La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quatorze heures.
Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, je souhaite vous interroger sur l'octroi de congés payés pendant une période d'arrêt maladie et sur l'impact de la rétroactivité de ce droit sur nos entreprises, en particulier les PME. Depuis le 13 septembre, la Cour de cassation considère que les salariés peuvent acquérir des congés payés pendant leur arrêt maladie, suivant ainsi une directive européenne de 2003 qui n'a pas été transposée dans le droit français.
Il n'est évidemment pas question de remettre en cause le droit des salariés, mais de trouver des solutions pour les très petites entreprises et les PME mises en difficulté par cette mesure. Le 17 novembre, dans un communiqué de presse, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) demandait d'ailleurs au Gouvernement de limiter sa rétroactivité, de plafonner le nombre de jours de congés payés acquis et de faire en sorte que le coût ne soit pas à la seule charge de l'employeur.
J'ai rencontré la semaine dernière dans ma circonscription le patron d'une petite entreprise concernée. Pour sa salariée en arrêt maladie depuis trois ans, il doit débourser une somme importante, qui représente 10 % de sa marge. Il n'a pas pu faire le nécessaire en amont pour que cette charge soit étalée. Si une telle situation se reproduisait, il pourrait être obligé de licencier certains de ses salariés pour payer la somme demandée.
Le Gouvernement de Mme Borne avait apparemment identifié le problème et souhaitait se mettre en conformité avec le droit européen tout en limitant les conséquences de la mesure pour les entreprises. Où en est la réflexion ? Comment comptez-vous garantir les droits des salariés tout en préservant les petites et moyennes entreprises ? Tant qu'aucune réponse ne sera apportée, leurs difficultés ne feront que s'accumuler.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Je vous remercie de revenir sur l'arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, arrêt très important puisqu'il souligne la non-conformité de la législation française avec le droit européen quant à la capacité des salariés d'acquérir des jours de congé alors qu'ils sont en arrêt de travail, quels que soient la durée de cet arrêt ou la pathologie du salarié.
Permettez-moi de rappeler le contexte. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été déposée auprès du Conseil constitutionnel, qui n'a pas encore rendu sa réponse. Celle-ci sera évidemment importante dans notre réflexion. Il reste que notre pays doit bien entendu se mettre en conformité avec la législation européenne et que les conséquences financières de la disposition seront en effet très importantes pour les entreprises. C'est la raison pour laquelle nous allons travailler avec l'ensemble des partenaires sociaux, les représentants des salariés comme les représentants des entreprises, afin d'aboutir, dans les meilleurs délais, à des décisions sur cette question, qui suscite de nombreuses interrogations chez les chefs d'entreprise et les salariés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe HOR.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes nombreux à avoir été choqués, à la mi-décembre, par la décision du président de la Cour des comptes de repousser…
…la publication d'un rapport particulièrement sévère sur la politique de lutte contre l'immigration irrégulière. Pour tenter d'expliquer cette décision, le président de la plus haute juridiction des comptes publics a indiqué benoîtement qu'il ne souhaitait pas influencer le vote des parlementaires. Quelle conception M. Pierre Moscovici a-t-il des députés et des sénateurs ? Considère-t-il que nous ne sommes pas assez matures…
…pour prendre connaissance d'un rapport et l'analyser ? Pense-t-il que nous ne sommes pas capables de comprendre les écrits et la pensée des magistrats financiers de la rue Cambon ? Si nombre de nos concitoyens ont également été choqués, c'est parce qu'ils retrouvent dans cette attitude le mépris de ce que l'on appelle parfois « l'État profond », cette prétendue élite technocratique, à l'égard des représentants du peuple.
Le président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix, vient de demander au président de la commission des finances, Éric Coquerel, d'organiser l'audition du président de la Cour des comptes. Nous attendons du Gouvernement une condamnation ferme du mépris que ce dernier a manifesté à l'égard du Parlement. Monsieur le Premier ministre, désapprouvez-vous ce comportement, qui va à l'encontre de nos institutions ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, en déplacement sur l'île de La Réunion après le passage du cyclone Belal qui a durement frappé nos compatriotes.
Vous interrogez le Gouvernement sur le rapport de la Cour des comptes relatif à la politique de lutte contre l'immigration irrégulière publié le 14 janvier 2024. Vous le savez, la Cour des comptes est une juridiction financière dont l'indépendance est garantie constitutionnellement. Elle définit en toute indépendance le programme de ses contrôles et leur déroulement. Il n'appartient donc pas au Gouvernement de se prononcer sur le calendrier et la date de publication d'un rapport. Nous nous félicitons, en revanche, que la Cour souligne, dans ce document, que la France est le pays d'Europe qui exécute le plus d'éloignements forcés : leur nombre a atteint 14 235 en 2022, plaçant notre pays devant l'Allemagne, la Suède, l'Espagne et l'Italie.
La priorité donnée à l'éloignement des individus constituant une menace pour l'ordre public a conduit à expulser 4 686 étrangers délinquants en 2023, contre 3 615 en 2022. Les constats formulés par le rapport de la Cour des comptes sur les leviers à activer pour améliorer le nombre de reconduites sont assez largement connus puisque des rapports similaires ont été rédigés par l'Assemblée nationale et par le Sénat. C'est la raison pour laquelle le projet de loi initial du Gouvernement, déposé au Sénat le 1er février 2023, comprenait déjà des mesures fortes pour lever ces blocages,…
…des mesures visant notamment à simplifier les contentieux de l'éloignement, à lever les protections dont bénéficient certains étrangers qui constituent une menace à l'ordre public et à alléger les charges des policiers et des gendarmes.
La politique du Gouvernement pour lutter contre l'immigration irrégulière est claire, à l'image des moyens inédits adoptés par le Parlement à l'occasion du vote de projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Je pense notamment à la création de 3 000 places de rétention supplémentaires…
…et de onze centres de rétention administrative (CRA), ainsi qu'au renforcement des services d'accueil des étrangers dans les préfectures, qui bénéficieront des trois quarts des créations de postes en 2024.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je vous remercie pour cette réponse, mais le rapport est très sévère sur la politique de lutte contre l'immigration irrégulière. En outre, ma question portait sur le rôle de la Cour des comptes dans nos institutions. Vous évoquez son indépendance. Notons toutefois que son président est nommé par le Président de la République. Je renvoie par ailleurs à l'article 47-2 de la Constitution, selon lequel « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement », ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Manifestement, elle a manqué à son devoir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ma question s'adressait au ministre de l'intérieur et des outre-mer, mais il a dû se rendre à La Réunion en raison des récents événements météorologiques.
Madame la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports, et des Jeux olympiques et paralympiques, après une année 2023 particulièrement intense, 2024 s'annonce très chargée pour l'ensemble de nos forces de l'ordre avec les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), le parcours du relais de la flamme olympique le 8 mai, la cérémonie d'ouverture le 26 juillet, sans oublier le 80
Pour ne citer qu'un exemple, l'unité de la compagnie républicaine de sécurité (CRS) 32 installée dans ma circonscription, à côté du Havre, à Sainte-Adresse, a été mobilisée 235 jours en 2023, soit bien plus que l'année précédente, et a effectué des déplacements de plus en plus lointains, à Grenoble, Marseille et Nice. L'année 2024 s'annonce tout aussi chargée, sinon plus, avec un calendrier complexe pour ces fonctionnaires et leurs familles.
Si les agents des forces de l'ordre s'engagent dans leur métier avec professionnalisme – ils me l'ont assuré encore récemment –, ils s'inquiètent de la prise en charge de leurs enfants pendant les JO, ce qui est bien compréhensible. Du fait de leurs affectations, la quasi-totalité d'entre eux ne pourront pas prendre des vacances pendant la période estivale. Il serait donc normal que leurs enfants soient prioritaires dans l'accès aux centres de loisirs, aux centres aérés, aux crèches, aux garderies et aux colonies de vacances ; ainsi, ne seraient-ils pas privés de loisirs au moment où leurs parents sont mobilisés.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre, en lien avec les représentants syndicaux, afin de rassurer ces professionnels, qui sont aussi des parents ?
En contrepartie du service immense qu'ils rendront à la nation pendant les Jeux, une période de réjouissance pour notre pays, le Gouvernement doit…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre question me donne l'occasion de saluer l'ensemble des forces de sécurité intérieure pour leur mobilisation exceptionnelle tout au long de l'année au service de la société, de l'école et du sport. La réussite des JO repose sur une mobilisation exceptionnelle des agents du ministère de l'intérieur, en particulier de nos policiers et de nos gendarmes. Pour la seule cérémonie d'ouverture, 45 000 d'entre eux seront sur le terrain. Il leur sera effectivement demandé une présence maximale entre le 15 juin et 15 septembre, allant jusqu'à 100 % au cœur de l'événement, du 24 juillet au 11 août. Pour concilier engagement et vie personnelle, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a annoncé aux agents qu'ils pourraient prendre jusqu'à deux semaines de congé pendant cette période.
M. Louis Boyard s'exclame.
Gérald Darmanin a reçu lundi les organisations syndicales de gardiens de la paix pour entendre leurs autres demandes. S'agissant des rémunérations, il présentera d'ici la fin du mois de janvier l'accompagnement prévu en matière de primes et de paiement des heures supplémentaires.
Enfin, des annonces seront faites au sujet de dispositifs d'action sociale visant à favoriser l'accueil de la petite enfance et l'organisation de séjours pour les plus jeunes, ce qui est particulièrement précieux pour les familles monoparentales et les couples d'agents mobilisés.
La réflexion sur l'aménagement du temps de travail, les compensations indemnitaires et l'accompagnement des familles est conduite dans chaque ministère pour tous les agents mobilisés pendant les Jeux – ces agents qui construisent la réussite des Jeux au quotidien depuis 2017, que je salue et que je remercie.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
En 2012, au Sénat, Robert Slomp, cadre au sein du service de l'État hollandais dédié à la gestion de l'eau, expliquait que : « La clef de notre réussite réside moins dans les ouvrages mêmes que dans notre système organisationnel, légal et financier. ». Douze ans plus tard, force est de constater que l'échec du Gouvernement à aider les milliers de personnes en désarroi après avoir subi deux inondations est bel et bien organisationnel, légal et financier. Tout le monde a pu constater que vous ne savez pas quoi faire pour sortir de la crise, que vous n'êtes pas compétents et que le droit européen vous empêche.
Vous ne savez pas quoi faire, sinon vous n'auriez pas attendu deux mois avant de préciser les conditions d'éligibilité des agriculteurs aux indemnisations pour les pertes de récoltes et de vous rendre compte que les maraîchers n'étaient pas inclus dans les dispositifs d'aide. Vous n'êtes pas compétents.
De plus, l'Union européenne vous empêche. En effet, deux mois plus tard, vous offrez aux maraîchers un cadeau empoisonné : vous débloquez les aides de minimis que le droit européen plafonne à 20 000 euros sur trois ans par exploitation. Autrement dit, entravés par l'UE, vous anéantissez toute possibilité pour les maraîchers français qui seront indemnisés de leur sinistre au titre des minimis de recevoir des subventions pour se développer pendant les trois prochaines années.
Cette solution injuste aurait pu être évitée si vous aviez agi lors des premières inondations. En effet, l'indemnisation des calamités agricoles est permise par les traités. Quand bien même les conditions pour déclencher ce dispositif n'auraient pas été réunies, vous auriez pu tout de même monter un dossier de demande d'aide visant à indemniser un sinistre, validé au plus tard trois mois après sa présentation au Conseil de l'Union européenne. Peut-être qu'alors, nos maraîchers auraient bénéficié d'une aide qui n'obère pas leur activité, pour les indemniser des dégâts d'une catastrophe naturelle contre laquelle ils n'ont même pas la possibilité de s'assurer. Je précise bien « peut-être », car une fois de plus, la décision finale revient à l'Union européenne.
Que vont devenir tous ces gens dont vous vous apprêtez à saboter l'activité ? Avec l'Europe des nations, une France souveraine ne se poserait même pas la question.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je vous remercie de votre question, dont je profite pour remercier et saluer l'ensemble des hommes et des femmes qui se sont mobilisés en réponse aux inondations exceptionnelles
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Mme Ségolène Amiot applaudit également
qui ont eu lieu en novembre 2023 et en ce début d'année, dans le département du Pas-de-Calais et dans l'ouest du département du Nord. Je salue les forces nationales de sécurité et de secours, mais également l'ensemble des élus locaux.
Puisque vous avez parlé d'Europe, permettez-moi aussi d'avoir un mot – non pour les dénoncer, mais pour saluer leur travail – pour nos amis slovaques et polonais venus en renfort de la population française. Je crois important de rappeler que l'Europe n'est pas un ennemi, mais un lieu de solidarité.
Si, c'est la question.
Cela vous gêne, mais je répète que nous devons être fiers de l'Europe, notamment quand elle vient en renfort de la France.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Pour répondre à court terme à l'urgence que connaissent ces territoires, des travaux de remise en état des cours d'eaux et des canaux ont été engagés dès lundi. Je pense notamment au curage du canal d'Audruicq ou encore au nettoyage et au retrait des embâcles sur l'Aa. Par ailleurs, l'installation d'une station de pompage dans la commune de Cuinchy, financée par le fonds Vert et par le fonds Barnier, est d'ores et déjà programmée.
Nous avons également demandé aux services d'inspection de l'État de procéder à trois missions d'évaluation. La première vise à estimer les dégâts subis par les biens des collectivités. La seconde, confiée au maire de Saint-Omer, a été rappelée hier par le Président de la République. La troisième vise à travailler à la prévention des inondations.
La preuve de l'importance que le Gouvernement accorde à ce sujet se trouve dans l'acte fort qu'a posé le Premier ministre, Gabriel Attal, en se rendant dans ces territoires pour son premier déplacement. Comme il l'a dit, il y retournera à la fin du mois de janvier ou au début de février pour être aux côtés des populations sinistrées.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Vincent Bru applaudit également.
M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer est aujourd'hui aux abonnés absents. Néanmoins, nous ne lui en tiendrons pas rigueur, car il se trouve aux côtés de nos compatriotes réunionnais qui ont à se remettre de la violence du cyclone Belal. Nous leur adressons nos pensées, notre solidarité, notre fraternité. « Tien bo, larg pas » !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Estelle Youssouffa applaudit également.
Quant à l'audace, cette fameuse audace que le Président de la République nous présente comme la ligne directrice de cette nouvelle ère macronienne, elle est discréditée d'entrée de jeu, car la composition du nouveau gouvernement se révèle peu courageuse et encore moins téméraire. L'audace, la vraie, aurait consisté à rétablir un ministère de plein exercice dédié à toutes les singularités qui font nos territoires transocéaniques.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Pourtant, les nombreuses et diverses questions ultramarines restent, aux côtés du logement, de la santé ou encore des transports, sur le banc de touche. Pas un mot pour les outre-mer hier, lors de l'allocution d'Emmanuel Macron. Mais l'attentisme n'a-t-il pas toujours été le modus operandi du gouvernement précédent ?
Je m'adresse directement à vous, monsieur le Premier ministre. Où en sommes-nous ? Vous êtes censé incarner le renouveau. Or depuis sept ans, disons-le franchement, la question des outre-mer n'a jamais été abordée, sauf sous l'angle de la réaction : réaction aux problèmes migratoires, aux problèmes sécuritaires, aux catastrophes naturelles, aux pénuries d'eau, aux mouvements sociaux et aux interpellations d'exécutifs locaux.
Je vous donne ici l'occasion de présenter un semblant de feuille de route pour les outre-mer : pas pour leurs intérêts économiques ni pour leurs vertus géostratégiques, pas pour leur conseiller de faire bouillir l'eau avant de la boire, mais pour la valorisation de leur diversité culturelle, humaine et linguistique ,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – M. Olivier Faure applaudit également
pour la reconnaissance de leur rôle central dans la préservation de la biodiversité, pour l'épanouissement de leur population, pour les dissuader de voter Le Pen en 2027 par dégoût de tout ce qui ressemble de près ou de loin à la Macronie. Je vous donne ici l'occasion de ne plus être dans la réaction, mais dans l'action.
Monsieur le Premier ministre, vous aviez dit lors de votre nomination que vous ameniez l'éducation avec vous à Matignon. Ma question est simple : comptez-vous – ce serait là une première depuis sept ans – amener les outre-mer à Matignon ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Monsieur le président de la délégation aux outre-mer, je tiens à vous répondre personnellement, même si vous n'êtes pas président de groupe, car le sujet que vous abordez est fondamental. Oui, les outre-mer sont au cœur de la feuille de route que je vous présenterai le 30 janvier et de l'action gouvernementale que je compte mener en tant que Premier ministre.
J'ai eu l'occasion, au cours des dernières années, d'occuper différentes fonctions gouvernementales : j'ai été secrétaire d'État à la jeunesse, porte-parole du Gouvernement, ministre délégué chargé des comptes publics et ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. À chaque poste, j'ai eu la chance de travailler avec les territoires ultramarins. Je suis lucide quant aux immenses défis qui nous attendent pour les outre-mer, comme vous l'avez rappelé, en matière de logement, en matière sociale, d'emploi, de mobilité, de sécurité, d'immigration ou encore en matière environnementale, mais je suis également conscient de la chance extraordinaire que constituent les territoires ultramarins pour la France en matière de jeunesse, d'innovation, de créativité, de souveraineté ou encore de biodiversité.
Je le dis très clairement : oui, il faut être aux côtés des territoires ultramarins lorsque surviennent des drames ou des crises. C'est pour cette raison que mon ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, se trouve en ce moment à La Réunion, aux côtés des victimes du cyclone.
Néanmoins, il faut aussi – vous avez absolument raison de le dire – mener une démarche prospective et investir positivement dans tous les potentiels des territoires ultramarins. Nous avons devant nous plusieurs échéances majeures. Le Président de la République a annoncé la préparation d'une grande loi sur Mayotte, à laquelle nous travaillerons. Nous aurons également à débattre de textes institutionnels importants relatifs à l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Je sais qu'en Guyane, aux Antilles, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et dans tous nos territoires ultramarins nous attendent des enjeux dans lesquels nous devons investir ensemble.
Très concrètement, je recevrai aussi vite que possible la délégation aux outre-mer, que vous présidez, et réunirai dans les prochains mois un comité interministériel des outre-mer (Ciom) pour traiter toutes ces questions. De plus, je me rendrai dès que possible dans les territoires ultramarins, et j'espère que vous me ferez l'honneur de m'accompagner.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le Premier ministre, rendez-vous est pris. Sachez tout de même qu'il y a des urgences et des scandales à régler sur nos territoires, sous peine de créer une fracture irréversible.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
On allait voir ce que l'on allait voir ! Le président a convoqué hier soir les Français pour son « grand rendez-vous avec la nation ».
Mais comment unit-on une nation ? Grâce à quelle vision ? En reprenant le slogan d'Éric Zemmour, « Pour que la France reste la France » ?
La France républicaine n'est pas une nostalgie, elle est un horizon, la volonté chaque jour renouvelée d'avancer sur le chemin de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les crises se multiplient et se cumulent. Les inégalités explosent. C'était le moment de responsabiliser le CAC40 avec un discours de vérité,…
…en appelant les plus riches à l'effort national pour répondre aux défis de l'avenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'école ? Elle a besoin de nouveaux hussards de la République, pas d'uniformes. Rendez à nouveau attractif le plus beau métier du monde. Soutenez l'école publique !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le travail ? Il doit payer. Il faut une grande conférence sociale où tout serait remis à plat pour augmenter les salaires, à commencer par ceux des premiers de corvée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Le logement ? Un toit pour tous devrait être la règle, alors que plus de 3 millions de logements restent vacants.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
L'accès aux soins ? Il est temps d'en finir avec les déserts médicaux et de réguler l'installation des médecins comme nous le faisons déjà pour les pharmaciens.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La bifurcation écologique ? Vos propres experts ont exigé des moyens. Rétablissez un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) climatique !
Mêmes mouvements.
La démocratie ? C'est d'abord le pluralisme. Interdisez la concentration des médias et garantissez l'indépendance des rédactions.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Sophie Taillé-Pollian et M. Louis Boyard applaudissent également.
Un mot encore ! J'en finis par vous, monsieur le Premier ministre. Vous ne pouvez pas être le simple collaborateur d'un Président à bout de souffle.
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR. – Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, qui a dépassé son temps de parole. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
J'avoue être perplexe : je m'attendais à une question, mais j'ai assisté à un simulacre de discours de politique générale.
Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Mais soit, allons-y ! Vous n'avez jamais été aux responsabilités, vous n'avez jamais pu agir pour la France, que ce soit ici ou ailleurs, aujourd'hui ou par le passé.
Les exclamations se poursuivent sur les bancs du groupe SOC.
Regardons le fond des problèmes, car les gens n'attendent pas qu'on crie, mais plutôt qu'on leur réponde. Nous avons la responsabilité de traiter les sujets de fond, face aux défis auxquels sont confrontés nos concitoyens.
Vous parlez de redistribution. Oui, nous sommes un des pays au monde où la redistribution est la plus forte. Si c'est le cas, c'est bien parce qu'il existe des personnes capables d'y participer et de prendre part à la solidarité nationale.
Ce n'est pas en pointant certains du doigt que nous parviendrons à créer la cohésion nationale dont nous avons tant besoin en ce moment.
Vous parlez d'augmenter les salaires. Oui et encore oui, monsieur Faure ! Oui, mais pour augmenter les salaires, encore faut-il que les emplois existent.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Vincent Thiébaut applaudit également.
C'est pourquoi nous nous sommes employés dès 2017 à lutter contre un fléau que vous avez renoncé à affronter, car vous le considériez comme une fatalité : le chômage de longue durée et le chômage de masse.
Vous pouvez soupirer ; c'est la réalité, nous l'avons fait ! Même si vous faites partie d'un groupe d'opposition, nous pouvons encore travailler ensemble, non pour flatter les egos, mais pour défendre des idéaux dont je pense que nous les avons un jour partagés.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
…votre nomination a été une surprise pour certains et même pour beaucoup.
Monsieur Maillard, quels arrondissements seront laissés à Renaissance ?
Les mêmes sont déjà surpris par votre détermination à vous battre pour l'accès à la culture. Il s'agit en effet d'un véritable moyen d'émancipation et d'égalité auquel la majorité présidentielle est fière d'avoir oeuvré depuis 2017. Pour les plus jeunes, cette action s'est traduite par l'instauration du pass culture ou encore par l'accent mis sur l'éducation artistique et culturelle à l'école, à laquelle le Président de la République a d'ailleurs fait référence hier et qu'il souhaite renforcer par le théâtre et par l'histoire de l'art.
Il a également évoqué le rôle des célébrations, ces hommages qui rappellent et constituent progressivement notre mémoire collective. Vous prenez vos fonctions en 2024, année où le monde aura plusieurs occasions de regarder la France accueillir des événements majeurs qui la rendent fière. Je pense aux Jeux olympiques et paralympiques (JOP), à la réouverture de Notre-Dame-de-Paris, au 80
L'accès à la culture doit être possible partout, pas seulement à Paris. J'en rends grâce aux artistes, aux festivals et aux associations, ces promoteurs de culture vivante que je tiens à remercier pour leur action partout, tout le temps.
L'accès à la culture partout, c'est aussi le contact culturel permis par l'audiovisuel et le numérique.
Quelle place accorder à ces créations, comment tirer le meilleur avantage de leur pouvoir de diffusion et d'interaction tout en prévenant les risques de dérive ?
Vous défendez la culture populaire, au sujet de laquelle je veux vous demander comment vous souhaitez œuvrer pour la reconnaissance de la culture de chacune et chacun d'entre nous ?
Madame la ministre, comment votre feuille de route s'inscrira-t-elle dans le chemin tracé depuis 2017 ? Comment relèvera-t-elle les défis de cohésion et de culture commune de notre nation ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Au moment où je prends la tête du ministère de la culture, je trouve deux grandes questions. Premièrement, comment consolider notre modèle culturel ? Comment soutenir tous les acteurs culturels qui font la richesse de notre pays et le bonheur de nos concitoyens, dans un monde qui change rapidement et qui peut être, vous le savez tous, très menaçant ?
Mêmes mouvements.
Deuxièmement, comment faire en sorte que la culture soit au cœur de notre modèle de société ? Nous constatons tous chaque jour combien il est remis en cause, notamment par certains de ce côté-là de l'hémicycle.
L'oratrice désigne les bancs à gauche de l'hémicycle. – Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Dans notre pays, trop de jeunes se disent encore que le théâtre, les musées ou la lecture ne sont pas pour eux. La lecture et plus généralement la culture sont ce qui permet à chacun de se construire, de devenir un citoyen éclairé. Je le sais par expérience. Moi, je n'ai hérité de rien,…
« Oh ! » sur les bancs des groupes RN et LR.
Je sais par mon expérience que l'émancipation, l'intégration – je sais que ces notions ne vous parlent pas
Protestations sur les bancs du groupe LR
– et la liberté passent par la culture. Cette chance doit être offerte à tous, dans tout le territoire.
Voilà la mission que m'a confiée le Président de la République. Je l'accomplirai avec détermination, avec honneur, partout et avec vous tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LR. – M. Maxime Minot fait vigoureusement claquer son pupitre.
Ce n'est pas nous qui avions posé cette question, mais le groupe Renaissance.
Le 29 décembre 2023, l'Afrique du Sud a déposé devant la Cour internationale de justice, en vertu de la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, une requête contre Israël, concernant les exactions commises par son gouvernement d'extrême droite contre la population palestinienne de Gaza.
Le 11 janvier 2024, les plaidoiries de la République d'Afrique du Sud ont fait l'objet d'un scandaleux boycott des médias occidentaux et français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il s'agissait pourtant d'un événement historique, à la portée géopolitique et juridique inédite.
L'État dont la légitimité initiale est fondée sur la conscience du génocide commis contre les juifs par l'Allemagne nazie et par ses complices, est accusé de le reproduire contre les Palestiniens et Palestiniennes.
Mêmes mouvements.
Les gouvernements occidentaux, qui n'ont de cesse de donner des leçons de démocratie et de droits humains au reste du monde, font preuve de complaisance à son égard, quand ils ne lui apportent pas, comme les États-Unis d'Amérique, un soutien militaire et financier.
Mêmes mouvements.
C'est l'Afrique du Sud, la « nation arc-en-ciel » qui a subi l'esclavage, la colonisation et l'apartheid, dont le peuple a conquis sa liberté au terme d'une très longue et très dure lutte de libération nationale ,
Mêmes mouvements
c'est ce pays africain qui a sauvé notre honneur à tous et toutes, en défendant à la fois la cause du peuple palestinien, celle du droit international et celle de l'humanité tout entière. Nous lui en sommes profondément reconnaissants.
Mêmes mouvements.
« À Gaza, expliquait une des avocates de l'Afrique du Sud, se déroule le premier génocide de l'Histoire dont les victimes diffusent en temps réel leur propre destruction, dans l'espoir désespéré, et jusqu'à présent vain, de voir le monde faire quelque chose. »
Si elle veut être cohérente avec ses valeurs, la France doit de toute urgence emboîter le pas à l'Afrique du Sud, comme l'ont déjà fait plus de cinquante pays dans le monde.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Elle doit soutenir la requête sud-africaine qui demande notamment à la Cour internationale de justice d'enjoindre le gouvernement israélien de suspendre immédiatement ses opérations militaires.
Mêmes mouvements.
Elle doit également appliquer au niveau national et européen les sanctions qui s'imposent.
Monsieur le Premier ministre, l'histoire nous regarde. Elle ne sera pas tendre avec celles et ceux qui savaient et n'ont rien fait.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
Le 7 octobre dernier, Israël a subi une attaque terroriste barbare : 1 200 morts, des mutilations, des viols, des assassinats d'enfants.
Des civils israéliens ont été visés pour ce qu'ils sont.
Quarante-et-un Français sont morts dans ces conditions atroces. Nous leur rendrons hommage le 7 février.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES et Dem.
Trois de nos compatriotes sont encore otages à Gaza ; nous faisons tout pour les en sortir.
Mêmes mouvements.
Qu'avez-vous dit en réaction à ces crimes terroristes ? Le Hamas « est un mouvement de résistance qui se définit comme tel. » C'est cela, le scandale, madame Obono.
Le Président de la République, lui, a toujours tenu une position d'équilibre.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous la rappelle : condamner le terrorisme, ce que vous n'arrivez toujours pas à faire, madame Obono.
Notre position consiste également à œuvrer pour cessez-le-feu immédiat pour garantir que les Palestiniens ne subissent pas de souffrances supplémentaires.
Excusez-moi, monsieur le ministre. Merci aux députés de faire silence et d'écouter la réponse de M. le ministre.
Vous ne regardez que vers nous, madame la présidente, jamais vers eux !
M. Ugo Bernalicis désigne les bancs du groupe RE
Vous ne choisissez pas les réponses, pas plus que les ministres ne choisissent les questions qui leur sont posées.
Madame Obono, je vous rappelle la position de la France : rétablir un horizon politique pour avancer vers deux États. Ce sujet sera au cœur des discussions de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies que je présiderai mardi prochain à New York.
Pour ce qui est de la Cour internationale de justice,…
…puisque c'est votre question,….
J'y venais.
Nous disons fermement aux Israéliens : le respect du droit s'impose à tous.
Les frappes systématiques à Gaza doivent cesser.
Mais les mots, madame Obono, ont un sens.
Accuser l'État juif de génocide, c'est franchir un seuil moral.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Ugo Bernalicis mime quelqu'un qui se cache les yeux et se bouche les oreilles.
On ne peut exploiter la notion de génocide à des fins politiques. C'est notre position constante. Nous l'avons dit quand la Russie a utilisé ce terme pour justifier l'injustifiable : la guerre qu'elle mène en Ukraine.
Madame la présidente, j'ai été interrompu.
En conclusion, nous n'avons pas de leçon à recevoir de votre parti. Vous n'êtes au clair ni sur le Hamas ni sur Gaza…
Mme la présidente coupe le micro du ministre, dont le temps est écoulé. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Ma question s'adresse à Bruno Le Maire, ministre de l'économie, et désormais aussi ministre de l'énergie !
Où est passé le climat ? Complètement absent du grand oral du Président de la République comme du remaniement ministériel, le climat a tout simplement disparu.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Cependant, le réchauffement climatique, lui, n'a pas disparu.
L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée. Inondations, canicules, incendies : les catastrophes se multiplient ; les habitants du Pas-de-Calais en sont les dernières victimes. Et que faites-vous ? Rien.
À défaut d'agir, vous prétendez être les premiers en Europe à vous emparer de l'adaptation au réchauffement climatique. Mais de qui se moque-t-on ? La seule action de M. Béchu est de courir pour constater les dégâts. La fenêtre de tir se referme de plus en plus vite et que faites-vous ? Rien.
Nous sommes dans la trajectoire ! Nous avons réduit les émissions de 4 %.
Votre première action, monsieur Le Maire, comme nouveau ministre de l'énergie, consiste à supprimer le climat et les énergies renouvelables de la loi. L'écologie ne sert visiblement plus le discours politique de la Macronie pour contrer l'extrême droite.
Ordre, armement, uniforme, immigration… Au contraire, vous avez définitivement décidé de vous réapproprier le vocabulaire de l'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est une régression totale, complète et coupable. La priorité politique devrait être de baisser la consommation, de rénover nos logements, de faire payer les plus gros pollueurs comme TotalEnergies.
Mêmes mouvements.
Mais vous, vous laissez la situation se dégrader dans l'indifférence, pour protéger votre sacro-sainte croissance économique et faire diversion avec des solutions techno-solutionnistes, avec en tête le nucléaire.
C'est quand même bien, la croissance, on ne peut pas tout financer avec la dette !
Exit la sobriété, les énergies renouvelables, les associations environnementales, les normes européennes climatiques. Un retour en arrière de dix-sept ans, absolument terrifiant, à rebours de l'histoire et de la réalité scientifique.
Assumez-vous d'être les meilleurs amis des climato-sceptiques ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Je veux vous rassurer : les résultats sont incontestables, la France a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 4 %. C'est le pays qui a le plus accéléré cette réduction.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Observez toutes les nations européennes. Quel est le pays qui émet le moins de tonnes de CO
Mêmes mouvements.
De même, vous constaterez que le pays qui a le mix énergétique le plus favorable à la lutte contre le réchauffement climatique est la France.
Ne doutez pas de ma détermination totale à accélérer la transition climatique dans les nouvelles fonctions qui sont les miennes et à faire en sorte que notre énergie soit l'énergie la plus décarbonée en Europe, que nous tenions nos objectifs, à savoir 50 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et la neutralité carbone d'ici 2050.
J'ajoute un troisième objectif, une belle ambition pour la France : être la première nation industrielle décarbonée en Europe à échéance 2040.
Mêmes mouvements.
Je n'ai qu'un seul mot, et il devrait vous rassurer : accélérer. Accélérer vers la sobriété, vous avez raison. C'est un point majeur de la stratégie climatique définie par le Président de la République, et je commence volontairement par là, car elle est nécessaire.
L'efficacité énergétique est nécessaire car personne ne peut accepter qu'une industrie émette de l'énergie sans qu'elle soit récupérée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous accélérerons également le développement des énergies renouvelables, qu'il s'agisse de l'éolien, des panneaux photovoltaïques, de la géothermie, des pompes à chaleur, de tout ce qui permet de gagner cette bataille du climat.
Notre seul point de divergence sera peut-être le suivant : nous accélérerons aussi sur la réalisation des six nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR), car l'énergie nucléaire est de l'énergie décarbonée. C'est aussi une victoire contre le réchauffement climatique.
Monsieur le Premier ministre, vous le savez, les collectivités sont confrontées à des difficultés pour s'assurer et la situation en ce début 2024 est très préoccupante.
Si, il y a quelques mois, ces difficultés portaient surtout sur l'assurance statutaire et les ressources humaines, dans les villes petites et moyennes ainsi que dans certaines zones très exposées, désormais tous les risques, toutes les strates de collectivités et tout le territoire national sont concernés et 2 000 collectivités seraient sans couverture.
Dans mon département, la Savoie, une enquête montre que 33 % des communes interrogées sont confrontées à la résiliation unilatérale des contrats, à l'augmentation de 25 à 100 % des primes ou des franchises, en particulier sur les dommages aux biens, la responsabilité civile et la flotte automobile. Nos collectivités sont donc conduites à s'auto-assurer avec des risques financiers énormes.
Cette situation s'explique par un marché de l'assurance des collectivités déficitaire, par une sinistralité conjoncturelle de plus en plus importante – le coût assurantiel des émeutes de cet été s'élève à près de 200 millions d'euros –, et surtout, par une sinistralité climatique qui explose : elle a triplé entre 2018 et 2022 par rapport à la période précédente.
Le coût des dégâts des catastrophes naturelles pourrait atteindre 3 milliards d'euros par an d'ici 2050. Pour autant, l'État n'est pas resté sourd et il a annoncé plusieurs mesures. Une mission gouvernementale sur l'assurabilité des collectivités, conduite par Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès a été nommée. Ses conclusions sont attendues pour fin avril et nous conduiront certainement à un travail législatif.
Toutefois, dans l'intervalle, le nombre de collectivités touchées ne cesse de s'accroître et les catastrophes naturelles se multiplient. J'ai une pensée pour nos compatriotes du Pas-de-Calais et de La Réunion et pour leurs élus locaux, qui sont en première ligne dans la gestion de l'après.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
Au moment où les discussions budgétaires sont en cours dans nos communes, comment l'État compte-t-il travailler sur ce sujet avec les représentants des associations d'élus ? Comment envisagez-vous le soutien aux collectivités qui se trouvent sans couverture assurantielle ? Nos élus partout ont besoin d'être rassurés et soutenus.
Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Voici la réponse que le ministre Christophe Béchu, actuellement retenu au Sénat, vous aurait adressée s'il avait pu être là.
Un certain nombre d'événements récents, notamment l'épisode des violences urbaines, ont à nouveau mis au jour la fragilité des systèmes d'assurance des collectivités territoriales.
Comme vous l'avez très justement indiqué, le sujet est structurel. Un nombre significatif d'appels d'offres sont infructueux ; les prix et les franchises augmentent. Ce phénomène est lié aux risques émergents : risques climatiques, sociaux et cyber, mais aussi risques juridiques et judiciaires. Il est également lié à l'équilibre et à la rentabilité d'un marché de l'assurance resserré autour de deux principaux assureurs. Le marché de la réassurance, sur lequel ils sont adossés, s'est lui-même durci.
Dans la réponse que doit apporter le Gouvernement, vous avez raison de dissocier le court du moyen terme. Sur le moyen terme, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, M. Le Maire, et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. Béchu, seront très attentifs aux préconisations que soumettront MM. Chrétien et Dagès. Il leur revient d'esquisser un cadre qui permettra aux collectivités de s'assurer effectivement contre les risques auxquels elles sont exposées. Le cas échéant, nous devrons discuter avec vous, le Parlement, des mesures à prendre pour y parvenir.
Sur le court terme, pour répondre à l'urgence, le Gouvernement pilote un groupe de travail avec les assureurs afin de suivre le rythme des dédommagements et d'éviter les résiliations sèches, avec l'appui de la direction générale du Trésor.
Cet effort a déjà produit des effets : nous sommes passés d'un taux de résiliation de 3,5 % en 2022 à 2,9 % en 2023. Nous avons également étendu le champ des compétences du Médiateur des assurances, qui s'empare désormais des litiges dans le cadre des contrats existants.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Caroline Fiat.
Mes chers collèges, je vous souhaite tout d'abord à toutes et à tous une belle et heureuse année.
« Bonne année, madame la présidente ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'ordre du jour appelle les questions sur l'état de la psychiatrie en France. La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine.
Les praticiens et plusieurs rapports parlementaires témoignent d'une situation de la santé mentale particulièrement dégradée en France. Alors que les besoins de prise en charge ont considérablement augmenté ces dernières années, les moyens manquent cruellement : les praticiens sont trop peu nombreux pour assurer une bonne prise en charge des patients face à l'afflux des demandes, les centres médico-psychologiques (CMP) et les hôpitaux psychiatriques sont saturés, et les lits manquent.
En septembre 2023, une enquête de la Fédération hospitalière de France (FHF) a révélé la gravité de la situation. Les délais moyens d'accès à des soins psychiatriques sont particulièrement longs, allant de un à quatre mois dans la majorité des cas pour les consultations en psychiatrie adulte, et de cinq à douze mois pour l'accès à un suivi psychiatrique en ambulatoire pour l'enfant et l'adolescent. Il convient d'observer avec vigilance l'évolution de la prévalence des troubles mentaux au sein de la population juvénile, car les besoins en psychiatrie des enfants, adolescents et jeunes adultes sont en nette augmentation. Une attention toute particulière devrait être apportée à la prévention de ces troubles, qui pourraient notamment découler de facteurs environnementaux et addictifs. En outre, le déficit de moyens ne permet pas de répondre aux besoins d'accompagnement urgent consécutifs à des événements traumatiques, comme j'ai encore pu le constater à la suite de l'attaque de Crépol, le 19 novembre.
L'accès aux soins psychiatriques présente également une dimension économique. Il conviendrait de renforcer leur prise en charge par l'assurance maladie : seuls un à deux tiers du coût des consultations en faisant actuellement l'objet, il en résulte un reste à charge important, prohibitif pour nombre de nos concitoyens, donc dommageable à la bonne couverture en soins de la population.
Quels moyens supplémentaires le Gouvernement entend-il consacrer à la psychiatrie en France, afin de permettre aux praticiens d'exercer dans de bonnes conditions et de répondre à l'ensemble des besoins de la population ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Vous avez pu le constater, et le Président de la République l'a rappelé encore hier soir : dans notre pays, la psychiatrie est incontestablement une préoccupation majeure, notamment s'agissant de nos jeunes. Cette situation résulte notamment de la pandémie de covid-19, trouble le plus grave qu'aient connu l'Europe et le monde depuis la seconde guerre mondiale et dont nombre de nos concitoyens portent encore les séquelles. Nous partageons donc votre constat : les troubles psychiatriques sont effectivement multifactoriels.
La psychiatrie, discipline d'écoute, s'inscrit dans le temps long et touche aussi à l'intimité des familles. Nous devons donc mobiliser des moyens financiers, mais aussi humains. À ce titre, je tiens à saluer l'engagement de tous les soignants, qu'ils interviennent dans les hôpitaux privés, publics ou dans les établissements médico-sociaux, et à souligner le rôle tout à fait important des aidants familiaux.
Passées de 9 milliards d'euros en 2020 à plus de 12 milliards en 2023, les dépenses d'assurance maladie finançant les activités de psychiatrie ont augmenté de près de 32 %. Les appels à projets lancés dans le cadre du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (Fiop), créé en 2019, ont permis de financer 238 projets – accès aux soins somatiques pour les patients souffrant de troubles psychiatriques ou régulation téléphonique, par exemple – pour un montant de 216 millions d'euros entre 2019 et 2022.
En outre, la loi de finances pour 2020 prévoyait une réforme du financement de la psychiatrie en établissement de santé qui s'étendra jusqu'en 2026. Nous sommes donc en pleine phase de transition. Cette réforme vise à atteindre une juste rémunération des professionnels et à mieux répartir l'offre, actuellement très inégale, dans tout le territoire – j'insiste sur ce deuxième point, car cette hétérogénéité est l'un des plus grands problèmes que nous rencontrons aujourd'hui. Le modèle en cours de déploiement permettra de mieux répondre aux besoins de la population.
L'histoire de la psychiatrie dans notre pays est celle d'un immense abandon et d'un naufrage sans précédent.
Vous n'êtes pas la première ministre de la santé à exercer sous la présidence d'Emmanuel Macron : avant vous, il y a notamment eu Agnès Buzyn qui, avec des trémolos dans la voix, avait publiquement déclaré qu'elle ne connaissait pas plus grand naufrage que celui de la psychiatrie et de la santé mentale dans notre pays.
Madame la ministre, vos réponses techniques assurées, pleines de certitudes, à base de plans, de bidules et autres machins, sont absolument dérisoires au regard de la situation de la psychiatrie dans notre pays. Le suicide est aujourd'hui la première cause de mortalité chez les moins de 35 ans – la première ! Et alors que la bonne santé mentale des jeunes enfants est fondamentale, il faut en moyenne un an et demi non pour avoir accès à un psychiatre, mais simplement pour bénéficier d'une première assistance et de premiers soins psychologiques – un an et demi à deux ans !
Comment pouvez-vous répondre de manière aussi peu engagée sur des sujets aussi fondamentaux ?
Qu'ils s'intéressent à l'école, aux prisons ou à la santé mentale des adultes et des travailleurs, tous les professionnels de la psychiatrie nous disent que nous sommes assis sur des bombes à retardement.
L'état de nos prisons et les conditions d'enfermement des victimes de troubles psychiatriques profonds doivent constituer pour nous une cote d'alerte.
Tous les gouvernements qui se sont succédé ont contribué à ce naufrage. Aujourd'hui, il n'existe plus qu'une seule réponse possible : une véritable révolution en matière de soins psychiatriques. Voilà ce que nous attendons de vous, madame la ministre, et du Président de la République : pas des « chèques psy », pas des plans comme pourrait en annoncer une directrice générale d'agence régionale de santé (ARS), mais un engagement politique en faveur d'une véritable révolution pour la santé mentale et la psychiatrie, qui sont aujourd'hui les parents les plus pauvres de la santé dans notre pays.
S'il est un sujet qui nécessite l'humilité, c'est bien la psychiatrie.
En la matière, ni vous ni moi ne détenons la vérité.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, monsieur Pradié, je souhaite que nous menions avec nuance et calme une réflexion au service d'un sujet très important pour notre pays.
Le Conseil national de la refondation (CNR) dédié à la santé mentale annoncé par le Président de la République aura bien lieu.
Non, ce n'est pas du pipeau !
Exclamations sur les bancs des groupes LR et LFI – NUPES.
Je ne suis pas plus naïve que vous, monsieur Pradié. La santé mentale est un sujet qui nécessite de rassembler les femmes et hommes de notre pays, les soignants, les familles, tous ceux qui connaissent le sujet, afin d'établir une feuille de route claire : tel est notre objectif.
Les moyens alloués à la psychiatrie sont beaucoup plus importants aujourd'hui qu'ils ne l'ont jamais été sous d'autres majorités,…
…alors arrêtons de nous invectiver sur les moyens, et agissons concrètement !
Plus d'un Français sur cinq est touché par des troubles psychiatriques, qui apparaissent en majorité à l'adolescence, entre 15 ans et 25 ans, et dont les premiers symptômes sont souvent ignorés de la population. Pourtant, mal diagnostiqués ou mal pris en charge, ils altèrent considérablement la qualité de vie des malades, engendrant entre autres souffrances psychologiques et maladies cardiovasculaires.
Alors que les troubles psychiatriques sont la première cause d'arrêt maladie en France, la psychiatrie est une question cruciale pour la société de demain. Selon les données de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), la France comptait, au 1er janvier 2022, un peu plus de 15 500 médecins psychiatres, dont près de la moitié sont des salariés hospitaliers et un tiers exercent exclusivement en libéral.
Comme le relève mon collègue Yannick Neuder dans l'exposé des motifs de sa proposition de résolution appelant le Gouvernement à répondre aux besoins urgents de recherche, de prévention, de diagnostic et de prise en charge des troubles psychiatriques et pédopsychiatriques en France, la psychiatrie et la pédopsychiatrie publiques manquent d'argent et d'effectifs : pas moins de 30 % des postes de psychiatres hospitaliers sont vacants et le nombre de postes d'infirmiers non pourvus a doublé entre 2019 et 2022.
L'important manque de moyens alloués à la psychiatrie et à la pédopsychiatrie affecte considérablement la prise en charge des patients.
Dans ma circonscription, nous avons pourtant la chance de bénéficier de la présence d'un des plus gros hôpitaux psychiatriques de France, le site Fitz-James centre hospitalier isarien. Je tiens d'ailleurs à saluer le travail accompli chaque jour par le personnel médical de ce centre, qui souffre d'un manque de moyens autant que d'un manque de considération.
Face à tous ces constats, et pour faire suite à l'intervention de mon collègue Aurélien Pradié, quelles mesures concrètes entendez-vous prendre, madame la ministre, pour favoriser l'attractivité des métiers relatifs au diagnostic et à la prise en charge des patients victimes de troubles psychiatriques et pédopsychiatriques ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Depuis 2012, la formation des infirmiers dans le champ de la psychiatrie a été renforcée de deux unités d'enseignement ciblant les processus psychopathologiques, deux autres étant consacrées aux soins relationnels. Renforcer la formation initiale en psychiatrie et santé mentale des professionnels de santé, comme vous l'avez suggéré, s'inscrit d'ailleurs pleinement dans les objectifs d'adaptation des formations initiales des professionnels de santé aux enjeux du système de santé fixés par la loi de 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.
Repenser l'organisation permettra de développer la prise en charge des patients souffrant de troubles psychiatriques, enjeu déterminant si l'on veut qu'elle soit de qualité.
Cette priorité sera confortée par la refonte du référentiel infirmier, qui devrait être opérationnelle en 2024 et permettra d'actualiser le cadre de formation des infirmiers en soins généraux mais aussi d'accompagner le développement de la pratique avancée pour les infirmiers exerçant dans le domaine de la psychiatrie et de la santé mentale.
Les infirmiers en pratique avancée pour répondre au défi psychiatrique ! C'est une plaisanterie ?
Absolument pas ! La création d'un diplôme d'État d'infirmier en pratique avancée (IPA) est l'un des éléments de réponse. À ce jour, nous comptons très précisément 1 637 diplômés, dont 318 en psychiatrie et santé mentale.
Vous pouvez continuer à clamer que cela ne sert à rien,…
…mais les IPA sont des professionnels de proximité, et c'est aujourd'hui l'un des facteurs d'attractivité de ce métier dans lequel les étudiants s'engagent précisément parce que, grâce à leur expertise, ils sont considérés comme une véritable ressource, un appui pour les équipes soignantes qui prennent en charge ces patients.
Chaque année, 13 millions de Français sont touchés par un trouble psychique et le taux de suicide en France est l'un des plus élevés parmi les pays européens. La dégradation de la santé mentale de nos compatriotes est préoccupante et celle des plus jeunes est alarmante. En effet, selon un récent rapport de la Cour des comptes qui, lui, a été publié en 2023, on estime qu'environ 1 600 000 enfants et adolescents souffrent d'un trouble psychique et que 600 000 à 800 000 d'entre eux présentent des troubles importants.
Pourtant, malgré les moyens mobilisés, notamment lors des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, nous assistons à une véritable désertification psychiatrique : près de 30 % des postes de psychiatres hospitaliers sont vacants et le nombre de postes d'infirmiers non pourvus a doublé entre 2019 et 2022. Entre 2010 et 2022, le nombre de pédopsychiatres a diminué de 34 %. Ils sont à peine plus de 2 000 aujourd'hui, à tel point que le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie qualifie la pédopsychiatrie de « spécialité sinistrée ».
Alors que les besoins n'ont jamais été aussi importants, un grand nombre de nos concitoyens n'arrivent pas à consulter car les services sont débordés, notamment dans les CMP, où le temps d'attente avant consultation peut atteindre un an en pédopsychiatrie. C'est d'autant plus inquiétant que l'état de santé psychique des enfants et des adolescents est l'un des principaux déterminants de leur santé future. En effet, 35 % des pathologies psychiatriques adultes débuteraient avant 14 ans, 48 % avant 18 ans, 62,5 % avant 25 ans. Madame la ministre, face à cette situation alarmante, quelles nouvelles mesures d'urgence comptez-vous prendre sans délai pour améliorer l'attractivité des métiers de la psychiatrie, et ainsi répondre aux besoins des Français et des soignants qui travaillent dans des situations difficiles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes d'accord sur le constat et les chiffres que vous avez rappelés. Intéressons-nous à la manière de faire progresser l'attractivité de la discipline psychiatrique. La situation est d'autant plus inquiétante que les conséquences sont immédiates, je pense en particulier aux fermetures de lits et aux files d'attente qui s'allongent, notamment dans les CMP. La stratégie du ministère de la santé est très claire et repose sur deux points. Le premier, c'est la hausse des postes aux épreuves classantes nationales (ECN) : pour la rentrée universitaire 2023-2024, au niveau national, 572 postes ont été ouverts. Le deuxième point concerne le troisième cycle des études de médecine, et là encore, mes chers collègues,…
…il faut faire preuve de lucidité : ce qui n'a pas été fait dans notre pays pendant trente ans ne peut pas se rattraper d'un coup de baguette magique. La vérité que nous devons aux Français, c'est que la formation en médecine prend du temps, notamment lorsqu'il s'agit d'atteindre un troisième cycle. Depuis 2017, nous avons créé les options psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, et psychiatrie de la personne âgée. Le nombre d'étudiants réalisant ces options a augmenté, mais les chiffres sont encore insuffisants. Je le reconnais bien volontiers, mais c'est, à cinq ans, la seule maquette qui permette d'apporter des réponses concrètes et durables. On peut toujours aboyer avec les loups, mais la question est de savoir comment avancer concrètement ensemble.
Elle n'est pas la seule !
Vous êtes ici pour rendre des comptes aux députés, et je répète que nous ne sommes pas collègues !
Je rappelais à Mme la ministre qu'elle n'est pas députée et qu'elle doit rendre des comptes à la représentation nationale !
Vous avez raison !
Ils touchent chaque année une personne sur cinq, soit 12 millions de Français, dont la moitié ne sont pas pris en charge. Retards dans le dépistage des troubles bipolaires, dans le diagnostic des troubles autistiques, syndromes dépressifs dont le nombre explose, notamment chez les jeunes : cette vague psychiatrique arrive, alors que notre système de soins est exsangue. Premier poste de dépenses de l'assurance maladie, la santé mentale apparaît pourtant comme un parent pauvre. Même si le médecin traitant repère les troubles et envoie le patient chez un psychologue, la consultation d'un psychologue n'est pas remboursée par l'assurance maladie, contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni. Comptez-vous labelliser la formation des psychologues et ouvrir la voie à un remboursement ?
Enfin, comment comptez-vous soutenir nos hôpitaux psychiatriques ? Le centre hospitalier psychiatrique départemental de Ravenel, dans les Vosges, manque de capacité d'investissement, de psychiatres et d'infirmiers, ce qui est préjudiciable à la fois pour les patients et pour le personnel. Le manque de pédopsychiatres s'y fait cruellement sentir – il y a deux à trois pédopsychiatres et sept places d'hospitalisation pour les jeunes adolescents dans tout le département ! Je souhaite que vous donniez au centre hospitalier psychiatrique de Ravenel les moyens de poursuivre ses investissements trop longtemps reportés. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Le dispositif Mon soutien psy, créé l'an dernier, prévoit la prise en charge de huit consultations. Cette nouveauté constitue une première réponse.
S'agissant des mesures issues des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, trois éléments en particulier permettent d'apporter des réponses. Le premier est le renforcement des maisons des adolescents : 10,5 millions d'euros ont été annoncés pour la période 2022-2023. Le deuxième point concerne les CMP pour adultes et les CMP pour adolescents : 8 millions par an pour les adultes, 8 millions par an pour les enfants et les adolescents pendant trois ans, soit 48 millions pour la période 2022-2024. Il nous faut donc débattre des actions à lancer à partir de 2024. Troisième point : le renforcement du nombre d'équipes mobiles psychiatriques intervenant auprès des personnes âgées, notamment dans les Ehpad et les établissements médico-sociaux. Vous le voyez : on voit apparaître les premières réponses. Je vous propose que nous travaillions ensemble pour aller plus loin.
« L'aile A abrite des cannibales, des tueurs d'enfants, des pyromanes. » Ces mots sont extraits de l'ouvrage à paraître d'Alexandre Kauffmann, Un homme dangereux : une plongée dans les unités d'hospitalisation pour malades difficiles, ces services psychiatriques où sont suivis les patients jugés irresponsables de leurs actes ou présentant un danger pour eux-mêmes. J'aimerais mettre en lumière un service particulier de la psychiatrie dont on parle peu mais qui œuvre à protéger la société d'individus particulièrement violents. Il existe actuellement une dizaine d'unités pour malades difficiles (UMD) en France. Ces services sont eux aussi sous tension en raison de l'explosion des pathologies mentales mais aussi du profil des patients qui y sont suivis. Il m'en a été fait état lors de mes visites à l'hôpital psychiatrique Les Murets dans ma circonscription. Quels moyens sont mis en œuvre pour développer ces unités ?
Je souhaite aussi appeler votre attention, madame la ministre, sur un sujet connexe. Même si les personnels de santé de psychiatrie sont formés à la gestion des situations de violence, ils ne sont pas à l'abri d'en être les victimes. L'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) fait état, pour l'année 2021, de plus de 19 000 signalements et 84 % des victimes déclarées étaient des soignants. Avec plus de 22 % des signalements effectués cette année-là, la psychiatrie était le secteur le plus touché. Dans une époque où notre société est frappée par l'agressivité et la violence sous toutes ses formes, les soignants y sont particulièrement exposés.
La branche psychiatrique peut faire face à des patients capables d'atrocités. Guidés par le serment d'Hippocrate, les soignants continuent cependant de prodiguer des soins indispensables, en mettant parfois leur intégrité physique en péril, comme en témoigne l'agression d'une infirmière dans un hôpital psychiatrique du Morbihan en septembre 2023. Madame la ministre, face à la situation alarmante de recrudescence d'actes de violence, quels moyens sont déployés pour protéger les soignants de la branche psychiatrique ?
Vous avez raison, madame la députée : les soignants des unités psychiatriques sont particulièrement concernés par la problématique des violences contre les professionnels de santé. D'ailleurs, les chiffres sont là : la psychiatrie constitue près d'un quart des signalements. Pour assurer la sécurité des soignants, il faut des équipes en nombre, je vous l'accorde. C'est le fondement des mesures prises pour assurer l'attractivité des métiers de la santé dans le cadre du Ségur de la santé. La revalorisation du travail de nuit au 1er janvier dernier en constitue un élément de réponse.
Sur le sujet spécifique de la violence, un plan de protection des personnels a été annoncé autour de trois axes : sensibiliser le public et former les soignants, prévenir les violences et sécuriser l'exercice des professionnels, déclarer les agressions et accompagner les victimes. Il s'agit de mesures très concrètes. Comme pour beaucoup d'entre vous, ce débat est pour moi l'occasion de rendre hommage à celles et ceux qui sont exposés à cette violence. Je suis élue d'un territoire qui a été particulièrement concerné et, en vous répondant, je pense à Carène Mézino, infirmière du centre hospitalier de Reims, qui malheureusement est morte au mois de mai 2023.
S'agissant des UMD, au nombre de dix aujourd'hui, elles permettent une prise en charge spécifique et plus proche – les deux dimensions sont importantes. En 2024, le projet consiste en un abondement budgétaire plus important, la première réalisation concrète étant l'ouverture d'une nouvelle UMD dans les Hauts-de-France.
Entre deux et trois millions de nos concitoyens de moins de 19 ans souffrent de troubles mentaux. Or, seulement 700 pédopsychiatres exercent sur le territoire, ce qui crée d'importantes disparités d'accès aux soins et des délais pouvant aller jusqu'à deux ans pour une consultation. Face à cette situation dramatique, nous députés socialistes, après avoir réalisé une trentaine d'auditions et des visites de terrain, proposons dix mesures pour faire de la santé mentale une grande cause nationale qui ne peut être réduite à deux heures de débat lors d'une semaine de contrôle.
Il s'agit avant tout de construire des parcours de prise en charge qui associent des équipes pluriprofessionnelles et s'appuient en priorité sur le secteur ambulatoire. Il s'agit aussi de faire participer les usagers et leurs proches au traitement de la maladie en les rendant réellement acteurs du processus de prise en charge. Mais la priorité, l'urgence absolue reste la revalorisation des rémunérations des professionnels de la santé mentale et la création de postes supplémentaires afin de redonner de l'attractivité à ces métiers.
Concernant la pédopsychiatrie, il est urgent de former davantage de professionnels et de renforcer la coopération entre les acteurs concernés. Ne nous trompons pas : la pandémie et les crises successives ont abîmé durablement la santé mentale des jeunes.
Face à ce constat très inquiétant car il concerne des jeunes, le Gouvernement est inexistant. Alors, madame la ministre, comptez-vous prendre des mesures d'urgence pour répondre à la hausse constante des troubles mentaux de nos jeunes ? Allez-vous enfin réinvestir dans la pédopsychiatrie, perçue unanimement par tous les professionnels comme le parent pauvre de notre système de santé déjà mis à mal ?
S'agissant de votre remarque concernant le temps consacré à ce débat, vous me permettrez de rappeler qu'il revient à l'Assemblée nationale d'organiser ce type de discussion, le Gouvernement étant à sa disposition pour y répondre. C'est d'ailleurs le sens de ma présence aujourd'hui.
Je partage bien sûr votre constat sur la santé mentale des jeunes. S'il reste encore beaucoup de choses à faire en la matière – je vous l'accorde bien volontiers –, permettez-moi de revenir sur quatre éléments. Premièrement, la création du dispositif Mon soutien psy, que j'évoquais il y a un instant, et qui prévoit le remboursement par l'assurance maladie, dès l'âge de 3 ans, d'une prestation d'accompagnement psychologique pour des troubles d'intensité légère à modérée, comprenant jusqu'à huit séances par an réalisées par un psychologue.
Deuxièmement, le renforcement du réseau des maisons des adolescents qui apportent incontestablement des réponses plus longues et davantage construites. Troisièmement, l'augmentation des effectifs des centres médico-psychologiques pour les enfants et les adolescents et, quatrièmement, le renforcement du nombre de psychologues dans les maisons de santé et les centres de santé, avec une extension du dispositif aux enfants et aux adolescents dès l'âge de 3 ans, puisque l'ensemble de la jeunesse est concerné par ce sujet.
Si je peux me permettre, nous vivons un moment plutôt paradoxal : hier, dans son intervention, le Président de la République a balayé de nombreux sujets, mais celui que nous évoquons aujourd'hui, à l'initiative du Parlement, demeure sous les radars de toutes les prises de position, y compris au sein de votre ministère depuis des années – sauf, comme l'a rappelé Aurélien Pradié, pour se lamenter sur le caractère sinistré de la politique de psychiatrie publique en France.
Il y a vingt-cinq ans, j'étais président de l'hôpital psychiatrique Barthélemy Durand, dans l'Essonne, établissement dans lequel est née la psychiatrie de secteur en France. Depuis, nous constatons la fragilisation constante du secteur de la psychiatrie, des centres médico-psychologiques, des centres d'accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), des hôpitaux de jour et de toutes les structures de psychiatrie de secteur qui lui sont adossées, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. À cet égard, j'aimerais que vous nous répondiez sur un paradoxe absolu : lors de la réunion du comité interministériel des villes (CIV) présidé par Élisabeth Borne peu avant les fêtes de Noël, pas une mesure n'a été envisagée pour favoriser l'accès aux soins en santé mentale et à la psychiatrie de secteur dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Nous sommes tous convaincus, dans cet hémicycle, qu'il convient de changer de braquet sur ce sujet. Étant d'un naturel optimiste, je vois un avantage à ce que vous soyez, madame la ministre, à la tête d'un mastodonte social transversal : dans les trois secteurs dont vous avez la charge, à savoir la santé, le travail et la solidarité – je pense à l'aide sociale à l'enfance, à la gérontopsychiatrie pour les personnes âgées ou au problème de santé publique que constitue le suicide des personnes âgées –, bref, dans tous les couloirs de votre département ministériel gigantesque, il y a des enjeux de santé mentale – nous pourrions également évoquer le burn-out en milieu professionnel.
Au moment où votre feuille de route est encore en construction – nous comprenons bien que vous prenez le relais de dispositions que vous n'avez pas décidées –, pouvez-vous nous indiquer si le Premier ministre annoncera, dans son discours de politique générale non soumis à un vote de confiance, qu'il donnera la priorité aux politiques publiques de santé mentale et aux enjeux que nous venons de mentionner ?
Vous avez pu remarquer, monsieur le député, que le Président de la République a évoqué ce sujet hier soir, mettant en avant les difficultés que nous rencontrons et le constat qui est dressé.
Encore faut-il dresser un constat pour apporter ensuite les réponses appropriées.
Vous avez eu la gentillesse de rappeler, monsieur Guedj, que vous aviez vous-même dirigé un établissement et que, depuis vingt-cinq ans, des difficultés étaient apparues. Vous avez cité votre collègue Pradié : vous m'accorderez qu'au cours de cette période de vingt-cinq ans, aussi bien la formation à laquelle vous appartenez que celle à laquelle appartient ce dernier ont été aux responsabilités.
Il me semble que vous y étiez vous-même, madame la ministre, ce qui n'est pas mon cas !
Nul n'est parfait et chacun a encore un chemin à parcourir.
Vous avez un problème de mémoire ! Vous semblez avoir effacé une partie de votre vie ; c'est une mémoire de poisson rouge !
C'est vrai, nous avons besoin de réponses. C'est pourquoi, de façon très constructive, je propose que nous puissions parcourir ce chemin : cela passe par une réflexion avec Mme Agresti-Roubache sur le CIV, puisque je partage votre constat s'agissant des quartiers prioritaires. Toutefois, les problèmes psychiatriques ne sont pas concentrés dans un seul endroit mais concernent l'ensemble du territoire ; notre mobilisation doit donc être généralisée partout dans le pays. Tel est, très concrètement, le sens de mon engagement. Je vous remercie par ailleurs d'avoir noté qu'au bout de cinq jours, il serait un peu présomptueux de ma part d'imaginer avoir réponse à tout.
Les Français subissent une vague inédite de dépression. La crise du covid-19 a enregistré une hausse sans précédent des épisodes dépressifs chez les jeunes, comme le souligne une étude de l'agence Santé publique France, en date de février 2023. Chez les jeunes âgés de 18 à 24 ans, la proportion des épisodes dépressifs a quasiment doublé entre 2017 et 2021, et davantage encore chez les jeunes femmes, comme le souligne le rapport que j'ai publié avec ma collègue Pascale Martin sur la santé mentale des femmes.
En France, le secteur médical est en crise. La situation de la psychiatrie est dramatiquement alarmante. La prévalence des troubles mentaux augmente dans toute la population : 13 millions de Français sont touchés chaque année par des troubles psychiques, soit une personne sur cinq. Le secteur de la pédopsychiatrie, cela a été rappelé, est particulièrement en souffrance. En mars 2023, la Cour des comptes a publié un rapport qui s'inquiète de l'offre de soins en pédopsychiatrie. En effet, le nombre de spécialistes dans ce domaine est en très forte diminution.
Les problèmes de santé mentale constituent le premier poste de dépense de l'assurance maladie, avec un coût annuel de 23 milliards d'euros. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le coût économique et social est estimé en France à 109 milliards d'euros par an. Ces chiffres sont alarmants et je suis convaincue qu'une prise en charge précoce ne pourra être que bénéfique pour les Français et pour le pays. La prévention doit être au c?ur de nos préoccupations et la prise en charge psychothérapeutique est l'une des réponses.
C'est pourquoi je souhaite saluer l'instauration du dispositif Mon soutien psy par le Gouvernement. C'est la première fois qu'un gouvernement se saisit de la prise en charge des consultations psychothérapeutiques. J'ai également connaissance du programme pluriannuel psychiatrie et santé mentale 2018-2023. Toutefois, il faut aller plus loin encore pour répondre aux besoins grandissants de la population.
Ainsi, madame la ministre, compte tenu du besoin urgent des Français de prendre soin de leur santé mentale, pensez-vous envisageable de développer le dispositif Mon soutien psy et de l'adapter, en vue d'une meilleure adhésion des professionnels, notamment sur le plan du montant des remboursements des séances et des modalités d'indication ?
Vous avez raison, la santé mentale représente le premier poste de dépense. Nous devons élaborer une stratégie reposant sur deux aspects : la prévention et, bien sûr, le traitement. C'est tellement vrai que nous étions, avec M. le Premier ministre, à Dijon samedi après-midi, où nous avons rencontré le responsable des urgences psychiatriques. La première chose qu'il a mise en avant, ce sont les cas très particuliers auxquels nous devons répondre : certains jeunes, par exemple, ont besoin d'être accompagnés simplement pendant quelques heures ou quelques jours tandis que d'autres auront besoin d'un accompagnement beaucoup plus long. Il faut pouvoir répondre aux différentes pathologies et aux différents besoins, ce qui suppose beaucoup de souplesse.
Vous avez évoqué le dispositif Mon soutien psy, qui a été introduit par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2022…
…et qui vise à mobiliser des psychologues volontaires sur des activités de premières lignes, du dépistage ou du repérage, avec une prise en charge initiale et éventuellement une orientation vers des soins spécialisés, en lien avec les autres acteurs du parcours de soins.
Permettez-moi de vous donner en deux mots quelques éléments de bilan chiffré : au 8 janvier 2024, 2 500 psychologues volontaires participent au dispositif et, en moyenne, un psychologue a reçu quatre-vingt-huit patients. Fin novembre 2023, 228 181 patients avaient déjà eu recours à ce dispositif et 71 %, comme vous le souligniez, sont des femmes ; 11 % des personnes prises en charge sont bénéficiaires de la protection maladie universelle. Dans la mesure où l'on compte, en moyenne, cinq séances par patient, 1 100 000 séances au total ont donc été réalisées, pour un montant de remboursements de 22 millions d'euros. Il s'agit déjà un élément important et je crois que nous devons tirer les éléments de ce bilan pour aller plus loin.
Pour ma seconde question, permettez-moi d'illustrer la situation de la psychiatrie en évoquant la réalité de ce qui se passe dans l'établissement public de santé mentale (EPSM) de mon département, la Haute-Savoie. Le constat est formel : la ressource médicale manque cruellement. La conséquence de ce manque de personnel est simple : l'EPSM 74 ferme des lits – 27 % le sont pour cette raison. Pourtant, le besoin de soins augmente, mais les effectifs ne suivent pas. Il y a des départs massifs dus à des démissions, à des disponibilités, à des suspensions, à des mutations, mais également à un turnover médical de 60 % en 2022 et à une fragilité de la santé des psychiatres vieillissants. Évidemment, cette situation n'est pas propre au territoire haut-savoyard. Elle est représentative de l'état de la psychiatrie partout en France. Je ne souhaite en aucun cas accabler les psychiatres ni leurs équipes, mais plutôt saluer leur engagement et leur implication dans ce contexte contraint.
Outre le désintérêt des jeunes médecins pour la discipline, les problèmes de recrutement s'expliquent par différentes raisons : d'une part, cet EPSM est rattaché à l'université de Grenoble, qui est éloignée, et il ne reçoit malheureusement pas d'internes ; d'autre part, on connaît l'attractivité de la Suisse voisine.
De plus, les patients les plus lourds, c'est-à-dire tous les patients en soins sans consentement ou hospitalisés d'office génèrent des contraintes administratives majeures pour la communauté médicale. Comment alléger et simplifier ces démarches administratives ?
La fermeture des lits d'unité d'hospitalisation dans ma ville-centre de Thonon-les-Bains réduit l'offre de soins à une seule structure, à près de cinquante kilomètres et plus d'une heure de route. Comment assurer une continuité de soutien familial dans de telles conditions ? À l'heure où nous avons plus que jamais besoin de psychiatres, comment restaurer l'attractivité de cette discipline et permettre, enfin, le retour à une offre de soins de proximité pour le bien-être des patients ?
J'ai effectivement pris connaissance de la situation que vous venez d'évoquer dans votre département de la Haute-Savoie. Je ne vais pas me réfugier derrière une réponse facile qui consisterait à justifier la situation par le fait que votre département est voisin de la Suisse : cela n'aiderait pas.
Les départements éloignés de la Suisse connaissent les mêmes problèmes !
Je sais que l'agence régionale de santé connaît cette situation et a essayé d'instaurer un suivi rapproché. Très concrètement, des recours à la réquisition ont été engagés, mais il est toujours très compliqué de mobiliser d'autres établissements publics et privés. Cette situation mérite d'être étudiée avec l'ensemble des acteurs locaux, pour que nous puissions, dans le cadre d'une politique d'attractivité plus globale des établissements et de renforcement des équipes médicales et paramédicales, répondre à la situation que vous venez de décrire.
Mes chers collègues, je vous ai souhaité tout à l'heure une bonne année. Permettez-moi de vous adresser mes vœux de bonne santé. Et pour éviter tous troubles musculo-squelettiques, je rappelle qu'entre les accoudoirs vous disposez d'un siège plus ou moins agréable, sur lequel je vous invite à vous asseoir. Je dis cela pour votre santé en 2024 !
Vous êtes chargée d'un super portefeuille regroupant travail, santé et solidarité. Il ne faudrait pas toutefois que cela s'apparente à un sous-ministère de la santé, ce qui nous fait craindre le pire, en particulier pour la psychiatrie, secteur dans lequel les futurs internes ne veulent plus aller et où les psychiatres et les paramédicaux épuisés désertent l'hôpital public. Je dis craindre le pire mais, pour de trop nombreux patients et leurs proches ainsi que pour certains professionnels, on pourrait difficilement faire pire.
Il n'y a rien de pire, en effet, pour le personnel médical que de savoir qu'il se situe à la limite de l'éthique. Pourtant, les professionnels sentent qu'ils et elles peuvent être responsables de maltraitance à l'encontre de leurs patients, tant ils manquent de lits, de temps et de moyens. C'est d'une violence inouïe pour eux et leurs patients.
Imaginez-vous devoir faire le tri entre des personnes qui ont besoin d'aide. La réalité de la psychiatrie est souvent devenue celle du tri quotidien. Voilà ce que j'ai entendu dans un hôpital psychiatrique, la semaine dernière : « On trie la souffrance, la douleur ; il faut que les ministres sachent ». Alors, si vous ne le savez pas encore, sachez-le, madame la ministre. Dans l'hôpital que je viens d'évoquer, il faudrait vingt psychiatres, alors qu'ils ne sont plus que dix. La semaine dernière, cet établissement a reçu huit demandes d'admission pour une seule place disponible. Où vont les sept autres ? En outre, lorsqu'un patient est admis, son temps d'hospitalisation est raccourci et, à sa sortie, il n'y a plus forcément d'aval ni de réponse médico-sociale ; il n'y a pas d'ailleurs. Je le répète : laisser dépérir la psychiatrie, c'est accroître la violence dans notre société.
Entendez-vous vous battre, madame la ministre, pour que la psychiatrie devienne une véritable grande cause nationale et pour nous faire sortir de cette situation catastrophique, intenable et délirante ? J'avais invité l'ex-ministre Aurélien Rousseau à nous rendre visite afin de constater que je ne noircis pas le tableau ; je vous propose donc de venir en Loire-Atlantique, afin de voir et d'entendre la réalité vécue par les équipes.
J'entends bien votre constat et je le partage. Il y a effectivement des difficultés importantes. Toutefois, laisser croire que nous allons résoudre le problème en trois jours serait un mensonge. C'est la raison pour laquelle il me semble très important que nous puissions continuer à travailler sur l'attractivité.
Qu'est-ce que l'attractivité ? C'est la capacité de former et de rémunérer des personnels et dans un second temps de rouvrir des lits. C'est ce dont il est question. Comme vous avez pu le remarquer, M. le Premier ministre et moi-même avons souhaité précisément nous rendre aux urgences psychiatriques samedi, pour montrer l'importance que le Gouvernement porte à cette question. L'enjeu nécessite une mobilisation et des réponses. C'est le sens que je vais donner à mon action. L'intérêt de ce ministère est qu'il pourra travailler sur l'ensemble des champs : non seulement la santé, mais aussi l'ensemble des publics, que ce soient les plus jeunes ou nos aînés.
Chacun fait ici le même constat alarmant : les troubles psychiatriques et les affections psychologiques augmentent, en particulier dans les deux classes d'âge extrêmes : nos aînés et les plus jeunes. Dans le même temps, la communauté médicale dans sa globalité diminue, les places diminuent et les lits diminuent. La situation, de plus en plus préoccupante, provoque déjà partout sur le territoire – en particulier en Loire-Atlantique, qui était sous-dotée en moyens –, des drames humains. Les conséquences incluent bien évidemment l'épuisement des soignants et la perte de sens. En outre, la crise du covid a fortement affecté la société dans son ensemble – les professionnels en témoignent. Face à la chute des effectifs qui crée un véritable goulot d'étranglement, un cercle vicieux s'est enclenché, conduisant à l'épuisement des professionnels du secteur et mettant véritablement en péril la bonne prise en charge des personnes qui ont besoin de soins psychiatriques.
J'insisterai particulièrement sur la situation encore plus préoccupante de la pédopsychiatrie. Une hausse des tentatives de suicide est observée chez des enfants de plus en plus jeunes. Les avis sont unanimes : le tri des patients se situe parfois à la limite de l'éthique professionnelle et du professionnalisme. À cela s'ajoute un autre drame : faute de structures adaptées, des lits ferment dans les unités de soins pédopsychiatriques et des enfants – souvent ceux qui présentent les pathologies les plus lourdes – sont enfermés dans des unités adultes. Les soignants sont littéralement obligés de monter la garde devant les chambres des enfants pour assurer leur sécurité. Ce n'est pas leur métier et cela a pu mener à des situations absolument dramatiques – y compris dans ma circonscription. Loin de rejeter la faute sur les établissements – dont les soignants tentent tant bien que mal de faire face à cette crise au moyen de solutions de fortune, souvent aux dépens de leur propre santé mentale –, ce que je veux dénoncer ici, c'est l'absence criante de volonté d'enrayer cette crise. Il est donc nécessaire de redonner de l'attractivité à ces professions et d'allumer une lumière au bout du tunnel.
Vous avez évoqué dans la première partie de votre question l'évolution de la communauté médicale. Si celle-ci diminue, c'est pour deux raisons. Premièrement, du fait du numerus clausus, nous partons avec un retard très important en ce qui concerne le nombre de médecins : 30 % d'entre eux ont plus de soixante ans, ce qui signifie que nous verrons partir un certain nombre de médecins au cours des mois et des années qui viennent. Dans le même temps, celles et ceux qui sont encore en formation ne peuvent pas répondre aux besoins. Deuxièmement, nous devons envisager avec lucidité l'évolution des pratiques : une partie des professionnels fait le choix par exemple de l'activité à temps partiel – nous nous devons de respecter leur décision.
Je rappelle que les externes et les internes – qui sont au quotidien à l'hôpital – font des choix, que je respecte. Derrière, c'est à nous d'en gérer les conséquences, grâce au lien ville-hôpital et au lien entre l'hôpital et le secteur médico-social. Dans le domaine de la pédopsychiatrie sur lequel vous avez particulièrement insisté, c'est la pédiatrie qui est concernée : or, dans ce domaine, nous rencontrons un problème pour accompagner les jeunes enfants. Lors des assises de la pédiatrie, nous devrons réfléchir au moyen de prendre en compte toutes les pathologies, notamment celles qui connaissent une forte augmentation, par exemple les troubles pédopsychiatriques des jeunes enfants, qui appellent des réponses très concrètes.
Fin 2022, un quart des établissements psychiatriques ont dû réduire entre 10 et 30 % de leur capacité d'accueil. Ces fermetures sont dues principalement au manque de personnels médicaux et paramédicaux. Le manque de moyens couplé à la crise de recrutement des professionnels aggrave le non-respect des droits et des libertés fondamentales des patients. La maltraitance des professionnels engendre inévitablement celle des patients. Les alertes lancées par les professionnels sur les conditions indignes d'accueil et de soin des usagers, confirmés par les constats des rapports de la CGLPL – Contrôleure générale des lieux de privation de liberté –, sont ignorées, voire désavouées. Une omerta sur les pratiques demeure. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) signale que quarante-deux personnes sont décédées des suites directes de pratiques de contention ayant fait l'objet d'un signalement aux autorités entre 2011 et 2019. Or ces pratiques – de contrainte médicamenteuse, légale, physique et chimique – augmentent constamment. Aucune réponse politique n'a pourtant été donnée à cet usage en tout point contraire aux droits et aux libertés fondamentales des patients.
Les agents publics, surtout en psychiatrie, se saisissent rarement de l'article 40 du code de procédure pénale, parfois par méconnaissance mais souvent par peur de l'institution. Les quelques alertes lancées se retournent contre les professionnels et contre les usagers, renforçant une forme d'omerta en psychiatrie. La pénurie du service public hospitalier se fait donc sur le dos et sur le corps des personnes malades, qui sont de plus en plus contentionnées ou isolées, ce qui génère des drames évitables, beaucoup plus nombreux que les tragédies médiatisées. Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour protéger les droits et libertés des patients et ceux des soignants lanceurs d'alerte qui souhaitent dénoncer certaines pratiques dégradantes et indignes en psychiatrie ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.
Les soins sans consentement sont une exception à un principe fondamental du droit de la santé : le consentement aux soins. Cette exception, propre au périmètre de la psychiatrie, nécessite – je partage votre opinion – une attention constante aux conditions dans lesquelles sa mise en œuvre est autorisée. Hors mesure de justice, un patient psychiatrique peut être pris en charge dans le cadre d'un dispositif de soins sans consentement, soit à la demande du représentant de l'État, soit sur décision du directeur de l'établissement. Au-delà de ce cadrage législatif et réglementaire strict, plusieurs autorités ont un rôle à jouer pour veiller à l'équilibre tellement important entre le droit des patients et la préservation de leur état de santé. Le rôle du juge des libertés et de la détention (JLD) et de la CGLPL est tout à fait important. La commission départementale des soins psychiatriques a pour mission de garantir le respect des droits fondamentaux des usagers ayant recours aux soins psychiatriques et dispose de prérogatives telles que la saisine du JLD.
Je confirme devant vous la volonté du Gouvernement d'encadrer le recours aux soins sans consentement, à l'isolement et à la contention. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une politique déterminée de prévention, de réduction et de contrôle des pratiques d'isolement et de contention, politique partagée au niveau européen. Le plan d'action validé par le comité de pilotage de la psychiatrie comprend quatre axes : l'amélioration de la qualité des données qualitatives et quantitatives, l'identification et la diffusion de bonnes pratiques de prévention et de gestion de crise, l'encouragement et la connaissance des mesures améliorant le respect des droits des patients, le développement de la capacité à observer les droits des patients. Cette réforme des autorisations est essentielle : il y va de la liberté des patients.
Le rapport de la Cour des comptes de mars 2023 a émis de fortes inquiétudes sur l'offre de soins en pédopsychiatrie. Le nombre de pédopsychiatres a diminué de 34 % entre 2010 et 2022. Le problème est encore plus grave dans les dits outre-mer où l'on compte moins de cinq praticiens pour 100 000 habitants de moins de 16 ans. Par exemple, à La Réunion – où nos collègues sont retenus par les conséquences du cyclone Belal et je leur renouvelle mon soutien –, la situation de la pédopsychiatrie nécessite des mesures urgentes afin d'assurer un accès précoce aux soins. En effet, dans les dits outre-mer, 30 % de la population de moins de vingt ans est confrontée à de graves addictions, à des violences, ou à une détresse psychique. La Cour des comptes indique d'ailleurs dans la conclusion de son rapport que l'offre de soins psychique est « inadaptée aux besoins de la jeunesse ».
L'absence de suivi psychiatrique dans les prisons constitue un autre impensé de la psychiatrie française. En France, et surtout dans les dits outre-mer, les structures manquent. Il s'agit d'une discrimination structurelle entre l'Hexagone et les dits outre-mer. L'offre de soins est non pas inadaptée, mais quasiment absente, en milieu pénitentiaire comme en milieu hospitalier, dans les dits outre-mer. Il n'existe dans ces territoires – notamment en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane – ni unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) ni UMD. Or seuls de tels établissements peuvent répondre aux besoins des patients, des familles et de la société, qui est devenue fortement anxiogène. Nous réclamons donc, avec le personnel pénitentiaire et les responsables du secteur psychiatrique aux Antilles-Guyane, la création d'une UMD interrégionale en Martinique, à laquelle serait adossée une UHSA. Madame la ministre, quand une véritable politique psychiatrique dans les dits outre-mer, en particulier dans le domaine de la pédopsychiatrie, des malades difficiles et des patients psychiatriques en milieu carcéral, verra-t-elle le jour ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudit également.
Ma réponse sera très rapide, monsieur le député. En effet, votre description reflète strictement la réalité. Alors que je prends mes fonctions de ministre, il me semble effectivement indispensable que nous évaluions à l'échelle des outre-mer les réponses possibles notamment sur la question des UMD. Je vais étudier ce problème avec l'ensemble de mes équipes et revenir vers vous afin d'apporter des réponses concrètes pour les outre-mer.
Un Français sur cinq – soit 13 millions de personnes – est touché chaque année par un trouble psychique. La santé mentale est le premier poste des prises en charge par l'assurance maladie, devant les cancers et les maladies cardio-vasculaires. Souvent considéré comme un sujet tabou, cet enjeu de santé publique majeur a pris une résonance particulière dans le contexte de la crise sanitaire, qui a donné une visibilité aux problèmes de santé mentale mettant en lumière les difficultés bien connues de notre modèle de prise en charge. En outre, les difficultés économiques et sociales ont contribué à l'augmentation au sein de la population française des symptômes dépressifs et anxieux, et des addictions, induisant de nouveaux besoins.
Au regard de ces situations dégradées, la santé mentale et la psychiatrie se révèlent être des enjeux majeurs de notre système de santé. La tenue des premières assises de la santé mentale et de la psychiatrie en 2021 a certes marqué une prise de conscience des pouvoirs publics. Deux ans plus tard, les résultats se font toujours attendre. Elles n'ont pas permis de trouver une solution aux défis majeurs et les annonces faites à cette occasion n'ont pas répondu à l'ensemble des attentes. Les mêmes constats perdurent : disparités territoriales et inégalités d'accès aux soins, déficit de financement, suroccupation constante des services psychiatriques, suppressions de lits, manque de personnel et délais de prise en charge allongés. Quant à la discipline elle-même, il est peu dire qu'elle traverse une crise profonde d'attractivité. La situation de la psychiatrie ne cesse de se dégrader au point de laisser professionnels, patients et familles dans le plus grand désarroi.
Quelles pistes comptez-vous explorer, madame la ministre, pour répondre aux besoins urgents de nos concitoyens qui ne peuvent bénéficier de traitements faute de rendez-vous ou de prises en charge adaptées ? Comment allez-vous rendre de l'attractivité à cette discipline afin de former une nouvelle génération de psychiatres, préalable indispensable pour préparer l'avenir ?
Les assises de la psychiatrie se sont effet tenues il y a deux ans. Elles ont abouti à une série de préconisations que j'ai déjà eu l'occasion de mentionner, notamment le renforcement des maisons des adolescents et des centres médico-psychologiques. Au cours de l'année de 2024, nous reviendrons sur les financements nécessaires puisqu'une enveloppe de 48 millions d'euros a été prévue pour les années 2021 à 2024, à laquelle s'ajoutent des moyens dédiés au traitement des psychotraumatismes et à la prise en charge psychologique des personnes accueillies dans des centres d'hébergement. Nous le savons tous, s'il s'agit d'une première avancée, elle n'est pas suffisante.
Un des axes sur lesquels nous devons insister, au-delà des moyens et des structures d'accueil, est la recherche et l'innovation, compte tenu du nombre croissant des personnes concernées. Il importe de progresser dans la qualité des soins dispensés aux patients. Je citerai l'appel à projet lancé en mars 2023, portant sur le soutien de la structuration de l'animation territoriale de la recherche en psychiatrie et santé mentale. Il a, entre autres, pour objet de fédérer les centres hospitaliers universitaires et les centres hospitaliers autour de projets de recherche.
Le 11 mars dernier, le psychanalyste Harold Hauzy publiait dans Le Monde une tribune dans laquelle il revenait sur le succès du documentaire de Nicolas Philibert Sur L'Adamant, consacré à la souffrance psychique dans un hôpital parisien. Il s'interrogeait sur ce qui allait suivre : « Allons-nous encore une fois zapper ? Revenir au seul pouvoir de l'image et fermer cette parenthèse éphémère accordée à l'écoute ? C'est le plus probable, car il faut être lucide, la souffrance psychique, hormis cette pépite cinématographique, fait peur. Elle nous renvoie à notre vision manichéenne d'un ''fou'' étranger à nous. Un fou qui nous menace, nous rappelle que la mort, l'absurde, la souffrance, la solitude sont à chaque coin de rue. Un fou surtout qui passe parfois à l'acte lorsqu'il n'y a plus de suivi psychiatrique et psychothérapeutique. ». Il mettait là l'accent sur un aspect particulièrement important : les effets du regard des autres sur les personnes malades.
Mais que se passe-t-il pour leurs proches ? S'ils n'ont jamais été confrontés à des cas de détresse psychique, et même s'ils veulent bien faire, il se peut que leur comportement ne soit pas adéquat et contribue même à l'isolement voire à la dégradation de l'état de santé de la personne malade qu'ils accompagnent, si celle-ci se sent incomprise. Eux-mêmes sont susceptibles de ressentir un sentiment d'inutilité voire de la détresse, faute de pouvoir agir correctement. Ils doivent être dotés des outils nécessaires pour aider au mieux ceux qu'ils aiment. Le Gouvernement a-t-il des pistes ? C'est une question d'importance à l'heure où beaucoup d'établissements spécialisés manquent de personnel.
Je vous remercie d'avoir mis en lumière la situation des proches, qui sont souvent désemparés. Ils jouent pourtant un rôle essentiel, notamment en faisant les premières démarches nécessaires, auprès des urgences entre autres.
La déstigmatisation est un élément clef. Ayant déjà abordé la question des moyens, je n'y reviendrai pas, préférant insister sur la nécessité d'entretenir une communication régulière sur la santé mentale, enjeu dont il n'est pas souvent question au sein de notre société. Il faut distinguer les opérations ciblant toute la population de celles qui visent un public particulier comme celui des jeunes. En 2023, Santé publique France a lancé un dispositif baptisé « le Fil good ». Orienté vers la prévention, il consiste en cinq courtes vidéos destinées à inciter les 11-24 ans à adopter des comportements bénéfiques pour leur santé mentale.
De manière plus générale, le Fil santé jeunes délivre diverses informations sur la santé, notamment sur la santé mentale, propose un forum, un chat et un numéro d'appel anonyme et gratuit. Donner la possibilité à un jeune d'avoir immédiatement accès à un interlocuteur lorsqu'il se sent mal, c'est une réponse très concrète, comme l'est l'amplification du déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux, en particulier auprès des étudiants. À cela s'ajoute une stratégie nationale multisectorielle de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes, qui concerne toute la société.
Nous en venons aux questions du groupe Renaissance. La parole est à M. Anthony Brosse.
La situation de la psychiatrie devrait s'améliorer dans les prochaines années grâce à l'action du Gouvernement.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Toutefois, le secteur de la psychiatrie se voit confronté à des difficultés plus spécifiques. Dans le département du Loiret, près de 17 500 patients dont 2 700 mineurs sont pris en charge en continu. Ce qui préoccupe les professionnels du secteur n'est pas tant la qualité des soins et la nécessité d'avoir une organisation mettant en avant la prévention que la vacance des postes médicaux et non médicaux due à la pénurie de personnel.
Prenons un exemple : en région parisienne, à une heure de Fleury-les-Aubrais, le nombre de psychiatres pour 100 000 habitants est de 34 alors que, dans le Loiret, il n'est que de 12, près de trois fois moins. Cela ne permet pas d'assurer un suivi de qualité à nos concitoyens loirétains. Cette vacance est jugée d'autant plus compliquée à combler que l'établissement public de santé mentale du Loiret doit accroître son activité compte tenu des nombreux défis liés à la transformation du centre hospitalier régional en centre hospitalier universitaire (CHU) dans le département.
Par ailleurs, le Loiret reste le département dont la dotation financière en psychiatrie est la plus faible de tous les départements de la région Centre-Val de Loire, alors qu'il a le plus faible taux d'équipement, en nombre de lits, et le taux d'occupation moyen régional le plus élevé. Dès lors, même si l'établissement public de santé mentale du Loiret était susceptible de voir l'ensemble de ses postes pourvus, il ne serait pas en mesure de financer les salaires. Cette situation paradoxale suscite de vives inquiétudes parmi les acteurs locaux.
Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer les moyens qui seront dévolus au Loiret et aux départements les plus faiblement dotés et en sous-effectif afin de permettre à nos concitoyens de bénéficier du même niveau de prise en charge où qu'ils se trouvent sur le territoire français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La situation du Loiret que vous venez d'exposer est représentative de ce qu'on observe dans notre pays, à savoir une hétérogénéité territoriale, certains départements étant mieux dotés que d'autres. Quelle réponse sommes-nous capables d'apporter à l'ensemble de nos concitoyens ? Telle est bien la question qui se pose à nous.
Le Président de la République a eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises,…
…les bassins de vie constituent un échelon essentiel au niveau duquel le Gouvernement organise de multiples actions. Il est important que nos concitoyens puissent trouver des réponses de proximité.
Vous avez souligné le travail mené au sein des centres hospitaliers universitaires. Je citerai les consultations avancées organisées par les centres hospitaliers à l'échelle des groupements hospitaliers territoriaux.
S'agissant des moyens, je voudrais une fois encore revenir sur les deux volets du Ségur. Pour ce qui est du fonctionnement, il a abouti à une augmentation des rémunérations des professionnels de santé, particulièrement attendue. Pour ce qui est de l'investissement, les crédits sont là mais ils n'ont pas été déployés partout. Une accélération s'impose afin d'apporter des réponses plus rapidement.
S'agissant de l'organisation de l'offre de soins, il est évident que nous devons travailler à accroître l'attractivité de la psychiatrie pour que davantage d'internes choisissent cette spécialité et que davantage d'IPA soient formés dans ce domaine. Il importe de disposer d'un nombre suffisant de professionnels à même de prendre en charge les pathologies psychiques.
Notre jeunesse est abîmée. De nombreux d'indicateurs montrent un accroissement très important des symptômes anxio-dépressifs et des pensées suicidaires chez les jeunes. La situation est extrêmement préoccupante. La crise sanitaire a amplifié le mal-être de beaucoup d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes en perte de repères, de règles, de sens, surexposés qu'ils sont à des réseaux sociaux anxiogènes, catalyseurs d'émotions négatives, canaux de diffusion d'un culte de la performance et de pressions liées à l'image, et vecteurs de cyberharcèlement.
Nous devons prendre la mesure du malaise de la jeunesse et doter nos enfants, dès leur plus jeune âge, de compétences psychosociales, dont la confiance en soi et l'empathie, comme le font avec succès certains pays du Nord.
La question de la prise en charge rapide demeure bien l'enjeu principal si nous voulons répondre à ce mal-être. Les services de pédopsychiatrie sont saturés et pour y accéder, il est nécessaire de s'inscrire sur des listes d'attente, ce qui est indigne de notre pays.
Cela conduit parfois à devoir recourir aux urgences, alors que quelques consultations peuvent parfois suffire si le jeune est traité dès l'apparition des premiers symptômes.
Il y a en France de nombreux dispositifs à valoriser et dont s'inspirer. Dans mon département, le Calvados, l'équipe mobile de soins intensifs du centre Esquirol du CHU de Caen intervient auprès des jeunes dès 16 ans afin de leur proposer un diagnostic et une intervention précoces, de nature pluridisciplinaire, avec des soins extrahospitaliers qui donnent des résultats très encourageants. À Caen toujours, le service de santé étudiante permet d'accompagner de nombreux étudiants au cœur même du campus, qu'il s'agisse de prévention ou désormais de soins. Je tiens à saluer l'engagement remarquable de tous ces professionnels qui accompagnent les jeunes et vous invite, madame la ministre, à venir les rencontrer.
Nous devons entendre les appels au secours que lance notre jeunesse. Pouvez-vous, madame la ministre, prendre l'engagement devant la représentation nationale de tout mettre en œuvre pour lutter contre cette crise parfois si silencieuse de l'enfance et de l'adolescence ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous partageons tous le constat que vous venez de dresser. Nous pouvons tous dire les uns et les autres que le cocktail écran, addictions, covid …
…a eu des conséquences dramatiques pour l'ensemble de notre jeunesse.
Et nous pouvons nous accorder aussi sur la nécessité d'apporter des réponses rapides. Je vous remercie d'avoir cité les actions engagées dans votre région, notamment en matière de diagnostic précoce, qui peut presque être assimilé à de la prévention. Un autre élément fait consensus : la nécessité de lutter contre la solitude des étudiants.
Je tiens à vous préciser que je recevrai la semaine prochaine Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, qui vient d'effectuer un travail sur la santé des étudiants au sein de l'Association des villes universitaires de France (Avuf).
Il s'agit d'aller plus loin et c'est précisément le sens de la mission qui m'a été confiée par le Président de la République. Vous pouvez compter, monsieur le député, non seulement sur mon engagement mais aussi sur ma présence à Caen quand vous le souhaiterez.
La crise sanitaire ainsi que les confinements successifs ont eu des effets négatifs sur la santé mentale des Français. Dans un rapport, Santé publique France note que le recours aux soins psychiatriques d'urgence a continué d'augmenter en 2023. Les Français sont près de 13 millions à souffrir de troubles psychologiques et leur santé mentale continue de se dégrader, en particulier parmi les 18-24 ans, chez qui les cas de dépression ont quasiment doublé entre 2017 et 2021. Sont en cause l'isolement, les addictions ou le rapport aux écrans, qui change le rapport aux autres, mais aussi la stigmatisation des problèmes de santé mentale.
Le coût pour nos finances publiques est élevé. Les troubles psychiques représentent en effet le premier poste de dépenses en matière de santé : 14,5 % de la facture, 23,4 milliards d'euros pour l'assurance maladie, auxquels s'ajoutent 30 milliards d'aides indirectes, comme les indemnités journalières pour arrêt maladie, selon les chiffres du ministère de la santé.
Je pourrais vous interroger sur de nombreux autres sujets : les étudiants, les seniors, les soignants, les agriculteurs, les policiers, les professeurs ; l'addiction, l'isolement ; les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes ; les prisons, les hôpitaux psychiatriques. Je ne retiens qu'une chose : nous pouvons encore faire mieux.
Parmi tous les sujets qui méritent d'être abordés, je souhaite vous interroger sur un point qui me tient à cœur : les quartiers les plus pauvres de France. Disons-le simplement, on y trouve les mêmes problèmes que partout, mais en pire. La psychiatrie, vous vous en doutez, n'échappe pas à cette réalité. Si les Français souffrent d'inégalités territoriales en matière d'accès aux soins, les habitants des quartiers prioritaires sont ceux qui en souffrent le plus. Malgré les 15 500 psychiatres recensés en France en 2022, des disparités territoriales perdurent. Que fait l'État pour remédier aux difficultés particulières des quartiers prioritaires en matière d'accès aux soins de psychiatrie ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Si vous me le permettez, je ne reviendrai pas sur le constat, que j'ai déjà évoqué plusieurs fois. En revanche, je vais vous répondre sur le point particulier que vous soulevez : les quartiers prioritaires.
Pour avoir présidé, jusqu'à il y a quelques jours, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), je sais combien « l'humain dans l'urbain » est un enjeu majeur pour les quartiers concernés. Être capable d'apporter des solutions en matière d'accès aux soins, notamment dans le domaine de la psychiatrie, c'est incontestablement l'une des clés du changement dans ces quartiers.
Il me semble indispensable qu'un soin tout particulier soit apporté à notre action en la matière, avec des réponses concrètes. Bien évidemment, renforcer l'offre de soins, c'est permettre à chacun de bénéficier d'une prévention qui participe du mieux vivre. Il convient de mettre en avant les initiatives remarquables prises dans certains départements, notamment en matière d'accueil des jeunes ou des femmes. Je souhaite que nous recensions ces expérimentations et que nous réfléchissions à la manière de les déployer. Apporter des solutions dans les quartiers, c'est incontestablement agir en faveur de la jeunesse. Je n'oublie jamais que ces quartiers concentrent la plus grande part de la population jeune de notre pays.
Je ne reviens pas sur l'ensemble des constats rappelés cet après-midi – nous les partageons –, ni sur les pistes que vous avez évoquées, madame la ministre. Je souhaite appeler votre attention sur une possible solution : les centres experts en psychiatrie. Plébiscités par les usagers et par l'Association des établissements du service public de santé mentale (ADESM), copiés à l'étranger, ils sont de nature à renforcer l'attractivité de l'hôpital public pour les psychiatres.
Ces centres sont victimes de leur succès : ils ont des rendez-vous pour plus de deux ans. Il s'agit d'hôpitaux de jour diagnostic, qui permettent d'établir un diagnostic et de proposer un plan de soins, bien évidemment en complément de ce que font les structures de secteur. D'après l'évaluation qui en a été réalisée, ils permettent d'éviter une moitié des réhospitalisations au cours de l'année suivante.
Ce dispositif efficient et peu coûteux est pourtant resté au stade expérimental. Sur les 53 centres experts existants, une trentaine sont financés. Les autres sont autofinancés par les établissements sur leur dotation annuelle de financement. Puisque nous sommes en période de vœux, je formule celui que l'on intègre ce dispositif dans l'offre de soins de notre pays, que l'on reconnaisse son rôle en matière de prévention et de recours. Nous réaffirmerions de la sorte notre double ambition : prévenir et soigner.
Le 28 janvier prochain, nous visiterons l'hôpital Albert-Chenevier de Créteil, établissement où ces centres experts sont nés. Si vous pouviez vous associer à cette visite, madame la ministre, ce serait formidable !
La psychiatrie de secteur – disons les choses – traite un grand nombre de maladies chroniques diagnostiquées bien tard. Les centres experts en psychiatrie seraient une solution tout à fait complémentaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Les activités de psychiatrie demeurent organisées selon une logique de secteurs : les établissements se répartissent la prise en charge des patients en fonction de leur lieu de résidence, chacun d'entre eux étant capable de prendre en charge l'intégralité des pathologies psychiatriques. S'y ajoutent des centres de recours en psychiatrie tels que les centres de soins de réhabilitation psychosociale, les centres de recours pour les troubles du comportement alimentaire ou encore les centres experts organisés et déployés par la fondation FondaMental, que vous venez d'évoquer.
La fondation FondaMental s'est engagée dans un rôle d'animation et de structuration de ces centres experts. Incontestablement, cela contribue à la structuration de l'offre de soins, dans le cadre d'une politique publique où les enjeux financiers sont importants.
J'échangerai bien évidemment avec l'ensemble des membres de la fondation FondaMental, notamment avec sa directrice générale, la professeure Marion Leboyer. Les solutions qui fonctionnent méritent toujours d'être examinées et analysées. Ensuite, nous pourrons avancer. Je n'ai d'a priori ni de réponses toutes faites sur aucun sujet.
J'adresse tout d'abord mes meilleurs vœux à tous les acteurs de la psychiatrie, notamment aux agents de l'institut Camille-Miret, dans ma circonscription. Ce début d'année 2024 est l'occasion de revenir sur des sujets essentiels, notamment de mettre en lumière les difficultés du secteur de la psychiatrie des enfants et des adolescents, qui revêt une importance cruciale pour la santé de nos concitoyens. D'après les chiffres de Santé publique France, un jeune Français sur cinq souffre de troubles dépressifs ; cette proportion est en forte augmentation depuis la crise liée au covid-19.
La pédopsychiatrie devrait permettre de venir en aide à ces populations. Pourtant, beaucoup l'ont dit, la situation du secteur est particulièrement préoccupante : seulement 700 pédopsychiatres exercent en France, et certains départements en sont totalement dépourvus. Les carrières pâtissent d'un déficit d'attractivité, qui menace la démographie de la profession. L'appel de Toulouse, lancé en juin 2023 par les professionnels, nous a alertés sur cette pénurie de soignants et sur les difficultés de financement, qui rendent les parcours de soins difficiles pour les familles et qui empêchent souvent une prise en charge précoce des troubles.
Face à cette urgence, j'ai déposé en janvier 2023 une proposition de loi transpartisane qui vise notamment à refonder le cadre de la politique dédiée à la santé mentale des enfants et des adolescents, et à sécuriser une programmation financière ambitieuse.
Au-delà des assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, que vous avez évoquées, et du Conseil national de la refondation, qui apportera des réponses, nous souhaitons coconstruire rapidement des solutions avec le Gouvernement. Pouvez-vous nous exposer les priorités du Gouvernement pour les années à venir en matière de santé psychiatrique des enfants et des adolescents, et nous donner des précisions quant à la remise des conclusions des assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant ?
Applaudissements les bancs du groupe RE.
J'ai laissé un peu de temps supplémentaire à Mme Tiegna car elle a adressé ses vœux à tous les soignants. Malgré toute l'objectivité que vous me connaissez, je lui ai accordé vingt secondes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Christophe Plassard applaudit également.
Sourires.
Je vous présente à mon tour mes meilleurs vœux, madame Tiegna, ainsi qu'aux habitants de votre circonscription et à tous les Français, notamment aux soignants et aux patients dont nous parlons.
Je ne reviens pas sur le constat, que j'ai évoqué à plusieurs reprises. Je tiens en revanche à rappeler que notre priorité est de protéger les jeunes, en particulier contre les addictions. Nous appliquerons des programmes de prévention destinés aux jeunes, qui visent notamment à renforcer leurs compétences psychosociales. C'est grâce à la stratégie nationale que nous avons lancée en la matière que nous pourrons accompagner ces publics.
Je l'ai dit tout à l'heure, je partage votre volonté d'avancer, à la suite des assises et dans le cadre du CNR. Eu égard au constat que nous faisons depuis le début de cette séquence de questions,…
…il me semble essentiel que nous nous mettions tous autour d'une table, dans le cadre du CNR, avec la volonté constructive d'avancer.
Je suis parfaitement consciente que se pose la question des moyens et, derrière celle-ci, celle de la manière dont nous allons équiper notre pays. Un grand nombre de sujets que nous avons évoqués au cours de l'après-midi s'y rapportent : les centres médico-psychologiques, le nombre de praticiens ou encore les infirmiers en pratique avancée.
À ce stade, je l'avoue, je ne connais pas le contenu de votre proposition de loi. En tout cas, il appartient au bureau de l'Assemblée – je me tourne vers vous, madame la présidente – d'inscrire les propositions de loi à l'ordre du jour.
Je vous laisse donc travailler sur le sujet.
Pour que vous ne tentiez pas de m'arnaquer, mes chers collègues, je précise que le coup des vœux aux soignants ne fonctionnera pas une seconde fois. Vous pouvez adresser des vœux, mais vous n'en gagnerez pas pour autant vingt secondes de temps de parole.
Nous passons aux questions du groupe Rassemblement national. La parole est à Mme Caroline Colombier.
Je vous souhaite à tous une excellente année, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues.
Plus de deux ans après les assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui se sont tenues en septembre 2021, la psychiatrie en France demeure en crise. La mort tragique d'une infirmière en mai 2023 et le viol d'une aide-soignante en novembre 2022 à l'hôpital psychiatrique Camille-Claudel, dans ma circonscription de Charente, rappellent qu'il est urgent d'intervenir. Les professionnels de la santé mentale dénoncent depuis longtemps la dégradation des conditions de travail, les problèmes d'attractivité du secteur et une perte de sens. La psychiatrie est souvent négligée dans les politiques publiques de santé. Faute de prise en charge adéquate, des individus dangereux sont laissés en liberté. Les derniers chiffres indiquent qu'une personne sur quatre serait touchée par des troubles psychiatriques – il en a été question tout à l'heure.
En 2022, la France comptait 15 000 psychiatres, mais 30 % des postes en psychiatrie dans les hôpitaux publics n'étaient pas pourvus. Cette situation souligne les profondes lacunes financières et structurelles dans la prise en charge de la santé mentale en France, malgré les récentes interventions, les déploiements financiers, les assises et la mise en œuvre, depuis 2013, de programmes pluriannuels.
La crise urgente de la fermeture des lits s'impose à notre attention. La demande de soins psychiatriques augmente mais la fermeture structurelle de lits s'intensifie. De nombreux hôpitaux – à Nantes, au Mans, à Cholet, à Caen, et je pourrais en citer d'autres – sont contraints de fermer massivement les lits psychiatriques. Les personnels sont désabusés. À terme, ce sont la prise en charge et la santé des patients qui en pâtissent. Cette situation révèle les défis profonds et persistants auxquels est confrontée la psychiatrie française. Comment envisagez-vous d'endiguer la crise actuelle des fermetures de lits ? Il s'agit de garantir un service et une prise en charge cohérents et efficaces.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous pouvons travailler sur un point essentiel : les recrutements. Si des lits sont fermés, c'est parce qu'il manque des soignants pour s'occuper de celles et ceux auxquels ces lits sont destinés. Depuis septembre 2023, nous assistons à une reprise des recrutements. Néanmoins, nous le savons tous, les résultats en la matière passent par un renforcement de l'attractivité de ces métiers, donc par une reconnaissance. Je rappelle qu'en matière de fonctionnement, le Ségur de la santé a débouché sur la prise en charge des gardes de nuit et de week-end ; c'est une mesure financière importante. Les résultats passent aussi par l'amélioration des conditions de travail et par la fidélisation. Tels sont les éléments qui nous permettront d'avancer.
Le plan d'action relatif à l'attractivité est un texte réglementaire qui relève directement de ma responsabilité. Cela fait évidemment partie des sujets sur lesquels je souhaite avancer très rapidement.
En France, environ 13 millions de personnes sont victimes d'une pathologie mentale. Dépression, trouble bipolaire, autisme, schizophrénie, troubles obsessionnels compulsifs sont des pathologies répandues dans toute la société. Les chiffres montrent que la santé mentale des Français s'est particulièrement dégradée depuis la crise du covid-19. Nous avons constaté une hausse de 30 % des consultations psychologiques, et les demandes d'hospitalisation en service psychiatrique se multiplient. Or, selon les chiffres de décembre 2022, 58 % des établissements psychiatriques ont été contraints de fermer des lits, faute de moyens suffisants ; 30 % des postes de médecins psychiatres sont vacants.
Le système des soins psychiatriques craque de toutes parts, ce qui cause de la souffrance pour les malades, pour leurs proches et pour les équipes médicales. Bien souvent, du diagnostic au protocole de soins, le parcours est fait d'errance et de solitude, face à une maladie qui inquiète, stigmatise et, fréquemment, exclut – déscolarisation, marginalisation, perte d'emploi et, parfois, délinquance.
Du fait des carences des services de soins et faute d'un accompagnement social global, pratiquement inexistant en psychiatrie, seuls les services sociaux départementaux et communaux prennent en charge les malades psychiatriques. Démunis, ces travailleurs sociaux non formés à l'accueil en psychiatrie sont régulièrement confrontés à la violence et aux excès de colère provoqués par les ruptures de soins.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il est urgent d'agir et de décréter un plan Marshall de la psychiatrie ? Il faut en faire une grande cause nationale. Nous devons rendre cette spécialité médicale plus attractive auprès des internes en proposant une meilleure rémunération à l'ensemble du personnel en recrutant des travailleurs sociaux dédiés au suivi social global des patients.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je ne reviendrai pas sur votre constat, qui a été partagé par les orateurs précédents, mais je veux répondre à quelques-uns des éléments que vous avez évoqués.
Premièrement, j'ai rencontré ce matin le conseil d'administration de la Fédération hospitalière de France, qui propose un plan d'urgence pluriannuel pour la psychiatrie. J'aurai à cœur de travailler avec la FHF pour déterminer quels éléments présentés dans ce plan nous pouvons reprendre, et dans quels délais les appliquer.
Deuxièmement, vous devez reconnaître que des choses ont été faites. Le recrutement des internes est en progression. Je vous accorde que les chiffres sont faibles, mais c'est tout de même un signal positif. Surtout, le nombre de professeurs d'université-praticiens hospitaliers a augmenté en psychiatrie, et vous savez combien une telle augmentation est rare. Elle signe la reconnaissance de la nécessité de mieux équiper notre pays.
Voilà quelques éléments qui montrent que le travail a démarré ; à nous d'aller plus loin.
La santé mentale est souvent décrite comme le parent pauvre de notre système de santé. Ce système craque de toutes parts, engendrant de la souffrance pour les malades, pour les proches et pour les équipes médicales. Les deux tiers des adultes ne reçoivent pas de soins appropriés. Pour les enfants, c'est encore pire : dans ma circonscription de Dordogne, seuls six lits de pédopsychiatrie sont disponibles.
Je pense avoir la légitimité de parler de ce sujet ici, puisque j'ai été aide-soignant en psychiatrie pendant environ dix ans. Je vous confirme qu'il y a un manque criant de personnel et que 30 % des postes ne sont pas pourvus. Je vous confirme que cela conduit à des délais d'attente inacceptables dans la prise en charge des malades, tout en créant une surcharge de travail colossale pour les soignants, dont je tiens à saluer l'implication exemplaire.
Que faites-vous pour les soignants ? Ils sont épuisés. Ils portent sur leurs épaules le poids de vos échecs. Sept ans que vous êtes là, sept ans que vous ne faites rien. Encore une fois, que font nos ministres ? Il est temps de préférer l'action à la communication et l'empathie à l'antipathie.
Vous me direz : « Il n'y a pas d'argent. » Allez le chercher : supprimez l'AME – aide médicale de l'État –, arrêtez d'accueillir le monde entier aux frais des Français
Exclamations sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES et Écolo – NUPES
et au détriment des services publics, notamment du service public hospitalier.
L'heure est venue de placer la santé mentale au cœur de notre politique de santé publique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je vous remercie d'avoir témoigné de votre vécu.
Je crois que personne ici n'est antipathique ni empathique. Nous sommes ici pour réfléchir ensemble et trouver des solutions.
Toutefois, ne nous trompons pas de débat. Les solutions ne seront pas uniquement financières ; vous le savez mieux que moi, puisque vous avez été infirmier en psychiatrie. Il s'agit avant tout de restaurer l'attractivité de ces métiers pour que les professionnels fassent le choix de s'orienter vers la psychiatrie et d'y rester. J'ajoute que nous touchons là à des métiers de proximité, à des métiers du présentiel. À l'heure où nous parlons de plus en plus de la différence entre le distanciel et le présentiel, cela constitue un enjeu d'attractivité. À nous de relever le défi.
Le débat sur l'état de la psychiatrie dans notre pays est trop peu fréquent. Pourtant, les professionnels de santé sont unanimes, le secteur de la santé mentale est le parent pauvre de la médecine en France. Diminution constante du nombre de lits pour les hospitalisations complètes, diminution du nombre de médecins… Selon certains psychiatres, près d'un établissement sur quatre a fermé plus de 10 % de ses capacités d'accueil.
Une enquête de la Fédération hospitalière de France a mis en exergue ces défaillances. Elle estime entre un et trois quarts le taux de vacance des postes de médecin dans 40 % des établissements psychiatriques. La diminution du nombre de médecins et de lits engendre deux phénomènes : d'une part, une augmentation du délai d'accès à la consultation, lequel est compris entre cinq mois et plus d'un an pour 45 % des établissements accueillant les jeunes ; d'autre part, une augmentation considérable du travail des infirmiers et soignants quand les patients sont en crise.
La psychiatrie ne doit plus être l'enfant malade de notre système de soins. Cette spécialité médicale doit être un dispositif central de notre politique de santé publique. Je rappelle que la première cause de mortalité entre 15 et 35 ans est le suicide et que la maladie mentale et les troubles psychiatriques touchent des millions de Français.
Pire encore, la Cour des comptes a mis en exergue l'état déplorable de la pédopsychiatrie. Si le nombre de psychiatres est déjà faible dans notre pays, celui des pédopsychiatres l'est plus encore : on recense cinq pédopsychiatres pour 100 000 habitants de moins de 16 ans dans certains départements. Avec l'augmentation des troubles dépressifs chez les jeunes, le nombre de pédopsychiatres doit augmenter sur le territoire.
Madame la ministre, comment aider concrètement la spécialité psychiatrique à recruter des médecins et des professionnels de santé afin de garantir l'accès à des soins spécialisés de qualité pour les patients ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La psychiatrie est en effet un sujet majeur ; c'est la raison pour laquelle nous sommes ici cet après-midi. Elle représente le premier budget des dépenses de santé, preuve de son importance pour notre nation.
Il faut effectivement aller plus loin. Aller plus loin, cela signifie recruter des professeurs d'université-praticiens hospitaliers, mais aussi des internes, car il est essentiel que les jeunes internes voient l'intérêt de cette spécialité pour s'y engager et créer le réseau qui assurera l'avenir de la discipline. Cela fait partie des sujets que nous traiterons dans le cadre de notre campagne d'attractivité.
Nous en venons aux questions du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale. La parole est à Mme Élise Leboucher.
Permettez-moi d'apporter mon soutien à mes anciens collègues de l'EPSM de la Sarthe, qui sont en grève aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous aurions dû avoir ce débat lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous aurions pu, alors, formuler des propositions et voter des décisions fortes pour la psychiatrie publique, mais la frénésie de 49.3 nous en a empêchés.
Personne n'attend rien de ce débat, pas plus les soignants que les patients ou leurs proches. À défaut d'être utile, ce temps nous permettra au moins d'illustrer le cynisme du Gouvernement.
Petit à petit, ces dernières années, vous avez fait glisser la psychiatrie du soin vers la surveillance, avec l'installation de caméras et l'embauche de vigiles plutôt que l'investissement dans les moyens humains de la prévention et de la formation, et avec la création de Hopsyweb, qui permet le croisement des fichiers des hospitalisations sans consentement et de la radicalisation, alors qu'aujourd'hui, dans certains établissements, il faut passer par l'hospitalisation sans consentement pour avoir accès à un lit en psychiatrie.
Les professionnels pourraient vous rappeler, à juste titre, que les patients en psychiatrie sont plus souvent victimes qu'auteurs d'agressions. Vous ne les écouterez pas, pas plus que les autres fonctionnaires. Après tout, pour quoi faire ? La santé ne vous intéresse pas, comme l'illustre la disparition récente de son ministère.
Soyons clairs : il n'y a pas de menace psychiatrique. Ou, plutôt, vous êtes la menace qui pèse sur l'état de la psychiatrie publique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La dernière note hebdomadaire de Santé publique France le démontre. L'écouterez-vous, lorsque cet organisme, associé à la caisse primaire d'assurance maladie, vous dit que les enfants vivant sous le seuil de pauvreté sont trois fois plus souvent hospitalisés pour des problèmes psychiatriques que les autres ? L'écouterez-vous lorsqu'il vous dit que l'écart de santé continue de se creuser et qu'il vous intime d'agir rapidement sur le niveau de vie des ménages ? Quand on met cette note en relation avec la dernière étude de l'Observatoire des inégalités, tout semble cyniquement plus clair : la précarité renforce la prévalence des pathologies psychiatriques et l'hôpital public, auquel vous avez retiré des moyens, n'est plus en mesure de soigner dignement. Tout cela illustre vos échecs.
Face à un bilan si médiocre, quand assumerez-vous l'échec de votre idéologie ? Quand ferez-vous le choix de rompre avec la logique néolibérale hostile à l'intérêt général ? Une autre option est possible : celle d'une psychiatrie humaine, digne et accueillante.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Madame la députée, je voudrais faire plusieurs remarques.
Tout d'abord, le ministère de la santé ne disparaît pas. Il est au contraire devenu un vaste ministère qui place la santé au cœur de ses préoccupations et fait de celle-ci un fil rouge qui relie le travail, le domaine médico-social et la solidarité.
Deuxièmement, il m'est difficile de vous laisser dire qu'il n'y a pas de moyens pour l'hôpital, quand le Ségur de la santé a constitué un engagement important en ce sens.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur un tel sujet, il me semble important de nous écouter les uns les autres.
Le Ségur de la santé a permis de revaloriser concrètement les salaires, et la stratégie d'investissement de 19 milliards d'euros nous permettra incontestablement d'apporter des réponses dans un deuxième temps.
Enfin, l'établissement public de santé mentale de la Sarthe est en difficulté depuis plusieurs années. Tous les acteurs sont mobilisés pour trouver des solutions pour prendre en charge les patients et pour apporter un soutien à la communauté soignante en aidant l'établissement à pourvoir les postes vacants. Nous suivons la situation avec une attention particulière.
Hier, le personnel de l'hôpital de psychiatrie de Purpan, à Toulouse, était en grève. Voici ce que ses membres nous disent : « Les CMP sont complètement saturés. Il y a parfois 150 patients qui attendent leur tour. Si elle doit attendre six mois pour un premier rendez-vous, une personne en détresse psychique a largement le temps de voir son état se dégrader, de décompenser ou de faire une crise suicidaire, et elle arrive aux urgences, qui sont saturées aussi. » Un autre témoignage : « Après toutes les suppressions de lits ces dernières années, qui entraînent une embolie des urgences psychiatriques, on a commencé à faire dormir des patients sur des brancards, dans des pièces sans fenêtre. Maintenant, on utilise les chambres d'isolement comme des chambres ordinaires. Alors, quand un soin nécessite un isolement temporaire, ces chambres ne sont plus disponibles et on a recours à la contention. » Un troisième encore : « On fonctionne tout le temps à flux tendu, avec le minimum de personnel. Avant, on organisait des sorties pour les patients. Maintenant, on ne peut plus, alors les tensions augmentent : la violence, la consommation de drogue… Il y a même du crack qui circule. »
Je me réjouis qu'un débat soit organisé sur la psychiatrie, mais je déplore que certains se soucient seulement de ce secteur après un drame.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourtant, comme vous avez pu l'entendre, madame la ministre, c'est le manque de moyens et la dégradation des conditions d'accueil qui en découlent qui sont une source de violence : violence envers les patients, avec un recours exorbitant à la contention et à l'isolement ; violence envers les soignants, pour qui, je cite, « la dimension humaine du soin est oubliée ». Or, des moyens, il y en a ; ils vont vers les cliniques privées, qui trient les patients et refusent ceux qui n'ont pas de mutuelle, qui sont en grande précarité ou qui présentent des pathologies complexes. Dans le secteur public, pour espérer obtenir des moyens, il faut répondre à des appels à projets. Ces moyens ne sont pas pérennes et ils sont utilisés pour la création de nouveaux services alors que les services existants en manquent cruellement.
La dernière réforme du financement de la psychiatrie publique, avec sa logique proche de la tarification à l'acte, risque d'aggraver cette mise en concurrence déloyale avec le secteur privé et la pression au rendement pour les hôpitaux. Nous avons des soignants compétents, engagés, attachés au service public, mais ils sont de plus en plus nombreux à le quitter parce qu'ils sont essorés – ce sont leurs mots.
Madame la ministre, il y a urgence. Allez-vous stopper la privatisation rampante de l'offre de soins et du fonctionnement même du secteur public ? Allez-vous, surtout, accorder enfin des moyens pérennes pour renforcer la politique de ce secteur ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises mais j'y reviens une fois encore : la question des lits renvoie à celle du personnel – vous le savez puisque vous connaissez fort bien ce sujet. Ce qui est en jeu, c'est notre capacité à rendre attractives ces activités, afin que certains s'y engagent.
S'agissant de la T2A, vous savez comme moi qu'en psychiatrie, il n'y a pas de tarification à l'activité.
D'ailleurs, la T2A qui prévaut dans d'autres secteurs fera prochainement l'objet d'une réforme fondée sur deux idées : d'abord la prise en compte du nombre d'habitants vivant sur le territoire concerné, et ensuite l'amélioration de la qualité des soins.
Vous le voyez, nous allons faire évoluer les choses. C'est indispensable car c'est l'une des réponses concrètes que nous pouvons apporter.
En France, l'état de la psychiatrie est tout simplement catastrophique. La dépression touche près d'une personne sur dix et nous détenons un triste record : notre pays est celui qui consomme le plus de psychotropes dans le monde.
Selon votre propre ministère, en mars 2023, 3 millions de personnes souffraient de troubles psychiques sévères, alors que l'on ne recensait – en 2022 – que 15 516 psychiatres sur le territoire. Au 1er décembre 2023, 75 677 personnes étaient incarcérées en France ; à leur sortie de prison, les deux tiers des hommes et les trois quarts des femmes détenus en maison d'arrêt présentent des troubles psychiatriques ou liés à une addiction. Les juges donnent l'alerte : on incarcère parce qu'on a failli en matière de soins, voire en lieu et place d'une prise en soins.
Tout cela devrait vous alarmer et vous inciter à réfléchir aux causes d'une présence aussi importante de personnes atteintes de troubles psychiques ou psychiatriques en milieu carcéral – avant et après incarcération. Mais non, rien ! Encéphalogramme plat, au ministère de la santé comme au ministère de la justice.
Madame la ministre, qu'attendez-vous pour lancer un grand plan d'urgence en faveur de la psychiatrie, et ce dès le plus jeune âge ? Nous vous alertons depuis des mois et des années à propos de cette bombe à retardement. Au lieu de construire toujours plus de places en prison, comme le fait votre collègue chargé de la justice, il est grand temps d'investir pour créer plus de places à l'hôpital et de lancer un vaste plan de recrutement et de formation des personnels médicaux, afin de garantir un ratio minimal de soignants par lit, mais aussi de revaloriser les salaires, de reconnaître la pénibilité du travail, notamment de nuit et le week-end, bien mieux que ce qui vient d'être fait, et de promouvoir un grand plan de prévention des maladies et troubles psychiques dans nos établissements scolaires.
Que comptez-vous faire pour mettre fin à l'incarcération des personnes atteintes de troubles psychiatriques et comment comptez-vous améliorer la prise en charge psychiatrique des personnes détenues ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous êtes revenue, madame la députée, sur la démographie préoccupante des professionnels médicaux. Au 1er janvier 2022, 15 500 psychiatres étaient en exercice, dont 4 500 exclusivement en libéral. Au 1er janvier 2023, c'est vrai, la diminution est importante, et on observe en particulier, en ce qui concerne l'âge de ces professionnels, que 22 % d'entre eux ont 65 ans et plus, et 12 % entre 55 et 59 ans. Je reviens donc à ce que je disais tout à l'heure : il importe de rendre ce domaine attractif auprès des internes, sachant qu'en 2023, seuls 12 % d'entre eux ont fait le choix de la psychiatrie.
Quant aux unités de psychiatres en prison, elles existent bel et bien. Il est vrai que la santé en prison est un sujet important dans notre pays, mais nous devons nous atteler à considérer la psychiatrie à l'échelle de tout le territoire et pour l'ensemble des publics.
Vraiment, rien de plus ? L'ensemble des publics, sauf ceux qui sont en prison !
Nous conclurons par une question de la part d'une députée non inscrite. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
La psychiatrie publique n'a jamais été autant au cœur de l'actualité. Elle l'est le plus souvent, malheureusement, à la suite de faits de violences dont on s'aperçoit après coup que leur auteur est atteint de troubles mentaux ; mais elle fait aussi l'objet d'alertes de plus en plus fréquentes quant à la dégradation de son offre de soins. La discipline connaît une crise des vocations sans précédent – cela a été mentionné, on estime à 30 % le nombre de postes de psychiatre vacants.
Les pratiques d'isolement et de contention, qui constituent d'importantes privations de liberté, sont régulièrement pointées du doigt. Tantôt encouragées, tantôt dénoncées, elles suscitent des débats de plus en plus fréquents, qui impliquent différents acteurs du soin ainsi que des usagers. D'ailleurs, ces dernières années, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a eu l'occasion de dénoncer certains abus dans l'utilisation de l'isolement et de la contention, même si ces pratiques demeurent très hétérogènes en France.
Pour être tout à fait honnête, les moyens administratifs et humains – le nombre de soignants – octroyés aux établissements sont loin d'être à la hauteur de l'enjeu : ils ne permettent pas de mettre un terme à ces pratiques ou de les réduire. Comment déployer des solutions alternatives si les services concernés ne se voient pas attribuer suffisamment de temps pour que les soignants procèdent correctement à la désescalade des tensions psychiques, soient disponibles auprès des patients et réalisent des activités thérapeutiques tout en s'efforçant de rassurer, de sécuriser et d'accompagner les malades ?
De même, un investissement important est nécessaire pour améliorer les espaces de soins et les rendre accueillants et sécurisés, mais aussi pour mettre en conformité les chambres d'isolement, afin de protéger les patients et d'éviter de les attacher. Il faut aussi renforcer la formation des soignants – particulièrement celle des nouveaux infirmiers, qui ont une formation généraliste et peu de cours et de stages en psychiatrie – et soutenir le tutorat.
Il importe aussi de soutenir la recherche en psychiatrie sur ces sujets. En Occitanie, il existe la Ferrepsy, la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale, mais qu'en est-il ailleurs ?
Madame la ministre – je termine –, quels moyens le Gouvernement est-il prêt à engager sur ces différents points ? En particulier, êtes-vous prête à simplifier les procédures…
…et à instaurer un référent soignant « isolement et contention » qui aurait pour rôle…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé.
Je veux d'ores et déjà vous dire, madame Ménard, que les services du ministère dialoguent de manière régulière, pour ne pas dire constante, avec la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.
S'agissant de la contention, je rappelle que depuis 2021, 50 millions d'euros ont été mobilisés pour former les personnels en la matière, mettre en avant les bonnes pratiques et aménager les locaux, afin d'éviter le recours à cette démarche. Mon ministère diffuse régulièrement des instructions relatives à la politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention au sein des établissements de santé autorisés à exercer des soins de psychiatrie. En mars 2021, la Haute Autorité de santé a, de son côté, publié un guide des bonnes pratiques comportant des préconisations très concrètes. Enfin, dans le cadre de la réforme des autorisations, une mention « soins sans consentement » a été créée. Les établissements devront remplir certaines conditions techniques d'implantation et de fonctionnement afin d'être autorisés à dispenser des soins sans consentement en leur sein. C'est une mesure préventive qui va, me semble-t-il, tout à fait dans le bon sens.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « L'instrumentalisation politique des élections des parents d'élèves dans les conseils d'école ».
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi.
Le groupe Socialistes et apparentés a choisi d'inscrire ce débat à l'ordre du jour pour se faire le porte-voix du milieu éducatif.
Ce dernier s'inquiète en effet de la montée d'associations de parents d'élèves d'extrême droite, de la propagation d'idées réactionnaires et de la progressive disparition de la liberté pédagogique – autant d'inquiétudes que nous partageons et à propos desquelles nous souhaitons entendre le Gouvernement pour savoir quelles réponses il compte y apporter.
Je commencerai par rappeler le rôle majeur des représentants de parents d'élèves dans le bon fonctionnement des établissements scolaires. Ils constituent des relais essentiels entre les personnels de l'éducation et les parents, qui partagent un objectif : le bien-être des élèves. Ils participent activement à la vie scolaire, par exemple en siégeant dans les conseils d'école, mais aussi en votant le règlement intérieur de l'établissement et en travaillant sur le projet de l'école.
Les fédérations de parents d'élèves sont également des lanceurs d'alerte s'agissant des manquements de l'école. Dans chaque établissement scolaire, l'équipe pédagogique peut compter sur les représentants de parents d'élèves pour se mobiliser, par exemple sur une question chère à chacun d'entre nous : le manque d'enseignants.
Car oui, madame la ministre, quand un gouvernement supprime 7 000 postes en sept ans ,
M. Inaki Echaniz applaudit
Historiquement, les fédérations de parents d'élèves ont été à l'initiative d'importantes prises de conscience dans le monde de l'éducation, en rendant visibles des problèmes profonds, comme la question des devoirs à la maison, du harcèlement scolaire, des conséquences du poids des cartables sur la santé des élèves ou encore de l'inclusion insuffisante des élèves en situation de handicap.
Mais ce n'est pas de ce genre d'associations de parents d'élèves qu'il est question aujourd'hui : ce ne sont pas elles qui nous inquiètent. Chacun connaît, par exemple, la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) ou la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (Peep) ; chacun sait que l'une penche plutôt à gauche et l'autre plutôt à droite, mais cela s'arrête là : elles ne sont formellement liées, de près ou de loin, à aucun parti politique.
Celles dont nous voulons parler, ce sont des associations comme Parents vigilants, ce réseau de parents d'élèves directement créé et piloté par un parti d'extrême droite, Reconquête. Ce mélange des genres n'est d'ailleurs pas caché : il est même ouvertement affiché sur la page Twitter du collectif. C'est inédit.
Ce nouveau réseau a été créé en 2022 et a fait son apparition aux dernières élections des représentants de parents d'élèves. Il nous inquiète parce que c'est tout simplement le bras armé d'un parti d'extrême droite qui a ainsi fait une entrée fracassante au sein de l'école de la République.
Il nous inquiète aussi en raison des messages qu'il véhicule, à savoir des attaques directes visant le corps enseignant, les programmes scolaires et la liberté pédagogique. Il n'est plus question, ici, du bon fonctionnement de l'établissement, mais du contenu des cours, donc des compétences de l'enseignant. Le professeur prépare ses cours avec toute la liberté pédagogique qui est la sienne, mais il respecte les programmes édictés nationalement par sa hiérarchie. Que cela plaise ou non, c'est là une réalité, même si le réseau Parents vigilants refuse de l'admettre.
Commençons par l'éducation à la sexualité, régulièrement remise en cause par ce collectif sur les réseaux sociaux. Comme chacun le sait, elle est inscrite dans le code de l'éducation et fait partie du programme obligatoire de tous les élèves, à raison de trois séances annuelles. Cet enseignement est absolument essentiel et, n'en déplaise au réseau Parents vigilants, nous continuerons d'œuvrer pour qu'il soit assuré sur l'ensemble du territoire – dans les zones urbaines comme rurales, dans les établissements publics comme privés.
Mais le phénomène ne s'arrête pas là : l'extrême droite s'attaque aussi aux livres mis à disposition dans les bibliothèques des écoles et dans les centres de documentation et d'information (CDI) des collèges, ou aux documents d'appui utilisés par les enseignants. Si ces ouvrages osent traiter d'homosexualité, de transidentité, des conditions de vie des migrants ou encore du caractère genré des jouets pour enfants, ils sont pointés du doigt.
À vrai dire, toutefois, si tout cela nous inquiète, je ne suis pas certaine que cela vous choque, madame la ministre : à en croire les conclusions de l'enquête administrative conduite dans un célèbre établissement privé parisien qui vous est familier, ces pratiques y sont, malheureusement, ouvertement assumées.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Les enseignants s'inquiètent vivement, non seulement des revendications du collectif Parents vigilants, mais aussi de la forme employée. Le réseau appelle ses membres à dénoncer nominativement les enseignants, pointés du doigt, les établissements dans lesquels ils exercent et même les communes. Ces informations tournent sur les réseaux sociaux et sont largement partagées dans des boucles Telegram, mettant en danger les personnels concernés.
…tant que la pratique pointée du doigt n'est pas modifiée.
Tout cela va trop loin. Face à ce constat, les syndicats d'enseignants ont interpellé à plusieurs reprises votre prédécesseur – désormais Premier ministre –, pour lui demander d'agir, de les protéger et d'adopter une position claire quant à ces nouvelles menaces. Malgré cela, aucune réponse satisfaisante n'a été apportée aux syndicats et l'ancien ministre de l'éducation nationale n'a fait part d'aucune prise de position publique jusqu'à présent.
Les enseignants ne sont pas soutenus par leur ministère de tutelle. Cela pose réellement question.
MM. Inaki Echaniz et Benjamin Lucas applaudissent.
Par ailleurs, la représentation nationale gagnerait à connaître le nombre de représentants de parents d'élèves élus sous la bannière Parents vigilants. Pour le moment, nous ne connaissons que le chiffre avancé par l'extrême droite, qui fait état d'environ 3 500 élus à l'échelle nationale. Quelles sont les informations du ministère ?
Quelle est la position du Gouvernement sur ce nouveau phénomène inquiétant qui menace l'école républicaine ?
Quelles mesures envisagez-vous de prendre, madame la ministre, pour protéger les personnels et les élèves ? Enfin, quels sont les chiffres en votre possession s'agissant du nombre d'écoles et d'établissements du second degré concernés, et du nombre de membres du réseau Parents vigilants qui y sont élus ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Puisque nous abordons aujourd'hui la question essentielle de l'éducation, je commencerai par m'associer à l'ambition du Président de la République et du Premier ministre, qui ont réaffirmé leur volonté de faire de l'éducation la priorité absolue de nos politiques publiques.
Pour les députés du groupe Horizons, auquel j'appartiens, comme pour Édouard Philippe, l'école doit être la mère de toutes les réformes, la priorité des priorités. Je redis ici notre attachement à l'école de la République, laïque, gratuite et obligatoire.
En cette première semaine de contrôle de l'année 2024 – exercice qui fait partie intégrante de notre mandat parlementaire –, nous nous retrouvons pour un débat, souhaité par les députés du groupe Socialistes et apparentés, concernant les élections des représentants de parents d'élèves dans les conseils d'école. D'aucuns pourraient estimer qu'il s'agit là d'un sujet anecdotique au regard des défis immenses auxquels fait face l'éducation nationale – notamment pour nous, députés, puisque ces élections sont régies par le pouvoir réglementaire.
Néanmoins, à l'occasion de ces élections, près de 300 000 représentants sont élus et appelés à exercer un mandat important, celui consistant à porter la voix des 14 millions de parents d'élèves au sein des instances de l'école. Leur ampleur en fait un moment essentiel de la vie des établissements, de la vie scolaire et de la vie démocratique de notre pays. De ce fait, elles renvoient à des enjeux plus larges. Associer – et, par ce biais, faire adhérer – les parents d'élèves au projet pédagogique de l'école, aux décisions qui y sont prises, ou encore au règlement intérieur, est en effet un prérequis pour garantir des conditions d'enseignement apaisées. Je tiens ici à remercier l'ensemble des parents qui s'engagent au sein de ces conseils : acteurs bénévoles, ils donnent de leur temps pour renforcer l'école de la République.
Je salue aussi le rôle majeur des associations de parents d'élèves, les APE. Élu dans un département rural, je sais ce que nous leur devons et le rôle qu'elles jouent pour soutenir les écoles et les équipes pédagogiques dans ces zones : multipliant les initiatives, ces associations recueillent des fonds cruciaux pour financer des projets pédagogiques, des voyages, des découvertes ou des visites. Elles se mobilisent également pour sauver nos classes et nos écoles, dont les fermetures sont bien trop souvent annoncées à la dernière minute, avec peu de visibilité. Leur action est enfin essentielle pour permettre aux élèves d'élargir leurs horizons.
Pour en revenir au débat qui nous occupe aujourd'hui, reconnaissons qu'il est réapparu dans l'actualité de façon particulièrement visible depuis la rentrée 2023, à travers de nombreux articles de presse relatant les actions du collectif Parents vigilants lancé par le parti Reconquête. Je songe notamment au colloque organisé au Sénat en novembre dernier, au cours duquel ont été tenus des propos honteux de défiance à l'encontre de l'éducation nationale, qui doivent être condamnés fermement ; aux actions du collectif sur les réseaux sociaux, qui constituent parfois de véritables campagnes de harcèlement et de cyberharcèlement des professeurs ; ou à l'élection de membres du collectif sur des listes de parents d'élèves pour siéger au sein des conseils d'école.
Face à ces agissements, je réaffirme d'abord, au nom du groupe Horizons et apparentés, notre soutien absolu à l'ensemble des personnels de l'éducation nationale. Je les salue pour leur travail et leur engagement quotidien en faveur de la réussite de nos élèves. Ils sont les piliers de notre République.
L'école doit être un sanctuaire inviolable, y compris pour les enseignants. Les faits de harcèlement à leur endroit sont inacceptables et inadmissibles ; ils doivent être fortement condamnés. Une société qui ne respecte plus l'autorité du professeur est une société qui se délite. C'est le devoir des parents que d'enseigner à leurs enfants le respect des enseignants et de respecter eux-mêmes celles et ceux qui dédient leur vie à l'épanouissement et à la réussite de leurs élèves.
S'agissant de la lutte contre la pratique du cyberharcèlement, nous agissons afin de ne rien laisser passer. L'an dernier, nous avons ainsi adopté une proposition de loi, défendue par le président Laurent Marcangeli – que je salue –, obligeant les plateformes à fournir les identifiants des cyberharceleurs. Nous avons également créé une peine complémentaire d'interdiction des réseaux sociaux pour les cyberharceleurs. J'ajoute que le respect de la neutralité et l'apolitisme sont des valeurs cardinales de notre école républicaine, à laquelle nous sommes profondément attachés.
S'il faut relativiser l'ampleur du phénomène d'infiltration – ainsi que le qualifie l'intersyndicale – des conseils d'école, car les chiffres revendiqués sont encore faibles et non vérifiables et les conséquences impossibles à mesurer, nous devons néanmoins rester vigilants et ne rien laisser passer. Le respect de nos enseignants est et doit rester une valeur cardinale de notre système éducatif.
Enfin et surtout, nous devons combattre ces pratiques sur le terrain des idées. C'est ce que nous faisons. Dans la lignée de l'action engagée par le Président de la République depuis 2017, nous devons redonner ses lettres de noblesse à l'école publique en réaffirmant l'autorité de l'institution, en recentrant l'enseignement sur la maîtrise des savoirs fondamentaux et en renforçant l'éducation civique.
Expérimentation de la tenue unique, interdictions des abayas,…
…nouvelles évaluations, retour du redoublement, soutien renforcé aux élèves en difficulté, retour des mathématiques dans le tronc commun et dédoublement des petites classes : autant de mesures qui doivent permettre de renforcer notre école et d'en faire un lieu d'égalité, d'autorité, d'excellence et d'épanouissement qui ne laisse personne au bord du chemin, mais aussi un sanctuaire où le respect du professeur et de son autorité doit constituer une règle absolue.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
En novembre 2023, les Parents vigilants, un groupuscule émanant directement de l'entourage d'Éric Zemmour, a organisé un colloque au Sénat. Cette association se targue régulièrement d'un véritable entrisme dans les institutions scolaires, grâce notamment à son infiltration des élections de parents d'élèves, le plus souvent en avançant masquée. Ses méthodes sont celles, historiques, de l'extrême droite : délation, harcèlement, menaces et violence.
Nos institutions républicaines doivent protéger l'école publique de l'offensive raciste et réactionnaire qui s'organise. C'est toute la liberté pédagogique qui est visée : les cours sur les migrations, l'éducation à la sexualité, l'enseignement moral et civique ou encore l'histoire coloniale.
Ce groupuscule d'extrême droite assume sa volonté de peser sur les contenus éducatifs en remettant en cause la liberté d'enseignement, d'instiller au sein même de notre école le poison de la haine et la détestation des valeurs qui fondent la République…
…et d'infiltrer, pour y parvenir, les conseils de parents d'élèves. Cette organisation a déjà sévi et menacé des enseignantes et des enseignants en lançant des raids numériques à la source de menaces de mort, d'injures et de harcèlement.
Nous demandons donc la constitution d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale. La réalité de cette menace doit être prise au sérieux, tant l'histoire de notre pays et du monde témoigne des offensives abjectes de l'extrême droite contre l'école. Du régime de Vichy à aujourd'hui, des États-Unis d'Amérique de Trump au Brésil de Bolsonaro en passant par la Hongrie d'Orban, c'est toujours le même système qui se met en place : chasse aux pédagogies émancipatrices, exclusion sociale et tri par l'échec au nom d'une idéologie méritocratique absurde, réécriture des programmes, affaiblissement des sciences humaines et sociales et refus de comprendre le monde tel qu'il est.
Face à cette offensive, notre système est rendu vulnérable par une politique et des discours qui ont emprunté trop souvent à l'extrême droite ses thèmes et ses termes, dénonçant avec obsession une incursion fantasmée du wokisme et de l'islamo-gauchisme dans notre système scolaire. Il est temps de protéger notre école républicaine pour lui permettre d'assurer sa mission émancipatrice. Mais le Gouvernement est-il prêt à le faire, et êtes-vous la bonne ministre pour cela ?
Nous devons aujourd'hui débattre de l'influence que M. Zemmour exerce sur l'école pour en affaiblir la vocation républicaine. Cependant, après les propos que nous avons entendus hier lors de la conférence de presse d'Emmanuel Macron, nous en venons à nous interroger sur l'influence de M. Zemmour sur le Président de la République en matière éducative. M. Macron a en effet repris ses slogans, mot pour mot – « pour que la France reste la France » –, mais aussi sa vision : le fantasme de l'école du dernier millénaire, celui de la méritocratie et du tri par l'échec. Il a aussi repris ses propositions : l'uniforme, le redoublement et la militarisation de l'école et de la jeunesse avec le service national universel.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Ainsi donc, la nomination au poste de ministre de l'éducation nationale d'une personne qui a choisi pour ses enfants un établissement intégriste, communautariste et séparatiste
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem
n'est pas une erreur de casting. C'est, de la part du Président de la République, une profession de foi, un acte principiel, une orientation idéologique.
Madame la ministre, la situation est un peu gênante. N'avez-vous pas honte de vous trouver ici pour parler de l'école publique et républicaine que vous avez injuriée, d'une communauté éducative qui ne vous permet pas de visiter un établissement public sans y être huée ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Vos rendez-vous en terre inconnue dans des établissements publics cette semaine n'y changeront rien : la communauté scolaire a besoin d'apaisement pour exercer au mieux sa mission.
Elle a besoin d'une ministre et d'un gouvernement qui croient en l'école publique, en l'école républicaine
Mêmes mouvements
– au fond, en la République – et qui font un autre choix que celui du séparatisme et du communautarisme.
Madame la ministre, pourquoi ne pas partir ? Pourquoi ne pas quitter, sinon ce ministère, du moins cette partie du ministère, pour vous concentrer sur les Jeux olympiques et laisser l'école être réparée et se reconstruire loin de la diffamation que vous infligez aux enseignantes et aux enseignants, loin de vos mensonges, établis par la presse à plusieurs reprises ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous nous parlerez sans doute dans un instant de l'autorité des professeurs, mais je vous le demande : qui bafoue cette autorité au moment où nous apprenons que c'est pour contester une décision pédagogique que vous avez choisi un autre établissement scolaire pour vos enfants ?
Comment estimer que vous êtes crédible pour rétablir l'autorité des enseignants alors que vous les diffamez publiquement, que vous donnez le point à l'extrême droite qui déteste l'école publique et laïque ?
L'éducation nationale a besoin d'une ministre, pas d'une porte-parole des Parents vigilants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Si vous l'avez lu, il vous faut à l'évidence une explication de texte !
Il y a bientôt dix ans, la FSU (Fédération syndicale unitaire) alertait le Conseil supérieur de l'éducation sur « l'instrumentalisation de l'école par l'extrême droite ». À l'époque, des groupes de cette mouvance avaient en effet appelé à retirer les enfants de l'école une journée par mois pour protester contre des dispositifs destinés à lutter contre les stéréotypes de genre à l'école primaire.
Propagande mensongère, campagnes agressives, culture de la délation et cyberharcèlement des enseignants : voilà les méthodes de ces nouveaux acteurs mobilisés contre l'école publique.
Ainsi, en décembre 2022, l'extrême droite et ses réseaux ont mené une véritable campagne d'intimidation contre une professeure de philosophie de Valenciennes qui avait projeté une sortie scolaire dans un camp de migrants. Mis sous pression, le rectorat de Lille a annulé la sortie et cette enseignante a dû vivre pendant six semaines sous protection policière et être transférée dans un autre établissement en raison de menaces de mort.
Désormais organisées en association sous l'impulsion d'un parti d'extrême droite, ces personnes dénoncent aujourd'hui un supposé endoctrinement des élèves de la part de lobbys islamistes, LGBT et immigrationnistes. Ce collectif appelé Parents vigilants attaque régulièrement les enseignants et les personnels d'établissements qui dispensent des cours d'éducation sexuelle, sensibilisent sur les questions LGBT ou éveillent la conscience des élèves sur les sujets liés aux conditions de vie des migrants.
À Bordeaux et à Lyon, des responsables syndicaux, des infirmiers et des éducateurs de santé ont également dénoncé des intimidations et pressions de la part de parents opposés à l'enseignement de cours d'éducation à la vie affective et sexuelle.
Les élections de parents d'élèves organisées en octobre dernier ont permis à Parents vigilants, qui compte à présent des membres parmi le corps enseignant, de faire irruption dans les instances officielles de l'éducation nationale. Si l'entrisme de l'extrême droite avance, son discours cherche à se légitimer à travers les institutions. Le 4 novembre s'est tenu au Palais du Luxembourg un colloque de l'association Parents vigilants, au cours duquel la thèse complotiste du grand endoctrinement est venue compléter la théorie raciste déjà connue du grand remplacement.
L'acte, dénoncé par une intersyndicale d'enseignants dans un courrier adressé au ministre, doit nous alerter sur le risque de banalisation de tels discours. L'extrême droite phagocyte toujours des revendications légitimes pour les mettre au service de son projet réactionnaire. Cette fois, ce sont les associations de parents d'élèves qui subissent les conséquences délétères liées à l'existence de ces groupes. Je tiens donc ici à saluer l'action des fédérations qui se battent au quotidien pour défendre l'école laïque et républicaine et améliorer les conditions d'études.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
La participation des parents est essentielle dans la réussite des élèves. Or, selon le rapport du Pisa 2022 (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), le pourcentage de parents investis au sein de l'établissement de leur enfant a considérablement diminué depuis 2018. En 2022, 24 % des familles avaient discuté, de leur propre initiative, des progrès de leur enfant avec un enseignant ; quatre ans plus tôt, elles étaient 36 %.
Ce désengagement n'est pas le marqueur d'un désintérêt des parents pour la scolarité de leur enfant ou pour la vie de l'établissement, mais s'explique souvent par un manque de temps. Face aux contraintes des parents, il est fondamental que l'État redonne à l'éducation publique sa portée émancipatrice et égalitaire.
Pourtant, 8 865 postes d'enseignant ont été supprimés depuis le début du précédent quinquennat, alors qu'à la rentrée 2024, selon le SNES-FSU, il faudrait 43 000 postes de plus dans le second degré pour retrouver les taux d'encadrement de 2006.
Non seulement les annonces du plan Choc des savoirs n'apportent pas de nouveaux moyens, mais elles imposent une ségrégation et un tri social accru en raison de l'instauration de groupes de niveaux et d'une classe préparatoire au lycée.
Madame la ministre de l'éducation nationale, l'école est un sanctuaire qu'il faut protéger des idées les plus réactionnaires. Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour y parvenir ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Bloavezh mat deoc'h ! Meilleurs vœux pour cette nouvelle année !
Nous parlons cet après-midi de l'instrumentalisation de l'école, un thème qui m'est cher. En tant qu'ancien professeur d'histoire, j'ai été témoin de ce phénomène. J'ai d'ailleurs parfois moi-même fait l'objet d'une instrumentalisation, puisqu'on a voulu me faire jouer un rôle dans une pièce qui n'était pas la mienne.
Quand on est professeur d'histoire, on sait que l'instrumentalisation existe dès lors qu'on a enseigné à partir de manuels qui s'inspirent de ce que l'historienne Suzanne Citron appelait le roman national. Créé entre autres par Ernest Lavisse et décliné ensuite sous différentes formes, ce récit n'est qu'une vision de l'histoire parmi d'autres, en l'occurrence celle de l'État qui fixe ainsi sa norme – il n'empêche que, s'agissant de certains faits historiques, la vision que l'on peut en avoir, par exemple, en Bretagne, se révèle parfois légèrement différente, voire très différente.
Les pères de la III
Aujourd'hui, l'école s'est en grande partie libérée de ces représentations. Elle vise l'émancipation des élèves, c'est-à-dire leur faculté à se forger leur propre point de vue et à faire des choix éclairés – ce qui me semble important.
Le rôle des parents me paraît essentiel, en ce qu'ils sont les premiers éducateurs – d'ailleurs, lorsqu'ils n'éduquent pas leurs enfants, cela rend le travail des enseignants beaucoup plus difficile. S'il est important que l'école sache accueillir et intégrer les parents, ceux-ci doivent aussi rester à leur place : ce n'est pas à eux qu'il revient de décider des programmes ni de la liberté pédagogique des enseignants. Ce principe me semble absolument nécessaire, car l'enseignant doit être capable de trouver les mots pour s'adapter à son public, pour prendre en considération l'élève – c'est très important car, à défaut, celui-ci ne progressera pas – et pour l'amener, non pas à détruire les outils dont il dispose à la maison, mais au moins à les compléter, à se forger un autre point de vue. Tel est, au fond, le chemin vers l'émancipation, qui est à mes yeux quelque chose d'essentiel.
Quant aux parents qui veulent instrumentaliser l'école à des fins purement politiques parce qu'ils ne sont pas contents de ce qui s'y dit, rappelons-leur qu'ils peuvent reprendre les choses à la maison en expliquant à leur enfant qu'il peut y avoir différentes visions sur tel ou tel point, et qu'ils sont eux-mêmes en désaccord avec ce qui a été dit en classe : en fonction de cela, l'enfant fera ses propres choix.
Pour ma part, je suis très attaché à la liberté pédagogique, qui offre la possibilité de présenter les évidences scientifiques qui sont les nôtres aujourd'hui. Je pense par exemple aux théories créationnistes : enseigner que la Terre s'est créée en sept jours pose un réel problème d'un point de vue scientifique,…
…surtout si aucune autre explication n'est proposée !
En fait le vrai problème, c'est quand il n'y a plus de dialogue, plus de confrontation des idées, et que l'école devient un acte de foi : je pense à ceux qui voudraient que l'école reprenne leurs idées pour en faire alors une sorte de religion, ce qui n'est évidemment pas acceptable.
Par conséquent, chers collègues, vive l'émancipation !
Les parents d'élèves font partie intégrante de la communauté éducative. Ils ont le droit de s'informer sur la scolarisation de leurs enfants, de se réunir à cet effet et de participer à la vie de l'école. Je veux donc commencer par saluer les milliers de parents qui, à l'école, au collège ou au lycée, s'impliquent pour la réussite de leurs enfants. Ils sont des relais et des appuis précieux pour animer la vie des établissements, mais aussi pour repérer les troubles pouvant affecter le climat scolaire. Les conseils d'école ou les conseils d'administration auxquels ils prennent part sont par nature des lieux de démocratie et, y participant moi-même – comme sans doute beaucoup d'entre vous, chers collègues –, j'ai pu constater que ces instances d'échanges sont avant tout animées par des sujets très concrets relevant de l'organisation pratique de l'établissement et des classes.
Les établissements scolaires sont ancrés dans la vie de nos collectivités et les communautés éducatives y forgent bien souvent des initiatives citoyennes, parfois même des notoriétés politiques locales : par là même, l'instrumentalisation des parents d'élèves ne date pas d'hier. Pour autant, ne soyons pas dupes : l'école française est le reflet des fractures de la société et des doutes de la nation. À l'heure de tous les relativismes et de la remise en cause permanente de l'autorité, elle est une agora où s'importent des débats qui n'auraient pas lieu de s'y tenir ; des formations politiques et des idéologies avancent avec un agenda explicite qui remet en cause des méthodes pédagogiques, des enseignements ou des programmes appliqués dans nos écoles.
Récemment, le parti d'un candidat battu à deux reprises dans les urnes et dont aucun représentant ne siège à l'Assemblée nationale a assumé publiquement faire des élections de parents d'élèves un tremplin facile pour faire exister les idées de l'extrême droite au niveau local. Avec la désinformation et l'appel au lynchage de professeurs comme méthodes, voilà des militants qui rêvent d'importer des États-Unis les antagonismes identitaires en s'en prenant à des contenus, à des expositions ou à des sorties scolaires qui heurteraient leurs convictions ; ils cherchent ainsi à atteindre des professeurs, mais aussi des élus locaux et des responsables associatifs. Pour eux, l'orientation sexuelle demeure un objet de discussion et d'exclusion ; pour eux, célébrer Simone Veil, protéger les droits des femmes et lutter contre les discriminations, c'est donner une tournure insupportable à notre école ; pour eux, la laïcité n'est pas un rempart, mais un problème qui ne permet pas d'affirmer la primauté d'une religion sur une autre. Au fond, ils ne valent pas mieux que les déconstructeurs, les wokistes et les prêcheurs de haine adeptes des idéologies religieuses radicales qu'ils prétendent dénoncer.
Car à l'école, s'il y a l'entrisme des idéologies qui lynchent, il y a aussi l'entrisme des idéologies qui tuent, celui de la bêtise propagée à haute dose sur les réseaux sociaux, celui de la désinformation qui fait le lit des populistes et des obscurantistes, du fondamentalisme islamiste qui a conduit à l'assassinat de Samuel Paty il y a trois ans et de Dominique Bernard il y a trois mois. Tous ceux qui veulent faire tomber la laïcité, la liberté d'enseigner et la culture – y compris quand elle est subversive – portent au fond le même message : la détestation de la République.
Tous ceux qui s'en prennent ad hominem à un membre de la communauté éducative fragilisent l'accès à la connaissance et à la liberté que permet le savoir. On peut discuter de tout à l'école, mais pas des savoirs incontestables. C'est pourquoi le devoir de l'école française, c'est de mettre dehors tous les fanatismes, tous les relativismes et toutes les idéologies de haine.
De nombreux parents sont inquiets pour leurs enfants, inquiets sur la façon dont ils se construisent en tant que citoyens français à l'école : il ne s'agit pas de le nier, mais faut-il pour autant transformer cette inquiétude en panique ? Comme il y a des militants des extrêmes, il y a des ingénieurs du chaos, qui cherchent à semer la peur pour gagner des voix.
Notre école n'est pas un terrain de militantisme, mais un terrain d'émancipation. Pour nous, au groupe Renaissance, l'école doit être le lieu où chacun se fait confiance, enseignants, élèves comme parents. Sous l'impulsion de votre prédécesseur devenu depuis Premier ministre, et désormais sous votre responsabilité, madame la ministre de l'éducation nationale, l'école doit aussi être le lieu de l'autorité des savoirs et du réarmement civique. Nous sommes donc extrêmement fermes face aux menaces d'où qu'elles viennent, de l'extrême droite, de l'islamisme ou d'ailleurs. Nos professeurs nous trouveront toujours à leurs côtés pour que jamais aucun d'entre eux ne se sente inquiété ou menacé ! On parle des Parents vigilants mais si quelqu'un veille vraiment sur l'école, c'est nous, la majorité du Président de la République et du Premier ministre !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La fin des silences, des non-dits, du « pas de vagues », c'est nous !
Le retour des savoirs fondamentaux – lecture, dictée et calcul –, c'est nous !
L'interdiction claire et nette de l'abaya et le respect strict de la laïcité, c'est nous !
L'exigence du niveau et le renforcement de la valeur des diplômes, c'est nous !
Mêmes mouvements.
L'augmentation à venir des heures d'éducation civique, à commencer par l'éducation à la citoyenneté et au civisme, c'est nous !
Le dernier mot donné aux professeurs pour les redoublements afin de réaffirmer leur primauté pédagogique, c'est nous !
Pour l'école, les Français veulent des décisions, pas des inquisitions ! Ils attendent des actes, pas des réacs ! Les élections de parents d'élèves ne doivent pas être des élections au rabais pour les idéologies en quête de relais. Sortons l'idéologie – toutes les idéologies – de nos écoles et travaillons ensemble à faire de nos conseils d'école des lieux de débats ouverts, attractifs et apaisés, loin des tentations électoralistes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Madame la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, vous êtes à la tête d'un super-ministère depuis à peine une semaine, et vous avez déjà un super-palmarès olympique avec une médaille d'or en mépris, une médaille d'argent en mensonge et une médaille de bronze en irresponsabilité. Jolie performance ! Vos excuses aux enseignants ne changeront rien au bilan désastreux de votre gouvernement, qui accélère l'effondrement de l'école de la République. Le départ du ministre du wokisme, M. Pap Ndiaye, laissait pourtant entrevoir un avenir moins funeste… Visiblement, l'éducation nationale replonge avec vous dans les tréfonds de l'amateurisme et des polémiques !
Mes chers collègues, ce débat sur l'instrumentalisation politique des élections des parents d'élèves, proposé par le groupe Socialistes, est digne d'intérêt. En effet, il illustre les priorités de la gauche en matière d'éducation, qui sont totalement déconnectées des urgences et des défis majeurs. Rappelons le contexte, lequel doit nous inquiéter et imposer des priorités : 40 % des collégiens de sixième ne maîtrisent pas la lecture, l'écriture et le calcul ; le niveau des élèves en mathématiques s'effondre, faisant chuter la France au vingt-troisième rang du dernier classement Pisa ; les atteintes à la laïcité explosent dans les établissements scolaires, à tel point qu'elles ont conduit l'ancien ministre de l'éducation nationale, M. Attal, à reprendre en septembre dernier la proposition du Rassemblement national sur l'interdiction du port de l'abaya ;…
…rien qu'en octobre 2023, 1 812 atteintes à la laïcité ont été recensées, soit une hausse de 75 % par rapport à septembre 2023.
Selon un rapport du Sénat, entre 800 000 et 1 million d'élèves seraient victimes de harcèlement scolaire ; l'école publique est confrontée à une dramatique pénurie en matière de recrutement ; les territoires ruraux souffrent de la désertification scolaire du fait des massives fermetures de classes. Tout le monde appréciera la priorité affichée aujourd'hui par les socialistes, alors qu'ils ont largement contribué à déconstruire l'école lorsqu'ils étaient au pouvoir. Leur priorité était alors de stigmatiser les parents s'inquiétant pour l'avenir de leurs enfants.
À la lumière des multiples défaillances identifiées depuis des années, certains concitoyens élus dans des associations de parents d'élèves tentent d'alerter les pouvoirs publics au nom de l'intérêt général. Malheureusement, d'autres représentants de parents d'élèves – soutenus principalement par la NUPES – profitent de leur position pour faire avancer leur idéologie islamo-gauchiste.
On peut notamment citer la FCPE, qui fait ouvertement la promotion du voile islamique dans le cadre de l'élection de ses représentants ; en septembre 2019, elle revendiquait le droit pour des femmes voilées d'accompagner les classes lors des sorties scolaires.
…a été soutenue par M. Attal, qui s'est prononcé dernièrement en faveur du port de signes religieux et politiques dans les sorties et autres événements scolaires. Cette même FCPE n'hésitait pas, lors de l'élection présidentielle de 2022, à appeler ses adhérents à faire « barrage à Marine Le Pen » ,…
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo-Nupes et GDR – NUPES
…sans qu'on ait entendu les belles âmes de la gauche dénoncer l'instrumentalisation politique ! La gauche aurait hurlé si des parents d'élèves avaient milité contre Jean-Luc Mélenchon !
Soyons très clairs : les parents d'élèves ont le droit d'avoir des opinions politiques, de les exprimer et de s'engager, mais à condition qu'elles restent en dehors des salles de classe. Or la menace de l'entrisme d'une idéologie politico-religieuse dans nos écoles est bien réelle, quoique systématiquement occultée sur les bancs de la gauche et de l'extrême gauche : je veux bien sûr parler de l'islamisme, qui gagne du terrain là où la République recule. La véritable instrumentalisation politico-religieuse, ce sont ces parents qui cherchent à censurer les professeurs de la République parce que les programmes scolaires ne correspondent pas à la charia, qui vont jusqu'à proférer des menaces et même à lancer des fatwas quand un professeur ose enseigner la liberté d'expression !
Mes chers collègues, l'école de la République doit redevenir un sanctuaire préservé de toutes ces revendications politico-religieuses mortifères, un sanctuaire où la formation des futurs citoyens et l'enseignement des savoirs fondamentaux doivent reprendre leur juste place. Le défi est immense, mais au Rassemblement national, nous serons là pour engager le redressement de l'école de la République française !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Ceux d'entre vous qui me connaissent le savent : j'ai toujours défendu et je défendrai toujours le rôle des parents dans la communauté éducative. Mais je fais le constat suivant, chaque jour plus évident, amer et douloureux, surtout pour moi qui en ai connu la violence historique : l'extrême droite progresse dans notre société. Je tiens à vous alerter car elle s'épanouit, à l'ombre d'un président et d'un gouvernement qui avaient pourtant fait le serment d'en freiner la croissance.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Hélas, on la retrouve dans nos institutions, puisque sur les bancs mêmes de l'Assemblée nationale siègent, parmi nos collègues, les héritiers de la Contre-Révolution, les descendants des adversaires de la République, représentants d'une famille politique à maintes reprises condamnée par l'histoire.
Mêmes mouvements.
Elle s'affiche sans vergogne dans l'espace public en raison du parti pris idéologique de certains médias pilotés par de puissants intérêts financiers. Elle empoisonne la conversion citoyenne par ses raccourcis simplistes, par ses mensonges, par ses amalgames indignes et par ses violences verbales, voire physiques.
Elle corrompt l'idéal républicain à coups de préférence nationale, de discriminations racistes et de déni de solidarité.
« Eh oui ! » sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Surtout, elle est contagieuse : le contenu de la loi « Immigration », votée par cette assemblée en décembre dernier, en est une preuve accablante et désespérante.
Partout en Europe, dans nos sociétés épuisées par l'enchaînement des crises, démoralisées par la peur des lendemains et écœurées par le cynisme des gouvernants, l'extrême droite redresse la tête. Dans les failles de la démocratie, dans la faiblesse de nos résolutions et dans nos doutes, l'extrême droite puise ses forces, s'organise, assaille et conquiert.
Concernant la place des femmes, l'État de droit, la tolérance, la liberté religieuse, la laïcité, les droits des minorités, la dignité des migrants, l'ensemble de nos valeurs démocratiques, l'extrême droite mène une guerre culturelle. Elle s'attaque donc à l'école – forcément.
Sur le modèle du Tea Party et des activistes chrétiens fondamentalistes, qui ont radicalisé le parti républicain aux États-Unis et fait le lit du trumpisme, en France, certaines associations de parents d'élèves veulent installer la guerre culturelle au cœur de l'école républicaine. Comme leurs émules américaines, elles cherchent à pénétrer les conseils d'administration, font pression sur les établissements et les professeurs, rêvent de pouvoir définir les programmes et peser sur les contenus des enseignements et les choix pédagogiques.
Leur objectif est de porter le fer idéologique et le feu de la polémique au cœur de la République. En s'attaquant à l'école et aux professeurs, c'est la paix civile qu'elles prennent d'assaut.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nos enseignants devaient déjà braver la menace, mortelle, d'un autre fondamentalisme, ils se retrouvent désormais soumis à la vigilance de parents réactionnaires. Les voilà pris entre le marteau et l'enclume !
Intimidations, campagnes de harcèlement numérique, courriers anonymes, flash mobs devant les établissements : autant d'actions qui menacent directement la liberté pédagogique. La mission des enseignants, la mission de l'école sont en danger.
Expérimentation du retour à l'uniforme, généralisation du service national universel, accaparement des moyens publics par l'enseignement privé confessionnel : la multiplication des petites victoires idéologiques réactionnaires affaiblit l'école publique.
C'est le moment de nous rappeler la leçon du grand historien Zeev Sternhell sur les origines françaises du fascisme, car on perçoit là les prémices d'une société démocratique prête à basculer. Ne laissons pas les activistes de l'extrême droite nous dicter les priorités éducatives du pays !
Nous avons besoin d'un grand débat national sur l'école, qui porte non seulement sur les moyens, mais aussi sur les fins et sur le projet éducatif de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'école est notre bien commun. Ne la laissons pas aux mains des ordres noirs. Enorgueillissons-nous du fait que dans ce pays, la République, c'est l'école, et l'école, c'est la République !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Je voudrais tout d'abord remercier le groupe Socialistes – une fois n'est pas coutume – de nous permettre de parler de l'école dans cet hémicycle, car nous manquons cruellement d'occasions de le faire.
Ce débat a un deuxième mérite, qui est de soulever une question essentielle : celle de la place des parents d'élèves au sein de l'école.
Ils sont à la fois trop et pas assez présents. Ils sont présents quand ils ne devraient pas l'être, absents quand ils sont attendus.
Ils discutent de plus en plus souvent les notes mises à leurs enfants – encore plus depuis l'instauration du contrôle continu pour le baccalauréat. Certains prennent systématiquement parti pour leurs enfants, quand bien même ceux-ci ont tort. Ils remettent ainsi en cause l'autorité de l'institution scolaire, sans se rendre compte qu'ils affaiblissent l'autorité tout court, à commencer par la leur.
Ces parents trop présents sont aussi, paradoxalement, trop absents. Ils ne participent jamais autant qu'on le voudrait aux rendez-vous ad hoc, comme les réunions parents-profs. Ils font défaut lors des élections des parents délégués – dans un collège de ma circonscription, aucun n'a voulu s'investir pour représenter les familles d'une classe de vingt-sept élèves. Ils manquent pour accompagner les sorties scolaires.
On peut donc toujours parler de l'instrumentalisation politique des élections des parents d'élèves, mais encore faudrait-il que des parents soient prêts à s'investir… Voilà, chers collègues socialistes, la première difficulté à surmonter sur le terrain.
Il convient de repenser en profondeur la relation entre l'école et la famille, afin d'en finir avec trois choses : la cogestion, la consommation, la déresponsabilisation.
Ces dernières années, on a assisté, à cause d'une définition trop vague de la « communauté éducative », à un glissement qui fait presque des parents les cogestionnaires de l'école. Cela n'a aucun sens.
Rappelons quelques évidences : l'école est un service public qui dépend d'une administration et se trouve placé sous l'autorité d'un gouvernement qui est comptable de ses résultats devant les Français. Tout le monde ne peut pas s'occuper de tout ; chacun doit apprendre à rester à sa place.
Redonner le dernier mot aux enseignants en matière de redoublement est ainsi une évidence. Avoir mis cette décision entre les mains des seuls parents fut une faute majeure commise par Najat Vallaud-Belkacem.
Nous comptons sur vous, madame la ministre de l'éducation nationale, pour ne pas reculer sur ce point.
La reconnaissance des enseignants commence par la reconnaissance de leur savoir, de leur savoir-faire, de leur expertise pédagogique. C'est un point capital dans l'affirmation de l'autorité de l'institution scolaire.
Il faut ensuite en finir avec l'esprit de consommation qui gangrène l'école. Trop de parents cherchent à négocier avec elle ; ils trouvent par exemple parfaitement normal de prendre des jours de vacances sur le temps scolaire, ou de faire du temps scolaire une variable d'ajustement pour leurs projets personnels. Eh bien, non : l'école, ce n'est pas « venez comme vous êtes » ni « venez quand vous voulez ». Elle est obligatoire, et l'on doit en respecter les règles – point.
Aucun parent n'est au-dessus des lois de la République ; tous ont au contraire le devoir de les faire respecter par leurs enfants.
Enfin, il nous faut en finir avec la déresponsabilisation.
Quand tout le monde s'occupe de tout, plus personne n'est responsable de rien.
Clarifions les missions des uns et des autres : aux enseignants et aux établissements, l'autorité sur les affaires scolaires ; aux parents, l'autorité et la responsabilité sur le temps privé et familial – les défaillances y étant nombreuses.
Oui, les parents ont des devoirs, à commencer par le fait de s'assurer que leurs enfants font les leurs. L'école ne peut pas tout, chers amis socialistes ; elle ne doit pas tout.
C'est ce débat qu'il serait urgent d'avoir ici. Nous attendons avec impatience, madame la ministre, un projet de loi de programmation et de planification pour l'école.
Il mériterait d'être le porte-parole du Gouvernement, si je puis me permettre !
Cela nous permettrait d'avoir des moyens, un cadre, une stratégie – ce que votre gouvernement n'a pas su faire en sept ans.
« Les écoles doivent rester l'asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas. » Cette citation de Jean Zay – ô combien d'actualité ! – met en évidence la responsabilité collective que nous avons de créer un environnement propice aux apprentissages, à la réflexion et au développement d'une pensée argumentée. Nous devons préserver les écoles des querelles politiques et politiciennes, favoriser un climat d'ouverture intellectuelle, de respect mutuel et de développement de l'esprit critique utile aux citoyens de demain.
C'est pourquoi je salue les mesures prises par Gabriel Attal, lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, afin de préserver ce sanctuaire, notamment l'interdiction du port de l'abaya dans les écoles.
Aux côtés des enseignants, les représentants des parents d'élèves jouent un rôle essentiel au sein des établissements scolaires. La loi d'orientation de 1989 fait d'eux des membres à part entière de la communauté éducative. Grâce à leur participation aux projets d'école et à leur implication de tous les jours, ils contribuent à l'épanouissement de nos enfants, à l'acquisition d'un savoir-être au côté du savoir et du savoir-faire transmis par les enseignants. Ils témoignent de l'engagement des parents au service de l'école de la République.
Les formes d'intervention des parents d'élèves ont évolué parallèlement à la transformation de la société et des mouvements idéologiques et politiques, des victoires remportées par les organisations laïques dans l'après-guerre à la montée actuelle des extrémismes.
Soulignons que la plupart des parents d'élèves ne sont pas porteurs d'une idéologie politique, et qu'ils ne souhaitent pas l'être. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 66 % des représentants de parents d'élèves élus ne sont pas constitués en associations et 16 % sont regroupés en associations locales non affiliées.
La grande majorité de ces listes revendiquent leur indépendance, leur caractère apolitique – mais défendre les intérêts des élèves, quels qu'ils soient, touche nécessairement à des questions politiques.
On peut même observer que les dirigeants de certaines associations utilisent celles-ci comme des tremplins pour leurs ambitions politiques. Ainsi, l'un de nos collègues élu député en 2022 sous l'étiquette LFI – NUPES fut coprésident jusqu'en 2021 d'une grande et noble fédération de parents d'élèves.
Et cela fait un très bon député. Saluez plutôt tous les lobbyistes présents sur le banc du Gouvernement !
Je tiens néanmoins à souligner que la grande majorité des parents d'élèves engagés au sein de ces fédérations nationales sont pleinement présents au quotidien dans les territoires et effectuent un travail utile pour l'école et exemplaire auprès des enfants.
D'autres associations assument totalement leur orientation. Tel est le cas de l'association Parents vigilants, créée en septembre 2022 par le parti d'extrême droite Reconquête et qui compterait plus de 3 000 élus chez les parents d'élèves. Ses agissements sont préoccupants, tant sur le fond que sur la forme.
Sur le fond, cette association ne cache pas son objectif d'intervenir directement dans les enseignements et les méthodes pédagogiques des enseignants. Ses membres n'hésitent pas à remettre en cause certains aspects des programmes et des manuels scolaires en histoire, en sciences de la vie et de la terre (SVT) ou en éducation morale et civique. Certains vont même jusqu'à considérer que nos écoles sont un lieu d'accueil « d'interventions d'associations pro-immigration et LGBT, et où l'on promeut la repentance historique et la détestation de la France ».
Sur la forme, Parents vigilants n'hésite pas à menacer les enseignants, notamment sur les réseaux sociaux : harcèlement numérique, courriers anonymes, rassemblements devant les établissements… Depuis plusieurs mois, des syndicats d'enseignants et des professeurs vivent sous la pression de ce groupe de parents d'élèves. De tels agissements sont inadmissibles. Nous devons collectivement les dénoncer et les condamner.
Ces pratiques ne doivent pas éclipser l'engagement sincère et sans arrière-pensée de la très grande majorité des représentants des parents d'élèves. Au nom du groupe Démocrate, je tiens à saluer le rôle majeur qu'ils jouent aux côtés de la communauté enseignante pour maintenir un lien fort entre le corps professoral et les parents et faire vivre les projets d'école. Il convient néanmoins d'insister sur le fait que leurs interventions doivent s'inscrire dans un cadre qui respecte nos institutions et les valeurs de la République.
En tant que législateurs, il nous importe de rester attentifs et de veiller à circonscrire leur champ d'action afin que la politique, au sens partisan du terme, ne pénètre pas dans les écoles.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Rappel au règlement
La parole est à M. Rodrigo Arenas, pour un rappel au règlement – sur quel fondement, s'il vous plaît ?
Sur le fondement de l'article 70, alinéa 3, relatif aux mises en cause personnelles.
Madame Lingemann, je vous remercie pour votre allusion.
Sachez – mais ce n'est pas un scoop – qu'au sein de l'Assemblée nationale, et sur vos propres bancs, on trouve d'anciens adhérents de la fédération que j'ai codirigée.
Ce que vous avez dit est honteux, madame Lingemann. Je pensais que ce type de propos haineux était l'apanage de l'extrême droite.
Je suis désolée, monsieur le député, mais il ne s'agit pas d'un rappel au règlement. Nous allons reprendre le débat.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Je vous remercie tout d'abord d'avoir organisé ce débat. L'école de la République a toujours été guidée par la même boussole, celle qu'a indiquée Jean Zay dans la formule fondatrice citée par Mme Lingemann : « Les écoles doivent rester l'asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas ».
Il faut éviter tout entrisme politique ou religieux à l'école,…
…école qui est celle de la République laïque, une, indivisible, parce qu'il nous faut préserver la neutralité de l'instruction et, en même temps, la liberté de conscience de nos élèves.
Respecter les convictions de chacun tout en protégeant l'école des querelles qui lui sont extérieures suppose la mobilisation de l'ensemble de la communauté éducative. Cette communauté éducative associe les professeurs, l'ensemble des personnels de l'éducation nationale ainsi que les parents d'élèves.
Les parents sont en effet des membres à part entière de la communauté éducative. Ils concourent au bon fonctionnement de l'école, donc à la réussite de chaque élève ; c'est le principe même de la coéducation.
Néanmoins, la démocratie scolaire est parfois instrumentalisée et conduit à l'exercice par des individus ou par des groupes plus ou moins organisés de pressions sur l'école et sur l'enseignement. Je tiens à être extrêmement claire : en tant que ministre de l'éducation nationale, je ne laisserai jamais qui que ce soit exercer, où que ce soit, de pression sur les professeurs ou sur d'autres personnels.
Ces tentatives seront combattues et repoussées avec la plus grande fermeté, chaque fois qu'elles tenteront de prospérer. Les pressions politiques à l'école, c'est non. Les pressions religieuses à l'école, c'est non.
Les pressions complotistes à l'école, c'est non. L'extrémisme à l'école, c'est non.
La difficulté, comme vous le savez, consiste à appréhender la réalité de ces risques, de ces menaces. Les élections des parents d'élèves sont libres, au scrutin de liste, et étant donné que les fédérations nationales représentent moins de 50 % des parents élus, il existe de nombreuses listes dites autonomes, c'est-à-dire propres à une école ou à un établissement. Je rappelle que ces élections sont essentielles, car les parents d'élèves, par l'intermédiaire de leurs représentants élus, participent au conseil d'école et au conseil d'administration des établissements scolaires.
Ces instances étant essentielles dans la vie des écoles et des établissements, la pression politique qui s'y exercerait pourrait avoir des conséquences particulièrement néfastes. En effet, le conseil d'école vote le règlement intérieur de l'école, adopte le projet d'école et émet des suggestions sur le fonctionnement de l'école et sur toutes les questions qui intéressent la vie de l'école, notamment l'intégration des enfants handicapés ou les activités périscolaires. Le conseil d'administration d'un collège ou d'un lycée vote le projet d'établissement, le règlement intérieur ou encore le budget, et donne son avis sur les principes de choix des manuels et des outils pédagogiques et sur la création d'options et de sections, entre autres. Enfin, les parents élus jouent un rôle essentiel de médiation, à la demande de tout parent d'élève, auprès des autres membres de la communauté éducative.
Au total, près de 300 000 parents siègent aux conseils d'école et aux conseils d'administration des collèges et des lycées. Tout comme les parents font pleinement partie de la communauté éducative, leurs représentants sont donc le cœur battant de la démocratie scolaire. C'est compte tenu de ce rôle essentiel que doivent être appréhendés les risques d'instrumentalisation.
Nous avons été alertés, comme vous, sur le rôle que jouerait le collectif Parents vigilants, proche du parti Reconquête, qui a avancé le chiffre de 3 500 représentants de parents d'élèves adhérents. Cela représenterait 1,4 % des parents élus ; c'est peu, mais ce serait toujours 1,4 % de trop. Ces chiffres sont possibles, mais invérifiables. Nos outils de remontée nationale des élections de parents ne recensent aucune association locale ayant présenté des candidats sous cette appellation ; par conséquent, aucun représentant élu ne peut siéger au nom de cette association. En revanche, comme n'importe quel parent, quelle que soit sa sensibilité politique, il est possible que des sympathisants de cette association aient été élus sur des listes de parents non constituées en association.
Les convictions politiques des parents relèvent de la sphère privée et sont donc libres, mais les parents sont soumis à l'obligation de neutralité dans certaines circonstances, notamment lorsqu'ils exercent ou encadrent des activités assimilables à celles des enseignants dans les locaux scolaires. De plus, les règlements intérieurs doivent rappeler l'interdiction de tout prosélytisme, sous quelque forme que ce soit,…
…dans l'enceinte de l'école ou de l'établissement et, hors de l'école ou de l'établissement, dans toutes les situations d'enseignement ou d'activité périscolaire. Les parents ne peuvent ainsi contester les contenus des cours délivrés par l'enseignant, adopter des comportements irrespectueux au motif du sexe, de l'origine ou de l'opinion des personnels ou d'autres parents, se livrer à du prosélytisme ou encore refuser que leur enfant participe à des activités pédagogiques.
Je serai donc intraitable vis-à-vis de toute tentative d'instrumentalisation du rôle de parents élus par des mouvements politiques. Depuis la rentrée, nous décomptons quarante-deux signalements concernant la remise en cause d'un enseignement, qu'elle soit revendiquée directement par le collectif Parents vigilants – c'est le cas d'un seul signalement – ou par des collectifs ou des parents qui s'y apparentent. Deux thèmes se détachent : l'opposition à l'éducation à la sexualité et la mouvance antivax.
Les signalements sont en hausse par rapport à la même période de l'année scolaire précédente, où on en recensait vingt-quatre. Les cas sont donc ponctuels, mais les équipes sont extrêmement attentives. Il ne faut ni en surestimer, ni en sous-estimer l'importance, mais combattre toute pression sans faiblir. Dès l'automne, les académies ont été alertées et sont restées vigilantes. Je verrai moi-même les recteurs et les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) dans huit jours et leur redonnerai des consignes très fermes en ce sens.
Aucune pression ne peut rester sans réaction ferme et définitive.
En pratique, si jamais des parents élus en viennent à exercer des pressions sur les professeurs pour contraindre leur liberté pédagogique ou pour les menacer, le dépôt de plainte sera immédiat, avec l'entier soutien du ministère dont j'ai la responsabilité.
Et si des parents accusent des professeurs d'absentéisme alors que ce n'est pas vrai, que se passera-t-il ?
L'école est notre bien commun, notre trésor national. Aucun professeur ni aucun élève ne doit s'y sentir inquiété ou placé sous l'influence de tel ou tel courant politique ou religieux.
Décidément, vous avez du mal avec le respect ! Ce mot ne fait pas partie de votre vocabulaire !
Parce que la neutralité de l'école est indissociable de la protection et de l'émancipation des enfants dont nous avons la charge, parce que la laïcité est le cœur de l'école républicaine, je ne laisserai rien passer dans ce domaine, ni de la part de Parents vigilants, ni d'autres. Vous pouvez compter sur ma totale détermination.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que leur durée, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes, et qu'il n'y a pas de droit de réplique.
La parole est à M. Inaki Echaniz.
Les agissements de l'association Parents vigilants nous touchent tous, y compris dans mon département, où ce collectif a désigné à la vindicte un établissement scolaire sur le fondement de fake news assez largement reprises dans certains médias également affiliés à la même mouvance d'extrême droite. Je pense notamment à CNews, chaîne de télévision bien connue, où ce qui se passait supposément dans cet établissement a fait les gros titres. Éric Zemmour lui-même l'avait repris sur les réseaux sociaux. Tout cela, bien sûr, était faux.
Voilà la réalité du dénigrement de l'école publique, de ses enseignants, des parents et des élèves, nommément visés dans cette affaire qui s'est déroulée dans mon département.
Madame la ministre, je vous ai écoutée attentivement et, comme d'autres, je reste sceptique quant à votre capacité à défendre les parents et les enseignants de l'école publique,…
…menacée par la montée des pressions de l'extrême droite, sachant que l'homophobie, le séparatisme et d'autres attitudes réactionnaires ne vous dérangent pas. Nous sommes également dubitatifs quant à votre capacité à vous engager auprès des enseignants et à répondre à leurs attentes, au vu de la faiblesse de vos réponses à nos demandes de chiffres et de précisions sur la suite qui a été donnée aux quarante-deux signalements pour remise en cause de l'enseignement par les parents. Êtes-vous vraiment impliquée dans la lutte contre l'infiltration de l'école publique par certains parents qui, s'appuyant sur des réseaux et sur des théories complotistes, la menacent quotidiennement ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe RE.
Les convictions politiques des parents d'élèves relèvent de la sphère privée et sont donc libres, mais les parents sont soumis à l'obligation de neutralité dans certaines circonstances, notamment lorsqu'ils exercent ou encadrent des activités assimilables à celles des enseignants. Les règlements intérieurs rappellent l'interdiction de tout prosélytisme, sous quelque forme que ce soit, dans l'enceinte de l'école ou de l'établissement et, hors de l'école ou de l'établissement, dans toutes les situations d'enseignement ou d'activité périscolaire. Les parents ne peuvent pas contester les contenus des cours délivrés par l'enseignant, ni adopter des comportements irrespectueux au motif du sexe, de l'origine ou de l'opinion des personnels ou d'autres parents, ni se livrer à du prosélytisme, ni refuser que leur enfant participe à des activités pédagogiques.
Je l'ai dit, si des tentatives d'instrumentalisation par des mouvements ou des courants politiques du rôle de parent élu devaient se présenter, je serais intraitable.
Je vais vous donner des chiffres, puisque c'est ce que vous demandez. L'éducation nationale a développé un outil très fin qui permet de remonter quotidiennement les faits graves ou notables.
Entre le 1er septembre et le 31 décembre 2023, 11 776 faits ont été signalés par les académies. Parmi eux, 42 signalements concernent des remises en cause de l'enseignement, qu'elles aient été directement le fait du collectif Parents vigilants ou revendiquées par des collectifs ou par des parents qui s'y apparentent.
Pour l'essentiel, ces remises en cause sont de deux natures : l'opposition à l'éducation à la sexualité…
Cela se passe à Stanislas, madame la ministre !
…et la mouvance antivax. Aucun fait ne concerne un parent élu. Le nombre de ces signalements est supérieur à celui de l'année passée à la même période – il s'élevait alors à vingt-quatre –, et tous les acteurs – recteurs, Dasen, équipes pédagogiques – y sont extrêmement attentifs.
Nous vivons un moment particulièrement lunaire. La ministre de l'éducation nationale est montée à la tribune et a parlé de l'école, de ses valeurs et de la nécessité de la protéger contre l'intégrisme et l'obscurantisme, alors qu'elle a fait le choix d'inscrire ses enfants …
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR
…dans un établissement communautariste, intégriste et séparatiste, qui représente sans doute ce qui se fait de pire en France.
Des enquêtes et des rapports très sérieux le démontrent, relevant la présence d'homophobie, de sexisme et d'autres éléments justifiant la constitution d'une commission d'enquête. C'est d'ailleurs le sens de la proposition de résolution que plusieurs collègues et moi-même avons déposée cet après-midi.
Cette situation a quelque chose d'absurde. Je crois avoir entendu un collègue dire qu'il s'agissait d'un choix personnel ,
« Oui ! » sur les bancs des groupes RN et LR, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE
mais si le Président de la République avait nommé un antivax au ministère de la santé, vous y verriez sans doute à redire, comme moi. C'est la même chose !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Comment accepter que la ministre de l'éducation nationale ne croie pas en l'école publique ?
Et vous, vous êtes conseiller régional des Hauts-de-France et député des Yvelines ! C'est pareil, vous êtes élu alors que vous ne croyez pas aux territoires !
Comment accepter qu'elle déteste l'école publique, qu'elle aille jusqu'à mentir en diffamant une enseignante et une équipe éducative ? C'est extrêmement grave, surtout dans un moment où l'école souffre du manque de moyens et des suppressions de poste ! Ce n'est peut-être pas le cas dans votre secteur, madame la ministre, mais dans ma circonscription, l'école publique subit la fermeture de classes et la détresse des enseignants.
Je vous invite à un nouveau rendez-vous en terre inconnue : venez au lycée Jean-Rostand de Mantes-la-Jolie pour rencontrer les enseignants qui ont écrit à vos trois prédécesseurs et réclament des moyens pour assurer leur mission républicaine au service de l'égalité.
Ils ne demandent pas, eux, à faire du catéchisme ou à pratiquer la discrimination envers les homosexuels, et ne prônent pas la chasteté. Ils veulent pouvoir remplir leur mission au service des élèves ,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
car l'école de la République est une promesse de liberté, d'égalité et de fraternité pour tous les enfants.
Madame la ministre, c'est lunaire ! Pourquoi restez-vous en poste ? Vous ne pouvez pas agir, puisque vous êtes détestée, à juste titre ,
« Oh ! » sur les bancs du groupe RE
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Je ne souhaite pas répondre à ces provocations.
J'espère obtenir une réponse. Vendredi dernier, lors de la cérémonie de passation de pouvoir, vous avez affirmé : « il ne doit plus y avoir aucune place pour la peur dans l'école de la République ». Dont acte.
Des groupes d'extrême droite s'organisent pour semer cette peur chez les enseignants, les infirmiers scolaires, les parents qui s'engagent au quotidien afin de défendre de meilleures conditions d'études pour tous les élèves.
Notre collègue Soumya Bourouaha a exposé l'exemple de l'enseignante de Valenciennes menacée de mort. Pour reprendre l'expression employée par M. Jérémie Patrier-Leitus, qui s'est exprimé pour le groupe Horizons, il convient certes de « relativiser l'ampleur du phénomène d'infiltration des conseils d'école », mais il ne faut rien laisser passer.
Madame la ministre, vos prédécesseurs ont fait preuve de complaisance envers les visions les plus conservatrices de l'école. M. Blanquer a fait sienne la chasse à l'idéologie woke, chasse qui était déjà celle de Mme Le Pen. M. Attal, conforté par la conférence élyséenne d'hier, a déclaré son intention de généraliser l'uniforme à l'école et de créer une école du mérite derrière laquelle se cache le projet du tri social et de la ségrégation.
Vos premiers propos depuis votre prise de fonction ne rassurent pas les femmes et les hommes qui font vivre l'école de la République. Madame la ministre, j'entends votre intransigeance putative mais, au regard des épisodes de cyberharcèlement, des intimidations ainsi que de la culture de la délation qui risque de s'installer dans les établissements scolaires français sous l'action de groupes crypto-zemmouristes, pourriez-vous préciser quelles mesures concrètes sont envisagées par le Gouvernement pour protéger de manière effective l'ensemble des agents de l'éducation nationale faisant face à cette offensive nouvelle ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Rappel au règlement
Sur le fondement de l'article 24 de notre Constitution, qui dispose : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. »
Madame la ministre, il n'y a pas de 49.3 sur tous les sujets ni tout le temps.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Il est du devoir du Gouvernement de répondre aux questions des parlementaires,…
…même quand ces questions ne plaisent pas. Et c'est le devoir d'une opposition de poser des questions qui ne plaisent pas. Nous sommes en démocratie. Vous ne pouvez pas me changer d'établissement.
Vous ne pouvez pas me changer d'hémicycle. Ma question portait sur vos mensonges et sur vos orientations politiques à la tête de ce ministère.
Elle est donc parfaitement légitime. Elle est d'ailleurs respectueuse de notre règlement et des usages dans cette assemblée.
D'après le règlement de l'Assemblée, si les ministres au banc disposent de deux minutes pour répondre aux questions, ils sont cependant libres de ne pas y répondre.
Merci pour cette précision, madame la présidente. Vivement la VI
Reprise du débat
L'école doit rester un lieu de neutralité en ce qui concerne l'expression des opinions religieuses, politiques ou commerciales. L'école est le cœur battant de la laïcité ; j'en serai la garante.
M. Benjamin Lucas rit.
Vous me jugerez sur les actes. Je ne faiblirai pas sur sa protection.
L'école doit aussi être identifiée comme un lieu de rassemblement autour des valeurs républicaines. Chaque parent doit sentir qu'il y trouve la place qui lui revient et qu'il est accueilli avec bienveillance.
Les interventions des parents d'élèves sont elles-mêmes soumises au principe de laïcité, je le rappelle, au respect des dispositions relatives à la vie privée, aux dispositions prohibant les injures et la diffamation, ainsi qu'à l'interdiction de toute propagande en faveur d'un parti politique ou d'une entreprise commerciale.
Les élections de parents d'élèves ne doivent faire l'objet d'aucune instrumentalisation. Je l'ai dit, l'école est un espace de neutralité qui vise l'instruction, l'épanouissement et l'émancipation de tous les élèves.
Vous l'avez rappelé, le rôle du conseil d'école est particulièrement important. Il participe en effet à l'élaboration et à l'adoption du projet d'école, donne son avis sur des questions importantes concernant la vie de l'école comme les activités périscolaires, les conditions d'intégration des élèves handicapés ou encore le respect et la mise en application des valeurs et des principes de la République. Le travail de nombre de parents au sein de ces conseils est à saluer.
Du fait de l'entrisme de certains groupuscules, nous pouvons toutefois craindre que les principes de la République soient remis en question au sein même de l'école, ce qui menace son projet, mais aussi le bien-être des élèves.
Ces derniers mois, on a beaucoup évoqué les violences et les aspirations du groupe Parents vigilants, dont les adhérents ou sympathisants ont été appelés à se présenter aux élections de parents d'élèves dans l'idée d'introduire avec eux, au sein de nos écoles, des principes contraires aux valeurs de la République.
Les directrices et directeurs d'école semblent manquer de moyens pour agir dans le cas où un parent d'élève instrumentaliserait les conseils d'école à des fins politiques.
Madame la ministre, comment aider ces directeurs et leurs équipes pédagogiques pour faire face à ces situations inquiétantes et à ces dérives ?
Le directeur d'école et le chef d'établissement sont responsables de l'application et du respect des valeurs et principes de l'école de la République.
Ils ont la possibilité d'engager des poursuites lorsque des propos ou des actes sont contraires à la loi. Dans cette démarche, pour répondre très directement à votre question, ils bénéficient du plein soutien des services académiques et départementaux de l'éducation nationale.
Le conseil d'école est l'instance principale de l'école. Comme vous l'avez dit, madame la ministre, il est amené à se prononcer sur des aspects importants de la vie scolaire. Il donne son avis, non seulement sur les actions pédagogiques, le projet d'école, mais aussi sur les actions éducatives, le projet d'établissement et les sorties scolaires.
Je salue les membres des conseils d'école – enseignants, maires, élus, délégués de parents –, pour leur engagement dévoué au service de la réussite et de l'épanouissement des enfants et des jeunes qui s'investissent dans leur très grande majorité dans le respect des valeurs universelles de la République, de la laïcité et de la neutralité politique.
Cependant, lors des élections qui ont eu lieu en octobre 2023, un collectif proche d'un parti politique d'extrême droite s'était efforcé de faire entrer ses militants au sein des conseils d'école dans le but de peser sur la vie des établissements et d'instrumentaliser cette élection à des fins politiques,…
…ce que les professeurs ont dénoncé.
Voici ma question, madame la ministre : ces élections intéressent-elles suffisamment les parents pour que la diversité sociale et politique des parents soit bien représentée et pour que ces élections ne soient pas récupérées dès la rentrée scolaire par des partis politiques militants et organisés ? Les parents sont-ils assez nombreux à participer aux élections de leurs représentants aux conseils d'école ?
Malheureusement, la réponse est non. En 2023, le taux de participation aux élections de parents d'élèves était de 21 % pour le secondaire, d'après les chiffres du ministère de l'éducation nationale.
Madame la ministre, comment pensez-vous améliorer cette situation ? Outre l'information donnée en début d'année sur l'organisation des élections, on pourrait envisager des mesures pour faciliter la participation électorale des parents en portant une attention particulière à l'accessibilité de ces élections et peut-être en développant le vote par voie numérique. Surtout, il faudrait motiver les parents en soulignant les enjeux de ces élections au conseil d'école.
Nous déployons deux types de mesures pour encourager la participation des parents d'élèves. D'une part, pour la participation aux élections elles-mêmes, un important travail de communication est réalisé par les directeurs et personnels de direction durant les semaines de la démocratie scolaire.
D'autre part, la participation à la vie de l'école ou de l'établissement doit garantir le pluralisme des représentants des parents d'élèves et de limiter le risque d'instrumentalisation. Le rôle des représentants élus dans les différentes instances est souligné et partagé avec toute la communauté scolaire pour mettre en avant l'importance des actions des parents élus.
J'en terminerai par le point suivant.
Des moyens sont déployés pour faciliter la participation des parents aux élections avec le vote électronique qui était organisé uniquement dans le second degré jusqu'à présent, et qui est désormais possible dans le premier degré, depuis cet été.
Avant de poser une question, si vous me le permettez, je soulignerai que l'instrumentalisation politique, cet après-midi, est le fait des députés siégeant à gauche de cet hémicycle,…
…et de mettre en abyme leur propre sujet, en mettant en cause la ministre alors qu'elle répond sur un sujet dont la gravité, comme nous l'avons dit dans nos interventions liminaires, nécessiterait un débat raisonnable et apaisé.
Abîmer l'école publique, c'est grave ! Favoriser l'intégrisme, c'est grave !
Madame la ministre, je voudrais vous parler de la crainte des professeurs…
…qui enseignent des matières fondamentales telles que l'histoire, le fait religieux, qu'il faut distinguer de la religion, l'éducation à la sexualité, dont nous avons également parlé dans les interventions liminaires, l'éducation à la différence. Parfois, ils ont peur de montrer des images qui peuvent interpeller ou choquer.
Le rôle des parents d'élèves me semble fondamental dans cette équation, dans le respect des valeurs de la République et de la laïcité. La laïcité a été instaurée dans l'école de la République avant même la loi de séparation des églises et de l'État : à partir de 1882, l'enseignement public ne fait plus référence à la religion. La loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics s'inscrit dans cette histoire.
Cependant, on sait que la laïcité et ses traductions concrètes sont parfois contestées à l'école, par des parents ou par des élèves. Nous devons aider les professeurs, qui sont des représentants de l'État et qui sont chargés de faire respecter les principes de la République.
Madame la ministre, comment protégeons-nous l'école contre toutes les idéologies de haine, notamment celles qui remettent en cause la laïcité ?
Comment nous assurer du respect de ce bien précieux pour notre république ?
Je répondrai brièvement, pour dire que, de mon point de vue, la contribution des parents d'élèves au service public de l'éducation est indispensable. Elle est au fondement du fonctionnement de notre école et le cadre laïque de l'école républicaine doit être préservé de bout en bout.
Créé en 1976, le conseil d'école constitue l'instance principale de concertation et de décision de l'école primaire. Sous la présidence du directeur de l'école, il réunit les enseignants, les représentants élus des parents d'élèves, ainsi que les élus locaux.
Les conseils d'école, bien qu'ils soient méconnus, sont nécessaires pour le bon fonctionnement des établissements. Ils associent en effet la communauté éducative à la vie et à la gouvernance de l'école.
Cependant, le conseil d'école n'apparaît pas, depuis quelques années, comme le lieu d'un dialogue serein. Il pourrait même ressembler à un tribunal, comme l'affirment certains élus, qui redoutent d'assister aux réunions où ils sont la cible de nombreuses revendications. En outre, les discussions se focalisent sur des questions accessoires. Des thèmes comme l'organisation générale des enseignements sont souvent peu abordés alors qu'ils sont primordiaux. En conséquence, l'intérêt des parents ne fait que décroître.
La représentation de ce que doit être le conseil d'école diffère selon les acteurs. Cette méconnaissance augmente les tensions. Les enseignants vivent souvent comme une intrusion l'intervention d'acteurs extérieurs à l'école qui veulent vérifier leur travail. Ce désintérêt croissant, ainsi que les tensions avec les équipes éducatives sont la première cause de la vacance de nombreux sièges de représentants des parents d'élèves.
Madame la ministre, les parents d'élèves peinent à trouver leur place. Ne serait-il pas temps de définir clairement leur rôle dans les conseils d'école et de redynamiser cette instance ? À l'heure où il est si difficile d'avoir des parents d'élèves dans les conseils d'école, est-il vraiment nécessaire d'en refuser et de dégoûter les quelques représentants restants en parlant d'instrumentalisation politique à tout bout de champ ?
Je ne souhaite pas répondre.
S'il vous plaît, chers collègues. La parole est à Mme Katiana Levavasseur.
Madame la ministre, vous êtes arrivée à la tête de cette institution républicaine qu'est l'éducation nationale…
Brouhaha sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
Franchement, c'est la même chose chaque fois qu'on prend la parole… Ça devient exaspérant !
Et c'est un peu sexiste, car c'est toujours quand une femme prend la parole !
…en endossant l'habit d'une mère d'élèves soucieuse de protéger ses enfants des dysfonctionnements d'un système de remplacement inepte inventé par vos deux prédécesseurs. Comment vous jeter la pierre ?
Permettez-nous d'attirer votre attention et de solliciter votre réponse au sujet d'un autre phénomène, typiquement français – du genre de ceux dont on pourrait se passer.
On entend brièvement dans l'hémicycle le son d'une vidéo regardée sur un téléphone portable.
Je veux parler des dérives politiques, politiciennes et partisanes de la FCPE. Le 11 avril 2022 par exemple, la fédération appelait l'ensemble des parents d'élèves à se rendre aux urnes le dimanche 24 avril 2022, pour « faire barrage au Rassemblement national » lors du second tour des élections présidentielles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est sûr qu'ils n'auraient pas fait barrage à M. Mélenchon, puisqu'il n'a pas été capable d'être au second tour !
Franchement, c'est pénible… Et vous ne dites rien, madame la présidente ?
Selon la FCPE, l'extrême droite milite pour exclure et discriminer les élèves. Son mot d'ordre est alors le suivant : « Le 14 avril 2022, l'extrême droite est à nouveau présente au second tour des élections présidentielles. Nous refusons de la voir accéder au pouvoir. »
Dans ces conditions, je renonce à terminer ma question. Ça ne sert à rien d'essayer de parler avec des gens comme vous.
Mme Levavasseur fait signe que non.
Mme la ministre fait signe que non.
Madame la ministre, j'espère que vous ne sortirez pas le joker ministériel et que j'aurai une réponse. L'école publique est menacée par la pénurie et par la faiblesse des moyens alloués par ceux qui ont choisi de plonger les enseignants dans la précarité.
Elle est menacée par la concurrence déloyale que lui livre l'enseignement privé, largement financé par l'argent public, sans pour autant être soumis au même devoir d'accueil.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Elle est menacée par les ministres et les élus qui ont successivement choisi d'aller au-delà des obligations légales dans le financement de l'école privée.
Elle est menacée par des choix absurdes qui ne lui permettront plus de répondre aux besoins des élèves et du pays, par exemple la fermeture de quatre classes préparatoires parisiennes au bénéfice d'officines privées – évidemment. Elle est menacée par celles et ceux qui ont organisé son saccage avant de partir s'enrichir dans le privé – comme Mme Avenel, rectrice de l'académie de Versailles, M. Blanquer, recyclé par Veolia pour accomplir ce qu'apparemment il n'avait pas su faire comme ministre, ou Mme Canto-Sperber, dont le business ponctionne les recalés de Parcoursup.
Elle est menacée par le mépris que lui témoignent l'extrême droite et les macronistes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Elle est menacée par celles et ceux qui la dénigrent à longueur de journée et trouvent dans ses difficultés une justification à leur désir d'entre-soi ou à leurs obsessions idéologiques faites d'intolérance et de rejet de l'autre.
Elle est menacée à l'extérieur et à l'intérieur ; elle est menacée par des groupes organisés de parents qui ont, de longue main, lutté contre l'école de la République et sa promesse d'émancipation et de mixité. Désormais, suivant un modèle venu des États-Unis, ils font pression sur les enseignants, se mobilisent contre la liberté pédagogique et essayent d'imposer la censure d'ouvrages et d'idées.
Pourtant, fait inédit, ces groupuscules trouvent désormais un relais au sein même du cabinet du ministre. En témoignent les propositions poujadistes de M. Attal visant à imposer l'uniforme à l'école et à instaurer des classes de niveau, alors même que toute la littérature savante indique sans équivoque que de telles mesures n'apportent rien et aggravent les inégalités.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mme la ministre, pouvez-vous m'affirmer que ces lubies n'auront désormais plus cours et que le Gouvernement ne cherchera plus à instrumentaliser l'école publique pour complaire à quelques-uns ? .
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES
Durant mon allocation à la tribune, je vous ai remerciés d'avoir organisé ce débat. Malheureusement, force est de constater que vos réponses et vos questions sont très loin du thème que nous devions évoquer.
Je ne crois donc pas utile de répondre à cette question. Mon ambition est très grande pour l'école publique.
Je souhaite renforcer l'exigence, l'attractivité des métiers de l'enseignement et la déclinaison d'un épanouissement républicain qui doit se matérialiser dans cet attachement à la laïcité.
Madame la ministre, par vos silences, vous semblez avoir déjà démissionné.
C'est d'ailleurs ce que la communauté éducative attend, tout comme les parlementaires, après vous avoir entendue dénigrer le service public d'éducation comme vous l'avez fait, en mentant pour justifier un choix personnel.
Cependant, puisque vous êtes là, je crois que vous devez des clarifications à la représentation nationale : êtes-vous la ministre du séparatisme scolaire, de l'école privée ? Ou bien êtes-vous la ministre de l'école publique, du service public, de tous les élèves de ce pays ? Ferez-vous appliquer partout la loi de la République ?
Je vous interroge parce que votre position est singulière. D'ailleurs, elle ressemble presque à un conflit d'intérêts. L'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche a déposé sur votre bureau un rapport portant sur le collège Stanislas.
« Oh là là » sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ce rapport indique qu'à plusieurs reprises, cet établissement a enfreint la loi républicaine et le code de l'éducation.
Par exemple, il ne garantit pas la liberté de conscience des élèves qui le fréquentent, obligeant tous les élèves – tous – à pratiquer la confession chrétienne. Jusqu'en 2023, cet établissement organisait un fichage confessionnel des élèves souhaitant s'y inscrire, demandant aux parents de signaler si ces élèves étaient baptisés et s'ils avaient été confirmés.
Dans cet établissement, financé par l'argent public, les programmes scolaires ne sont pas respectés, notamment en SVT. La contraception, normalement enseignée en quatrième et en troisième, ne l'est que par un des enseignants de ce collège. Encore une fois, c'est l'inspection générale qui l'indique.
La question est simple : madame la ministre, êtes-vous la ministre de tous les élèves, êtes-vous prête à défendre leurs droits et leur sécurité ? Allez-vous casser le contrat qui lie l'État au collège Stanislas ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je rappelle que la loi du 31 décembre 1959, dite loi Debré – du nom du Premier ministre Michel Debré sous la présidence du général de Gaulle – posait le principe de la liberté d'enseignement.
Elle prévoyait aussi des obligations pour les établissements, madame la ministre !
Tant les écoles publiques que les écoles privées concourent au service public de l'enseignement.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RE.
Ne vous en déplaise, depuis cette grande loi, notre pays vit bien avec des écoles publiques et des écoles privées.
Mon projet pour l'éducation nationale consiste à faire réussir toutes les écoles de notre pays, parce que mon ambition est de faire réussir tous les enfants de notre pays.
Conflit d'intérêts ! Elle est donc complice des dérives du collège Stanislas !
Le conseil d'école est l'instance principale de l'école. C'est un organe de concertation institutionnelle doté de compétences décisionnelles ; il est donc plus que nécessaire d'avoir une représentation des parents d'élèves dans les instances de conseil d'école. Les parents sont des usagers du service public et il est important qu'ils puissent conserver une parole libre, dans le respect des missions de chacun. Les représentants des parents se rendent aux conseils de classe, échangent avec les directeurs d'école et les mairies, et défendent les intérêts des quelque 6 millions d'élèves de primaire.
Néanmoins, en y regardant de plus près, ces parents engagés à l'école sont de plus en plus politisés – et ce, au détriment des autres parents d'élèves. Lorsqu'ils votent pour leurs représentants, le choix des parents d'élèves est parfois restreint : quelques candidats sur une liste, parfois non constituée en association ; d'autres fois, les fédérations, dont les plus connues sont la FCPE et la Peep, s'opposent à des associations dites indépendantes. La grande majorité de ces listes revendiquent leur indépendance, voire leur caractère apolitique.
Or, défendre les intérêts des élèves, quels qu'ils soient, touche nécessairement à des questions politiques. Les parents qui rejoignent des associations indépendantes le font souvent pour s'écarter des fédérations, jugées trop politisées. Les parents sont d'ailleurs souvent mal informés sur les missions des représentants, qui finissent par ne plus représenter qu'eux-mêmes ou leur mouvement.
L'objectif initial est que tous les parents puissent être représentés dans ces instances, et que les représentants parlent au nom de tous – il y va de l'intérêt des élèves. Madame la ministre, quel contrôle pourrait être mis en place pour que tous les parents se sentent représentés lors des conseils d'école et mieux associés à la vie des établissements, afin de les impliquer dans la réussite scolaire de la nation ?
Nous avons besoin d'encourager cette démocratie scolaire et de préserver un cadre de neutralité dans toutes nos écoles. Au cœur de nos écoles privées, nous devons nous assurer du respect plein et entier des principes et des valeurs de la République, à travers des contrôles pédagogiques et le suivi attentif, par l'ensemble des personnels de direction à tous les niveaux…
…de la manière dont on préserve ces valeurs dans le débat, dans la vie scolaire et dans le respect des rôles et des responsabilités de chacun, que j'évoquais tout à l'heure à la tribune.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente en salle Lamartine :
Le sans-abrisme, réceptacle des échecs des politiques publiques ?
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures quarante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra