Mon engagement et mon histoire personnelle, familiale et politique ont été traversés par les drames humains et les cicatrices territoriales engendrés par le renoncement industriel, dans lequel votre famille politique n'est pas exempte de responsabilité. Dans les discours, une prise de conscience s'est certes opérée, mais les délocalisations ne résultent ni de l'opération du Saint-Esprit, ni de la main invisible du marché : elles sont le produit de décisions politiques fortes consistant à donner aux gens toute licence pour faire du pognon là où ils le veulent.
Malgré le bilan que vous présentez, force est de constater que de nouveaux sacrifices industriels ont lieu : ce ne sont pas des discours qui vont rassurer les salariés des entreprises Systovi, Duralex, Forvia ou ExxonMobil, chez moi, en Seine-Maritime – eux qui sont jetés comme des Kleenex même quand le groupe dans lequel ils travaillent dégage des bénéfices. L'État est encore loin de se montrer suffisamment protecteur et stratège. La politique de l'offre et celle jouant sur le coût du capital ne peuvent parvenir à elles seules à relancer l'industrie.
L'intelligence ouvrière mériterait d'être un peu plus reconnue et entendue : quand on prend la peine de demander aux salariés des verreries leur avis sur la stratégie industrielle, ils ont des choses à dire ; lorsque l'on demande, comme je l'ai fait, aux salariés d'Alpine leur vision de l'avenir de l'automobile, ils ont plein d'idées intelligentes. Quelle est votre opinion sur la place des salariés dans la définition des stratégies industrielles ?
Notre pays manque de main d'œuvre qualifiée : le secteur nucléaire illustre particulièrement cette pénurie, mais un récent rapport de l'Observatoire paritaire de la métallurgie a mis en lumière le déficit d'offres de formation au poste de chaudronnier-soudeur, métier sacrifié lors de la crise de la sidérurgie des années 1970. La volatilité des prix de l'énergie constitue une autre source de faiblesse, car elle porte préjudice à la compétitivité des industries françaises : dans ce domaine, le marché ne fonctionne pas. Enfin, il faut instaurer des mesures de protection aux frontières européennes, miroirs de celles déployées par les pays asiatiques et par les États-Unis.