La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité, sur la stratégie nationale pour la biodiversité.

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Nous accueillons Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité, pour une audition consacrée à la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB).

Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir répondu favorablement à notre invitation, sur un sujet qui est au cœur de nos préoccupations. Cette commission est en effet très impliquée dans les questions de biodiversité, aussi importantes à ses yeux que celles de l'urgence climatique, auxquelles elles sont étroitement liées.

Les pressions sur la biodiversité vont croissant, ainsi qu'en attestent régulièrement les publications de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Lors de leurs auditions par cette commission, les représentants d'organisations très impliquées dans la défense de la biodiversité, dont l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les conservatoires d'espaces naturels et les parcs naturels régionaux, nous ont également fait part de leurs inquiétudes à ce sujet.

Je rappelle que notre commission mène par ailleurs, dans le cadre d'une mission d'information, des travaux sur les enjeux liés à la biodiversité et à l'agriculture.

La France est consciente de l'urgence de défendre la biodiversité, comme le montre la position adoptée lors de la COP15 à Montréal. J'ai d'ailleurs eu l'honneur de soutenir dans ce cadre une proposition de résolution qui appelait un engagement fort de la France en faveur de la biodiversité.

Notre pays a un rôle très particulier à jouer dans ce domaine, en raison de la richesse inestimable de ses écosystèmes, notamment dans les territoires ultramarins.

Il importe désormais de traduire dans les actes ces engagements internationaux, en particulier par la protection forte de 30 % des espaces naturels. Il s'agit d'une étape indispensable pour réduire les pressions, restaurer les écosystèmes et engager des changements en profondeur.

Pour ce faire, une stratégie nationale est nécessaire. Elle doit mobiliser l'ensemble des acteurs : l'État bien sûr, mais aussi les territoires qui sont en première ligne dans la mise en œuvre de la politique de préservation de la biodiversité, les entreprises, les associations et les citoyens. La préservation du vivant dans toute sa diversité doit être l'affaire de tous. Cela exige une coopération étroite de l'ensemble des intervenants publics et privés, et soulève la question de la conciliation d'intérêts qui ne sont pas toujours convergents.

Madame la ministre, quelques éléments de la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité ont été livrés en juillet dernier. Nous souhaiterions que vous nous présentiez plus en détail la feuille de route fixée par le Gouvernement pour mener une politique ambitieuse en la matière, ainsi que les moyens qui y seront dédiés.

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Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la biodiversité

Le sujet de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), et plus largement de la biodiversité elle-même, touche nos quotidiens et nos territoires, au même titre que l'urgence climatique.

Il m'apparaît nécessaire, avant de présenter la genèse de la SNB, de dresser un bref état des lieux. La biodiversité est à la base de tous les besoins essentiels de l'être humain : respirer, boire, manger, se loger, se chauffer, être inspiré, apprendre. Les services rendus gratuitement par la nature prennent des formes variées : photosynthèse, pollinisation, filtration et purification de l'eau, absorption des chocs climatiques ou contributions immatérielles comme la simple beauté des paysages. Or ces éléments subissent aujourd'hui avec violence le choc du dérèglement climatique.

Le Forum économique mondial a estimé que plus de la moitié du PIB mondial dépendait de services rendus gratuitement par la nature, ce qui correspond à près de 44 000 milliards de dollars par an.

Au-delà du risque qu'il représente pour l'économie mondiale et la vie humaine, l'effondrement de la biodiversité met également en danger notre pacte social.

L'objectif de cette stratégie est double : il s'agit d'une part de préserver nos modes de vie, notre prospérité, d'autre part de stopper l'effondrement du vivant pour permettre à court terme la restauration de la nature.

Comme des dizaines de milliers d'élus en France, je me suis engagée pour agir et ne me résous pas à cette érosion de la biodiversité, dans laquelle l'humain porte une responsabilité majeure.

L'Ipbes, souvent qualifié de « Giec de la biodiversité », a identifié les cinq pressions anthropiques qui s'exercent sur la nature et participent de l'effondrement du vivant.

Il s'agit tout d'abord, par ordre d'importance, du changement d'usage des terres et des mers induit notamment par l'urbanisation, la déforestation et l'artificialisation des sols.

La deuxième pression anthropique réside dans la surexploitation des ressources naturelles, que nous consommons plus rapidement que la nature n'est capable de les renouveler.

Le changement climatique, qui modifie les écosystèmes à un rythme trop rapide pour que la nature puisse s'adapter à ces bouleversements extrêmement violents, constitue le troisième de ces facteurs.

Les pollutions pèsent également sur la bonne santé de la biodiversité : cela concerne aussi bien l'utilisation des intrants en agriculture que les pollutions chimiques, lumineuses ou sonores.

Citons enfin les dégâts causés par les espèces exotiques envahissantes qui, profitant souvent d'écosystèmes dégradés, prennent la place des espèces locales. Je pense tout particulièrement au frelon asiatique et à la nuisance qu'il représente pour les abeilles.

Notre pays bénéficie d'un patrimoine naturel d'une très grande diversité : 10 % des espèces connues sur la planète y sont ainsi recensées et plus de 600 nouvelles espèces y sont décrites chaque année, en majorité en outre-mer.

La France exerce par ailleurs sa juridiction sur le deuxième espace maritime au monde, qui couvre plus de 10 millions de kilomètres carrés et inclut plus de 10 % de la superficie corallienne mondiale.

Nous connaissons un véritable effondrement du vivant. Plus d'un million d'espèces sont en danger à l'échelle de la planète. D'aucuns parlent ainsi de sixième extinction de masse, la première depuis la disparition des dinosaures. En France, plus de 2 000 espèces sur les 12 000 recensées sont menacées de disparition.

La stratégie nationale pour la biodiversité a vocation à inverser cette tendance. Elle suppose l'implication de tous et l'allocation de moyens nouveaux. Nous avons pour ce faire opté pour une méthode inédite, avec un mécanisme de planification écologique validé par le Président de la République et piloté par la Première ministre. Cette démarche interministérielle, déclinée par enjeu et par secteur avec l'ensemble des acteurs concernés, est unique et historique, par la vision globale qu'elle offre et les perspectives de long terme qu'elle dessine.

Quatre axes prioritaires ont ainsi été définis pour stopper puis inverser l'effondrement du vivant sur la décennie. Ils concernent tout d'abord la réduction des pressions précédemment mentionnées et la restauration de la biodiversité dégradée, en mettant l'accent sur la renaturation et la résilience face au changement climatique. Il conviendra ensuite de mobiliser l'ensemble des acteurs, de l'État jusqu'aux citoyens, en passant par les collectivités, les entreprises, les associations, ce qui soulève la question de la nécessaire conciliation des usages. Il faudra enfin garantir les moyens d'atteindre les objectifs fixés, qu'il s'agisse des financements, de la gouvernance ou de la connaissance des données et enjeux, par un pilotage fin, fondé sur l'analyse d'indicateurs.

Plusieurs actions ont été définies dans chacun de ces axes. La lutte contre les causes identifiées de l'érosion de la biodiversité se traduira ainsi par le développement d'aires protégées, la limitation de l'artificialisation des sols pour favoriser la préservation des habitats, la gestion adaptative des espèces pour prévenir la surexploitation des ressources, la réduction de l'impact du changement climatique sur la biodiversité et la lutte contre les pollutions plastiques, chimiques, lumineuses et les espèces exotiques envahissantes.

Le deuxième axe de cette stratégie, qui vise à restaurer la biodiversité dégradée, s'appuiera notamment sur le développement de trames écologiques, sur lesquelles les élus locaux travaillent territoire par territoire, mais aussi sur le fonds en faveur de la renaturation des villes et le pacte en faveur de la haie. Je pense également à la restauration des zones humides, dont les phénomènes climatiques récents nous démontrent l'utilité, et à la préservation de la biodiversité forestière. La France soutient à ce titre l'adoption d'un règlement européen ambitieux pour la restauration de la nature, dont l'avenir se joue actuellement. La restauration des écosystèmes dégradés s'appuiera sur des solutions fondées sur la nature elle-même, au travers de politiques de prévention des risques, de lutte contre les effets du changement climatique et de protection de la ressource en eau.

Le troisième pilier de la SNB porte sur la mobilisation de tous les acteurs concernés : État, entreprises, élus, citoyens, associations, collectivités territoriales, usagers de la nature. Cela implique d'assurer l'exemplarité de l'État et des services publics par la formation des agents à ces problématiques et par des actions de préservation de la biodiversité à l'échelle tant des bâtiments de l'État que de la vie quotidienne des services. La mobilisation des entreprises est également un élément majeur : elle suppose de leur part une meilleure compréhension de leur impact sur la nature et une prise en compte de ces éléments dans la définition de leurs stratégies. Il conviendra enfin de sensibiliser nos concitoyens à l'importance de relever ce défi. « On aime ce qui nous a émerveillés et on protège ce que l'on aime » disait Jacques-Yves Cousteau. Ainsi, l'objectif de la SNB est de former, informer et sensibiliser les citoyens à ces questions tout au long de leur vie, afin de les inciter à se mobiliser en faveur des multiples aspects de la protection et de la restauration de la biodiversité. Je pense par exemple au déploiement des aires éducatives, dont le nombre passera de 1 000 aujourd'hui à 18 000 en 2030 et qui concerneront alors une école ou un collège sur trois.

La SNB ne pourra par ailleurs se déployer que si elle est territorialisée et développée avec les collectivités locales. Elle est porteuse pour les territoires d'opportunités et de financements nouveaux. Je crois nécessaire de favoriser une concertation et un dialogue de qualité, sur la base de diagnostics partagés. Dans quelques semaines, seront ainsi lancées les « conférences des parties » (COP) régionales, sous l'égide du ministre M. Christophe Béchu. Ce dispositif permettra notamment de convenir localement d'actions et de pactes adaptés aux réalités de chaque territoire. Dans ce cadre, l'eau et la biodiversité auront évidemment toute leur place.

La stratégie nationale prévoit aussi la généralisation des atlas de la biodiversité communale, qui ont connu un réel succès et constituent un outil original permettant précisément de poser des diagnostics partagés et de définir un point de départ consensuel. Cette démarche vise à apprécier et qualifier la biodiversité locale, pour agir en sa faveur.

Le dernier axe concerne les moyens financiers. Agir suppose de se doter des moyens nécessaires : tel est le sens du projet de loi de finances soumis à votre examen, qui mobilisera 10 milliards d'euros supplémentaires en faveur de la planification écologique, dont 1,2 milliard d'euros spécifiquement dévolus à la préservation de l'eau et de la biodiversité, soit 475 millions en plus par an pour le Plan eau, 400 millions pour la stratégie nationale pour la biodiversité, la réduction des pressions et la mobilisation des acteurs, 300 millions de crédits pour le fonds friches au sein du fonds vert et enfin, 100 millions pour le fonds de renaturation.

Le fonds vert est mobilisé pour accompagner en premier lieu les projets conduits sur les territoires en faveur de la biodiversité. Quelque 12 700 dossiers ont été déposés dans ce cadre, pour un montant d'environ 18 milliards d'euros, dont 431 millions d'euros pour la seule stratégie nationale pour la biodiversité, hors renouvellement des friches ou renaturation des villes. L'objectif est clair, les ambitions fortes et les moyens posés. Il s'agira notamment, dans les départements dans lesquels des projets de ce type seront portés, de désimperméabiliser les cours d'école, de créer des îlots de fraîcheur ou encore de végétaliser des toits et des façades.

Je souhaite insister sur la place essentielle de la science et de la connaissance, indispensables pour disposer d'indicateurs robustes.

La réussite d'une telle stratégie nationale suppose enfin une gouvernance pleinement interministérielle. Dans ce contexte, le secrétariat général à la planification écologique a vocation à être la « tour de contrôle » qui permettra le déploiement large et interministériel de la SNB.

Enfin, je tiens à souligner que cette stratégie, dévoilée le 20 juillet dernier, a depuis lors fait l'objet de consultations. Le Comité national de l'eau, le Conseil national de la mer et des littoraux, le Conseil national de la protection de la nature et le Comité national de la biodiversité m'ont chacun rendu un rapport. Ces avis très riches ont conduit à une évolution de la SNB, dont la version finalisée sera présentée très prochainement.

La situation de la nature et du vivant exige aujourd'hui des actions d'ampleur, nécessairement territorialisées. Nous avons plus que jamais rendez-vous avec notre histoire et la France doit y prendre toute sa part.

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Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

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La biodiversité est en déclin. Si nous ne changeons pas notre alimentation et nos modes de production et de déplacement, 40 % des espèces vivantes auront disparu d'ici 2050. Le combat pour le climat, dans lequel le Gouvernement est pleinement engagé, est aussi une bataille en faveur de la biodiversité.

La nouvelle SNB a pour objectif de réduire les pressions exercées sur la biodiversité et de restaurer cette dernière partout où cela est possible, grâce à la mobilisation de tous les acteurs et à la garantie de moyens nécessaires. Nous disposons de nombreux outils pour y parvenir, parmi lesquels la réduction des pollutions liées à l'usage des produits phytosanitaires en agriculture, la limitation de l'introduction d'espèces invasives, la restauration de 50 000 hectares de zones humides d'ici 2026, l'amélioration de la santé des sols, la plantation d'un milliard d'arbres et de 50 000 kilomètres de haies.

Retenu dans le cadre du « loto de la biodiversité », le projet de reconquête des haies et des mares du centre permanent d'initiatives pour l'environnement (CPIE) de Corcoué-sur-Logne, situé dans ma circonscription, participe pleinement de la réussite de cette stratégie. Madame la ministre, vous avez récemment présenté le pacte en faveur de la haie, en lien avec le ministre de l'agriculture. Malgré ses 750 000 kilomètres, le linéaire des haies continue à reculer en France, sous l'effet conjugué d'arrachages et de pratiques de gestion et d'aménagement du territoire non durables. La sauvegarde des haies est aujourd'hui d'un intérêt majeur, tant en termes de préservation de la biodiversité que d'adaptation aux effets du changement climatique. Pourriez-vous, madame la ministre, nous détailler l'ambition de ce pacte et les moyens qui lui seront concrètement affectés ?

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Parmi les gardiens de la biodiversité, il nous semble important de mettre l'accent sur le rôle insuffisamment valorisé des chasseurs dans le maintien de l'équilibre de la faune et de la flore, mais aussi sur celui des agriculteurs, principaux artisans de la beauté de nos paysages et de la qualité dans nos assiettes, qui se retrouvent prisonniers d'une économie mondialisée. Il nous paraît nécessaire de privilégier une communication positive autour de la biodiversité et de proposer systématiquement des solutions alternatives, par exemple dans le cas de la fin de l'utilisation des néonicotinoïdes, problématique dans de nombreuses régions de France.

Madame la ministre, certaines propositions de votre stratégie semblent insuffisamment détaillées ou peu réalistes, si bien que je m'interroge sur la possibilité d'une mise en œuvre concrète. Il y est par exemple question de la création, d'ici 2026, d'un parc dédié aux écosystèmes, d'une surface cinq fois supérieure à celle de Paris : l'idée est séduisante, mais le délai n'est-il pas trop ambitieux ? Vous évoquez également des actions de sensibilisation de la population à la biodiversité. Pouvez-vous nous en donner quelques exemples ?

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Merci, madame la ministre, de rendre visite à cette commission censée s'intéresser à la biodiversité au point de vouloir la protéger, mais dont j'ai pu constater qu'elle n'avait jamais produit de résultat probant. Merci de passer nous voir, même si l'on sait déjà qu'il ne sortira pas grand chose de nos échanges formels. Je n'affirme pas cela par a priori, même si je ne trouve nulle trace d'un quelconque engagement écologique dans votre parcours politique avant le 20 juillet dernier, date de votre nomination à votre poste actuel ; j'ai simplement noté que votre première décision après votre entrée en fonction avait été d'autoriser à tuer davantage de loups, tandis que votre premier tweet était un hommage à une fédération de chasseurs.

Madame la ministre, allez-vous vous engager pour la fin des chasses les plus cruelles et inutiles ? Allez-vous œuvrer à l'interdiction de la chasse à courre, du déterrage des blaireaux, de la chasse en enclos ? Que pensez-vous de la corrida ? Soutenez-vous la proposition de loi que nous avons déposée en vue de son abolition ?

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Je déplore cette remise en cause des travaux de notre commission, totalement injustifiée au regard de l'engagement des collègues qui la composent.

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La troisième stratégie nationale pour la biodiversité a connu une gestation difficile, après deux reports successifs, une présentation en plein remaniement ministériel et la suppression de la moitié de ses mesures par rapport à la version de mars 2022, que votre prédécesseuse Bérangère Couillard jugeait déjà insuffisante. Pourquoi ce retard ? Ne traduit-il pas une certaine fébrilité dans vos choix ?

Le financement est encore incomplet. Malgré 264 millions d'euros supplémentaires alloués en 2024, rien ne garantit que cette montée en puissance se poursuivra les années suivantes. Sans doute vous sera-t-il par ailleurs reproché de ne pas réduire suffisamment les subventions néfastes à la biodiversité.

Les acteurs de la biodiversité vous poussent en outre à rendre la SNB opposable, grâce à une adoption par voie réglementaire. Ne serait-ce pas donner des munitions aux juges et aux ONG pour faire condamner l'État s'il ne parvient pas à remplir ses engagements ?

Vous envisagez enfin de décliner au niveau national le règlement sur la restauration de la nature récemment voté au Parlement européen, qui vise à sortir 10 % des terres de la surface agricole et ramener 20 % du pays à son état d'origine en 2030. Allons-nous sauver la planète en sacrifiant notre sécurité alimentaire et nos agriculteurs ? Allez-vous limiter la fréquentation des sites touristiques, privant ainsi les Français d'un accès à la nature alors même que vous prétendez la leur ramener à moins de 15 minutes de leur lieu de résidence ? Quels projets majeurs d'infrastructures allez-vous enfin sacrifier pour lutter contre l'artificialisation des sols ?

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L'effondrement du vivant est une réalité dramatique. Si rien ne change, on estime qu'un million d'espèces auront disparu d'ici la fin de ce siècle. L'humanité ne survivra pas à cette catastrophe. Nous menons collectivement de nombreux combats essentiels et nobles, en faveur des droits de l'homme, de la liberté des peuples, de la justice ; mais aucun n'est plus important que la défense de la vie elle-même.

Madame la ministre, je sais votre attachement à l'éducation des jeunes générations à la nature et à la connaissance des écosystèmes et salue la présence de ces sujets essentiels dans la stratégie nationale pour la biodiversité. Mais l'efficacité d'une telle sensibilisation passe par la valeur de l'exemple : il nous faut montrer la voie à suivre, en commençant sans plus attendre à changer radicalement nos modes de vie et les règles de fonctionnement des collectivités et entreprises. Attaquons-nous de manière claire et opérationnelle à l'artificialisation des sols, aux pollutions et à certaines pratiques monoculturales intensives. La résilience du monde vivant fera le reste et nous paiera en retour.

Le renforcement de l'éducation au développement durable est l'une des mesures clés de cette stratégie. Il nécessitera une modification profonde du socle des enseignements, sachant qu'actuellement un élève de collège n'a droit qu'à une heure et demie hebdomadaire d'enseignement des sciences de la vie et de la terre. Comment donner à la connaissance du vivant la place prioritaire qu'elle mérite ?

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La nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité est plus ambitieuse que la précédente. Ses intentions sont louables, mais selon le dernier rapport du Club de Rome, il serait nécessaire, pour faire face à l'effondrement de la biodiversité, de changer complètement notre modèle de développement et d'activer rapidement et simultanément les leviers sociaux, agricoles et énergétiques. Le bilan de la SNB 2011-2022 met en évidence le manque de cohérence de l'action publique et la surabondance de politiques sectorielles. Dans son avis consultatif rendu en octobre 2023, le Comité national de la biodiversité recommande l'adoption d'une approche interministérielle. Comment cette dimension est-elle prise en considération dans la nouvelle SNB ?

La restauration de la biodiversité est un élément important, qui ne doit pas conduire à négliger la protection de l'existant. Reconstruire ce qui a été détruit est coûteux, tant financièrement qu'écologiquement. Pouvez-vous nous indiquer si la question de la sobriété est prise en compte dans cette stratégie ?

Vouloir planter 50 000 kilomètres de haies d'ici 2030 est louable. Mais en parallèle, 23 kilomètres de ces mêmes haies sont arrachés chaque année. Le maintien et la protection des haies existantes sont une priorité. Que prévoyez-vous en la matière ?

Vous proposez par ailleurs de planter un milliard d'arbres durant la décennie. Cette annonce a été critiquée par certains scientifiques et acteurs de la forêt, qui craignent que la vision du Gouvernement ne favorise une sylviculture intensive, incitant aux coupes rases. Les experts sont unanimes : les coupes rases doivent être limitées et il est impératif de soutenir une sylviculture mélangée, à couvert continu, respectueuse de l'environnement et de la biodiversité. Nous devons protéger et régénérer les forêts existantes. Cela constitue d'ailleurs l'objet de la proposition de loi transpartisane pour l'adaptation de la politique forestière au changement climatique, travaillée par les députés de cinq groupes politiques de cette commission. Quel regard portez-vous sur ces préconisations ? Comment la nouvelle SNB prendra-t-elle cela en compte ?

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Une stratégie en faveur de la biodiversité est bénéfique en ce qu'elle permet, tout comme les actions menées sur le marché du carbone, de faire changer les mentalités de nos concitoyens et évoluer les cultures d'entreprise. Elle répond à un enjeu majeur d'adaptation aux changements climatiques. L'approche adoptée consiste à faire le compte de l'ensemble de la biodiversité afin de pouvoir compenser son déclin. Je m'interroge sur l'efficacité de cette méthode. Ne devrions-nous pas plutôt nous concentrer sur une réelle compensation carbone, dans le cadre notamment de la renaturation, et éviter les dispositifs aboutissant à un double comptage ? Je pense que nous avons besoin de davantage de lisibilité, pour une meilleure efficacité.

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En quarante ans, le nombre d'oiseaux présents en Europe dans les milieux agricoles a diminué de 60 %. Nous nous dirigeons par ailleurs vers une extinction totale des insectes pollinisateurs d'ici la fin de ce siècle. Durant les deux dernières décennies, les rendements agricoles ont baissé de 20 % au niveau européen du fait des changements climatiques. Nous devons prendre conscience que l'effondrement du vivant aura des conséquences dramatiques pour nos sociétés, en particulier pour la production alimentaire.

Les causes sont connues, les solutions aussi. Les objectifs, trajectoires et stratégies d'action existent. Le plan présenté par le secrétaire général à la planification écologique les a d'ailleurs rappelés récemment. Or plusieurs semblent avoir disparu de la SNB. Quelles en sont les raisons ? Pourquoi l'objectif de restauration des haies n'y est-il pas posé en solde net ? Pourquoi le fait de privilégier la conversion en agriculture biologique et de lutter contre la déconversion sur les zones de captage prioritaires n'y est-il pas mentionné ? Pourquoi aucune hiérarchie n'est-elle effectuée entre les certifications Haute valeur environnementale et Agriculture biologique ? Pourquoi la date d'atteinte des objectifs de la loi « Egalim » n'y figure-t-elle pas ? Pourquoi rien n'est prévu en matière d'objectif de réduction des nitrates ? Pour quelles raisons les prairies permanentes liées à l'extension de l'élevage herbagé ne sont-elles pas évoquées, sauf si elles sont aéroportuaires ?

Madame la ministre, miser sur le hasard ou la chance pour inverser la courbe de perte de biodiversité et restaurer les milieux ne marchera pas. Nous vous appelons à écouter les scientifiques et les associations expertes sur ces sujets, qui soulignent l'insuffisance de cette stratégie, en particulier sur le volet agricole, et indiquent qu'elle nous conduirait à manquer au moins huit cibles du nouveau cadre mondial. Ces experts vous demandent d'en finir avec les subventions néfastes pour la biodiversité, quatre fois plus élevées que les dépenses qui lui sont favorables, en révisant le plan stratégique national de la politique agricole commune (PAC). Ils vous exhortent d'en finir avec les grands projets inutiles qui détruisent nos sols et de sortir de l'ère des toxiques – pesticides, engrais, substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) – qui conduisent à cet effondrement. Allez-vous les écouter ?

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L'espèce Sapiens est désormais la seule du genre homo à peupler notre planète. S'interroger sur la disparition des autres espèces nous permettrait, me semble-t-il, de mieux nous approprier la problématique de la biodiversité. Pourquoi les néanderthaliens, dont nous héritons de 2 à 3 % de notre patrimoine génétique, ont-ils disparu ? Est-ce dû à un appauvrissement génétique, à un désenchantement culturel, à une rupture environnementale, à une stratégie sociale désavantageuse ? Cet élément d'interrogation me paraît pouvoir contribuer à une approche intéressante du vivant en général et de la biodiversité en particulier. Notre propension à éliminer les peuples premiers est également source d'interrogation. Nous devons selon moi nous interroger sur nous-mêmes pour appréhender avec justesse le sujet plus vaste de la biodiversité.

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La lutte contre le réchauffement climatique a trop souvent pris le pas sur la préservation de la biodiversité. Ces deux dimensions sont pourtant intimement liées. Madame la ministre, vous êtes venue nous vanter la stratégie nationale pour la biodiversité, assortie d'une augmentation des crédits alloués à cette problématique. Il importe toutefois, au regard de la situation, de rester humble dans cet exercice de communication politique. Le montant consacré à cet enjeu est en effet d'un milliard d'euros seulement, sur un budget global de 491 milliards d'euros, et les dépenses publiques néfastes pour la biodiversité sont estimées par l'Inspection générale des finances à plus de 10 milliards. Ce milliard risque donc de passer quasiment inaperçu.

Fort heureusement, une idée géniale a surgi : après le patrimoine, la biodiversité aura son jeu de hasard. Qui est vraiment gagnant dans cette opération ? Assurément la Française des jeux qui, grâce à ces pseudo-jeux utiles socialement, dispose de recettes supplémentaires. Cette solution nous semble marginale et il nous paraîtrait plus utile de redonner aux services du ministère et à ses opérateurs de vrais moyens humains et de trouver des sources de financement cohérentes. Il conviendrait tout d'abord que les industriels qui mettent des PFAS sur le marché paient les conséquences des pollutions massives ainsi engendrées.

Quelle stratégie spécifique envisagez-vous par ailleurs pour les outre-mer, qui abritent 80 % de la biodiversité française ? Je rappelle que notre groupe avait proposé un amendement visant à donner à ces territoires des moyens proportionnés aux enjeux.

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Sarah El Haïry, secrétaire d'État

L'objectif du plan en faveur des haies est ambitieux. Nous connaissons parfaitement l'apport essentiel des haies, non seulement dans nos paysages mais aussi dans l'épanouissement de la biodiversité qu'elles abritent, dans la qualité de l'eau, la limitation du risque d'écoulement de boues, la préservation des espaces humides. Pour atteindre son objectif de 50 000 kilomètres linéaires en solde net, c'est-à-dire déduction faite des arrachages, ce pacte s'articule autour de vingt-cinq actions bénéficiant de 110 millions d'euros d'aides. Il a été élaboré en collaboration étroite avec le ministère de l'agriculture, afin de mobiliser les agriculteurs, mais aussi les grands opérateurs comme la SNCF et les entreprises autoroutières. Les collectivités territoriales sont également impliquées, afin d'établir une continuité écologique. Nous misons tout d'abord, pour atteindre l'objectif fixé, sur une simplification de la réglementation : chaque direction départementale des territoires et chaque direction départementale des territoires et de la mer disposeront d'un référent « haies », qui accompagnera les projets de plantation ou de déplacement. Nous posons également un regard très attentif sur la qualité des haies et le modèle économique qui s'y rattache, avec les notions de biomasse et de services écologiques rendus. Nous souhaitons limiter les arrachages et rassurer ceux qui investissent dans nos haies.

Je refuse l'« agribashing » et pense qu'il est absolument nécessaire d'apporter de l'apaisement dans ces débats. Chacun peut et doit prendre sa part dans la lutte pour la préservation de la biodiversité. Les agriculteurs sont à la fois les premiers témoins et les premières victimes du dérèglement climatique. D'ici moins d'une décennie, 40 % d'entre eux vont partir à la retraite. Nous devons accompagner la nouvelle génération et lui donner les moyens de faire face à cette transition et aux conséquences qui en découlent.

Je tiens par ailleurs à vous rassurer sur le fait que la création du futur grand parc national n'interviendra pas avant 2026 et uniquement si elle est validée dans le cadre de concertations locales. Les réflexions sont en cours et la naissance d'un tel espace suppose un groupement d'intérêt public, un projet préfigurateur et un dialogue local.

La mobilisation de tous est nécessaire à la réussite de la SNB : entreprises, associations, collectivités, mais aussi consommateurs, pour lesquels se pose aujourd'hui la question de l'opportunité de l'affichage environnemental, qui sera déployé en premier lieu sur les produits textiles et agroalimentaires, puis progressivement sur l'ensemble des biens et services. Les chasseurs participent eux aussi à des projets liés à la préservation de la biodiversité et s'acquittent d'une écocontribution.

Je m'oppose dans ces débats à toute caricature des uns et des autres, qu'il s'agisse des chasseurs, des agriculteurs, des députés ou de moi-même. Sachez que mon engagement écologique a commencé en 2007.

Les reports observés dans l'élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité sont tout d'abord liés au contexte mondial et aux difficultés relatives à la crise sanitaire. J'ai par ailleurs, à mon arrivée, accordé à sa demande un délai au Comité national de la biodiversité, qui souhaitait bénéficier de quelques semaines supplémentaires pour finaliser son rapport.

Il n'existe aucune perte de mesures entre les différentes versions du texte, mais bien au contraire des renforcements. Je suis tout particulièrement sensible à la question des subventions néfastes. Le rapport élaboré par l'Inspection générale des finances en collaboration avec l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable est de très grande qualité. On estime à 10 milliards d'euros le montant de ces subventions, dont 6,7 milliards liés aux pratiques agricoles et à la PAC. La question se pose aujourd'hui de savoir comment limiter ces subventions, tout en augmentant les budgets alloués à la renaturation et à la restauration de la biodiversité. Cela suppose par ailleurs d'accompagner le monde agricole dans cette transition. Le ministre des comptes publics est pleinement mobilisé sur le sujet et j'ai la conviction que nous parviendrons à réduire le niveau de ces subventions néfastes.

La question m'a également été posée du caractère opposable ou non de la SNB. L'une des propositions émises dans le rapport du Comité national de la biodiversité vise à présenter devant l'Assemblée nationale et le Sénat le bilan et le suivi de l'évaluation de cette stratégie. Je suis favorable à cette idée d'un contrôle exercé par les parlementaires plutôt qu'à celle de rendre le document opposable.

Il semble évident qu'une sensibilisation aux enjeux liés à la biodiversité est nécessaire dès le plus jeune âge. Le ministère de l'éducation nationale est pleinement impliqué dans la SNB. L'objectif d'augmentation du nombre des aires éducatives maritimes et terrestres de 1 000 à 18 000 procède de cette logique, puisque cela doit permettre à environ une école ou un collège sur trois de disposer de l'une de ces aires à proximité de son lieu d'implantation et d'en profiter pour s'approprier la biodiversité ordinaire, du quotidien. Les grandes espèces emblématiques ne sont en effet que l'un des éléments de la biodiversité. Il importe également de se préoccuper de la qualité des sols, des espaces forestiers de proximité. Nous allons ainsi, en lien étroit avec les ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et grâce à la mobilisation du Conseil supérieur des programmes, travailler à l'intégration de l'éducation au développement durable dans les enseignements. Nous souhaitons aussi former davantage les enseignants, qui bénéficieront dès 2024 de modules spécifiques consacrés à la biodiversité.

La notion de sobriété est une dimension de la stratégie nationale pour la biodiversité : elle y apparaît comme le premier maillon de la philosophie visant à éviter, réduire et compenser. Nous sommes, de fait, confrontés à une raréfaction des ressources. Alors que l'on prévoit, à l'horizon 2050, une diminution de la ressource en eau pouvant aller jusqu'à 40 %, la SNB comporte un objectif de réduction de 10 % des prélèvements en eau. Cela concernera l'ensemble des acteurs : industriels, consommateurs et agriculteurs, qu'il faudra accompagner dans cette évolution. Une réunion s'est d'ailleurs tenue hier matin au ministère de l'agriculture avec les présidents des comités de bassin et les directeurs des agences de l'eau pour aborder la question de la sobriété et des zones de captage.

Se pose également dans ce cadre la question de la réutilisation des eaux usées traitées (« Reut ») et de la tarification sociale et progressive de l'eau. Dans les prochaines semaines, sera publié un décret sur le recours à la Reut dans le monde agroalimentaire. Nous travaillons par ailleurs ardemment pour que cela s'applique aussi aux usages domestiques.

Il est en outre nécessaire de promouvoir la sobriété foncière, par l'intermédiaire des travaux menés sur l'objectif de « zéro artificialisation nette des sols », dans le cadre notamment des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet).

L'avenir et la santé de nos forêts apparaissent également comme des points d'attention majeurs. Leur adaptation au changement climatique impose une diversification des essences ainsi qu'un encadrement des coupes rases.

La mobilisation des entreprises pose la question de comment accompagner la transition et faire de l'investissement dans la biodiversité un combat jumeau de celui en faveur du climat. Plusieurs outils vont être présentés dans les prochains mois : je pense par exemple à la transposition par le Parlement, d'ici la fin 2023, de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui permettra d'éviter une dispersion des financements dans les grandes entreprises. Des travaux sont également en cours sur le label d'excellence environnementale européenne, qui permettra de reconnaître les efforts entrepris par les entreprises dans ce domaine.

Concernant les haies, le chiffre avancé est un solde net, qui prend évidemment en considération les arrachages. L'ambition est donc particulièrement forte.

Vous m'avez interrogée sur le plan d'action sur les prairies naturelles, dont je vous confirme qu'il sera inclus dans la stratégie nationale pour la biodiversité. Ce plan sera piloté par l'Office français de la biodiversité (OFB), en lien avec les conservatoires botaniques et certains acteurs du monde agricole.

En matière de lutte contre les pesticides, notre objectif est d'atteindre une baisse de 50 % de leur utilisation d'ici 2030.

La question des subventions néfastes à la biodiversité a été abordée à plusieurs reprises : j'en fais un vrai combat. Nous disposons à ce propos d'un rapport d'une très grande qualité élaboré par les inspections générales. Sur les 10 milliards d'euros de subventions recensés, 6,7 milliards concernent le domaine agricole. Divers leviers existent pour agir dans ce domaine. La stratégie nationale pour la biodiversité s'inscrivant dans le cadre de la planification écologique, nous disposons de moyens interministériels. Soyez assurés que les ministères de l'agriculture, de l'économie et du logement sont pleinement impliqués dans cette démarche.

Aujourd'hui, l'agriculture biologique traverse une crise historique, avec des risques de déconversion. Le marché s'effondre et il est plus que jamais nécessaire de soutenir la filière. Plusieurs mesures sont mises en œuvre en ce sens, en collaboration avec le ministère de l'agriculture. Un plan de communication est également à l'étude, demandé par la filière elle-même. Je porte par ailleurs un projet concernant les zones de captage, qui font partie de l'accompagnement à apporter aux agriculteurs. Il convient aussi de voir comment promouvoir à plus large échelle les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), qui fonctionnent très bien dans certains territoires.

Vous avez indiqué que la SNB pourrait être plus ambitieuse dans le cadre de la transition agricole. Cela fait partie des travaux en cours de finalisation, qui pourront vous être présentés de façon exhaustive dans les prochaines semaines.

Je partage tout à fait votre analyse, monsieur Wulfranc, sur la nécessité d'articuler l'urgence de la transition écologique avec une réflexion sur le temps long. Je participe cet après-midi au One planet polar summit, lors duquel va être évoquée la situation d'urgence dans laquelle se trouvent nos glaciers. Cela nous invite à être conscients de l'inscription de cette démarche dans une histoire et du fait que la nature est aujourd'hui l'une de nos meilleures assurances vie.

D'aucuns ont évoqué avec une certaine ironie le « loto de la biodiversité ». Cette idée, portée par le président Jean-Marc Zulesi, avait également été citée lors de la Convention citoyenne sur le climat. L'avenir de la planète ne se résume bien évidemment pas à cela : il s'agit plutôt d'imposer la biodiversité comme un sujet populaire, présent dans le quotidien de nos concitoyens, quels que soient leur âge et leur lieu de résidence. Le loto du patrimoine a réussi à mettre en lumière la beauté du bâti de proximité. Nous souhaitons, de même, sensibiliser les Français aux enjeux et à la diversité de la nature qui les entoure, ainsi qu'aux projets mis en œuvre dans leur environnement proche.

L'accent a enfin été mis sur la nécessité de recruter des hommes et des femmes pour accompagner ces transitions. Sachez que pour la première fois depuis les quinze dernières années, plus de 66 équivalents temps plein vont être recrutés au sein des agences de l'eau et plus d'une centaine d'agents vont rejoindre les services du ministère, notamment dans les territoires.

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Nous en venons aux questions des autres députés.

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La situation de la biodiversité impose de réagir avec force et rapidité. La difficulté majeure tient aujourd'hui à la territorialisation des règles. Je pense notamment aux plans locaux d'urbanisme (PLU) de 2012, dont les « surfaces à urbaniser en priorité » vont parfois à l'encontre de la protection de la biodiversité : or ces textes ne sont pas opposables, alors même que les règles ont changé. Ainsi, certains lotissements détruisent des habitats de faune sauvage, portent atteinte à des trames vertes et ne respectent pas des espèces protégées, sans aucun recours possible. Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour changer ces règles ?

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La tempête Ciaran a récemment causé la chute de nombreux arbres, dans l'espace public comme chez des particuliers. Les rapports du Haut Conseil pour le climat et du secrétariat général à la planification écologique nous rappellent régulièrement que nos forêts sont fragilisées par les effets du réchauffement climatique et ne jouent plus leur rôle de captage du dioxyde de carbone. Quelles solutions envisagez-vous pour faire face à ce problème ?

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La mesure 22 de la stratégie nationale pour la biodiversité vise à renforcer la résilience des écosystèmes forestiers et préserver la biodiversité et les services rendus par les forêts. Le contexte climatique actuel nous alerte, avec une perte de captage du dioxyde de carbone par les arbres, des incendies plus nombreux et une biodiversité en déclin. Si l'industrie du bois doit être préservée et se développer pour satisfaire nos besoins en matériaux de construction et décarboner nos usages, nos forêts doivent également faire l'objet d'une attention particulière. La SNB prévoit ainsi la mise sous protection forte de 180 000 hectares supplémentaires de forêt en Guyane et de 70 000 hectares dans l'Hexagone par la création de nouvelles réserves biologiques, avec un objectif de protection de 10 % de la forêt domaniale. Disposez-vous d'indicateurs permettant de préciser l'état d'avancement de ces actions et de savoir si les buts fixés pourront être atteints ?

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En 2022, votre prédécesseure, Mme Bérangère Abba, a lancé le plan national pour les milieux humides, dans le but de créer un douzième parc national dédié à ces espaces. 18 sites ont ainsi été identifiés et retenus, dont celui du marais breton et de la baie de Bourgneuf, en Vendée. Localement, ce projet concentre autant de mécontentements qu'il suscite d'interrogations, en raison essentiellement de la possible interdiction dans cette zone de toute activité humaine, jugée incompatible avec la labellisation envisagée. Lorsque les inspecteurs de la mission sont venus sur site voici un peu plus d'un an, la réunion organisée avec divers acteurs du territoire, dont des élus locaux, a été particulièrement houleuse et interrompue par une centaine de manifestants. Ce projet ambitieux est-il toujours d'actualité ?

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En juillet 2023, le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML), dont je préside le bureau, a été saisi pour avis sur la stratégie nationale pour la biodiversité. Il a constaté une évolution positive par rapport à la version de février 2022 et salué le travail interministériel réalisé. Le CNML a rendu un avis favorable, assorti de quelques recommandations. Il conviendrait selon lui que la SNB s'accorde mieux avec les objectifs détaillés de la stratégie nationale mer et littoral, développe davantage l'approche paysagère, prête plus d'attention à la question de la pollution sonore sous-marine, fixe des objectifs en termes d'effectivité pour le réseau Natura 2000 et envisage une refonte globale de la gouvernance des espaces maritimes. La mer et les littoraux doivent être au cœur de notre stratégie nationale pour la biodiversité. Madame la ministre, pouvez-vous m'assurer que les recommandations du CNML seront prises en compte dans la version définitive du texte ?

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Les récents épisodes de sécheresse et d'incendies ont montré combien la forêt française pouvait pâtir des changements climatiques. Or les arbres constituent une arme efficace non seulement pour faire face au réchauffement, grâce à la captation de carbone, mais aussi pour préserver et développer la biodiversité. Ils offrent un abri bénéfique à la faune et à la flore, notamment aux pollinisateurs dont on connaît l'importance en matière de fertilisation des cultures. Le Président de la République a annoncé en octobre dernier l'objectif de plantation d'un milliard d'arbres à l'horizon d'une décennie, afin de remédier à la diminution de la surface forestière française. Pouvez-vous nous indiquer l'état d'avancement de ce plan, ainsi que son articulation avec la stratégie nationale pour la biodiversité ?

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Nous sommes nombreux, au sein de cette commission et de la majorité, à avoir porté un amendement prévoyant pour les collectivités territoriales la nécessité d'évaluer, lors de la présentation de leurs comptes administratifs, leur contribution à la transition écologique. Parmi les critères d'évaluation des politiques de transition écologique, celui relatif à la biodiversité est certainement l'un des plus difficiles à évaluer. Comment vos services travaillent-ils sur cette question, en lien avec l'Institut de l'économie pour le climat ?

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Découvert en France en 2004, le frelon asiatique constitue un fléau pour la filière apicole, les populations d'abeilles domestiques et l'ensemble de nos concitoyens. De nombreux projets de recherche ont été conduits en vue de remédier à cette situation et accompagner la filière apicole. Fin 2022, un plan national a été lancé afin de préserver le rôle essentiel des insectes pollinisateurs dans l'équilibre des écosystèmes naturels. Il semble désormais nécessaire de travailler, en complément et en lien avec la stratégie nationale pour la biodiversité 2030, à l'élaboration d'un plan national de lutte contre ce parasite. Pouvez-vous nous faire part des réflexions en cours à ce propos et nous assurer de la pleine détermination de votre ministère à donner des perspectives concrètes, techniques et scientifiques pour le développement et la mise en œuvre de méthodes de lutte efficaces contre le frelon asiatique ?

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Du 8 au 10 novembre 2023, se déroule à Paris, sous l'égide du Président de la République, le premier sommet international consacré aux glaciers et aux pôles. La fonte irréversible des calottes glaciaires et polaires pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l'élévation du niveau de la mer dans des zones densément peuplées, touchant potentiellement plus de deux milliards d'êtres humains. En 2022, la France a adopté sa stratégie pour les pôles, avec une feuille de route des actions à mener à l'horizon 2030. Les enjeux sont énormes et la demande sociétale croissante. L'ONU a adopté une résolution pour que 2025 soit l'année internationale de la préservation des glaciers. Quelles actions envisagez-vous de mener pour que la France joue un rôle moteur dans cette démarche mondiale ?

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La cohabitation avec certaines espèces qui prolifèrent de manière exponentielle en milieu rural présente de nombreux inconvénients. Le passage de hardes de sangliers sur un terrain peut y anéantir toute forme de végétation. Dans ce contexte, comment envisagez-vous le maintien de l'équilibre entre l'agriculture, la forêt et la chasse ?

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Oubliées depuis des décennies, nos rivières ne sont plus entretenues. Le curetage des cours d'eau permet pourtant d'éviter les inondations, favorise le stockage de l'eau et contribue à la qualité de nos paysages. Allez-vous faire de la restauration de nos rivières une priorité ?

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Madame la ministre, connaissez-vous l'alouette des champs ou la fauvette grisette ? Ces espèces d'oiseaux des milieux agricoles ont perdu un individu sur trois depuis une quinzaine d'années. De manière plus générale, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) estime la baisse du nombre d'oiseaux depuis 1980 à plus de 800 millions. Cette commission mène une mission d'information portant sur la biodiversité dans les paysages agricoles. Tous les scientifiques que nous avons auditionnés dans ce cadre nous l'ont confirmé : continuer à subventionner un modèle agricole s'inspirant de l'agrobusiness conduirait les paysans et la biodiversité à leur perte. Aujourd'hui, moins de 5 % des subventions agricoles publiques accompagnent les agriculteurs vers la transition. Nous connaissons pourtant l'importance des oiseaux dans les écosystèmes, pour réguler les populations d'insectes ravageurs. Les paysans ne demandent qu'à pouvoir vivre d'un modèle agricole préservant les paysages. Or les politiques publiques actuelles ne le permettent pas. Madame la ministre, pousserez-vous le ministre de l'agriculture à revenir sur sa déclaration selon laquelle la future loi d'orientation et d'avenir agricole ne sera pas une loi de transition ?

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Les récifs coralliens sont de véritables oasis de vie, qui abritent plus de 25 % de la biodiversité marine mondiale. Vous annoncez vouloir les protéger intégralement d'ici 2025 : nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais dans le même temps, est en construction à Tahiti, en plein récif corallien, une tour pour les juges de l'épreuve de surf des Jeux olympiques de 2024 : d'une hauteur de 14 mètres, elle se composerait de douze plots en béton plantés dans le platier corallien, de dizaines de micro-pieux enfoncés à 2 mètres de profondeur, pour un bâtiment en aluminium relié à la terre par une canalisation en fonte de 800 mètres. Aucune étude d'impact n'a été réalisée, puisque cela n'avait pas de caractère obligatoire. Seule une notice d'impact est disponible, sans inventaire de la faune ni de la flore. Les travaux ont été interrompus grâce à la mobilisation des habitants et un autre site est envisagé. Le Gouvernement est-il prêt à s'engager à ce que l'épreuve de surf des Jeux olympiques 2024 soit déplacée ? D'après le Fonds mondial pour la nature (WWF), un quart des récifs coralliens a déjà subi des dégâts irréversibles du fait des activités humaines. Et si, pour protéger les coraux, on commençait par ne pas les détruire ?

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Je m'apprête à présenter une proposition de loi en faveur d'un moratoire sur les mégabassines, ces grands ouvrages qui pompent l'eau dans les nappes phréatiques ou les cours d'eau pour l'irrigation agricole. On leur reproche leur impact sur la biodiversité et le déséquilibre qu'elles induisent sur le cycle de l'eau. Madame la ministre, vous avez indiqué être très sensible à la question des subventions néfastes à la biodiversité et porter une attention particulière à la raréfaction des ressources, notamment en eau : que pensez-vous de l'utilisation de l'argent public pour financer ces mégabassines ?

Dans une première version du projet de loi d'orientation et d'avenir agricole (PLOAA), il était en outre prévu que le secteur puisse échapper à l'objectif de baisse de 10 % des prélèvements d'eau inscrit dans la stratégie nationale pour la biodiversité. Seriez-vous en désaccord avec ce point de la LOAA s'il devait figurer dans le texte ?

Marc Fesneau, ministre de l'agriculture, affirmait en septembre 2023 son intention de donner aux mégabassines un statut d'exception, invoquant la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) pour les soustraire au droit de l'environnement et faciliter les dérogations au schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage). Que pensez-vous de l'application de la RIIPM dans ce contexte ?

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L'automne est une période cruciale pour les apiculteurs, dont les colonies d'abeilles se préparent à passer l'hiver autour de leur reine. Mais au printemps prochain, ils constateront l'étendue des dégâts causés dans leurs ruches par le frelon asiatique. Deux méthodes permettent de combattre ce fléau : le piégeage et la destruction des nids. En France, le frelon asiatique est classé dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l'abeille. S'il était en catégorie 1, la destruction des nids serait systématiquement financée, ce qui n'est actuellement pas le cas. Quels dispositifs comptez-vous développer pour permettre une lutte efficace contre cette espèce exotique invasive ?

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Madame la ministre, je souhaite tout d'abord vous présenter mes excuses, puisqu'il semblerait que je vous aie accusée à tort de n'avoir eu aucun engagement notable en faveur de l'écologie avant d'être nommée à vos fonctions actuelles. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistait cet engagement ?

Je souhaiterais par ailleurs que vous répondiez à mes questions sur l'interdiction des chasses cruelles et l'abolition de la corrida, que nous réclamons.

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Je souhaiterais évoquer l'instauration de forêts primaires sur divers territoires, notamment dans le département des Ardennes et la circonscription que j'ai l'honneur de représenter. Ce projet inquiète énormément les élus locaux, mais aussi de nombreuses associations de chasseurs, pêcheurs et usagers de la forêt. L'État a instauré des dispositifs pour aider ce territoire à faire face aux difficultés économiques auxquelles il est confronté et redynamiser le bassin d'emploi. Or la mise sous cloche de la forêt de Nord Ardennes préconisé par l'association Francis Hallé viendrait marquer l'arrêt de toute activité humaine sur son périmètre. Nous sommes très inquiets et je souhaiterais connaître votre sentiment sur le sujet.

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L'annonce du Président de la République concernant la plantation d'un milliard d'arbres durant la prochaine décennie a suscité diverses critiques, d'aucuns estimant préférable d'accompagner les forêts existantes. Ne craignez-vous pas de retomber dans les travers du plan de relance, avec un financement de 87 % des coupes rases et 83 % des plantations en monoculture ? Nos pépiniéristes disposent-ils de suffisamment de graines et plants d'essences adaptées pour satisfaire aux exigences d'un tel plan de charge ?

La SNB prévoit un plan d'action visant à préserver les sols forestiers et les forêts anciennes, à la valeur écologique exceptionnelle. Que recouvre-t-il précisément ?

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La préservation de la biodiversité est indissociable de la protection des milieux et de la ressource en eau. J'ai l'honneur, avec mon collègue Yannick Haury, d'être corapporteur d'une mission d'information sur l'adaptation de la politique de l'eau au défi climatique. Je souhaiterais profiter de votre présence pour recueillir votre avis sur l'efficience du plan Eau. Considérez-vous que les résultats des premières mesures engagées sont à la hauteur des objectifs affichés ?

Si nous saluons le relèvement du « plafond mordant » des agences de l'eau, il n'en demeure pas moins que la politique de l'eau continue, à travers l'OFB, à financer les actions pour la biodiversité à hauteur de 400 millions d'euros en 2024. Ne pensez-vous pas, au regard du caractère prioritaire de la protection de la biodiversité, que le financement des actions de l'office devrait être supporté directement par l'État ?

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La stratégie nationale pour la biodiversité doit s'inscrire dans une démarche consensuelle et garantir notre souveraineté alimentaire. Un nouveau plan Écophyto est en cours d'élaboration par le ministre de l'agriculture, avec l'objectif de limiter l'usage des produits phytosanitaires. Qu'en est-il de la promesse faite au Salon de l'agriculture par la Première ministre de raisonner selon le schéma « pas d'interdiction sans solution alternative » ? Quels moyens prévoyez-vous de consacrer à l'accompagnement des agriculteurs ?

Le projet de loi de finances pour 2024 propose une hausse de la redevance pour pollutions diffuses. Le Gouvernement dispose-t-il d'autres leviers que la fiscalité pour accompagner le monde agricole vers des productions plus respectueuses de l'environnement ? Serez-vous une partenaire pour nos agriculteurs ?

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Les collectivités locales dépensent près d'un milliard d'euros par an en faveur de la biodiversité, soit autant que l'État en 2024. La SNB prévoit que la nouvelle génération de contrats de relance et de transition écologique (CRTE), qui peine à convaincre les élus locaux, comprenne systématiquement un volet relatif à la biodiversité. Pouvez-vous détailler ces futures contraintes, qui trahissent une volonté de mise sous tutelle des investissements et projets d'aménagement des collectivités, déjà entamée avec le fonds vert et la dotation biodiversité des communes rurales ?

Alors que le Gouvernement s'apprête à lancer des COP régionales sur le climat, quelle marge de manœuvre laisserez-vous aux régions pour définir leur stratégie en matière de biodiversité ? En quoi consistera le pilotage des préfets ? Relancerez-vous des espaces de dialogue entre l'État et les collectivités ?

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Madame la ministre, pourriez-vous nous présenter le rôle et le bilan de la police de l'environnement ? Pensez-vous en augmenter les effectifs, compte tenu des difficultés rencontrées notamment sur la question de l'eau ?

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La préservation et la restauration des haies sont une priorité que vous partagez avec le ministère de l'agriculture. Il me semble important de rappeler qu'une haie existante, a fortiori si elle est séculaire ou multiséculaire, n'est pas remplaçable en l'état par une haie replantée. Faire cesser dès à présent l'arrachage des haies apparaît donc comme une priorité, d'autant que les paysages agricoles qui abritent ces formations sont hérités d'un passé long et constituent des lieux privilégiés pour expérimenter les grands projets d'agroécologie salutaires pour l'agriculture française.

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Je souhaiterais vous alerter sur l'impact du déploiement de la fibre optique aérienne le long des haies qui bordent les routes. Les agriculteurs se trouvent en effet face à des travaux d'élagage imposés, qu'ils ne peuvent valoriser puisque les coupes demandées sont prématurées. Ces tailles peuvent en outre engendrer le dépérissement des arbres, tandis que le travail supplémentaire ainsi requis risque de provoquer un désintérêt des agriculteurs pour les haies. Comment répondre à cette situation et aider les agriculteurs ? Quelles actions entreprendre auprès des opérateurs de télécommunications ?

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La restauration des zones humides constitue un élément essentiel de préservation de la biodiversité. Ces espaces multifonctionnels abritent en effet d'innombrables espèces, parfois uniques, et sont des pièges à carbone qui participent à la lutte contre le dérèglement climatique. Ce sont aussi des exutoires naturels lors des crues exceptionnelles comme celle que connaissent actuellement les habitants de ma circonscription. La fragilité de ces milieux, très majoritairement façonnés par la main de l'homme, tient à notre capacité à les maintenir ouverts et vivants, d'où l'absolue nécessité d'y conserver des activités agricoles, d'élevage, de maraîchage, de chasse et de pêche. Quels moyens envisagez-vous de mobiliser afin de garantir les fonctionnalités essentielles de ces zones humides ?

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La fragmentation et la destruction des habitats naturels figurent parmi les principales causes de l'effondrement de la biodiversité. Pour y remédier, les précédentes SNB ont notamment préconisé la préservation et la restauration des trames vertes et bleues, corridors écologiques vitaux pour connecter entre eux les réservoirs de biodiversité, permettre à la faune de se déplacer et ainsi assurer l'échange génétique nécessaire à la survie des espèces. Comment pensez-vous prendre en charge efficacement ces espaces qui s'étendent sur plusieurs régions, alors même que ces dernières planifient séparément la gestion de leurs territoires au travers de schémas d'aménagement présentant des outils et des niveaux d'ambition très différents ?

Le principal problème de ces trames vertes et bleues réside dans leur faiblesse juridique : leur caractère non opposable rend leur mise en place concrète très incertaine et souvent inopérante. Comment la SNB va-t-elle surmonter cette difficulté ? Entendez-vous conférer à ces corridors écologiques une réelle opposabilité ?

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Je souhaite évoquer l'incompatibilité entre mégabassines et protection de la biodiversité. On nous explique que l'eau nécessaire à l'alimentation de ces bassines sera prélevée lorsqu'il s'en trouvera en excès. Outre que cet argument est inexact puisque l'eau est en réalité pompée dans les nappes phréatiques, il faut savoir qu'il n'y a jamais trop d'eau pour les milieux : même les crues permettent de décolmater des sols ou construire des habitats naturels. Ces apports abondants d'eau douce sont indispensables pour les écosystèmes côtiers et les estuaires, notamment pour les activités conchylicoles et la pêche. Les bassines dégradent les écosystèmes locaux, comme en témoigne l'assèchement du marais poitevin, et menacent les milieux côtiers et estuariens. Comment comptez-vous protéger nos écosystèmes si le Gouvernement continue à défendre les mégabassines ?

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La région des Pays de la Loire compte quarante-sept captages d'eau prioritaires, dont ceux de Missilac, fermé en urgence en juin 2023 pour pollution en raison de taux de diméthylsulfamides vingt-six fois supérieurs à la norme, et de Nort-sur-Erdre, qui présente des taux de nitrates et de pesticides préoccupants. Seulement 11 % des masses d'eau de cette région sont en bon état écologique, dont 1 % en Loire-Atlantique. Cette situation illustre l'échec patent de la protection des captages. Des signaux faibles montrent que l'exécutif cherche à se saisir de la question, mais nous sommes encore loin du compte. L'action 5 de la stratégie nationale pour la biodiversité manque d'ampleur. La démarche de réduction des pesticides doit permettre aux préfets d'interdire l'usage de ces substances sur les aires de captage, mais il apparaît par ailleurs que le plan de reconquête de l'eau en Pays de la Loire s'arrête brutalement au bout de quatre ans, sans la moindre évaluation. Dans ces circonstances, quand pensez-vous pouvoir constater une amélioration durable et conséquente de la qualité de l'eau dans cette région ?

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La troisième SNB prévoit la formation de l'ensemble des maires de France, mais aussi des cadres de l'État et des collectivités territoriales aux enjeux de la biodiversité et du climat. Par qui cette formation sera-t-elle dispensée ? Quels seront les moyens mis en œuvre à cette fin ?

L'une des conditions permettant d'assurer l'efficacité des mesures affichées dans la stratégie est sans nul doute la transversalité des actions entre ministères. Il semble toutefois n'exister aucune obligation en la matière. Dès lors, comment s'assurer de l'effectivité d'une démarche réellement interministérielle ?

La SNB prévoit en outre la création d'un service chargé d'accompagner les entreprises dans leurs obligations de lutte contre les trafics d'espèces menacées, la déforestation ou l'importation de minerais issus de conflits : quel sera ce service et de qui sera-t-il composé ?

Vous deviez annoncer cet automne l'emplacement du futur parc national des zones humides : qu'en est-il ?

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Certaines lois étudiées et votées au Parlement sont détournées ou contournées pour autoriser des projets allant à leur encontre, avec l'approbation plus ou moins tacite de tous. Nos concitoyens sont désabusés en raison du fossé constaté entre les stratégies nationales pour la biodiversité et la réalité du terrain, du fait de projets écocides menés notamment à La Réunion, dont ceux de l'incinérateur ou du Parc du volcan. Assurer l'équilibre entre développement économique et conservation de la biodiversité est une réelle préoccupation dans nos outre-mer. Quel regard portez-vous sur cette question ?

Les espèces endémiques des territoires ultramarins figurent parmi les plus menacées. Comment le plan de conservation prévoit-il de les protéger et quel budget sera alloué à ce volet ?

Comment le Gouvernement entend-il promouvoir des pratiques agricoles durables et respectueuses de la biodiversité dans les outre-mer de la zone tropicale ?

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Sarah El Haïry, secrétaire d'État

Plusieurs des questions que vous m'avez adressées concernaient la prise en compte de la biodiversité dans la mise en œuvre de certains documents d'aménagement du territoire, qu'il s'agisse des PLU ou des trames vertes. Le préalable indispensable réside dans le diagnostic, avec l'ambition forte que les éléments de continuité écologique se retrouvent à terme inclus dans les travaux de planification, qu'il s'agisse des Sraddet, des PLU, des plans locaux d'urbanisme métropolitains (PLUm) ou des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi). Cette démarche sera progressive et il n'existe pour l'instant aucun projet d'obligation dans un calendrier à court ou moyen terme.

Nombre de vos interventions renvoyaient à la situation d'affaiblissement global de la forêt française et aux moyens à mettre en œuvre pour y remédier. L'un des enjeux majeurs pour l'avenir de nos forêts réside dans leur gestion et leur accompagnement face aux changements climatiques. Cela suppose une démarche conjointe de diagnostic et d'entretien. Le changement climatique abîme et fragilise notre forêt, cause des maladies, crée un stress hydrique extrêmement délétère. S'y ajoute le fait que le massif forestier français est très morcelé, divisé entre parcelles publiques et privées, dont certaines très petites et mal entretenues par des propriétaires que l'on ne parvient pas toujours à identifier. Cela soulève la question du rôle potentiel des élus locaux, qui peuvent avoir un regard sur cette situation, et demain s'ils le souhaitent une mission pour accompagner les forêts sur les territoires, en termes notamment de gestion des risques lors d'épisodes de tempête ou d'incendie par exemple. Les secteurs boisés et arborés sont mis en péril par la brutalité du dérèglement climatique et l'adaptation des essences et des forêts est une priorité. Des moyens considérables sont dégagés à cette fin dans la loi de finances, à hauteur de 250 millions d'euros. Nous portons par ailleurs, avec le ministère de l'agriculture, un plan forestier fort, comportant des éléments sur la santé de la forêt, la question des propriétés, le rôle de l'Office national des forêts (ONF), les inventaires forestiers ou encore la qualité des sols, afin d'apporter des réponses, notamment aux particuliers.

Il importe aujourd'hui de ne pas envisager uniquement cette question sous l'angle de la sylviculture, mais d'adopter une vision plus globale de la forêt comme écosystème essentiel à la stratégie nationale pour la biodiversité, en termes notamment d'intérêt écologique ou de captation de carbone.

Les Assises de la forêt ont mis en lumière en 2022 des bases de réflexion extrêmement solides, partagées par différents acteurs. La proposition de gouvernance élargie qui en a résulté est en train de se mettre en place et garantit pour demain un regard multiple sur les problématiques auxquelles la forêt est aujourd'hui confrontée.

Assurer une stratégie de maintien de la qualité de nos forêts sur le long terme suppose de travailler sur les questions de renouvellement forestier, d'entretien des massifs, de diversification des essences et de paiement des services écologiques rendus. Il conviendra en outre de publier le plan national d'action « Vieux bois et forêts subnaturelles », qui me tient particulièrement à cœur. Les ambitions de la feuille de route pour la forêt et celles de la planification inscrite dans la SNB sont très bien coordonnées. J'aurai l'occasion de vous les présenter dans le détail si cela vous intéresse.

Le Président de la République a annoncé que chaque élève de 6ème planterait un arbre au cours de la prochaine décennie. Au-delà de la force symbolique du geste, cela témoigne de l'engagement de la nation en faveur de la régénération de la forêt. Le chiffre d'un milliard n'a pas été choisi au hasard. En effet, on plante déjà en France entre 50 et 60 millions d'arbres par an. L'idée est donc de doubler l'effort de reboisement. La question de la disponibilité des graines et des essences sera un élément majeur dans la réussite de ce projet et nécessitera une mobilisation collective des pépiniéristes. Le coût de cette opération est estimé à plus de 150 millions d'euros.

L'avis rendu par le Conseil national de la mer et des littoraux dans le cadre de l'élaboration de la SNB est de grande qualité. Il a fait l'objet d'une analyse approfondie et m'a conduite à demander à mes services de travailler à une meilleure articulation entre les plans existants et la stratégie nationale pour la biodiversité. Ce document a contribué à enrichir notre réflexion sur différents aspects tels que la pollution sonore sous-marine, en lien avec la directive-cadre sur la stratégie des milieux marins, ou encore l'idée de développer une gouvernance des espaces maritimes. Je puis ainsi vous assurer que ce rapport trouvera pleinement sa place tant dans la stratégie nationale pour la biodiversité que dans la planification écologique. Les milieux littoraux et marins sont en effet des éléments majeurs dans la démarche de préservation de la biodiversité.

Comment aller vers une systématisation des budgets verts dans les collectivités territoriales ? Je rappelle que la France a été le premier État à présenter un budget vert, incluant une analyse de l'impact environnemental. L'objectif de cette démarche est de mieux intégrer les enjeux environnementaux dans les politiques publiques. Le principal apport de cette budgétisation verte est d'institutionnaliser et de systématiser autant que possible des moments d'échanges sur les enjeux des discussions budgétaires. Nous souhaitons étendre progressivement cette démarche à l'ensemble des budgets publics, notamment aux budgets locaux. Différentes actions sont entreprises en ce sens et supposent de perfectionner les outils. L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés tient au fait que les indicateurs relatifs à la biodiversité ne sont pas consensuels. Divers acteurs y réfléchissent actuellement. Diffuser ces budgets verts au sein des collectivités nécessite un travail méthodologique et, je l'assume, l'utilisation d'une métrique pour l'instant encore imparfaite. Cela permettra de commencer à avancer sur ces questions et d'acculturer les instances territoriales au sujet des budgets verts. S'ensuivra une unification des méthodes, nécessaire à la comparabilité des résultats. Le Gouvernement proposera à cette fin, à l'issue de plusieurs concertations, la mise en œuvre d'une démarche de budget vert en deux temps, avec un accompagnement méthodologique et des moyens adaptés, permettant d'avancer sur ce dossier avec les collectivités volontaires. Cela se traduira enfin par l'élaboration de documents annexes aux comptes financiers, à l'horizon 2025-2026, grâce à la mobilisation d'un groupe interservices réunissant la direction générale des collectivités locales, la direction du budget, le Commissariat général au développement durable et la direction générale des finances publiques, en lien avec les associations d'élus.

La question de la lutte contre le frelon asiatique renvoie dans la SNB aux mesures relatives aux espèces exotiques envahissantes, qui permettent aux préfets de procéder à des captures et des prélèvements ou à la destruction de spécimens. Aujourd'hui, les opérations de lutte contre le frelon asiatique ne sont toutefois pas financées par l'État et la destruction des nids reste à la charge des particuliers ou, le cas échéant, des collectivités territoriales, avec éventuellement l'accompagnement et les conseils de Fredon France. Sachez que le fonds vert permettra de mobiliser des crédits sur des projets globaux de lutte contre les espèces envahissantes, dont celle-ci. Quatre grands projets ont déjà été portés pour lutter contre le frelon asiatique, dans le Doubs, en Savoie, dans le Nord et en Ille-et-Vilaine, pour un montant supérieur à 235 000 euros. L'Institut de l'abeille assure que les informations données par les apiculteurs sur les méthodes de prévention sont aujourd'hui suffisamment consolidées pour permettre de trouver les moyens adaptés à une lutte efficace contre cette espèce qui cause des dégâts considérables.

La question relative aux glaciers est particulièrement d'actualité, puisque le Muséum national d'histoire naturelle accueille jusqu'au 10 novembre le One planet polar summit, premier sommet international consacré aux pôles et aux glaciers. Ces derniers sont aujourd'hui directement menacés par le réchauffement climatique, avec un impact sur l'élévation du niveau des mers, des difficultés d'accès à l'eau potable et le dégel du pergélisol entraînant la libération de dioxyde de carbone et de virus potentiellement dangereux pour la santé humaine. Tous les glaciers situés sur le territoire français sont des aires protégées ; 60 % des glaciers hexagonaux et 100 % des glaciers ultramarins sont placés sous forte protection. Les espaces mis à nu par la fonte des glaces donnent naissance à de nouveaux écosystèmes. La question se pose alors de savoir comment protéger ces aires postglaciaires, qui constituent des puits à carbone et de potentielles réserves d'eau douce, en même temps que des refuges pour le vivant. Mon ambition est d'accroître la part de protection forte des glaciers et des écosystèmes primaires, en concertation avec les habitants et les élus des territoires concernés. Je m'apprête ainsi à lancer, dans le cadre du One planet polar summit, une action intitulée « Initiatives, territoires et biodiversité postglaciaire » afin d'accompagner chaque territoire concerné dans la mise en œuvre de pactes sur-mesure, gages d'une meilleure acceptabilité des projets, donc de leur pérennité.

Vous m'avez interrogée sur le projet de forêt primaire en Nord Ardennes. Je rappelle qu'il existe différents types et niveaux de protection des forêts, par le renforcement de la gestion durable, la protection des forêts subnaturelles et divers dispositifs pilotés par France nature environnement ou le groupement d'intérêt public Écofor. Dans tous les cas, je ne crois pas aux projets se construisant contre la volonté des élus locaux. La réussite de toute démarche de préservation impose de consacrer le temps nécessaire à l'établissement d'un dialogue, afin d'en favoriser l'acceptabilité, en lien avec la réalité historique du territoire. La mise en œuvre d'un espace protégé de grande ampleur comme celui que vous mentionnez, qui devrait couvrir plus de 70 000 hectares, requiert a fortiori un consensus territorial. Soyez par conséquent assurés que je veillerai à ce qu'un véritable débat ait lieu et que chacun des acteurs puisse y prendre part.

Vous avez évoqué les dégâts causés dans les cultures et les forêts par les gibiers, notamment les sangliers. Nous essayons, pour limiter ce phénomène, d'augmenter le nombre de prélèvements, avec le concours des chasseurs et des agriculteurs.

L'un d'entre vous m'a demandé si je me tiendrai aux côtés des agriculteurs. Sachez que je serai aux côtés de tous les hommes et femmes de bonne volonté. Je ne crois pas que l'on puisse construire une société en opposant les uns aux autres. Je ne laisserai pas s'installer l'idée selon laquelle le ministère de la biodiversité travaillerait en opposition avec les ministères de l'agriculture ou de l'économie. Réussir le combat pour la biodiversité nécessite la force de l'interministérialité.

Plusieurs questions concernaient le sujet de l'eau. Il faut savoir que les ouvrages permettant de stocker l'eau existent de longue date dans notre pays. Nous sommes toutefois confrontés aujourd'hui à une réalité nouvelle, puisque la raréfaction de la ressource impose d'établir une stratégie de sobriété, bassin par bassin. Les industriels, les agriculteurs, les consommateurs et plus largement l'ensemble des usagers de l'eau ont vocation à effectuer un effort de sobriété et à contribuer à la baisse de 10 % des prélèvements en eau. Je ne pense pas qu'il faille systématiquement s'opposer à tous les stockages en eau : il me semble préférable d'étudier la situation territoire par territoire. Je fais pleinement confiance aux agences de l'eau et aux comités de bassin pour élaborer leurs propres plans territoriaux et de gestion. Il ne s'agit aucunement d'opposer les usages agricoles aux autres types d'usages. Plus nous disposerons d'ouvrages adaptés à la réalité hydrique d'un territoire donné, combinant plusieurs usages, plus l'acceptabilité en sera grande, dans le cadre d'une stratégie unique de sobriété portée par mon ministère. Il convient par ailleurs de travailler à l'amélioration des pratiques agroécologiques et à la mise à disposition de données immédiates, qui font aujourd'hui défaut. Préserver la ressource en eau nécessite de limiter les prélèvements, quels que soient les usages concernés.

Interpellée par l'un d'entre vous sur mon parcours et la réalité de mon engagement, j'estime ne pas avoir à me justifier sur ce point. L'écologie appartient à tous : chacun mène son combat comme il l'entend, sur son territoire, avec la sincérité qui est la sienne.

Concernant la construction en cours sur les récifs coralliens tahitiens, il faut savoir que le code de l'environnement n'est pas le même en Polynésie et dans l'Hexagone. Cela illustre l'importance d'avancer dans cette réflexion sur la scène internationale.

Vous avez souligné le caractère irremplaçable de certaines haies anciennes, qu'il faut évidemment éviter d'arracher. Certaines ont toutefois besoin d'être déplacées, pour suivre l'évolution des exploitations agricoles. Il convient donc d'accompagner cette démarche, afin de stimuler la plantation de haies nouvelles.

Le financement du plan Eau requiert un effort de toutes les parties prenantes. Dans ce contexte, le rehaussement de la redevance pour pollutions diffuses, qui répond à la stratégie pollueur-payeur, apportera des moyens supplémentaires aux agences de l'eau. La fiscalité n'est pas la panacée, mais permet de changer les pratiques. L'ensemble du financement n'emprunte toutefois pas cette voie et je salue le financement porté par les collectivités territoriales, en complément des moyens alloués par l'État pour accompagner la transition du monde agricole.

Je suis très attachée au soutien accordé aux projets développés dans les territoires. La finalisation de la stratégie nationale pour la biodiversité se fera ainsi en dialogue avec l'OFB, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), aux côtés des préfets et de leurs services. J'ai en effet la conviction que si cette stratégie n'est pas territorialisée, elle restera un plan sans réelle effectivité. Cela suppose un développement de la compréhension, de l'information et de l'acceptabilité, mais aussi des moyens de pilotage et d'évaluation dans les territoires. Le pire serait de démobiliser des citoyens et des élus de bonne volonté en raison d'incompréhensions dans la mise en œuvre des plans annoncés, voire des lois. La bonne santé de notre démocratie passe par la force de la parole politique donnée, mais aussi par une mise en œuvre opérationnelle des engagements ambitieux qu'elle porte. La nécessité du caractère opposable d'une mesure n'a lieu d'être que si la confiance et le dialogue sont brisés et que la puissance de l'engagement ne suffit pas à en garantir l'effectivité.

La stratégie nationale de contrôle consiste en la mise en œuvre, avec l'appui de la police de l'environnement, des priorités portées par le Gouvernement. La police de l'environnement et la police de l'eau représentent plus de 3 400 agents habilités. Nous avons besoin d'investir humainement dans le recrutement et la formation de ces agents, afin de faire face au développement des multiples formes d'écodélinquance, qu'il s'agisse du trafic de viande de brousse ou d'espèces protégées. Il est nécessaire, dans ce contexte, de renforcer l'ensemble des maillons de la chaîne, jusqu'au niveau judiciaire. La meilleure des préventions est en effet la certitude de la sanction en cas de non-respect de la règle. Plusieurs procureurs sont ainsi spécialisés dans les questions d'environnement. Je rappelle que les peines encourues par les trafiquants peuvent être extrêmement lourdes et aller jusqu'à sept ans de prison en cas de circonstances aggravantes.

La problématique relative à l'impact du déploiement de la fibre aérienne sur les haies, le travail des agriculteurs et la biodiversité est actuellement l'objet d'une réflexion entre mon ministère et celui de M. Jean-Noël Barrot. Ce sujet a été identifié et je pense être en capacité de vous apporter des réponses dans les prochaines semaines.

La stratégie Écophyto impose de renouveler notre approche des pratiques agricoles, pour aller vers une réduction progressive de 50 % de l'usage des pesticides en France. Cet objectif ambitieux doit être atteint, car trop de captages sont menacés par des pollutions. Il importe de développer une approche intégrée, afin que des avancées puissent être effectuées dans l'accompagnement offert aux agriculteurs et que des solutions alternatives leur soient proposées. Cela passe également par l'allocation de financements adaptés, condition nécessaire à la réussite de la démarche. Il s'agit d'un sujet essentiel, car la qualité de l'eau est l'un des enjeux majeurs des prochaines années.

Il n'est pas aisé de répondre à la question relative aux modalités de formation des agents dans le cadre de la SNB. Il s'agit toutefois d'un levier nécessaire. Je vous rejoins sur le fait que l'État doit être exemplaire. Cette démarche résolue et ambitieuse n'aura pas de caractère opposable. Elle est portée avec M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. La SNB prévoit que cette formation puisse bénéficier aux maires, en s'appuyant sur les agences régionales de la biodiversité. Il n'est pas question de lancer une campagne à l'échelle nationale, mais plutôt de travailler au niveau des territoires. Cela suppose des partenariats avec des structures comme l'OFB ou le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Trois millions d'agents devraient ainsi être formés d'ici 2030.

La question de l'évolution des pratiques agricoles dans le but de préserver la biodiversité en outre-mer se pose assurément aujourd'hui avec une acuité particulière. Ces territoires recèlent en effet une richesse écosystémique exceptionnelle et se caractérisent par leur grande diversité, nécessitant de fait une approche territoriale. Je serai particulièrement attentive dans ce cadre à la mise en œuvre des COP régionales, qui permettront à chaque territoire de disposer d'un diagnostic, de moyens et, grâce à un consensus local, de prioriser la mise en œuvre des mesures en fonction de la réalité du terrain et des besoins des populations.

Le rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable sur les zones humides établit un diagnostic à l'échelle nationale. Ces espaces constituent des écosystèmes essentiels pour la préservation de notre biodiversité et notamment la qualité de l'eau. Je souhaite mettre en œuvre une méthode d'accompagnement permettant à chaque territoire concerné de s'approprier les résultats de cette étude. Je ne conçois pas la protection comme une mise sous cloche, mais comme une adaptation en lien avec les parties prenantes. Chaque territoire pourra ainsi déterminer le chemin qu'il souhaite emprunter et les parlementaires joueront bien évidemment un rôle majeur dans cette démarche de long terme.

Informations relatives à la Commission

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a désigné M. Gérard Leseul, rapporteur sur le projet de nomination, en application de l'article 13 de la Constitution, de M. Thierry Guimbaud aux fonctions de président de l'Autorité de régulation des transports.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 8 novembre 2023 à 9 h 35

Présents. - M. Damien Abad, M. Damien Adam, M. Gabriel Amard, Mme Nathalie Bassire, Mme Lisa Belluco, M. Emmanuel Blairy, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Aymeric Caron, M. Sylvain Carrière, M. Pierre Cazeneuve, Mme Claire Colomb-Pitollat, M. Mickaël Cosson, Mme Annick Cousin, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, Mme Sylvie Ferrer, M. Daniel Grenon, Mme Clémence Guetté, M. Yannick Haury, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Chantal Jourdan, Mme Florence Lasserre, M. Jean-François Lovisolo, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, M. Matthieu Marchio, Mme Manon Meunier, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Hubert Ott, Mme Sophie Panonacle, M. Bertrand Petit, Mme Marie Pochon, M. Loïc Prud'homme, M. Nicolas Ray, Mme Véronique Riotton, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Pierre Taite, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, Mme Huguette Tiegna, M. David Valence, M. Pierre Vatin, M. Antoine Vermorel-Marques, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - M. Xavier Albertini, M. José Beaurain, M. Jean-Victor Castor, M. Jean-Luc Fugit, Mme Sandrine Le Feur, M. Gérard Leseul, M. Marcellin Nadeau, M. Jimmy Pahun, Mme Christelle Petex-Levet, Mme Anne-Cécile Violland

Assistaient également à la réunion. - M. Henri Alfandari, M. Jean-Louis Bricout, M. Pierre Cordier, M. Jean-Claude Raux, M. Vincent Rolland, Mme Isabelle Valentin