Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 21h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

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Madame la ministre, nous sommes ravis de vous accueillir. L'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen de la CEPP relative à la mission Recherche et enseignement supérieur.

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Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Je suis très heureuse d'être ici ce soir pour répondre à vos questions et vous présenter cette exécution 2022 des programmes budgétaires. Ce printemps de l'évaluation constitue un moment d'échange qui permet de prendre du recul sur l'emploi des crédits votés par le Parlement et sur les mesures concrètes des politiques qui sont conduites par le Gouvernement.

J'ai pris mes fonctions fin mai 2022 et ces sept premiers mois à la tête du ministère ont coïncidé avec une période de forte inflation et d'envolée des prix de l'énergie. Je souhaite d'abord évoquer les mesures que j'avais annoncées pour venir en aide aux étudiants, qui sont le cœur de ce ministère, et pour accompagner les établissements. Ces mesures se sont traduites par des dépenses importantes qui n'étaient pas budgétées initialement et qui ont nécessité l'ouverture de 360 millions d'euros de moyens nouveaux en fin de gestion, entre des dégels de réserves de précautions et des ouvertures en loi de finances rectificative. La priorité dans les premières semaines du quinquennat a été la préservation du pouvoir d'achat des étudiants. Cela s'est traduit à la rentrée universitaire 2022 par des mesures interministérielles et d'autres qui étaient plus spécifiques à mon ministère. Je voudrais distinguer tout d'abord un premier type de mesures qui concerne le maintien de tarifs inchangés sur les services les plus essentiels pour les étudiants malgré l'inflation, qu'il s'agisse des frais d'inscription universitaires, de la tarification sociale pour la restauration universitaire à un euro pour les boursiers et les étudiants précaires et 3,30 euros pour tous les autres étudiants, ou encore du gel des loyers en résidence universitaire. Ces trois mesures seront prolongées à la rentrée 2023, comme je l'ai annoncé. De même, le repas à un euro pour les étudiants boursiers et les étudiants précaires a été prolongé jusqu'à la rentrée 2023 et j'ai annoncé récemment sa pérennisation à la prochaine rentrée. Ces différentes mesures étaient nécessaires et justes pour les étudiants mais, bien sûr, elles ont un impact sur la situation financière des Crous à laquelle je suis attachée, mais aussi très vigilante. C'est pourquoi l'impact financier de ces gels de loyers a été compensé intégralement comme il l'a été depuis la crise sanitaire. C'est aussi pourquoi le coût de près de 20 millions de repas à un euro servis en 2022 a été à nouveau compensé à hauteur de 46 millions d'euros et le sera l'an prochain.

La deuxième série de mesures concerne les revalorisations des prestations versées aux étudiants. En 2022, les APL ont été revalorisées de 3,5 % et les bourses étudiantes sur critères sociaux de 4 %, portant au total à 7,4 % l'effort de revalorisation sur le quinquennat précédent. Enfin, la dernière mesure correspondait au versement d'une aide de solidarité exceptionnelle de 100 euros ainsi que de 50 euros par enfant à charge, à destination de 1,5 million d'étudiants boursiers ou bénéficiaires des APL. Sur le périmètre du programme 231 Vie étudiante, l'aide a bénéficié à 570 000 étudiants, pour un coût sur ce programme de 53,5 millions d'euros.

Réagir à ce contexte d'inflation supposait également d'accompagner les établissements et de leur donner de la visibilité pour faire face à la hausse de leurs dépenses de fonctionnement. J'ai ainsi pu annoncer un fonds de soutien de 275 millions d'euros à l'automne, ce qui a permis de redonner des marges financières à ces opérateurs afin d'entamer 2023 avec des capacités de réserve et de protéger leurs projets et leurs campagnes de recrutement. Dans le détail, 200 millions d'euros ont été prévus pour les universités, 55 millions d'euros pour les organismes de recherche et 20 millions d'euros pour le Crous. Des soutiens spécifiques ont été également apportés en gestion à certains opérateurs, notamment l'IPEVIPEV ou à l'Ifremer. À la fin de l'année 2022, les établissements relevant de mon ministère présentaient une situation financière saine qui leur permet d'affronter dans de bonnes conditions la hausse de leurs charges en 2023, d'autant qu'ils bénéficient par ailleurs des dispositifs transversaux mis en place par le Gouvernement, comme l'amortisseur électricité.

L'exécution budgétaire suppose toutefois, au-delà de la réaction aux aléas, de mettre en œuvre les priorités, la politique et les engagements du Gouvernement. L'année 2022 aura ainsi été l'occasion d'aller de l'avant sur les grands chantiers lancés pendant le précédent quinquennat. Je pense à la loi relative à l'orientation et à la réussite pour les étudiants de 2018, dont l'enveloppe a été portée à environ 160 millions d'euros en 2022, dont un peu plus de 100 millions d'euros pour aider les établissements à faire face à la hausse des effectifs en 2022. Je pense aussi à la loi de programmation de la recherche, dont l'année 2022 constituait la deuxième année de mise en œuvre. La trajectoire prévue a été pleinement respectée.

Sans entrer dans le détail de toutes les mesures, je peux notamment mettre en avant certaines mesures emblématiques qui ont eu un effet concret sur la vie de nos chercheurs : le versement d'une enveloppe de 184 millions d'euros pour les revalorisations indemnitaires, conformément à l'accord signé avec les organisations syndicales de mon ministère en 2020, des requalifications par le haut avec 2 000 promotions ou repyramidages selon de nouvelles modalités qui portent d'ailleurs déjà leurs fruits, en particulier en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la montée en puissance des moyens de l'Agence nationale de la recherche, ce qui permet d'améliorer le taux de succès des appels à projets, qui passe de 10 % en 2015 à 24 % en 2022, et des doctorants plus nombreux avec 449 recrutements de nouveaux contrats doctoraux mieux rémunérés, avec une augmentation à 2 044 euros bruts par mois pour tous les doctorants, à compter du début d'année 2023. Comme vous le savez, je n'étais pas satisfaite de cette mesure qui consistait à revaloriser uniquement le flux entrant des doctorants, surtout en cette période d'inflation. C'est pourquoi, en janvier 2023, tous les doctorants ont bénéficié d'un contrat doctoral avec une rémunération de base de 2 044 euros bruts par mois. Je peux également mentionner l'ouverture de 137 nouvelles chaires de professeurs juniors et des lauréats, qui a été effectuée sur 2021 et 2022.

L'année 2022 aura été marquée par d'autres réalisations importantes, notamment l'engagement de la totalité de l'enveloppe de 1,2 milliard d'euros prévue dans le cadre du plan de relance pour la rénovation des bâtiments des établissements d'enseignement supérieur, des organismes de recherche et des Crous.

Je ne saurais conclure ce propos sur l'exécution 2022 sans tâcher d'en tirer quelques enseignements. Un trait m'a frappé dans cette analyse du budget : la sous-consommation importante qui a été constatée sur les bourses sur critères sociaux par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Cet écart révèle une difficulté technique à prévoir cette dépense, alors que ni les effectifs de la rentrée à venir, ni a fortiori ceux de la rentrée de l'année suivante, ne sont connus lors de l'élaboration du projet de loi, qui plus est dans la sortie de crise liée à la covid-19. Toutefois, cette sous-consommation dit sans doute quelque chose de notre système de bourses. C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé en février dernier la première étape de la réforme des bourses et une série de mesures en faveur du pouvoir d'achat étudiant, qui représentent un engagement d'un demi-milliard d'euros sur le budget d'une année pleine, 2024. C'est l'aboutissement des concertations que j'ai lancées le 7 octobre dernier à la demande de Mme la Première ministre sur la vie étudiante dans toutes ses composantes. Sur le sujet spécifique des bourses, le constat était clair et partagé : notre système sur critères sociaux est efficace. Il est redistributif, mais présente des limites. Conformément aux orientations du Président de la République qui avait inscrit ce chantier dans la feuille de route de son second quinquennat, une attention particulière devait lui être accordée afin que le coût de la vie ne soit jamais une barrière aux études pour l'ensemble de nos étudiants. J'avais donc dressé une méthode et un calendrier, avec une première étape présentant des mesures pour la rentrée prochaine 2023 et une seconde étape à l'été pour donner les contours d'un modèle cible. Pour la rentrée prochaine, cette première étape de la réforme cible a atteint trois objectifs principaux : aider plus d'étudiants, les aider mieux et protéger les gains du travail des parents en mettant fin aux fameux effets de seuil. 35 000 étudiants vont devenir boursiers. De plus, pour eux, sur l'année, ces mesures représentent 1 400 euros de plus ainsi que les avantages associés au statut de boursier dont ils n'auraient pas bénéficié si les paramètres demeuraient inchangés. Le montant de la bourse augmentera pour tous les échelons de 37 euros par mois. J'ai beaucoup entendu le souhait que les bourses soient revalorisées sur l'inflation ; ces 37 euros correspondent d'une part à une revalorisation de 34 % pour le premier échelon et d'autre part à une augmentation à hauteur de l'inflation pour l'échelon le plus élevé. C'est la plus forte revalorisation depuis dix ans et elle concerne cette fois tous les étudiants boursiers. 140 000 étudiants boursiers actuels vont en outre basculer à un échelon de bourse supérieur, ce qui représente 20 % d'entre eux. Cela représente une augmentation pour eux de 66 à 127 euros par mois. C'est davantage de boursiers reclassés que lors de toutes les précédentes réformes. Enfin, nous neutralisons dès cette année les fameux effets de seuil en attendant de les supprimer définitivement. Ainsi, à la rentrée 2023, aucun étudiant ne verra sa bourse diminuer d'un montant supérieur à l'augmentation des revenus de ses parents. En complément, nous pérennisons une tarification très sociale des repas pour les boursiers et tous les étudiants. Pour 2023 et 2024, nous gelons les tarifs de la restauration à 3,30 euros ou un euro, de même pour les loyers dans les résidences des Crous.

Cette première étape de la réforme des bourses ne solde pas nos travaux. Le travail se poursuit, car apporter des modifications structurelles à notre système de bourse est un chantier lourd et considérable. Parce qu'il engage nécessairement l'avenir, il doit être instruit collectivement, mais aussi sur le plan du modèle que nous défendons, plus juste, plus redistributif et plus cohérent avec les autres aides, dans la logique de la solidarité à la source qui est portée par le ministre des solidarités, Jean-Christophe Combe. Il demande également à être instruit sur le plan technique. Nous devons réaliser des simulations et être capables de mesurer pleinement et précisément les effets des changements apportés. Cette instruction et le dialogue avec toutes les parties prenantes se poursuivent. Un point d'étape est attendu à l'été.

En matière de recherche, ma priorité sera de poursuivre la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche qui a commencé à produire des effets concrets pour les chercheurs et, si possible, d'en amplifier certaines mesures. Un bilan sera prochainement transmis au Parlement, qui devra servir de base à une éventuelle actualisation.

S'agissant enfin de l'enseignement supérieur, les crédits alloués aux établissements ont permis de les accompagner face à la hausse de la pression démographique, en maintenant le taux d'encadrement durant ces dernières années. L'un des enjeux est aujourd'hui d'orienter l'offre de formation vers les métiers et les besoins de demain, en s'appuyant notamment sur les moyens financiers disponibles avec France 2030 qui viennent compléter les crédits budgétaires de mon ministère ou sur ceux alloués dans le cadre des nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance que nous avons lancés en 2023. Ces contrats permettront un pilotage resserré des établissements autour de leurs objectifs et de priorités que nous définissons ensemble.

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Le budget alloué à l'enseignement supérieur s'élevait en loi de finances initiale pour 2022 à 17,25 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 17,32 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit près de 59 % des crédits alloués à la mission Recherche et enseignement supérieur. Les crédits alloués à l'enseignement ont été correctement exécutés en 2022 : 17,23 milliards d'euros en AE et 17,28 milliards d'euros en CP ont été consommés sur les programmes 150 et 230, soit un taux de consommation des crédits de 99,8 %.

Le budget de l'enseignement supérieur est réparti en deux programmes budgétaires, le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire, qui finance la formation initiale et continue en licence, master et doctorat, les établissements d'enseignement supérieur privés, la recherche universitaire ainsi que les fonctions support en faveur de l'enseignement supérieur au sein du ministère, et le programme 230 Vie étudiante, qui finance l'action sociale en faveur des étudiants, les actions en faveur de la santé des étudiants et la vie de campus.

Concernant le programme 150, il était doté en loi de finances initiale pour 2022 de 14,16 milliards d'euros en AE et 14,24 milliards d'euros en CP. Il a bénéficié en fin de gestion 2022 d'un abondement de la seconde LFR pour 2022 à hauteur de 153,8 millions d'euros en AE et 151,67 millions d'euros en CP afin de constituer le fonds exceptionnel de soutien des opérateurs du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche qui se trouveraient en difficulté financière en 2022 ou en 2023 en raison de la hausse des coûts de l'énergie. Cette enveloppe a été complétée par un dégel total de la réserve de précaution du programme, 62,4 millions d'euros en AE et 64,6 millions d'euros en CP, conformément aux engagements pris par la ministre lors de nos discussions sur le budget. Ainsi, en 2022, 14,27 milliards d'euros en AE et 14,33 milliards d'euros en CP ont été consommés sur le programme 150.

Concernant le programme 230, il était doté en lois de finances initiales pour 2022 de 3 milliards d'euros en AE et en CP. L'exécution 2022 du programme a été marquée par plusieurs mouvements sur la réserve de précaution. Le décret d'avance du 7 avril 2022 a tout d'abord annulé 86 millions d'euros sur la réserve de précaution afin de financer les dépenses urgentes liées au plan de résilience économique et social pour faire face aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine. La première loi de finances rectificative pour 2022 a ensuite rétabli dans leur intégralité les crédits annulés par le décret d'avance. En fin de gestion, 68,5 millions d'euros en AE et en CP ont été dégelés par la deuxième LFR afin de financer la compensation au Crous des repas à un euro pour les étudiants boursiers (20 millions d'euros), le fonds exceptionnel de soutien aux opérateurs (20 millions d'euros), des mesures salariales au sein du réseau des œuvres (12 millions d'euros), l'accompagnement des étudiants en situation de handicap (7,2 millions d'euros), les surcoûts liés à l'application de la loi Egalim (3 millions d'euros), ou encore des aides spécifiques aux étudiants (2 millions d'euros). La LFR2 a également procédé à l'annulation des crédits résiduels de la réserve de précaution, soit 63 millions d'euros en AE et en CP.

L'exécution 2022 a été particulièrement marquée par l'effet sur les opérateurs de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et par l'augmentation des coûts de l'énergie. La revalorisation du point d'indice n'a pas fait l'objet d'une compensation par l'État au bénéfice des opérateurs du programme 150 et son coût est estimé autour de 182 millions d'euros pour le second semestre 2022. Je me félicite que cet effort demandé aux opérateurs pour 2022 ne se renouvelle pas en 2023, puisque nous avons voté au PLF la compensation par l'État de cette revalorisation. Concernant les coûts de l'énergie, l'État était très présent pour les opérateurs à la fin de l'année 2022, au travers de la mise en place de deux dispositifs : un fonds de compensation des surcoûts énergétiques doté de 275 millions d'euros afin de soutenir les opérateurs des programmes 150, 190 et 231 et l'intégration des établissements d'enseignement supérieur dans le dispositif de l'amortisseur électricité qui garantit la prise en charge par l'État de 50 % du coût constaté, au-delà d'un prix de référence de 325 euros par mégawattheure. Je note que moins de la moitié des crédits alloués au fonds de compensation des surcoûts énergétiques ont été consommés en 2022 et que le reste des crédits consacrés au fonds de compensation des surcoûts énergétiques, soit 175 millions d'euros, a fait l'objet d'un report vers l'année 2023.

Madame la ministre, pourriez-vous faire le point sur la santé financière des établissements d'enseignement supérieur au regard des efforts qu'ils ont dû réaliser en 2022 ?

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Les crédits consacrés par l'État à la recherche, hors recherche universitaire, sont répartis entre six programmes. Le principal d'entre eux est le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, qui porte les subventions à de très nombreux organismes de recherche, dont le CNRS. Je vous ferai d'abord brièvement part de mon analyse sur les faits marquants de l'exécution budgétaire de ces différents programmes, puis je m'attarderai sur les dépenses fiscales très importantes, mais pas toujours aussi utiles, qui y sont rattachées.

À l'échelle de l'ensemble des programmes dont je suis rapporteur spécial, l'exécution 2022 s'est avérée fidèle. Le ratio entre les crédits consommés et ceux adoptés en loi de finances initiale, tout comme celui entre les crédits consommés et ceux finalement disponibles, sont proches de 100 %, tant en AE qu'en CP.

Concernant le programme 172, le principal point d'attention est l'utilisation d'une partie de la réserve de précaution pour financer le fonds de compensation des surcoûts de l'énergie à destination des opérateurs du programme. Je me réjouis que les alertes que j'avais émises dans mon rapport spécial de l'automne 2022 sur la situation critique de nombreux opérateurs, causée par l'augmentation des prix de l'énergie, dont l'Institut polaire Paul-Émile Victor, aient été entendues par le Gouvernement.

J'ai par ailleurs noté plusieurs points d'attention sur les autres programmes. Sur le programme 193 Recherche spatiale, comme les années précédentes, une partie de la réserve de précaution a été pensée et utilisée pour financer la contribution française à l'Agence spatiale européenne, ce qui signifie que les montants initialement budgétés pour financer cette contribution étaient sous-évalués, en contradiction avec l'objectif de sincérité budgétaire. La Cour des comptes partage mon point de vue à ce sujet et relève la complexité du financement du plan Nano 2022. Elle recommande par conséquent qu'un unique véhicule budgétaire soit retenu à l'avenir. Le programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle n'apporte ainsi qu'une partie des fonds de ce plan, qui sont complétés par des fonds de concours rattachés et parfois reportés.

Le programme 190 Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables se caractérise quant à lui par une surexécution de crédits par rapport à la loi de finances initiale en raison de transferts en gestion importants, intervenant dans le cadre du plan de soutien à la recherche et développement aéronautique.

Je souhaite désormais m'attarder sur les dépenses fiscales rattachées à ces différents programmes. La principale de ces dépenses fiscales est évidemment le crédit d'impôt recherche (CIR). Son coût a encore augmenté en 2022, dépassant 7 milliards d'euros, en hausse de 10 % par rapport à 2021, un montant significativement différent de celui anticipé pour 2022 (7,4 milliards d'euros). Je rappelle qu'il y a dix ans, ce dispositif ne coûtait que 3,3 milliards d'euros. Autant d'argent pourrait être réorienté vers les organismes de recherche pour apporter des financements récurrents à des chercheurs qui en ont bien besoin et le méritent. Il faudrait à tout le moins verdir le crédit d'impôt recherche, afin d'éviter que l'argent public ne finance des recherches ayant un impact environnemental défavorable, et le cibler davantage sur les petites et moyennes entreprises, pour lesquelles il est un peu plus utile.

Les autres dépenses fiscales rattachées aux programmes dont je suis rapporteur spécial progressent également, mais à un rythme moins soutenu. Ainsi, le crédit d'impôt en faveur de l'innovation atteint 303 millions d'euros en 2022, contre 280 millions d'euros en 2021. Le volet fiscal du dispositif jeunes entreprises innovantes a progressé de 12 à 13 millions d'euros. Eu égard à la dépense dynamique de ce dispositif, dont le coût a augmenté d'environ 6 % par an entre 2018 et 2022, la Cour des comptes a recommandé de poursuivre une évaluation plus précise de ses effets et d'étudier un resserrement de ses paramètres. Je m'associe pleinement à cette recommandation, car une récente étude de l'INSEE a conclu à un effet faible et incertain sur l'emploi des entreprises bénéficiaires d'un tel dispositif. En effet, le dispositif n'aurait aucun effet sur l'emploi des entreprises ayant recours au dispositif à partir de la quatrième année d'existence et jamais d'effet sur la rémunération versée aux salariés. De manière générale, j'appelle, comme la Cour des comptes, à évaluer systématiquement l'efficacité des dépenses fiscales et sociales et leur bornage dans le temps.

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Je souhaite dire quelques mots d'un bilan que je ne trouve pas positif au niveau de l'enseignement supérieur et de la recherche en France. S'agissant d'abord des augmentations des budgets, en 2022 comme en 2023, les budgets de l'université ainsi que les budgets de la recherche universitaire sont fortement en dessous de l'inflation. Les budgets du programme 172 sont à peine supérieurs au coût fiscal du crédit d'impôt recherche. Nous pouvons avoir des discussions sur l'efficacité du crédit d'impôt recherche, mais malheureusement, depuis de nombreuses années, il a un coût et des conséquences sur la recherche publique en France. C'est pour moi un problème fondamental. À certains moments, nous avons besoin d'une recherche qui n'est pas immédiatement profitable.

Nous ne sommes pas en mesure de remédier à la misère en milieu étudiant. Tous les chiffres montrent que beaucoup d'étudiants souffrent de la faim. Beaucoup d'entre eux sont obligés de travailler dans des emplois précaires pour pouvoir suivre leurs études. Vous avez cité le repas à un euro, et je regrette terriblement qu'à une voix près, nous n'ayons pu l'universaliser au-delà des boursiers. Le montant des bourses par étudiant a augmenté de 37 euros par mois. Si nous le comparons avec l'inflation des produits alimentaires, dans des budgets de personnes qui disposent de peu de moyens, il apparaît que cette hausse des bourses n'est pas à la hauteur de la situation. De même, depuis 2017, nous avons vu une baisse de 15 % des dépenses par étudiant.

Je souhaiterais également vous alerter sur le problème des moyens psychologiques au bénéfice des étudiants. Nous avons un psychologue pour 30 000 étudiants, dans un milieu où 70 % des étudiants se déclarent en situation de mal-être, selon une étude de la mutuelle LMDE. À titre de comparaison, le Canada dispose d'un psychologue universitaire pour 3 000 étudiants. Le problème se pose de manière similaire s'agissant de la santé.

J'estime donc que rien ne vient aujourd'hui atténuer le déficit d'investissement par étudiant et les problématiques de la vie étudiante. Le budget 2022 ne pourra corriger le tir. Ce constat difficile me semble être à la hauteur de la réalité dans les universités françaises. Le rapporteur général étant absent, je vous propose, madame la ministre, de répondre à ce stade aux personnes qui sont intervenues. Nous entendrons ensuite les orateurs de groupe.

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Sylvie Retailleau, ministre

Bien entendu, nos universités et nos étudiants méritent un investissement. Ce n'est pas une dépense mais un investissement pour l'avenir. Ces efforts que nous avons demandés traduisent donc une ambition forte. En ce qui concerne la réforme des bourses que nous avons menée, dont vous dépeignez un tableau morose, je répète qu'il s'agit d'une augmentation historique. Les 37 euros représentent un minimum. Pour les échelons les plus bas, l'augmentation s'élève à 34 %. Pour les échelons les plus hauts, elle correspond à l'inflation. 20 % des étudiants bénéficieront d'une augmentation encore supérieure. Il s'y ajoute l'annonce de gel des loyers, des frais d'inscription, etc. J'ai donc une vision du coût complet de ce que représente la vie des étudiants. Nous devons toujours plus les aider, raison pour laquelle nous allons poursuivre cette réforme des bourses. Ces mesures à hauteur d'un demi-milliard d'euros sont malgré tout considérables. Nous devons collectivement nous réjouir de cette augmentation des bourses. Il est positif de donner aux étudiants cette perspective.

Nous avons une loi de programmation de la recherche, la première depuis une dizaine d'années. Les 25 milliards d'euros qu'elle prévoit représentent un budget supplémentaire de 20 %. Le budget du programme 172, qui n'en représente qu'une partie, car il s'agit du programme des organismes et une partie du programme 150 participe à la recherche dans les universités, représente 7,6 milliards d'euros. Le plan Investir pour la France de 2030 représente quant à lui une dépense de 5 milliards d'euros pour cette année. Nous devrons avoir une vision consolidée des sommes destinées aux laboratoires. Nous allons continuer à appliquer cette loi de programmation de la recherche et à simplifier les procédures dont souffrent nos collègues. Le budget de France 2030 les accompagne de façon non négligeable pour les appels à projets. Nous les accompagnons aussi dans le cadre de l'Europe. La France abonde en effet le budget européen, qui alimente aussi le budget des laboratoires.

Je vais en revanche vous rejoindre sur le point très important de la santé de nos étudiants, en particulier leur santé psychologique. Là aussi, nous faisons évoluer les services de santé. En 2023, nous avons prévu de revaloriser les salaires et d'ajouter des postes et des services sociaux, pour accompagner les étudiants qui en ont effectivement besoin. Il s'agit d'un sujet sur lequel nous devons poursuivre nos efforts, mais sur lequel le Gouvernement a aussi investi en 2022 et en 2023.

Je voudrais également répondre sur le sujet de la santé financière des établissements. Effectivement, il y a eu des surcoûts par rapport au point d'indice en 2022. Nous avons accompagné, avec les 275 millions d'euros du fonds de compensation, les établissements d'enseignement supérieur pour 100 millions d'euros, dès 2022. S'agissant des organismes de recherche, 55 millions d'euros ont été notifiés aux différents opérateurs du programme 172, sur le budget 2023. Pour les Crous, l'enveloppe de 20 millions d'euros a été ventilée entre les différents Crous sur les comptes financiers 2022, ce qui explique le bon équilibre de la situation financière de ces établissements en 2022 et des organismes de recherche en 2023. Du point de vue des résultats, les universités ont présenté un résultat positif de 165 millions d'euros en 2022, avec un niveau de trésorerie qui s'élève actuellement à 4,1 milliards d'euros à la fin de l'année. Les évolutions sont favorables sur le périmètre des écoles d'ingénieurs et des autres établissements d'enseignement supérieur, même si la progression de ces indicateurs a été moins rapide que les années précédentes. Je pense que l'idée de ces fonds de roulement ou de ces trésoreries est aussi une idée de projet d'investissement pour participer aux dépenses nécessaires dans les établissements. À partir de 2023, la question qui se pose est celle de la hausse des factures d'énergie qui se poursuit. Les 100 millions d'euros restants seront distribués au regard des factures et des dépenses réelles en énergie au niveau des établissements d'enseignement.

Sur la question financière, je souhaite revenir sur la part libre d'emploi des fonds de roulement des établissements. Une partie de cette trésorerie de 4,1 milliards d'euros est fléchée pour des projets immobiliers, des projets de recherche ou autres. Cette part libre est aujourd'hui évaluée à un milliard d'euros et nous travaillons, dans le contexte budgétaire actuel, pour mobiliser dans des projets d'importance nos établissements d'enseignement supérieur.

En ce qui concerne le crédit d'impôt recherche, il est important que celui-ci participe à l'attractivité des PME. Je rappelle que la France est, en Europe, le pays le plus attractif. Les 15 700 entreprises déclarantes sont composées de 12 900 PME, 2 200 ETI et 500 grandes entreprises. 83 % des déclarants sont des PME pour 28 % de la créance et leur poids dans la R&D privée est de 19 %. Il n'y a donc pas de déséquilibre. En revanche, il est nécessaire de continuer de les aider à être présentes sur ce crédit d'impôt recherche. Sur le sujet du verdissement du crédit d'impôt recherche, l'intention est louable. Nous incitons à une R&D verte, mais nous n'avons pas la réponse à un certain nombre de questions (être capable de connaître a priori l'impact environnemental sur les travaux de recherche, définir ce qu'est une R&D verte, comment positionner la priorité de la santé) pour définir des critères de R&D verte du point de vue du crédit d'impôt recherche. Le CIR doit présenter une certaine stabilité ; nous ne devons donc le modifier que sur des éléments que nous sommes certains de pouvoir évaluer.

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Vous avez souligné, madame la ministre, combien le Gouvernement a mené une politique de protection des universités, de la recherche et des étudiants contre la crise, notamment énergétique, avec deux grands axes, le premier contre l'inflation qui menaçait les étudiants et le second concernant la compensation de l'énergie pour les opérateurs. Le fonds exceptionnel de compensation des dépenses d'un quart de milliard d'euros a été abondé, comme vous l'avez indiqué, par divers programmes, notamment le programme 150 pour 200 millions d'euros. Comme l'a souligné le rapporteur spécial, c'est 100 millions d'euros que le Gouvernement a décidé de reporter d'une année sur l'autre. Il faut noter ce double effort du Gouvernement, d'abord en faisant bénéficier les établissements de l'amortisseur et en prévoyant une ligne supplémentaire, puis en la prolongeant une nouvelle fois. Ma question porte sur la manière dont cette aide particulière pourra porter sur le renforcement de la trésorerie. Vous avez parlé des fonds libres et des projets. Comment tiendra-t-on compte de la situation des établissements ?

Monsieur le rapporteur spécial a souligné l'importance du fonds spécial de compensation et vous avez souligné, madame la ministre, la manière dont l'enveloppe de revalorisation indemnitaire, mais aussi de promotion et de repyramidage, a bénéficié à nos chercheurs. Ma question portera plus particulièrement sur la manière dont des chaires de professeurs juniors ou les investissements prévus dans le plan de relance ont pu être protégés ou vont connaître des perspectives d'amélioration dans la période qui vient.

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La mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur présente l'un des plus importants budgets de l'État, avec une exécution de 29,4 milliards d'euros de crédits budgétaires en 2022, répartis sur huit programmes. Second poste budgétaire des universités après la masse salariale, le patrimoine immobilier doit être remis à niveau. Un tiers de ce patrimoine est dans un état peu ou pas satisfaisant et ne répond que rarement aux besoins de sobriété énergétique. Le ministère chargé de l'enseignement supérieur estime à 7 milliards d'euros le coût de réhabilitation du patrimoine universitaire, dont 75 % seraient en lien avec la transition énergétique et environnementale. France Universités, pour sa part, porte cette estimation à 15 milliards d'euros. Quel est l'effort total, tous financeurs confondus, qui a été porté en 2022 pour la rénovation des bâtiments universitaires ?

Le fait que l'État soit propriétaire de l'essentiel du parc conduit à des coupes dans les travaux de gros entretiens et de réparations, les travaux d'accessibilité aux personnes handicapées ou les travaux de rénovation énergétique devenus d'autant plus nécessaires avec le renchérissement du coût de l'énergie, l'essentiel des travaux portant parfois sur les seuls travaux de sécurité. Ma deuxième question est donc la suivante : l'État compte-t-il rester très majoritairement propriétaire des bâtiments des universités françaises ?

Enfin, la revalorisation des bourses n'était pas prévue dans la loi de finances 2023. Ouvrira-t-on en loi de finances rectificative des crédits supplémentaires en 2023 pour la revalorisation des bourses ou des crédits seront-ils redéployés pour financer cette revalorisation ?

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Je tenais, comme mon collègue, à saluer l'action du Gouvernement pour aider les étudiants à traverser la crise que nous avons connue et que nous continuons de connaître.

Mon intervention portera sur deux points, la recherche et la subvention pour charges de service public qui est dévolue à nos universités. L'adoption de la loi de programmation de la recherche en 2020 est à saluer, car elle était attendue de longue date. Je me permets toutefois de rappeler, Madame la ministre, quelques chiffres qui doivent encore attirer notre attention sur le sujet. En 2020, l'observatoire des sciences et des techniques (OST) classait la France, en matière d'impact des publications, en dixième position sur quinze nations évaluées. Dans le même temps, la recherche en santé passait de la sixième à la neuvième place, ce qui doit nous alerter. À cet égard, la France avait pris au début des années 2000 un engagement pour consacrer 3 % de son PIB à la recherche. Nous sommes aujourd'hui autour de 2,2 %, alors que les Allemands ont déjà dépassé 3,5 %. La loi de programmation de la recherche a donc donné un bon signal, qui a été traduit en loi de finances initiale pour 2022 par une augmentation des crédits par rapport à 2021 de 2,68 % en crédits de paiement, que nous devons saluer mais qui est encore éloignée de l'objectif.

En 2022, la trajectoire de la LPR est globalement respectée sur les programmes 172 et 150. Toutefois, les données disponibles en avril 2023 n'ont pas permis à la Cour des comptes de savoir si la trajectoire de la LPR sur les effectifs des emplois sous plafond de l'État et des opérateurs a été respectée en 2022, alors qu'elle était en sous-exécution pour 2021. Pourriez-vous, Madame la ministre, nous rassurer sur ce point ?

Par ailleurs, la recherche en santé est en recul en France, notamment du fait de son éclatement entre plusieurs structures, alors que les défis de la santé pour demain sont extrêmement importants, comme la crise de la covid-19 nous l'a malheureusement rappelé. Pourriez-vous, Madame la ministre, nous proposer un diagnostic détaillé des points à améliorer en matière d'organisation de notre outil de recherche en santé ?

Enfin, concernant le financement des universités par l'intermédiaire de la subvention pour charges de service public, comme le signale la Cour des comptes, il semble qu'il existe de fortes disparités territoriales entre nos universités. Ainsi, la SCSP par étudiant qui est allouée aux universités de lettres et sciences humaines et sociales en Île-de-France est en moyenne de 21,5 % supérieure à celle qui est allouée pour un étudiant de la région Auvergne-Rhône-Alpes. À titre d'exemple, l'université Savoie Mont-Blanc a une dotation par étudiant qui est bien inférieure à l'ensemble des universités du groupe des universités pluridisciplinaires hors santé. Madame la ministre, pourriez-vous nous dire si un travail est en cours pour corriger ces disparités territoriales afin que nous puissions assurer une qualité de l'enseignement égale à tous les étudiants du territoire ?

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En novembre dernier, lors de la présentation du projet de loi de finances, je faisais part des inquiétudes que nous avions sur le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous ne pouvons plus nous contenter de petites mesures dans l'enseignement supérieur. Si la recherche apparaît comme un pôle budgétaire qui voit sa dotation augmenter depuis quelques années, la partie relative à l'enseignement supérieur, quant à elle, est insuffisante.

Je souhaite m'attarder sur la question de l'immobilier dans l'enseignement supérieur. En effet, la France a connu ces dix dernières années une augmentation significative de la fréquentation des bancs. Les moyens alloués à ce changement conséquent doivent être à la hauteur. Les étudiants parviennent à l'enseignement supérieur, principalement dans nos universités, mais à quel prix ? Bâtiments délabrés, résidences universitaires endommagées, manque de places, manque d'infrastructures sportives, manque de lieux de culture sont autant de preuves qui témoignent d'un abandon de notre enseignement supérieur. Investir pour nos jeunes et pour leur formation dans le supérieur revient à permettre d'y accéder, mais surtout dans de bonnes conditions. Aujourd'hui, le parc locatif du Crous n'est plus suffisant. Les étudiants doivent se tourner vers des bailleurs privés, ce qui n'est ni acceptable ni souhaitable. La pratique sportive, quant à elle, est limitée puisque les infrastructures ne suivent pas. Il est nécessaire d'investir massivement dans le bâti universitaire ainsi que dans l'ensemble des biens immobiliers relatifs à la vie de nos étudiants. En novembre 2022, par un amendement au PLF, nous demandions 2 milliards d'euros dans le bâti universitaire. Cette demande est toujours d'actualité et nous continuerons à nous battre en ce sens afin d'avoir un enseignement supérieur doté dans l'ensemble de ces aspects pour nos jeunes. Madame la ministre, quelles stratégies comptez-vous mettre en place en ce qui concerne l'immobilier universitaire ?

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Sur la question des bourses, Madame la ministre, nous avons eu et aurons à nouveau des échanges pour constater, de mon point de vue, que le compte n'y est pas, malgré les efforts consentis. Je m'étonne cependant de cette sous-utilisation massive sur les crédits 2022. Comment l'expliquez-vous ? J'imagine qu'elle s'explique pour partie par la non-revalorisation des tranches, qui a provoqué une éviction de plusieurs dizaines de milliers de familles.

S'agissant de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), la Cour des comptes note à quel point son utilisation est opaque. Cette CVEC doit cesser d'être une augmentation déguisée des frais d'inscription. Les universités doivent pouvoir montrer qu'elle est effectivement un gain pour les étudiants et pour la vie étudiante. Comment comptez-vous faire en sorte que cela soit enfin réalisé ?

Enfin, nous ne pouvons échanger sans parler de l'enseignement supérieur et des étudiants. Les futurs étudiants ont appris aujourd'hui quel sort leur réserverait l'algorithme qui décide de leur vie, à savoir Parcoursup. Aujourd'hui, dans notre pays, 25 % des étudiants sont dans le privé. Cette part ne cesse d'augmenter parmi nos étudiants. Il s'agit d'un secteur très profitable dans lequel nombre de fonds de pension investissent. Aujourd'hui, le Hcéres ne l'évalue pas. Qui en est chargé ? Quelle évaluation faisons-nous de toutes les politiques fiscales qui viennent aider ces établissements ? Nous les finançons par des niches et par les allégements d'impôts. Comment faire en sorte que la qualité soit au rendez-vous pour protéger les familles et les étudiants ?

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Sylvie Retailleau, ministre

Je souhaite avant tout préciser que Parcoursup n'est pas un algorithme. Ce sont des enseignants qui composent les commissions, qui programment l'outil d'aide à la décision ou qui ne le programment pas, qui l'utilisent ou qui ne l'utilisent pas. Il ne s'agit que d'un outil d'aide à la décision et d'une plateforme.

L'enseignement privé affiche effectivement une augmentation. Nous avons obtenu, sur commande du Gouvernement, un premier rapport concernant le contenu de ces enseignements privés. Ce rapport a mis en exergue certaines fraudes réelles. J'ai ainsi constitué un groupe de travail au niveau de mon ministère qui travaille sur les points que vous avez signalés, en particulier le fait qu'il n'y ait pas aujourd'hui d'évaluation.

Lorsque la CVEC est apparue, la cotisation à la sécurité sociale de 217 euros pour les étudiants a été supprimée, ce qui a contribué à une diminution des frais d'inscription. Lors de la mise en place de la CVEC, le législateur a décidé qu'elle serait indexée sur l'inflation, ce qui explique son augmentation. Comme son nom l'indique, cette CVEC participe au financement des équipements sportifs, de la santé ou encore du secteur culturel. Nous publierons rapidement un rapport sur l'utilisation de cette CVEC, qui représente aujourd'hui 150 millions d'euros, dont une trentaine au profit du Crous et le reste pour les établissements, qui l'utilisent en règle générale pour le bien des étudiants sur le sport, la culture, la santé.

En ce qui concerne la sous-utilisation des bourses, j'ai effectivement indiqué que j'avais remarqué ce point. Sur 2023, nous ne déprogrammerons aucune action pour financer les bourses. Nous l'avons anticipé après avoir observé cette sous-exécution en 2022, liée à une baisse des étudiants boursiers, de 700 000 à 680 000. Une partie de cette baisse est liée à l'augmentation de l'apprentissage et une autre au barème, que nous avons augmenté en 2023 pour inclure davantage d'étudiants : 35 000 étudiants supplémentaires deviendront boursiers. Nous avons donc tenu compte de cette sous-exécution d'une part pour préparer 2023 et d'autre part pour conduire cette réforme des bourses.

Sur l'investissement, plusieurs points sur les bâtiments ont été soulevés. Une grande partie des Crous ont été rénovés. Seuls 5 % doivent encore l'être. C'est un travail que nous devons poursuivre sur ce quinquennat pour offrir de bonnes conditions à nos étudiants. S'agissant du sport et de la culture, auxquels la CVEC contribue, nous avons lancé avec le ministère des sports, France Universités, la CGE et la Cdefi un plan de programme dont le troisième axe concerne l'investissement dans les moyens sportifs. Nous travaillons avec les collectivités sur des solutions de mutualisation, en utilisant encore plus correctement les infrastructures sportives. Nous menons le même travail sur la culture.

Nous avons un grand plan de dévolution de l'immobilier dans le cadre de l'autonomie des établissements, majoritairement les établissements d'enseignement supérieur et les universités, les organismes de recherche étant peu concernés. Les investissements en faveur la transition énergétique représentent 1,2 milliard d'euros pour les établissements d'enseignement supérieur entre 2021 et 2022. Les établissements ont été en capacité de réaliser des travaux dans des calendriers très courts, en particulier pour de la rénovation thermique. Des contrats de plan État-région (CPER) sont en outre dotés, entre 2021 et 2027, de 2,4 milliards d'euros pour l'enseignement supérieur, dont ces 1,2 milliard d'euros. Je vous ai également parlé des programmes et des études que nous conduisons avec les établissements qui ont des plans d'investissement sur leur fonds de roulement. Nous allons identifier des priorités de rénovation des bâtiments, en particulier pour la rénovation thermique et énergétique.

Je vous rejoins sur les constats de l'OST et l'objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche, aussi bien publique que privée. Le CIR est aussi un moyen d'y parvenir. Ce n'est pas un investissement en dehors de la R&D, puisque sur 3 %, 2 % correspondent à de la R&D privée. Ces constats ont présidé à la LPR, qui doit poursuivre sa trajectoire. Nous allons vous en présenter un bilan, qui sera accompagné de propositions.

S'agissant de la trajectoire LPR des emplois, le protocole d'accord touche les salaires et les indemnités de nos collègues, donc le sujet de l'attractivité. Je vous confirme que les crédits qui ont été ouverts et exécutés sur les programmes 150 et 166 ont respecté la trajectoire budgétaire de la LPR, avec cette nouvelle marge de 468 millions d'euros exécutée l'an dernier. Nous allons poursuivre la démarche en 2023.

Les mesures indemnitaires prévues par le protocole représentaient 184 millions d'euros et 2 000 promotions proposées aux agents en 2022, avec 772 promotions de maîtres de conférences et ce que nous avons appelé le repyramidage pour les maîtres de conférences, mais aussi pour les agents administratifs et techniques. Les chaires de professeurs juniors, au nombre de 157, ainsi que 447 contrats doctorants ont été réalisés. Les chaires de professeurs juniors ont été, pour 2021, ouvertes très tard. Nous avons ainsi un taux d'exécution de 70 % sur les chaires des professeurs juniors sur 2021 et 2022, mais ces chaires qui n'ont pas été pourvues sont remises au recrutement en 2023. Les problématiques que nous avons connues ne devraient pas se reproduire et nous atteindrons, en 2023, la trajectoire prévue. Par ailleurs, nous avons réalisé un bilan que nous avons présenté aux organisations syndicales dans le cadre du comité de suivi. Plus de 50 % des recrutés sur ces chaires de professeurs juniors viennent de l'étranger. À titre de comparaison, nous recrutons de l'étranger moins de 15 % des postes de professeurs.

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Je souhaiterais vous poser une question complémentaire sur la réquisition des logements Crous pendant les Jeux olympiques, que je trouve très contestable. Il a été dit que les Jeux devaient être ouverts à la population et je ne vois pas comment les étudiants, qui seraient obligés d'en partir, pourraient y assister.

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Sylvie Retailleau, ministre

Je vous rejoins quant au fait que les étudiants qui décideraient de rester pendant l'été ne doivent pas être obligés de partir. Sur la région parisienne, 7 000 logements sont vidés chaque année. 3 000 logements seront en l'occurrence utilisés pour les Jeux olympiques, et ils sont regroupés sur quelques cités universitaires. Si l'étudiant quitte son logement, nous lui assurerons exceptionnellement de le retrouver l'année suivante. S'il a besoin d'y rester, nous lui assurerons un relogement dans une cité universitaire proche au même prix. Nous avons par ailleurs déployé 20 000 tickets pour faire participer gratuitement nos étudiants aux Jeux olympiques. Bien sûr, les étudiants qui devront se déplacer d'une résidence à une résidence voisine pendant l'été pourront bénéficier en priorité de l'accès à ces Jeux olympiques avec ces 20 000 tickets que nous mettons à leur disposition gratuitement. Les étudiants ont été avertis de l'identification de ces résidences pour pouvoir s'organiser et nous les accompagnerons dans le déplacement d'une résidence à une autre résidence voisine dans la région parisienne, au même prix, avec l'assurance de retrouver une chambre universitaire à la rentrée.

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Vous vous inquiétez du fait que l'on puisse laisser les étudiants seuls face à l'inflation. Le prix du repas à un euro reste à un euro. Le prix du repas à 3,30 euros reste également inchangé. Les logements étudiants n'ont pas vu leur loyer revalorisé et dans le même temps, les bourses augmentent de 6 %. Je considère pour ma part que la protection des étudiants contre l'inflation est bien effective.

J'ai également étudié la question de la sous-exécution des bourses. Il s'agit de 130 millions d'euros sur 2,3 milliards d'euros, soit une bonne exécution de 94 % qui révèle aussi, au-delà des effets de seuil, la difficulté de la prévision. Il ne s'agit pas d'un cas de sous-exécution massive.

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Sylvie Retailleau, ministre

Je souhaite répondre à la question de Marina Ferrari au sujet de l'université Savoie Mont-Blanc. Sa situation financière est très saine. Nous avons salué cette bonne gestion. Nous avons consenti un effort de rattrapage important sur la SCSP, avec une augmentation de 12 % entre 2017 et 2022 par rapport à sa trajectoire classique. Nous resterons attentifs à cette université, que nous allons revoir dans le cadre des contrats d'objectifs, de moyens et de performance de deuxième ou troisième vague.

La commission en vient à la discussion sur la thématique d'évaluation : Recherche polaire.

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Je scinderai mon propos en trois parties. J'évoquerai d'abord brièvement les enjeux de la recherche polaire. J'exposerai ensuite les divers financements, les acteurs qui concourent à cette recherche et les leçons que j'ai tirées de mes auditions. J'exprimerai enfin les besoins que j'ai identifiés afin de relancer la recherche polaire.

Commençons par rappeler brièvement les enjeux de la recherche polaire. Le premier réside dans son apport à l'appréhension du changement climatique, que l'étude des calottes glaciaires a permis d'identifier. Les changements climatiques peuvent d'autant mieux être étudiés aux pôles qu'ils y sont exacerbés. La recherche polaire couvre également d'autres domaines très divers. Diverses catastrophes naturelles y sont surveillées. Les sciences humaines et sociales y sont étudiées. La résilience de l'homme face à des conditions extrêmes similaires à celles de l'espace peut y être évaluée. La recherche polaire favorise enfin la coopération entre les nations. Au-delà des rapprochements entre chercheurs et chercheurs des différentes nationalités sur le terrain, les enjeux des pôles communs à toute l'humanité justifient une gouvernance unique par son caractère multilatéral.

Je vais maintenant vous exposer les divers acteurs et financements concourant à la recherche polaire dans notre pays.

L'institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEVIPEV) est l'agence de moyens permettant la mise en œuvre des projets de recherche polaire. Il ne s'agit ainsi pas d'un organisme de recherche. Son rôle consiste à coordonner les missions de recherche et veiller à ce qu'elles se déroulent correctement, grâce à son appui logistique et son expertise technique.

L'IPEV souffre d'un sous-financement chronique. Sa principale ressource est la subvention pour charges de service public, inférieure à 15 millions d'euros chaque année. Ce montant, qui était déjà insuffisant, l'est d'autant plus que l'Institut est confronté à des surcoûts importants du fait d'un cumul de crises : les contraintes de la crise sanitaire puis la crise énergétique ont cumulé leurs effets, ce qui a justifié, à mon initiative et à celle d'autres députés, une dotation exceptionnelle de 3 millions d'euros pour 2023. Cette dotation était indispensable, mais doit être pérennisée.

L'IPEV souffre également d'un déficit de personnel. Malgré les augmentations du plafond d'emploi qui lui ont été accordées ces dernières années, la situation demeure tendue. Ces sous-effectifs ont affecté la qualité des conditions de travail des personnels, même si les renforcements d'emplois sous plafond de ces dernières années ont amélioré la situation. Surtout, ces sous-effectifs ont pu menacer la sécurité sur le terrain des personnels de l'IPEV et des scientifiques.

En plus de ce sous-financement, l'Institut souffre de la relation difficile qu'il entretient avec les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Ces dernières sont en effet chargées du maintien de la sécurité et du respect de l'ordre public. Les personnels de l'IPEV et les chercheurs ont exprimé le sentiment que les TAAF pratiquent une forme d'ingérence dans leurs activités de recherche au nom de leurs missions de sécurité, ce qui se traduit au quotidien par des multiples tensions et des querelles significatives sur des sujets comme le plan de couchage, l'organisation des activités de recherche ou même la consommation d'alcool, ce qui est vécu comme une frustration et une infantilisation par l'IPEV. Les textes régissant les relations entre les TAAF et l'IPEV gagneraient donc à être clarifiés.

Signalons également que la recherche polaire bénéficie de financements via les appels à projets de l'Agence nationale de la recherche et du plan Investir pour la France de 2030, pour un total de 61 millions d'euros depuis 2017.

Concernant la coopération européenne et internationale en matière de recherche polaire, l'IPEV conduit des partenariats avec de nombreux pays. Il gère notamment, conjointement avec l'Allemagne, la station de recherche AWIPEV en Norvège. De plus, certains projets soutenus par l'IPEV bénéficient de financements européens pour un montant compris entre 200 000 et un million d'euros par an. Enfin, l'Union européenne finance des projets de recherche arctique pour des sommes qui auraient représenté environ 200 millions d'euros pour la période 2013-2020. La transparence et la lisibilité de ces financements gagneraient à être améliorées. L'agression de l'Ukraine par la Russie a complexifié le cadre de la coopération internationale. Certains projets de recherche impliquant la Russie ont dû être annulés, tandis que les instances de coopération internationale sont entravées dans leur fonctionnement quotidien.

Ma dernière partie est consacrée aux moyens que j'ai identifiés pour pérenniser et relancer la recherche polaire. Par rapport à d'autres pays, les moyens consacrés par la France à la recherche polaire sont particulièrement faibles. Les moins de 20 millions d'euros de subventions à l'IPEV peuvent être comparés aux 160 millions d'euros consacrés par l'Allemagne à l'homologue allemand de l'IPEV, le gouvernement allemand ayant de surcroît annoncé investir dans un nouveau brise-glace pour pas moins d'un milliard d'euros. Si les personnels de l'IPEV parviennent à maintenir le rang de la France dans la recherche polaire malgré ce manque de moyens, il s'agit d'un miracle qui ne s'éternisera pas. Il y a donc urgence à donner des moyens suffisants dans la durée à la recherche polaire.

Au regard de l'importance des enjeux qui y sont attachés, je considère aussi qu'il faut accroître la visibilité de la recherche polaire. Je développe pour ce faire plusieurs propositions dans mon rapport : consacrer un orange budgétaire à la recherche polaire ou à défaut, consacrer une partie du jaune budgétaire aux politiques nationales de recherche et de formation supérieure à la recherche polaire ; examiner un projet ou une proposition de loi de programmation de la recherche polaire en début de chaque législature. Les montants à consacrer en la matière demeurent modestes eu égard aux enjeux considérables, de l'ordre de 400 à 800 millions d'euros au total d'ici à 2030. La visibilité culturelle de la recherche polaire doit également être accrue. Une politique éducative et culturelle volontariste pourrait utilement sensibiliser les citoyennes et les citoyens aux enjeux en la matière. Sous réserve que les moyens nécessaires, financiers et humains lui soient affectés, l'IPEV pourrait se voir doté d'un rôle d'interface entre les scientifiques, les acteurs polaires et la société civile.

Les stations nécessitent une rénovation urgente. La station Dumont-d'Urville est située sur les côtes du continent antarctique. Elle permet de conduire des recherches sur la biodiversité et de mener des observations de l'atmosphère. Elle est une base logistique pour la station Concordia implantée à l'intérieur du continent. De nombreux rapports ont mis en évidence la nécessité de rénover la station Dumont-d'Urville, l'un d'entre eux la qualifiant même de « suite désorganisée de bâtiments délabrés ». Si cette expression ne semble heureusement plus d'actualité, des besoins importants demeurent, évalués entre 70 et 130 millions d'euros. Sa reconstruction pourrait être envisagée, notamment pour diminuer son empreinte écologique et énergétique.

La station Concordia est gérée conjointement par l'IPEV et son homologue italien. Située à près de 1 000 kilomètres des côtes, elle bénéficie d'une situation géographique unique qui la rend adaptée pour les travaux d'astronomie et pour évaluer la survie de l'homme en milieu extrême, dans des conditions qui se rapprochent de potentielles missions spatiales vers mars. Une rénovation de la station Concordia est nécessaire. Elle a été chiffrée à 34 millions d'euros sur dix ans, dont 15 millions d'euros pour la France. L'opportunité de maintenir la station ouverte sur le long terme est cependant questionnée par le ministère chargé de la recherche.

Je termine cette présentation en évoquant la flotte. L'Astrolabe est l'unique brise-glace public français. Il n'est toutefois pas affecté à des missions scientifiques, mais à des missions logistiques, les équipements scientifiques déployés à bord étant insuffisants. En raison de cette absence de brise-glace scientifique, les chercheurs français doivent s'associer à des projets émanant d'autres nations et bénéficient d'un temps limité. Il existe un brise-glace privé, le Commandant-Charcot. Il ressort cependant des auditions et de mes analyses que ce brise-glace, dont l'impact environnemental n'est par ailleurs pas négligeable, n'est pas du tout adapté aux chercheurs qu'il accueille de manière marginale. Ce navire doté de la climatisation pour aller au Pôle Nord compterait autant de chercheurs que de jacuzzi. Il s'agit d'écoblanchiment plutôt que d'une solution pour relancer la recherche polaire française, qui a besoin d'un brise-glace public.

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Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le rapporteur spécial les recherches menées par la France et d'autres pays en milieu polaire, arctique, antarctique et dans les îles subantarctiques, sont essentielles. Ces recherches mobilisent plusieurs champs disciplinaires, en physique, étude de la cryosphère, en océanographie, glaciologie, écologie, mais aussi en sciences humaines et sociales. Elles fournissent des informations cruciales sur les enjeux globaux relatifs au rôle moteur des pôles dans la dynamique du climat, mais aussi sur l'adaptation dans les conditions extrêmes.

Quelques éléments issus d'une analyse bibliographique récente me paraissent importants à rappeler pour positionner ce champ de recherche, qui est pluridisciplinaire. Cette analyse montre qu'en dix ans, plus de 6 000 personnes rattachées à un laboratoire français ont été mobilisées, dont plus de 600 émargent régulièrement sur les publications en lien avec ces pôles. La recherche française portant sur les milieux polaires est portée en priorité par le CNRS en tant que troisième institution contributrice mondiale. Il représente 75 % des contributions françaises. L'IRD représente la deuxième contributrice française. Le réseau des universités de recherche française, Udice, est le quatrième contributeur mondial. La France, au total, est le huitième contributeur mondial, derrière quatre pays arctiques, deux pays nordiques, mais aussi la Chine.

Le ministère, en tant que tutelle principale, soutient fortement ceux dont les missions sont d'apporter logistique et soutien à ces nombreux chercheurs sur ces différentes implantations. Vous l'avez dit, l'IPEV n'est pas un organisme de recherche. Mon ministère assure donc le financement principal de l'IPEV. Il suit de très près sa mission et les moyens qui lui sont affectés. Il soutient effectivement les études actuellement menées quant à la rénovation de la station Dumont-d'Urville en Terre Adélie, mais aussi le devenir de la station franco-italienne de Concordia située à 1 000 kilomètres de Dumont-d'Urville. Je rappelle que mon ministère, en complément de la subvention qui est versée chaque année à l'IPEV, a effectivement apporté un soutien supplémentaire aussi bien humain que financier ces dernières années. Je voudrais rappeler le total de onze équivalents temps plein (ETP) supplémentaires entre 2021 et 2023 et plus de 7 millions d'euros d'investissements sur la période 2020-2023 pour ces études techniques visant à préparer cette rénovation de la station Dumont-d'Urville. Un des ETP recrutés vise d'ailleurs actuellement à affiner les coûts prévus pour la rénovation de cette station.

Par ailleurs, je suis aussi attentive à la situation actuelle de l'IPEV qui, malgré une amélioration récente, demeure fragilisé. C'est la raison pour laquelle j'avais lancé deux missions dont les résultats sont attendus prochainement. Une de ces deux missions est confiée au président du CNRS et de l'Ifremer et porte sur un possible adossement de l'IPEV à l'un de ces deux organismes. Cet adossement viendrait à terme apporter une plus grande stabilité et des facilités de fonctionnement par la mutualisation des services, tout en maintenant la souplesse du fonctionnement actuel. La deuxième mission est conduite conjointement par l'IGA et l'IGESR et a pour objectif de clarifier les responsabilités respectives des TAAF et de l'IPEV sur un plan opérationnel.

Pour terminer, j'aimerais rappeler ce qui guide mon ministère dans l'attribution de ces moyens à destination des groupements et infrastructures de recherche : contribuer à soutenir des recherches qui doivent rester ouvertes et de qualité sur tous les domaines et dans tous les milieux. Cela est vrai pour l'IPEV, qui contribue aux recherches sur les milieux polaires, comme ce soutien constant et attentif en témoigne.

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La question de la recherche polaire française bénéficie d'un soutien transpartisan à l'Assemblée. Un colloque récent a eu lieu, coanimé par Jimmy Pahun et Clémence Guetté, avec de nombreux acteurs de la recherche polaire. Comme vous le savez, des cris d'alarme justifiés ont été soulevés, notamment de l'IPEV il y a maintenant deux ans, sur la situation d'un pays qui est en théorie un des grands pays de la recherche polaire historiquement et au regard de sa présence en Antarctique, et qui n'a pas aujourd'hui les moyens de cette recherche polaire. Cela ne date pas de ce gouvernement mais cela ne peut pas durer. Les comparaisons qui ont été faites avec l'Allemagne sont parlantes.

Lors de la dernière discussion budgétaire, nous avions pu gagner quelques embauches de chercheurs pour l'IPEV, mais ces amendements conduisaient à choisir entre cette mesure et des équipements en matériels suffisants. J'entends vos propos, mais il sera nécessaire d'accélérer la démarche d'ici 2030. Je rappelle que les accords de Madrid, qui reconnaissent l'Antarctique comme une terre de paix dédiée à la science, dans lesquels la France a eu un poids très important, avec Michel Rocard, seront bientôt renouvelés. Il faut une France forte dans la recherche polaire eu égard à nos ambitions en la matière.

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Nous sommes reconnaissants du choix de ce thème et souhaitons souligner les enjeux qui y sont attachés, c'est-à-dire la recherche climatique, les enjeux éventuels d'exploration de Mars et, par votre comparaison des dépenses avec l'Allemagne, des enjeux géopolitiques non exprimés, mais qui sont présents à notre esprit. Nous nous souvenons de l'immense passion française pour ces découvertes maritimes lointaines.

Vous avez rappelé, Madame la ministre, que onze ETP supplémentaires avaient été affectés et que des investissements de 7 millions d'euros avaient été consentis, mais comme le souligne le rapporteur spécial, un déficit de plus de 3 millions d'euros est constaté, dans un cadre non seulement de crise énergétique dont nous avons déjà parlé sur d'autres aspects, mais aussi de problèmes de coopération internationale en raison de l'actualité géopolitique et d'un manque de soutien sur le brise-glace. Vous soulignez enfin le sujet de la relation avec les Terres australes et antarctiques françaises. Dans ce contexte, quelles sont les perspectives d'investissement, notamment de la part du ministère des affaires étrangères ?

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Je tiens d'abord à saluer le choix de la thématique, qui permet de mettre en lumière des missions méconnues dans la France du bout du monde. Comme Monsieur le rapporteur spécial nous l'a présenté, la Terre Adélie est administrée conjointement par les Terres australes et antarctiques françaises et l'IPEV, depuis la base Dumont-d'Urville. Le rapport met en lumière des difficultés conjoncturelles entre l'administration des TAAF et l'IPEV. Ces difficultés sont regrettables, mais elles ne doivent pas remettre en cause ce partenariat profond et historique entre ces deux organismes. Le rôle des TAAF reste indispensable dans la gestion de la Terre Adélie, dans la mesure où ce territoire est propriétaire de l'Astrolabe, navire polaire armé par la Marine nationale et effectuant le ravitaillement de la base Dumont-d'Urville. Par ailleurs, seules les TAAF ont la surface financière suffisante et la connaissance logistique pour l'acquisition et la gestion d'un nouveau brise-glace, comme l'appelle de ses vœux le rapporteur.

Ma question à Madame la ministre porte sur la concurrence des grandes puissances, notamment de la Chine, sur l'Antarctique. L'Antarctique regorge de ressources minières et d'hydrocarbures très convoités et protégés jusqu'en 2048 par un statut juridique international unique en son genre, qui permet de geler les revendications territoriales des grandes nations. L'institut de recherche polaire chinois mène des recherches poussées sur le potentiel en hydrocarbures, de même que la Russie. Sous couvert de science, la Chine investit massivement en Antarctique, pousse ses pions et vient de construire sa cinquième base. La France n'en a qu'une seule, doublée d'une station franco-italienne. Cette offensive récente intervient alors que la Chine est arrivée sur le tard en Antarctique. Elle ne fait pas partie des pays qui ont revendiqué la possession d'une partie du continent par le traité de 1957. Ma question est la suivante : dans quelle mesure la France tient-elle compte de l'offensive chinoise relativement récente en Antarctique ? Comment se prépare-t-on en France à l'expiration du traité de l'Antarctique en 2048 du point de vue des revendications territoriales ?

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Merci, monsieur le député Bouloux, pour avoir mis en avant cet enjeu crucial de la question de la recherche polaire. Dans son dernier rapport, le GIEC soulignait l'importance de ce sujet, notamment lié au risque de la fonte des glaces, mais également au fait que l'océan austral soit la principale pompe à chaleur de notre planète, un puits de gaz carbonique très important et une réserve de biodiversité dont tout le monde connaît l'importance.

Madame la ministre, nous sommes au début d'une nouvelle aventure polaire puisqu'en avril 2022, Olivier Poivre d'Arvor, ambassadeur chargé des pôles et des affaires maritimes, a dévoilé la stratégie polaire de la France à l'horizon 2030, dont le titre est « Équilibrer les extrêmes ». Ce plan comprend des mesures très importantes : une augmentation des effectifs, passant de 320 à 500 d'ici 2030, un triplement des moyens financiers accordés à la recherche en Arctique, alors qu'aujourd'hui 90 % de nos moyens de recherche se concentrent plutôt sur l'Antarctique, l'installation d'une nouvelle base scientifique au Groenland et la rénovation des deux stations en Antarctique qui ont été évoquées par le rapporteur, Dumont-d'Urville pour 60 millions d'euros d'investissements et Concordia en collaboration avec l'Italie pour 30 millions d'euros d'investissements, et enfin le projet de construction d'un nouveau navire océanographique adapté, pour 35 millions d'euros. Madame la ministre, pourriez-vous nous proposer un panorama global du lancement de ce plan et des enjeux financiers qui correspondent à votre ministère sur le sujet ?

Enfin, sur une portée plus internationale, la Russie présidait le conseil de l'Arctique jusqu'en mai 2023. Du fait de la guerre en Ukraine, les travaux ont été suspendus. Ont-ils repris ?

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À la suite des alertes soulevées par l'IPEV, Monsieur le rapporteur spécial, nous vous remercions d'avoir décidé d'approfondir cette thématique. La recherche polaire est en effet fondamentale pour comprendre le réchauffement climatique. Elle présente également de nombreux autres enjeux surprenants en matière d'anticipation des catastrophes naturelles ou de préparation des explorations spatiales par exemple.

Cette recherche polaire est, en France, permise par l'IPEV, dont le personnel effectue un travail remarquable. Leur travail est d'autant plus admirable qu'ils l'accomplissent malgré des moyens insuffisants et particulièrement faibles en comparaison de ceux des autres nations, ce qui a pu mettre en péril leur sécurité. À ce manque de moyens s'ajoute un autre problème, lié à la répartition floue des compétences entre l'IPEV et les TAAF, qui sape le moral des personnels sur le terrain et perturbe le bon déroulement des activités de recherche.

D'autres financements complètent certes ceux mis en œuvre par l'IPEV, les financements sur projet et les financements européens, mais il serait nécessaire d'en améliorer la lisibilité et la transparence : augmentation de la subvention à l'IPEV, rénovation des stations Dumont-d'Urville et Concordia, acquisition d'un nouveau brise-glace, etc. Il est donc essentiel de renforcer les moyens consacrés à la recherche polaire, tant à court terme qu'à plus long terme. Pour autant, les moyens concernés demeurent modestes : moins d'un milliard d'euros jusqu'à 2030. Madame la ministre, le recours aux financements privés n'est pas une solution au désinvestissement de l'État. Avez-vous donc une trajectoire financière plus ambitieuse à proposer, qui serait en mesure de répondre aux nombreux enjeux de la recherche polaire ?

Un aspect que le rapporteur spécial a souligné me semble essentiel, celui d'une meilleure compréhension du réchauffement climatique et d'une visibilité culturelle de la recherche polaire. Comment comptez-vous, Madame la ministre, travailler avec vos collègues pour mettre en place une politique éducative et culturelle volontariste afin de sensibiliser les citoyens à tous ces enjeux ?

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Sylvie Retailleau, ministre

Premièrement, je voudrais préciser que pour 2022, en sus de la subvention qui est prévue en programmation initiale de 15 millions d'euros, le ministère a versé en gestion 3 millions d'euros à l'IPEV pour répondre à des besoins conjoncturels liés à l'énergie, aux matières premières, aux carburants, aux problèmes de fret, etc. Compte tenu de ce complément de subvention de 3 millions d'euros, la soutenabilité de l'opérateur pour 2022 n'a pas donné lieu à une alerte à ce stade. Il a ainsi pu subvenir à ses besoins et à ses missions.

Pour 2023, la subvention qui est prévue pour l'IPEV est constituée d'une part de la subvention de charges pour service public de 15 millions d'euros, qui incluent 5,5 millions d'euros pour la station Concordia, et d'autre part d'une dotation en fonds propres de 5 millions d'euros qui complète un premier versement de 2022. Ce financement représentera donc un total de 20 millions d'euros en 2023.

S'agissant ensuite de la stratégie polaire à horizon 2030, le premier point est relatif à la rénovation de nos stations. La présence de la France dans les pôles doit être assurée. Nous avons à ce sujet engagé une étude, qui permettra de finaliser le coût de la rénovation de Dumont-d'Urville. Nous devrons ensuite élaborer un plan de financement. S'agissant du financement de la rénovation de Concordia, nous devrons avoir une discussion avec nos partenaires italiens.

Concernant la présence d'autres pays, je suis en contact étroit avec la ministre allemande sur de nombreux sujets, en particulier celui de la recherche aux pôles. J'ai fait une mission récemment au Canada et je reviens du Japon. Avec ces trois pays, nous pouvons mener une politique polaire. Nous sommes en discussion. Nous avons au Canada et au Japon des laboratoires communs dans lesquels l'Ifremer conduit des missions. Pour le brise-glace, nous ne devons pas être seuls. Il s'agit d'investissements très forts.

Nous nous soucions également du verdissement de nos flottes et de leur utilisation optimale. Nos chercheurs ont l'habitude de travailler en collaboration. Ce n'est pas une charge, mais une valeur ajoutée. Le Canada a décidé de ne pas avoir de brise-glace pour l'instant. Le Japon y réfléchit. Je pense qu'il est important de se rassembler pour l'optimisation de l'utilisation de ces bateaux et de ces brise-glaces pour conduire les missions nécessaires au niveau de nos pôles.

Je vous rappelle qu'au niveau scientifique, nous pourrions ajouter l'investissement à l'Ifremer, dont le CNRS est le premier contributeur scientifique. L'Italie a un investissement de 18 millions d'euros par an et l'Allemagne un investissement de 53 millions d'euros, qui est toutefois consolidé au niveau de l'Alfred Wegener Institute. Cet effort de recherche global sur lequel nous travaillons porte donc à la fois sur l'effort financier sur les rénovations et sur la réorganisation de l'ensemble des acteurs, en vue d'une clarification des périmètres.

Je voudrais à nouveau m'associer à vos remerciements, car il s'agit d'un point important sur la recherche du futur, le climat et les enjeux de la recherche, sur lequel nous serons vigilants et nous aurons une trajectoire à la fois financière et scientifique à vous proposer.

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Sur un tel sujet nous pouvons dégager un consensus autour d'un travail transpartisan. Nous avons besoin d'une approche pluriannuelle, pour une visibilité qui permettra de développer des carrières pour les personnes qui s'impliquent dans ce domaine.

La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial.

La commission en vient à la discussion sur la thématique d'évaluation : La restauration étudiante.

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Le sujet revient régulièrement dans nos débats : une partie des étudiants français rencontre de grandes difficultés financières qui peuvent les conduire vers une précarité alimentaire qui nous est insupportable. Garantir l'accès des étudiants à une alimentation saine et équilibrée à un tarif modéré est un objectif majeur de la politique publique de soutien à la vie étudiante. J'ai choisi ce thème d'évaluation pour tenter de mesurer l'ampleur et l'efficacité de la politique de soutien à la restauration étudiante.

Je ne peux pas laisser quiconque affirmer que l'État n'agit pas pour soutenir le pouvoir d'achat des étudiants et améliorer leurs conditions de vie. Ce sont plusieurs milliards d'euros qui financent chaque année une grande diversité de mesures visant à permettre aux étudiants de s'alimenter correctement. Je rappelle que nous consacrons plus de 3 milliards d'euros à la vie étudiante et que ce montant est en augmentation de 5,7 % par rapport à l'année précédente.

J'ai d'abord souhaité appréhender concrètement la réalité du phénomène de la précarité alimentaire des étudiants. Les étudiants ne constituent pas une population homogène d'un point de vue économique et social, selon qu'ils sont soutenus ou non par leurs familles, qu'ils soient titulaires d'une bourse sur critères sociaux ou qu'ils exercent en parallèle de leurs études, une activité rémunérée. Leur niveau de ressources est très variable. Par ailleurs, des facteurs contribuent à l'aggravation des difficultés financières d'une partie des étudiants, par exemple, le fait de ne pas résider chez ses parents ou le fait de réaliser ses études en Île-de-France. Les étudiants étrangers sont également très exposés à la précarité. De manière générale, environ un quart des étudiants rencontrent d'importantes difficultés financières, ponctuelles ou structurelles. Pour une partie d'entre eux, ces difficultés peuvent les conduire à réduire leurs dépenses d'alimentation. C'est alors qu'apparaît la précarité alimentaire. Le manque de ressources financières peut conduire les étudiants à manger moins ou à manger moins bien. Selon les travaux d'Olivier Galland, cela concernerait environ 10 % des étudiants.

Dans le cadre de ce travail d'évaluation, j'ai souhaité mesurer l'ampleur et l'efficacité du soutien apporté aux étudiants. Je constate que les services de restauration gérés par les Crous constituent un levier majeur de soutien à l'alimentation des étudiants. Ces services sont uniques en Europe. Si la France n'est pas le seul pays à proposer des repas subventionnés aux étudiants, puisque l'Allemagne et l'Italie le font aussi, c'est en tout cas le seul pays à proposer des tarifs aussi bas : 3,30 euros pour le repas au tarif social, un euro pour le tarif très social pour l'ensemble des étudiants boursiers et également ceux en précarité. En 2022, 18,7 millions de repas à un euro ont été servis, ainsi que 16 millions de repas à 3,30 euros, pour des repas complets équilibrés. Par ailleurs, en France, les tarifs pratiqués sont universels. Ils concernent tous les étudiants, quel que soit leur lieu d'études, à la différence par exemple de ce que l'on peut observer en Allemagne.

Par ailleurs, les services de restauration proposés par le réseau des œuvres ne sont pas la seule source de soutien aux dépenses d'alimentation des étudiants. L'État soutient en effet le pouvoir d'achat des étudiants au travers de nombreuses aides financières qui leur permettent de dépenser plus en faveur de leur alimentation.

En premier lieu, le financement des bourses sur critères sociaux représente 2,17 milliards d'euros. Leur montant a été revalorisé de 3,3 % entre 2019 et 2022, 4 % en 2022 et encore au mois de mars dernier.

Les étudiants peuvent également bénéficier d'aides d'urgence en cas de difficulté financière. En moyenne, près de 50 millions d'euros par an sont consacrés à ces aides ponctuelles ou structurelles.

Durant la crise alimentaire, les recettes en provenance de la CVEC ont également été mobilisées pour financer des actions de soutien en faveur des étudiants, notamment des chèques alimentaires. Cela représentait 48 millions d'euros entre mars 2020 et septembre 2021.

Enfin, les étudiants ont également bénéficié de plusieurs aides exceptionnelles depuis mars 2020 : aide financière de 200 euros pour les étudiants ultramarins restés en métropole et pour les étudiants ayant perdu leur emploi pendant le premier confinement., aide exceptionnelle de solidarité de 150 euros pour l'ensemble des étudiants boursiers pour 113 millions d'euros, indemnité inflation de 100 euros pour les étudiants boursiers, aide financière exceptionnelle de 100 euros à la rentrée 2022 avec 50 euros supplémentaires par enfant du bénéficiaire de l'aide (pour 60 millions d'euros).

Je note comme vous le développement du recours à l'aide alimentaire et l'émergence de nouveaux acteurs, mais je constate que l'État soutient largement les différentes associations qui cherchent à limiter ou réduire la précarité alimentaire des étudiants et plus largement des personnes en difficulté financière. Plus de 130 millions d'euros ont été ouverts en 2022 pour soutenir l'aide alimentaire. Pour 2023, le Gouvernement a créé un fonds pour une aide alimentaire durable doté de 60 millions d'euros. Il a ouvert une enveloppe exceptionnelle de 10 millions d'euros pour soutenir les associations qui agissent en faveur des étudiants les plus précaires.

J'en viens maintenant à mes recommandations, qui s'articulent autour de trois grandes orientations.

La première consiste à garantir l'accès de tous les étudiants à un service de restauration à tarif modéré. L'une des difficultés que j'ai identifiées concernant les services de restauration des Crous a trait au fait que tous les étudiants ne sont pas desservis par un point de vente. Pour y répondre, le ministère et les Crous ont engagé une politique de conventionnement efficace qui permet de donner accès aux étudiants isolés à des structures de restauration collective gérées par des collectivités territoriales, des établissements hospitaliers ou encore des associations, en contrepartie d'un financement du tarif social par le réseau des œuvres et de l'accès à la centrale d'achat du Cnous, qui est très performante. Malgré ces efforts, il resterait entre 16 000 et 18 000 étudiants non desservis par un service de restauration étudiante, soit 6 % des étudiants. Je sais que le ministère travaille d'ores et déjà sur cette question, notamment à la suite de l'adoption de la loi du 13 avril 2023. Je ne peux qu'encourager le ministère à poursuivre cette démarche qui doit permettre à terme à l'ensemble des étudiants de bénéficier d'un service de restauration à tarif modéré.

La deuxième orientation consiste à consolider le modèle économique du réseau des œuvres universitaires et scolaires. Le réseau des Crous est largement autofinancé par ces revenus d'activité, qui résultent de deux activités marchandes, la restauration et l'hébergement. La restauration est structurellement déficitaire en raison d'un prix de vente des repas. L'hébergement était excédentaire jusqu'en 2021 et permettait de compenser en partie le déficit résultant de l'activité de restauration. Toutefois, en raison du gel des loyers au sein des résidences universitaires gérées par les Crous et de l'augmentation du coût des fluides énergétiques depuis la fin de l'année 2021, l'activité d'hébergement est elle aussi devenue déficitaire. Sans revenir sur les nécessaires mesures de soutien au pouvoir d'achat que sont les repas à un euro et le gel des loyers dans les résidences universitaires, nous sommes obligés de constater que ces dernières ont déséquilibré le modèle économique du réseau des œuvres. Je recommande donc au ministère d'entamer une réflexion en concertation avec le ministère de l'économie et des finances, afin de restaurer structurellement les ressources du réseau des Crous et garantir sur le long terme leurs capacités d'investissement.

La troisième et dernière orientation consiste à poursuivre la réforme des bourses afin de remédier de manière plus structurelle à la précarité alimentaire des étudiants. Le système de bourses sur critères sociaux protège plutôt bien les étudiants qui en sont bénéficiaires. Une réforme de ce système est actuellement à l'œuvre pour mieux protéger et protéger plus d'étudiants. Madame la ministre vous avait présenté en mars dernier le premier volet de la réforme des bourses sur critères sociaux, qui se traduit par une revalorisation des bourses à hauteur de 37 euros par mois pour tous les échelons et par une augmentation à hauteur de 6 % des plafonds de ressources qui conditionnent l'attribution des bourses afin de rendre éligibles 35 000 étudiants supplémentaires. Je salue évidemment ces annonces et ces décisions. Je rappelle que c'est notamment le statut de boursier qui donne accès aux étudiants qui en ont besoin aux repas au tarif à un euro au sein des réseaux du Crous. Un deuxième volet doit être présenté pour la rentrée 2023, qui me semble nécessaire. Tous les étudiants qui en ont besoin doivent bénéficier du soutien de l'État.

Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur la poursuite de la revalorisation des bourses qui permettront de soutenir massivement les étudiants les plus précaires ?

Comment développer l'offre de restauration de manière plus large et limiter ce qui est qualifié de zone blanche afin de toucher tous les territoires pour lesquels sont présents les étudiants ?

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Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

En matière de restauration, effectivement, l'année qui vient de s'écouler a donné l'occasion d'opérer des transformations essentielles. Je tiens à rappeler que nous sommes le seul pays à offrir une cette offre de restauration publique équilibrée à tarification sociale pour tous nos étudiants. J'en suis très fière et je crois que nous pouvons l'être collectivement parce que je crois que cela apporte cette plus-value majeure pour nos jeunes. Nous conservons des capacités d'évolution pour renforcer encore ce service.

En matière de tarification, le dispositif de repas à tarification très sociale, dit repas à un euro, va être non seulement maintenu pour la rentrée, mais pérennisé pour les étudiants boursiers ainsi que pour les non-boursiers qui seraient en situation de précarité. Cette réponse, née pendant la crise sanitaire, apporte un soutien essentiel aux étudiants qui ont le moins de ressources financières. Je veillerai particulièrement à ce que l'accès à ce dispositif se fasse dans les meilleures conditions pour les non-boursiers précaires. Nous accompagnons le réseau des œuvres pour compenser la différence de prix entre la tarification sociale à 3,30 euros et la tarification très sociale à un euro. Cette compensation a eu lieu en 2022. Elle aura lieu en 2023. 43 millions d'euros ont ainsi été versés en 2022 pour 18,7 millions de repas à un euro servis.

Je tiens par ailleurs à rappeler que la réforme des bourses que j'ai engagée en vue de la rentrée qui vient devrait permettre à 35 000 étudiants supplémentaires de devenir boursiers, augmentant mécaniquement le nombre d'étudiants directement éligibles à la tarification très sociale et diminuant vraisemblablement une fraction non négligeable des étudiants en situation de précarité non boursiers qui avait recours au dispositif.

Par ailleurs, au-delà des 750 points de vente de Crous, cette tarification est proposée dans plus de 170 points de vente conventionnés avec les Crous. Ces conventions sont nées d'un besoin identifié : améliorer le maillage territorial pour lutter contre les zones blanches. 5,5 millions d'euros ont été engagés l'an dernier pour financer ces conventions, dont la sécurité juridique a été confortée avec la loi du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une restauration à tarif modéré. Avant l'adoption de cette loi, nous avions déjà augmenté le budget prévu pour 2023 pour ces conventions de 33 %, afin de sécuriser ces conventions existantes dans le contexte de l'inflation, mais de permettre aussi leur développement.

Nous avons créé un autre levier d'engagement des collectivités et autres opérateurs pour renforcer les conventions : la possibilité qui leur est ouverte de bénéficier des marchés de la centrale d'achat des Crous. Cette mesure technique revêt un intérêt pour de nombreux opérateurs. La construction juridique du dispositif est en cours, mais plus largement, cette loi nous permet de travailler à de nouvelles solutions pour les étudiants situés en zone blanche, afin que chaque étudiant puisse accéder à une offre de restauration et une offre de restauration à un tarif modéré, car les Crous géreront ces conventions. Si l'impératif est partagé, je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous indiquer précisément les voies et les moyens d'application, car son entrée en vigueur soulève de nombreuses questions d'opérationnalité. Mes services travaillent activement à ce sujet, en étudiant les dispositifs comparables, notamment du côté de l'Agence de services et de paiements. Je ferai le maximum pour déployer des solutions opérationnelles dès le début 2024.

En parallèle, nous continuerons d'accompagner le réseau des œuvres universitaires et scolaires pour la qualité du service rendu en matière de restauration. Je rappelle que pour la première fois, nous avons mobilisé des moyens pour accompagner les Crous dans la mise en œuvre des objectifs Egalim qui s'imposent au réseau comme à l'ensemble des services de restauration collective. Face à l'augmentation des prix de l'énergie, nous avons également mobilisé 20 millions d'euros pour leur permettre de surmonter cet enjeu, sans amoindrir la qualité du service rendu aux étudiants. Enfin, et je sais que la représentation nationale y est sensible, nous avons revalorisé les agents ouvriers des Crous régis par un quasi-statut, en particulier ceux des plus bas échelons, pour leur permettre d'avoir une revalorisation et d'accélérer leur carrière.

Je vous confirme, monsieur le rapporteur, cette poursuite de la réforme des bourses dans la concertation : dans ce cadre, nous allons revoir entièrement le modèle, afin de le rendre plus redistributif et plus juste. Nous allons l'appliquer au plus tard pour la rentrée 2025, en lien avec le ministère des solidarités et en cohérence avec la solidarité à la source.

Concernant le développement de l'offre, il s'agira soit d'augmenter prioritairement les conventionnements dans ces zones blanches, soit d'apporter à tout étudiant une possibilité de se restaurer dans ces zones blanches.

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Je vous remercie pour ce travail qui a le mérite de ne pas nier la réalité difficile des études, notamment en termes de précarité alimentaire. Il faut revaloriser encore davantage les bourses, même si l'augmentation du plafond des ressources en ce qui concerne l'attribution des bourses à hauteur de 6 % devrait rendre éligibles 35 000 étudiants supplémentaires.

Vous traitez à la fois la question alimentaire et celle de l'hébergement, qui sont effectivement liées. Tous les étudiants ne sont pas dans des résidences universitaires. Comme dans le logement social, il est nécessaire de consentir un effort bien plus accru en termes de construction de logements universitaires par rapport au développement du nombre d'étudiants. Par ailleurs, les étudiants qui ne sont pas en logement universitaire vivent de plein fouet la problématique du logement, notamment dans des centres urbains. Se pose également la question de la garantie pour obtenir une location ; il conviendrait de penser à une garantie universelle de l'État. Je relève également que la hausse des APL reste inférieure à l'inflation et intervient après une baisse au début du dernier quinquennat.

Plus globalement, au-delà des bourses, le statut des étudiants ne peut pas seulement être considéré par rapport au statut de leurs parents. Beaucoup d'étudiants ne sont pas boursiers, mais pour autant, vivent une situation précaire, doivent travailler. C'est la raison pour laquelle j'appuie l'idée d'un revenu d'autonomie étudiante qui permettrait de suivre des études sans avoir nécessairement recours à des petits emplois peu payés.

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Vous avez souligné que le sujet de la restauration s'inscrivait dans l'ensemble plus vaste qu'est l'amélioration des conditions de vie étudiante menée par le Gouvernement depuis déjà de nombreuses années. Ont été évoqués notamment la revalorisation des bourses de façon constante et accélérée au regard de la situation récente, les aides ponctuelles, le chèque alimentaire, les aides exceptionnelles, notamment aux boursiers, et enfin l'aide alimentaire, avec l'émergence de nouveaux acteurs. Pour ce qui concerne le sujet strictement budgétaire, nous avons donc deux chiffres à retenir : 51 millions d'euros de différentiel entre le coût complet du prix de revient du repas et les recettes ; 6 % d'étudiants potentiellement non desservis dans les zones blanches.

Ma première question porte sur les transports. Le dialogue entre les ministères et la SNCF sur les offres Ouigo, les TET ou les trains de nuit est-il suffisant ?

Ensuite, sur le taux de recours aux aides, problématique qui traverse l'ensemble du champ social, la question est de savoir si la présence des services sociaux, notamment d'assistantes sociales, dans les Crous est suffisante et si elle a suivi la mise en place de ces dispositifs massifs et qui ont montré une très grande efficacité.

Enfin, l'amélioration constante de la qualité des repas depuis la loi Egalim fait-elle l'objet d'un effort structurel suffisant de la part de l'État, de façon à faire en sorte que la subvention pour charges de service public soit à hauteur des ambitions du Gouvernement en la matière ?

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Je souhaite commencer mon intervention par un témoignage lu dans la presse : « La file d'attente devant les distributions alimentaires s'allonge. “C'est vrai que l'on a de plus en plus de nouveaux”, constate une des bénévoles de Cop1. “La demande de la part des étudiants ne fait qu'augmenter”, renchérit Inès El Houari, secrétaire général de l'association. On a ouvert une quatrième distribution alimentaire par semaine et malgré nos efforts, il y a encore des étudiants qui n'ont pas de quoi manger toutes les semaines. » » Beaucoup trop d'étudiants ne mangent pas à leur faim ou sautent des repas à cause de l'inflation des prix des denrées alimentaires. Dans votre rapport thématique, il est indiqué que le Gouvernement a débloqué une enveloppe exceptionnelle de 10 millions d'euros, soit le financement de 300 000 colis alimentaires pour soutenir des associations qui agissent en faveur des étudiants les plus précaires, comme Cop1. C'est sur ce recours à l'aide alimentaire que je souhaite vous interroger, madame la ministre. N'est-ce pas un aveu montrant les limites des Crous ? Comment se fait-il que des étudiants soient contraints à avoir recours à l'aide alimentaire ? Pourquoi les étudiants aidés par ces associations, dont je salue l'action par ailleurs, ne sont-ils pas aidés directement à travers une prise en charge des repas par le Crous ? Y a-t-il des études sur ce point précis ?

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Je salue le travail du rapporteur spécial. Nous partageons tous ces préoccupations en matière de précarité alimentaire des étudiants. Madame la ministre, tout d'abord, merci d'avoir rappelé la politique conduite en matière de restauration et d'avoir annoncé la pérennisation des repas à un euro pour les étudiants boursiers, une décision qui était fort attendue.

Dans son rapport, le député Cazenave fait état d'un objectif de lutte contre la précarité menstruelle. Nos étudiants rencontrent de grandes difficultés d'accès aux soins. Vous avez effleuré le sujet en annonçant un renfort de postes et une revalorisation des salaires. Auriez-vous un complément à nous apporter sur le sujet ?

Je partage les conclusions du rapporteur quant à la nécessité de déployer une offre de restauration collective pour les étudiants, puisque bien souvent, les files d'attente sont dans les endroits qui ne proposent pas de restauration collective accessible. Nous avons parlé du conventionnement, avec un budget en augmentation de 33 %, mais qu'en est-il de la production de restaurants universitaires ?

Enfin, vous l'avez rappelé, l'hébergement devient déficitaire du fait des nombreuses mesures de soutien qui ont été décidées. Monsieur le président, vous avez soulevé la question des Jeux olympiques. Sur certains territoires dits touristiques, nos logements étudiants se vident complètement l'été. Ne pourrions-nous pas les mettre à disposition, soit en tant qu'auberges de jeunesse, qui se traduiraient par des ressources complémentaires pour les établissements, soit pour le logement saisonnier, qui est une véritable problématique sur nos territoires ?

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Depuis plusieurs années, nous assistons à une explosion de la fréquentation des banques alimentaires par nos étudiants. La période du confinement a mis en lumière plus que jamais la grande précarité de nos jeunes. Le développement d'initiatives de solidarité étudiante en faveur de l'aide alimentaire, ainsi que les chiffres des Restos du Cœur sur la fréquentation étudiante, témoignent de la situation alarmante. En février dernier, je déposais une proposition de loi lors de la niche socialiste qui visait à étendre le repas Crous à un euro à tous les étudiants. Il aura manqué une voix pour que celle-ci soit adoptée, alors qu'elle aurait été tant utile. Aujourd'hui, le réseau des Crous n'apparaît pas comme suffisamment doté afin de permettre à tous les étudiants de manger à leur faim. Le réseau des œuvres doit être le rempart à la précarité alimentaire de nos étudiants. Or aujourd'hui, il ne peut être considéré comme tel.

Si les mesures de lutte contre la précarité étudiante vous apparaissent comme une dépense comptable, nous la voyons comme un investissement. En novembre dernier, nous considérions que l'investissement dans la restauration étudiante était insuffisant puisque celui-ci ne proposait pas le gel du tarif du repas à un euro pour tous les étudiants. Ainsi, madame la ministre, pouvez-vous nous transmettre les chiffres relatifs à la restauration universitaire entre janvier et mai 2023, à savoir la fréquentation des sites du réseau des œuvres ainsi que la répartition entre les tarifs boursiers et précaires et les tarifs pleins à 3,30 euros ? Une seule solution est envisageable : l'extension du repas Crous à un euro pour tous nos étudiants

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Sylvie Retailleau, ministre

Sur les problèmes d'accès au logement et de santé, depuis le 7 octobre dernier, j'ai lancé une concertation à la fois nationale et territoriale sur l'ensemble des questions de vie étudiante, en parallèle d'une mission de Richard Lioger visant à identifier les obstacles à l'augmentation du nombre de logements. Il y a un niveau national de responsabilité sur ces questions, mais aussi un autre niveau, notamment territorial. C'est en conciliant ces niveaux que nous arriverons à améliorer l'accès au logement.

Le Gouvernement avait déjà mis en place une garantie locative gratuite, Visale, par Action logement, à laquelle tout étudiant peut avoir accès. Ce sujet rejoint celui de l'information. Il s'agit de porter auprès des étudiants le message selon lequel ils doivent déposer leur demande d'accès aux bourses. S'ils n'y ont pas accès, des aides ponctuelles et annuelles permettent d'avoir accès au repas à un euro et à des aides complémentaires. Nous avons ainsi initié un travail sur l'information et le non-recours.

Je voudrais revenir sur le repas à un euro pour tous les étudiants. Nous souhaitons donner accès au repas à un euro à ceux qui en ont besoin. Je pense qu'il s'agit d'une politique de gauche, mais aussi d'une politique éducative. En effet, nous faisons face à des adultes, qui doivent comprendre ce qu'est une politique de solidarité. Nous devons pour cela combattre le non-recours et faciliter cet accès. Il y a en l'espèce des marges de progression. Nous devons réaliser un benchmark. Le cas du Danemark est souvent cité. Nous pourrons étudier les enquêtes de reconnaissance vis-à-vis de ce qu'apportent les aides aux jeunes Français et aux jeunes Danois. Nous avons une politique consistant à aider davantage ceux qui en ont besoin et à inculquer à nos jeunes cette notion de politique solidaire et d'un modèle social basé sur la solidarité.

En ce qui concerne les services sociaux et les assistantes sociales, nous avons atteint 250 postes, avec une augmentation sur ces deux dernières années de 70 ETP. Il y a eu en 2023 une augmentation de 40 ETP. Nous continuerons à accompagner le réseau des œuvres et les Crous pour accompagner ces étudiants précaires dans l'accès à toutes ces aides qui sont déjà disponibles. S'agissant de la loi Egalim, nous consacrons chaque année des sommes supplémentaires, en l'occurrence 4 millions d'euros en 2023.

S'agissant des associations, des aides accompagnent la plupart d'entre elles. Nous avons ajouté cette année 10 millions d'euros, qui ont été directement versés à des associations nationales Cop1 et dont une partie a été consacrée à des associations territoriales, à travers les Dreets.

Sur le sujet des zones blanches, nous sommes en train, avec le réseau des Crous, de mettre en place des conventions et des accès centrales d'achats du Crous et d'identifier les zones blanches. Les opérateurs de restauration collective peuvent nous permettre d'accueillir ces étudiants. Le déploiement généralisé de Crous ne constitue pas une utilisation de l'argent public raisonnable. En revanche, nous travaillons sur le fait d'utiliser les lieux de restauration existants et de permettre aux étudiants d'y déjeuner au même prix que dans les Crous. De même, la loi qui a été votée va permettre de mettre en œuvre d'autres processus qui n'existaient pas pour permettre de façon individuelle aux étudiants d'avoir accès à la restauration. Je souhaite également signaler l'exemple de la restauration du soir. Des Crous ouvrent le soir, mais selon une enquête cela ne représente que 3 % de leurs revenus ou de leur activité. Certains campus continueront d'assurer cette ouverture le soir. Avec d'autres campus, nous travaillons avec les Crous pour que les étudiants puissent, le midi, récupérer un repas qu'ils emporteraient le soir. Dans d'autres cas, les associations peuvent intervenir. Nous menons donc des actions pour donner accès à la restauration, à des prix sociaux du Crous, dans des zones blanches. Nous menons également un travail avec ces associations, dont l'action doit devenir plus limitée et rester complémentaire.

L'accès aux soins et la santé constituent un point capital. Nous avons fait évoluer les services de santé universitaires en services de santé étudiants. Ainsi, les étudiants qui sont dans une plus petite école ou un plus petit établissement auront accès à un service de santé dans une grande université. Des conventionnements permettront d'accompagner ces services de santé étudiants et de mettre à disposition des postes. Nous avons injecté en 2023 8,2 millions d'euros pour accompagner la création de ces services de santé et pour la revalorisation de postes. Nous avons également ajouté 80 postes de psychologues et ouvert de nouveaux centres. Nous accompagnons un centre créé par les trois universités de Lyon, notamment avec un aspect psychologique et psychiatrique. Nous continuerons de suivre les services de santé étudiants et à évaluer les besoins. Ces services de santé ne sont plus uniquement des services de prévention, mais il s'agit désormais de services de soins.

En ce qui concerne la mise à disposition des logements Crous, ce dispositif existe et est peu connu. Les logements Crous sont effectivement fortement vidés pendant l'été. Ils sont mis à disposition pendant cette période, avec des tarifs préférentiels pour les étudiants. Ils sont également ouverts à d'autres personnes. Nous travaillons à mieux faire connaître cette utilisation des Crous l'été.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'espère que ce travail permettra d'objectiver et d'éclairer le débat sur ce sujet qui a parfois enflammé notre hémicycle. Nous aurons mis en évidence que notre système est perfectible, mais qu'il est probablement un des systèmes les plus protecteurs en Europe.

La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de M. Thomas Cazenave, rapporteur spécial.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 21 heures

Présents. - M. Mickaël Bouloux, M. Thomas Cazenave, M. Jocelyn Dessigny, Mme Marina Ferrari, M. Emmanuel Lacresse, M. Emeric Salmon

Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Joël Giraud, Mme Karine Lebon

Assistaient également à la réunion. - Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Sophie Taillé-Polian