La réunion commence à vingt-et-une heures quinze.
La commission poursuit l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (n° 1682) (Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale, Mme Caroline Janvier et MM. Cyrille Isaac-Sibille, Paul Christophe et François Ruffin, rapporteurs).
Après l'article 10 (suite)
Amendement AS2008 de M. Frédéric Cabrolier
La réduction générale des cotisations patronales, dite Fillon, bénéficie à l'employeur pour tous les salariés qui gagnent moins de 1,6 Smic brut. L'assiette de calcul de cette réduction comprend le salaire, mais aussi les primes ou les rémunérations des heures supplémentaires. L'inclusion des primes dans le calcul de la rémunération annuelle peut avoir pour conséquence d'annuler totalement ou partiellement le droit à la réduction. Du coup, les employeurs rechignent à donner des primes ou à augmenter les salaires.
L'amendement vise donc à exclure les primes reçues par les salariés de l'assiette de rémunération qui sert au calcul de la réduction.
Sur le fond, je suis défavorable ; en outre, la rédaction de l'amendement aboutirait à l'inverse de ce que vous voulez.
L'effet des seuils sur les pratiques salariales des employeurs, en raison des conséquences sur leurs charges, est aussi en question dans l'amendement Ferracci que nous avons adopté et sur lequel j'aimerais avoir une étude d'impact. Il supprime les exonérations de cotisations familiales sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic, pour mieux renforcer les exonérations sur les salaires compris entre 1 et 1,64 Smic – un pouillème ! Cela ne risque-t-il pas de dissuader les employeurs d'augmenter les salaires au-delà de 1,64 et de 2,5 Smic ?
Monsieur Cabrolier, vous souhaitez retirer les primes de l'assiette de calcul du seuil de salaire qui détermine l'éligibilité à la réduction dégressive. Autrement dit, vous souhaitez que la réduction dégressive s'applique sur tous les salaires jusqu'à 1,6 Smic déduction faite des primes. Mais le dispositif de l'amendement aboutit au résultat inverse, puisqu'il conduit à retirer les primes du calcul du montant de la réduction en elle-même, qui dépend de la rémunération de chaque salarié. Autrement dit, si on adoptait votre amendement, la réduction dégressive continuerait de s'appliquer sur les salaires jusqu'à 1,6 Smic prime incluse, mais le calcul du montant de la réduction n'intégrerait plus les primes, ce qui diminuerait le montant total de la réduction pour l'employeur.
La dernière phrase de l'exposé sommaire est claire : « exclure les primes reçues par les salariés de l'assiette de rémunération qui sert de base de calcul pour déterminer le montant de la réduction générale ». Je ne demande pas que les primes soient déduites du montant de la réduction. Nous allons étudier l'amendement d'encore plus près et nous le redéposerons.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS1144 de Mme Caroline Fiat, amendements identiques AS740 de M. Sébastien Peytavie et AS1151 de M. Frédéric Mathieu, amendement AS214 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
Les salaires des femmes sont inférieurs de 24,4 % à ceux des hommes en moyenne. À situation égale, l'écart de rémunération est de 15,5 % ; il a atteint 16,5 % en 2021. On estime ainsi que les femmes, comparées à leurs collègues masculins, travaillent gratuitement de début novembre à la fin de l'année.
Les femmes représentent 80 % des travailleurs pauvres et la course à la précarisation les frappe de plein fouet. Discriminées dans le travail, elles le sont aussi après leur carrière : elles touchent déjà des pensions en moyenne inférieures de 40,5 % à celles des hommes et la réforme des retraites adoptée l'an passé les pénalise encore davantage, comme l'a dit M. Riester.
Malgré les lois successives en matière d'égalité professionnelle, les écarts de salaire ne se réduisent pas. À ce rythme, ce n'est pas avant 2234 que les femmes devraient gagner autant que les hommes, selon l'économiste Rebecca Amsellem. Celle-ci promeut un principe d'éga-conditionnalité selon lequel l'accès aux subventions publiques, auxquelles on peut assimiler les exonérations de cotisations, doit être réservé aux structures respectant strictement l'égalité salariale.
L'égalité salariale, nécessaire par principe, permettrait aussi d'investir pour l'hôpital, les Ehpad et les retraites.
En France, les femmes gagnent 24 % de moins que les hommes en moyenne. À partir du 3 novembre, de ce fait, elles travaillent bénévolement jusqu'à la fin de l'année. Elles représentent 80 % des travailleurs et travailleuses pauvres et des travailleurs et travailleuses à temps partiel, et la course à la précarisation les frappe de plein fouet.
Les entreprises ne font pas leur juste part pour réduire les inégalités professionnelles. C'est déplorable. Il est inadmissible de laisser cette injustice perdurer.
Il faudrait attendre 257 ans pour atteindre l'égalité économique entre les femmes et les hommes dans le monde, et la France n'est qu'à la quinzième place du classement du Forum économique mondial sur l'égalité professionnelle femmes-hommes. Or les dernières mesures d'incitation du Gouvernement ont brillé par leur mollesse et leur inefficacité.
Nécessaire par principe, l'égalité salariale améliorerait aussi les conditions de vie de nombreuses personnes et permettrait de renflouer les caisses de la sécurité sociale, dont les comptes ont été gravement mis à mal par les mesures d'austérité et d'exonération des gouvernements successifs. La CGT rappelle ainsi qu'atteindre ne serait-ce que l'égalité salariale générerait 5,5 milliards d'euros de cotisations sociales pour notre système de retraite.
Il est inacceptable que les entreprises qui refusent de s'engager puissent s'enrichir davantage sur le dos des femmes par les exonérations de cotisations sociales. Nous proposons donc que l'exonération soit subordonnée à la conclusion d'un accord d'égalité professionnelle afin de dissuader fiscalement les entreprises de pratiquer la discrimination.
L'amendement AS1151 est un amendement de repli par rapport à l'amendement AS1144 : la condition pour bénéficier des subsides – exonérations de cotisations ou subventions – ne serait plus l'égalité hommes-femmes, mais simplement la conclusion d'un accord en faveur de celle-ci. Si ma mémoire est bonne, le même amendement avait été adopté l'année dernière, mais écarté lors du 49.3. Certes, conclure un accord ne coûte rien et n'engage que ceux qui y croient.
En France, les femmes sont majoritairement plus diplômées que les hommes et plus compétentes dans le domaine scolaire et professionnel. Pourtant, nous restons 24 % moins bien payées. Nous n'avons pas le droit de laisser cette inégalité perdurer et nous devons trouver tous les moyens possibles pour arriver enfin à l'égalité, notamment salariale.
Savez-vous que la conditionnalité du bénéfice des exonérations de cotisations sociales existe déjà ? C'est la loi du 3 décembre 2008 qui a introduit la possibilité d'une pénalité sur le montant des exonérations quand une entreprise ne respecte pas l'objectif de négociation annuelle sur les salaires et l'organisation du temps de travail. En réalité, elle est rarement utilisée : selon l'Urssaf, seules 74 à 325 entreprises par an ont été sanctionnées. Mais le principe a déjà été posé.
L'obligation d'avoir un plan relatif à l'égalité professionnelle est prévue par le code du travail, mais n'est assortie d'aucune sanction. Il ne s'agit que de contrôler formellement l'existence du plan – il se peut que son contenu ne soit que roupie de sansonnet. C'est très facile à vérifier, cela n'a rien d'une usine à gaz. Pas de plan ? Pas d'allégements généraux. Je peux vous assurer que cette mesure sera puissamment incitative, au moins pour que l'on se mette autour de la table afin d'écrire le plan.
Comme l'année dernière, je serai défavorable aux amendements relatifs à la conditionnalité des allégements généraux.
Je rappelle l'engagement très clair de la Première ministre à renforcer l'égalité hommes-femmes dans son discours de clôture de la conférence sociale.
L'égalité femmes-hommes finance les retraites ! Si les femmes étaient payées au même niveau que les hommes, elles cotiseraient davantage : plus de problème de financement du système de retraite. À travail égal, salaire égal : c'est ce que nous demandons depuis des années. L'amendement est de bon sens ! Comment ne pas le voter ?
Ce n'est pas parce que nous sommes en désaccord avec la solution que vous proposez que nous sommes opposés à la défense de l'égalité femmes-hommes. Ne caricaturez pas nos positions. Nous pensons que la conditionnalité des exonérations de cotisations n'est pas le bon outil pour remédier à cette situation. Quant à dire que cet amendement pourrait résoudre le problème des retraites...
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1150 de M. Hadrien Clouet
Je suis désespérée du vote qui vient d'avoir lieu. Est-ce si difficile de renvoyer à une simple négociation ? Je doute de votre volonté d'arriver un jour à l'égalité hommes-femmes.
Le présent amendement tend à supprimer les exonérations de cotisations pour les entreprises qui augmentent les salaires à un rythme inférieur à celui de l'inflation. Nous voulons pousser les entreprises à jouer le jeu et à permettre à leurs salariés de garder au moins le même pouvoir d'achat tout au long de leur carrière ou jusqu'à une évolution de salaire. Rester dans une entreprise qui ne le ferait pas, c'est perdre de l'argent en travaillant.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Madame la présidente, la recevabilité des amendements pose un problème inédit. Au moment où nous parlons, 1 426 amendements ont été jugés irrecevables ; 765 sont encore en cours de traitement ; il ne nous en reste que 158 à débattre. Le problème se pose aussi en commission des finances : sur les 450 amendements déposés par le groupe Rassemblement National, il n'en est resté que 36. Je veux bien que nous ayons fait quelques erreurs. Mais l'opposition en général a déposé beaucoup d'amendements qui ont été déclarés irrecevables, parmi lesquels certains dont le contenu avait été jugé recevable l'an dernier. Avoir si peu d'amendements nous laisse très peu de temps pour défendre nos positions. Je pense que toutes les oppositions sont concernées. Nous aimerions des éléments d'explication.
À la minute où je vous parle, il reste 908 amendements à examiner. Les oppositions ne sont pas les seuls groupes dont des amendements aient été déclarés irrecevables : c'est aussi le cas de toutes les composantes de la majorité. Le taux d'irrecevabilité n'est pas plus élevé que l'année dernière. Enfin, c'est le président de la commission des finances qui se prononce : la rapporteure générale et moi-même n'y sommes pour rien.
Il est surprenant que cela survienne en plein examen du texte, alors que nous avons préparé nos interventions. C'est beaucoup de gâchis. Pourriez-vous demander au président de la commission des finances qu'il se prononce dans des délais respectueux de notre travail et de celui de nos collaborateurs ?
Je comprends, et j'aimerais moi aussi connaître les irrecevabilités de l'ensemble des amendements dès le début. Mais nous avons déposé près de 3 000 amendements sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), deux fois plus que l'année dernière pour le même nombre d'articles. J'ai vu la quantité de travail de tri que cela implique pour les services. Mathématiquement, il faut plus de temps que l'année dernière pour passer les amendements en revue. La situation s'explique par le délai et nous sommes tous dans l'embarras.
Moi-même, j'ai déposé des amendements identiques à ceux de l'année dernière et qui, cette année, ont été déclarés irrecevables.
Amendement AS1143 de M. Frédéric Mathieu
Par cet amendement, nous proposons que les exonérations de cotisations sociales soient subordonnées au respect d'obligations sociales et environnementales.
Depuis début 2020, notre pays a traversé une crise sanitaire d'envergure mondiale, mettant notre société en difficulté sanitaire, mais également économique et sociale, caractérisée par une inflation historique du fait d'une guerre et d'effets d'aubaine spéculatifs.
Au premier semestre 2023, les bénéfices nets des entreprises du CAC40 continuent leur progression ; ils ont augmenté de 15 % sur un an pour atteindre 75 milliards d'euros. Pendant ce temps, environ 14 % des Français sont en situation de privation matérielle et sociale. Ce sont 10 % des Français qui ne peuvent pas se chauffer correctement, tandis que 9,6 % ne peuvent payer à temps leurs loyers, intérêts et factures ; 25 % prévoient de se restreindre sur le chauffage et le budget destiné à l'alimentation, un niveau record depuis 1985.
Nous ne sommes pas égaux face à la crise. Plan de relance, France 2030, prêts garantis par l'État, baisse des impôts de production, sans oublier le célèbre crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi : les grandes entreprises ont été perfusées d'argent public, sans aucune contrepartie sociale, économique ou environnementale. En revanche, rien de substantiel pour soutenir les plus fragiles et la consommation populaire, et si peu pour les investissements directs, pourtant indispensables à la bifurcation écologique. C'est dans la droite ligne de la politique budgétaire menée par Emmanuel Macron pendant ce dernier quinquennat : des cadeaux pour le capital, rien pour le peuple.
Au vu de la situation économique et dans un souci de justice fiscale et sociale, notre amendement vise à établir une réelle conditionnalité des aides publiques. En cas de non-respect des conditions, les entreprises seront contraintes à des sanctions reversées au budget de la sécurité sociale.
Une observation : vous n'êtes pas obligés de lire tout l'exposé sommaire des amendements. Si vous le faites, on ne va pas y arriver.
Il s'agit une fois encore d'un amendement instaurant une conditionnalité des allégements généraux ; comme je l'ai dit, j'y suis défavorable.
Madame la présidente, sans vouloir remettre en cause votre présidence, et avec tout le respect que je vous dois, chacun défend ses amendements comme il l'entend dans le temps qui lui est imparti, que ce soit en lisant l'exposé sommaire, un texte qu'il a préparé ou en citant des exemples réels ou fictifs. S'il y a bien un domaine dans lequel nous sommes libres, c'est la manière de défendre ses amendements.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS220 de M. Jérôme Guedj, AS1149 de Mme Ségolène Amiot et AS1525 de M. Yannick Monnet
Par sa rédaction maximaliste – abroger l'article du code de la sécurité sociale qui prévoit l'exonération des cotisations sur les heures supplémentaires –mon amendement vise à ouvrir le débat. Acceptons-nous encore que cette désocialisation des heures supplémentaires soit la seule exonération de cotisations sociales non compensée ? C'est une perte de recettes sèche pour la sécurité sociale. Cette question est également posée dans le rapport d'information que j'ai présenté avec Marc Ferracci.
On objecte que ce dispositif crée une dynamique. Cela reste à démontrer. La désocialisation des heures supplémentaires ne se traduit pas par de l'emploi supplémentaire ; au contraire, elle incite à ne pas recourir à des salariés en plus.
Nous ne pouvions pas déposer un amendement en ce sens, car il aurait été irrecevable ; mais expliquez-nous pourquoi vous aggravez le déficit de la sécurité sociale de 2,5 milliards d'euros parce qu'en 2019 vous avez prévu de ne pas compenser cette exonération, au mépris de la loi de 1994 et du principe de compensation posé par ailleurs dans la loi organique.
C'est le principe du salaire différé : tout revenu, y compris celui que l'on tire des heures supplémentaires, de la distribution gratuite d'actions, des retraites chapeaux ou des primes d'intéressement – même si nous préférons le salaire –, doit contribuer au financement de la sécurité sociale par l'intermédiaire des cotisations sociales, qu'elles soient salariales ou patronales.
Amendement AS1149 de Mme Amiot et plusieurs de ses collègues : « article additionnel ; après l'article 10, insérer l'article suivant, deux points : “L'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale est abrogé, point.ˮ »
Exposé sommaire : « par cet amendement, virgule, nous proposons de supprimer l'exonération de cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires qui fait perdre de l'argent au système de retraite, point. Pour justifier sa réforme des retraites, virgule, le Gouvernement a agité le chiffon rouge de la faillite du système, point. La réalité, virgule, c'est qu'il a imposé une régression sociale en dénonçant des déficits qu'il contribue lui-même à aggraver, point.
Il en va ainsi de l'exonération de cotisation vieillesse sur les heures supplémentaires que l'État ne compense pas à la sécurité sociale, point. Chaque année, virgule, ce sont près de 2 milliards d'euros qui manquent au système de retraite, point. Pour éviter une augmentation générale et significative des salaires, virgule, le Gouvernement préfère toujours passer par des voies détournées au détriment du salaire socialisé et de la sécurité sociale, deux points : en témoigne la loi sur le partage de la valeur votée le printemps dernier, point.
Nous proposons une solution simple, deux points : éradiquer les niches sociales en tout genre et les exonérations inefficaces, point. Pour commencer, supprimons la niche sur les heures supplémentaires, point. »
Je suis très fière de lire des exposés sommaires travaillés durement par nos collaborateurs et nous-mêmes.
Nous avons toujours contesté la désocialisation des heures supplémentaires. Elles devraient au contraire donner particulièrement lieu à cotisation, car l'augmentation du temps de travail n'est pas bonne pour la santé. En outre, comme l'a dit Jérôme Guedj, l'exonération a plutôt tendance à peser sur l'emploi qu'à l'encourager. C'est le sens de l'amendement AS1525.
Avis défavorable.
Ces amendements sont contraires à la politique que nous menons en faveur du développement des heures supplémentaires et qui permet d'augmenter l'activité et le pouvoir d'achat, donc, indirectement, d'apporter des recettes à la sécurité sociale.
On a la mémoire courte. Au moment des « gilets jaunes », il y a eu de grandes attentes en matière de pouvoir d'achat, et l'exonération était la mesure qui permettait d'augmenter le pouvoir d'achat des travailleurs de la classe moyenne. Nous en avions débattu avec Pierre Dharréville, et nous avions demandé au Gouvernement la garantie qu'elle serait compensée. Il s'y était engagé. Je ne comprends donc pas pourquoi on laisse penser qu'il n'y aurait pas de compensation. Simplement, il s'agit d'autres flux : ce sont des financements du budget de l'État qui opèrent cette compensation. Il y a même un article qui traite des compensations !
Pour augmenter le pouvoir d'achat, il faut augmenter la rémunération du travail. Vous avez fait l'inverse en désocialisant les heures supplémentaires : vous avez privé les salariés d'une partie de la rémunération – la cotisation sociale. Par un jeu de vases communicants, vous avez supprimé la cotisation et fait comme s'il s'agissait d'une augmentation de salaire.
J'ai l'impression que Thibault Bazin s'est fait enfumer par le Gouvernement. En réalité, il n'y a pas de compensation de la désocialisation des heures supplémentaires, et c'est un problème.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS225 de M. Jérôme Guedj
Fidèle à l'idée selon laquelle toute forme de rémunération doit être contributive au financement de la sécurité sociale, cet amendement propose d'assujettir les dividendes à l'assiette des cotisations de sécurité sociale. Nous avons dit et redit que nous voulions les taxer de manière exceptionnelle, mais il s'agit ici seulement de faire entrer dans le droit commun de l'assiette les 80 milliards d'euros de dividendes versés. C'est, depuis la loi de financement la sécurité sociale (LFSS) de 2009, un débat passionnant, que nous rouvrirons lors de l'examen du texte en séance publique.
Avis défavorable.
Cet amendement aurait la conséquence paradoxale d'augmenter les prélèvements sociaux sur l'actionnariat salarié sans modifier les prélèvements versés aux actionnaires non-salariés, ce qui ne me semble pas être ce que vous visez.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS226 de M. Jérôme Guedj
Cet amendement, que nous avions déjà déposé lors de l'examen de la loi sur le partage de la valeur ajoutée et de la réforme des retraites, vise à supprimer les exonérations de cotisations de sécurité sociale sur l'intéressement, les réserves de participation et les abondements dans le cadre des plans d'épargne salariale. La désocialisation de ces formes de rémunération prive d'environ 3,5 milliards d'euros le financement de la sécurité sociale. Ç'aurait également pu être, à l'époque, l'une des ressources alternatives permettant le financement de la branche vieillesse, plutôt que l'ajout de deux années de travail supplémentaires.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS1206 de M. Hadrien Clouet
L'amendement a pour objet d'intégrer l'intéressement à l'assiette des cotisations de sécurité sociale. Plutôt que d'augmenter les salaires face à l'inflation, le Gouvernement prévoit en effet de les comprimer davantage avec sa réforme des retraites : selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le relèvement de deux ans de l'âge légal de départ entraînerait une baisse des salaires de 3 % à terme. La thèse de la boucle prix-salaires, selon laquelle la hausse des salaires gonflerait l'inflation, est erronée et démentie par un groupe de recherche du Fonds monétaire international.
Le Gouvernement s'obstine pourtant en substituant aux salaires des dispositifs de rémunération désocialisés : prime de partage de la valeur, participation et intéressement. Nous proposons, au contraire, d'augmenter les salaires et de soumettre à cotisations les revenus par lesquels le Gouvernement prétend les remplacer.
Cet amendement aurait pour effet de dissuader l'employeur de verser des sommes au titre de l'intéressement, des réserves de participation et de l'abondement de plans épargne retraite, ce qui est contraire à notre politique.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1207 de M. Frédéric Mathieu
L'amendement a pour objet de soumettre les revenus d'intéressement à l'assiette des cotisations de sécurité sociale. Selon l'OFCE, le relèvement de deux ans de l'âge légal de départ à la retraite entraînerait une baisse des salaires de 3 % à terme. La thèse de la boucle prix-salaires, selon laquelle la hausse des salaires gonflerait l'inflation, est totalement fausse et démentie par le FMI, qu'on peut difficilement accuser d'être de gauche.
Plutôt que de s'obstiner à maintenir des salaires bas, à octroyer des primes mal ou pas du tout garanties et à exonérer ces primes et les heures supplémentaires, nous proposons de soumettre à cotisations tous les revenus, y compris l'intéressement.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS763 de Mme Christine Pires Beaune
L'amendement vise à garantir aux établissements et services d'aide par le travail (Esat) un accompagnement et un soutien financier pour assurer aux travailleurs de ces Esat le droit à bénéficier d'une complémentaire santé à adhésion obligatoire, prévu dans le projet de loi sur le plein emploi – auquel la NUPES s'oppose par ailleurs. Cette mesure a été chiffrée à 36 millions d'euros.
Il conviendrait de réécrire cet amendement, dont la rédaction ne tourne pas. En tout cas, avis défavorable.
Le Gouvernement, pleinement conscient des nouveaux droits ouverts aux travailleurs en Esat – que l'on ne peut du reste qu'approuver – a demandé à l'Inspection générale des affaires sociales un rapport sur les surcoûts correspondants, afin de pouvoir agir pour protéger les Esat, sur lesquels cette mesure aura une incidence.
Mme Le Nabour reconnaît qu'il y aura un surcoût, lequel a été chiffré, je le répète, à 36 millions dans l'étude d'impact. Peut-être cette dernière est-elle lacunaire ou erronée, mais toujours est-il que nous vous proposons de voter cet amendement pour envoyer un signal indiquant aux Esat que les surcoûts seront compensés.
L'amendement peut être retravaillé avant l'examen du texte en séance, mais il sera au moins un signe de la volonté de notre commission de transcrire dans le PLFSS une mesure qui devrait entrer en vigueur dans les prochains mois. Il se peut que l'amendement ne « tourne » pas assez bien, car les députés de l'opposition n'ont pas assez d'administrateurs à leurs côtés pour les aider, mais si vous mettez à notre disposition quelques-uns d'entre eux, nous pourrons rédiger un meilleur amendement. Vous pouvez aussi le sous-amender dès maintenant.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS978 de M. Stéphane Viry
Cet article additionnel prévoit un dispositif d'exonération transitoire des cotisations sociales des employeurs publics sur toutes les couvertures de protection sociale complémentaire. Il doit permettre aux employeurs de la fonction publique des trois versants devant désormais participer de manière obligatoire à la protection sociale complémentaire de leurs agents de garantir à ces derniers un haut niveau de couverture en santé, dans une période de crise inflationniste qui affecte fortement leur capacité de financement. Il y va également de l'équité de traitement entre les employeurs de la fonction publique et du respect du principe d'égalité entre les agents publics.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS72 de M. Yannick Neuder, AS197 de M. Jérôme Guedj, AS421 de M. Thibault Bazin, AS953 de M. Paul Christophe, AS1062 de M. Stéphane Viry et AS1320 de M. Hadrien Clouet
Compte tenu des difficultés de recrutement que rencontrent les métiers du domicile, l'amendement AS72 vise à alléger la fiscalité sur les véhicules mis à la disposition permanente des intervenants à domicile par leur employeur afin d'effectuer leurs tournées au domicile notamment des personnes âgées en perte d'autonomie. En effet, lorsqu'un employeur met à la disposition permanente d'un salarié un véhicule dont il est propriétaire ou locataire, l'utilisation privée qui en est faite représente un avantage en nature, soumis à cotisations et considéré comme un revenu imposable pour le salarié.
L'amendement tend donc à exclure des bases de cotisations de sécurité sociale et, en conséquence, de la base de revenu imposable les véhicules mis à disposition par les structures d'aide à domicile à leurs salariés sans distinction des périodes d'utilisation professionnelles et non professionnelles. Cette mesure permettra d'améliorer le pouvoir d'achat de ces salariés de première ligne et d'augmenter grandement leur employabilité.
L'amendement AS197 vise à alléger la fiscalité pour inciter les employeurs à investir dans les véhicules des intervenants à domicile. Dans le contexte du virage domiciliaire auquel nous assistons, les aides à domicile sont à la peine, faute de pouvoir financer leur véhicule. Cette mesure a donc pour objet de leur permettre d'effectuer leurs tournées dans les meilleures conditions sans que cela leur coûte.
L'année dernière Mme Astrid Panosyan-Bouvet, M. François Ruffin et moi-même avons accompagné un conflit social du groupe Domidom, filiale d'Orpea, une grève de quarante-cinq jours des aides à domicile, qui se battaient notamment parce qu'elles payaient, et même très cher, pour aller travailler. Elles ont finalement obtenu une revalorisation de leurs indemnités kilométriques, mais cela ne suffit pas, car il leur faut, par exemple, en raison des trajets incessants qu'elles effectuent, changer les plaquettes de frein tous les six mois.
La mesure proposée est un levier d'amélioration de l'employabilité des intervenants à domicile, de l'attractivité de leurs métiers et de leur pouvoir d'achat, ainsi qu'un levier de valorisation, ces salariés témoignant qu'ils se sentent considérés et respectés lorsqu'on leur confie un véhicule. Ce petit coup de pouce ne déstabilise pas les budgets de l'autonomie, a de l'importance dans nos territoires où ces salariés ont besoin de se déplacer et multiplient les petits trajets pour intervenir tôt le matin, à midi et le soir. La distinction entre les trajets à caractère professionnel et personnel est d'ailleurs assez difficile à définir lorsque les journées sont aussi hachées et que s'y ajoutent des contraintes familiales.
Nous avons déjà débattu de cette question l'année dernière. Cet amendement d'appel vise à sensibiliser à l'attractivité des métiers, en particulier celui des intervenants à domicile, qui suppose des déplacements. Il y a une différence entre l'utilisation d'un véhicule que l'on doit retirer sur son lieu de travail et la possibilité de le conserver à domicile sans être assujetti à la fiscalité y afférente. Alors qu'il est beaucoup question aujourd'hui des métiers de l'aide à domicile, l'accompagnement de la fiscalité générée par l'usage d'un véhicule a toute sa place dans nos débats.
Sans répéter les arguments pertinents qui viennent d'être exposés, j'évoquerai, quant à moi, l'écologie à l'appui de l'amendement AS1320. En effet, le fait de ne pas pouvoir conserver le véhicule de l'entreprise oblige à des trajets inutiles, consommateurs de carburant et écologiquement coûteux, pour aller le chercher, puis le ramener le soir pour récupérer sa propre voiture et rentrer chez soi. Dans très peu de temps, les véhicules en vente seront systématiquement électriques, mais leur prix n'est pas encore celui des véhicules thermiques et il ne sera donc pas facile pour les aides à domicile de devenir propriétaires d'un véhicule électrique. Si donc nous pouvons aider les entreprises à mettre à leur disposition des véhicules propres pour accomplir les trajets nécessaires pour leur travail, il faut le faire.
Je reconnais moi aussi l'utilité des professions de l'aide à domicile dans nos territoires et l'importance que revêt leur attractivité. Pour ce qui est toutefois de la forme de l'amendement, la notion de « véhicule terrestre motorisé » peut s'appliquer aussi bien aux trottinettes électriques qu'aux tracteurs, aux machines agricoles, aux engins de chantier et même à des tondeuses autoportées. Quant au fond, si je reconnais l'intérêt qu'auraient des mesures efficaces pour améliorer l'attractivité de ces métiers – question qui pourrait du reste être étendue à d'autres professions –, je ne peux néanmoins émettre un avis favorable, car les amendements ne donnent aucune notion du coût ni de l'efficacité de cette mesure, susceptible de creuser un déficit important dans les comptes de la sécurité sociale.
Avis défavorable, donc.
Madame la rapporteure générale, vous êtes douée pour dire non ! Objectivement, toutefois, on imagine bien qu'un service d'aide à domicile ne mettra pas à la disposition de ses salariés des véhicules qui ne seraient pas adaptés à leurs missions. Or la mise à disposition est une pratique vertueuse qui se déploie de plus en plus largement dans ce secteur.
Pour ce qui est du coût et de l'efficacité, la première efficacité tient à la fidélisation et à l'attractivité des métiers – et, précisément, les salariés se sentent positivement considérés. Sur le plan budgétaire, toutefois, les services d'aide à l'autonomie sont aujourd'hui en difficulté.
Je suis, intellectuellement, tout à fait en phase avec cet amendement, que j'avais déposé l'année dernière mais qui, pour les mêmes raisons que cette année, n'avait pu connaître d'issue favorable. Il reste que la question de l'attractivité est bien réelle. C'est la raison pour laquelle la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France, dont nous reprendrons l'examen dans la semaine du 20 novembre, prévoit, à son article 7, une enveloppe de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie destinée aux départements pour accompagner tous les services à domicile qui appliquent des aides à la mobilité. C'est notamment le cas de services d'aide à domicile qui s'équipent de flottes de véhicules électriques pour leurs professionnels. Cette enveloppe sera renouvelée tous les ans.
Monsieur Bazin, de nombreuses entreprises, y compris dans ma circonscription, prêtent ainsi des véhicules mais, pour pousser le raisonnement plus loin, faut-il ajouter un nouveau coût pour la sécurité sociale, alors que cette pratique a déjà cours ? Je rappelle par ailleurs qu'il existe des exonérations ciblées, qui sont d'ailleurs les plus élevées de cette catégorie, pour les dépenses liées à l'embauche d'aides à domicile pour les personnes âgées. Je maintiens mon avis défavorable tant que la mesure n'aura pas été étudiée en termes de coût et d'efficacité.
La commission rejette les amendements.
La réunion, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.
Amendements identiques AS149 de M. Jérôme Guedj et AS1135 de Mme Caroline Fiat
L'amendement AS149 vise à moduler le taux des cotisations à la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT MP) en fonction de la survenance de pratiques pathogènes. Avec la flexibilisation du droit du travail, les horaires atypiques et la précarité se sont développés. C'est notamment le cas du temps partiel, du travail de soirée et du travail de nuit – le nombre de travailleurs de nuit a ainsi doublé.
Le travail nocturne, découpé ou irrégulier, a des conséquences de mieux en mieux documentées sur les individus. On apprend ainsi que les maladies cardiovasculaires, ainsi que le diabète et l'obésité, sont favorisés par la désynchronisation avec le rythme naturel de repos.
L'amendement a donc pour objet de décourager les entreprises d'adopter de telles pratiques pathogènes. Peut-être pourra-t-il contribuer à lutter contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Cet amendement identique vise lui aussi à dissuader les entreprises d'adopter des pratiques pathogènes. Il prévoit en effet une modulation du taux de cotisations de la branche AT-MP en fonction de la survenance de ces pratiques. Une liste sera dressée par les organismes compétents sur la base des études très fiables réalisées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail pour l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, en qui nous pouvons avoir toute confiance.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS1134 de M. Frédéric Mathieu
Mercredi 11 octobre, un travailleur intérimaire de 35 ans est mort sur son lieu de travail à Paris lors de sa première journée de travail. C'est la terrible réalité des intérimaires, qui sont deux fois plus exposés aux accidents du travail que les salariés en CDI. Le système de bonus-malus instauré par le Gouvernement sur les contrats courts est bien insuffisant, car il ne concerne que 18 000 entreprises, sur plus de 8 millions que compte notre pays.
Afin de renforcer la sécurité sanitaire des intérimaires, le groupe La France insoumise demande la prise en compte du taux de recours à l'intérim dans le calcul des cotisations AT-MP, afin de dissuader les entreprises d'embaucher en intérim.
Au demeurant, nos discussions sont tout simplement inutiles, puisqu'il semblerait que le recours au 49.3 soit désormais devenu la règle dans notre assemblée. Cela laisse penser que nos débats ne sont finalement que distraction.
Cet amendement aurait pour effet qu'une entreprise vertueuse qui recourrait à l'intérim en cas de nécessité serait pénalisée par rapport à une autre qui serait moins vertueuse mais qui n'aurait pas recours à l'intérim.
Avis défavorable.
De petites entreprises qui n'ont parfois pas l'argent pour payer du personnel sur une plus longue durée et embaucher sur des CDD ou des CDI seront pénalisées par ce dispositif, ce qui est tout à fait injuste et ne favorisera pas l'emploi dans les très petites entreprises .
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1138 de Mme Ségolène Amiot
Dans la même veine, nous souhaitons augmenter les cotisations AT-MP pour les entreprises qui recourent à la sous-traitance. En effet, la sous-traitance permet souvent aux entreprises de se déresponsabiliser : alors que l'entreprise donneuse d'ordre est censée être responsable des salariés et de leurs conditions de travail, y compris en sous-traitance, ce n'est, dans les faits, pas le cas. Afin de prévenir les risques psychosociaux, les maladies professionnelles et les accidents, il convient d'inciter ces entreprises à recourir le moins possible à la sous-traitance.
Avis défavorable.
La France est déjà, dans ce domaine, en avance sur les autres pays européens. Je vous renvoie à ce propos au rapport de Mmes Sophia Chikirou et Mireille Clapot au nom de la commission des affaires européennes. Nous attendons, en la matière, des mesures européennes.
La commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement AS1146 de Mme Caroline Fiat.
Amendements AS1893 et AS1895 de M. Jiovanny William (discussion commune)
Il s'agit de prendre en compte la situation particulière des entreprises de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.
Amendements AS2366 de M. Benoit Mournet
L'amendement a pour objet de simplifier le régime de retraite des marins de l'Établissement national des invalides de la marine pour réduire ses coûts de gestion. Une vingtaine de catégories servent de fondement à la liquidation des pensions mais certaines sont obsolètes. Il est proposé de limiter le nombre de catégories aux cinq les plus utilisées, qui concernent 95 % des pensions.
Avis favorable, la commission des finances, saisie pour avis, ayant adopté cet amendement ce matin.
La commission adopte l'amendement.
Amendement AS854 de M. Jean-Pierre Taite
L'amendement a pour objet d'accorder aux indépendants la possibilité de se verser une prime défiscalisée, sur le modèle de la prime de partage de la valeur instaurée en 2022 pour les salariés. Cette prime, versée une fois par an, serait plafonnée à 5 000 euros.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS1432 de M. Emmanuel Mandon
L'amendement vise à proposer un soutien à l'embauche d'élus locaux par une réduction de cotisations patronales. Il est en effet difficile de concilier l'exercice d'un mandat avec une activité professionnelle, nombre d'employeurs étant sur la réserve face à des salariés qui assument un mandat électif.
Je partage votre objectif. Mais le mécanisme que vous proposez créerait un effet d'aubaine très important, rendant ces exonérations inefficaces.
Avis défavorable. Poursuivons la réflexion.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1743 de M. Christophe Bentz
Il est en partie satisfait : une entreprise qui met une salle de sport à disposition de ses salariés bénéficie déjà d'une exonération. Il ne me paraît pas nécessaire d'en modifier le taux.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS979 de M. Stéphane Viry
L'amendement vise à exonérer les employeurs territoriaux d'une part de leurs cotisations sociales s'ils mènent des investissements leur permettant de présenter un taux d'absentéisme de leurs agents inférieur à un seuil déterminé par décret.
Avis défavorable.
Je ne crois pas que des exonérations permettront de lutter contre l'absentéisme des agents de la fonction publique.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1159 de M. Frédéric Mathieu
L'amendement vise à instaurer une expérimentation intitulée Objectif 32 heures, qui consiste en l'exonération de cotisations pour les salariés travaillant 32 heures payées 35. Ce dispositif, déjà expérimenté par des entreprises de toutes tailles, entraîne une baisse du taux d'absentéisme, permet une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle et une meilleure santé des salariés – bref, le bonheur au travail. Alors que les salariés traversent une crise de sens et que nombre de branches connaissent des difficultés pour recruter, c'est une option qu'il faut étudier.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Chapitre III – Améliorer la lisibilité de la régulation macroéconomique des produits de santé
Article 11 : Simplification des mécanismes de régulation macroéconomique des produits de santé
Amendements AS1883 de Mme Caroline Colombier, AS2119 de M Damien Maudet et AS2508 de M. Frédéric Mathieu
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS2157 de M. Paul Christophe
La LFSS 2023 dispose que les médicaments acquis par l'Agence nationale de santé publique sont intégrés, à compter de 2024, dans l'assiette de la contribution M. L'amendement vise à renoncer à cette intégration car les dépenses en réponse aux crises sanitaires ne peuvent légitimement être soumises à la clause de sauvegarde.
Avis défavorable. Toutefois, les traitements contre le covid seront exclus de l'assiette de la clause pour 2024.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS1576 de M. Thierry Frappé et AS1792 de Mme Joëlle Mélin
Les médicaments génériques, hybrides et biosimilaires permettent d'économiser annuellement 2 milliards d'euros. En faisant peser sur eux un poids déraisonnable, la clause de sauvegarde menace la pérennité d'approvisionnement pour les patients français. Un plafonnement est certes prévu pour les entreprises du médicament générique mais il sera exceptionnel, temporaire et est déjà considéré comme insuffisant.
L'exemption de la clause de sauvegarde constitue une urgence économique, fiscale et industrielle pour les laboratoires qui commercialisent ces médicaments. Il convient de l'adopter pour ne pas mettre en péril notre indépendance sanitaire.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements.
Amendement AS402 de M. Thibault Bazin
Il paraît injuste d'intégrer les médicaments financés par Santé publique France dans le périmètre de la clause de sauvegarde car ces produits ne sont ni régulés, ni compris dans les dépenses d'assurance maladie. L'amendement a pour objet d'y renoncer.
Santé publique France n'aura que peu d'investissements à réaliser en 2024. Un équilibre a été trouvé l'année dernière avec les modifications que nous avions apportées à la clause de sauvegarde.
Avis défavorable.
Les hypothèses regardant les investissements de Santé publique France ne sont que prévisionnelles. Qui peut dire quels stocks stratégiques il lui sera demandé de constituer en 2024 ? Le risque zéro n'existe pas et il ne faudrait pas que l'intégration dans la clause de sauvegarde pénalise cette agence.
Nous avions prévu 900 millions d'euros pour 2023 et nous avons dépensé exactement ce montant.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS403 de M. Thibault Bazin et AS2159 de M. Paul Christophe (discussion commune)
L'article 11 supprime, à partir du 1er janvier 2026, le caractère progressif de la contribution des entreprises du médicament. Nous proposons au contraire de le préserver car la clause de sauvegarde s'apparente à un impôt : supprimer sa progressivité par tranches pénaliserait les entreprises, au moment même où l'on cherche à leur redonner des marges de manœuvre pour produire en France et investir dans la recherche.
Il s'agit d'assurer la cohérence des périmètres dans le calcul de la croissance des entreprises servant de base à la répartition de la contribution M. Des dépenses de l'Agence nationale de santé publique sont imposées, et cela ne concerne pas que le covid. Il est difficile dans ces conditions de justifier une politique de régulation.
La modification des paramètres de la clause de sauvegarde se fait à rendement constant. Il s'agit d'une mesure de simplification.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1863 de M. Yannick Neuder
L'amendement vise à créer une troisième tranche tenant compte du lieu de production des médicaments. Cela permettrait d'intégrer la contrainte pesant sur tout titulaire d'une autorisation de mise sur le marché et sur toute entreprise pharmaceutique exploitant un médicament en France de constituer un stock de médicaments.
Je maintiens mon souhait de préserver l'équilibre auquel nous sommes parvenus. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS311 de M. Jérôme Guedj
L'amendement vise à supprimer le plafonnement du montant dû au titre de la clause M à 12 % du montant total remboursé par l'assurance maladie. Ce plafond ne nous semble pas pertinent compte tenu de la concentration du secteur et des superprofits réalisés par les entreprises du médicament – 27,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires au premier trimestre 2022 pour Pfizer et, au premier trimestre 2020, un résultat net d'activité en hausse de 15,9 % par rapport à la même période de l'année précédente pour Sanofi. Il convient de ne pas se fixer une règle aussi arbitraire, qui priverait la sécurité sociale de ressources précieuses.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS401 de M. Thibault Bazin
Le calcul de la clause de sauvegarde reposant sur un chiffre d'affaires net, il conviendrait, par cohérence, que le plafond soit pérennisé sur la base d'un chiffre d'affaires net, c'est-à-dire minoré des remises – c'était le cas en 2023 – et non sur un chiffre d'affaires brut. Tel est l'objet du présent amendement.
Avis défavorable. L'évolution consiste précisément à passer du chiffre d'affaires au montant remboursé.
Le montant remboursé tient-il compte des remises ? Le secteur souhaite une clarification sur ce point.
Je vous propose de retirer votre amendement pour que l'on puisse étudier cette question d'ici à la séance.
L'amendement est retiré.
Amendement AS2160 de M. Paul Christophe
L'amendement a pour objet de mettre des données à la disposition des entreprises et de leurs syndicats représentatifs afin d'améliorer la prévisibilité du montant futur de la contribution.
Avis défavorable car notre objectif est de simplifier le mécanisme de la clause de sauvegarde. Or votre amendement contribuerait à le rigidifier.
Je ne vois pas en quoi la communication de données pourrait entraîner une complexification.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS52 de M. Yannick Neuder, AS392 de M. Thibault Bazin, AS867 de Mme Josiane Corneloup et AS2696 de M. Frédéric Valletoux
Mon amendement vise à aligner les taux de reversement des clauses applicables aux secteurs des dispositifs médicaux (DM) et des médicaments. Le montant total de la contribution en cas de déclenchement de la clause de sauvegarde des DM serait égal à 90 % de la différence entre le montant remboursé par l'assurance maladie et le montant Z.
L'objet est de fixer le montant total de la contribution en cas de déclenchement de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux à 90 % du dépassement du montant Z, et non plus 100 %.
Avis défavorable.
L'harmonisation ne porte pas sur les taux : on bouge l'assiette mais on reste à rendement constant. Il n'est pas nécessaire de bouger le taux applicable aux dispositifs médicaux.
Nos amendements visent précisément à soutenir le secteur des dispositifs médicaux, déjà affecté par des coups de rabot budgétaires.
La commission rejette les amendements.
Puis, suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements identiques AS50 de M. Yannick Neuder, AS864 de Mme Josiane Corneloup et AS2681 de M. Frédéric Valletoux
Amendements identiques AS51 de M. Yannick Neuder, AS866 de Mme Josiane Corneloup et AS2684 de M. Frédéric Valletoux
L'amendement a pour objet de prévoir que, lorsqu'un dépassement du montant Z est constaté, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) remette un rapport qui en identifie les causes.
Avis défavorable car ces amendements sont quasi satisfaits. Cette question relève plutôt des annexes du PLFSS.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS2158 de M. Paul Christophe
Nous avons bien compris que vous n'aviez pas de marge de manœuvre et qu'il fallait atterrir sur le chiffre de 900 millions d'euros. Toutefois, l'asymétrie dans le mode de calcul pourrait être préjudiciable aux entreprises françaises. Un taux de 90 % est quasiment confiscatoire.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendements AS1797 de Mme Joëlle Mélin et AS2520 de M. Hadrien Clouet, amendements identiques AS257 de M. Yannick Neuder et AS390 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
Le montant M ayant été gravement sous-évalué l'an dernier, nous proposons de lui appliquer l'augmentation annuelle de 4,5 % promise par le Gouvernement aux industriels. Il en va de même pour le montant Z. À défaut de supprimer la clause de sauvegarde – qui serait un vrai progrès –, donnons enfin à ces industries un montant plus conforme à la réalité de la demande de soins en France.
Je propose de demander une modeste contribution aux laboratoires pharmaceutiques. En attendant le pôle public du médicament, cela aurait le mérite de freiner les appétits de leurs actionnaires.
Nous proposons d'augmenter de 4,5 % le montant Z afin de prendre en compte la situation conjoncturelle. La Cnam a montré qu'il n'y avait pas eu de dérapage des dépenses dans le secteur des dispositifs médicaux : cela mérite d'être souligné.
Avis défavorable.
Les deux premiers amendements, l'un visant à augmenter le montant et l'autre à le baisser, prouvent que nous avons atteint l'équilibre. Concernant les dispositifs médicaux, le montant connaît déjà une augmentation cette année.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'article 11 non modifié.
Après l'article 11
Amendements identiques AS1793 de Mme Joëlle Mélin et AS2526 de Mme Caroline Fiat, et amendement AS1794 de Mme Joëlle Mélin (discussion commune)
Mon amendement AS1793 vise à rétablir la règle de révision annuelle des droits d'accise sur le tabac en vigueur avant l'adoption de la LFSS 2023, donc à rétablir le plafond de 1,8 %. En septembre, la Première ministre a annoncé qu'aucune hausse de la fiscalité du tabac n'interviendrait en 2024. C'est inexact puisque l'accise est désormais indexée sur l'inflation. Ainsi, le paquet de cigarettes a augmenté de 70 centimes en moyenne en 2023 et devrait augmenter encore de 40 à 60 centimes en 2024.
La pression fiscale ne peut plus constituer le principal outil de lutte contre le tabagisme. La contrefaçon flambe : cinq usines clandestines ont été récemment découvertes en France et il existe un véritable marché parallèle.
Pendant la crise de 2020 liée au covid, les frontières étaient fermées. On s'est aperçu que toutes les personnes qui étaient censées avoir arrêté de fumer depuis que le prix du paquet de cigarettes avait été porté à 10 euros retournaient acheter du tabac chez les buralistes. Elles n'avaient pas arrêté de fumer : elles allaient acheter leurs cigarettes à l'étranger. Les habitants de Meurthe-et-Moselle, par exemple, les achètent au Luxembourg.
Cinq usines de contrebande ont été découvertes en 2023 ; M. Darmanin en a visité une pour montrer un démantèlement. Les cigarettes qu'elles fabriquent sont très toxiques, et sont vendues à la sauvette, y compris à des mineurs. Favoriser ce commerce est donc particulièrement dangereux.
Comme je l'avais expliqué à Mme Buzyn, alors ministre des solidarités et de la santé, seule une politique européenne serait vraiment efficace contre le tabagisme. Il faut que tous les pays de l'Union européenne fixent un prix exorbitant au paquet de cigarettes, par exemple 20 euros.
Mon amendement de repli AS1794 tend à plafonner à 1,8 % la révision annuelle de l'accise sur le tabac, sans modifier les dispositions relatives au tabac à chauffer ni l'évolution des droits sur les tabacs à rouler. Mme Fiat l'a montré, la fiscalité comportementale ne fonctionne pas.
Avis défavorable sur tous les amendements.
Nous avons adopté ces mesures lors de l'examen en commission du PLFSS 2023, dans le cadre d'une politique de santé publique, qui inclut la lutte contre la fraude. En un an, nous avons saisi 649 tonnes de tabac de contrebande, soit une augmentation de 61 %.
S'il y a autant de vendeurs à la sauvette, c'est que leur commerce rapporte de l'argent. Plus vous augmenterez le prix du tabac, plus les usines de contrefaçon se développeront. Chaque année, vous avancerez un plus grand nombre de démantèlements, parce qu'elles pousseront comme des champignons, alors qu'elles représentent un grave danger. Pour que tout le monde arrête de fumer, il faut une vraie politique de santé publique européenne et un prix prohibitif dans tous les pays.
Nous voterons contre ces amendements. Le tabac provoque 13 % des décès en France – 200 morts par jour. Toutes les études attestent une corrélation directe entre les prix et la consommation : sur les graphiques illustrant leur évolution, les courbes se croisent. La hausse doit être continue et renforcée.
S'agissant des disparités européennes, il faut encourager l'harmonisation en ce sens, et non abandonner une politique de santé publique efficace. J'ajoute que seuls les départements frontaliers sont concernés par l'évitement que vous décrivez, Mme Fiat – ce n'est pas le cas du Calvados, par exemple.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS2780 de M. Cyrille Isaac-Sibille
L'amendement est issu des travaux sur la fiscalité comportementale appliquée aux boissons que M. Thierry Frappé et moi avons menés pour le Printemps social de l'évaluation.
La France est le quatrième pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques en consommation d'alcool par personne. L'alcool provoque 41 000 décès par an ; avec le tabac, il est le principal facteur de la perte d'années de vie en bonne santé ; il est directement ou indirectement responsable de plus de soixante maladies. Les taxes sur les alcools rapportent 4 milliards d'euros par an, quand l'alcool coûte chaque année 8 milliards à l'assurance maladie. Son coût social est estimé à 102 milliards – violences intrafamiliales, violences faites aux femmes, arrêts de travail, accidents du travail, accidents de la route.
Les droits d'accise sont plafonnés et indexés sur l'inflation de l'année n-2. Pour éviter un décrochage des prix, le présent amendement vise à déplafonner les droits et à les indexer sur l'inflation de l'année n-1, comme nous l'avons fait l'an dernier pour le tabac.
Sur une bouteille de vin, le montant de la taxe s'élève à 3 centimes ; il augmenterait de 0,003 centime. Les accises frappant surtout les alcools forts, l'incidence sur les vins et les autres produits plus largement consommés en France serait donc négligeable. Si les arbitrages sur ce sujet ont été négatifs, la réforme fait partie des projets du Gouvernement.
Je remercie M. Isaac-Sibille pour son travail. Sa proposition est fondée sur des données scientifiques. Nous avons besoin d'une fiscalité comportementale, en particulier sur l'alcool, dont la taxation est trop faible. La hausse du prix des bières a fait baisser les ventes de 3 % dans la distribution et de 8 % dans les débits de boissons ; il s'agit donc d'une mesure efficace.
En 2015, 41 000 décès étaient attribuables à l'alcool – 30 000 chez les hommes, 11 000 chez les femmes – dont 16 000 par cancer. L'alcool tue : nous devons agir.
J'ajoute que le texte prévoit de diminuer de 12 % la dotation attribuée à Santé publique France. Nous devons absolument nous mobiliser pour empêcher cela.
Je suis défavorable à l'amendement. Certes, il faut lutter contre les pratiques à risque et les consommations excessives. Toutefois, on ne peut pas dire que l'alcool tue comme si n'importe quelle boisson alcoolisée, même ingérée en quantité raisonnable, était mortelle. Beaucoup de personnes boivent raisonnablement de l'alcool sans commettre de violences – c'est heureux ! D'autres sont violents sans en boire. Il faut faire attention au message qu'on envoie. Il existe des campagnes visant à promouvoir la modération, afin d'encourager les comportements responsables, par exemple dans le cadre de la sécurité routière. Le combat est essentiel, mais hausser les taxes n'est pas une mesure pertinente.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS2028 de Mme Caroline Janvier
On peut dire que l'alcool tue, puisqu'il est responsable de 40 000 morts par an en France. Le présent amendement relève également de la fiscalité comportementale. Il vise à déplafonner l'augmentation de l'accise sur les tabacs, afin de permettre la généralisation de l'usage du cannabis thérapeutique. L'expérimentation en cours prendra fin le 25 mars. Il faut trouver une solution pour les 3 000 patients qui en bénéficient et pour les 300 000 qui attendent depuis des années de pouvoir recourir au cannabis thérapeutique.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendements AS285 de M. Jérôme Guedj et AS2305 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)
Élaboré avec l'association Addictions France, l'amendement AS285 vise à créer une accise sur les bières aromatisées, sucrées ou édulcorées, dont le produit serait reversé à l'assurance maladie, afin de prévenir l'alcoolisme des jeunes. MM. Isaac-Sibille et Frappé ont montré l'effet massif de la fiscalité sur l'alcool.
Avec ces boissons, les industriels de la bière ciblent les jeunes de 18 à 25 ans ; les mineurs sont susceptibles d'être également attirés. Comme les prémix, elles masquent le goût de l'alcool par des arômes et leur conditionnement est conçu pour attirer l'œil et donner un aspect « tendance ». Or plus la consommation d'alcool est précoce, plus le risque de conséquences socio-sanitaires graves augmente – notamment celui de mourir, monsieur Bazin. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), un décès sur vingt dans le monde est lié à l'alcool. Les enfants peuvent être indirectement victimes, en particulier en cas d'alcoolisation fœtale.
Lors de l'examen de la proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, nous avons remarqué que les influenceurs faisaient de la publicité hors du cadre de la « loi Évin », avec un effet sur les jeunes. Les alcooliers encouragent la consommation des jeunes, ce qui pose un problème.
Les industriels produisent des bières aromatisées, sucrées et édulcorées à destination des jeunes de 18 à 25 ans ; elles sont parfois consommées bien plus tôt. Comme dans les prémix, ils tendent à masquer le goût de l'alcool. Le conditionnement est conçu pour attirer les jeunes. Tout un travail est fait pour les engager à consommer de l'alcool. On peut boire avec modération, mais plus on commence à boire jeune, plus les risques d'addiction sont élevés et plus les effets sont délétères.
Il y a un an, dans cette même salle, nous avons adopté un amendement similaire. Nous étions convenus que ces bières aromatisées visaient les jeunes, pour les habituer à l'alcool, tout en en cachant le goût, afin que leur corps s'accoutume et en réclame davantage. Il est dommage que le recours au 49.3 ait fait disparaître la mesure. Si nous adoptons l'un des amendements en discussion commune, il risque de pareillement disparaître la semaine prochaine. Néanmoins, l'enjeu est tel que nous devrions le voter.
J'ai travaillé sur ce sujet avec Mme Audrey Dufeu, en prévision de l'examen du PLFSS 2021. Nous nous étions attaquées – c'est le terme juste – aux prémix. Du chemin a été parcouru depuis. Je voterai contre ces amendements, parce que la précipitation ne permet pas toujours d'arriver à bonne destination.
La commission adopte l'amendement AS285.
En conséquence, l'amendement AS2305 tombe.
Amendement AS2781 de M. Cyrille Isaac-Sibille
Les maladies chroniques sont à l'origine de 80 % des dépenses de l'assurance maladie ; elles coûtent des milliards. Le présent amendement vise à instaurer une contribution sur les produits alimentaires, proportionnelle à leur teneur en sucres ajoutés. En 2018, dans son rapport d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance, Michèle Crouzet recommandait de définir dans la loi des objectifs précis de diminution du taux de sucre dans chaque catégorie de produits, en suivant les recommandations de l'OMS.
Le sucre est le premier facteur d'obésité Le lien entre la surconsommation d'aliments industriels, ultratransformés en particulier, et l'apparition de maladies chroniques est avéré. La prévalence de l'obésité augmente ; en 1997, l'OMS l'a qualifiée d'épidémie mondiale. Les maladies chroniques font payer un coût humain à leurs victimes, et un coût économique et financier considérable aux sociétés. Je vous propose donc d'en faire porter la charge aux industriels, trop peu soucieux de l'incidence de leurs produits sur la santé publique.
L'enjeu pour la santé publique est réel, mais le Danemark a mené une expérience en ce sens. La mesure étant inefficace et difficile à appliquer, il l'a abandonnée en moins d'un an. Le travail doit être poursuivi.
Avis défavorable.
L'OMS prévient que le nombre de personnes obèses a triplé depuis 1975. Un Français sur deux est sujet au surpoids ou à l'obésité, pathologie responsable de maladies cardiovasculaires et de diabète. Les facteurs sont connus : la sédentarité et l'alimentation, industrielle en particulier. Il faut s'attaquer au sucre. Je suis très favorable à cette proposition.
La commission adopte l'amendement.
Amendement AS2779 de M. Cyrille Isaac-Sibille
Une contribution sur les boissons contenant du sucre ajouté, appelée taxe soda, a été créée en 2012, pour en réduire la consommation. Le présent amendement vise à la simplifier et à la rendre plus efficace.
D'après l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, la consommation de soda en France a fortement augmenté depuis les années 1960. Elle atteint 50 litres par an et par personne, accroissant notamment les risques de maladies coronariennes et de diabète de type 2. Or l'UFC-Que Choisir estime que la taxe a une incidence limitée : le prix d'une canette de 33 centilitres d'un soda contenant 100 grammes de sucre par litre n'a augmenté que de 5 centimes. Les achats des Français n'ont diminué que de 3 ou 4 litres par an, ce qui équivaut à moins d'un gramme de sucre par jour et par personne. Pourtant, l'OMS considère que la taxe soda lutte efficacement contre l'obésité. En France, l'outil fiscal est donc mal utilisé : les paliers sont trop nombreux pour que la mesure soit lisible et efficace.
La taxe soda est en cours d'évaluation. Nous en reparlerons probablement lors de l'examen du prochain PLFSS. Avis défavorable.
C'est singulier : vous objectez à la réforme une évaluation en cours, alors même que vous avez argué des évaluations en cours pour justifier l'adoption du texte pour le plein emploi !
En application de notre Règlement, je sollicite une évaluation de l'impact du présent amendement par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Les boissons sucrées contribuent largement à dégrader la santé des mineurs, dentaire en particulier. Le problème est particulièrement aigu dans les départements ultramarins. Nous devons agir.
La commission adopte l'amendement.
Amendements AS793 et AS465 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
Ces amendements visent à instaurer un prix minimum de vente pour les boissons alcoolisées. Comme l'OMS et la Cour des comptes, Fabrice Étilé, auteur du rapport « Effets économiques et épidémiologiques de politiques de prix des boissons alcoolisées », soutenu par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives et l'Institut national du cancer, recommande d'engager une réflexion en ce sens.
Potentiellement compatible avec le droit de l'Union européenne, cette politique aurait une forte incidence sur les consommateurs excessifs. L'Écosse l'applique depuis mai 2018 : les décès liés à l'alcool ont diminué de 13,4 %, les hospitalisations de 4,1 %, celles dues à une maladie chronique liée à l'alcool de 7,3 %. Adopter cet amendement peut changer la santé des gens.
Par ailleurs, Santé publique France participe à prévenir la consommation d'alcool. Or son budget pour 2024 va diminuer de 12 %. Cet après-midi, le groupe d'études VIH et sida, présidé par Mme Brigitte Liso, a visité Sida Info Service ; leurs représentants se sont inquiétés de cette baisse qui pourrait les obliger à licencier. Je vous mets en garde : de nombreux autres opérateurs et associations seront concernés, alors qu'ils agissent en faveur de la prévention en santé.
Encore une fois, on parle de taxes, et non de prévention et d'éducation. Toutes les addictions, au sucre, à l'alcool, au tabac, touchent les gens dès leur jeune âge, en particulier dans les milieux faiblement dotés. Les personnes qui ont reçu une solide éducation et qui jouissent d'un niveau de vie élevé sont les plus à même de s'autoréguler. Hausser le prix du tabac ne dissuadera pas les fumeurs mais diminuera encore le pouvoir d'achat de personnes qui n'ont déjà pas les moyens de se nourrir normalement et qui choisiront en priorité les produits dont ils sont dépendants – le sucre, l'alcool, le tabac.
Il faut que nous nous saisissions de l'enjeu que constitue l'alcool, aussi bien pour des raisons de santé que comportementales. Les gendarmes et les policiers le constatent, près de 60 % des affaires auxquelles ils sont confrontés ont un lien direct ou indirect avec l'alcool.
Soyons courageux sur ce sujet et envoyons un signal fort. Cela nous honorerait d'avancer dès ce soir.
La commission adopte l'amendement AS793.
En conséquence, l'amendement AS465 tombe.
Amendements AS2777 et AS2778 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)
Je me réjouis que la commission ait bien pris conscience de l'ampleur du sujet. Nous pouvons être fiers ce soir.
Le premier amendement vise à instaurer un prix minimum pour les bières de plus de 11 degrés. Je le dédie à Axel Kahn qui s'était battu en faveur de cette mesure. Ces bières de plus de 11 degrés vendues en canettes de 50 centilitres ont pour seul but d'alcooliser la jeunesse. Chacune représente 5 grammes d'alcool, sachant qu'elles sont vendues par pack.
Le second amendement prévoit quant à lui la mise en place d'un prix plancher pour la vente de ces mêmes bières à fort degré d'alcool lors des périodes dites de « happy hours ».
Ces mesures incitatives visent à lutter contre l'alcoolisation des jeunes. Je rappelle que les producteurs de ces bières sont généralement installés dans les pays nordiques. La mesure n'affectera donc pas notre économie.
Je trouve hypocrite et simpliste de considérer que les gens vont arrêter de consommer si on augmente les prix.
Souvent, ils se priveront d'autres produits pour continuer à consommer ceux dont ils ont envie. Et ce sont parfois les enfants que vous voulez protéger qui seront in fine les victimes de ces privations. Par ailleurs, l'augmentation des tarifs entraîne une modification des habitudes de consommation. Au lieu de consommer sept bières au cours de la semaine, ils en boiront cinq le samedi – ce qui occasionnera les désordres évoqués précédemment.
Surtout, ce débat met en évidence les carences en matière d'éducation comportementale. Si des personnes s'adonnent à l'alcool, c'est aussi parce que nous sommes défaillants – comme nous pouvons l'être en ce qui concerne le tabac.
J'observe que ceux qui disaient vouloir lutter contre le tabac sont aussi ceux qui sont prêts à encourager l'usage du cannabis.
Augmenter les prix n'est certes pas le meilleur outil. Mais la hausse de la fiscalité permettra de percevoir des recettes supplémentaires pour financer les politiques de prévention qui sont encore trop limitées en France – qu'il s'agisse de l'alcool ou d'autres substances dont on connaît les dangers.
Ce soir nous avons envoyé un signal très clair pour signifier que nous ne sommes pas satisfaits de ce qui est fait pour lutter contre la consommation d'alcool. Il faut faire reculer l'âge où l'on commence à consommer et mettre en place une politique de prévention.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS416 de M. Thibault Bazin
Depuis plusieurs années, la France connaît des risques de pénurie de médicaments dérivés du plasma, du fait de l'accroissement de la demande mondiale en hémoglobine et de la rareté de la matière première qui compose ces médicaments.
Seuls certains de ces derniers sont exonérés de la contribution spécifique sur le chiffre d'affaires versée par les entreprises pharmaceutiques au profit de la Cnam. Ne sont pas concernés par cette exonération les produits qui obtiennent une autorisation de mise sur le marché dans le cadre d'une procédure centralisée européenne, soit une grande partie des médicaments dérivés du plasma qui sont aujourd'hui disponibles sur le marché français. Ces derniers restent assujettis à cette contribution de manière discriminatoire.
Nous avions évoqué ce point lorsque nous avions abordé les enjeux auxquels doit faire face l'Établissement français du sang ; les évolutions proposées semblaient faire l'objet d'un consensus. D'ailleurs dans un courrier daté du 4 avril 2023, le Gouvernement s'était engagé à « mettre fin à l'exclusion d'assiette », avec l'objectif de placer « tous les laboratoires opérant sur ce marché dans une stricte égalité juridique » et d'« homogénéiser les conditions d'accès au marché pour les médicaments dérivés du plasma ».
Malheureusement, nous ne retrouvons pas trace de cet engagement dans ce PLFSS. C'est dommage. Cet amendement propose donc de joindre les actes à la parole. Cela irait dans le bon sens, d'autant qu'il s'agit d'un véritable enjeu de santé publique.
Il s'agit en effet d'un engagement du Gouvernement.
Cette mesure répond en outre à un impératif d'égalité juridique, puisque la différence qui est faite entre les médicaments dérivés du sang selon l'origine du plasma utilisé crée une inégalité de traitement fragile sur le plan du droit européen.
Il s'agit aussi d'un enjeu d'attractivité de la France et d'accès à ces produits de santé indispensables.
Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendements identiques AS861 de M. Jérôme Guedj et AS2283 de M. Sébastien Peytavie
L'amendement AS861 vise à harmoniser la fiscalité sur les alcools. Il a été travaillé avec l'association Addictions France.
Les recettes tirées de la taxation de l'alcool ne couvrent que 42 % du coût des soins engendrés par sa consommation. Pourtant, l'alcool est la deuxième cause de cancer évitable et la première cause d'hospitalisation en France. La fiscalité française sur les boissons alcooliques pose un vrai problème car elle est fondée sur le type d'alcool plutôt que sur son volume, alors que l'OMS recommande d'agir sur le prix de tous les alcools. Ainsi, seuls ceux titrant plus de 18 degrés sont concernés par la cotisation qui alimente la branche maladie de la sécurité sociale.
Cet amendement vise à étendre le champ de cette cotisation sur les boissons alcooliques à tous les alcools. Cela aura évidemment une incidence sur les prix des boissons les moins chères, qui sont les plus consommées par les jeunes mais aussi par les consommateurs excessifs. Cela permet de toucher exactement la cible visée et d'alimenter en cotisations la sécurité sociale pour lui permettre de faire face aux dépenses liées à l'alcool.
J'ajouterai que la malheureuse campagne organisée par le ministère de la santé – autour de slogans comme « Boire aussi de l'eau si on consomme de l'alcool, c'est la base » ou « Ne pas insister si tes potes ne veulent pas consommer, c'est la base » – a complètement manqué sa cible.
Cette campagne de publicité était vraiment catastrophique.
S'agissant de l'amendement, il a été très bien défendu par Arthur Delaporte.
Suivant l'avis de la rapporteur générale, la commission rejette les amendements.
Amendements identiques AS2027 de Mme Caroline Janvier et AS2295 de M. Sébastien Peytavie, amendement AS855 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
Cet amendement concerne l'expérimentation de l'usage médical du cannabis, qui avait été prévue par la LFSS 2020.
Le lancement de cette expérimentation avait été retardé de deux ans par la pandémie. Elle arrivera à son terme à la fin de mars 2024. Elle ne concerne que 3 000 patients, alors qu'ils sont 300 000 à attendre de pouvoir en bénéficier pour soulager leur douleur neuropathique ou parce qu'ils sont en soins palliatifs en oncologie. Il ne faut pas laisser ces patients sans solution.
L'amendement AS855 vise à supprimer le plafonnement à 1,75 % par an du relèvement des taxes sur les boissons alcooliques.
Je regrette que l'amendement précédent n'ait pas été adopté, parce qu'il était selon moi encore plus pertinent. Celui-ci a également été travaillé avec l'association Addictions France. Il permettra d'abonder le budget de la sécurité sociale pour financer des programmes de prévention. Santé publique France en a bien besoin.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements.
La réunion s'achève à zéro heure.
Présences en réunion
Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Ségolène Amiot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, M. Philippe Frei, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Christine Le Nabour, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal
Excusés. - M. Elie Califer, Mme Rachel Keke, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - M. Frédéric Cabrolier, M. Grégoire de Fournas, M. Emmanuel Mandon, M. Benoit Mournet