Je suis très heureuse d'être ici ce soir pour répondre à vos questions et vous présenter cette exécution 2022 des programmes budgétaires. Ce printemps de l'évaluation constitue un moment d'échange qui permet de prendre du recul sur l'emploi des crédits votés par le Parlement et sur les mesures concrètes des politiques qui sont conduites par le Gouvernement.
J'ai pris mes fonctions fin mai 2022 et ces sept premiers mois à la tête du ministère ont coïncidé avec une période de forte inflation et d'envolée des prix de l'énergie. Je souhaite d'abord évoquer les mesures que j'avais annoncées pour venir en aide aux étudiants, qui sont le cœur de ce ministère, et pour accompagner les établissements. Ces mesures se sont traduites par des dépenses importantes qui n'étaient pas budgétées initialement et qui ont nécessité l'ouverture de 360 millions d'euros de moyens nouveaux en fin de gestion, entre des dégels de réserves de précautions et des ouvertures en loi de finances rectificative. La priorité dans les premières semaines du quinquennat a été la préservation du pouvoir d'achat des étudiants. Cela s'est traduit à la rentrée universitaire 2022 par des mesures interministérielles et d'autres qui étaient plus spécifiques à mon ministère. Je voudrais distinguer tout d'abord un premier type de mesures qui concerne le maintien de tarifs inchangés sur les services les plus essentiels pour les étudiants malgré l'inflation, qu'il s'agisse des frais d'inscription universitaires, de la tarification sociale pour la restauration universitaire à un euro pour les boursiers et les étudiants précaires et 3,30 euros pour tous les autres étudiants, ou encore du gel des loyers en résidence universitaire. Ces trois mesures seront prolongées à la rentrée 2023, comme je l'ai annoncé. De même, le repas à un euro pour les étudiants boursiers et les étudiants précaires a été prolongé jusqu'à la rentrée 2023 et j'ai annoncé récemment sa pérennisation à la prochaine rentrée. Ces différentes mesures étaient nécessaires et justes pour les étudiants mais, bien sûr, elles ont un impact sur la situation financière des Crous à laquelle je suis attachée, mais aussi très vigilante. C'est pourquoi l'impact financier de ces gels de loyers a été compensé intégralement comme il l'a été depuis la crise sanitaire. C'est aussi pourquoi le coût de près de 20 millions de repas à un euro servis en 2022 a été à nouveau compensé à hauteur de 46 millions d'euros et le sera l'an prochain.
La deuxième série de mesures concerne les revalorisations des prestations versées aux étudiants. En 2022, les APL ont été revalorisées de 3,5 % et les bourses étudiantes sur critères sociaux de 4 %, portant au total à 7,4 % l'effort de revalorisation sur le quinquennat précédent. Enfin, la dernière mesure correspondait au versement d'une aide de solidarité exceptionnelle de 100 euros ainsi que de 50 euros par enfant à charge, à destination de 1,5 million d'étudiants boursiers ou bénéficiaires des APL. Sur le périmètre du programme 231 Vie étudiante, l'aide a bénéficié à 570 000 étudiants, pour un coût sur ce programme de 53,5 millions d'euros.
Réagir à ce contexte d'inflation supposait également d'accompagner les établissements et de leur donner de la visibilité pour faire face à la hausse de leurs dépenses de fonctionnement. J'ai ainsi pu annoncer un fonds de soutien de 275 millions d'euros à l'automne, ce qui a permis de redonner des marges financières à ces opérateurs afin d'entamer 2023 avec des capacités de réserve et de protéger leurs projets et leurs campagnes de recrutement. Dans le détail, 200 millions d'euros ont été prévus pour les universités, 55 millions d'euros pour les organismes de recherche et 20 millions d'euros pour le Crous. Des soutiens spécifiques ont été également apportés en gestion à certains opérateurs, notamment l'IPEVIPEV ou à l'Ifremer. À la fin de l'année 2022, les établissements relevant de mon ministère présentaient une situation financière saine qui leur permet d'affronter dans de bonnes conditions la hausse de leurs charges en 2023, d'autant qu'ils bénéficient par ailleurs des dispositifs transversaux mis en place par le Gouvernement, comme l'amortisseur électricité.
L'exécution budgétaire suppose toutefois, au-delà de la réaction aux aléas, de mettre en œuvre les priorités, la politique et les engagements du Gouvernement. L'année 2022 aura ainsi été l'occasion d'aller de l'avant sur les grands chantiers lancés pendant le précédent quinquennat. Je pense à la loi relative à l'orientation et à la réussite pour les étudiants de 2018, dont l'enveloppe a été portée à environ 160 millions d'euros en 2022, dont un peu plus de 100 millions d'euros pour aider les établissements à faire face à la hausse des effectifs en 2022. Je pense aussi à la loi de programmation de la recherche, dont l'année 2022 constituait la deuxième année de mise en œuvre. La trajectoire prévue a été pleinement respectée.
Sans entrer dans le détail de toutes les mesures, je peux notamment mettre en avant certaines mesures emblématiques qui ont eu un effet concret sur la vie de nos chercheurs : le versement d'une enveloppe de 184 millions d'euros pour les revalorisations indemnitaires, conformément à l'accord signé avec les organisations syndicales de mon ministère en 2020, des requalifications par le haut avec 2 000 promotions ou repyramidages selon de nouvelles modalités qui portent d'ailleurs déjà leurs fruits, en particulier en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la montée en puissance des moyens de l'Agence nationale de la recherche, ce qui permet d'améliorer le taux de succès des appels à projets, qui passe de 10 % en 2015 à 24 % en 2022, et des doctorants plus nombreux avec 449 recrutements de nouveaux contrats doctoraux mieux rémunérés, avec une augmentation à 2 044 euros bruts par mois pour tous les doctorants, à compter du début d'année 2023. Comme vous le savez, je n'étais pas satisfaite de cette mesure qui consistait à revaloriser uniquement le flux entrant des doctorants, surtout en cette période d'inflation. C'est pourquoi, en janvier 2023, tous les doctorants ont bénéficié d'un contrat doctoral avec une rémunération de base de 2 044 euros bruts par mois. Je peux également mentionner l'ouverture de 137 nouvelles chaires de professeurs juniors et des lauréats, qui a été effectuée sur 2021 et 2022.
L'année 2022 aura été marquée par d'autres réalisations importantes, notamment l'engagement de la totalité de l'enveloppe de 1,2 milliard d'euros prévue dans le cadre du plan de relance pour la rénovation des bâtiments des établissements d'enseignement supérieur, des organismes de recherche et des Crous.
Je ne saurais conclure ce propos sur l'exécution 2022 sans tâcher d'en tirer quelques enseignements. Un trait m'a frappé dans cette analyse du budget : la sous-consommation importante qui a été constatée sur les bourses sur critères sociaux par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Cet écart révèle une difficulté technique à prévoir cette dépense, alors que ni les effectifs de la rentrée à venir, ni a fortiori ceux de la rentrée de l'année suivante, ne sont connus lors de l'élaboration du projet de loi, qui plus est dans la sortie de crise liée à la covid-19. Toutefois, cette sous-consommation dit sans doute quelque chose de notre système de bourses. C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé en février dernier la première étape de la réforme des bourses et une série de mesures en faveur du pouvoir d'achat étudiant, qui représentent un engagement d'un demi-milliard d'euros sur le budget d'une année pleine, 2024. C'est l'aboutissement des concertations que j'ai lancées le 7 octobre dernier à la demande de Mme la Première ministre sur la vie étudiante dans toutes ses composantes. Sur le sujet spécifique des bourses, le constat était clair et partagé : notre système sur critères sociaux est efficace. Il est redistributif, mais présente des limites. Conformément aux orientations du Président de la République qui avait inscrit ce chantier dans la feuille de route de son second quinquennat, une attention particulière devait lui être accordée afin que le coût de la vie ne soit jamais une barrière aux études pour l'ensemble de nos étudiants. J'avais donc dressé une méthode et un calendrier, avec une première étape présentant des mesures pour la rentrée prochaine 2023 et une seconde étape à l'été pour donner les contours d'un modèle cible. Pour la rentrée prochaine, cette première étape de la réforme cible a atteint trois objectifs principaux : aider plus d'étudiants, les aider mieux et protéger les gains du travail des parents en mettant fin aux fameux effets de seuil. 35 000 étudiants vont devenir boursiers. De plus, pour eux, sur l'année, ces mesures représentent 1 400 euros de plus ainsi que les avantages associés au statut de boursier dont ils n'auraient pas bénéficié si les paramètres demeuraient inchangés. Le montant de la bourse augmentera pour tous les échelons de 37 euros par mois. J'ai beaucoup entendu le souhait que les bourses soient revalorisées sur l'inflation ; ces 37 euros correspondent d'une part à une revalorisation de 34 % pour le premier échelon et d'autre part à une augmentation à hauteur de l'inflation pour l'échelon le plus élevé. C'est la plus forte revalorisation depuis dix ans et elle concerne cette fois tous les étudiants boursiers. 140 000 étudiants boursiers actuels vont en outre basculer à un échelon de bourse supérieur, ce qui représente 20 % d'entre eux. Cela représente une augmentation pour eux de 66 à 127 euros par mois. C'est davantage de boursiers reclassés que lors de toutes les précédentes réformes. Enfin, nous neutralisons dès cette année les fameux effets de seuil en attendant de les supprimer définitivement. Ainsi, à la rentrée 2023, aucun étudiant ne verra sa bourse diminuer d'un montant supérieur à l'augmentation des revenus de ses parents. En complément, nous pérennisons une tarification très sociale des repas pour les boursiers et tous les étudiants. Pour 2023 et 2024, nous gelons les tarifs de la restauration à 3,30 euros ou un euro, de même pour les loyers dans les résidences des Crous.
Cette première étape de la réforme des bourses ne solde pas nos travaux. Le travail se poursuit, car apporter des modifications structurelles à notre système de bourse est un chantier lourd et considérable. Parce qu'il engage nécessairement l'avenir, il doit être instruit collectivement, mais aussi sur le plan du modèle que nous défendons, plus juste, plus redistributif et plus cohérent avec les autres aides, dans la logique de la solidarité à la source qui est portée par le ministre des solidarités, Jean-Christophe Combe. Il demande également à être instruit sur le plan technique. Nous devons réaliser des simulations et être capables de mesurer pleinement et précisément les effets des changements apportés. Cette instruction et le dialogue avec toutes les parties prenantes se poursuivent. Un point d'étape est attendu à l'été.
En matière de recherche, ma priorité sera de poursuivre la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche qui a commencé à produire des effets concrets pour les chercheurs et, si possible, d'en amplifier certaines mesures. Un bilan sera prochainement transmis au Parlement, qui devra servir de base à une éventuelle actualisation.
S'agissant enfin de l'enseignement supérieur, les crédits alloués aux établissements ont permis de les accompagner face à la hausse de la pression démographique, en maintenant le taux d'encadrement durant ces dernières années. L'un des enjeux est aujourd'hui d'orienter l'offre de formation vers les métiers et les besoins de demain, en s'appuyant notamment sur les moyens financiers disponibles avec France 2030 qui viennent compléter les crédits budgétaires de mon ministère ou sur ceux alloués dans le cadre des nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance que nous avons lancés en 2023. Ces contrats permettront un pilotage resserré des établissements autour de leurs objectifs et de priorités que nous définissons ensemble.