activités de ce groupe en France se poursuivent dans les meilleures conditions.

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Merci beaucoup, monsieur le ministre, d'avoir participé à cette audition et d'avoir répondu aux questions de mes collègues.

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Monsieur le ministre, je vous ai également interrogé sur la nécessité d'un nouveau new deal pour assurer la couverture en téléphonie mobile dans les territoires ruraux.

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Bruno Le Maire, ministre

Il existe encore des zones blanches, vous avez raison, et elles ne sont pas acceptables. Il faut trouver les moyens de les couvrir, d'une façon ou d'une autre, le plus rapidement possible.

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J'ajoute qu'une nouvelle est tombée durant cette audition : l'Autorité de sûreté nucléaire a autorisé la mise en service de l'EPR de Flamanville. Étant le député de ce territoire, je me réjouis évidemment, après une longue attente, de la décision qui vient d'être prise.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 7 mai 2024 à 16 h 30

Présents. – M. Laurent Alexandre, M. Antoine Armand, M. Éric Bothorel, M. Stéphane Buchou, M. Romain Daubié, M. Frédéric Descrozaille, M. Francis Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Mathilde Hignet, M. Sébastien Jumel, M. Maxime Laisney, Mme Nicole Le Peih, M. Dominique Potier, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, M. Matthias Tavel, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Stéphane Vojetta

Excusés. – Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Anne-Laure Blin, M. André Chassaigne, M. Perceval Gaillard, M. Johnny Hajjar, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Hélène Laporte

Assistaient également à la réunion. – Mme Nadège Abomangoli, M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo, M. Éric Martineau, M. Nicolas Ray, M. Benjamin Saint-Huile