La réunion

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La commission procède à l'examen, ouvert à la presse, de trois avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680).

La séance est ouverte à 9 h 00

Présidence de Mme Mireille Clapot, vice-présidente.

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Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, la commission des affaires étrangères s'est saisie pour avis de neuf ensembles de dépenses, qui figurent dans la seconde partie du PLF, à l'exception du prélèvement européen. Il est absolument indispensable, pour la bonne tenue de nos débats et la portée du travail de nos rapporteurs, que nos échanges s'en tiennent à l'essentiel.

- Examen pour avis du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne et vote sur l'article 33 du projet de loi de finances pour 2024 (Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis)

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À titre liminaire, j'observe que la contribution de la France au budget de l'Union européenne (UE) pour 2024 est évaluée à 21,6 milliards d'euros environ, soit une diminution de 12,2 %. Elle prendra, comme chaque année, la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'État. Le budget de l'Union européenne connaît trois autres types de ressources : les ressources propres traditionnelles, comme les droits de douane, la ressource assise sur une assiette harmonisée de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et la contribution assise sur la part d'emballages plastiques non recyclés introduite dans le cadre de la programmation 2021-2027.

Ce budget européen est le quatrième du cadre financier pluriannuel (CFP) pour les années 2021 à 2027, dont le plafond global de dépenses se monte à 1 216 milliards d'euros courants en crédits d'engagement.

La contribution de la France au budget signe son appartenance à l'Union. Notre pays tire bénéfice de sa position d'État membre à la fois directement – fonds européens, subventions et prêts – et indirectement – spread de taux d'intérêt maîtrisé. Il est donc essentiel qu'il honore ses engagements.

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Nous examinons pour avis l'article 33 du projet de loi de finances pour 2024, qui évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne (PSR-UE). Ce montant devrait effectivement atteindre 21,6 milliards d'euros.

Le cadre financier pluriannuel, qui en est à sa quatrième annuité, prévoit un plafond global de dépenses de 1 216 milliards d'euros courants en crédits d'engagement sur sept ans. Ce budget de long terme a permis à l'Union européenne de se doter pour la première fois d'une capacité budgétaire propre, quoique temporaire, qui s'est concrétisée par le plan de relance NextGenerationEU. Le retrait du Royaume-Uni et la crise sanitaire ont provoqué un risque de fragmentation ; l'invasion de l'Ukraine met en cause les valeurs communes et entraîne un danger de marginalisation. En retour, les Européens ont décidé d'emprunter en commun, affirmant leur engagement et leur solidarité. Ils ont ainsi créé et soutenu un nouvel instrument budgétaire, afin de s'adapter aux circonstances. Le budget pour 2024 jouera un rôle primordial pour définir les priorités à long terme de l'Union et lui permettre d'atteindre ses objectifs politiques.

L'article 312 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que chaque budget annuel s'inscrit dans les limites des dépenses fixées par le CFP. En pratique, le montant prévisionnel des crédits est inférieur aux plafonds du CFP, de manière à conserver une marge de manœuvre en cas de besoin non anticipé. La Commission européenne propose le projet de budget à l'approbation du Conseil et du Parlement européen. La proposition du 7 juin 2023 porte sur un budget pour 2024 de 189,3 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 141,1 milliards en crédits de paiement, auxquels s'ajoute une enveloppe de 113 milliards pour financer les subventions du plan de relance européen.

Hors instruments spéciaux, les crédits proposés sont en hausse de 1,99 % par rapport au budget de 2023. Dans la proposition du Conseil, approuvée le 12 juillet 2023, le budget annuel est fixé à 187 milliards en crédits d'engagement – soit 2,3 milliards de moins – et 141,17 milliards en crédits de paiement, ce qui reste stable La Commission présentera ce mois-ci une lettre rectificative et un accord sur la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027. En attendant, le montant du budget pour 2024, et partant celui de la contribution française, reste estimatif.

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne constitue la majeure partie de la contribution française. Il comprend principalement les ressources rétrocédées au budget de l'Union : la ressource relative à la TVA ; la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB), désormais majoritaire ; la nouvelle contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés.

La contribution française, composée du prélèvement sur recettes et des ressources propres traditionnelles, est en nette progression depuis plus de vingt ans et sa part s'accroît dans les recettes fiscales nettes de l'État. Cette évolution a suivi celle de la part du budget européen dans le produit national brut des États membres.

L'article 33 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit une contribution de 21,6 milliards d'euros, en baisse de 11,57 % par rapport à 2023. D'une part, le retard d'application de la politique de cohésion entraîne une baisse temporaire des besoins de paiement. D'autre part, l'inflation influence l'évolution du RNB des États membres et fait croître le produit des droits de douane versés au budget européen, déjà en hausse grâce à la reprise. La baisse de la contribution française est donc conjoncturelle : des hausses sont possibles à brève échéance, du fait d'une nouvelle lettre de cadrage ou de la révision du CFP.

Dans un monde en crise, il est essentiel que l'Europe soit puissante. Les récentes évolutions budgétaires – instrument de relance européen, dispositif de protection contre les violations de l'État de droit, création de nouvelles ressources propres, selon le souhait de la France – ont vocation à renforcer l'Union et notre capacité d'action collective. Ainsi, depuis février 2022, début de la guerre d'agression menée par la Russie, l'Union a déployé un soutien important et visible en faveur de l'Ukraine et a pris des mesures pour atténuer l'incidence économique du conflit en son sein. Ces mesures ont un effet d'autant plus significatif sur la programmation financière qu'elles concernent presque toutes les rubriques du budget, puisque les aides accordées sont militaires, humanitaires et économiques. Sur le plan budgétaire, la proposition de règlement de la Commission en date du 20 juin 2023 prévoyant de créer une Facilité spécifique pour soutenir l'Ukraine doit s'intégrer dans le paquet législatif de révision du cadre pluriannuel.

On le voit, les réformes des mécanismes budgétaires européens, qui auront des effets sur la contribution de la France, ne sont que le reflet de notre engagement et de notre volonté de faire de l'Europe une puissance d'équilibre, et surtout protectrice des Européens.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à vous prononcer en faveur de l'adoption de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2024.

Présidence de M. le président Jean-Louis Bourlanges.

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Le cadre financier pluriannuel dans lequel s'inscrit ce projet de budget a permis à l'Union européenne de se doter, pour la première fois, d'une capacité budgétaire propre, incarnée par le plan de relance. Au risque de fragmentation né du retrait du Royaume-Uni et de la crise sanitaire, les Européens ont répondu en décidant d'emprunter en commun, affirmant leur volonté de s'engager solidairement et dans la durée. Cela a rendu l'Europe plus indépendante et plus apte à relancer l'économie, à protéger la santé ou à mettre fin au « far west numérique ». Elle sera également plus verte, grâce au Pacte vert, qui nous engage à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.

Face à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui porte atteinte à ses valeurs, l'Union a su manifester un soutien ferme et uni au peuple ukrainien. Le monde n'a jamais eu autant besoin d'une Europe puissante, souveraine, indépendante, protectrice et responsable. La France doit rester un moteur de l'Union. L'adoption de ce budget est donc essentielle pour nous donner les moyens d'influer plus efficacement sur la marche du monde et de relever les défis de long terme.

Aussi le groupe Renaissance votera-t-il unanimement l'article 33 du PLF.

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La contribution française connaît une augmentation quasi constante depuis sa création. Le développement des politiques européennes, le grand élargissement à l'Est, en 2004 et 2007, et la sortie du Royaume-Uni, qui était le deuxième contributeur net de l'Union, l'ont alourdie par paliers. Elle est passée de 12,8 milliards d'euros en 2000 à 21,6 milliards en 2024. Selon la direction du budget, le PSR est passé de 3,7 % des recettes fiscales en 1982 à 7,9 % en 2020. Pourtant, les fonds européens perçus sont seulement passés de 12,38 milliards en 2000 à 15,85 milliards en 2020. Bref, la France verse 10 milliards de plus qu'elle ne reçoit. Or il s'agit du produit des impôts des Français : nos compatriotes s'interrogent sur la différence et sont en droit de savoir où va leur argent.

Ces milliards financent les institutions européennes, au coût faramineux mais toujours plus éloignées des peuples ; ils financent aussi les infrastructures nécessaires à l'essor de l'Europe centrale et orientale, qui a attiré des pans entiers de notre industrie. Il est insupportable que l'argent de nos compatriotes contribue à la délocalisation. Pendant que les services publics disparaissent de nos campagnes, que les lignes de chemin de fer ferment et que les médecins se font de plus en plus rares, nous finançons leur développement dans d'autres États membres.

Votre majorité appelle de ses vœux l'élargissement de l'Union à neuf nouveaux membres mais cela nous ferait franchir un nouveau cap : une Union européenne à trente-six, c'est une contribution française qui bondit, donc moins de ressources encore pour nos compatriotes. La première ministre pense qu'être patriote, c'est être européen et transférer l'argent des Français dans des pays tiers. Selon nous, l'argent des Français doit profiter principalement aux Français. Nous voterons donc contre l'article 33.

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Sans surprise, nous sommes en total désaccord. Les fonds européens profitent à de nombreuses zones de notre territoire, notamment à Dunkerque. Vous trouverez dans mon rapport le détail des dépenses européennes consenties en faveur de la France. Le plan national de relance et de résilience, en particulier, consacre 40 milliards d'euros à l'écologie et à la transformation de l'industrie. Sans l'Union européenne, nous n'aurions pas pu affronter comme nous l'avons fait la guerre en Ukraine, ni la crise sanitaire. L'union fait la force.

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Les députés du groupe Les Républicains s'opposeront à l'article 33 du PLF, au moins en commission.

D'abord, la France ne parvient pas suffisamment à défendre ses vues. Quand ses intérêts vitaux sont en jeu, il faut taper plus fort du poing sur la table. L'histoire nous l'a enseigné, par exemple lorsque le général de Gaulle a pratiqué la politique de la chaise vide entre 1965 et 1966 pour maintenir le droit de veto ou préserver la politique agricole commune (PAC).

Quels sont nos intérêts vitaux aujourd'hui ? La taxonomie européenne a suscité un débat massif : un lobby antinucléaire, favorable au gaz, s'est mis en branle dans les institutions européennes pour mettre à mal notre filière nucléaire, donc notre souveraineté énergétique. Heureusement, la raison a prévalu. D'un autre côté, l'État ne pourra plus soutenir les armements de nos marins-pêcheurs, à Boulogne-sur-Mer notamment, parce que l'Union européenne s'oppose à l'aide au carburant. L'argent du prélèvement sur recettes bénéficie aussi à des pays qui préfèrent s'allier à des pays non-membres pour garantir leur souveraineté énergétique, dans le cadre des Balkans occidentaux ou des Nouvelles routes de la soie. La Facilité européenne pour la paix permet aux pays membres d'acheter du matériel d'armement américain. Et je ne dis rien de l'aide au développement.

Notre vote contre est un cri d'alarme. Nous pourrions nous abstenir lors de l'examen en séance, en particulier si le Gouvernement prend nos demandes en considération.

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Je souligne, à toutes fins utiles, qu'un rejet de l'article 33 du PLF en séance publique ouvrirait une crise au sein de l'Union européenne.

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Je comprends vos réserves, toutefois ne pas voter le budget n'envoie pas le bon signal. D'abord, la contribution est aujourd'hui réduite, même si c'est temporaire. La France a été entendue lorsqu'elle a proposé de renforcer les contributions propres et elle joue un rôle moteur dans le paquet législatif en négociation. Il serait inopportun de refuser le budget pour taper du poing sur la table, alors que ce budget prend en compte plusieurs de nos demandes.

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Le montant du PSR-UE pour 2024 est évalué à 21,6 milliards d'euros, en baisse de 12 %, après vingt ans de progression. La France demeure le deuxième contributeur, derrière l'Allemagne et devant l'Italie.

Les causes de cette diminution sont d'abord conjoncturelles : baisse des besoins de paiement de la politique de cohésion ; effets de l'inflation sur le produit des droits de douane. Mais d'autres facteurs ont joué un rôle, comme le Brexit ou la diminution des recettes fiscales pendant la crise sanitaire, qui avait mécaniquement fait augmenter le poids de notre contribution.

Le groupe Démocrate votera, lui, l'article 33 du PLF. Ceux qui s'interrogent sur le niveau de la contribution de la France pourraient examiner le contre-exemple que nous offre le Royaume-Uni : les atermoiements du parti conservateur concernant le financement des projets d'infrastructures sont directement liés à la sortie des programmes européens, tandis que le Brexit non préparé a démultiplié les problèmes relatifs à l'immigration. Quant à ceux qui mesurent l'intérêt de la participation française à l'aide d'un seul outil comptable, comme on le ferait pour une épicerie, ils négligent le fait que la participation entraîne une croissance qui nous rapporte bien plus que ce que le prélèvement nous coûte. Nous regrettons cependant l'existence des rabais, toujours plus ubuesques.

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Le président de la République a rappelé que la France défend la suppression des rabais.

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À quoi sert l'Europe ? Qu'apporte-t-elle au quotidien des Français ? Il faut dire à quoi serviront les plus de 21 milliards d'euros prélevés sur les recettes de l'État.

L'aide apportée au peuple ukrainien offre une première réponse. Saluons à ce propos l'unité préservée et la solidarité entre les États, et plus largement la résilience de l'Union, qui a traversé des crises financières et la pandémie de Covid, qui est confrontée à l'urgence climatique et qui répond toujours présent.

Nous disposons certes de nouveaux outils, comme le Pacte vert, mais sans volonté politique, ils sont impuissants. Les membres du groupe Socialistes et apparentés estiment que le financement pourrait être plus juste, plus citoyen, davantage tourné vers la transition écologique et qu'il faudrait imposer des conditions pour éviter les dérives. Pour définir le chemin à accomplir, les élections européennes de l'an prochain joueront un rôle majeur. Mais en attendant, considérant que la balance penche du bon côté, nous voterons l'article 33 du PLF.

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J'entends vos arguments et partage votre avis. Grâce notamment à la planification, le budget européen permet de faire mieux en matière de transition écologique. On sait l'intérêt du plan national de relance et de résilience, et NextGenerationEU a permis d'affronter différentes crises. Désormais, grâce à un mécanisme innovant, les versements européens sont soumis à une condition de respect de l'État de droit. Enfin, la création de la contribution sur les plastiques, qui a par principe vocation à diminuer en même temps que la production de plastique, manifeste sur le plan budgétaire une volonté politique forte.

Les crédits d'intervention de l'Union européenne sont ventilés de manière très transparente entre sept rubriques ; vous trouverez le détail exposé page 29 du rapport pour avis.

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La participation de la France au budget de l'Union européenne est inscrite dans notre Constitution. En ratifiant les traités européens, les États membres ont librement choisi d'exercer en commun certaines compétences. Il est donc normal qu'un article du budget de notre nation soit consacré au projet européen, qui nous est cher.

Nous profitons financièrement de notre participation à l'Union. Nous sommes ainsi les premiers bénéficiaires de la politique agricole commune ; entre 2021 et 2027, nos régions percevront 18 milliards au titre de la politique de cohésion ; d'ici à 2026, plus de 40 milliards seront alloués à nos programmes de relance nationaux. Surtout, les entreprises et les citoyens jouissent de tous les avantages du marché commun : l'UE compte 450 millions de consommateurs ; entre 2014 et 2020, le programme Erasmus a financé la mobilité de 600 000 personnes.

Au-delà des chiffres, l'Union est un projet pour l'avenir. Les membres de cette commission observent au quotidien la montée des tensions internationales, le retour des puissances, la rivalité croissante qui oppose les États-Unis et la Chine, les nombreuses menaces qui s'exercent contre la souveraineté des pays européens et de nos alliés les plus proches. Une Europe plus forte et plus autonome est essentielle pour relever ces défis et préserver notre souveraineté. Ainsi, les 21,6 milliards du prélèvement sur recettes sont peu de chose au regard de l'immense projet européen. L'Europe a besoin de la force de l'Union pour relever les défis migratoires, technologique, économique et climatique du XXIe siècle.

Les membres du groupe Horizons et apparentés voteront l'article 33 du PLF.

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Merci d'avoir rappelé les bénéfices que la France retire de sa participation, en particulier s'agissant de la PAC.

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Les membres du groupe Écologiste-NUPES voteront cet article 33 car notre engagement européen reste ferme. Néanmoins, les événements des dernières semaines sont inquiétants et la rencontre du président de la République avec le chancelier allemand n'a rien donné. Même un Européen convaincu peut se demander où va l'Union et quels choix seront nécessaires pour faire évoluer les institutions, le budget ou l'élargissement. Nous serons bientôt trente-six, et l'on sait que vous soutenez, Monsieur le président, une intégration plus progressive. Parviendrons-nous à sortir du vote à l'unanimité ? Les défis à relever sont immenses, climatiques et migratoires en particulier : même par temps sombre, il faut soutenir le projet européen, seul capable de les relever.

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Vous avez raison. On peut être un Européen convaincu sans être un Européen heureux.

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J'aime votre formule ! En tant que parlementaires, nous devons exercer notre mission de contrôle budgétaire sans priver l'Union des moyens nécessaires pour mener à bien ses politiques en faveur des Européens.

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La démocratie est chronophage et la réduction du temps de parole à l'Assemblée nationale enfonce un coin dans son exercice.

L'Europe n'est pas une machine à multiplier les pains : c'est une machine de solidarité. Au moment de sa construction, les communistes soutenaient plutôt une Europe des nations. Nous ne sommes pas devenus davantage favorables aux États-Unis d'Europe : nous préférons des nations qui travaillent ensemble.

Nous aurions voulu que l'Europe ait une politique écologique qui la conduise à refuser le gaz de schiste américain. Les dégâts que son exploitation provoque, au service des Européens, sont inacceptables. J'aurais préféré que le terminal méthanier du Havre serve à autre chose.

Pour les Français, du monde rural en particulier, l'Europe, c'est la politique agricole commune : un soutien à l'agriculture française. Il ne faut jamais oublier cette bonne politique.

S'agissant de la pêche, je citerai la charte de l'énergie ; l'Europe ne doit pas corseter les politiques nationales. L'exception culturelle n'est pas forcément unique. On peut promouvoir une exception énergétique, et d'autres liées à notre histoire : l'Europe des nations le permettait.

Enfin, les communistes refusent de transformer l'Europe en machine de guerre au service de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN).

À l'énoncé de ces critiques, je vous laisse imaginer quel sera notre vote.

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Je suis assez optimiste pour espérer que vous voterez ce budget car, en Européen, vous avez rappelé l'importance de la PAC pour la France, ainsi que celle du paquet REPowerEU, qui vise à permettre aux pays de l'Union européenne de réduire rapidement leur dépendance aux combustibles fossiles russes et d'accélérer la transition écologique. La plupart des paquets et des principales mesures que comporte ce budget vont dans le sens de la souveraineté énergétique et de l'écologie que vous appelez de vos vœux. Mme Ursula von der Leyen, dans son discours du 14 septembre 2022, s'exprimait en faveur d'un plafonnement des recettes des entreprises produisant l'électricité à faible coût, estimant que les bénéfices doivent être partagés et redirigés vers ceux qui en ont le plus besoin. À défaut de changer votre vote, peut-être cette parole vous fera-t-elle réfléchir sur l'aspect social de la redistribution que prévoit le budget que je présente.

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Nous allons dépenser aujourd'hui un peu plus de 21 milliards d'euros, soit quasiment le budget de la sécurité en France, et – comme toujours – cela se fera très vite, avant un vote à la va-vite, un lundi, à l'Assemblée nationale.

La contribution nette de la France est en très forte augmentation depuis des années, malgré un petit creux observé cette fois-ci, qui tient à des motifs conjoncturels. Selon les années, cette contribution nette se situe entre 5 et 10 milliards d'euros : tout cela pour financer nos concurrents, pour alimenter la délocalisation de nos industries, pour mener une politique énergétique suicidaire, pour financer une facilité européenne dite « de paix » qui ne fait qu'alimenter la guerre pour acheter du matériel américain et pour financer une bureaucratie qui donne à tout le monde des leçons de rigueur mais qui augmente considérablement ses salaires.

Pourquoi prive-t-on les Français de tant d'argent ? Pourquoi leur demande-t-on tant d'efforts pour gaspiller cet argent dans une politique fondamentalement contraire à nos intérêts ?

Il y a pire : dans votre rapport, vous faites croire que la situation va s'améliorer mais, faute d'accord sur les ressources propres lors du sommet qui a décidé du plan de relance, c'est la France qui, au bout du compte, paiera ce plan de relance : car pourquoi y aurait-il accord plus tard ? Cela représente 66 milliards d'euros hors intérêts, sachant que les taux d'intérêt ont augmenté depuis lors, pour recevoir 40 milliards sous condition ; pour être en laisse, donc, comme on l'a vu lors du débat sur la réforme des retraites. Le plan de relance est donc une très mauvaise affaire pour nous et notre pays.

Qui plus est, nous nous sommes fait avoir pour ce qui concerne les rabais, puisque nous payons davantage qu'avant à ce titre depuis le Brexit, tandis que les autres pays ont su se protéger. En un mot, on ne peut être qu'effrayés par le bilan global de votre action.

Chaque année, vous nous dites que, pour être un bon Européen, il faut voter. Ce qui est curieux, c'est que de nombreux pays, qui sont pourtant de bons Européens, ne votent pas ce budget et le négocient parfois âprement. En comparant sur n'importe quel site internet de l'Union européenne les contributeurs et les bénéficiaires de ces sommes, on voit que la France est le dindon de la farce, qu'elle paie énormément alors qu'elle souffre beaucoup, tandis que de nombreux pays accumulent des milliards à nos dépens.

Au lieu donc d'embêter les Français et d'augmenter leurs impôts de manière déguisée, mieux vaudrait réduire cette participation et même la supprimer.

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Ma position est diamétralement opposée à la vôtre. La France est loin d'être le dindon de la farce : elle n'est même pas le premier contributeur mais le deuxième et les politiques qui lui bénéficient sont longuement détaillées dans mon rapport. Qui plus est, le montant de la contribution française fait l'objet de nombreuses négociations. Je ne partage en rien votre analyse de l'évolution des ressources du budget de l'Union européenne car il est dans l'intérêt des Françaises et des Français de doter l'Union européenne de moyens forts.

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Nous en venons aux questions individuelles de nos collègues.

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Je tiens à souligner, d'un point de vue plus technique, la complexité des dossiers de demande de fonds européens, comme le Fonds social européen, le Fonds européen agricole pour le développement rural, le Fonds européen de développement régional ou d'autres instruments destinés à la coopération transfrontalière, et la difficulté de savoir à qui s'adresser dans ces procédures. En termes familiers, c'est un « bordel sans nom » et personne ne s'y retrouve. Pour que l'Europe soit mieux perçue, nous serions bien avisés de simplifier ses procédures.

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Cette question excède le cadre de notre analyse du budget mais je pense comme vous qu'il faut plus de simplicité et de lisibilité. Il conviendrait de créer, au niveau national, un guichet unique pour les fonds européens, à l'instar de ce qu'ont déjà fait certaines régions. Il est de notre devoir de députés de nous assurer d'une plus grande lisibilité dans la gestion de ces fonds que, je l'espère, les députés du groupe Les Républicains finiront par voter et qui ont vocation à être redistribués dans nos régions et au profit de nos compatriotes.

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Contrairement à ce qui a été dit, nous ne manquons pas de nous défendre âprement à Bruxelles. La détermination des dépenses est en effet un théâtre de confrontation et de coopération assez ardu et les intérêts de la France me semblent y être solidement défendus dans le cadre des Conseils. En revanche, et sans me prononcer sur la question de savoir si l'Union européenne fait bien ou mal les choses – qui relève de chaque groupe de notre Assemblée et de chacun d'entre vous –, je tiens à exprimer ma grande frustration institutionnelle devant le mécanisme d'approbation des ressources propres prévu à l'article 311 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui nous impose d'adhérer par un vote à une décision qui nous est soumise et que nous ne pouvons refuser sous peine d'ouvrir une crise fondamentale, dont nous ne voulons pas.

Je maintiens quant à moi, en tant que bon militant européen, que les ressources devraient être décidées autrement. Et du reste, pas par nous mais plutôt, d'un côté, dans le cadre du Conseil des ministres à la majorité qualifiée – comme c'est déjà le cas – et, de l'autre côté, au niveau du Parlement européen. Il n'est pas normal, en tout cas, que nous nous trouvions dans cette situation de blocage institutionnel voulu par les gouvernements : c'est là une question de principe importante.

Article 33 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne (PSR-UE)

Amendement I-AE1 de M. Jérôme Buisson

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Pour la période 2021-2027, l'Allemagne bénéficie d'un rabais de près de 3,6 milliards d'euros sur sa contribution annuelle. Ce rabais est de 1,5 milliard pour les Pays-Bas, de 823 millions pour la Suède, de 287 millions pour l'Autriche et de 222 millions pour le Danemark, soit en moyenne 9 % de la contribution initiale de ces pays.

Notre groupe souhaite voir réduire la différence entre la contribution de la France et le retour des fonds européens. L'argent des Français doit en effet servir ici, sur notre territoire, et non pas dans une caisse d'investissement pour les infrastructures de pays situés à l'autre bout du continent. L'amendement vise donc à appliquer un rabais de 9 % à la contribution française, avec un effet rétroactif sur les montants déjà versés au titre de la période 2021-2027, c'est-à-dire de réduire le prélèvement sur recettes de 8 milliards d'euros.

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Avis défavorable. Notre objectif est d'accroître la lisibilité et de simplifier le budget. La position de la France est, du reste, de s'opposer à ces rabais, tant pour elle que pour les autres États membres.

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Le système de rabais a été négocié et la France l'a accepté, même s'il est défavorable. Le vote de l'amendement conduirait à voter contre le rapport car nous ne pouvons pas soutenir en séance publique un projet différent de celui qui nous est proposé, même si cela ne fait probablement pas peur à M. Buisson.

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La fiscalité n'est pas de l'épicerie et la notion de « retour » ne s'applique ni entre les régions françaises, ni entre les citoyens français car, lorsque nous votons un impôt, nous votons une politique et non un retour. Présenter systématiquement la différence de montants entre ce que nous payons et ce que nous recevons est un faux calcul, un mensonge, comme cela est apparu dans le Brexit. La fiscalité, c'est une solidarité.

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Ce raisonnement ne vaut pas car l'Union européenne n'est pas une nation. Si nous défendons nos intérêts, pourquoi n'aurions-nous pas part à cette négociation ? De surcroît, tous les États membres négocient et refusent : la preuve en est que des rabais importants ont été décidés, sauf pour la France. Il faudra bien que, un jour, les Français cessent de payer pour tous les autres.

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Ce principe d'équilibre aurait l'énorme avantage de rendre totalement inutile le budget européen : pourquoi voter pour un système dans lequel on retrouve intégralement sa contribution ? La notion même de budget européen suppose l'acceptation de certains déséquilibres.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement I-AE2 de M. Jérôme Buisson

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Cet amendement de repli vise à appliquer au seul prélèvement pour recettes de l'année 2024 le rabais de 9 % sur la contribution française. Il vous donne donc l'occasion de corriger votre générosité abusive sans revenir sur la gabegie passée. Cette mesure réduirait de 2 milliards seulement notre contribution, qui passerait ainsi de 21,6 à 19,65 milliards d'euros.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2024.

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- Examen pour avis et vote des crédits de la mission Aide publique au développement (Mme Elise Leboucher, rapporteure pour avis)

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Les montants inscrits dans le projet de loi de finances pour 2024 au titre de la mission Aide publique au développement (APD) s'élèvent à 5,9 milliards d'euros au total en crédits de paiement. Dans cette enveloppe, les dotations inscrites dans le programme 209, plus particulièrement piloté par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, s'établissent à 3,3 milliards, c'est-à-dire à un niveau équivalent à celui de l'exercice budgétaire en cours.

Vous avez choisi, Madame la rapporteure pour avis, de consacrer la partie thématique de vos travaux à la question de la santé, plus particulièrement sous l'angle de la santé maternelle et infantile et de la santé des femmes dans les pays prioritaires de l'aide au développement de l'Afrique subsaharienne. Il s'agit en effet d'un sujet majeur.

Depuis les années 2000, la lutte contre la mortalité maternelle et infantile est l'une des priorités internationales en santé, comme en témoigne son inscription parmi les objectifs du millénaire pour le développement.

La France a pris un rôle majeur dans cette lutte, mais beaucoup reste à faire. En effet, si le taux mondial de mortalité maternelle s'est réduit de 34 % entre 2000 et 2020, passant de 342 à 223 décès pour 100 000 naissances, nous restons encore loin de l'objectif de 70 décès maternels pour 100 000 naissances – je ne sais d'ailleurs pas pourquoi l'objectif a été fixé à ce chiffre. À cet égard, le taux de mortalité maternelle reste critique dans certains pays comme le Tchad, le Soudan ou, évidemment, la République démocratique du Congo.

De même, si d'indéniables progrès ont été enregistrés pour ce qui concerne la mortalité des enfants de moins de 5 ans, qui a diminué de moitié depuis le début du siècle, cinquante-quatre pays n'atteindront malheureusement pas la cible de mortalité infanto-juvénile fixée dans les objectifs de développement durable : les estimations mondiales projettent même 30 millions de décès supplémentaires de femmes et d'enfants d'ici à 2030.

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Au moment de vous présenter les crédits de la mission Aide publique au développement, je tiens à remercier l'ensemble des personnes auditionnées, en France ou au Bénin, pour leur disponibilité et leur engagement.

Alors que les besoins de développement sont au plus haut et que nos sociétés sont toujours plus interdépendantes, la France se doit d'incarner la solidarité et de porter un engagement fort pour le développement. L'horizon 2030 et ses objectifs de développement durable se rapprochent et, malgré les progrès accomplis, nous sommes encore loin des objectifs fixés. J'ai décidé de consacrer la partie thématique de mon rapport à la santé maternelle et infantile, ainsi qu'aux droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR). Le message clé de mon rapport est que la France doit amplifier et accélérer son engagement.

La mission APD est composée de deux programmes principaux, le programme 110 Aide économique et financière au développement, mis en œuvre par le ministère de l'économie et des finances, et le programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, piloté par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Dans le projet de loi de finances pour 2024, les crédits de paiement cumulés de ces deux programmes s'élèvent à 5,9 milliards d'euros, montant en stagnation par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Les crédits de paiement du programme 110 se maintiennent. La France empruntant plus cher sur les marchés et devant maintenir des taux d'intérêt suffisamment concessionnels pour ses prêts, on note toutefois une forte augmentation des crédits de paiement pour l'aide bilatérale. Si l'intention est louable, cette évolution doit nous pousser à nous interroger sur la place que les prêts occupent dans notre APD. Le traitement de la dette doit aussi rester une priorité.

Les crédits de paiement du programme 209 sont également en stagnation. Malgré une augmentation des fonds pour l'aide humanitaire et le relèvement de la coopération bilatérale, les autorisations d'engagement baissent de manière préoccupante.

Pour la première fois, des crédits de 6,1 millions d'euros sont inscrits au programme 370 Restitution des « biens mal acquis ».

Les crédits de la mission APD sont complétés par les recettes du fonds de solidarité pour le développement, à hauteur de 738 millions d'euros, dont 528 millions proviennent de la taxe sur les transactions financières (TTF). Afin de dégager de nouvelles ressources en faveur de la solidarité internationale, et alors que les recettes de la TTF ont fortement augmenté, je recommande un relèvement de son plafond, ainsi qu'un élargissement de son assiette et un relèvement de son taux.

Ce projet de loi de finances s'inscrit dans un contexte particulier, après le conseil présidentiel du développement, le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial et le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Plusieurs signaux me poussent à émettre une alerte. Le premier est la revue à la baisse des aspirations. En effet, voilà un an, le Gouvernement imaginait pour 2024 des crédits de paiement à hauteur de 6,25 milliards d'euros. Ensuite, la stagnation des crédits cette année équivaut, dans un contexte d'inflation, à une baisse des fonds. Enfin, le report de 2025 à 2030 de l'échéance pour atteindre le taux de 0,7 % du revenu national brut (RNB) consacré à l'APD est un recul sans précédent, qui représente un manque à gagner de 10,9 milliards d'euros pour le développement international. J'invite ainsi le Gouvernement à reconsidérer d'urgence ce report et vous encourage à voter les amendements rétablissant une cible plus rapprochée.

Un autre changement préoccupant est la mise à l'écart du Parlement par le Gouvernement pour ce qui concerne l'APD. La commission d'évaluation prévue par la loi de 2021 se fait toujours attendre et le Parlement n'a pas été associé à la préparation du CICID, qui a pourtant apporté des changements majeurs : outre le report de l'objectif de 0,7 %, l'abandon de la liste des dix-neuf pays prioritaires et du focus sur l'Afrique. Dans un contexte de tensions géopolitiques avec plusieurs pays d'Afrique subsaharienne, ce changement est un signal d'alerte quant au risque que des fonds puissent être redirigés de certains pays bénéficiaires vers d'autres, non sur la base d'objectifs de développement mais dans une logique d'intérêts et d'influence.

Je m'interroge également sur la valeur sémantique du passage d'une politique d'aide publique au développement à une « politique d'investissement solidaire et durable », conçue de manière transactionnelle. Nos boussoles doivent être les besoins des populations en matière de développement et la protection des biens communs. Tous ces signaux négatifs me poussent à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

J'en viens à la santé maternelle et infantile et aux droits et santé sexuels et reproductifs. Au cours des deux dernières décennies, nous avons pu constater une vraie prise de conscience sur ces questions aux niveaux tant international que national. Cela s'est traduit par des progrès avec, en Afrique subsaharienne, une réduction de 34 % de la mortalité maternelle et une baisse de 50 % de la mortalité des enfants de moins de 5 ans. La France a sa part dans ces progrès, et cela doit être souligné, mais elle peut faire bien plus encore. En effet, en raison de son important recours aux prêts, la France n'investit que 18 % de son APD totale dans les services sociaux de base, la santé ne représentant que 8 %. Ces services sont pourtant essentiels à l'exercice des droits fondamentaux. Je recommande donc d'y consacrer au moins 50 % de notre APD.

Vous trouverez dans mon avis budgétaire un résumé des engagements de la France dans le secteur de la santé maternelle et infantile. J'insisterai sur un instrument : le Fonds français Muskoka, qui agit depuis 2011 dans neuf pays d'Afrique de l'Ouest et centrale. Mis en œuvre par l'Agence française de développement (AFD), coordonnant quatre agences onusiennes et co-construit avec les partenaires, le Fonds Muskoka accomplit un travail remarquable sur le terrain. Il reste néanmoins sous-doté au regard des besoins qui se manifestent dans la région.

On ne peut évoquer la santé maternelle et infantile sans parler des droits et santé sexuels et reproductifs. La poursuite par la France, depuis quelques années, d'une approche fondée sur les droits est une évolution positive. Il faut maintenant y mettre les moyens, en dotant la diplomatie féministe d'un pilotage et de moyens adéquats, en renforçant notre APD genrée ou en augmentant notre soutien aux organisations de la société civile et aux organisations féministes.

Si de grandes avancées ont été réalisées, ces progrès se sont toutefois nettement ralentis au cours des dernières années. Les indices de santé en Afrique subsaharienne restent les plus critiques au monde. La région concentre ainsi 70 % des décès maternels et 56 % des décès d'enfants de moins de 5 ans. Le cancer du col de l'utérus représente un autre risque majeur. La persistance des discriminations et des violences sexistes et sexuelles, ainsi que la montée des mouvements anti-droits, représente également une menace. La crise de la Covid, les effets de la guerre en Ukraine, dont l'inflation, et la multiplication des crises sécuritaires, économiques, sanitaires, alimentaires et climatiques pourraient conduire non seulement à un ralentissement des progrès, mais aussi à une régression, les femmes et les enfants y étant particulièrement vulnérables.

Le combat pour la santé maternelle et infantile est donc loin d'être achevé. Il est plus impératif que jamais de maintenir et d'amplifier l'engagement de la France dans ce domaine. J'esquisse dans mon avis plusieurs pistes pour renforcer et améliorer notre aide : consolider les systèmes de santé locaux en formant beaucoup plus de professionnels qualifiés, aider les partenaires à mobiliser des ressources intérieures, construire et renforcer la souveraineté sanitaire de l'Afrique. J'invite aussi à rationaliser et à coordonner l'intervention des très nombreux acteurs du développement dans ce secteur. Enfin, il me paraît fondamental de nous appuyer plus que jamais sur les communautés locales.

Face au danger, nous pouvons et nous devons faire mieux.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Ces derniers mois ont été marqués par des événements internationaux de grande envergure : l'intensification de la guerre en Ukraine, l'offensive militaire de l'Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh, les coups d'État en Afrique, les tensions croissantes en mer de Chine avec Taïwan et, enfin, les récents actes terroristes contre nos amis Israéliens. Tous ces événements nous rappellent l'impératif de renforcer la diplomatie française pour relever les défis à venir.

Nous saluons les moyens affectés au programme 209, qui demeurent stables, à 3,2 milliards d'euros en 2024, ce qui fait de la France le quatrième plus important bailleur d'aide publique au développement dans le monde, comme l'a souligné hier la ministre de l'Europe et des affaires étrangères. La priorité du PLF pour 2023 était claire : renforcer et moderniser l'aide publique au développement. Celle du PLF pour 2024 est de poursuivre nos efforts pour atteindre nos objectifs.

Après avoir réussi à consacrer 0,5 % du revenu national brut à l'aide publique au développement, conformément à la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui date du 4 août 2021, nous nous fixons pour les années à venir l'objectif ambitieux d'atteindre 0,7 %. Cet engagement, soutenu par le président de la République, est clair et sera atteint. Il a renforcé la position de la France en tant qu'acteur majeur du développement à l'échelle internationale. Nous devons reconnaître que les pays les plus vulnérables sont souvent les plus touchés par les crises. Il est donc impératif de les soutenir, afin que ces crises ne s'étendent pas à l'échelle mondiale et ne nous touchent pas à notre tour. Nous ne saurions sous-estimer les conséquences pour la France des bouleversements en cours. Il apparaît donc essentiel de poursuivre le réarmement de notre diplomatie dans un environnement de plus en plus brutal.

En votant en faveur de l'adoption de ces crédits, nous doterons la France des moyens nécessaires pour étendre l'influence de sa diplomatie. C'est ce que le groupe Renaissance fera.

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Je souscris à la nécessité de renforcer notre diplomatie. C'est ce que je défends dans mon rapport.

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Ayant été moi-même rapporteure pour avis sur les crédits de cette mission budgétaire l'année dernière, je sais que le sujet est passionnant.

Les crédits de paiement alloués à la solidarité internationale stagnent, ce qui va à l'encontre de la loi d'orientation et de programmation adoptée à l'unanimité voilà deux ans. Cette situation est alarmante, compte tenu des besoins criants qui se manifestent dans les pays les plus défavorisés.

Vous évoquez à ce titre les carences de l'aide publique au développement française en matière de santé maternelle et infantile. En réalité, c'est l'ensemble de l'accès à la santé qui semble lésé par la politique du Gouvernement. Les sommes allouées au renforcement des systèmes de santé ont ainsi diminué, revenant à des montants pré-Covid, comme indiqué à la page 69 du projet annuel de performances qui a été transmis récemment. Il y a là plusieurs centaines de millions d'euros en moins. Cette décision est incompréhensible alors qu'il est de notre responsabilité d'augmenter les ressources pour renforcer les systèmes de santé à travers le monde et nous préparer à gérer les prochaines pandémies, qui sont inéluctables.

Les questions de santé mondiale ne devraient-elles pas faire l'objet de discussions multilatérales plus régulières et voir leurs budgets sanctuarisés ? Cela permettrait de réaliser une sorte de planification et de fixer une feuille de route cohérente face à des enjeux qui concernent l'ensemble des nations, les frontières n'étant pas étanches aux pandémies.

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Je ne peux que souscrire à vos propos, qui vont dans le sens de mon rapport. Dans un contexte d'inflation, la stagnation est en réalité une régression. La santé ne représente que 8 % de l'APD française et les questions de santé mondiale doivent absolument être discutées plus régulièrement. Il s'agit là d'un enjeu majeur, qui touche également aux questions du climat et des conflits. Il est donc essentiel que nous nous réunissions plus régulièrement à l'échelle internationale sur ces questions. Il convient également de développer les aides multilatérales en ce sens.

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Madame la rapporteure pour avis, si nous souscrivons à certains de vos constats, nous sommes, en revanche, en désaccord avec plusieurs de vos propositions. C'est notamment le cas pour votre souhait de ne pas prendre en compte les évolutions géopolitiques dans le maintien des aides. Notre groupe soutient la décision de la France d'arrêter les coopérations avec le Niger, le Mali et le Burkina Faso, parce que nous n'avons pas à aider des putschistes. Nous réclamons aussi la suspension immédiate des aides au développement en direction des territoires palestiniens, du moins tant que nous n'aurons pas la certitude qu'elles ne servent pas à financer les crimes barbares des terroristes du Hamas. Nous restons ainsi fidèles aux convictions de notre groupe, de même qu'en demandant que les aides soient subordonnées à la délivrance de laissez-passer consulaires par les pays cibles.

Nous devons, par ailleurs, nous interroger sur les résultats de l'aide au développement. La France, quatrième bailleur mondial d'aide publique au développement, est aujourd'hui affaiblie sur la scène internationale, notamment en Afrique. Nos erreurs sont multiples. Sur le plan stratégique, le pilotage politique est quasiment inexistant. L'AFD s'autogère et son action est déconnectée de notre diplomatie d'influence. En termes de mise en œuvre, nos aides ne sont pas assez efficaces. Vous constatez également, madame la rapporteure pour avis, que les projets de l'Agence sont dilués dans des projets soutenus par de nombreux autres acteurs et ne touchent pas directement les populations. Je soutiens d'ailleurs un vrai renforcement des moyens mis à disposition des ambassades pour soutenir directement des projets de proximité qui ont une incidence sur la société civile. Nous devons également mieux communiquer sur nos actions, comme le font nos compétiteurs.

Ainsi, le groupe Les Républicains prend acte de l'évolution positive des crédits de l'aide publique au développement. Cependant, vous avez entendu nos nombreuses questions sur l'efficacité de ces aides et leur visibilité. Dans l'attente de réponses, notre groupe fait aujourd'hui le choix de s'abstenir sur les crédits budgétaires de cette mission.

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Je souscris à vos remarques relatives à la visibilité et à la transparence, notamment pour ce qui concerne la façon dont l'AFD mène ses projets, avec l'intervention de multiples acteurs dans le domaine du développement et de la solidarité internationale, comme je l'indique dans le rapport et comme cela ressort des auditions auxquelles j'ai procédé.

Vous ne serez toutefois pas surprise que je ne sois pas en accord avec la première partie de votre intervention. Comme je l'ai indiqué hier lors de l'audition de Mme la ministre Colonna, il convient de maintenir les aides multilatérales dans les pays en proie à des conflits car elles bénéficient à la population : il ne s'agit pas de financer les putschistes ! Une suspension des aides n'infléchira pas les positions des élites mais c'est la population qui en paiera le prix.

Pour ce qui est de la perception de la France, ce n'est pas notre peuple qui est montré du doigt mais la ligne politique de la diplomatie française. Nous devons donc maintenir ces aides pour ne pas abîmer plus encore le regard porté sur notre pays.

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En tant qu'administrateur de l'AFD, mes observations porteront sur les finances et la gouvernance.

Pour ce qui est des finances, il est un peu réducteur de ne considérer que les crédits de paiement lorsqu'il est question d'actions pluriannuelles. Le vrai signe politique est de donner une autorisation d'engagement : ensuite, les paiements sont simplement effectués ou suspendus en fonction du contrôle que nous exerçons.

Quant à l'assertion selon laquelle l'AFD serait autogérée je rappelle que notre commission est représentée par quatre de nos collègues à son conseil d'administration. Et je vous assure que, lorsque nous siégeons à ce conseil, l'Agence n'est pas autogérée.

Il me semble en outre que votre interprétation de la loi de 2021 est quelque peu réductrice. Cette loi n'est pas seulement une projection dans l'avenir mais une réforme de la gouvernance et du pilotage de multiples actions cohérentes. Certains des indicateurs que nous utilisons n'ont que deux ans et il faut laisser à ces institutions assez importantes le temps de se mettre en place. Ainsi, vous critiquez la suppression de la liste des pays prioritaires et prenez par ailleurs l'exemple du Fonds Muskoka. Mais nous aurions aujourd'hui les plus grandes difficultés à y recourir pour un pays qui ne ferait pas partie de la liste, alors que nous pouvons le faire en adoptant la notion bien moins rigide de pays vulnérables.

Enfin, le fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) est un magnifique outil de contrôle donné aux ambassades et dont elles doivent se saisir.

Le groupe Démocrate soutiendra ce budget.

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Les autorisations d'engagement du programme 209 sont en forte baisse. Je rappelle aussi qu'il est nécessaire d'avoir le rapport d'évaluation prévu par la loi de 2021. Cela nous permettrait d'aller plus loin dans nos échanges.

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Nous partageons bien des constats faits par notre rapporteure pour avis et nous voterons également contre les crédits de cette mission.

Depuis un an, nous faisons part de nos interrogations sur la trajectoire financière de l'aide publique au développement, qui s'éloigne de plus en plus de l'objectif, inscrit dans la loi du 4 août 2021, de 0,7 % du RNB, que l'on devait atteindre d'ici à 2025. Nos inquiétudes étaient fondées puisque le CICID a fait savoir, au creux de l'été, le 1er août dernier, que la cible est passée de 2025 à 2030. Cela veut dire que le Gouvernement s'assoit sur ce qu'a décidé souverainement le Parlement. C'est non seulement une déception mais aussi un camouflet pour les parlementaires que nous sommes.

Vous me direz qu'il ne s'agissait pas d'un objectif juridiquement contraignant : ce n'était pas pour autant à la convenance du Gouvernement. Il faut revenir à la raison. Comme notre rapporteure pour avis l'a dit, avec un report à 2030, ce sont 10 milliards qui vont manquer au développement international. Je m'étonne de voir le Gouvernement, d'habitude si orthodoxe en matière d'ambitions budgétaires, devenir très dilettante dans ce domaine.

En conclusion, quelles sont les perspectives de l'APD au Sahel dans le contexte actuel ?

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S'agissant du report de l'objectif de 0,7 %, je ne peux que vous rejoindre.

L'aide publique au développement au Sahel est une grande question, complexe et qui ne dépend pas uniquement de la France. J'estime néanmoins, je l'ai dit, qu'il faut tenter de maintenir autant que possible l'aide aux populations afin d'éviter d'accroître les situations de crise, notamment pour les femmes et les enfants, qui sont les plus vulnérables dans ces moments-là.

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Vous avez souligné à juste titre que la commission d'évaluation de l'APD prévue par la loi du 4 août 2021 n'avait toujours pas vu le jour. Je tiens à dire que ce n'est pas faute d'action de notre part. Je suis en négociation assez constante avec Mme la première ministre : c'est une affaire qui relève d'elle au premier chef, puisqu'elle intéresse à la fois Bercy et le Quai d'Orsay. Je pense que cela progresse mais nous restons tout à fait déterminés à examiner la proposition de loi que j'ai déposée à ce sujet, déjà largement signée par les différents groupes, si le problème n'était pas rapidement réglé. L'enjeu est simple : le décret n'est pas conforme à la loi. Nous ne lâcherons donc pas la main. Le calendrier législatif ne nous permettrait pas d'examiner la proposition de loi avant décembre, mais nous veillerions à ce qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour faute d'avancées suffisantes, le cas échéant.

S'agissant du CICID, j'ai été très choqué par les conditions estivales, et discrètes, dans lesquelles les décisions ont été prises. L'indication qui figure dans la loi de 2021 n'est pas un objectif contraignant, en effet, mais elle a été décidée en commission mixte paritaire, par l'Assemblée nationale et le Sénat. À partir du moment où le Gouvernement a décidé de s'en écarter, le moins qu'il pouvait faire était de nous rendre compte de ses raisons, afin qu'un débat ait lieu. Cela n'a pas été possible parce que la décision a été prise en plein été et que le mois de septembre a débuté dans les conditions que vous savez. Mais la question, vous avez eu raison de le souligner, doit être posée au Gouvernement dans des termes très clairs. On ne peut pas changer de cap sans crier gare quand les montants en jeu sont aussi importants.

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La mission Aide publique au développement revêt une importance particulière pour notre pays : elle concrétise notre engagement en matière de solidarité internationale et renouvelle notre détermination à jouer un rôle actif dans la lutte contre les inégalités mondiales.

Le groupe Horizons et apparentés salue le choix de la stabilité qui prévaut pour ce budget. Cette stabilité permet à notre pays de conserver sa position de quatrième bailleur mondial en matière d'aide publique au développement et de réaffirmer son engagement en matière de solidarité internationale. Cela nous offre également une base solide pour entreprendre la nécessaire transformation de notre politique de développement, afin de prendre en compte les conclusions du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial et l'évolution qui fait suite à la redéfinition de nos partenariats en Afrique.

Afin d'assurer une plus grande flexibilité et de mieux cibler nos aides, nous soutenons l'idée d'un remplacement de la liste des dix-neuf pays prioritaires par un indicateur prenant en compte la part des efforts bilatéraux pour les pays les moins avancés et les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique. Cela permettra une utilisation plus efficace des aides et une meilleure adaptation aux besoins.

Nous tenons également à exprimer notre soutien aux objectifs fixés lors de la dernière réunion du CICID, en juillet : accélérer la sortie du charbon, protéger les forêts et la biodiversité, investir dans la jeunesse, la santé, les infrastructures stratégiques, les droits humains et la lutte contre l'immigration irrégulière sont des priorités essentielles pour une politique de développement responsable.

Dans cet esprit, nous accueillons favorablement l'engagement de faire chaque année le point, au niveau des ministres concernés, sur l'atteinte de nos objectifs. Nous pensons que la transparence et la responsabilité sont capitales si l'on veut orienter au mieux la politique de développement. Le Parlement a un rôle à jouer à cet égard et c'est pourquoi nous aimerions voir les parlementaires pleinement associés au point annuel qui sera fait, par le biais de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement ou de la commission des affaires étrangères.

Convaincu de l'importance de cette mission budgétaire et de son rôle dans la construction d'un monde plus équitable, plus durable et plus sûr pour tous, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des crédits de la mission.

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La stabilité dont vous parlez est en fait une stagnation, voire une réduction des crédits, comme je l'ai dit.

Le passage à 50 % d'aide pour les pays les moins avancés (PMA) est un signe essentiel, qui est réclamé par les organisations non gouvernementales (ONG). Ce que je demande, c'est de la clarté concernant la définition des pays vulnérables. Il est très important de ne pas abandonner notre engagement en Afrique.

Je vous rejoins en ce qui concerne la transparence, qui commence, entre le Gouvernement et le Parlement, avec la commission d'évaluation dont nous attendons patiemment la création.

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Nous sommes réunis pour parler de l'aide publique au développement dans une conjoncture mondiale où les inégalités sont plus fortes que jamais, ce qui nécessite une réflexion profonde de notre part. Nous avons certes consolidé depuis 2017 notre engagement en matière d'aide au développement mais les défis se sont multipliés depuis. L'extrême pauvreté est en augmentation – c'est une première depuis les années 1990 – et, pour la deuxième année de suite, l'indicateur de développement humain est en régression. Tout cela appelle des actions majeures.

Comme Guillaume Garot l'a rappelé, le budget de l'aide publique au développement demeure stable dans ce projet de loi de finances, alors que nous avions pris en 2021 l'engagement, gravé dans la loi, d'y consacrer 0,7 % du RNB en 2025. Nous n'en sommes qu'à 0,56 % et la cible a été repoussée à 2030, ce qui représente une perte de 11 milliards d'euros pour l'aide au développement, ce qui est quand même dramatique.

Par ailleurs, seuls 18 % de notre aide au développement sont consacrés aux services sociaux de base : nous devons aussi nous interroger sur ce point.

S'agissant des recettes, la taxe sur les transactions financières est effectivement un outil très important. Il faudrait en porter le taux de 0,3 % à 0,5 % : ce serait une manière de trouver les milliards manquants. Je rappelle que cette taxe porte uniquement sur les transferts d'actions des grandes entreprises, dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d'euros : cela concerne 147 entreprises en 2022, dont les superprofits n'ont par ailleurs pas été taxés. Le Royaume-Uni l'a fait : il a fait passer son taux à 0,5 % ; je ne crois pas, pourtant, que la City soit spécialement mauvaise en matière boursière. Réfléchissons-y.

Enfin, je regrette que l'aide au développement soit de plus en plus instrumentalisée sur le plan politique. Les populations du Sahel ont besoin de nous. La suspension ou la coupure des aides n'est pas une bonne chose. Je n'ai pas été très heureux d'entendre que la France n'avait pas beaucoup poussé, en Europe, pour la préservation de l'aide au développement pour les Palestiniens : la catastrophe humanitaire en cours nécessite qu'elle soit maintenue. Je mets en garde contre la politisation de l'aide au développement. Elle est faite pour les peuples, pas pour les gouvernements, qu'ils soient criminels ou pas.

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Je vous rejoins pour l'essentiel. La régression de l'indicateur de développement humain pour la deuxième année de suite est effectivement un signal d'alarme majeur, d'où le fait que je ne sois pas satisfaite du budget pour 2024 : la réduction de nos engagements, dans ce contexte, est un contresens.

Je suis, par ailleurs, favorable au relèvement du taux de la TTF. Des amendements ont été déposés en ce sens. Je partage aussi votre regret en ce qui concerne l'instrumentalisation et la politisation de l'APD.

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Je ne sais pas comment le vivent les collègues des groupes Renaissance, Démocrate et Horizons, mais la décision prise cet été par le CICID au sujet de la loi de programmation de l'aide au développement me scandalise. C'est faire preuve d'irrespect pour notre travail, pour notre réflexion et pour les garanties qui nous ont été données. Le ministre des affaires étrangères d'alors avait déclaré, la main sur le cœur, qu'on respecterait la trajectoire. Si on nous avait dit que c'était à géométrie variable, qu'il y aurait une renégociation ou que ce serait entre les mains du CICID, nous aurions tous demandé à quoi une loi servait ! On a un peu craché sur le Parlement, et je pèse mes mots. Notre commission, qui est celle qui a examiné le texte, doit réagir avec force. Il faut dénoncer ce qui s'est passé.

S'agissant des peuples du Niger ou du Mali, la réponse de la ministre hier comportait des nuances : on maintient l'aide humanitaire, si j'ai bien compris, mais pour quels montants ? Pourquoi ne transforme-t-on pas les crédits prévus pour l'aide au développement dans ces pays en crédits d'aide humanitaire ? On ne nous a pas expliqué, lorsque nous avons voté la loi de programmation, qu'il existait une enveloppe pour chaque pays et que si une aide n'était plus attribuée, les crédits diminuaient. Pourtant, l'objectif de 0,7 % concerne les sommes disponibles. Je présume qu'on ne répond pas à toutes les demandes, faute d'argent : dès lors, si un pays voit son aide annulée, on peut la répartir au bénéfice d'autres pays. Au nom de quoi réduit-on l'enveloppe ? C'est complètement débile. Il faut dire avec force que nous ne pouvons pas l'accepter.

S'agissant de l'accueil des étudiants, qui a aussi été évoqué par la ministre, et du travail mené dans le domaine culturel, ce sont précisément des politiques qui peuvent contribuer à changer les choses dans des pays qui connaissent une dictature militaire.

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Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je suis également ravie des remarques de notre président au sujet du manque de respect qu'a marqué le CICID pour le travail du Parlement.

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La chronologie ne nous a pas permis, jusqu'à présent, de traiter cette question comme il faut, c'est-à-dire au centre d'un débat. Il n'est pas du tout normal que de telles décisions aient été prises dans ces conditions.

Nous en venons aux questions individuelles des députés.

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Madame la rapporteure pour avis, il faut s'efforcer de voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. Oui, certains signaux sont déplaisants, comme le report à 2030 de l'objectif de 0,7 % du RNB, bien que je ne sois pas une fétichiste de ce critère, ou la faible association du Parlement. Même si je salue la présence active de nos collègues Eléonore Caroit et Frédéric Petit au sein du conseil d'administration de l'AFD, où est la commission d'évaluation de l'APD promise ? Je nous appelle collectivement à exiger une évaluation de la loi de 2021 et à nous saisir de façon proactive de la prochaine loi de programmation.

En ce qui concerne le Fonds français Muskoka, qui œuvre en faveur de la santé maternelle et infantile, vous pointez une sous-dotation, alors que la France est censée avoir une diplomatie féministe. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Enfin, il ne faut pas arrêter l'aide aux populations dans les zones de conflit : ce serait une punition collective et contre-productive.

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Oui, je vois le verre à moitié vide, même si je suis d'habitude plutôt optimiste. Nous devons être à la hauteur de l'enjeu, qui est considérable. Il est question de la vie de populations.

Le Fonds Muskoka est un outil très intéressant et qui fonctionne, comme j'ai pu le constater au Bénin. Il y a des manques, parce que les besoins augmentent toujours, même si des progrès ont eu lieu. Afin que la trajectoire reste positive, il faut plus de moyens, notamment pour la formation des professionnels et les structures.

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Ayant été membre du conseil d'administration de l'AFD pendant cinq ans et représentant une circonscription qui comprend une large partie de l'Afrique, je suis particulièrement sensible à la question de notre aide publique au développement, y compris à sa visibilité.

Il faut rappeler à quel point notre APD a progressé ces dernières années, sous l'impulsion du président de la République. Elle est passée de 10 milliards d'euros en 2017 à 15,3 milliards en 2022. Notre engagement en faveur de la réduction de la pauvreté dans le monde est très clair : il convient de le saluer, même si des questions se posent en matière de décaissement – ce qui s'est passé dans la zone sahélienne y contribue beaucoup.

Vous avez évoqué dans votre rapport les projets menés par des ONG et qui sont financés, mais pour partie seulement, par la France, situation qui ne permet pas aux autorités et aux populations locales d'identifier la contribution de notre pays. Il me semble important que nos agences gagnent en visibilité sur le terrain et favorisent des projets en prise directe avec les populations locales.

Je souligne enfin l'effort réalisé pour le volontariat international d'échange et de solidarité, qui permet à nos jeunes d'exercer des missions à l'étranger auprès des milieux associatifs. Les 3 000 nouveaux postes prévus sont importants.

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J'ai salué les progrès accomplis par la France en matière d'aide publique au développement au cours des dernières années. Néanmoins, la stagnation qui se dessine n'est pas un bon signe pour l'avenir. La France peut se targuer d'être le quatrième bailleur mondial mais les projections nous font craindre une régression dans le classement. C'est pourquoi j'ai lancé une alerte.

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Le CICID qui s'est déroulé dernièrement, dans les conditions qui ont été rappelées, a acté dans le dos du Parlement la suppression de la liste des dix-neuf pays prioritaires, qui doit être remplacée par une concentration, à hauteur de 50 %, de l'effort financier bilatéral de l'État sur les pays les moins avancés et les pays les plus vulnérables aux conséquences des dérèglements climatiques. Pouvez-vous préciser les contours de ce nouvel indicateur, qui est peu clair, et nous indiquer précisément de quelle manière l'APD deviendra un outil politique efficace au service des intérêts de la France ?

La question qui se pose, en effet, est celle de notre stratégie politique en matière d'aide au développement. Il conviendrait que notre commission aborde ce sujet central en présence des ministres et des personnes concernées. Cela fait de nombreux mois, pour ne pas dire des années, que la question se pose. Pour la résoudre, nous avons voté une loi mais le Gouvernement s'assoit dessus. Je sais que vous veillez aux intérêts de notre commission, Monsieur le président.

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Réorienter 50 % de l'aide vers les PMA est une bonne chose – c'est une mesure plébiscitée par les ONG – mais je ne pourrai pas vous apporter une réponse plus claire, parce que les critères sont encore flous. D'après nos auditions, ils sont en cours de construction s'agissant des pays vulnérables. Un PMA, en effet, n'est pas forcément un pays vulnérable et vice-versa. Le travail qui a été engagé devrait aboutir d'ici à la fin de l'année.

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La question que pose ce CICID est vraiment très importante. Nous ne pouvons pas accepter un tel escamotage. Je prendrai des dispositions – nous en parlerons dans le cadre du bureau – pour tenir une réunion sur ses conclusions en présence des membres du Gouvernement, même s'il sera peut-être difficile d'entendre à la fois M. Le Maire, Mme Colonna et Mme Zacharopoulou. Nous devons analyser la situation et demander au Gouvernement des explications précises sur cette prise de distance avec les orientations solennellement fixées par nos deux Assemblées, à la suite d'une commission mixte paritaire conclusive.

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Cela s'inscrit également dans la suite de votre échange de courriers avec le président de la Cour des comptes.

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La négociation se poursuit avec Matignon. Si elle n'aboutit pas, nous pourrons faire inscrire à l'ordre du jour, à partir de décembre, la proposition de loi que j'ai évoquée. Les échanges avec Matignon sont relativement détendus et positifs mais ils ne sont pas encore conclusifs.

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J'aurais souhaité poser, hier, une question à Mme la ministre, et je ne sais pas si notre rapporteure pour avis pourra y répondre maintenant. Existe-t-il des mécanismes permettant de s'assurer que notre aide au développement ou notre aide humanitaire parviennent bien à leurs destinataires en cas de conflit ? Je pense aux plus récents comme à d'autres plus anciens.

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Je n'ai pas vraiment de réponse. Cela dépend de quels moyens humains on dispose sur place pour suivre ce qui se passe. Ce serait une question à poser à Mme la ministre, qui n'a pas été très claire, en effet, sur ce point hier.

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S'agissant de la suppression ou de la suspension des aides, quelque chose me gêne dans la façon dont agissent les instances internationales, l'Union européenne ou les États. Il faudrait vraiment prendre en compte le décalage de temporalité qui existe : des crises extrêmement aiguës et urgentes peuvent se produire, comme celle, terrifiante, qui est en cours au Moyen-Orient, mais en revanche, les décisions relatives aux aides s'inscrivent dans le long terme. Hormis le cas d'une suspension pour quelques jours parce qu'il devient impossible de les gérer, les décisions fondamentales concernant les aides doivent être prises après mûre réflexion.

Je comprends très bien, par ailleurs, les collègues qui estiment qu'on ne peut pas lier les aides à un agrément politique. Il reste, comme l'a mis en lumière Madame Vichnievsky, qu'on est conduit à agir dans le cadre de filières politico-administratives qui doivent être fiables. Quand un pouvoir se met en place à la suite d'un putsch, on est en droit de s'interroger sur la capacité de ces filières à relayer les aides. Cela ne justifie pas une suppression de ces dernières quand elles sont destinées aux ONG mais on sait que la frontière est ténue. Cela demande beaucoup de réflexion et j'invite donc à éviter les prises de position immédiates, dictées par des conjonctures dramatiques.

Nous en venons à l'examen des crédits. Notre commission a été saisie de quarante-deux amendements, dont deux ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution : l'amendement II-AE12, déposé par les membres du groupe LFI-NUPES, et l'amendement II-AE21, des membres du groupe Rassemblement national.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE24 de Mme Marine Hamelet

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Cet amendement vise à modifier les autorisations d'engagement pour diminuer la part de l'aide publique au développement allouée, en 2024, à des mesures bilatérales précises : l'aide-projet gérée par l'AFD et par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en l'occurrence. L'existence de nombreux dysfonctionnements, que la Cour des comptes a rappelés une fois de plus cette année, justifie cette baisse de crédits, en particulier le manque de transparence et de contrôle sur l'attribution des aides, le refus des pays aidés de coopérer avec la France dans d'autres dossiers, notamment migratoires, et le fait que des aides soient versées à des pays tels que la Chine, que l'on ne peut plus considérer comme étant en voie de développement.

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Je suis défavorable à votre amendement, qui conduirait, par exemple, à réduire sensiblement les financements du Fonds d'appui à l'entrepreneuriat culturel, alors que les échanges culturels sont un vecteur essentiel des relations entre les pays et de la construction de la confiance entre les peuples. Supprimer de tels financements reviendrait à mener une politique isolationniste qui couperait définitivement des partenariats et acterait in fine un échec de la France en la matière.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE35 de Mme Laurence Robert-Dehault

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En plus de soixante-dix ans d'existence, notre aide publique au développement a connu quelques belles réussites. La France finance ainsi, depuis 1993, la restauration et la valorisation du site d'Angkor, au Cambodge, qui est classé au patrimoine mondial de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). La France y trouve son compte en menant ou en finançant des actions qui font évoluer la recherche et l'innovation.

En revanche, l'argent des contribuables français ne doit pas servir à financer des pays qui rejettent notre pays ou lui sont hostiles. Ce projet de loi de finances entend poursuivre des investissements au Burkina Faso ou au Niger, et les Comores font toujours partie de la liste des pays prioritaires. Nous contribuons donc à apporter de l'aide à des États qui se montrent peu coopératifs : ils refusent, par exemple, de reprendre leurs ressortissants qui se trouvent chez nous en situation irrégulière. D'une manière générale, les résultats de notre politique d'aide au développement sont assez contestables ; elle nécessite donc certains rééquilibrages.

Pour l'heure, il conviendrait de suspendre les aides destinées aux pays qui nous sont hostiles. Cet amendement vise ainsi à revenir sur les augmentations des crédits affectés aux actions d'aide économique et financière bilatérales des programmes 110 et 209.

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Contrairement à ce que vous indiquez, la politique de développement solidaire de la France porte ses fruits. Je l'ai montré dans mon avis budgétaire au moyen d'exemples concrets, comme la réduction de la mortalité maternelle et infantile et le recul de certaines épidémies. La réduction des crédits de l'APD ne frappera que les populations locales et non les autorités politiques. Quant aux questions migratoires, je suis hostile par principe à l'idée d'un lien avec l'aide au développement. Il est vain, en particulier, de penser que la réduction de cette aide aura un quelconque impact sur la réadmission dans leur pays des ressortissants en situation irrégulière. S'il est vrai que l'émigration peut être un problème pour les pays concernés, avec le départ de personnes jeunes et qualifiées, c'est en favorisant leur développement qu'on peut penser résoudre le problème. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE23 de Mme Marine Hamelet

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Il s'agit de modifier les autorisations d'engagement en diminuant de moitié la part de l'aide publique au développement affectée, en 2024, à des organisations multilatérales. L'augmentation de l'aide de la France aux pays étrangers ne se justifie pas à un moment où l'équilibre des finances publiques se dégrade, sous l'effet notamment de l'inflation et de la politique de hausse des taux directeurs menée par la Banque centrale européenne pour tenter de contenir cette dernière. Les contraintes pesant sur les capacités d'emprunt de l'État ne permettent pas de maintenir de telles hausses de crédits.

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Avis défavorable, notamment parce que la quasi-totalité des institutions multilatérales qui interviennent dans le domaine de la santé, comme le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, sont financées par le programme 209 que vous proposez de réduire drastiquement.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE22 de Mme Marine Hamelet

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Nous souhaitons diminuer les crédits alloués à des dispositifs multilatéraux, dont par exemple le Metac (centre régional d'assistance technique pour le Moyen-Orient) et l'Afritac (centre régional d'assistance technique pour l'Afrique centrale).

L'APD est un gouffre financier dont les objectifs affichés sont depuis des années peu réalistes, trop nombreux et peu hiérarchisés, selon les mots mêmes de la Cour des comptes dans son rapport sur l'AFD et les organisations de la société civile publié en 2023.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE20 de Mme Marine Hamelet

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Je le répète : le rythme de croissance de l'APD est insoutenable pour nos finances publiques. L'amendement propose de minorer de 75 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action 01 Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement du programme 365.

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Vous proposez de réduire de moitié le montant du renforcement des fonds propres de l'AFD. Comme l'indique l'exposé sommaire, cela implique de réduire drastiquement les crédits du programme 110 Aide économique et financière au développement, afin que l'AFD respecte les exigences de prudence et de solvabilité. Avis évidemment défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE10 de M. Arnaud Le Gall

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Cet amendement propose de créer un nouveau programme destiné à l'annulation de la dette des pays en voie de développement envers la France.

On sait très bien que la dette publique de ces pays a d'abord été contractée auprès du Fonds monétaire international ou d'États comme la Chine. Les montants concernés par notre amendement sont donc assez faibles mais l'idée est d'envoyer un signal politique.

On compte 3,3 milliards de personnes qui vivent dans des pays où les dépenses annuelles de remboursement de la dette sont supérieures à celles consacrées à la santé et à l'éducation. On peut penser ce que l'on veut de l'origine de cette dette, considérer qu'elle est liée à une mauvaise gestion ou, comme moi, à un système structurellement inégalitaire. Quoi qu'il en soit, cette dette obère toute possibilité de développement économique endogène.

Adopter cet amendement manifesterait notre volonté politique, en lien avec les propositions de l'Assemblée générale des Nations Unies, en faveur d'un règlement collectif de la dette. Cela ne concerne d'ailleurs pas seulement les pays en voie de développement, puisque le cumul de la dette publique avec d'immenses dettes privées est quasiment généralisé sur la planète.

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Nous considérons que la France réalise déjà beaucoup d'annulations de dettes, pour de nombreux pays. Tout le monde a besoin d'argent, et en France également. Nous voterons contre cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE34 de M. Michel Guiniot

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Nous ne pouvons pas soutenir des États qui rejettent l'intervention et l'aide de la France et qui ne sont pas prêts à coopérer avec nous pour relever les défis du développement. C'est pourquoi nous proposons de réduire les crédits du Fonds équipe France à hauteur de la part destinée au Burkina Faso et au Niger, soit 1,4 million d'euros. Par esprit de cohérence, l'amendement prévoit de reverser l'intégralité de cette somme à nos organismes de recherche, innovation et évaluation de Clermont-Ferrand et de Paris, qui développent de nouvelles approches et de nouvelles technologies pour répondre aux défis auxquels sont confrontés nos partenaires africains.

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Avis défavorable. Il ne faut pas mettre la recherche et l'innovation en concurrence avec le Fonds équipe France, qui finance des projets en Afrique concernant le sport, la jeunesse ou encore la culture.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE30 de M. Michel Guiniot

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Les attentats perpétrés contre Israël par l'organisation terroriste islamiste du Hamas montrent une nouvelle fois que la paix repose sur un équilibre fragile, même lorsque les tensions semblent apaisées. Ces événements ont été suivis par la riposte légitime israélienne. Tout cela présente le risque d'une escalade de la violence au Proche et au Moyen-Orient si d'autres groupes terroristes islamistes s'en mêlent, comme le Hezbollah.

Les destructions et les atteintes au patrimoine culturel et religieux sont l'une des conséquences désastreuses de la guerre. Elles font partie des campagnes menées par les groupes belliqueux qui ont pour finalité la persécution des individus et des communautés qu'ils considèrent comme des ennemis. La protection du patrimoine culturel dans les zones de conflit mérite ainsi toute notre attention.

L'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (Aliph), créée à l'initiative de la France, a pour vocation de protéger ce patrimoine et le pluralisme culturel. Les crédits consacrés à son financement apparaissent trop faibles au vu du contexte international, à seulement 500 000 euros. Dans le même temps, les crédits de la sous-action consacrée à l'initiative pour la forêt d'Afrique centrale (Cafi), destinée à préserver les forêts du bassin du Congo, ont doublé par rapport à 2023. Cette sous-action constitue en outre un doublon injustifié avec le Partenariat pour les forêts du bassin du Congo.

Afin de mieux protéger le patrimoine culturel et matériel, notre amendement propose de transférer la moitié des crédits prévus en faveur de la Cafi à la sous-action qui finance la préservation de ce patrimoine.

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Renforcer la protection du patrimoine dans les zones de conflit est essentiel mais la mettre en concurrence avec la lutte contre la déforestation n'a aucun sens. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE33 de M. Michel Guiniot

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Le fonds d'appui à l'entrepreneuriat culturel est actuellement doté de 20 millions d'euros et dix-neuf pays en bénéficient, dont certains qui ont décidé de couper toutes les relations avec la France, comme le Burkina Faso et le Niger. Il est naturel d'arrêter de financer avec les impôts de nos compatriotes les États qui nous sont ouvertement hostiles. Le Niger a séquestré notre ambassadeur. Ces pays nous ont même menacés de représailles militaires. La fin des versements au titre de ce fonds d'appui s'inscrit d'ailleurs dans la ligne de la politique extérieure menée par le Gouvernement à l'égard de ces pays : depuis le 7 août, la France a ainsi suspendu la délivrance de visas aux ressortissants du Mali, du Niger et du Burkina Faso, et a mis fin aux actions de coopération culturelle.

L'amendement propose donc de baisser de 500 000 euros les crédits alloués au fonds d'appui à l'entrepreneuriat culturel, sur un total de 2,1 millions, ce qui correspond à la part versée au Burkina Faso et au Niger. Cela permet d'augmenter à due concurrence les fonds alloués à l'Aliph.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE31 de M. Michel Guiniot

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Cet amendement est destiné à compléter l'amendement II-AE30. Il vise à augmenter d'un peu moins de 1 million d'euros la sous-action relative à l'Aliph. Pour cela, il diminue les crédits de la sous-action qui retrace la participation de la France au Partenariat pour les forêts du bassin du Congo.

Depuis 2019 en effet, la France intervient déjà pour préserver cette forêt par le biais de la Cafi, qui bénéficie de 6 millions d'euros dans ce PLF. Le million d'euros destiné au Partenariat pour les forêts du bassin du Congo fait donc doublon, sans que cela soit justifié.

Nous pensons que le patrimoine matériel et culturel mérite autant d'être préservé que le patrimoine naturel. C'est pourquoi nous proposons de redistribuer les crédits du Partenariat au profit de l'Aliph.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE32 de M. Michel Guiniot

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Cet amendement vise encore une fois à baisser les crédits alloués au fonds d'appui à l'entrepreneuriat culturel, de 1,6 million d'euros, afin de ne pas financer des pays hostiles à la France.

Nous insistons sur le fait que l'aide publique au développement accordée par la France n'est pas un dû mais une contribution volontaire. Elle doit être versée avec parcimonie et suppose que certaines conditions soient respectées, au premier rang desquelles la sécurité physique de notre personnel diplomatique mais aussi l'existence d'une coopération politique et l'absence de toute rhétorique hostile, voire belliqueuse à l'égard de la France.

Cet amendement prévoit, sur les 20 millions d'euros du fonds d'appui à l'entrepreneuriat culturel, d'en réorienter 1,6 million destinés au Burkina Faso et au Niger au profit de la sous-action relative aux recherches pour l'innovation et les évaluations, lesquelles sont menées par la recherche française.

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Je crois bien, à la lecture de leurs exposés sommaires, que vous avez confondu les amendements II-AE32 et II-AE33 dans vos présentations.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE4 de Mme Nadège Abomangoli

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Nous souhaitons revenir sur la décision contre-productive prise par le Gouvernement qui consiste à sanctionner le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

En 2022 et en 2023, face à la dégradation des relations diplomatiques, les autorités françaises ont suspendu tout versement au titre de l'APD. Utiliser cette dernière comme un outil de chantage diplomatique constitue à nos yeux un dévoiement complet. Les premières sanctionnées sont les populations vulnérables et un certain nombre de projets en cours sont menacés. On met en péril les opérateurs dans ces pays et leur action est complètement balayée.

L'intérêt général humain doit être la principale boussole pour définir notre politique étrangère. L'APD n'a jamais dépendu de la nature des régimes. Si tel était le cas, on ne financerait pas grand-chose. Les peuples n'ont pas à subir les conséquences des vicissitudes des relations entre États. Même dans une optique libérale, la suspension de l'APD ne serait pas raisonnable, puisque cela revient à avoir investi à fonds perdus dans des projets qui varient au gré des relations diplomatiques.

Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France a versé 370 millions d'euros aux trois pays précités en 2021. Nous proposons de leur allouer la même somme en 2024.

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Je suis d'accord, il faut faire une différence entre la doctrine et l'application au cas par cas ; j'ai d'ailleurs posé une question sur ce sujet à la ministre hier. Il faut être très prudent et nous devons mieux contrôler l'action du Gouvernement en la matière.

Mais je suis opposé à l'amendement parce qu'il ne tient pas compte de la manière dont fonctionnent les choses. Nous en avons déjà parlé : il ne faut pas croire que nous pouvons décider aujourd'hui d'envoyer de l'argent quelque part. Les autorisations d'engagement sont déjà utilisées, l'amendement ne peut pas les réduire : c'est dans un ou deux ans que nous verrons des changements dans les crédits de paiement. Cette proposition est complètement inadaptée.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE5 de Mme Élise Leboucher

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La décision prise par le CICID de reporter de 2025 à 2030 l'objectif d'atteindre 0,7 % du RNB consacré à l'APD est contraire aux décisions prises par le Parlement dans la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021. C'est préoccupant, alors que les besoins sont au plus haut et que nous sommes encore loin d'avoir atteint les objectifs de développement durable. Cette décision représente une diminution de près de 11 milliards d'euros des crédits qui seront affectés à la solidarité internationale au cours des prochaines années.

Il est donc urgent de revenir sur ces orientations et de rétablir l'échéance de 2025. Pour respecter cette trajectoire, le Gouvernement avait annoncé en 2023 qu'il faudrait inscrire 6,25 milliards d'euros au budget pour 2024. C'est ce que l'amendement propose de faire, tout en demandant au Gouvernement de lever le gage imposé par les règles de recevabilité financière.

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Compte tenu des difficultés que rencontrent actuellement les Français, nous ne souhaitons pas augmenter l'aide versée à l'étranger. Nous voterons contre cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE8 de Mme Élise Leboucher

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Si de réels progrès ont été réalisés au cours des dernières décennies, les enjeux et les besoins en matière de droits et santé sexuels et reproductifs sont considérables.

Les femmes en âge de procréer vivent pour 40 % d'entre elles dans un pays où la loi restreint ou refuse le droit à l'avortement. Une femme meurt toutes les deux minutes pendant la grossesse ou l'accouchement. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles demeure un véritable enjeu, alors que des groupes structurés et financés montent en puissance et menacent de remettre en cause les droits fondamentaux que représentent les DSSR.

En 2021, le collectif Générations Féministes avait appelé à doubler les financements en faveur des DSSR. C'est ce que fait cet amendement en portant à 200 millions les crédits qui y sont consacrés.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE1 de M. Guillaume Garot

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Cet amendement propose de faire transiter une part plus importante des crédits de l'APD par les organisations de la société civile (OSC), qui sont près du terrain et connaissent bien les réalités. C'est aussi un moyen de répondre aux inquiétudes qui s'expriment au sujet des aides versées dans des pays dont les régimes sont hostiles.

Il faut savoir reconnaître ce qui va dans le bon sens. Entre 2017 et 2022, la France a non seulement tenu son objectif de doublement des versements d'APD aux OSC mais elle l'a dépassé : au lieu des 620 millions d'euros prévus, elle en a versé 710 millions. Il faut continuer, puisque l'on sait désormais qu'il s'agit d'une bonne méthode de travail. L'amendement propose d'augmenter de 28,5 millions d'euros les crédits affectés au dispositif Initiative des OSC.

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Avis favorable. Le fait d'agir en dehors des canaux traditionnels en passant plus largement par les OSC permet de soutenir des projets qui bénéficient de peu de publicité mais sont souvent fructueux. Les OSC sont plus proches du terrain et ont une connaissance concrète des enjeux et des moyens d'action.

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Je suis favorable au principe mais cet amendement pose un problème pratique car l'AFD ne dispose pas des effectifs nécessaires qui lui permettraient de gérer l'attribution de petits budgets.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE9 de Mme Élise Leboucher

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La France fait transiter moins de 8 % de son APD par les OSC, ce qui est bien en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE, qui se situe à environ 15 %.

La loi de programmation du 4 août 2021 fixe pour objectif de se rapprocher de cette moyenne. Les OSC sont au plus près des besoins des communautés et peuvent mieux affecter l'aide. Il convient donc d'accélérer la hausse des financements de l'APD qui passent par ces organisations.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE40 de M. Aurélien Taché

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Cet amendement veut attirer l'attention sur le fonds de solidarité pour les projets innovants, version rapide (FSPI-R). Cet instrument permet de financer des projets de moindre envergure que le FSPI traditionnel, avec une procédure allégée et un montant de l'aide plafonné à 100 000 euros.

Le FSPI-R a, par exemple, permis de financer le projet « Mauritanie sport 2024 » à hauteur de 72 000 euros. Ce type de financement ciblé, avec des procédures simplifiées, permet de répondre de manière réactive à des besoins spécifiques tout en favorisant la visibilité et l'influence de la France.

Mais les crédits dont dispose le FSPI-R sont très limités, avec seulement 20 millions. L'amendement propose de doubler cette dotation.

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J'y suis plutôt favorable mais il faut être vigilant en ce qui concerne l'encadrement du rôle des ambassadeurs. Il est essentiel que les actions menées soient cohérentes avec les orientations de la politique française d'APD définies par la loi de programmation du 4 août 2021.

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Il y a une petite erreur : les crédits du FSPI ne s'élèvent pas à 20 millions, ils ont été augmentés de 20 millions dans ce projet.

Les ambassadeurs ont bien compris l'intérêt et le fonctionnement du FSPI et ils l'utilisent. C'est un problème de déploiement qui se pose. Tous les crédits ne sont donc pas utilisés et il est inutile de rajouter 20 millions.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE39 de M. Aurélien Taché

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Cet amendement prévoit d'augmenter de 15 millions d'euros les crédits du programme Solidarité à l'égard des pays en développement, afin de favoriser les actions menées dans le cadre de la francophonie. Une francophonie vivante doit se traduire par des projets locaux, construits sur place avec les différents acteurs : enseignants, entrepreneurs, artistes, associations. De cette manière on fera prospérer cette belle idée qu'est la francophonie, qui mérite d'être un peu revisitée.

C'est ce travail que nous mènerons dans les prochains mois avec Amélia Lakrafi dans le cadre de la mission d'information que la commission nous a confiée.

Contre l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE42 de M. Aurélien Taché

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Cet amendement propose d'augmenter les crédits alloués au Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM). L'APD doit davantage se préoccuper des enjeux de la transition écologique.

Contre l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE7 de Mme Élise Leboucher

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Le Fonds français Muskoka a prouvé son efficacité en matière de réduction de la mortalité maternelle et infantile. Il mène aussi des actions en faveur de la santé reproductive, sexuelle, maternelle, néonatale, infantile et de l'adolescent, ainsi que dans le domaine de la nutrition.

Ce fonds n'est pas suffisamment doté si l'on considère l'ampleur de son mandat et de ses interventions dans neuf pays. Compte tenu des progrès considérables qui restent à accomplir pour atteindre nos objectifs de développement durable, il est urgent d'amplifier l'effort en doublant les crédits destinés à ce fonds, conformément aux demandes été formulées par plusieurs intervenants lors des auditions.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE37 de M. Aurélien Taché

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Cet amendement concerne l'accès aux produits de santé sexuelle et reproductive. Il s'agit d'un droit humain fondamental mais aussi d'un puissant vecteur d'autonomie pour les femmes, et donc d'un catalyseur du développement socio-économique.

L'accès à ces produits est beaucoup trop limité, ce qui entraîne des grossesses non désirées, des avortements dans des conditions risquées et la perpétuation des inégalités de genres. Nous proposons donc d'augmenter les crédits destinés aux actions dans ce domaine.

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Avis favorable. Alors que se manifestent des menaces de retour en arrière, il est impératif de renforcer notre engagement en faveur des droits et santé sexuels et reproductifs.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE29 de M. Michel Guiniot

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Le Fonds africain de développement a pour objectif de fournir des ressources aux pays africains à faibles revenus, afin de financer des projets engagés par ces derniers. Trente-sept pays en bénéficient, dont le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Ces derniers ont reçu 8,1 % des sommes versées par ce fonds.

L'amendement vise à retirer la part des crédits correspondant à ces trois États qui rejettent l'intervention et l'aide de la France. Les sommes correspondantes sont affectées à la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, notamment pour financer les actions destinées à renforcer la sécurité intérieure dans les pays qui coopèrent avec nous.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l'amendement II-AE28 de M. Michel Guiniot.

Amendement II-AE25 de M. Michel Guiniot

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Cet amendement vise à diminuer les crédits de l'Afritac pour financer le fonds chrétiens d'Orient.

La France ne peut pas soutenir des juntes militaires antidémocratique et hostiles à nos valeurs. Nous ne pouvons pas aider des régimes qui oppriment leur population et qui menacent la paix et la stabilité en Afrique. C'est pourquoi nous proposons de réduire les crédits de l'Afritac d'un montant correspondant à la part qui irait entretenir les régimes du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Cela va dans le sens de la responsabilité morale, qui incombe à la France de soutenir les chrétiens d'Orient, victimes de persécutions depuis de nombreuses années. Ce geste leur envoie un message de solidarité et de fraternité.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l'amendement II-AE26 de M. Michel Guiniot.

Amendement II-AE38 de M. Aurélien Taché

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Il s'agit, à travers cet amendement, d'augmenter les crédits du programme Solidarité à l'égard des pays en développement pour venir en aide aux victimes de violences et de crimes sexuels, trop souvent utilisés comme armes de guerre.

Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, au moins 208 victimes de violences sexuelles liées à la guerre ont été identifiées. Il s'agit majoritairement de femmes. Il faut prévoir des crédits pour soutenir les victimes de ces actes horribles.

Contre l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE41 de M. Aurélien Taché

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C'est la mission Aide publique au développement qui finance la contribution française au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Les conclusions du GIEC sont malheureusement remises en question par de plus en plus de monde, notamment sur les réseaux sociaux, alors que les scientifiques qui le composent font un travail remarquable depuis des années pour nous alerter sur les conséquences du réchauffement climatique, dont nos dirigeants politiques ne prennent pas suffisamment la mesure.

Cet amendement propose de renforcer l'action du GIEC en augmentant de 600 000 euros les crédits qui lui sont destinés.

Contre l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE27 de M. Michel Guiniot

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Cet amendement propose de diminuer les crédits du Fonds africain de développement du montant correspondant à la part destinée au Burkina Faso, au Mali et au Niger, qui rejettent l'intervention de notre pays.

Cela permettra d'augmenter de 318 000 euros les crédits de paiement destinés à la restauration du temple du Mebon occidental à Angkor. Il s'agit d'investir davantage dans la préservation du patrimoine bâti en renforçant nos liens avec un pays qui accepte notre aide.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE6 de Mme Élise Leboucher

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Cet amendement alerte sur la stagnation des crédits de l'APD et invite à les augmenter pour rétablir la trajectoire qui nous permettra d'atteindre 0,7 % du RNB.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE36 de M. Aurélien Taché

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Cet amendement porte sur la restitution des biens mal acquis.

Ces actifs ont été obtenus par des dirigeants étrangers de régimes souvent autoritaires grâce à des pratiques illégales et à la corruption. Les fonds détournés appartiennent légitimement aux citoyens des pays concernés et auraient dû être utilisés pour financer des services publics, des infrastructures ou des projets de développement. En restituant ces biens, nous réparons en partie le préjudice subi par les populations.

La loi de programmation du 4 août 2021 prévoit un mécanisme intéressant mais il faut des crédits pour le faire fonctionner. Alors que des procédures judiciaires sont en cours – notamment en ce qui concerne la famille Bongo, qui a régné sans partage sur le Gabon pendant beaucoup trop longtemps –, il est important que notre Assemblée envoie ce signal de justice pour les peuples.

Contre l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Aide publique au développement non modifiés.

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-AE14 de M. Arnaud Le Gall

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C'est un amendement d'appel. Le secret des affaires a été opposé à un certain nombre d'enquêtes, notamment journalistiques, portant sur l'utilisation de l'argent public par l'AFD. La substitution du mot « dons » au mot « prêts » à l'alinéa 157 permettrait peut-être d'éviter une telle instrumentalisation de cette notion, pour le moins étonnante s'agissant de l'AFD.

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Je ne comprends pas le rapport. L'AFD, conformément à la loi du 4 août 2021, révise ses dons et ses prêts. Je ne vois pas ce qu'une telle substitution changerait.

La commission rejette l'amendement.

Après l'article 49

Amendement II-AE2 de M. Guillaume Garot

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Cet amendement rappelle la nécessité d'atteindre l'objectif de 0,7 % du RNB consacrés à l'aide publique au développement au plus tard à la fin de 2025, conformément à la loi de programmation de 2021.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l'amendement.

Amendement II-AE3 de M. Guillaume Garot

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Il s'agit ici de consacrer 50 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l'aide publique au développement, afin d'atteindre un niveau de dépense de 0,7 % du RNB.

Contre l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE11 de Mme Nadège Abomangoli

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L'indicateur 2.2 « Capacité des fonds multilatéraux à mener avec succès des projets compatibles avec la réalisation de leurs objectifs de développement » révèle qu'en 2022, 46 % des projets soutenus par le Fonds africain de développement n'étaient pas jugés satisfaisants. C'est une anomalie si l'on compare avec d'autres grands fonds multilatéraux, où la cible de 75 % de satisfaction est atteinte. Nous demandons un rapport, afin de connaître les raisons de ce relatif mais durable échec alors que le Fonds, ces dernières années, bénéficiait de versements annuels d'environ 150 millions d'euros.

Contre l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE13 de Mme Élise Leboucher

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Alors que la loi de 2021 consacrait les droits des enfants comme une des priorités de l'APD, le conseil présidentiel pour le développement et le CICID ne consacrent pas un mot à cette question. C'est alarmant.

Les enfants comptent parmi les populations les plus vulnérables. Il est essentiel de développer une stratégie pour la déclinaison concrète des droits de l'enfant dans la politique de coopération et de solidarité internationale, fixant des objectifs et principes clairs fondés sur une approche holistique et transversale.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE15 de Mme Élise Leboucher

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Nous demandons un rapport sur les critères définissant les pays vulnérables et fragiles budgétairement et les conséquences de cette définition sur l'allocation des financements APD.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE16 de Mme Élise Leboucher

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Nous demandons un rapport visant à informer le Parlement sur l'état d'avancement des procédures judiciaires abondant le programme sur la restitution des « biens mal acquis ».

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE17 de M. Arnaud Le Gall

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Cet amendement d'appel vise à demander un rapport sur les conséquences de la dette haïtienne pour le développement de ce pays. Il n'est évidemment pas question de donner 100 milliards d'euros à Haïti mais, dans le contexte de la crise considérable que connaît ce pays, nous avons un devoir de solidarité.

Contre l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE18 de M. Arnaud Le Gall

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Nous demandons un rapport visant à informer le Parlement sur l'état d'avancement de la compensation des annulations de la dette multilatérale des pays pauvres très endettés envers la Banque mondiale.

La dette publique, notamment des pays pauvres, ne relève pas seulement d'un problème comptable. Les montants astronomiques de la dette sont liés à des choix politiques et monétaires très anciens – je pense à la désindexation du dollar sur l'or et à la fluctuation des monnaies, qui ont rendu certaines dettes colossales. Nous devons mettre la question de la dette au cœur du débat public, comme le propose l'Assemblée générale des Nations Unies depuis 2015 avec sa résolution visant à établir un règlement collectif de la dette multilatérale. La dette ne doit pas être un motif supplémentaire de conflit.

Contre l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE19 de M. Arnaud Le Gall

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Cet amendement va dans le même sens que le précédent.

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En janvier 2022, la France a participé à des initiatives de réduction ou d'annulation de dettes de pays pauvres.

La commission rejette l'amendement.

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- Examen pour avis et vote des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financier Avances à l'audiovisuel public (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure pour avis)

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Dans cette enveloppe budgétaire, notre commission s'intéresse plus particulièrement aux moyens accordés à France Médias Monde – programme 844 – et à TV5 Monde – programme 847 –, vecteurs audiovisuels essentiels au rayonnement et à l'influence de notre pays. La dotation de France Médias Monde est portée à 299,2 millions, en hausse de 5,1 %. Celle de TV5 Monde s'élève à 83,4 millions, en hausse de 4,4 %.

Notre rapporteure pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux à l'audiovisuel extérieur français en Afrique de l'Ouest. Elle s'est rendue à Dakar, d'où elle revient avec des enseignements dont elle nous fera part.

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Notre audiovisuel extérieur, qui s'appuie sur le groupe France Médias Monde (FMM) – avec France 24 et les radios Radio France internationale (RFI) et Monte Carlo Doualiya (MCD) – et sur la chaîne multilatérale TV5 Monde, est un atout pour le rayonnement de la France et de la francophonie. Nous y consacrons moins de 10 % de tous les financements de l'audiovisuel public. Pour 2024, les dotations s'élèvent à près de 300 millions pour FMM et à 83 millions pour TV5 Monde, en hausses respectives de 5 % et de 3,5 %

Cependant, ces hausses résultent pour moitié de la stricte compensation des effets fiscaux de la suppression de la redevance, qui oblige à appliquer la taxe sur les salaires et met fin à la déductibilité de TVA. Le reste des hausses de crédits est entièrement absorbé par l'inflation mondiale ou le change, qui pénalisent beaucoup plus l'audiovisuel extérieur que les chaînes nationales.

Concernant TV5 Monde, la France doit encore solder un passif de presque 4 millions d'euros d'arriérés de contributions, alors même que sa contribution représente plus de 73 % des dotations publiques de TV5 Monde. Depuis deux ans, si la chaîne a pu boucler ses budgets, c'est uniquement grâce aux cotisations apportées par un nouveau membre : Monaco.

Il faut d'ailleurs saluer les efforts accomplis par FMM et TV5 Monde ces dernières années pour se moderniser, malgré la contrainte financière, à travers des plans d'économies et la recherche de ressources propres permise par leurs très bons résultats d'audience.

Cependant, pour conduire des projets structurants, des financements publics supplémentaires sont indispensables. Sans dotations suffisantes, notre audiovisuel extérieur ne sera pas en mesure de tenir son rang face à une concurrence féroce : celle de ses homologues occidentaux, aux dotations souvent bien plus élevées, et celle des États qui utilisent leur audiovisuel à des fins de guerre informationnelle, visant parfois directement la France.

C'est l'un des enjeux majeurs du prochain contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 liant France Médias Monde à l'État, qui doit être transmis à notre commission en début d'année prochaine. FMM devra pouvoir engager de nouveaux projets éditoriaux pour mieux toucher certaines zones stratégiques.

Le soutien financier public doit donc être pérenne et lisible. Un tel enjeu appelle deux observations de ma part.

Tout d'abord, le projet de loi de finances comporte cette année une enveloppe distincte, le programme 848 Programme de transformation. Destiné à l'ensemble de l'audiovisuel public, ce programme est doté de 5 millions d'euros potentiellement fléchés vers FMM cette année et la suivante, puis 3 millions en 2025… et rien par la suite. Nous avons peu d'explications sur les conditions d'utilisation de cette enveloppe non pérenne, décroissante et qui serait conditionnée par l'atteinte d'objectifs non définis.

Cette approche n'est pas du tout adaptée aux activités de RFI et France 24, dont les nouveaux projets nécessitent d'abord et avant tout de constituer et d'augmenter le nombre d'équipes de journalistes. Ce n'est pas possible avec des crédits supplémentaires ponctuels. Je proposerai donc un amendement pour inscrire ces 5 millions d'euros supplémentaires directement dans la dotation de base de France Médias Monde plutôt que dans ce programme complémentaire : FMM pourra ainsi, dès janvier prochain, utiliser ces sommes de manière souple pour la programmation de ses projets.

Lors de la suppression de la redevance télé à l'été 2022, l'Assemblée nationale a souhaité garantir l'autonomie financière de l'audiovisuel public par des ressources fiables plutôt que des crédits entièrement à la main de Bercy. La solution que nous avons retenue l'an passé – une affectation de TVA – est transitoire. Il faut donc engager sans tarder une initiative transpartisane pour modifier ces dispositions.

Je rappelle que les modalités de financement de l'audiovisuel extérieur engagent sa crédibilité à l'étranger. Une budgétisation classique ferait courir le risque que certains régulateurs nationaux ou des acteurs du numérique requalifient FMM en « média d'État », au même titre que des médias propagandistes, ce qui serait un comble. Il est essentiel que personne ne puisse mettre en doute le fait que notre audiovisuel extérieur produit une information libre, indépendante, vérifiée et équilibrée.

Cela m'amène à la question de notre audiovisuel extérieur en Afrique de l'Ouest, dont j'ai pu mesurer les enjeux lors de mon déplacement à Dakar, début septembre, pour rencontrer la rédaction de RFI en langues africaines.

Alors que les auditions se déroulaient dans une période de fortes tensions entre la France et le Niger, la question de la relation entre Paris et l'Afrique était au cœur des préoccupations de nos interlocuteurs. Avec une immense déception et des attentes fondées sur une longue histoire commune, beaucoup ont formulé des critiques argumentées et ont dénoncé l'écart entre les principes, les ambitions ou les intentions affichés par la France et les actions qu'elle a entreprises en Afrique.

Reprenant le discours d'une France qui interfèrerait dans le jeu politique local, ils ont aussi critiqué une politique étrangère française donneuse de leçons sur la démocratie mais qui soutiendrait en fait des régimes liberticides. Ces critiques, construites et répétées, sont déclinées tant sur le plan politique que financier puisque le discours antifrançais s'appuie aussi sur le contentieux autour du franc CFA, perçu comme un outil anachronique de domination économique.

Dans ce contexte de tensions, les rédactions de France Médias Monde sont prises pour cible. Nos chaînes sont confrontées à de virulentes remises en question qui peuvent déboucher sur des menaces ou des attaques directes contre les journalistes français ou africains travaillant pour l'audiovisuel extérieur français. J'ai rencontré des journalistes maliens et burkinabés qui risquent leur vie pour donner une information vérifiée et indépendante ; des journalistes menacés, qualifiés de traîtres parce qu'ils travaillent pour RFI ou France 24 et qui s'inquiètent pour leur famille.

Certains, en Afrique, mettent en doute par principe le modèle du média public indépendant car ils pensent qu'une chaîne publique est toujours le porte-parole du pouvoir en place. Nous sommes témoins et victimes, indirectement, de la divergence des sociétés africaines et européennes en matière politique, culturelle et de mœurs, alors même que nous sommes de plus en plus interconnectés médiatiquement. Nos chaînes internationales sont dès lors perçues comme porteuses de valeurs libérales, qui peuvent heurter certaines sociétés plus conservatrices. À cet égard, les déclarations ambigües du président de la République, deux années consécutives, lors de ses discours à l'occasion de la conférence des ambassadrices et ambassadeurs, ont semé la confusion en invitant à faire de notre audiovisuel extérieur un « outil d'influence » ou un « instrument de communication ».

Si la guerre informationnelle contre la France est une réalité en Afrique, la formulation présidentielle est malheureuse, infondée, bien loin de la réalité des rédactions de France Médias Monde, totalement libres et indépendantes. Pire, elles exposent les journalistes à des risques croissants sur le terrain. Alors que certains États utilisent leurs outils médiatiques pour diffuser des messages antifrançais et propager une désinformation destructrice, la totale liberté éditoriale de FMM et son indépendance lui garantissent la confiance du public, son succès et une large diffusion d'informations vérifiées. Il est donc capital de préserver France Médias Monde de toute velléité d'intervention politique et de laisser les journalistes travailler librement et sereinement.

En tant qu'État, la France est pleinement en droit de conduire une politique d'influence. Mais quand notre pays, en tant qu'État, est mis en cause, la mission de riposte relève exclusivement des services d'information du Quai d'Orsay ou des ambassades : les journalistes de l'audiovisuel extérieur ne sont ni des diplomates, ni des communicants.

Plus que jamais, notre audiovisuel extérieur doit cultiver ses atouts pour nourrir un lien de confiance avec ses publics en Afrique. La rédaction de RFI en langues africaines à Dakar, dénommée Afri'Kibaaru, est animée par des équipes exceptionnelles et permet de toucher des publics plus ruraux, moins éduqués, plus féminins. L'initiative permet aussi de renforcer les capacités de centaines de radios partenaires, qui en relaient les programmes et bénéficient de formations et d'équipements.

Le prochain contrat d'objectifs et de moyens devra également doter France Médias Monde de moyens pour lancer de nouveaux programmes de proximité autour de ce « hub » de Dakar : par exemple, un décrochage de France 24 réalisé par des journalistes africains avec des contenus positifs sur « l'Afrique qui gagne » à destination des francophones de l'ensemble du continent ; ou encore, un ENTR panafricain – à l'image du réseau ENTR européen – à destinations des 15-24 ans, c'est-à-dire une offre numérique et interactive adaptée aux réseaux sociaux, ciblant les jeunes urbains qui sont très exposés à la désinformation en ligne.

De manière générale, nous devons nous appuyer sur des liens de coopération avec des acteurs locaux, comme ceux de Canal France International. Nous devons aussi renouer des liens parfois distendus, à travers des échanges professionnels avec des médias publics africains ou avec l'école de journalisme de l'Université de Dakar – le centre d'études des sciences et techniques de l'information (CESTI) –, que la France a soutenue pendant de nombreuses années avant d'être remplacée par des fondations allemandes ou par Voice of America. Alors que les bâtiments du CESTI ont été en partie incendiés lors des émeutes de juin dernier, notre ambassade s'honorerait de renouer un partenariat structurant avec l'établissement , a fortiori pour l'aider à passer ce cap difficile.

Je conclurai en mentionnant le rôle considérable de TV5 Monde, qui appuie la création audiovisuelle en Afrique grâce à sa programmation très suivie, à des investissements dans des films et des séries ou encore au Fonds Francophonie TV5MondePlus, qui alimentera la plateforme numérique de la chaîne.

L'un des principaux chantiers des prochaines années pour TV5 Monde doit être de faire entrer des États africains dans la gouvernance de cette chaîne multilatérale, aujourd'hui composée exclusivement d'États francophones du Nord.

Dans le contexte d'une mise en cause multiforme de notre audiovisuel extérieur en Afrique, il faut bel et bien utiliser tous les leviers pour conforter le lien de confiance avec les publics africains. Le budget qui nous est présenté ne le fait que de façon imparfaite mais il présente des pistes sérieuses, à vérifier sur la durée, ce qui est d'ailleurs le but de mon amendement. Si ce dernier était adopté, je pourrais donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte de concours financier.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Il est impératif d'établir un modèle de financement de l'audiovisuel extérieur français stable et durable. En 2022, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public a permis de soulager 29 millions de foyers. Toutefois, cette décision a bousculé les équilibres de financement traditionnels de l'audiovisuel public, en particulier celui de l'audiovisuel extérieur.

France Médias Monde permet à 260 millions de personnes d'accéder à des informations vérifiées chaque jour, en français ou dans l'une des vingt langues qui permettent de diffuser les valeurs de la France : droit des femmes, droit à l'éducation, culture...

Un financement directement issu du budget de l'État entraînerait le risque d'une requalification de FMM en média d'État, au même titre que certains médias propagandistes. Il importe donc de garantir son indépendance : sa crédibilité est engagée, dans un contexte de fortes tensions politiques, où l'information neutre et vérifiée reste primordiale.

RFI, radio historique et symbole de notre audiovisuel extérieur, a subi des coupures de signal dans certains pays et a même été menacée, y compris par nos amis allemands. Il me semble donc indispensable d'assurer la pérennisation d'un système de financement qui permette à notre audiovisuel public extérieur de diffuser une information de qualité.

Votre rapport, Madame la rapporteure pour avis, fait remarquablement état du caractère éphémère du modèle de financement actuel de l'audiovisuel public, fondé sur la TVA, de même que du cas particulier des médias extérieurs, qui risquent d'être requalifiés en médias gouvernementaux. Vous souhaitez qu'une initiative transpartisane soit engagée sans tarder afin de modifier les dispositions de l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Pourriez-vous nous en dire plus, de même que sur votre amendement ?

Notre groupe votera pour les crédits alloués à l'audiovisuel extérieur.

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Cette initiative transpartisane permettrait à l'audiovisuel extérieur, en particulier à France Médias Monde, de sortir l'ornière. Les états-généraux de l'information devront apporter des réponses et des pistes, puis nous pourrons réfléchir à établir des mécanismes spécifiques adaptés à l'audiovisuel extérieur.

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Dans le contexte de bouleversements géopolitiques que nous connaissons, nous savons que la présence française à l'étranger passe également par les médias. Le groupe France Médias Monde joue un rôle important, tant pour le maintien de la francophonie que pour notre diplomatie et pour l'accès à une information de qualité.

La mission de ces médias consistant à diffuser une information indépendante, la présence de France 24, TV5 Monde, RFI et MCD constitue pour notre groupe un enjeu essentiel. Nous regrettons donc que le nombre de téléspectateurs soit passé de 24 à 21 millions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, et que RFI connaisse une importante chute en Afrique non francophone.

La trajectoire budgétaire et les objectifs du groupe FMM doivent être lisibles, afin de le soutenir dans sa tâche. L'augmentation de 14 millions d'euros de sa dotation, soit 5,1 %, est fortement tempérée par la fin du droit à la déductibilité de la TVA ou d'autres charges fiscales, qui devraient continuer à augmenter dans les années à venir. Nous plaidons en faveur d'une planification plus lisible, afin de faciliter le travail des équipes, avec des objectifs à cinq ans au minimum.

Nous alertons sur le partenariat de FMM avec infomigrants.net, projet collaboratif piloté par le groupe comprenant la chaîne allemande d'information internationale Deutsche Welle et l'agence de presse italienne Ansa. Ce site web financé par des fonds publics est destiné aux migrants qui veulent quitter leur pays ou qui sont déjà en route pour l'Europe. Selon RFI, le budget global d'infomigrants s'élève à 2,4 millions d'euros, dont 1,2 million provient de l'Union européenne. Nous souhaitons que l'emploi des fonds des Français serve une information pour tous et non la promotion de l'immigration dans notre pays.

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La progression des audiences de France Médias Monde, avec 260 millions de contacts hebdomadaires contre 207 millions en 2019, est historique. Pour autant, ce que vous relevez sur le plan régional est réel et la direction de FMM en est consciente : d'où le projet de « hub » à Beyrouth, particulièrement dans le contexte actuel. Selon la direction de Monte Carlo Doualiya, RMC est particulièrement écoutée. Par ailleurs, certains États n'autorisent pas l'installation de correspondants de France Médias Monde, certainement en raison de l'indépendance de sa ligne.

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Ce PLF prévoit pour France Médias Monde et TV5 Monde des hausses budgétaires de 14 et 3,5 millions d'euros. Ces sommes s'expliquent principalement par la compensation des conséquences de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public et par l'inflation. Il ne s'agit donc pas de véritables augmentations, pourtant souhaitables.

Par ailleurs, France Médias Monde a dû réaliser des économies importantes sous le quinquennat précédent. Pourtant, l'audiovisuel extérieur est confronté à des défis importants et doit avoir des moyens à la hauteur des enjeux. Il doit se développer en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe orientale, afin de relayer la diplomatie française, notamment dans le domaine culturel.

Les tentatives de désinformation et de manipulation de l'information sont de plus en plus importantes et alimentent un ressentiment à l'égard de la France.

Dans le contexte international que nous connaissons, notamment celui du continent africain, la garantie de l'indépendance des chaînes audiovisuelles extérieures de FMM et de TV5 Monde est encore plus importante. C'est aussi vrai s'agissant de la pertinence des informations diffusées que de la sécurité de nos journalistes.

Compte tenu des enjeux et des risques qui pèsent notamment sur la crédibilité de l'audiovisuel extérieur depuis la suppression de la redevance, les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux. Notre groupe votera donc contre l'adoption de ces crédits.

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Je partage votre scepticisme mais je ne suis pas sûre que le rejet de ces crédits fera avancer les choses. Les rédactions de France Médias Monde sont motivées, professionnelles et prennent des risques importants. Nous devons leur envoyer un message de soutien, et pas seulement financier.

Les rédactions de RFI, France 24 et RMC ont connu des bouleversements. Elles sont en train de se reconstruire, et les directions font des efforts pour répondre aux attentes légitimes des syndicats. La sécurisation des équipes est essentielle. J'espère que votre groupe y sera attentif.

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Alors que les valeurs de la démocratie et de l'État de droit sont attaquées de toute part, l'audiovisuel extérieur français est un outil puissant de rayonnement, dont les audiences sont significatives. Ce succès s'explique par la qualité du travail effectué. Les chaînes de l'audiovisuel français ont vocation à diffuser une information indépendante, vérifiée et équilibrée.

De plus en plus, elles doivent faire face à une concurrence déloyale de la part d'acteurs médiatiques d'États concurrents, voire adversaires. Si les chaînes de l'action audiovisuelle extérieure, à l'instar de celles d'autres pays, véhiculent notre vision du monde, de la politique et de la presse avec objectivité et dans le cadre d'une véritable liberté éditoriale, d'autres États considèrent de telles chaînes comme des vecteurs d'influence, comme en attestent la multiplication des infox et les risques accrus pesant sur la sécurité des journalistes. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés.

Nous saluons les hausses de 14 et 3,5 millions annoncées pour France Médias Monde et TV5 Monde. Elles résultent toutefois pour partie de la stricte compensation des conséquences de la suppression de l'ancienne redevance télé et de l'inflation. Pour que l'audiovisuel extérieur reste un acteur crédible, il est primordial que ce financement soit consolidé et pérennisé. Telle est la condition de son autonomie, de son indépendance et de sa crédibilité. Plus encore, l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Europe orientale méritent que nous développions davantage de projets, afin de rendre coup pour coup aux adversaires de la démocratie et de l'État de droit.

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Je ne sais pas si les rédactions ont vocation à rendre « coup pour coup » dans la guerre informationnelle : il est important d'établir un distinguo. En revanche, je pense comme vous qu'il faut sanctuariser le financement de l'audiovisuel extérieur français de manière à rendre les choses lisibles pour nos partenaires à l'étranger, qui peinent parfois à comprendre nos subtilités budgétaires. Il s'agit d'éviter que nos chaînes soient retirées de certains bouquets. Il est de notre responsabilité de faire jouer une forme d'exception budgétaire pour protéger les financements et, surtout, éviter leur variation. En effet, l'incertitude budgétaire hypothèque le lancement de programmes dans la durée et fragilise les équipes.

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Avant même la suppression de la taxe sur l'audiovisuel, nous avions commencé à perdre beaucoup de visibilité budgétaire. Chaque année, les équipes de France Médias Monde et de TV5 Monde sont laissées dans l'incertitude quant au sort qui les attend. Le personnel s'inquiète des évolutions à venir et s'en trouve déstabilisé. On perd de la matière grise. Beaucoup de journalistes se demandent s'ils doivent rester au sein d'un organisme qui ne leur assure pas une visibilité suffisante et les expose de surcroît à des dangers dans l'exercice de leur profession à l'étranger.

Les crédits de BBC World et de la Deutsche Welle sont d'ailleurs nettement supérieurs aux nôtres. Le Royaume-Uni et l'Allemagne accordent beaucoup plus d'attention à leur audiovisuel extérieur. Quant aux médias de propagande russes, chinois ou turcs, ils sont souvent source de désinformation à propos de la France.

Nos médias doivent conserver leur indépendance et leur crédibilité. Il faut veiller à ce qu'ils ne basculent pas vers un modèle d'influence, et en particulier des financements d'État, ce qui pourrait leur nuire. Nous avions évoqué, auprès de la ministre, le modèle de financement de l'audiovisuel suédois, qui est à la fois original et indépendant. Pour l'instant, cela revient à avoir prêché dans le désert : aucune décision n'a été prise en ce sens.

Je reste néanmoins relativement optimiste car les représentants de la majorité me paraissent très soucieux de l'amélioration de la visibilité et des finances de notre audiovisuel extérieur. J'espère que nous pourrons proposer au Gouvernement une solution, que nous aurons définie collectivement, pour pérenniser notre audiovisuel extérieur. Il faut lui donner enfin ses lettres de noblesse pour nous permettre de rayonner à l'étranger. C'est particulièrement nécessaire en Afrique, où notre image est fortement dévalorisée.

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Le grand chambardement consécutif à la disparition de la redevance a eu des effets particuliers sur France Médias Monde. J'espère, comme vous, que nous en prenons tous conscience et que nous aurons à cœur d'agir au-delà des clivages partisans pour protéger notre audiovisuel extérieur. Lors des auditions, les directions de FMM et de TV5 Monde ont regretté que, du fait de la procédure budgétaire, il faille attendre décembre pour y voir clair sur leurs financements, alors que leur budget court à partir du 1er janvier. Cela rend leur fonctionnement très difficile.

J'ai le sentiment que l'audiovisuel extérieur a tout simplement été oublié lors de la suppression de la redevance. C'est un sujet pressant. Les états-généraux de l'information dessineront certainement des pistes utiles, que nous pourrons inscrire dans les textes financiers à venir.

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Je retiens de ce budget la hausse de 14 millions d'euros des crédits de France Médias Monde, ainsi que celle, un peu moindre, du budget de TV5 Monde. Je voudrais saluer la qualité professionnelle de FMM, qui vient d'obtenir la certification Journalism Trust Initiative (JTI). Il s'agit d'un label international, lancé par Reporters sans frontières, dédié à une information libre et indépendante.

Dans un contexte international de crise marqué par l'aggravation des manipulations et des fausses informations, l'obtention de cette certification renforce le statut et le rôle majeur de France Médias Monde pour apporter une information « vérifiée et équilibrée », pour reprendre vos termes, madame la rapporteure.

Le groupe Horizons votera en faveur de cette augmentation des crédits.

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Nous nous associons évidemment aux compliments que vous venez d'adresser à France Médias Monde pour sa distinction à travers cette certification JTI.

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Je sais que les rédactions de France Médias Monde sont fières d'avoir été honorées par ce prix, qui salue un travail et un engagement considérables. Les journalistes africains que j'ai rencontrés à Dakar sont menacés, ainsi que leurs familles. Ils sont très suivis : leurs prises de parole, leurs reportages sont attendus par les populations. Notre mission est aussi de leur assurer la protection nécessaire pour qu'ils puissent continuer à exercer leur métier. L'état d'esprit qui semble régner dans cette commission me semble important pour leur envoyer ce signal. Certains journalistes risquent leur vie, littéralement, dans un contexte de guerre informationnelle. Choyer leurs équipes et leur témoigner notre confiance est un message politique essentiel. Et avoir confiance en ces journalistes, c'est les laisser libres.

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L'accès à une information libre et honnête tient, dans beaucoup de pays, à un fil de soie. Nous devons apporter à ces médias, qui exercent un travail difficile et souvent incompris, un soutien constant et dégagé de toute volonté d'influence.

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Votre rapport, madame Youssouffa, met en lumière l'importance cruciale de France Médias Monde pour notre lutte collective contre la désinformation et la promotion de la pluralité des opinions. Je partage évidemment vos inquiétudes quant aux conséquences de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. Certes, une fraction de TVA est affectée à FMM mais ce financement cessera fin 2024. Les coûts additionnels engendrés par l'inflation mondiale affectent de manière directe et continue les activités du secteur de l'audiovisuel international. L'approche éclatée du financement de FMM pourrait se traduire, en outre, par une requalification de ce groupe en média d'État, ce qui renforcerait encore le discours de nos détracteurs.

Le financement de la presse est une question essentielle. Par quels mécanismes pourrons-nous, demain, garantir l'indépendance du service public ? Que se passerait-il si des personnes qui ne cessent de remettre en cause l'indépendance du service public audiovisuel arrivaient au pouvoir ? Je ne suis pas le seul à me poser ces questions : on s'interroge souvent, en Allemagne, sur l'indépendance des médias publics français.

Les propos assez maladroits du président de la République, qui affirmait, en septembre 2022, que, face au narratif russe, chinois ou turc, il fallait « mieux utiliser le réseau France Médias Monde », peuvent être l'un des facteurs qui expliquent que les journalistes de ce réseau ne peuvent plus exercer dans un certain nombre de pays d'Afrique de l'Ouest. Il y a vraiment là une incompréhension sur ce qu'est une rédaction libre. Je partage l'idée qu'on doit s'opposer à ces narratifs mais des messages de ce type, de la part du pouvoir politique, sont contreproductifs.

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Je crois en effet que les propos du président de la République ont créé de la confusion et ont eu des conséquences malheureuses sur le terrain. La représentation nationale a toute sa place dans la réflexion en cours. Elle doit, à mon sens, montrer aux journalistes qu'elle se tient à leurs côtés en les laissant faire leur métier. Les rédactions ne sont pas univoques : elles sont traversées par des débats, ce qui est sain. La liberté de la presse et le respect du pluralisme des opinions, principes hérités des Lumières, sont d'autant plus précieux qu'ils sont actuellement mis à mal. Nous pouvons adopter sur cette question une position transpartisane échappant aux enjeux politiciens.

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Nous en venons aux questions individuelles des membres de la commission.

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L'action de notre audiovisuel extérieur est essentielle, non seulement pour nos expatriés mais aussi pour l'influence culturelle et linguistique de la France à l'international. Compte tenu de son coût, pensez-vous que le projet de hub arabophone de France Médias Monde à Beyrouth soit réaliste ? Où en est-il ?

Vous évoquez la possible entrée de pays africains au conseil d'administration de TV5 Monde, bien que certains États, sur le continent africain, se montrent hostiles à nos médias. Quel est l'état d'avancement de ce projet ? Quels pays semblent les plus enclins à y participer ?

Enfin, je voudrais rappeler que l'Afrique est constituée de cinquante-quatre pays : si cinq ou six d'entre eux sont hostiles à la France, il ne faut pas généraliser ce sentiment. Par ailleurs, il faut se garder de tomber dans l'autocensure et l'autoflagellation. Le président de la République a eu raison de tenir ses propos : on a le droit de demander à nos médias de corriger les fausses informations sans que ce soit de la propagande.

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Je pense que nous aurons les réponses à vos questions sur le hub de Beyrouth lors de l'examen du contrat d'objectifs et de moyens, qui aura lieu prochainement. Selon Marie-Christine Saragosse, ce projet est faisable. L'actualité lui donne raison. La liberté de ton de France Médias Monde sur des questions très polémiques au Moyen-Orient et en Afrique, comme les droits des LGBTQI, la liberté de mœurs, la laïcité, la séparation des Églises et de l'État ou encore la gestation pour autrui, est recherchée et attendue.

Vous avez raison, on parle parfois du continent africain comme s'il formait une entité monolithique, alors qu'il regroupe cinquante-quatre pays qui ont chacun leur vision des choses, sans parler des ethnies et des régions. Loin de moi l'idée de faire un amalgame. Mais la meilleure réponse que peuvent apporter les rédactions de FMM dans un contexte de guerre informationnelle est de travailler dans une liberté totale. Nous ne pouvons pas projeter nos attentes sur elles. C'est aux services diplomatiques qu'il revient d'apporter la réponse diplomatique qui est absolument nécessaire.

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En tant que rapporteur pour avis sur le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence, j'auditionne également les organismes de l'audiovisuel extérieur. Je voudrais signaler que, si RFI a perdu de l'audience dans certains pays d'Afrique, elle l'a immédiatement récupérée grâce à son hub numérique. Il existe également un hub rédactionnel à Bucarest pour les journalistes ukrainiens. Le hub qui doit être créé à Beyrouth s'inscrit dans le cadre de cette stratégie très pertinente et peu coûteuse au regard de la capacité d'influence qu'elle offre.

Je veux vous alerter sur le fait que la disparition de la redevance ne se sent pas seulement dans des pays « compliqués » : en Allemagne par exemple, RFI Berlin est en proie à des difficultés. Il faut absolument que nous réglions cela sous cette législature. Nous ne devons pas nous faire imposer la solution du rapprochement avec France Télévisions car l'audiovisuel extérieur risque d'être oublié. Il faut garder à l'esprit que le mécanisme que nous trouverons constituera la meilleure garantie démocratique pour notre pays.

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J'espère que nous aboutirons à un consensus fertile. Par ailleurs, France Médias Monde a développé des stratégies de contournement des mesures de censure étatiques : le recours aux ondes courtes pour RFI ; la réception satellitaire directe pour France 24 et RFI ; et, de manière générale, l'utilisation de toutes les plateformes des réseaux sociaux, comme YouTube, Facebook, X, Instagram ou TikTok. La censure a ses limites et cette stratégie dynamique fonctionne, comme le montre l'augmentation des appels des auditeurs et téléspectateurs, mais nous devons rester vigilants.

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Que nous manque-t-il pour contrer la propagande massive réalisée par certains pays, qui, eux, savent s'en prémunir ?

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Des médias tels que France Médias Monde sont en mesure de décrypter la fausse information, de déconstruire un discours. Les médias de propagande utilisent la logique de l'algorithme pour renforcer les certitudes, les angoisses d'un public déjà vulnérable. Ils recourent parfois à des outils très grossiers mais qui fonctionnent. L'utilisation des algorithmes permet de mieux diriger un discours. Bon nombre des personnes que nous avons auditionnées ont souligné le péril que représente l'intelligence artificielle, dans la mesure où elle démultiplie les effets du message.

Face à cela, il existe un effet de découragement. Nous devons donc tout faire pour que les rédactions utilisent leur propre intelligence, leur liberté de pensée, pour être reconnues comme des sources d'information concurrentes : d'où l'importance de faire le distinguo avec la réponse officielle que doit apporter le Quai d'Orsay. C'est la crédibilité des journalistes auprès du public qui leur permet de semer le doute lorsqu'un discours de propagande se déverse par de multiples canaux.

À ce propos, il faut encourager FMM à se déployer vers d'autres réseaux que la télévision : publier des contenus disponibles sur les téléphones mobiles par exemple, c'est garantir la diffusion la plus large possible, y compris auprès d'un public plus jeune.

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C'est vrai, l'élucidation trouble et inquiète. Ce sont les poncifs qui rassurent.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles relatifs à l'action audiovisuelle extérieure non modifiés.

Article 37 et état D : Crédits des comptes d'affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Amendement II-AE43 de Mme Estelle Youssouffa

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Cet amendement vise à abonder la dotation de base de France Médias Monde d'une somme de 5 millions d'euros, qui lui est déjà destinée mais que le PLF a inscrite sur le programme budgétaire distinct qui a déjà été évoqué. Il s'agit à la fois de simplifier les choses et de témoigner notre confiance aux équipes de FMM, qui pourront intégrer ces crédits de manière souple dans la programmation des projets. Nous pourrons nous prononcer sur ceux-ci lors de l'examen pour avis du prochain contrat d'objectifs et de moyens 2024-2028.

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Techniquement, ces crédits permettent à France Médias Monde de conduire des projets avec d'autres services, ce qu'elle ne peut pas faire avec sa dotation de base : par exemple, créer un hub en lien avec un autre ministère que celui de la culture. On risque de se tirer une balle dans le pied. Pour cette raison, je m'abstiendrai.

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Lors des auditions, la direction de France Médias Monde nous a indiqué que ces fonds n'étaient pas destinés à être couplés à d'autres crédits. Le groupe peine à les utiliser et s'interroge à leur sujet. C'est à la suite de l'audition que j'ai rédigé cet amendement.

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Je maintiens mon abstention. J'ajoute, à l'attention, de madame Abomangoli, que France Médias Monde est la première rédaction mondiale à construire une charte éthique de l'intelligence artificielle.

La commission adopte l'amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public modifiés.

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Informations relatives à la commission

À l'issue de sa réunion, la commission désigne :

- M. David Habib, rapporteur sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice et la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice (n° 1610) ;

- M. Michel Guiniot, rapporteur sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part ; de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part ; de l'accord sur le transport aérien entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'État du Qatar, d'autre part (sous réserve de sa transmission) ;

- Mme Eléonore Caroit, rapporteure sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama relatif à l'exercice d'activités professionnelles rémunérées pour les membres des familles des agents des missions officielles de chaque Etat, signé à Panama le 7 juillet 2022 (sous réserve de son dépôt).

La séance est levée à 12 h 50. Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Xavier Batut, M. Carlos Martens Bilongo, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Sébastien Delogu, Mme Julie Delpech, Mme Ingrid Dordain, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, Mme Stéphanie Galzy, M. Guillaume Garot, Mme Maud Gatel, M. Hadrien Ghomi, Mme Claire Guichard, M. Michel Guiniot, M. David Habib, M. Benjamin Haddad, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, Mme Élise Leboucher, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Yaël Menache, M. Nicolas Metzdorf, M. Didier Parakian, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, Mme Béatrice Piron, M. Jean-François Portarrieu, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, Mme Michèle Tabarot, M. Aurélien Taché, Mme Sabine Thillaye, Mme Laurence Vichnievsky, M. Patrick Vignal, M. Lionel Vuibert, Mme Estelle Youssouffa

Excusés. - M. Sébastien Chenu, M. Olivier Faure, M. Meyer Habib, Mme Marine Le Pen, Mme Karine Lebon, M. Vincent Ledoux, M. Laurent Marcangeli, Mme Nathalie Oziol, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Liliana Tanguy, M. Éric Woerth