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Intervention de Sarah El Haïry

Réunion du mercredi 8 novembre 2023 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Sarah El Haïry, secrétaire d'État :

L'objectif du plan en faveur des haies est ambitieux. Nous connaissons parfaitement l'apport essentiel des haies, non seulement dans nos paysages mais aussi dans l'épanouissement de la biodiversité qu'elles abritent, dans la qualité de l'eau, la limitation du risque d'écoulement de boues, la préservation des espaces humides. Pour atteindre son objectif de 50 000 kilomètres linéaires en solde net, c'est-à-dire déduction faite des arrachages, ce pacte s'articule autour de vingt-cinq actions bénéficiant de 110 millions d'euros d'aides. Il a été élaboré en collaboration étroite avec le ministère de l'agriculture, afin de mobiliser les agriculteurs, mais aussi les grands opérateurs comme la SNCF et les entreprises autoroutières. Les collectivités territoriales sont également impliquées, afin d'établir une continuité écologique. Nous misons tout d'abord, pour atteindre l'objectif fixé, sur une simplification de la réglementation : chaque direction départementale des territoires et chaque direction départementale des territoires et de la mer disposeront d'un référent « haies », qui accompagnera les projets de plantation ou de déplacement. Nous posons également un regard très attentif sur la qualité des haies et le modèle économique qui s'y rattache, avec les notions de biomasse et de services écologiques rendus. Nous souhaitons limiter les arrachages et rassurer ceux qui investissent dans nos haies.

Je refuse l'« agribashing » et pense qu'il est absolument nécessaire d'apporter de l'apaisement dans ces débats. Chacun peut et doit prendre sa part dans la lutte pour la préservation de la biodiversité. Les agriculteurs sont à la fois les premiers témoins et les premières victimes du dérèglement climatique. D'ici moins d'une décennie, 40 % d'entre eux vont partir à la retraite. Nous devons accompagner la nouvelle génération et lui donner les moyens de faire face à cette transition et aux conséquences qui en découlent.

Je tiens par ailleurs à vous rassurer sur le fait que la création du futur grand parc national n'interviendra pas avant 2026 et uniquement si elle est validée dans le cadre de concertations locales. Les réflexions sont en cours et la naissance d'un tel espace suppose un groupement d'intérêt public, un projet préfigurateur et un dialogue local.

La mobilisation de tous est nécessaire à la réussite de la SNB : entreprises, associations, collectivités, mais aussi consommateurs, pour lesquels se pose aujourd'hui la question de l'opportunité de l'affichage environnemental, qui sera déployé en premier lieu sur les produits textiles et agroalimentaires, puis progressivement sur l'ensemble des biens et services. Les chasseurs participent eux aussi à des projets liés à la préservation de la biodiversité et s'acquittent d'une écocontribution.

Je m'oppose dans ces débats à toute caricature des uns et des autres, qu'il s'agisse des chasseurs, des agriculteurs, des députés ou de moi-même. Sachez que mon engagement écologique a commencé en 2007.

Les reports observés dans l'élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité sont tout d'abord liés au contexte mondial et aux difficultés relatives à la crise sanitaire. J'ai par ailleurs, à mon arrivée, accordé à sa demande un délai au Comité national de la biodiversité, qui souhaitait bénéficier de quelques semaines supplémentaires pour finaliser son rapport.

Il n'existe aucune perte de mesures entre les différentes versions du texte, mais bien au contraire des renforcements. Je suis tout particulièrement sensible à la question des subventions néfastes. Le rapport élaboré par l'Inspection générale des finances en collaboration avec l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable est de très grande qualité. On estime à 10 milliards d'euros le montant de ces subventions, dont 6,7 milliards liés aux pratiques agricoles et à la PAC. La question se pose aujourd'hui de savoir comment limiter ces subventions, tout en augmentant les budgets alloués à la renaturation et à la restauration de la biodiversité. Cela suppose par ailleurs d'accompagner le monde agricole dans cette transition. Le ministre des comptes publics est pleinement mobilisé sur le sujet et j'ai la conviction que nous parviendrons à réduire le niveau de ces subventions néfastes.

La question m'a également été posée du caractère opposable ou non de la SNB. L'une des propositions émises dans le rapport du Comité national de la biodiversité vise à présenter devant l'Assemblée nationale et le Sénat le bilan et le suivi de l'évaluation de cette stratégie. Je suis favorable à cette idée d'un contrôle exercé par les parlementaires plutôt qu'à celle de rendre le document opposable.

Il semble évident qu'une sensibilisation aux enjeux liés à la biodiversité est nécessaire dès le plus jeune âge. Le ministère de l'éducation nationale est pleinement impliqué dans la SNB. L'objectif d'augmentation du nombre des aires éducatives maritimes et terrestres de 1 000 à 18 000 procède de cette logique, puisque cela doit permettre à environ une école ou un collège sur trois de disposer de l'une de ces aires à proximité de son lieu d'implantation et d'en profiter pour s'approprier la biodiversité ordinaire, du quotidien. Les grandes espèces emblématiques ne sont en effet que l'un des éléments de la biodiversité. Il importe également de se préoccuper de la qualité des sols, des espaces forestiers de proximité. Nous allons ainsi, en lien étroit avec les ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et grâce à la mobilisation du Conseil supérieur des programmes, travailler à l'intégration de l'éducation au développement durable dans les enseignements. Nous souhaitons aussi former davantage les enseignants, qui bénéficieront dès 2024 de modules spécifiques consacrés à la biodiversité.

La notion de sobriété est une dimension de la stratégie nationale pour la biodiversité : elle y apparaît comme le premier maillon de la philosophie visant à éviter, réduire et compenser. Nous sommes, de fait, confrontés à une raréfaction des ressources. Alors que l'on prévoit, à l'horizon 2050, une diminution de la ressource en eau pouvant aller jusqu'à 40 %, la SNB comporte un objectif de réduction de 10 % des prélèvements en eau. Cela concernera l'ensemble des acteurs : industriels, consommateurs et agriculteurs, qu'il faudra accompagner dans cette évolution. Une réunion s'est d'ailleurs tenue hier matin au ministère de l'agriculture avec les présidents des comités de bassin et les directeurs des agences de l'eau pour aborder la question de la sobriété et des zones de captage.

Se pose également dans ce cadre la question de la réutilisation des eaux usées traitées (« Reut ») et de la tarification sociale et progressive de l'eau. Dans les prochaines semaines, sera publié un décret sur le recours à la Reut dans le monde agroalimentaire. Nous travaillons par ailleurs ardemment pour que cela s'applique aussi aux usages domestiques.

Il est en outre nécessaire de promouvoir la sobriété foncière, par l'intermédiaire des travaux menés sur l'objectif de « zéro artificialisation nette des sols », dans le cadre notamment des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet).

L'avenir et la santé de nos forêts apparaissent également comme des points d'attention majeurs. Leur adaptation au changement climatique impose une diversification des essences ainsi qu'un encadrement des coupes rases.

La mobilisation des entreprises pose la question de comment accompagner la transition et faire de l'investissement dans la biodiversité un combat jumeau de celui en faveur du climat. Plusieurs outils vont être présentés dans les prochains mois : je pense par exemple à la transposition par le Parlement, d'ici la fin 2023, de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui permettra d'éviter une dispersion des financements dans les grandes entreprises. Des travaux sont également en cours sur le label d'excellence environnementale européenne, qui permettra de reconnaître les efforts entrepris par les entreprises dans ce domaine.

Concernant les haies, le chiffre avancé est un solde net, qui prend évidemment en considération les arrachages. L'ambition est donc particulièrement forte.

Vous m'avez interrogée sur le plan d'action sur les prairies naturelles, dont je vous confirme qu'il sera inclus dans la stratégie nationale pour la biodiversité. Ce plan sera piloté par l'Office français de la biodiversité (OFB), en lien avec les conservatoires botaniques et certains acteurs du monde agricole.

En matière de lutte contre les pesticides, notre objectif est d'atteindre une baisse de 50 % de leur utilisation d'ici 2030.

La question des subventions néfastes à la biodiversité a été abordée à plusieurs reprises : j'en fais un vrai combat. Nous disposons à ce propos d'un rapport d'une très grande qualité élaboré par les inspections générales. Sur les 10 milliards d'euros de subventions recensés, 6,7 milliards concernent le domaine agricole. Divers leviers existent pour agir dans ce domaine. La stratégie nationale pour la biodiversité s'inscrivant dans le cadre de la planification écologique, nous disposons de moyens interministériels. Soyez assurés que les ministères de l'agriculture, de l'économie et du logement sont pleinement impliqués dans cette démarche.

Aujourd'hui, l'agriculture biologique traverse une crise historique, avec des risques de déconversion. Le marché s'effondre et il est plus que jamais nécessaire de soutenir la filière. Plusieurs mesures sont mises en œuvre en ce sens, en collaboration avec le ministère de l'agriculture. Un plan de communication est également à l'étude, demandé par la filière elle-même. Je porte par ailleurs un projet concernant les zones de captage, qui font partie de l'accompagnement à apporter aux agriculteurs. Il convient aussi de voir comment promouvoir à plus large échelle les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), qui fonctionnent très bien dans certains territoires.

Vous avez indiqué que la SNB pourrait être plus ambitieuse dans le cadre de la transition agricole. Cela fait partie des travaux en cours de finalisation, qui pourront vous être présentés de façon exhaustive dans les prochaines semaines.

Je partage tout à fait votre analyse, monsieur Wulfranc, sur la nécessité d'articuler l'urgence de la transition écologique avec une réflexion sur le temps long. Je participe cet après-midi au One planet polar summit, lors duquel va être évoquée la situation d'urgence dans laquelle se trouvent nos glaciers. Cela nous invite à être conscients de l'inscription de cette démarche dans une histoire et du fait que la nature est aujourd'hui l'une de nos meilleures assurances vie.

D'aucuns ont évoqué avec une certaine ironie le « loto de la biodiversité ». Cette idée, portée par le président Jean-Marc Zulesi, avait également été citée lors de la Convention citoyenne sur le climat. L'avenir de la planète ne se résume bien évidemment pas à cela : il s'agit plutôt d'imposer la biodiversité comme un sujet populaire, présent dans le quotidien de nos concitoyens, quels que soient leur âge et leur lieu de résidence. Le loto du patrimoine a réussi à mettre en lumière la beauté du bâti de proximité. Nous souhaitons, de même, sensibiliser les Français aux enjeux et à la diversité de la nature qui les entoure, ainsi qu'aux projets mis en œuvre dans leur environnement proche.

L'accent a enfin été mis sur la nécessité de recruter des hommes et des femmes pour accompagner ces transitions. Sachez que pour la première fois depuis les quinze dernières années, plus de 66 équivalents temps plein vont être recrutés au sein des agences de l'eau et plus d'une centaine d'agents vont rejoindre les services du ministère, notamment dans les territoires.

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