Plusieurs des questions que vous m'avez adressées concernaient la prise en compte de la biodiversité dans la mise en œuvre de certains documents d'aménagement du territoire, qu'il s'agisse des PLU ou des trames vertes. Le préalable indispensable réside dans le diagnostic, avec l'ambition forte que les éléments de continuité écologique se retrouvent à terme inclus dans les travaux de planification, qu'il s'agisse des Sraddet, des PLU, des plans locaux d'urbanisme métropolitains (PLUm) ou des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi). Cette démarche sera progressive et il n'existe pour l'instant aucun projet d'obligation dans un calendrier à court ou moyen terme.
Nombre de vos interventions renvoyaient à la situation d'affaiblissement global de la forêt française et aux moyens à mettre en œuvre pour y remédier. L'un des enjeux majeurs pour l'avenir de nos forêts réside dans leur gestion et leur accompagnement face aux changements climatiques. Cela suppose une démarche conjointe de diagnostic et d'entretien. Le changement climatique abîme et fragilise notre forêt, cause des maladies, crée un stress hydrique extrêmement délétère. S'y ajoute le fait que le massif forestier français est très morcelé, divisé entre parcelles publiques et privées, dont certaines très petites et mal entretenues par des propriétaires que l'on ne parvient pas toujours à identifier. Cela soulève la question du rôle potentiel des élus locaux, qui peuvent avoir un regard sur cette situation, et demain s'ils le souhaitent une mission pour accompagner les forêts sur les territoires, en termes notamment de gestion des risques lors d'épisodes de tempête ou d'incendie par exemple. Les secteurs boisés et arborés sont mis en péril par la brutalité du dérèglement climatique et l'adaptation des essences et des forêts est une priorité. Des moyens considérables sont dégagés à cette fin dans la loi de finances, à hauteur de 250 millions d'euros. Nous portons par ailleurs, avec le ministère de l'agriculture, un plan forestier fort, comportant des éléments sur la santé de la forêt, la question des propriétés, le rôle de l'Office national des forêts (ONF), les inventaires forestiers ou encore la qualité des sols, afin d'apporter des réponses, notamment aux particuliers.
Il importe aujourd'hui de ne pas envisager uniquement cette question sous l'angle de la sylviculture, mais d'adopter une vision plus globale de la forêt comme écosystème essentiel à la stratégie nationale pour la biodiversité, en termes notamment d'intérêt écologique ou de captation de carbone.
Les Assises de la forêt ont mis en lumière en 2022 des bases de réflexion extrêmement solides, partagées par différents acteurs. La proposition de gouvernance élargie qui en a résulté est en train de se mettre en place et garantit pour demain un regard multiple sur les problématiques auxquelles la forêt est aujourd'hui confrontée.
Assurer une stratégie de maintien de la qualité de nos forêts sur le long terme suppose de travailler sur les questions de renouvellement forestier, d'entretien des massifs, de diversification des essences et de paiement des services écologiques rendus. Il conviendra en outre de publier le plan national d'action « Vieux bois et forêts subnaturelles », qui me tient particulièrement à cœur. Les ambitions de la feuille de route pour la forêt et celles de la planification inscrite dans la SNB sont très bien coordonnées. J'aurai l'occasion de vous les présenter dans le détail si cela vous intéresse.
Le Président de la République a annoncé que chaque élève de 6ème planterait un arbre au cours de la prochaine décennie. Au-delà de la force symbolique du geste, cela témoigne de l'engagement de la nation en faveur de la régénération de la forêt. Le chiffre d'un milliard n'a pas été choisi au hasard. En effet, on plante déjà en France entre 50 et 60 millions d'arbres par an. L'idée est donc de doubler l'effort de reboisement. La question de la disponibilité des graines et des essences sera un élément majeur dans la réussite de ce projet et nécessitera une mobilisation collective des pépiniéristes. Le coût de cette opération est estimé à plus de 150 millions d'euros.
L'avis rendu par le Conseil national de la mer et des littoraux dans le cadre de l'élaboration de la SNB est de grande qualité. Il a fait l'objet d'une analyse approfondie et m'a conduite à demander à mes services de travailler à une meilleure articulation entre les plans existants et la stratégie nationale pour la biodiversité. Ce document a contribué à enrichir notre réflexion sur différents aspects tels que la pollution sonore sous-marine, en lien avec la directive-cadre sur la stratégie des milieux marins, ou encore l'idée de développer une gouvernance des espaces maritimes. Je puis ainsi vous assurer que ce rapport trouvera pleinement sa place tant dans la stratégie nationale pour la biodiversité que dans la planification écologique. Les milieux littoraux et marins sont en effet des éléments majeurs dans la démarche de préservation de la biodiversité.
Comment aller vers une systématisation des budgets verts dans les collectivités territoriales ? Je rappelle que la France a été le premier État à présenter un budget vert, incluant une analyse de l'impact environnemental. L'objectif de cette démarche est de mieux intégrer les enjeux environnementaux dans les politiques publiques. Le principal apport de cette budgétisation verte est d'institutionnaliser et de systématiser autant que possible des moments d'échanges sur les enjeux des discussions budgétaires. Nous souhaitons étendre progressivement cette démarche à l'ensemble des budgets publics, notamment aux budgets locaux. Différentes actions sont entreprises en ce sens et supposent de perfectionner les outils. L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés tient au fait que les indicateurs relatifs à la biodiversité ne sont pas consensuels. Divers acteurs y réfléchissent actuellement. Diffuser ces budgets verts au sein des collectivités nécessite un travail méthodologique et, je l'assume, l'utilisation d'une métrique pour l'instant encore imparfaite. Cela permettra de commencer à avancer sur ces questions et d'acculturer les instances territoriales au sujet des budgets verts. S'ensuivra une unification des méthodes, nécessaire à la comparabilité des résultats. Le Gouvernement proposera à cette fin, à l'issue de plusieurs concertations, la mise en œuvre d'une démarche de budget vert en deux temps, avec un accompagnement méthodologique et des moyens adaptés, permettant d'avancer sur ce dossier avec les collectivités volontaires. Cela se traduira enfin par l'élaboration de documents annexes aux comptes financiers, à l'horizon 2025-2026, grâce à la mobilisation d'un groupe interservices réunissant la direction générale des collectivités locales, la direction du budget, le Commissariat général au développement durable et la direction générale des finances publiques, en lien avec les associations d'élus.
La question de la lutte contre le frelon asiatique renvoie dans la SNB aux mesures relatives aux espèces exotiques envahissantes, qui permettent aux préfets de procéder à des captures et des prélèvements ou à la destruction de spécimens. Aujourd'hui, les opérations de lutte contre le frelon asiatique ne sont toutefois pas financées par l'État et la destruction des nids reste à la charge des particuliers ou, le cas échéant, des collectivités territoriales, avec éventuellement l'accompagnement et les conseils de Fredon France. Sachez que le fonds vert permettra de mobiliser des crédits sur des projets globaux de lutte contre les espèces envahissantes, dont celle-ci. Quatre grands projets ont déjà été portés pour lutter contre le frelon asiatique, dans le Doubs, en Savoie, dans le Nord et en Ille-et-Vilaine, pour un montant supérieur à 235 000 euros. L'Institut de l'abeille assure que les informations données par les apiculteurs sur les méthodes de prévention sont aujourd'hui suffisamment consolidées pour permettre de trouver les moyens adaptés à une lutte efficace contre cette espèce qui cause des dégâts considérables.
La question relative aux glaciers est particulièrement d'actualité, puisque le Muséum national d'histoire naturelle accueille jusqu'au 10 novembre le One planet polar summit, premier sommet international consacré aux pôles et aux glaciers. Ces derniers sont aujourd'hui directement menacés par le réchauffement climatique, avec un impact sur l'élévation du niveau des mers, des difficultés d'accès à l'eau potable et le dégel du pergélisol entraînant la libération de dioxyde de carbone et de virus potentiellement dangereux pour la santé humaine. Tous les glaciers situés sur le territoire français sont des aires protégées ; 60 % des glaciers hexagonaux et 100 % des glaciers ultramarins sont placés sous forte protection. Les espaces mis à nu par la fonte des glaces donnent naissance à de nouveaux écosystèmes. La question se pose alors de savoir comment protéger ces aires postglaciaires, qui constituent des puits à carbone et de potentielles réserves d'eau douce, en même temps que des refuges pour le vivant. Mon ambition est d'accroître la part de protection forte des glaciers et des écosystèmes primaires, en concertation avec les habitants et les élus des territoires concernés. Je m'apprête ainsi à lancer, dans le cadre du One planet polar summit, une action intitulée « Initiatives, territoires et biodiversité postglaciaire » afin d'accompagner chaque territoire concerné dans la mise en œuvre de pactes sur-mesure, gages d'une meilleure acceptabilité des projets, donc de leur pérennité.
Vous m'avez interrogée sur le projet de forêt primaire en Nord Ardennes. Je rappelle qu'il existe différents types et niveaux de protection des forêts, par le renforcement de la gestion durable, la protection des forêts subnaturelles et divers dispositifs pilotés par France nature environnement ou le groupement d'intérêt public Écofor. Dans tous les cas, je ne crois pas aux projets se construisant contre la volonté des élus locaux. La réussite de toute démarche de préservation impose de consacrer le temps nécessaire à l'établissement d'un dialogue, afin d'en favoriser l'acceptabilité, en lien avec la réalité historique du territoire. La mise en œuvre d'un espace protégé de grande ampleur comme celui que vous mentionnez, qui devrait couvrir plus de 70 000 hectares, requiert a fortiori un consensus territorial. Soyez par conséquent assurés que je veillerai à ce qu'un véritable débat ait lieu et que chacun des acteurs puisse y prendre part.
Vous avez évoqué les dégâts causés dans les cultures et les forêts par les gibiers, notamment les sangliers. Nous essayons, pour limiter ce phénomène, d'augmenter le nombre de prélèvements, avec le concours des chasseurs et des agriculteurs.
L'un d'entre vous m'a demandé si je me tiendrai aux côtés des agriculteurs. Sachez que je serai aux côtés de tous les hommes et femmes de bonne volonté. Je ne crois pas que l'on puisse construire une société en opposant les uns aux autres. Je ne laisserai pas s'installer l'idée selon laquelle le ministère de la biodiversité travaillerait en opposition avec les ministères de l'agriculture ou de l'économie. Réussir le combat pour la biodiversité nécessite la force de l'interministérialité.
Plusieurs questions concernaient le sujet de l'eau. Il faut savoir que les ouvrages permettant de stocker l'eau existent de longue date dans notre pays. Nous sommes toutefois confrontés aujourd'hui à une réalité nouvelle, puisque la raréfaction de la ressource impose d'établir une stratégie de sobriété, bassin par bassin. Les industriels, les agriculteurs, les consommateurs et plus largement l'ensemble des usagers de l'eau ont vocation à effectuer un effort de sobriété et à contribuer à la baisse de 10 % des prélèvements en eau. Je ne pense pas qu'il faille systématiquement s'opposer à tous les stockages en eau : il me semble préférable d'étudier la situation territoire par territoire. Je fais pleinement confiance aux agences de l'eau et aux comités de bassin pour élaborer leurs propres plans territoriaux et de gestion. Il ne s'agit aucunement d'opposer les usages agricoles aux autres types d'usages. Plus nous disposerons d'ouvrages adaptés à la réalité hydrique d'un territoire donné, combinant plusieurs usages, plus l'acceptabilité en sera grande, dans le cadre d'une stratégie unique de sobriété portée par mon ministère. Il convient par ailleurs de travailler à l'amélioration des pratiques agroécologiques et à la mise à disposition de données immédiates, qui font aujourd'hui défaut. Préserver la ressource en eau nécessite de limiter les prélèvements, quels que soient les usages concernés.
Interpellée par l'un d'entre vous sur mon parcours et la réalité de mon engagement, j'estime ne pas avoir à me justifier sur ce point. L'écologie appartient à tous : chacun mène son combat comme il l'entend, sur son territoire, avec la sincérité qui est la sienne.
Concernant la construction en cours sur les récifs coralliens tahitiens, il faut savoir que le code de l'environnement n'est pas le même en Polynésie et dans l'Hexagone. Cela illustre l'importance d'avancer dans cette réflexion sur la scène internationale.
Vous avez souligné le caractère irremplaçable de certaines haies anciennes, qu'il faut évidemment éviter d'arracher. Certaines ont toutefois besoin d'être déplacées, pour suivre l'évolution des exploitations agricoles. Il convient donc d'accompagner cette démarche, afin de stimuler la plantation de haies nouvelles.
Le financement du plan Eau requiert un effort de toutes les parties prenantes. Dans ce contexte, le rehaussement de la redevance pour pollutions diffuses, qui répond à la stratégie pollueur-payeur, apportera des moyens supplémentaires aux agences de l'eau. La fiscalité n'est pas la panacée, mais permet de changer les pratiques. L'ensemble du financement n'emprunte toutefois pas cette voie et je salue le financement porté par les collectivités territoriales, en complément des moyens alloués par l'État pour accompagner la transition du monde agricole.
Je suis très attachée au soutien accordé aux projets développés dans les territoires. La finalisation de la stratégie nationale pour la biodiversité se fera ainsi en dialogue avec l'OFB, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), aux côtés des préfets et de leurs services. J'ai en effet la conviction que si cette stratégie n'est pas territorialisée, elle restera un plan sans réelle effectivité. Cela suppose un développement de la compréhension, de l'information et de l'acceptabilité, mais aussi des moyens de pilotage et d'évaluation dans les territoires. Le pire serait de démobiliser des citoyens et des élus de bonne volonté en raison d'incompréhensions dans la mise en œuvre des plans annoncés, voire des lois. La bonne santé de notre démocratie passe par la force de la parole politique donnée, mais aussi par une mise en œuvre opérationnelle des engagements ambitieux qu'elle porte. La nécessité du caractère opposable d'une mesure n'a lieu d'être que si la confiance et le dialogue sont brisés et que la puissance de l'engagement ne suffit pas à en garantir l'effectivité.
La stratégie nationale de contrôle consiste en la mise en œuvre, avec l'appui de la police de l'environnement, des priorités portées par le Gouvernement. La police de l'environnement et la police de l'eau représentent plus de 3 400 agents habilités. Nous avons besoin d'investir humainement dans le recrutement et la formation de ces agents, afin de faire face au développement des multiples formes d'écodélinquance, qu'il s'agisse du trafic de viande de brousse ou d'espèces protégées. Il est nécessaire, dans ce contexte, de renforcer l'ensemble des maillons de la chaîne, jusqu'au niveau judiciaire. La meilleure des préventions est en effet la certitude de la sanction en cas de non-respect de la règle. Plusieurs procureurs sont ainsi spécialisés dans les questions d'environnement. Je rappelle que les peines encourues par les trafiquants peuvent être extrêmement lourdes et aller jusqu'à sept ans de prison en cas de circonstances aggravantes.
La problématique relative à l'impact du déploiement de la fibre aérienne sur les haies, le travail des agriculteurs et la biodiversité est actuellement l'objet d'une réflexion entre mon ministère et celui de M. Jean-Noël Barrot. Ce sujet a été identifié et je pense être en capacité de vous apporter des réponses dans les prochaines semaines.
La stratégie Écophyto impose de renouveler notre approche des pratiques agricoles, pour aller vers une réduction progressive de 50 % de l'usage des pesticides en France. Cet objectif ambitieux doit être atteint, car trop de captages sont menacés par des pollutions. Il importe de développer une approche intégrée, afin que des avancées puissent être effectuées dans l'accompagnement offert aux agriculteurs et que des solutions alternatives leur soient proposées. Cela passe également par l'allocation de financements adaptés, condition nécessaire à la réussite de la démarche. Il s'agit d'un sujet essentiel, car la qualité de l'eau est l'un des enjeux majeurs des prochaines années.
Il n'est pas aisé de répondre à la question relative aux modalités de formation des agents dans le cadre de la SNB. Il s'agit toutefois d'un levier nécessaire. Je vous rejoins sur le fait que l'État doit être exemplaire. Cette démarche résolue et ambitieuse n'aura pas de caractère opposable. Elle est portée avec M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. La SNB prévoit que cette formation puisse bénéficier aux maires, en s'appuyant sur les agences régionales de la biodiversité. Il n'est pas question de lancer une campagne à l'échelle nationale, mais plutôt de travailler au niveau des territoires. Cela suppose des partenariats avec des structures comme l'OFB ou le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Trois millions d'agents devraient ainsi être formés d'ici 2030.
La question de l'évolution des pratiques agricoles dans le but de préserver la biodiversité en outre-mer se pose assurément aujourd'hui avec une acuité particulière. Ces territoires recèlent en effet une richesse écosystémique exceptionnelle et se caractérisent par leur grande diversité, nécessitant de fait une approche territoriale. Je serai particulièrement attentive dans ce cadre à la mise en œuvre des COP régionales, qui permettront à chaque territoire de disposer d'un diagnostic, de moyens et, grâce à un consensus local, de prioriser la mise en œuvre des mesures en fonction de la réalité du terrain et des besoins des populations.
Le rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable sur les zones humides établit un diagnostic à l'échelle nationale. Ces espaces constituent des écosystèmes essentiels pour la préservation de notre biodiversité et notamment la qualité de l'eau. Je souhaite mettre en œuvre une méthode d'accompagnement permettant à chaque territoire concerné de s'approprier les résultats de cette étude. Je ne conçois pas la protection comme une mise sous cloche, mais comme une adaptation en lien avec les parties prenantes. Chaque territoire pourra ainsi déterminer le chemin qu'il souhaite emprunter et les parlementaires joueront bien évidemment un rôle majeur dans cette démarche de long terme.