France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
La parole est à M. Julien Bayou, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
« Le temps, pour les décideurs, est précieux », déclarait, il y a quelques semaines, l'ancien ministre des transports pour justifier le maintien des activités de l'aviation d'affaires, c'est-à-dire les jets privés. Telle est la vision des ministres d'Emmanuel Macron : la mobilité pour les riches, dont le temps serait précieux, et tant pis pour les autres, qui galèrent dans les transports du quotidien, faute d'investissements à la hauteur ! Mais que feront les décideurs de leur temps si précieux lorsque notre planète sera devenue complètement inhabitable ou en proie aux conséquences dramatiques du dérèglement climatique ?
Dans le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), résumé de plus de 10 000 pages d'analyses du réchauffement climatique publiées au cours des huit dernières années, les scientifiques décrivent des changements d'une ampleur inédite qui ont des effets néfastes dans le monde entier. À chaque fraction de degré supplémentaire, les risques s'intensifient.
Surtout, le rapport nous renseigne sur l'ampleur des inégalités observées dans la transition écologique – c'est sur ce point que je souhaite insister : les moins responsables sont les plus vulnérables. Ceux et celles qui contribuent le moins au changement climatique sont touchés de manière disproportionnée par ses conséquences.
La conclusion politique qu'il faut en tirer est limpide : le temps de l'action et d'une transition écologique ambitieuse est venu, si nous voulons maintenir un monde vivable ; surtout, cette transition doit être guidée par la justice : les efforts doivent être partagés par tous, en particulier par ceux qui polluent le plus.
Nous allons citer de nombreux chiffres, mais s'il fallait n'en retenir que quelques-uns, ce seraient ceux-ci : une Française ou un Français émet en moyenne 10 tonnes de CO
Les riches ne portent pas l'effort collectif. De fait, on le constate tous les jours, le Gouvernement et sa majorité sont incapables d'imposer des contraintes aux plus aisés, craignent de leur demander la moindre contribution. Et le pire, c'est qu'ils n'en sont pas incapables : ils font le choix délibéré de les favoriser, au détriment de l'immense majorité des Françaises et des Français.
Pourtant, la majorité gouvernementale a justifié des restrictions importantes de circulation au sein des zones à faibles émissions (ZFE), et ces restrictions sont nécessaires pour la santé publique. Elle a également accepté d'interdire les liaisons aériennes commerciales si une alternative en train de moins de deux heures trente existe. Je me réjouis de cette mesure, mais je m'en réjouirai davantage si elle s'appliquait à l'ensemble de la population. Car les vols en jets privés ne sont pas concernés par cette interdiction.
Ainsi, l'offre aérienne a été régulée pour la population générale alors que dans le même temps, le moindre débat sur la régulation des transports des plus riches est balayé d'un revers de la main. Avoir les moyens financiers vous permet donc de vous affranchir des lois de la République et de vous épargner le moindre effort écologique. Tel est le message envoyé par le Gouvernement. C'est une honte qui mine, qui sape, qui sabote le consentement de la population à la transition écologique.
Contrairement à ce que j'ai entendu lors de l'examen de la proposition de loi en commission, je ne souhaite pas punir les plus riches. Je souhaite juste les ramener sur terre, au même niveau que le commun des mortels, car je m'inquiète des effets de cette absence de régulation sur la cohésion sociale. Ce qu'il faut bien percevoir, c'est le risque que nous prenons si l'acceptabilité sociale de la transition n'est pas assurée. Lors de son audition, Yamina Saheb, autrice du Giec, l'a dit : « La transition doit être juste ou nous aurons la guerre. »
La proposition de loi relative à l'interdiction des vols en jets privés que je vous présente repose précisément sur les enseignements et préconisations du Giec et des scientifiques. L'enjeu est d'assurer la transition écologique urgente et nécessaire du secteur aérien tout en garantissant son acceptabilité sociale. Pour la première fois, la proposition de loi vise à faire reposer en premier lieu les efforts sur les plus riches, car ce sont eux qui contribuent le plus, et de loin, à la pollution et au dérèglement climatique.
Non, l'aérien n'est pas anecdotique : le secteur émet 24 millions de tonnes de CO
Dans ce domaine, la France est le pays de tous les records, comme le montre un rapport de Greenpeace publié le 30 mars dernier. Entre 2021 et 2022, le nombre de vols en jet privé au départ de notre pays a augmenté de 55 % et les émissions produites de 93 %. La France est le pays de l'Union européenne qui compte le plus de vols en jet privé et quatre villes françaises se trouvent dans le top 10 des trajets le plus souvent effectués.
Lorsque l'urgence climatique est déclarée, tous les secteurs doivent engager une politique de sobriété et de décarbonation, y compris celui de l'aviation. Il faut d'abord réduire les émissions de gaz à effet de serre, et ensuite décarboner ce qui ne peut pas être réduit. C'est forcément dans cet ordre-là que l'on agit : réduire, puis décarboner. Or la réduction du trafic aérien commence par celle de l'aviation privée.
On nous dit que les jets privés sont utilisés à des fins purement professionnelles ; c'est faux. Les statistiques avancées par les représentants de l'aviation d'affaires que j'ai auditionnés ne reposent sur aucune donnée fiable. Quand l'avion du groupe Bolloré, par exemple, fait, dans la même journée, Paris-Toulon, Toulon-Corfou et Corfou-Paris, ces vols sont considérés par le secteur comme des vols d'affaires parce qu'ils sont facturés à l'entreprise Bolloré. Il s'agit, certes, d'un remarquable outil de défiscalisation, car ce ne sont pas des déplacements professionnels.
L'argument des affaires est d'autant plus contestable que les vols insensés se multiplient : Nice-Cannes, Bordeaux-Arcachon, Rennes-Saint-Malo, Saint-Tropez-Cannes, Chambéry-Courchevel, Lille-Le Touquet… Il s'agit de voyages d'agrément, de loisirs, de sauts de puce qu'on peut faire en train, de vols caprices, mais aucunement de déplacements professionnels. Et les vols les plus fréquents – Paris-Nice, Paris-Genève ou Paris-Londres – correspondent à des trajets classiques, dont les destinations sont très bien desservies par le transport ferroviaire ou les lignes aériennes classiques.
Notre proposition de loi vise simplement à déplacer la mobilité des plus riches du jet vers l'aviation commerciale régulière ou le train. Il n'est en rien radical d'exiger d'une personne qu'elle se rende à Bruxelles en Thalys ou à Londres en Eurostar.
Il n'est en rien radical d'interdire un vol en jet privé entre Cannes et Nice, deux villes qui sont séparées d'à peine 30 kilomètres et qui sont desservies par la route et le train. En résumé, ce serait un petit pas pour Bernard Arnault et un grand pas pour le climat !
La proposition de loi comporte deux articles. En droit, les jets privés n'existent pas : on parle de transport à la demande et de déplacements non réguliers de passagers. Le cadre dans lequel une personne peut utiliser un jet privé relève de deux situations juridiques distinctes.
Soit l'usager est le propriétaire du jet, et il s'agit d'un transport non commercial de passagers –– c'est l'objet de l'article 1er –, soit le jet est affrété contre rémunération, à la demande, et alors les règles du transport aérien dit commercial s'appliquent – c'est l'objet de l'article 2.
Nous avons fixé un seuil de soixante passagers pour éviter d'affecter certains charters que les Français utilisent pour rejoindre les Antilles ou traverser la Méditerranée. En outre, j'ai fait le choix de prévoir une série d'exceptions, au nom de l'intérêt public. Ainsi, ne sont concernés ni les vols des aéronefs d'État et militaires, ni les vols affectés à un service public, ni les vols de sécurité civile, sanitaire et médicale, ni même les vols d'entraînement et ceux qui sont effectués dans un aéroclub.
Quant à l'outre-mer, il n'est pas concerné en raison de spécificités géographiques et topographiques.
Rassurez-vous : sur le plan juridique, le dispositif tient la route, que ce soit en droit interne ou en droit européen. En effet, la proposition de loi est conforme à notre Constitution, en particulier au préambule de la Charte de l'environnement. Le Conseil constitutionnel a en effet consacré en 2020 la protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains, comme « objectif à valeur constitutionnelle ». Il a même considéré, en août 2022, que la protection de l'environnement relevait des « intérêts fondamentaux du pays ». Le texte est également conforme au droit européen, puisque la restriction des droits de trafic prévue dans la loi « climat et résilience » a été jugée conforme par la Commission européenne.
Je remercie les chefs de file des différents groupes politiques. Nous n'étions pas d'accord sur tout, mais nous avons eu, en commission, un débat de bonne tenue qui, je l'espère, se poursuivra en séance publique.
L'interdiction que je vous propose est la mesure qui pénalise le moins de monde et qui aura l'effet le plus grand sur l'environnement et sur l'adhésion à l'indispensable projet de transition écologique. C'est l'élément clé d'une politique environnementale empreinte de justice sociale.
On nous dit qu'une telle interdiction est impossible, mais aux Pays-Bas, le principal aéroport d'Amsterdam – équivalent à Charles-de-Gaulle –, le deuxième aéroport européen, vient d'annoncer qu'il interdisait les jets privés, pour un motif très clair : ils sont trop polluants, provoquent des nuisances sonores intolérables et les principales destinations desservies – Ibiza ou Cannes – le sont aussi par l'aviation commerciale régulière.
Grâce à cette proposition de loi, nous pouvons ramener les riches sur terre. Les Pays-Bas tracent un chemin. Le débat a lieu partout en Europe. La France doit être à la hauteur : faisons en sorte qu'elle rallume les étoiles de l'action climatique et montre la voie de la justice environnementale !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Sourires.
Vous avez raison, monsieur Bayou, le sujet qui nous réunit ce soir n'est pas anecdotique. Il est important car il touche à la transition écologique, à la sobriété énergétique et à des pratiques que ces deux exigences rendent parfois choquantes, souvent décalées, de temps en temps inacceptables.
Notre imaginaire commun ou nos références, pour les plus jeunes, doivent-ils être ceux d'une star internationale – chanteur, actrice, footballeur ou grande sportive – qui s'affiche seule dans un avion privé ? Je ne le crois pas ; j'ai du reste moi-même ouvert et assumé le débat sur cette question. S'agit-il ici d'un symbole qui heurte ou d'une pratique qui a un impact puissant sur nos émissions de gaz à effet de serre ? Devant le Parlement, qui fait la loi, nous devons être justes, précis et complets.
Oui, il s'agit d'abord de symboles, et les symboles, dans un moment d'effort collectif, cela compte.
Nous devons aussi rappeler que les émissions de gaz à effet de serre en France sont dues pour 4 % au secteur de l'aviation, 2 % de ces 4 % étant le fait de l'aviation privée,…
…soit, au total, moins de 0,1 % de l'ensemble des émissions de notre pays – et c'est la même proportion à peu près partout en Europe.
Disons-le aussi, derrière les jets privés – qui ne correspondent à aucune notion juridique, que ce soit en droit français ou en droit européen –, il y a des réalités différentes et des usages très variables, qu'on ne peut pas tous mettre sur le même plan. Face à cette réalité, dont il faut regarder objectivement et sereinement toutes les facettes, surgissent un petit nombre de questions simples. Aura-t-on besoin des avions dans les années qui viennent ? Oui, résolument : pour le trafic international, bien sûr, mais aussi pour la desserte de territoires enclavés, y compris dans notre pays. Pour tout vous dire, il ne se passe pas une semaine sans que, de tous les bancs de cette assemblée comme du Sénat, je reçoive des demandes de prolongement de lignes – aériennes, évidemment – d'aménagement du territoire pour relier Limoges, Carcassonne, Tarbes, Saint-Étienne, ou d'autres villes encore, à notre capitale.
Oui, mais même quand on investit dans le train, madame Arrighi, il ne vous aura pas échappé qu'il fallait parfois du temps pour construire ou rénover une ligne.
Je pourrais vous citer ainsi toutes les demandes de prolongement de ligne et d'aménagement du territoire : vous seriez sans doute surprise de constater à quel point elles sont politiquement assez œcuméniques.
Autre question : les avions sont-ils condamnés à être des émetteurs significatifs de CO
Doit-on revoir, modérer, entraver parfois certains usages devenus incompréhensibles ? Oui, je le crois. Mais faut-il, s'agissant de l'aviation privée, tout interdire, interdire toujours, comme seule réponse au défi du changement climatique et d'une transition écologique efficace ? Je ne le crois pas.
À cette question, j'assume de répondre non, car l'interdiction générale, si elle donne le sentiment illusoire d'avoir agi avec force,…
…aboutit souvent au résultat inverse : vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le rapporteur, le champ de l'interdiction serait mité de dérogations, car qui peut prédire et définir, dans une loi globale, tous les usages d'un jet, bons ou mauvais, pour les années qui viennent ?
C'est bien ce qui nous différencie. Je n'ai pas cette prétention…
…et je crois que vous ne devriez pas l'avoir.
Je note, monsieur Bayou, votre volonté, d'ailleurs respectable et constructive, de prévoir un certain nombre de dérogations à l'interdiction absolue que vous prôniez dans un premier mouvement. Mais les obstacles à cette approche sont, reconnaissons-le, nombreux voire innombrables. Qui dit dérogation dit vérification et sanction. Il faudrait ainsi, pour les jets venant de l'étranger ou à destination d'un autre pays, pour ceux qui feraient l'objet des exemptions que vous proposez vous-même – vols souverains, vols sanitaires –, vérifier systématiquement qu'il s'agit bien de vols autorisés et donc demander aux administrations de l'aviation civile de tous les pays d'où partent des vols vers la France de disposer des informations nécessaires sur le nombre de passagers et l'usage précis du vol.
C'est bien pour cela que je dis qu'il faut avancer en empruntant la voie européenne.
Je ne pense pas qu'il soit souhaitable, ni crédible, de transformer la direction générale de l'aviation civile (DGAC) dont j'ai la responsabilité et les 11 000 contrôleurs aériens en police des jets.
Il y a des obstacles juridiques. On peut les contester, ils sont néanmoins robustes. Il est de bon ton de faire parler par avance le Conseil constitutionnel ; je n'aurai pas non plus cette prétention, mais avouez qu'il est plus que douteux qu'il entérine une interdiction absolue et générale…
…et que l'on puisse déroger ainsi à la liberté d'aller et venir et à la liberté du commerce et de l'industrie. La question avait d'ailleurs été débattue lors de l'examen de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, la loi « climat et résilience », au sujet de l'interdiction des vols intérieurs pour les distances parcourues par le train en moins de deux heures trente.
Le Conseil constitutionnel a certes pour habitude de concilier des objectifs distincts, mais le risque juridique est immense et, s'il n'était pas constitutionnel, il serait à coup sûr européen et international, car la France s'est engagée depuis plusieurs décennies, comme tous ses partenaires européens, à garantir sur son territoire la liberté de circulation, de transit, d'arrivée et de départ des vols internationaux, quelle que soit leur nature.
J'y viens, madame Arrighi : ne soyez pas impatiente. Sur le fond, les cas particuliers sont discutables ou justifiables à l'infini, car il y a ceux qui sont évoqués dans votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, mais il y a aussi les transports de marchandises ou d'œuvres d'art ; et puis il faut admettre le cas des acteurs économiques : je prendrai l'exemple d'une entreprise française, un fleuron industriel, Michelin, la seule entreprise du CAC40 à avoir son siège en dehors de la région parisienne, à Clermont-Ferrand, qui ne bénéficie pas d'une desserte ferroviaire suffisante…
Il ne s'agit pas de la Polt, c'est une autre ligne. Michelin, donc, a parfois besoin d'une prestation commerciale aérienne privée pour faire voyager ses cadres ou recevoir des délégations internationales…
Il me semble que c'est un cas différent des stars du football qui s'affichent sur les réseaux sociaux. Les situations justifiant une dérogation sur laquelle nous pourrions tous nous accorder ici sont donc nombreuses, difficiles à prévoir, et l'interdiction générale ne me paraît pas le bon remède. Et puis vous savez bien que face à une interdiction générale, nos concitoyens sont souvent très créatifs en matière de stratégies de contournement ou de diversion. Il suffirait par exemple, aux termes mêmes de votre loi, de créer sous forme associative un aéroclub pour utiliser allègrement son jet privé sans qu'il soit aisé de vérifier l'usage précis dudit avion.
Notre boussole, au fond, est simple ; elle tient en deux mots : sobriété et efficacité. Sobriété dans les usages, d'abord. Oui, et je l'ai d'ailleurs dit il y a quelques mois, en même temps que vous, monsieur le rapporteur : il faut réguler l'aviation en général et l'aviation d'affaires en particulier. Cette régulation, nous l'avons engagée de manière concrète, en activant de multiples leviers, à commencer par la fiscalité, comme le prévoient plusieurs amendements. La taxation n'est pas un tabou, et le Parlement a voté dans le cadre de la loi de finances pour 2023, à l'initiative de Jean-Marc Zulesi et Jean-René Cazeneuve,…
…un relèvement de 70 % de la taxe sur les carburants pour l'aviation privée.
Une augmentation de 70 %, voilà qui devrait en réjouir certains sur ces bancs. Et je vous annonce que nous irons plus loin encore dans le budget pour 2024…
Vous aurez sans doute l'occasion d'en débattre et de le voter…
Nous proposerons donc que l'aviation commerciale privée fasse l'objet, si vous en êtes d'accord, d'une contribution supplémentaire, une écocontribution revue à la hausse, qui tiendra précisément compte des différents comportements. Ce sont là les bons leviers, qu'il faut également actionner au niveau européen. C'est ce que la France a engagé en soutenant la révision de la taxation de l'énergie, pour mettre fin à l'exemption sur le kérosène, dont l'impact est considérable ; nous poussons même pour que l'aviation d'affaires soit soumise à une taxation plus forte et plus rapide.
Les leviers réglementaires sont également importants. Je ne reviens pas en détail sur la mesure de limitation à deux heures trente, en cours d'examen par le Conseil d'État et qui sera prochainement effective. La France est le seul pays d'Europe à avoir mis en place une telle mesure. Faut-il aller plus loin ? Évaluons-la.
C'est déjà évalué ! Vous avez fait une Convention citoyenne pour le climat !
Vous sembliez dire, monsieur Bayou, que la Commission européenne était friande de ce type de mesures, mais il a fallu un an de négociations pour obtenir la validation, pour trois ans seulement, de ce décret. Je vous propose donc de l'évaluer avant d'envisager son extension.
Il est totalement faux de dire que les Pays-Bas sont en train d'interdire tous les vols de jet. Ils ont pris une mesure de plafonnement du nombre total de vols, toutes natures confondues, à l'aéroport de Schiphol, principalement pour des questions de nuisances sonores. C'est ce que nous faisons depuis des années, notamment à l'aéroport d'Orly, et j'ai moi-même pris une telle mesure pour plusieurs aéroports en région, à Lille, par exemple. Les Néerlandais avaient évoqué l'idée que s'il fallait plafonner le nombre de vols, on fasse plutôt porter la contrainte sur les vols privés, les fameux jets, mais la justice néerlandaise vient de sanctionner ce plafonnement, hier, et cette interdiction n'a donc rien d'évident. En tout état de cause, ce n'est absolument pas une interdiction de circuler en jet privé sur le territoire néerlandais.
Enfin, et surtout, il nous faut de la sobriété en termes d'impact environnemental. L'aviation verte, ce n'est pas un oxymore.
Nous avons de multiples leviers pour rendre l'avion plus sobre et non consommateur de carbone en moins d'une génération. La première étape pour réaliser cette ambition majeure, qui devrait tous nous réunir, ce sont les carburants d'aviation durables. Votre parlement – et c'est l'honneur de la France – a été le premier en Europe à prévoir des obligations d'incorporation de ces carburants durables dans tous les avions.
Ces règles françaises ont été étendues au niveau européen, et nous serons le premier continent au monde, je l'espère, sous impulsion française, à imposer une obligation d'incorporation de 10 % de carburants durables d'ici la fin de la décennie.
Ces règles européennes, nous devons les renforcer et admettre qu'il faut, pour soutenir cet effort de transformation majeur, accompagner cette filière d'excellence, créatrice d'emplois, qu'est l'aéronautique en France, y compris, parfois, par des subventions de l'État – je l'assume. Nous avons investi cette année 400 millions d'euros dans le passage aux carburants verts,…
…pour que l'avion bas-carbone soit une réalité et que nous soyons le premier pays du monde,…
…que l'Europe soit le premier continent au monde, à avoir cet avion bas-carbone, pour que dans quelques années, nos débats de ce soir ne soient plus qu'un lointain souvenir.
Tous ces efforts sont à partager, à amplifier, à accélérer aux niveaux européen et international. J'ai moi-même plaidé au mois de septembre, au nom de la France, pour que l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), soit plus de 180 pays, adopte l'obligation de décarbonation générale en 2050.
C'est par ces actions, par cette coopération, par ces mesures, contraignantes parfois, pragmatiques toujours, que nous avancerons. Vous le voyez, je crois à la régulation, et en particulier aux règles européennes ; j'y suis engagé, j'y suis prêt. Les progrès sont importants. Je vous propose donc plutôt de travailler ensemble, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2024, parce que si une interdiction générale donne bonne conscience, elle ne fait pas progresser la transition écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
« Il faut que tout change pour que rien ne change » disait Tancrède Falconeri dans Le Guépard. Et en effet, si nous voulons transmettre aux générations futures une planète habitable, pour que rien ne change, nous devons tout changer et être des législateurs déterminés à « un développement qui réponde aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », pour reprendre les mots de Gro Harlem Brundtland, Première ministre norvégienne, en 1992 au sommet de la Terre, à Rio.
C'est dans cette lignée que s'inscrivent toutes les propositions de loi que nous avons choisi de vous présenter aujourd'hui : alimentation saine ; meilleure prise en compte des conséquences du changement climatique sur les biens immobiliers ; protection de la jeunesse contre la précarité ; accès sécurisé à la nature et, bien évidemment, réduction de la pollution par l'encadrement de l'utilisation des jets privés.
Le texte que nous étudions s'inscrit dans une approche globale : celle des mobilités en général et du transport aérien en particulier, puisque l'avion est aujourd'hui le moyen de transport le plus fortement émetteur de CO
Un état des lieux de la politique publique du transport aérien permet de déceler un vaste éventail de mesures avantageuses pour ce secteur, en totale contradiction avec les engagements français et européen de réduction des gaz à effet de serre. Cet état des lieux met également en lumière une fiscalité particulièrement avantageuse pour le transport aérien en Europe, et notamment en France, au détriment du climat. À titre d'exemples, le kérosène est complètement exonéré de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et de TVA, contrairement aux autres modes de transport, hormis le fioul maritime ; le taux de TVA est réduit sur les billets achetés pour des vols nationaux et nul pour les billets internationaux ; la taxe de solidarité est faible en comparaison d'autres taxes appliquées aux billets à l'étranger.
À cela s'ajoute la frilosité du Gouvernement, notamment sur la suppression des vols intérieurs inscrite à l'article 145 de la loi « climat et résilience », qui a limité l'interdiction des vols intérieurs dont le trajet est également assuré sur le réseau ferré national sans correspondance aux liaisons d'une durée inférieure à deux heures trente, alors que la Convention citoyenne pour le climat avait proposé quatre heures. Les critères fixés par la loi devaient aboutir à la fermeture de cinq lignes exploitées par Air France ; les lignes en correspondance, elles, allaient pouvoir être exemptées. À ce propos, nous attendons toujours le décret d'application.
Cette mesure est bien plus favorable que celle proposée par la Convention citoyenne. Je viens de le dire : l'analyse de vos politiques publiques des transports permet de conclure aisément que la France est un véritable paradis fiscal pour le transport aérien.
Ainsi, alors que le transport aérien a des effets nettement plus néfastes sur l'environnement que les autres moyens de transport, il bénéficie d'une fiscalité et d'un soutien public très avantageux, bien davantage d'ailleurs que les solutions alternatives, y compris le ferroviaire.
Pourtant, alors que notre pays a un besoin urgent de financements très importants pour procéder à des investissements vertueux dans les infrastructures de transport, l'aérien continue de ne pas être mis à contribution à hauteur de son impact environnemental, ce qui lui permet de proposer des prix sans rapport avec son coût économique réel.
Ce constat général étant fait, venons-en à la question spécifique des vols en jets privés. Ces derniers sont emblématiques de l'injustice sociale, environnementale et fiscale liée au transport aérien. Je citerai quelques statistiques afin d'illustrer l'impact de ces aéronefs sur notre environnement, tout en gardant à l'esprit la comparaison précédemment exposée entre les différents modes de transport que sont l'avion, la voiture, le bus et le train.
Les jets privés émettent jusqu'à quatorze fois plus de CO
Près de 60 % des émissions de gaz à effet de serre générées par les jets privés sont liées à des trajets concernant deux aéroports : ceux de Paris-Le Bourget et de Nice. Enfin, nous l'avons déjà dit, le nombre de vols en jet privé au départ de Nice triple durant les mois d'été, car il est bien connu qu'on fait beaucoup d'affaires dans cette ville en cette saison.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Malgré leur impact démesuré sur le climat, les vols en jets privés ne sont pas taxés, notamment en raison des exemptions prévues par le système européen d'échange de quotas de CO
En France, depuis la loi de finances pour 2023, la taxation du carburant des jets privés est identique à celle de l'essence dans des situations tout à fait exceptionnelles, nous y reviendrons.
Malgré ces réalités incontestables, la présente proposition de loi suscite une hostilité particulière de la part de la droite, et notamment de M. Villedieu qui, dans son amendement n° 46 , la qualifie d'« idéologique », de « totalitaire » et d'« inefficace »,…
…illustrant ainsi le déni des enjeux écologiques par le Rassemblement national et son mépris total pour les Françaises et les Français de la classe moyenne, ceux-là mêmes qu'il prétend défendre. Les députés de ce groupe montrent ce soir de quel côté ils sont.
Parmi les quarante-neuf amendements devant être discutés, dix-sept visent à supprimer les deux articles de la proposition de loi. Et sur ces dix-sept amendements de suppression, cinq ont été déposés par le groupe Rassemblement national,…
…deux par Mme Ménard, six par le groupe Les Républicains, deux par le groupe Renaissance et deux par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires. Ce sont donc dix-sept amendements qui visent à supprimer la mesure qui pénaliserait le moins grand nombre de personnes pour l'impact le plus important et le plus immédiat en faveur du climat.
Ce texte n'est pas radical. Il propose des exceptions et des aménagements permettant le maintien de certains trajets en aéronef. Chaque année, 1 000 vols sont effectués en jet privé entre Paris et Nice ; ils polluent autant que 40 000 familles qui effectueraient le même trajet avec une voiture thermique. La proposition de loi que nous vous soumettons n'est donc pas « aussi totémique qu'inutile », comme l'affirme Mme Ménard dans ses amendements de suppression,…
…elle constitue une mesure sociale et environnementale – préoccupation dont elle semble peu se soucier.
J'ai également lu dans les amendements déposés par M. Adam et ses collègues du groupe Renaissance que la proposition de loi serait inconstitutionnelle parce que contraire à la liberté d'aller et venir et à la liberté d'entreprendre que la Constitution consacre. Il semble que celles et ceux qui se prévalent de ces arguments ignorent que la liberté d'entreprendre peut parfaitement faire l'objet d'un encadrement, sur le fondement de la Charte de l'environnement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES
et qu'elle consacre le principe de précaution, à son article 5, et le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, à son article 1er . Je me permets de faire ce rappel, car vous ne semblez pas bien maîtriser notre texte suprême dans la hiérarchie des normes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Notre texte ne constitue pas une opposition à la liberté d'entreprendre ; il illustre plutôt la nécessité d'une juste conciliation de celle-ci avec les enjeux environnementaux. Je précise donc à Mme Alexandra Masson que les écologistes ne sont pas dans une posture d'interdiction basée sur des raisons purement idéologiques, comme elle et ses collègues du groupe Rassemblement national l'ont dit dans leurs amendements de suppression. Nous souhaitons simplement le respect et l'application de la Constitution.
Notre proposition de loi répond aussi à des enjeux de santé publique. La pollution de l'air engendre en effet entre 48 000 et 80 000 décès prématurés par an. Aux conséquences financières de ce phénomène s'ajoutent les effets des vols en jet privé sur la santé physique et psychique des populations. Ainsi, l'observatoire du bruit en Île-de-France (Bruitparif) remarque que les habitants de Stains, ville proche du Bourget – qui est, je le rappelle, le premier aéroport pour l'aviation d'affaires en France, avec un trafic qui a explosé ces dernières années –, perdent plus de vingt et un mois d'espérance de vie en bonne santé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Avec un humour particulièrement moqueur, Mme Véronique Louwagie indique pour sa part, à l'appui de son amendement de suppression n° 20, que « le secteur aérien privé représente près de 120 000 emplois directs et indirects en France » quand, en comparaison, « la filière du vélo en France compte 13 000 emplois ».
Outre que le fait que le chiffre de 13 000 emplois vient de l'Ademe alors que celui de 120 000 emplois provient du secteur de l'aviation lui-même, je rappellerai à Mme Louwagie – qui n'est pas présente, mais je lui dirai gentiment lorsque je la croiserai dans les couloirs de l'Assemblée nationale – que nous ne proposons pas d'aller à Tokyo à vélo.
Puisque vous semblez vous préoccuper des emplois, je vous renverrai à Joseph Schumpeter et à sa théorie économique de la destruction créatrice,…
…théorie qui a, je crois, toujours guidé la droite. En demandant aux entreprises d'innover davantage, en développant des moteurs moins énergivores ou des carburants durables, et de s'adapter aux enjeux de notre temps, nous œuvrons en faveur de leur compétitivité sur les marchés innovants et d'un leadership qui garantisse la demande ainsi que le maintien des emplois. En tant que députée de Toulouse, ville de l'aéronautique par excellence, je sais de quoi je parle.
…mais il s'inscrit résolument dans une exigence d'exemplarité, alors que nous demandons au plus grand nombre d'adapter les habitudes de mobilité avec l'instauration des zones à faibles émissions afin de contribuer à la lutte contre la pollution et le changement climatique. Que direz-vous à nos concitoyens, à vos électrices et vos électeurs, le jour où vous leur expliquerez que vous n'avez pas voté cette proposition de loi, mais qu'ils ne pourront plus utiliser leur véhicule ? Que leur direz-vous ?
À l'heure du changement climatique, les efforts doivent être consentis par toutes et tous. C'est à cette seule condition que l'acceptabilité sociale de la transition écologique et énergétique sera assurée. Je vous invite donc à nous emboîter le pas en votant ce texte qui, je le rappelle, pénalise le moins grand nombre de personnes pour l'impact le plus important et le plus immédiat en faveur du climat.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
« Ah ! » sur divers bancs.
On ne va pas y passer la soirée, aussi adopterai-je tout de suite une posture idéologique.
Sourires.
En effet, je ne vais pas donner dans l'évaluation en disant que si les vols en jet ne représentent finalement qu'une très faible part des émissions, cette question est tout de même importante.
Je ne vais pas donner dans la comparaison entre un vol en jet et un trajet en train sur une distance de moins de 200 ou 400 kilomètres.
Je ne vais pas donner dans la différenciation entre les vols en jet pour les affaires ou ceux pour des loisirs.
Je ne vais pas non plus donner dans l'opposition entre la majorité de Français à qui on demande beaucoup de sobriété et ces quelques ultrariches qui, effectivement, ne participent pas.
Je ne vais pas donner dans la contradiction, dans la mesure où, effectivement, on interdit à cette majorité de Français l'accès aux centres villes par l'application autoritaire de ZFE.
Je ne vais pas donner dans la reconversion, car si le texte risquerait bien de détruire des emplois, notre collègue de Toulouse l'a dit à l'instant, les filières de la mobilité sont aptes à se déployer largement et à réunir les conditions d'une reconversion de l'emploi. Notons d'ailleurs que vous n'avez pas eu les mêmes scrupules lorsque vous avez fermé les centrales à charbon.
Enfin, je ne vais pas non plus donner dans les contre-propositions, telles que l'augmentation massive de la taxation du kérosène ou le recours au train pour les trajets de moins de deux heures, voire de quatre heures.
Non, j'adopterai simplement une posture idéologique ,…
Sourires
…en affirmant que tout ce qui peut entraver une pratique sociale – il y en a d'autres – de la grande bourgeoisie mérite d'être soutenu. Il faut interdire les vols en jet privé. Et comme j'avais dit que je n'y passerai pas la soirée, j'en terminerai par là !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Sourires.
La proposition de loi que nous examinons ce soir nous questionne sur la place de la justice sociale dans la transition écologique.
En effet, alors que la loi « climat et résilience » a interdit les vols intérieurs dès lors qu'un trajet alternatif en train d'une durée inférieure à deux heures trente existe, les jets privés ont été exclus de cette mesure.
Cette question des jets privés nourrit des polémiques depuis plusieurs mois, dans un contexte où les premières manifestations du dérèglement climatique se traduisent par des difficultés sociales pour nos concitoyens. Les jets privés étant devenus l'un des symboles d'une injustice sociale dans le partage des efforts face à la crise climatique, il est légitime de nous interroger sur le poids réel de cette pratique émettrice de gaz à effet de serre.
Car faire de l'interdiction des vols en jet privé un sujet phare de la lutte contre le réchauffement climatique, c'est leur donner une importance qu'ils n'ont pas. À l'échelle mondiale, les avions privés ne représentent que 2 % des 2 % du total des émissions imputables à l'aviation – et 5 % du total des émissions imputables à l'aviation en France. Dans notre pays, les jets privés ne représentent donc pas plus de 0,1 % du total des émissions de gaz à effet de serre. Leur impact est minime.
À titre de comparaison, une année de fonctionnement de l'ensemble de la flotte de Falcon en service dans le monde équivaut à vingt-quatre heures de flux mondial de streaming vidéo, à cinq heures du trafic mondial de camions, et à 2,5 jours de fonctionnement des centrales thermiques allemandes.
Il est nécessaire d'éviter la confusion qui conduirait à interdire les vols en jets privés parce qu'ils polluent, alors qu'ils posent en réalité la question de l'acceptabilité politique du coût de la transition face à une consommation ostentatoire des plus riches.
Derrière la question de l'interdiction des vols en jets privés, il faut en effet prendre en compte le poids économique d'un secteur qui représente en France plus de 100 000 emplois direct ou indirects, quand la filière du vélo ne compte au total que 13 000 emplois – cela a été rappelé tout à l'heure.
Comme vous, madame Arrighi, je suis élu d'Occitanie, territoire où l'aéronautique est fortement implantée et contribue largement à la vitalité du tissu économique local. Depuis des dizaines d'années, la filière est celle qui consent le plus d'efforts de décarbonation au monde, afin d'évoluer vers la fabrication d'avions peu polluants. Ainsi les Falcon et les TBM sont-ils dès à présent en mesure d'utiliser un mélange composé à 50 % de SAF – carburants durables d'aviation. La prochaine génération d'avions d'affaires, à laquelle appartiendra par exemple le Falcon 10X, est d'ores et déjà conçue pour fonctionner à 100 % avec des SAF.
La consommation par passager et par kilomètre a été divisée par deux entre 1990 et 2018, et nous ne sommes qu'au commencement du verdissement de l'industrie. De nouveaux acteurs du secteur aéronautique annoncent l'arrivée, dès 2025, d'avions de petite capacité – moins de dix-neuf sièges – qui pourraient voler à l'électrique ou à l'hydrogène pour des trajets de moins de 1 500 kilomètres. L'Occitanie accompagne ce type de projets innovants, préparant l'aviation de demain, comme avec le constructeur Aura Aero.
Tous ces éléments invitent davantage à la régulation qu'à l'interdiction stricte, d'autant plus que seuls 2,5 % des vols en jet privé ont lieu en France, contre 70 % aux États-Unis à titre de comparaison. Nous l'avons dit en commission, nous estimons qu'une interdiction pure et simple des jets privés risquerait d'entraîner la délocalisation des avions vers d'autres aéroports de partance et d'arrivée plutôt que la diminution du nombre total de vols. Nous ne souhaitons pas opposer l'acceptabilité sociale de l'usage d'avions privés, devenus des objets politiques, à l'efficacité des mesures d'interdiction, qui pourraient déstabiliser la chaîne de production et menacer des emplois.
En conclusion, je tiens à dire que les débats que nous avons eus en commission ont été très intéressants.
Notre pays doit se projeter avec force dans un effort inédit de recherche et d'innovation afin d'améliorer la performance environnementale de nos moyens de transport, et ce dans une logique de rupture technologique. La France doit être précurseur dans le développement des filières de carburant durable.
Là où nous pouvons trouver un terrain d'entente, c'est sur la nécessité d'avancer sur la fiscalisation du kérosène à l'échelle européenne, qui est l'échelle la plus pertinente pour traiter des problématiques relatives à l'aéronautique.
Voilà pourquoi le groupe LIOT, au nom de la raison, ne pourra voter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Laurent Esquenet-Goxes applaudit également.
Nous étudions aujourd'hui une proposition de loi qui vise à interdire les « jets privés ».
Je mets des guillemets car en réalité, cette proposition de loi interdit plutôt, dans son article 1er , certains usages de l'aviation que sont les vols privés, et dans son article 2, les vols de transport public non réguliers de moins de soixante sièges.
Pour bien débuter mon intervention, il me semble important de rappeler quelques faits. Tout d'abord, la priorité absolue aujourd'hui est la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Le transport aérien en France représente 5 % du total des émissions. Si on ne prend que les émissions du secteur aérien, le transport en jets privés représente moins de 2 %. Autrement dit, il représente 0,09 % du total des émissions de gaz à effet de serre de notre pays – je répète : 0,09 % !
Ensuite, vous faites un raccourci simpliste en indiquant que jet privé égale ultrariche. Il ne serait pas sincère de nier qu'en effet, les jets privés sont utilisés par certains riches comme un moyen de transport du quotidien pour passer de ville en ville ou de pays en pays, mais je vous invite à ne pas vous laisser emporter par votre élan antiriche.
Le transport en jet privé, ce sont aussi des vols pour des usages sanitaires – 8 % des trajets en jet en France –, qui ont besoin de la flexibilité et de la rapidité de cet outil de transport.
Ce sont aussi des vols pour les besoins de l'État – 10 % du total –, pour les services publics comme la lutte contre les incendies, pour les aéroclubs ou pour la formation de futurs pilotes. Enfin, ce sont aussi des vols pour des entreprises qui participent à l'aménagement de nos territoires, notamment loin des métropoles. Sans ces capacités, beaucoup d'entreprises qui ont des unités de production ou de décision dans des territoires non desservis par le train à grande vitesse les fermeraient et les relocaliseraient ailleurs, supprimant ainsi les emplois et portant préjudice à l'économie dont dépendent ces territoires pour leur développement.
Enfin, l'aviation d'affaires représente en France 100 000 emplois et une contribution économique estimée à 32 milliards. Avec un taux de prélèvements obligatoires de 47 %, votre proposition de loi aurait pour effet de priver le budget de l'État de 15 milliards. N'hésitez pas à nous dire quelles dépenses vous supprimerez dans le budget !
Alors que faut-il faire ? Votre modèle est clair et nous le retrouvons aujourd'hui dans les textes que vous soumettez au débat ou dans vos prises de parole : interdire, interdire, interdire ! Interdire les jets privés, interdire la publicité, interdire la chasse. Depuis le début de la nouvelle législature, vous allez bien au-delà : vous proposez aussi l'interdiction des barbecues, l'interdiction de la viande, l'interdiction des sapins de Noël, l'interdiction de produits sur les marchés de Noël, et j'en oublie sûrement.
Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est bien simple, vous n'êtes plus Europe Écologie-Les Verts, vous êtes devenus Europe Interdiction-Les Verts !
Votre modèle, c'est l'interdiction ; notre vision, c'est la régulation !
Vous l'avez sûrement vu, le Citepa – Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique – vient de publier les premières données sur les émissions de gaz à effet de serre de la France en 2022 et la réalité, c'est que les émissions de notre pays ont baissé ! Elles ont baissé de 13 % depuis 2017 et de 2,5 % rien qu'en 2022, notamment grâce à l'impact du plan de sobriété, qui a commencé à l'automne dernier. Depuis 2018, la France tient sa trajectoire carbone fixée dans la stratégie nationale bas-carbone.
On ne pouvait pas en dire autant sous la majorité écolo-socialiste pendant le quinquennat Hollande.
Le secteur aérien, et particulièrement celui des jets privés, se doit d'être exemplaire. C'est pour cela que nous n'avons pas attendu votre proposition de loi pour agir, tant au niveau national qu'au niveau européen. Ce sont des obligations d'incorporation de carburant durable dans la loi française et au niveau européen, dans ReFuelUE Aviation ;…
Utiliser les terres agricoles pour faire du biocarburant, quelle idée de génie !
…c'est le renforcement de la taxation des carburants utilisés par l'aviation privée ou de la taxe de solidarité des billets d'avion, pour que le secteur aérien participe au financement des infrastructures de transport. Enfin, ce sont aussi des aides financières pour aider le secteur aérien à accélérer sa décarbonation en développant l'avion neutre en carbone d'ici 2035.
Faut-il aller plus loin ? Oui, la régulation doit régulièrement se renforcer, non pas en interdisant mais avec des réglementations prises au bon niveau. Est-ce le jet privé le problème ? Non,…
…c'est son carburant qui en fait un émetteur de gaz à effet de serre. C'est donc là-dessus qu'il faut agir. L'échelle nationale est-elle le bon niveau ? Non, c'est au niveau européen qu'il faut agir, l'aviation d'affaires étant par nature un usage qui va au-delà de nos frontières nationales.
Pour être efficace, c'est donc au niveau européen que nous devons agir. C'est la raison pour laquelle je travaille à une proposition de résolution pour que nous, Parlement français, appelions le gouvernement de notre pays à soutenir au niveau européen la fin des énergies fossiles dans l'aviation d'affaires au plus tard en 2035.
Régulation, carburants d'aviation durable, décarbonation, électrification et développement des alternatives à l'avion, voilà les enjeux pour l'aviation dans les prochaines années, et tous ces sujets sont absents de votre proposition de loi.
Parce qu'il prend ses responsabilités et que nous croyons dans la transition et non dans l'interdiction, le groupe Renaissance rejettera cette proposition de loi et défendra des amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La proposition de loi de M. Bayou et du groupe Écologiste – NUPES prétend répondre au défi climatique. Selon son exposé des motifs, cela « nécessite d'instaurer des solutions écologistes combinant tant l'efficacité environnementale que la justice sociale » ; mais l'efficacité environnementale revient à chercher des solutions alternatives, non à interdire sans autre forme de procès. L'aviation privée est d'ailleurs active pour parvenir à une aviation décarbonée.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES, puis, en réponse, sur plusieurs bancs des groupes RE et RN.
Le groupe Renaissance fait la police pour le groupe Rassemblement national !
Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Autre réalité : l'aviation privée représente en France 3 % des émissions de CO
La proposition de loi prend la précaution de préserver le transport sanitaire, mais un avion privé peut être utilisé sur un même vol aller-retour pour du transport médical dans un sens et du transport privé de personnes dans l'autre. En réalité, cette proposition de loi n'est pas écologique, elle est idéologique !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Chers collègues, s'il vous plaît, écoutez l'oratrice ! Je vous demande un peu de calme !
Elle fauche et détruit donc tout un pan de l'activité économique nationale sous couvert de combattre les jets privés. L'exposé des motifs indique précisément que « la notion de vols en jets privés ne correspond à aucune définition juridique au sens strict ». Ce n'est plus 1789, c'est 1793 !
Tout cela pourrait franchement faire sourire, mais l'interdiction de l'aviation privée en France aurait concrètement des conséquences dramatiques pour de grandes entreprises françaises comme Daher, Dassault Aviation et Airbus. Ces fleurons de notre industrie aéronautique emploient tous un très grand nombre de salariés en France.
Elles font également travailler de nombreuses PME en tant que fournisseurs.
Rien que pour Dassault Aviation, le secteur civil représente 2 740 salariés, dont la plus grande partie travaillent en France, pour un chiffre d'affaires de 2,1 milliards. Dassault est le concepteur des avions Falcon, leader mondial dans le transport privé de personnes, notamment pour la reconnaissance maritime et l'évacuation sanitaire. Au total, le secteur aérien privé représente un peu plus de 100 000 emplois directs et indirects.
À aucun moment je n'ai entendu quiconque, de l'autre côté de l'hémicycle, parler d'économie. Dans le seul département des Alpes-Maritimes, où se trouve ma circonscription, les aéroports de Nice-Côte d'Azur et de Cannes-Mandelieu, dédiés au trafic privé, génèrent 910 millions de PIB…
… et 11 000 emplois directs et indirects. Le panel des métiers est très large : personnels au sol, en charge de la fabrication, de la restauration, du pilotage, de l'entretien. En termes d'impact économique global – direct, indirect et induit –, les activités aéroportuaires de la Côte d'Azur contribuent au PIB à hauteur de 5,8 milliards par an.
Mais, hélas, la proposition de loi ne se limite pas à l'interdiction de l'utilisation d'un avion privé ne faisant pas l'objet d'un vol commercial. Elle va bien au-delà, puisque son article 2 prévoit la disparition des vols de moins de soixante passagers sur le territoire métropolitain français. Cette disposition arbitraire est mortifère, car elle ignore une nouvelle fois la réalité économique. Avec 340 aérodromes et 120 aéroports accueillant des vols commerciaux, la France détient le record d'Europe de densité aéroportuaire.
Il y a d'ailleurs des vols commerciaux de moins de soixante passagers sur certaines lignes intérieures. Mais surtout, les vols privés sont indispensables quand il est nécessaire de rejoindre une destination pour laquelle il n'existe pas de desserte commerciale. Certaines entreprises n'ont pas d'autre moyen pour déplacer leurs salariés qui doivent répondre à une urgence professionnelle ou à une panne sur une chaîne de production dans une usine.
Pour l'ensemble de ces raisons, et pour d'autres que nous exposerons lors de la discussion des amendements, le groupe Rassemblement national votera évidemment contre cette proposition de loi.
Les députés du groupe RN, dont plusieurs se lèvent, applaudissent.
Vous le savez : ici, nous faisons partie des 10 % des personnes les plus riches de France.
Alors nous polluons, bien sûr, mais figurez-vous qu'il y a encore pire que nous ! Qui ? Tout simplement ceux qui sont encore plus riches que nous.
Les 0,01 % de personnes les plus riches du monde émettent 388 fois plus de CO
Voilà le monde étrange que nous léguons à nos enfants : un monde où les plus riches, revendiquant leur droit à faire ce qu'ils veulent de leur argent, s'arrogent le droit d'abîmer la santé de tous les autres, de saccager l'avenir de tous les enfants et de spolier les biens environnementaux du plus grand nombre. Ne nous voilons pas la face : les pratiques des plus riches sont les plus néfastes pour l'environnement. C'est un fait, calculé, avéré, confirmé par les chiffres.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'utilisation des jets privés en est une illustration éloquente. Un seul vol de Paris à Marseille en Cessna Citation, un petit modèle courant de jet privé, représente à peu près le même impact climatique qu'un an de voiture pour un foyer français. Notre beau pays, où s'épanouissent si bien les grandes fortunes, tient une performance de haut vol…
… au sommet de ces records regrettables : la France est à ce jour le pays de l'Union européenne où les émissions liées aux jets privés sont les plus importantes – et elles augmentent.
Vous l'avez déjà entendu, mais je le rappelle : sur les dix trajets les plus empruntés par des vols privés, quatre partent de Paris et Nice ou y arrivent. Avec Genève, Londres, Rome, Milan, Cannes et Zürich, ces quelques villes, qui concentrent la majeure partie des déplacements, dessinent la carte, très familière, du terrain de jeu de nos chers milliardaires. Pas vraiment de destinations exotiques, mais des distances relativement proches, des trajets banals pour lesquelles existent des alternatives en quelques heures de train et même par les airs.
Mais même pour le confort luxueux de la classe affaires des vols commerciaux, nos nouveaux aristocrates n'ont que dédain – elle les place peut-être encore trop près des gens. Ils diront qu'on les brime, qu'on leur coupe les ailes. Ils se poseront en victimes et se plaindront comme des nobles d'Ancien Régime, mais c'est toujours le cas lorsqu'on vous rappelle que vous ne pouvez pas tout vous permettre car il y a des limites à vos désirs et à vos lubies et des conséquences à vos actes.
N'est-ce pas ce genre de valeurs que nous tentons d'inculquer à nos enfants ? Nous essayons toutes et tous de leur apprendre ces petits gestes du quotidien dans l'espoir de réduire leur impact environnemental : fermer le robinet d'eau quand on se brosse les dents, préférer le bain à la douche, éteindre ses appareils électriques la nuit, baisser le chauffage d'un degré. On a même eu les cols roulés ! Et voilà qu'en un coup d'aile, un de nos concitoyens efface tous nos efforts parce qu'il ne veut pas rater je ne sais quel événement de la jet set à Nice ou à Milan !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Avec cette proposition de loi, nous nous penchons aujourd'hui, au nom de l'intérêt général, sur des cas particuliers. Nous évaluons les conséquences des comportements de quelques privilégiés sur l'ensemble de la collectivité. Nous voulons qu'ils comprennent qu'ils ne sont pas seuls dans ce monde. En fait, avec ce texte, nous leur disons simplement : puisque vous ne voulez pas prendre vos responsabilités, nous les prendrons pour vous.
Chers collègues, vous avez beaucoup insisté sur la liberté de nos aristocrates. Vous avez raison, la liberté d'aller et venir est importante. En dignes héritiers des utopies de Mai 68, vous pensez peut-être qu'il est interdit d'interdire, mais cette liberté-là empiète sur les nôtres.
La liberté individuelle ne va pas sans responsabilité. L'interdiction des jets privés n'est absolument pas une entrave à la liberté de circuler. Au lieu de débattre des façons de faire prendre conscience de ses responsabilités à une petite minorité, vous préférez voter des amendements de suppression. Quelle honte !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Alors oui, nous assumons pleinement qu'il faille parfois des interdictions. C'est une mesure de justice : la liberté de quelques-uns ne peut pas se payer du prix de notre environnement à toutes et tous. La richesse ne dispense pas de la responsabilité à l'égard de la planète et des générations futures.
C'est aussi une mesure pédagogique : il y a des limites, planétaires et sociales, qui s'imposent à tout le monde, même et surtout aux puissants. Il est temps que nous mesurions toutes et tous les conséquences de nos actes individuels. Dites-vous bien qu'à chaque Paris-Marseille ou Paris-Londres en jet privé, c'est l'océan qui monte de quelques centimètres, c'est quelques jours de pluie en moins pour nos agriculteurs, c'est quelques millions d'euros de dégâts supplémentaires à cause d'une tempête encore plus violente, c'est quelques hectares de forêt en plus qui brûleront cet été dans les Landes. Pensez-y ! Nous sommes nombreuses et nombreux dans cet hémicycle à avoir des enfants, des nièces, des neveux ou encore des petits-enfants à qui nous devons livrer une planète vivable,…
…où tout le monde, et en particulier les plus fortunés, doit s'engager à respecter notre environnement. C'est pourquoi nous soutenons sans réserve la proposition de loi de Julien Bayou.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Chers collègues de la majorité – je m'adresse surtout à ceux d'entre vous qui croient vraiment aux engagements écologistes du Gouvernement –,…
…cette modeste proposition de loi vous offre une occasion de défendre sans ambiguïté l'intérêt général contre les intérêts privés de quelques-uns.
C'est l'occasion d'envoyer un message clair et positif à nos concitoyens.
Oui, certaines pratiques et certains privilèges ne sont plus acceptables face aux urgences écologiques.
Oui, tout le monde prendra sa juste part dans la lutte contre le dérèglement climatique. Oui, donnons ainsi à nos enfants les moyens de sauver le futur du monde abîmé que vous leur léguerez !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Merci, on l'a lu ! Remarquez, ça veut dire qu'il a au moins lu le titre !
Si l'idée peut sembler séduisante au premier abord, un examen détaillé de cette proposition de loi et de ses effets potentiels montre ses nombreux inconvénients, son inefficacité, mais aussi son caractère idéologique.
Comme indiqué précédemment, le secteur de l'aviation d'affaires représente très peu d'émissions de gaz à effet de serre, si bien que l'interdiction n'aurait qu'un impact symbolique. Par ailleurs, il faut savoir que 80 % des vols effectués en France le sont à des fins professionnelles et surtout pour des motifs urgents…
…tels que – pour reprendre des exemples déjà cités – la réparation d'équipements industriels ou d'installations nucléaires, plutôt que pour les loisirs ou par souci de confort.
Par ailleurs, la petite aviation demeure très utile pour désenclaver les territoires ruraux, souvent mal desservis.
Elle est encore un complément indispensable au train et à l'aviation de ligne pour toute une clientèle de petites PME qui doivent rallier ces territoires.
Vous connaissez beaucoup de dirigeants de PME qui utilisent des jets privés ? C'est un crash argumentaire !
Par exemple, le trajet entre Clermont-Ferrand et Reims, d'un peu plus de 500 kilomètres, prend six heures par la route et huit heures par le train, avec un passage obligé par la désastreuse ligne Clermont-Ferrand-Paris, mais à peine une heure dix en vol privé. Interdire brutalement les jets reviendrait à se priver d'un outil de développement économique et de désenclavement des territoires ruraux,…
…mais aussi à plonger toute une filière industrielle dans l'impasse, avec à la clef des milliers d'emplois supprimés.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
On le sait, la France est l'un des rares pays à disposer encore d'une filière aéronautique puissante, exportatrice, dont nous devons être fiers.
Elle représente plus de 100 000 emplois directs et indirects et une contribution économique équivalente à plus de 30 milliards d'euros, qui nous est bien utile pour financer nos écoles, nos transports, notre système de santé, surtout eu égard à l'endettement public actuel.
Décider l'interdiction de ces vols – qui ne s'appliquerait d'ailleurs pas à l'étranger, notamment chez nos voisins – reviendrait à abandonner cette activité à nos concurrents, sans avoir contribué en rien à la lutte contre le changement climatique. On le sait bien, les émissions de gaz à effet de serre ne s'arrêtent pas aux frontières des États.
Le secteur de la petite aviation est aussi fondamental car ce sont sur les petits avions que sont testées les innovations en matière de décarbonation. L'aviation d'affaires participe largement aux programmes de recherche sur les carburants durables,…
Monsieur le rapporteur, nous avons pris connaissance de vos amendements visant à exempter de l'interdiction les avions qui utiliseraient ces modes de propulsion alternatifs. Mais en l'état, le secteur n'est pas prêt et a besoin d'encore un peu de temps pour développer ces solutions de décarbonation.
Alors que faire ? Il ne faut pas seulement critiquer, il faut aussi proposer.
À l'interdiction pure et simple de ces vols, qui fragiliserait tout le secteur, nous préférons la régulation, que ce soit par la réglementation ou la fiscalité. Des incitations sont possibles, comme l'obligation d'utiliser des carburants d'aviation durable, l'instauration de critères environnementaux pour l'attribution de licences d'exploitation… Nous pouvons aussi, tout simplement, inciter les entreprises à adopter un usage sobre des jets privés.
Sur la fiscalité, nous proposons de soumettre ces activités à une taxe, au bénéfice du financement des infrastructures de transport. Des amendements ont été déposés en ce sens, vous l'avez vu. Ainsi, ceux qui utilisent des vols privés participeraient au financement du réseau ferroviaire et des routes qui bénéficient à l'ensemble de la population, ce qui facilitera l'acceptation sociale de cette activité.
Vous parlez toujours au futur ou au conditionnel. Nous, nous parlons au présent !
Sur un vol Paris-New York, par exemple, le montant de cette taxe serait de 4 000 euros, ce qui n'est pas exorbitant – c'est 5 % du tarif de location d'un jet privé. Cette taxation permettrait d'internaliser les coûts écologiques, dans une logique pollueur payeur. Elle mettrait davantage à contribution les usagers qui, c'est vrai, ont plus de moyens et sont disposés à payer ces surcoûts.
Nous financerons ainsi nos besoins en infrastructures, qui sont considérables – je pense notamment au plan ferroviaire de 100 milliards d'euros, annoncé il y a quelques jours par Mme la Première ministre, dont le financement, qui n'est pas assuré, risque de retomber sur les collectivités.
Monsieur le rapporteur, lors d'une conférence de presse, vous avez déclaré que ce texte permettrait de « ramener les riches sur terre ». Il nous faut surtout garder les pieds sur terre, en nous rendant compte qu'en l'état, votre texte ne permet pas de réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre. À l'interdiction, privilégions toujours l'innovation, la régulation et l'incitation.
Les membres du groupe Les Républicains ne pourront donc pas voter en faveur de votre texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Elle inspirait déjà dans l'Antiquité Socrate, qui affirmait que l'élévation permettrait à l'homme de comprendre mieux le monde dans lequel il vit. Elle obnubilait déjà Léonard de Vinci – son rêve de voler est l'un des rares qu'il n'a jamais réalisé. Elle obsédait également Pierre de Saint-Roman, dans sa traversée tragique de l'Atlantique, ou Saint-Exupéry, qui se fonda dans Vol de nuit sur les prouesses de l'Aéropostale à Toulouse,…
…qui permirent de relier les hommes de part et d'autre de l'océan.
Monsieur Lucas, j'ai écouté vos collègues tout à l'heure, merci de faire de même. Aujourd'hui encore, huit Français sur dix ont une très bonne image des transports aériens.
Depuis toujours aussi, comme n'importe quelle activité humaine, l'aviation a un impact sur l'environnement.
Nous le réduisons, afin de respecter nos objectifs de neutralité carbone. Ce n'est pas dans cette trajectoire que s'inscrit le présent texte, peu pragmatique. Vous semblez enfermés dans les dogmes, préférant les symboles aux actions, les superstitions aux faits.
Vous proposez d'interdire tant les vols d'affaires que les liaisons internes au monde rural – qui sont la cible réelle de l'interdiction des vols publics de moins de soixante passagers. C'est une décision brutale, non concertée et sans effet pour le climat.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
En nous proposant de supprimer, ou plutôt de délocaliser vers l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne ou le Luxembourg, 0,07 % de nos émissions, vous versez malheureusement dans la mesurette, du genre de celles que vous ne cessez de dénoncer.
La planète brûle et ce n'est pas un symbole. Le monde fait face à un bouleversement écologique et ce n'est pas un symbole. Notre économie doit très rapidement changer de nature pour s'adapter aux contraintes écologiques et ce n'est pas un symbole.
Dès lors, nos lois ne doivent pas être symboliques. C'est le sens de l'action menée par la majorité au niveau national, en adaptant la taxonomie de l'aviation aux attentes écologiques, en imposant de nouvelles exigences environnementales et en soutenant massivement l'innovation et les avions bas-carbone grâce à 435 millions d'euros,…
…un financement annoncé à Toulouse, chez moi, par le ministre délégué chargé des transports.
Nous agissons en outre au niveau européen. Comme l'a confirmé mardi le ministre délégué chargé des transports, le Gouvernement et les eurodéputés du groupe Renew Europe soutiennent activement un projet de réglementation européenne visant des objectifs très ambitieux d'utilisation des carburants durables.
Ce projet permettra de mettre fin aux dérives actuelles, en interdisant l'utilisation de matières agricoles et en fixant de hautes attentes en matière d'intégration des carburants de synthèse, qui rapprocheront les carburants durables de la neutralité carbone.
Au niveau international, enfin, le Gouvernement a activement participé au succès d'accords d'ampleur, en premier lieu la déclaration de Toulouse sur le développement durable et la décarbonation de l'aviation, signée en 2022, qui aligne le secteur aéronautique sur l'objectif de neutralité carbone à l'horizon de 2050. Cet accord, négocié dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, a été signé par quinze États tiers, dont les États-Unis ; ses signataires représentent près de 80 % du secteur aéronautique.
En bref, la majorité mène un ensemble d'actions à bas bruit, mais concrètes et pragmatiques. Au lieu de conduire à la délocalisation de 0,07 % des émissions de carbone françaises, nous permettrons non seulement de réduire les émissions nationales, mais surtout de décarboner l'ensemble de l'aviation mondiale, objectif essentiel.
Votre proposition de loi conduirait à un désastre économique, car une grande partie de l'industrie de l'aviation d'affaires et de liaison avec le monde rural est installée en France. Ce secteur représente 100 000 emplois de qualité, durablement installés dans nos territoires, comme chez moi en Haute-Garonne. En proposant une interdiction limitée à notre seul pays de ces vols, vous entraînerez la délocalisation de ces emplois, souvent vers des pays aux normes sociales et environnementales moins contraignantes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Au-delà de ces 100 000 emplois, vous déstabiliserez, voire détruirez, l'ensemble d'un secteur qui fait notre fierté. En effet, ce sont sur les modèles d'aviation que vous visez que sont testées la plupart des innovations technologiques essentielles pour atteindre la neutralité carbone.
Sans eux, c'est toute l'innovation dans des dispositifs bas-carbone de cette industrie qui sera pénalisée. Vous mettrez l'industrie à l'arrêt ; elle ne sera plus en mesure d'innover et finira par mourir ou migrer, laissant des centaines de milliers de personnes sans emploi, tout cela pour 0,07 % des émissions.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Le groupe Démocrate votera donc fermement contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je remercie nos collègues écologistes de créer les conditions d'un débat sur l'usage du jet privé qui devrait nous permettre d'assurer une plus grande équité dans les efforts collectifs pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et pour atteindre la sobriété énergétique collective.
Les jets privés sont certes plus petits que les avions utilisés pour les vols commerciaux habituels, mais ils restent fortement émetteurs de CO
Dans un rapport de 2021, l'ONG Transport et environnement indique que « seulement 1 % des personnes sont à l'origine de 50 % des émissions mondiales de l'aviation ».
On estime que les vols en jet sont dix fois plus polluants que les vols commerciaux, notamment en raison de la faiblesse du nombre de passagers et de la réalisation de vols pour de courtes distances.
Ces vols sont plus de cinquante fois plus polluants que les transports en train. En dehors d'un usage d'utilité publique ou sanitaire, la grande majorité des vols s'effectuent entre des villes bénéficiant d'une liaison aérienne commerciale directe, ou qui sont aisément reliées en train, avec un impact carbone bien moins élevé. L'exemple le plus frappant est celui du trajet Paris-Bordeaux, qui a été parcouru au moins 375 fois en avion d'affaires depuis le début de l'année 2022.
Alors que les deux villes sont reliées en deux heures dix par TGV, le trajet en avion privé fait gagner à peine une heure et quart, tout en multipliant par 400 les émissions de C0
Pour les liaisons où il n'existe pas d'alternative ferroviaire de moins de deux heures trente, mais disposant d'une ligne aérienne commerciale en activité, que constatons-nous ? Pour un trajet Paris-Nice, il faut compter une heure dix-huit en jet privé pour une émission de près de 927 kilogrammes (kg) de C0
Il n'est pas nécessaire de multiplier les exemples pour démontrer que l'usage d'un avion privé n'est pas le meilleur choix environnemental. En outre, en présence d'une ligne commerciale régulière qui offre un temps de trajet assez proche de celui d'un jet, on ne peut arguer de l'enclavement…
Nous l'avons déjà dit, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est une nécessité pour limiter le réchauffement climatique, améliorer le quotidien de tous et assurer l'habitabilité de la terre pour les générations à venir.
La réduction des émissions de GES, comme de celles de NOx, demande des efforts et l'évolution de nos modes de vie et de déplacements. La transition écologique ne fonctionnera que si elle est sociale et équitable.
Dans un contexte de mise en place progressive des zones à faibles émissions mobilité, alors que les ménages sont appelés à la sobriété, il est difficile de comprendre que les plus nantis puissent se déplacer avec un jet privé quand il existe une alternative en train de moins de deux heures trente ou une liaison aérienne commerciale régulière.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Dans une interview donnée au Parisien, monsieur le ministre délégué, vous avez indiqué que « l'on doit agir et réguler les vols en jets privés. Cela devient le symbole d'un effort à deux vitesses ». C'est bien le problème ! Sans tomber dans la démagogie ni dans l'accusation ad hominem, un certain nombre de comportements ne passent plus. Bien sûr, il existe des motifs d'urgence, mais la mobilisation environnementale générale que le Président et le Gouvernement appellent de leurs vœux nécessite que tout le monde fasse des efforts.
Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je remercie une nouvelle fois les collègues du groupe Écologiste – NUPES de défendre cette proposition de loi qui pose clairement la question de l'égalité sociale et écologique de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Les activités humaines, principalement du fait de leurs émissions de gaz à effet de serre, ont sans équivoque provoqué le réchauffement de la planète. Voilà ce que nous indique le sixième rapport d'évaluation du Giec, publié il y a quelques jours. Le constat est sans appel. Nous le savons, les activités humaines bouleversent le climat à un rythme et avec une ampleur sans précédent, avec des effets toujours plus ravageurs, généralisés et, désormais, souvent, pour partie, irréversibles : événements météorologiques extrêmes, biodiversité menacée, risques sanitaires en augmentation.
En tant que parlementaires, mais aussi en tant qu'hommes et femmes, en tant que citoyens, pères et mères, nous sommes tous concernés. Dès à présent, nous devons aller plus vite pour assurer notre transition énergétique et écologique.
Nous devons réduire notre empreinte carbone en modifiant nos habitudes de consommation et en développant des solutions alternatives plus propres et plus durables. Nous sommes tous invités à contribuer à l'effort climatique en réduisant notre consommation et en changeant nos comportements.
Car nous partageons un objectif impératif : réduire notre consommation d'énergie finale de 40 % d'ici à 2050. C'est dans cette optique que nous avons souhaité construire une stratégie plurielle de transition fondée sur l'accélération du déploiement des énergies renouvelables, le développement des mobilités propres grâce, notamment, aux dispositions de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, dite LOM, la relance de la filière nucléaire française, le déploiement d'un plan de sobriété et, plus récemment, celui d'une industrie française verte et décarbonée. Voilà notre ambition.
Pour changer, il faut des solutions. Pour avancer, il faut des actes qui soutiennent les secteurs et les travailleurs. Pour décarboner, il faut aller vite, mais il faut aussi, et surtout, accompagner, faciliter et trouver des solutions alternatives.
Au vu de ces éléments, on pourrait considérer que la proposition de loi visant à interdire les vols en jets privés, proposée par le groupe Écologiste – NUPES, s'inscrit dans l'engagement que nous partageons tous : répondre au réchauffement climatique et agir pour notre planète. Néanmoins, chers collègues, une approche définitive par l'interdiction, et aux effets secondaires multiples, n'est pas adéquate.
D'autres l'ont déjà dit, nous sommes plutôt dans le symbole. Certes, les symboles sont importants, mais l'impact de réduction des gaz à effet de serre est vraiment minime – moins de 1 %. En outre, les jets privés ont de véritables fonctions dans nos territoires : les désenclaver en permettant de rejoindre le siège social des entreprises. Leur interdiction viderait ces territoires de leurs sièges sociaux. Ce serait une catastrophe économique, mais aussi sociale.
Par ailleurs, le secteur représente 100 000 emplois en 2021 et de nombreux petits aéroports vivent de l'aviation privée, qui rend aussi de nombreux services – évacuations sanitaires, transport de matériel ou interventions lors de catastrophes.
La majorité et le groupe Horizons et apparentés croient en une stratégie globale d'accompagnement et de transition.
L'avenir de l'aviation, ce n'est pas son interdiction. L'avenir de l'aviation, privée comme commerciale, devra incontestablement reposer sur sa décarbonation. Plusieurs entreprises, comme Airbus, Aerojet ou Aura Aero travaillent à la fabrication de petits avions électriques ou à hydrogène.
L'aviation française est une industrie d'excellence et d'avenir. Il est de notre devoir de la préserver, et de l'accompagner vers une décarbonation juste et efficace. L'aviation est aussi une solution d'avenir pour les territoires enclavés, éloignés des infrastructures, notamment ferroviaires. Notre objectif est de permettre, soutenir et faciliter la transition écologique. Au niveau national et européen, le secteur s'y est déjà engagé, avec la signature des accords de Toulouse en février 2022. Nous devons poursuivre dans cette voie et nous assurer que le secteur contribue à l'effort climatique, tout en lui permettant de parvenir à sa transition écologique.
On peut comprendre le symbole social et écologique, mais ne risquons pas de nous priver pour demain d'une aviation décarbonée…
… qui pourra rendre de nombreux services à nos territoires et à nos citoyens.
Ah, il est gentil… Non à l'interdiction ; oui à une aviation d'avenir. On peut comprendre que les vols d'une heure et le symbole que représentent les jets privés de luxe perturbent la population dans une période d'inflation. Toutefois,…
…le groupe Horizons et apparentés a décidé de voter contre cette proposition de loi.
M. Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, applaudit.
… ou encore « destructeurs déconnectés de toute réalité », le ton de votre proposition de loi est donné.
Ici, pas de demi-mesure, pas de nuances, pas de modération non plus… Bienvenue dans le monde du dogmatisme et de l'idéologie,…
… bienvenue dans le domaine de la détestation et de la volonté de punir. Bref, bienvenue chez les écolos !
Votre proposition de loi procède d'une logique assez simple : les riches polluent. Ils n'ont qu'à payer et à nous – enfin à vous – de les empêcher de polluer. Et, puisque c'est ce parti pris que vous avez adopté, inutile de préciser que le sujet qui nous occupe ne représente que 0,09 % des émissions de gaz à effet de serre de notre pays. C'est toujours trop puisque c'est à cause de ces salauds de riches…
Je pourrais bien sûr vous rappeler que les vols en jets privés ne sont pas uniquement empruntés par des familles aisées pour partir en vacances sur un coup de tête…
Bien sûr : on va à l'école, on va aux Restos du cœur en jet privé, comme, peut-être, à Palavas-les-Flots !
…mais qu'ils contribuent aussi à l'aménagement du territoire en permettant notamment à de nombreuses entreprises d'implanter leurs sièges sociaux, leurs usines ou des activités dans des zones difficilement accessibles en train.
Je pourrais également vous répéter que le secteur des jets privés représente plus de 100 000 emplois qualifiés en France et près de 32 milliards d'euros de contribution économique.
Compte tenu de notre taux de prélèvements obligatoires, on peut estimer – même si vous le remettez en cause – que la suppression des jets privés aurait pour effet de priver le budget de l'État de 15 milliards d'euros.
Je pourrais également vous parler de technologies d'avenir, des recherches avancées sur la création d'avions zéro émission, de ce secteur clef de notre économie et de notre industrie, où la France est leader, avec, je le répète, environ 32 milliards d'euros de contribution économique.
Avec l'adoption de votre proposition de loi, vous priveriez le secteur de son outil d'innovation le plus précieux : les petits modèles, ceux qui, précisément, permettent les expérimentations.
Ces expérimentations permettent déjà à certains moteurs d'atteindre la puissance d'un mégawatt, et l'objectif est de monter à 2,5 mégawatts, deux fois plus que sur les systèmes propulsifs de ZeroAvia et Universal Hydrogen qui devraient voler cette année. La puissance sera suffisante pour transporter une centaine de passagers sur plus d'un millier de kilomètres, sans émettre le moindre gaz à effet de serre…
Je pourrais également vous rappeler qu'avec l'adoption de votre proposition de loi et l'interdiction pure et simple des jets privés, ce n'est pas à la disparition totale de ces vols que nous aboutirions mais plutôt à leur délocalisation vers d'autres aéroports, hors du territoire français bien entendu.
Mais ce serait peine perdue. Alors plutôt que de tenter de trouver un terrain d'entente sur une fiscalisation du kérosène à l'échelle européenne, pertinente et même nécessaire pour traiter les enjeux relatifs à l'aéronautique, plutôt que de favoriser le développement et l'usage des biocarburants, plutôt que de réfléchir à l'instauration d'un système de bonus-malus, d'encourager les vols à très basse consommation, ou d'alléger la fiscalité sur les biocarburants…
…enfin, plutôt que de tenter de limiter les voyages de confort, d'agrément ou de loisirs en jets privés, en les taxant de façon positive et en fléchant ces revenus supplémentaires vers un soutien à l'innovation, non, vous préférez interdire : interdire et punir.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES
…tout ce que vous n'aimez pas est à abolir – au nom du bien, évidemment. Parce que, tout le monde le sait, vous défendez, vous incarnez, vous êtes le bien. Drôle de philosophie, drôle de vision de notre société totalement infantilisée. Avec votre discours perpétuel de culpabilisation de la consommation, de haine de la technique
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES
et de défiance envers ces plaisirs que vous ne partagez pas, c'est un monde de corvées et de passions tristes que vous nous préparez. Nous n'en voulons pas !
Pour changer – et il le faut –, notre société ne nécessite pas tant de haine.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR et sur les bancs du groupe RN.
Je tiens à battre en brèche le mythe de la décarbonation – non que je ne la souhaite pas, mais il importe de regarder les chiffres en face. Pour agir efficacement, nous devons d'abord réduire le superflu, puis décarboner ce qui ne peut pas être réduit. La direction générale de l'aviation civile et l'ensemble des experts sérieux affirment que nous ne pourrons pas décarboner l'aviation dans les dix ou vingt ans à venir. En commission, M. Taupiac a rappelé l'histoire de l'Airbus A380, inventé à la fin des années 1980, commercialisé entre 2000 et 2020, et dont la durée de vie est de trente ou quarante ans. Appliquons le même schéma aux hypothétiques futurs avions décarbonés : s'ils sont en cours d'invention et mis sur le marché au mieux en 2030, la flotte actuelle ne sera renouvelée en totalité que dans trente ou quarante ans. C'est trop tard. Il faut réduire les émissions, en particulier quand elles sont causées par des usages superflus.
Je ne m'attarderai pas sur les questions d'emploi, au sujet desquelles j'ai entendu des chiffres fantaisistes – certains collègues ont manifestement été sensibles aux arguments des lobbys. L'aviation d'affaires représenterait, selon eux, un chiffre d'affaires de 32 milliards d'euros : c'est totalement fantaisiste. Songez que le marché du soda représente 8 milliards d'euros ; le chiffre d'affaires de l'aviation privée ne peut pas lui être quatre fois supérieur, ni être supérieur aux exportations de vin, par exemple. Ces chiffres ne sont pas raisonnables.
J'en viens à l'aéroport de Schiphol. Vous avez souligné, monsieur le ministre délégué, qu'une décision avait été invalidée en justice ; la raison en est cocasse : elle tient à un manque de concertation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous attendons d'ailleurs une autre décision, le 14 avril, relative à un manque de concertation sur une réforme importante… Soyez néanmoins rassuré : Schiphol a pris sa décision concernant les jets privés, et la mettra en application à partir de 2025. Elle vise notamment à lutter contre les nuisances sonores, dont très peu d'entre vous – hormis Christine Arrighi, que je remercie – ont relevé les conséquences dramatiques sur la santé, en particulier sur la perte d'espérance de vie en bonne santé. Les maires de Ramatuelle et de Stains, deux communes que tout sépare, se sont unis pour, dans une tribune récente, dénoncer cette nuisance. Nous n'en parlons jamais, alors que des millions de personnes en sont affectées, pour le caprice de quelques ultrariches.
Vous en appelez à la régulation, monsieur le ministre délégué, mais toujours pour plus tard. Il n'y a que pour baisser l'ISF que vous êtes allés extrêmement vite !
Et le reste ? Cet automne, la NUPES avait proposé de réguler les jets privés – position de repli par rapport à une interdiction pure et simple. Nous préconisions d'appliquer une régulation pour empêcher que l'usage des jets ne soit un élément d'optimisation fiscale, ou d'augmenter les taxes sur le kérosène pour l'aviation d'affaires. Vous vous y êtes opposés. Il faut donc désormais passer à l'interdiction, d'autant que le dispositif que nous proposons est très cadré. Aucun des arguments que vous avez exposés ne peut nous mettre en difficulté.
Et les transports médicaux ?
La direction générale de l'aviation civile sait repérer les motifs de navigation des jets ; c'est pourquoi nous donnons la priorité aux transports de greffons, par exemple – et heureusement ! Les motifs des vols étant connus, des exemptions pourront s'appliquer.
Je passe sur les arguments du Front national…
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Dans un amendement, Mme Masson pointe une discrimination envers les riches. On reconnaît là le Front national, ami des milliardaires, qui refuse systématiquement de voter l'augmentation du Smic.
Mêmes mouvements.
Il méprise la question des nuisances sonores de l'aviation d'affaires, et soutient les plus riches.
Que dire de l'argument selon lequel l'aviation d'affaires ne représenterait que 0,1 % des émissions de gaz à effet de serre ? Si notre proposition de loi a des effets aussi indolores, alors votons-la ! Voilà une mesure concrète et facile ! Si vous pouvez me soumettre une contre-proposition qui touchera 50 % des émissions, je prends ! Il y a urgence ! N'ayant rien entendu de tel, je vous soumets cette proposition de loi, aussi minime vous paraisse-t-elle. Nous sommes 577 députés : que chacun contribue, nous aurons déjà atteint 57 % des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et nous aurons fait notre travail.
Concluez ! Vous perdez du temps dans votre niche, vous vous noyez dans vos déboires !
Ayons ce débat. Certains amendements ont reçu un avis favorable de la commission. Ils sont pourtant très différents, défendus pour les uns par le groupe La France insoumise, pour les autres par le groupe Les Républicains. Certains défendent un sujet commun, la taxation, avec, naturellement, des montants très variés selon les bancs. D'autres proposent des exemptions pour les vols utilisant une part importante de carburants durables d'aviation – SAF, pour Sustainable Aviation Fuels –, ou les avions électriques.
D'autres encore invoquent un alignement avec la loi « climat et résilience », comme M. Adam. Le commun des mortels, vous et moi, avons l'interdiction de voyager en avion entre Paris et Bordeaux.
En revanche, ceux qui ont un jet le peuvent. Il y a là un problème majeur d'égalité, d'équité et d'acceptation des mesures. Ouvrons le débat et voyons comment les amendements prospéreront.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Sans être trop long, j'apporterai quelques précisions factuelles pour éclairer la discussion. S'agissant de l'aéroport de Schiphol, nous pourrions avoir un long débat batave, mais je serai bref : un plafonnement des vols y est appliqué, comme dans certains aéroports français. Cette mesure n'a rien d'extraordinaire. L'objectif des Néerlandais est en grande partie de lutter contre les nuisances sonores dans une zone très dense ; cela arrive aussi en France.
Comme je l'ai précisé, j'ai voulu que nous prenions des mesures de cette nature, pour l'aéroport de Lille-Lesquin par exemple. J'ai demandé à la DGAC de conduire ces travaux dans les meilleurs délais. Cette initiative a peu à voir avec les jets, mais vise à préserver l'environnement et à protéger les habitants contre des nuisances importantes dans un aéroport largement saturé – ce qui n'est pas le cas de nos grandes plateformes aéroportuaires. Elle a été jugée contraire aux règles européennes par la justice néerlandaise.
Dans le cadre de son plafonnement, l'aéroport de Schiphol a souligné que des avions autres que les jets auraient la priorité – c'est pragmatique et compréhensible. En revanche, aucune mesure d'interdiction de la circulation ou de l'atterrissage des jets privés aux Pays-Bas n'a été prise. Aucun pays européen, quelle que soit la couleur politique de son Gouvernement, ne prend de mesures de cette nature.
De toute évidence, la décarbonation totale de l'aviation ne surviendra pas en 2023, 2024 ou 2025. Pour les petits avions en revanche, notamment les jets, l'idée d'imposer des proportions de carburant durable plus importantes d'ici à la fin de la décennie, comme l'a évoqué M. Adam, n'a rien d'aberrant. Peut-être existera-t-il même des petits avions entièrement propres au début de la décennie prochaine – personne ne peut l'affirmer, mais ce n'est ni surréaliste, ni impossible. Je vous invite à visiter avec moi le Salon du Bourget à partir du 19 juin, pour assister à une démonstration d'un petit avion entièrement électrique. Il n'est pas inconcevable qu'il existe de tels engins totalement propres d'ici à 2030.
Je ne propose pas l'inaction mais la régulation, notamment européenne. Ayant parfois du mal à mobiliser certains gouvernements et partenaires européens, y compris quand les Verts participent aux coalitions gouvernementales, je vous invite à faire jouer votre influence et celle de vos amis au Parlement européen – vos partis frères –, pour qu'ils se joignent à nous dans la discussion européenne sur la taxation du kérosène ou sur les échanges de quotas d'émission, entre autres.
Nous avons besoin de l'appui de certains gouvernements qui, pour le moment, ne veulent pas entrer dans cette discussion. Notez que ce sont parfois des gouvernements socio-démocrates ou verts. Mobilisez-les !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Sur les amendements n° 2 et identiques, je suis saisie par les groupes Renaissance, Rassemblement national, Les Républicains et Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Que n'avons-nous entendu sur ce texte ! Ce serait une proposition de confort, une illusion, une proposition idéologique.
À moi de vous proposer une dose de réalité : le 18 juillet 2022, les incendies font rage en Gironde et dans les Landes.
Ce jour-là, le jet privé de Vincent Bolloré effectue trois vols : un trajet Toulon-Paris et un aller-retour Paris-Naples. Bilan : 16 tonnes de CO
…pendant que des personnes se demandent si leur maison partira en flammes, les plus riches jettent du kérosène sur le feu.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est comme s'ils vivaient dans un monde à part, un monde où le réchauffement climatique n'existe pas. Ils pensent pouvoir vivre au détriment de la planète car ils pensent que l'argent achète tout.
Ils s'imaginent que cet argent les protégera du réchauffement climatique. C'est à nous, législateurs, de les ramener sur terre et de les contraindre à faire attention à la planète que nous partageons tous.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le dernier rapport du Giec est pourtant clair : pour produire de meilleurs résultats, une politique de lutte contre le réchauffement climatique doit donner la priorité à l'équité, à la justice sociale et à la justice climatique.
Nous devons réduire immédiatement et drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, il existe de nombreuses solutions : privilégier les modes de transport doux, le covoiturage et le ferroviaire.
Il y a tant à faire ! Nous devons transformer notre économie pour la rendre résiliente. Ce ne sera possible que si nous mettons fin à l'usage ostentatoire des jets privés. Il faut faire cesser ce transport utilisé par une toute petite minorité d'ultra-aisés, qui torpillent les efforts de tous les autres.
Les Français vous réclament des mesures de justice. Je sais que vous n'avez pas l'habitude de les écouter, …
…mais peut-être qu'ensemble, nous pourrons affirmer que ceux qui polluent le plus, les ultrariches, doivent être mis à contribution en premier lieu.
Nous devons impérativement et drastiquement lutter contre le réchauffement climatique et sauvegarder l'habitabilité de notre terre.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Quand j'ai découvert les propositions de loi de la niche du groupe Écologiste, j'ai été pris de stupeur : interdiction des jets, interdiction de la chasse le dimanche, interdiction des enseignes lumineuses… Décidément, les écolos n'ont rien compris ; ils n'ont pas appris de leurs erreurs : interdire, encore interdire, toujours interdire !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe RN. – Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous êtes le porte-parole des milliardaires, monsieur Cazeneuve ! Vous êtes le perroquet de Vincent Bolloré !
Interdire plutôt que de convaincre, d'accompagner, de mener une transition, de mettre les moyens pour accompagner les Français ! Plutôt que de faire de la pédagogie, vous persistez à opposer les Français les uns aux autres.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Au regard des enjeux de la transition écologique – que nous reconnaissons tous –, pourquoi choisir trois sujets anecdotiques et marginaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
C'est vous qui êtes marginaux ! Vous êtes ringards ! Vous êtes dépassés !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Pour la mobilité avec le ferroviaire, avec la loi « climat et résilience », pour les énergies renouvelables, nous avons fait le job ! Pour l'industrie verte, pour l'économie circulaire, nous avons fait le job ! En matière d'investissements, avec le plan de relance de 30 milliards d'euros et le plan ferroviaire de 100 milliards, ou encore pour la transition écologique, nous avons fait le job !
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Voilà pourquoi vous n'avez plus rien à dire, vous ne brandissez que des symboles et vous êtes anecdotiques !
Les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe Dem applaudissent également. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous êtes le parti de l'inaction climatique !
Le sixième rapport du Giec a été publié le lundi 20 mars. Voici ce qu'explique sa conclusion : limiter le réchauffement à 2 degrés ne sera possible qu'en accélérant dès maintenant la baisse des émissions, pour ramener les émissions mondiales nettes de CO
Nous devons donc faire la chasse aux émissions, à toutes les émissions.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Hélas, en dix ans, la concentration de CO
De plus, il existe une forte inégalité dans les émissions de gaz à effet de serre. Le rapport du Giec le confirme : 10 % des ménages qui émettent le plus sont responsables de la moitié des émissions à l'échelle mondiale.
Dans le même temps, le marché des jets privés a quasiment doublé par rapport à 2019.
Vous trouvez cela normal ? Ce marché représente 12 % du transport aérien en 2021. Or un trajet en jet privé émet 10 % de carbone en plus que le même trajet effectué par une ligne commerciale. Qu'avez-vous à répondre à cela ? Un trajet en jet privé pollue cinquante fois plus que s'il était effectué par le train. Un vol d'une heure en jet produit les mêmes émissions, en moyenne, que les trajets annuels d'une voiture en France. Qu'avez-vous à répondre à cela ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le tout est en partie subventionné par l'État, puisque, vous le savez, les opérateurs de jets privés bénéficient d'une taxation réduite sur le kérosène. En France, le taux d'imposition du carburant d'un jet privé s'élève à 39 euros par hectolitre, contre 68 euros par hectolitre pour les voitures. Ces trajets coûtent cher : il faut compter 3 000 à 4 500 euros par heure de vol, et 3,5 à 4 millions d'euros pour acquérir son propre jet. Qui peut se payer cela, à part les ultrariches ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
En outre, il s'agit souvent de trajets de confort. Ce comportement inadmissible est révélateur d'une forme de sécession des ultrariches, qui donnent l'impression de vivre sur une autre planète.
Dans ce contexte, l'article 1er propose une mesure simple et de bon sens : l'interdiction des jets privés non commerciaux.
Brouhaha.
L'économie ainsi réalisée par les plus riches leur permettra peut-être de payer plus d'impôts, ce qui sera nécessaire pour financer la planification écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous avons avancé tous les arguments raisonnables à notre disposition pour vous faire comprendre que vous faisiez fausse route car vous ne vous attaquez là qu'à 0,07 % des émissions. J'attends toujours vos propositions pour décarboner le logement ou les transports : là, vos idées sont moins brillantes !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Deuxième réflexion : vous qui êtes, en théorie, les héritiers de ceux qui, en 1968, écrivaient sur tous les murs de la capitale qu'il est interdit d'interdire, vous ne faites pourtant qu'interdire ! Vos aînés doivent avoir honte de vous !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE. – Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous avez proposé à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire trois textes qui sont autant d'interdictions. Madame Batho, vous défendiez l'interdiction des publicités lumineuses ; nous avons proposé des amendements, et vous avez retiré votre texte car ce n'était pas l'efficacité que vous recherchiez mais bien l'interdiction.
Exclamations continues sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Argumentez sur le fond, pas seulement sur la question de l'interdiction !
Quant à l'interdiction des jets privés, elle est ridicule : 0,07 % des émissions de gaz à effets de serre, cela ne représente rien ! Enfin, votre dernière proposition consiste à interdire la chasse le dimanche, alors que nous pourrions régler cette question par une approche déconcentrée et décentralisée.
Pour vous, l'écologie se réduit toujours à l'interdiction. Drôle de concept, pour un écologue !
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Pour terminer, donnez-moi donc le bilan carbone de M. Mélenchon, le monarque qui règne sur cet attelage baroque appelé la NUPES !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE. – Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
« Oh ! » et sourires sur les bancs du groupe RE.
Vous n'avez pas à conspuer ainsi nos collègues écologistes. C'est proprement indigne !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Cela n'est pas raisonnable de la part de députés qui représentent des partis de gouvernement. Je salue la dignité de M. le ministre délégué qui, au moins, a la décence de s'adresser aux élus écologistes sur un autre ton.
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », tel est le texte de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui fait partie de notre bloc constitutionnel. Or le dernier rapport du Giec contient d'abondantes informations relatives à la pollution. Comment croire encore que la pollution des avions privés ne nuit pas aux Français ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Comment pouvez-vous faire croire cela à tous nos concitoyens qui pâtissent des canicules, aux agriculteurs qui rencontrent des difficultés à s'approvisionner en eau et à tous ceux qui peinent à sortir des ZFE ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Philippe Brun applaudit également.
Nous avons besoin de justice écologique et sociale : c'est cela que vous refusez d'entendre. Peut-être cela a-t-il été exprimé en d'autres termes que ceux que vous auriez choisis, mais acceptez qu'il nous incombe de travailler ensemble à construire cette justice écologique et sociale, sans quoi nous ne nous en sortirons pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je m'accorde avec nombre de mes collègues pour considérer que les écologistes dispensent en permanence des leçons de morale, ce qui devient assez désagréable.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous ne cessez de proposer des interdictions et des obligations.
Monsieur le rapporteur, votre argumentation fait naufrage. Vous affirmez que le Rassemblement national défend les riches en s'opposant à votre proposition de loi,…
…mais dans tous les exécutifs locaux auxquels participent les écologistes, ils défendent les ZFE qui incarnent l'écologie punitive dirigée contre les plus modestes.
Les députés du groupe Rassemblement national sont les seuls à s'opposer à l'écologie punitive que vous prônez, vous, bobos écolos qui passez votre temps à donner des leçons de morale !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Dernière chose : vous agitez le chiffon rouge des jets privés mais vous ne proposez rien. Vous n'offrez aucune perspective de décarbonation.
Vous êtes responsables de la suppression de nos centrales nucléaires, qui nous conduit à importer du charbon allemand polluant. Nous n'avons aucune leçon à recevoir des écologistes ! Bien loin de donner la moindre leçon de morale, vous devriez même vous enterrer.
Il nous demande de nous enterrer, madame la présidente ! Il n'est pas normal de parler ainsi !
Le Rassemblement national est le groupe le plus cohérent en matière de décarbonation. Oui, nous pourrions, comme vous le souhaitez, arrêter d'utiliser les avions ou encore le chauffage, mais nous reviendrions alors à la traction animale ou humaine ; avec vous, nous retournerions au Moyen-Âge ou à l'Antiquité.
Brouhaha.
Pour notre part, nous croyons au progrès ; quant à vous, vous appelez de vos vœux une décroissance qui nous conduira à mettre fin à toute innovation et à interrompre la marche de la civilisation.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'ai du respect pour M. Cazeneuve, mais quand je l'entends clamer « nous avons fait le job », je ne sais que dire devant un tel déni.
Vous n'avez rien fait pour lutter contre l'usage des pesticides et du glyphosate. Quant à l'usage des néonicotinoïdes, votre bilan est pire encore : vous l'avez interdit, puis rétabli.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Avec cette interdiction, nous devrons importer des betteraves du Brésil ! Quel scandale !
Nous vous avons proposé de consacrer 7 milliards d'euros au financement de la rénovation thermique ; vous avez jugé cela excessif. Nous avons souhaité investir des milliards dans la décarbonation des transports ; vous avez jugé cela excessif.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.
La France a été condamnée par deux fois pour inaction climatique, notamment à cause de la pollution ; pourtant, elle est devenue l'un des premiers importateurs mondiaux de gaz de schiste américain, cette bombe climatique à retardement.
En effet, vous avez décidé d'inclure dans la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat la création d'un méthanier flottant au Havre. Comment pouvez-vous dire « nous avons fait le job » ? Ce n'est pas vrai !
Oui, monsieur Millienne : parfois, il faut interdire.
Je croyais que selon vous il était interdit d'interdire ! Vous avez bien changé !
Je crois que vous le savez, car vous êtes plus intelligent que votre discours ne le laisse paraître.
Sourires sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Oui, nous aurions dû interdire plus tôt le chlordécone, le S-métolachlore ou encore les nitrites, pour préserver la santé des gens.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Comme le dit le député Ramos, les nitrites tuent. Vous prétendez défendre la liberté, mais vous soutenez surtout la liberté des lobbys, la liberté du loup dans la bergerie.
Je répondrai enfin au Front national.
Vous ne cherchez jamais, en rien, à défendre les plus pauvres et les plus vulnérables.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Les ZFE servent précisément à défendre les plus vulnérables car les quartiers les plus populaires sont les plus pollués. Vous devriez réfléchir aux moyens d'accompagner cette mesure de santé publique, ce qui, comme disait M. Leseul, implique de s'interroger sur ce que penseront les personnes qui ne pourront plus circuler aux abords d'une ZFE, mais verront des aéronefs et des jets privés décoller sans entrave, y compris lors des pics de pollution.
Mêmes mouvements.
C'est une question de justice sociale et d'équité.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous proposons de supprimer l'article 1er qui, pour des raisons idéologiques, a raté sa cible. L'impact environnemental de l'aviation privée est très faible. Oui, monsieur le rapporteur, votre fixation sur ceux que vous appelez les ultrariches est on ne peut plus discriminatoire.
Vous mentez sans arrêt aux Français. Mes amendements ne défendent en aucun cas ceux que – de manière très discriminatoire, je le répète – vous nommez les ultrariches et qui, il faut le rappeler, apportent à la France une richesse considérable du point de vue industriel et économique.
Vous cherchez sans cesse à restreindre la liberté de circuler, ce que j'estime très grave.
Je rappelle qu'à l'échelle française, l'aviation privée représente 3 % des émissions du transport aérien et 0,2 % des émissions cumulées. L'aviation privée française représente 0,001 % des émissions mondiales. Une année entière de fonctionnement de l'ensemble de la flotte d'avions Falcon en service à travers le monde équivaut à cinq heures de trafic mondial de camions. J'insiste sur le fait que l'aviation privée sera pionnière en matière de décarbonation : tous les avions Falcon et TBM peuvent déjà utiliser un mélange de carburants composé à 50 % de SAF. La prochaine génération d'aviation d'affaires, dont fait partie le Falcon 10X, est conçue pour fonctionner avec 100 % de SAF.
…grâce à des appareils qui consommeront de moins en moins de carburants.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 12 .
Oui, merci, soyez aussi rapide qu'un jet entre Béziers et Palavas-les-Flots !
Au fond, ce qui nous différencie, c'est notre manière d'aborder le monde.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous n'aimez pas l'innovation. Vous vous fichez des dizaines de milliers d'emplois qui seraient supprimés si votre texte était adopté. En somme, tout ce qui fait la grandeur et la fierté de la France – ses outils d'innovation, son industrie aéronautique – vous déplaît. Votre leitmotiv se résume à l'interdiction et à la punition.
Nous avons des dizaines de propositions à vous faire, par exemple la fiscalisation du kérosène à l'échelle européenne, le développement des biocarburants, l'instauration d'un système de bonus-malus, ou encore la taxation des vols d'agrément pour soutenir l'innovation, mais vous n'avez que faire de tout cela : ce que vous voulez, c'est l'interdiction. C'est le seul mot que vous avez à la bouche.
Pour toutes ces raisons, je voterai pour la suppression des articles de votre proposition de loi.
« Oh ! » sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour soutenir l'amendement n° 20 .
Si l'article est adopté, il privera d'emploi 120 000 personnes en France. Comment pouvez-vous, vous qui vous dites défenseurs des salariés, leur ôter leur travail ?
Sourires sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous repoussons votre proposition et voterons donc la suppression de l'article.
Je ne serai pas très long car je reprendrai les éléments que j'ai développés dans la discussion générale. Les vols en jet représentent une part mineure des émissions de CO
Cette proposition de loi prévoit un système très complexe, avec une multitude de dérogations qui seront difficiles à toutes identifier, comme l'a rappelé le ministre délégué.
Nous proposons donc de supprimer cet article car, plutôt que l'interdiction, nous privilégierons toujours l'incitation, l'innovation et la régulation.
Prétendre répondre au défi du changement climatique par la seule interdiction de vols en jets privés relève uniquement de l'idéologie. Vous proposez de le faire sans concertation, sans réflexion menée avec le milieu économique et industriel, avec la filière aéronautique française et européenne, qui représente un enjeu important pour nos territoires.
En France, elle repose sur 4 480 sociétés dont des fleurons de notre industrie tels Dassault Aviation ou Airbus, qui emploient, selon l'Insee, 7 % des salariés de l'industrie française : elle compte 101 500 emplois directs ou indirects. Il s'agit d'emploi industriel créateur de richesses, à forte valeur ajoutée.
Il est donc dommage de constater, à travers les propositions que le groupe Écolo – NUPES a fait ces trois dernières semaines, qu'il ne souhaite qu'une chose : détruire des emplois industriels et renvoyer ceux qui les exercent au chômage !
Depuis trois semaines, si on vous avait écoutés, on aurait détruit 220 000 emplois dans la filière nucléaire française – l'Assemblée a dit non. Ce soir, si on vous écoutait, on supprimerait 100 000 emplois dans une filière aéronautique d'excellence. J'espère que nous dirons non. En trois semaines, si on vous écoutait, on aurait détruit 300 000 emplois soit 100 000 par semaine.
Votre groupe a longtemps représenté l'idée qu'il était interdit d'interdire ; il est dommage qu'il soit devenu le parti de l'interdiction.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Avec tous les membres du groupe Renaissance, je propose de supprimer l'article 1er . J'ai eu l'occasion, lors de la discussion générale, de rappeler les multiples raisons pour lesquelles cette proposition de loi n'est pas pertinente.
Je vais rappeler quelques arguments. Vous aimez, chers collègues du groupe Écologiste – NUPES, mettre en avant régulièrement des symboles.
Quant à moi, je pense que, dans notre pays, ce qui est important, c'est l'efficacité…
…pour le climat. On vous rappelle encore et encore que les jets privés en France représentent 0,09 % des émissions de gaz à effet de serre. Aussi eût-il été sans doute plus pertinent, pour la première niche du groupe Écologiste – NUPES du quinquennat, de se focaliser sur des sujets dont les effets sont plus importants, afin d'avoir vraiment une action bénéfique pour le climat.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ce n'est pas grave, avec vous, on a l'habitude de ce genre de comportement. Vous nous donnez des leçons sans arrêt – vous êtes d'ailleurs en train de le faire – tout en nous accusant régulièrement de ne pas faire preuve d'humilité. Commencez donc par vous-mêmes !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Dressons donc le bilan de ces dernières années, et, chers collègues, excusez-moi, mais vous ne pouvez pas remettre en cause les faits : pendant le quinquennat de François Hollande, la majorité écolo-socialiste a voté la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui a créé la stratégie bas carbone. Mais, chers collègues, de 2015 à 2017, avez-vous respecté la trajectoire que vous aviez fixée ?
« Non ! » sur les bancs du groupe RE.
À l'inverse, nous, depuis 2018, nous respectons scrupuleusement la stratégie nationale bas carbone.
Exclamations continues sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous suivons la trajectoire de baisse annuelle des émissions de gaz à effet de serre qui nous permettra d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Voilà la réalité des chiffres.
Ce n'est pas grâce à des propositions de loi comme les vôtres que nous mènerons à bien cette transition. C'est avec des mesures efficaces, durables et partagées avec l'ensemble de l'écosystème économique, social et environnemental. En revanche, cette proposition de loi n'est qu'un symbole : vous essayez de faire plaisir à un certain électorat en tapant sur les ultra-riches mais les mesures que vous proposez n'ont, j'y insiste, aucune efficacité.
Nous proposons donc simplement la suppression de cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit lors de la discussion générale. Je préciserai simplement que l'aéronautique, comme l'automobile, est une industrie qui est tirée par le haut de gamme.
De très nombreuses innovations dans l'aéronautique sont venues des jets. La filiale qui se constitue actuellement autour des matériaux composites biosourcés est tirée par les jets. Je rappelle simplement qu'interdire les jets, c'est aussi mettre à mal une industrie qui est source d'innovations que l'on retrouve dans l'aviation civile ou commerciale, mais aussi dans d'autres secteurs d'activité comme la fabrication de vélos. Il y a une vraie logique dans ces développements industriels.
Au lieu de proposer directement une interdiction, il aurait été intéressant de discuter pour savoir comment, à l'échelle européenne, taxer le kérosène, et comment, grâce à cette taxation, aider à l'émergence d'une filière de carburants durables qui va mal en France. Les compagnies aériennes qui essayent d'utiliser des carburants durables et qui ont un objectif d'incorporation de 1 % à ce jour et de 5 % en 2030, rencontrent de grandes difficultés car la filière n'est pas constituée. Il aurait été intéressant aussi de discuter de taxation d'un côté et d'aide à l'émergence d'une filière de l'autre.
Mais bon, malheureusement, la proposition de loi vise une interdiction simple et le débat n'aura pas lieu.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LIOT.
La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir l'amendement n° 47 .
Non, l'écologie n'appartient pas à un parti politique. Vous tentez de vous l'approprier, mais en agissant comme des petits dictateurs verts ,
« Oh ! » sur divers bancs
vous ne cessez de la ridiculiser, de la rendre risible, au point que nombre de Français ne supportent plus vos mesures totalitaires.
L'écologie est devenue un prétexte pour justifier votre haine des plus riches. Opposer les Français plutôt que de les rassembler, c'est le choix que vous faites dans tous vos amendements et dans toutes vos propositions.
Depuis le début de ce mandat, vous ne cherchez qu'à interdire. La violence dont vous faites preuve en politique n'est pas une nouveauté. Ce qui m'inquiète, c'est que c'est devenu systématique.
Mais vous ne trompez personne. Les jets privés ne représentent qu'une infime partie des émissions et des vols en France. Alors, un peu de sérieux, chers collègues ! L'écologie est un enjeu majeur mais il est trop important pour être laissé aux mains d'amateurs…
…ou plutôt d'apprentis sorciers écologistes, qui n'agissent que par dogmatisme. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article qui n'a aucune vertu écologique et qui n'est qu'idéologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je pense que tous les arguments ont été échangés – argument est peut-être un grand mot pour qualifier les propos du dernier intervenant. Mes chers collègues, débattons. Je remercie les auteurs des amendements. J'ai été qualifié de je-ne-sais-quoi…
Le groupe Renaissance et même le Président Macron parlaient d'une nouvelle gouvernance. Une assemblée dans laquelle il n'y a pas de majorité permet peut-être des convergences et des compromis – je ne pense pas que ce soit un gros mot.
À ma toute petite échelle, dans cette situation de rapporteur et avec le soutien du groupe Écolo – NUPES, j'ai fait ce travail…
…de discussion avec, ma foi, un éventail assez large de députés, du groupe LFI – NUPES au groupe LR. Puisque vous êtes nombreux à parler de décarbonation, j'insisterai sur le fait que si ces amendements de suppression sont votés, vous ne pourrez pas voter l'incitation à l'innovation que vise l'amendement n° 40 de Mme Christine Arrighi qui prévoit une exemption pour les vols électriques ou à hydrogène et pour les vols utilisant une part minimale de 30 % de carburants SAF. Si vous votez les amendements de suppression de l'article, vous ne pourrez pas débattre sur l'amendement n° 38 de M. Hubert Ott, qui, peut-être plus réformiste que moi, n'interdit pas totalement les vols en jet privé mais réserve cette interdiction aux trajets de moins de 300 kilomètres – ce qui éviterait les caprices comme un vol Nice-Cannes.
Vous le voyez, on peut, dans le débat, trouver des voies de passage. J'y suis toujours ouvert. J'attends vos propositions et j'espère qu'on pourra en débattre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je suis favorable à ces amendements identiques de suppression. En effet, nous avons dit, après un long débat, notre opposition à cette proposition de loi.
Il y a un débat sur la question des outils. Vous proposez une interdiction, monsieur le rapporteur. J'entends votre engagement sincère. Je ne doute pas que vous ayez examiné des données pragmatiques, mais je crois sincèrement que la régulation est nécessaire et qu'elle est plus efficace. Nous devons construire dans les mois à venir cette régulation qui repose sur des mesures nationales et européennes. Engageons donc le chantier. Je suis prêt à le faire collectivement.
Je souhaite exprimer un sentiment que partagent certainement plusieurs d'entre nous : nous ne sommes pas franchement à l'aise dans un débat qui, une fois de plus, est très manichéen avec, d'un côté, une interdiction totale et, de l'autre, une suppression radicale. Or il y a d'autres façons d'aborder un sujet comme celui-là qui touche à la décarbonation, laquelle incite à faire des efforts pour que la sobriété concerne l'ensemble des habitants de ce pays, quels qu'ils soient.
Je ne suis pas certain que les quelques concitoyens qui ont un beau porte-monnaie ne consentent pas à cet effort. Ce que je propose, à travers l'amendement n° 38 , que nous examinerons si les amendements de suppression ne sont pas votés, c'est qu'on puisse continuer à traverser la France en jet, qu'on puisse par exemple aller de Paris à Marseille, à Toulouse, à Bordeaux, à Nantes, à Lyon ou à Bruxelles…
Mais dans le cas où il y a une petite heure de train, pour aller à Lille, par exemple, on propose à ceux qui ont l'habitude de prendre le jet de faire le trajet en chemin de fer.
Nous devons imaginer une dynamique positive vers la décarbonation et la sobriété qui implique tous les habitants de ce pays.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RE.
Comment peut-on se réjouir du travail qui est fait, quand la trajectoire actuelle des émissions de gaz à effet de serre conduit à une augmentation de 4,4 degrés en 2100 ?
Comment se réjouir du travail qui est fait quand, en 2020, le Haut conseil pour le climat (HCC) soutient que l'État français n'est pas à la hauteur, quand, en 2021, il affirme qu'étant donné le retard accumulé, le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre devra plus que doubler ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Comment se réjouir du travail qui est fait quand, pour atteindre les objectifs de 2022, la France a baissé ses ambitions et augmenté le plafond d'émissions autorisées ? Vous vous êtes en effet autorisés à émettre plus de 24 millions de tonnes de CO
Applaudissements sur de très nombreux bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, et SOC.
Votre bilan sur le climat, c'est l'inaction. Et l'inaction aujourd'hui, c'est une planète qui ne sera pas vivable demain !
Vous avez un choix simple : interdisez et donnez un signal. Non à la pollution des plus riches !
Enfin, députés du groupe Rassemblement national, vous montrez votre vrai visage : la défense des ultra-riches.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Dans les trente-six pages du manifeste du Rassemblement national, il y a deux occurrences du mot « climat », aucune mention des « gaz à effet de serre », des « trains », ni même des « voitures ». La vérité est que vous n'avez aucune proposition sur les mobilités.
Vous n'avez aucune vision sur le climat.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Cela ne vous intéresse pas car vous avez une vision du monde rabougrie et vous voulez assigner les Français à résidence. Le droit à la mobilité, vous ne savez pas ce que c'est !
Protestations sur les bancs du groupe RN.
La seule chose que vous voulez, c'est protéger les ultrariches.
Chers collègues, vous voulez avoir un débat et je le souhaite moi aussi. Je vous appelle donc à ne pas voter ces amendements de suppression. Débattons des amendements afin que l'Assemblée soit fière de son travail. L'inaction n'est plus une solution !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Balayez devant votre porte ! Les écologistes au gouvernement ont été condamnés pour inaction climatique entre 2015 et 2018 !
Soit je donne la parole à un intervenant par groupe car j'ai eu beaucoup de demandes ,
Exclamations
Mêmes mouvements.
Ce n'est pas très compréhensible, mes chers collègues. On poursuit la discussion ou on vote ?
« On vote ! » sur de nombreux bancs.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 168
Nombre de suffrages exprimés 163
Majorité absolue 82
Pour l'adoption 124
Contre 39
Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sur les amendements n° 51 , 43 et 44 , je suis saisie par le groupe Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 45 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements, n° 51 , 43 , 45 et 44 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 51 .
Par souci de lisibilité, je présenterai également les amendements n° 43 et 44 , qui sont de repli, madame la présidente.
J'ai bien noté qu'en votant pour les amendements de suppression de l'article 1er , la majorité a refusé de débattre de la décarbonation, ou encore de la distance à partir de laquelle on pourrait interdire le recours au jet privé, deux sujets qui faisaient l'objet d'amendements devenus donc sans objet.
Vous n'êtes pas sans savoir que la loi « climat et résilience » prévoit l'interdiction des vols commerciaux lorsqu'il existe une alternative ferroviaire permettant de réaliser la liaison en moins de deux heures trente. Dans un souci d'égalité, les amendements n° 51 , 43 et 44 tendent à aligner plus ou moins strictement le régime des jets privés sur celui des vols commerciaux. Version extensive de la proposition, l'amendement n° 51 prévoit l'interdiction des vols lorsque le trajet peut être réalisé en train en moins de quatre heures. Version allégée, l'amendement n° 43 prévoit l'interdiction des vols en jets privés lorsque le trajet peut être réalisé en moins de deux heures trente, en train ou par un service régulier de transport aérien public. Version basique, l'amendement n° 44 prévoit quant à lui un alignement strict sur les dispositions applicables aux vols commerciaux.
Je suis très inquiet du décret annoncé par le ministre délégué, qui interdira au commun des mortels ce qui restera autorisé pour les riches : utiliser l'avion pour des liaisons réalisables en train en moins de deux heures trente. Cela donne le sentiment que, si on a les moyens, on peut s'affranchir des lois de la République. Avec l'amendement n° 44 , qui est une troisième proposition de repli, je ne vous propose que d'étendre le droit commun aux plus riches.
Qualifié de basique par notre collègue rapporteur, il s'agit d'un amendement de repli visant le strict minimum, à savoir aligner le régime des jets privés sur celui des vols commerciaux, que la majorité et le Gouvernement ont fait adopter en juillet 2021 dans le cadre de la loi « climat et résilience ». Comme nous l'avons expliqué en commission, puis lors de la discussion générale, il s'agit uniquement de mettre en cohérence les deux régimes, afin d'assurer l'acceptabilité par l'ensemble de nos concitoyens d'une mesure qui doit s'appliquer à tous.
Il s'agit donc d'un amendement de justice écologique et sociale : chère majorité, vous ne pouvez pas vous défiler et voter contre un amendement aussi basique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
L'amendement n° 44 de M. le rapporteur a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Favorable, bien sûr. Je remercie M. Leseul pour son travail.
Il s'agit d'amendements importants et intéressants. Même si la suite de ma réponse risque de vous décevoir, monsieur Leseul, je serai constructif, comme vous me l'avez demandé.
Je rappelle que l'article de la loi « climat et résilience », dont j'entends l'éloge, qui prévoit l'interdiction dite des deux heures trente a été proposé – et adopté – par la majorité à l'issue de la Convention citoyenne pour le climat.
« Exactement ! » sur quelques bancs du groupe RE.
Nous avons donc « fait le job », pour reprendre les mots du rapporteur général, Jean-René Cazeneuve ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE
et je suis heureux que vous ayez rendu hommage au travail mené par la majorité sous la précédente législature.
Comme vous, je regrette que cette mesure n'ait pas pu être appliquée plus rapidement – même si, en réalité, la plupart des compagnies aériennes ont depuis fermé les liaisons concernées –, mais j'ai dû négocier longuement avec la Commission européenne pour qu'elle accepte un décret qui porte atteinte aux règles du marché intérieur unique – je m'y suis employé ces derniers mois. En tout état de cause, aucun État européen n'est aussi pionnier que la France en la matière, résultat, aussi, de notre investissement dans les lignes de train à grande vitesse – célébrons-les. Nous arrivons enfin au bout du processus : le décret sera soumis demain matin au Conseil d'État et deviendra effectif dans les prochains jours, ou, au plus tard, dans les prochaines semaines.
Accordée dans le cadre de la loi « climat et résilience », la dérogation de la Commission européenne est valable trois ans, à l'issue desquels le décret devra être renégocié – peut-être sera-t-il alors soutenu par d'autres États membres : n'hésitez pas à mobiliser vos contacts politiques sur ce sujet. Je vous propose de fixer une clause de revoyure à l'issue des trois ans, afin d'évaluer les effets du décret sur les lignes aériennes commerciales et le développement du ferroviaire.
Je vous rappelle que nous avions déjà eu ce débat – y compris au sein de la majorité – lors de l'examen du projet de loi « climat et résilience ». Or, sans me lancer dans une longue explication juridique, si nous avions restreint l'interdiction aux vols commerciaux à l'époque, c'est parce que l'étendre à l'aviation privée constituerait une infraction au principe de liberté d'aller et venir garanti par la Constitution – on peut le regretter, mais c'est ainsi. Les prestations privées – y compris celles de l'aviation –, sont garanties par la Constitution. Si certains comportements peuvent choquer, n'oublions pas que l'aviation privée, ce n'est pas seulement le jet du milliardaire ou du footballeur : comme cela a été parfaitement rappelé au cours du débat, elle concerne aussi des entreprises, et des cas exceptionnels, qui peuvent être justifiés, et qu'on ne saurait couvrir par une interdiction générale.
Le travail parlementaire commencé dès la précédente législature à l'initiative de la majorité a déjà permis d'aboutir à un décret interdisant les vols commerciaux sur les liaisons pouvant être réalisées en moins de deux heures trente en train : appuyons-nous sur ce fondement pour avancer, dans le cadre européen.
Le décret sera bientôt publié : il conviendra de l'évaluer avant, peut-être, d'étendre son champ d'application.
J'émets donc un avis défavorable sur les quatre amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Depuis le début de la discussion, les opposants au texte ont voulu aborder l'interdiction que nous souhaitons instaurer sous le prisme philosophique et moral, pour ne pas avoir à répondre sur la question climatique et sociale que nous posons :…
…ils sont libres de le faire.
Si j'étais provocateur – ce que je ne suis pas, chacun ici le sait – ,
« Jamais ! » et sourires sur plusieurs bancs des groupes RE et RN
j'aurais sans doute rappelé les différentes condamnations du Gouvernement pour atteinte aux libertés publiques et individuelles.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Le gouvernement auquel participaient les écologistes a été condamné pour inaction climatique entre 2015 et 2018 ! Alors je le répète : balayez devant votre porte !
M. Millienne a déclaré : « Vous vous revendiquez de mai 68, mais vous voulez poser des interdictions ! » Avec cette déclaration, il a ouvert un débat sérieux, et je souhaite donc lui répondre : monsieur Millienne, nous sommes les héritiers de deux siècles de républiques sous lesquelles la liberté du plus grand nombre a souvent – si ce n'est toujours – été assurée par des interdictions et des contraintes imposées à un plus petit nombre. C'est ce que l'on appelle l'intérêt général, l'abolition des privilèges, et c'est bien ici notre objectif :
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et LR
un objectif idéologique – car nous avons des idées –, moral, climatique, social. Un objectif républicain, en somme.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Bruno Millienne s'exclame.
Chers collègues du groupe Écologiste – NUPES, vous nous faites des leçons de morale…
…mais vous avez participé à tous les gouvernements de gauche depuis trente ans, avec l'échec que l'on sait.
On a eu toutes les présidences de la République et tous les postes de Premier ministre, et même les pleins pouvoirs, tant que vous y êtes !
Vous avez déclaré tout à l'heure que le Rassemblement national n'y connaissait rien en mobilités, madame la présidente Chatelain,…
Je maintiens que vous n'avez aucune proposition à faire en la matière !
…mais, en trente ans, vous avez accompagné un mouvement continu de fermeture de petites lignes de train populaires et poussé la SNCF dans une logique comptable qui a abouti au tout-TGV.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES
…alors que nous avions le mix le moins carboné d'Europe. Encore une fois, vous n'avez de leçons à donner à personne. Le Rassemblement national est le seul mouvement qui n'ait pas encore été au pouvoir et qui a un plan cohérent de décarbonation du pays.
Oui, en démantelant des éoliennes fabriquées avec du cobalt pour lequel on tue des enfants !
Je rappelle tout de même que la France n'est responsable que de 0,9 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Vives exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vos voitures électriques, qui nécessitent des batteries produites avec du cobalt, abîment les droits humains au Congo, où il est extrait.
Mais bien sûr ! Vous êtes des tartuffes. Retournons à la traction animale et humaine !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Permettez-moi de répondre à ceux qui cherchent à atteindre cet objectif républicain, mais qui, depuis vingt et une heures trente, ne cessent de vociférer dès que la majorité prend la parole.
Permettez-moi de répondre à ceux qui cherchent à atteindre cet objectif républicain, mais qui refusent de reconnaître le plan de 100 milliards d'euros pour le ferroviaire qui a été annoncé.
M. Jean-René Cazeneuve applaudit.
Permettez-moi de répondre à ceux qui cherchent à atteindre cet objectif républicain, mais méconnaissent le travail de la majorité, qui a augmenté la taxe de solidarité sur les billets d'avion instaurée par Jacques Chirac…
… dont les recettes permettent aujourd'hui de financer les petites lignes de train.
Permettez-moi de répondre à ceux qui cherchent à atteindre cet objectif républicain mais méconnaissent les résultats obtenus avec l'adoption de la loi « climat et résilience » : nous avons été le premier pays européen – et nous sommes toujours le seul – à interdire les vols lorsqu'il est possible de réaliser le trajet en train en moins de deux heures trente. Une mesure, pourtant, qu'ils apprécient, puisque leurs amendements visent à étendre son champ d'application.
Si vraiment vous cherchiez à atteindre cet objectif républicain, vous reconnaîtriez le travail réalisé, vous viendriez en commission pour travailler sur les différentes propositions, et vous vous rendriez avec nous sur le terrain pour lutter contre le réchauffement climatique !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 147
Nombre de suffrages exprimés 146
Majorité absolue 74
Pour l'adoption 38
Contre 108
L'amendement n° 51 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 135
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l'adoption 30
Contre 103
L'amendement n° 43 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 143
Nombre de suffrages exprimés 142
Majorité absolue 72
Pour l'adoption 38
Contre 104
L'amendement n° 45 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 141
Majorité absolue 71
Pour l'adoption 37
Contre 104
L'amendement n° 44 n'est pas adopté.
Prochaine séance, mardi 11 avril, à neuf heures :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra