Les crédits consacrés par l'État à la recherche, hors recherche universitaire, sont répartis entre six programmes. Le principal d'entre eux est le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, qui porte les subventions à de très nombreux organismes de recherche, dont le CNRS. Je vous ferai d'abord brièvement part de mon analyse sur les faits marquants de l'exécution budgétaire de ces différents programmes, puis je m'attarderai sur les dépenses fiscales très importantes, mais pas toujours aussi utiles, qui y sont rattachées.
À l'échelle de l'ensemble des programmes dont je suis rapporteur spécial, l'exécution 2022 s'est avérée fidèle. Le ratio entre les crédits consommés et ceux adoptés en loi de finances initiale, tout comme celui entre les crédits consommés et ceux finalement disponibles, sont proches de 100 %, tant en AE qu'en CP.
Concernant le programme 172, le principal point d'attention est l'utilisation d'une partie de la réserve de précaution pour financer le fonds de compensation des surcoûts de l'énergie à destination des opérateurs du programme. Je me réjouis que les alertes que j'avais émises dans mon rapport spécial de l'automne 2022 sur la situation critique de nombreux opérateurs, causée par l'augmentation des prix de l'énergie, dont l'Institut polaire Paul-Émile Victor, aient été entendues par le Gouvernement.
J'ai par ailleurs noté plusieurs points d'attention sur les autres programmes. Sur le programme 193 Recherche spatiale, comme les années précédentes, une partie de la réserve de précaution a été pensée et utilisée pour financer la contribution française à l'Agence spatiale européenne, ce qui signifie que les montants initialement budgétés pour financer cette contribution étaient sous-évalués, en contradiction avec l'objectif de sincérité budgétaire. La Cour des comptes partage mon point de vue à ce sujet et relève la complexité du financement du plan Nano 2022. Elle recommande par conséquent qu'un unique véhicule budgétaire soit retenu à l'avenir. Le programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle n'apporte ainsi qu'une partie des fonds de ce plan, qui sont complétés par des fonds de concours rattachés et parfois reportés.
Le programme 190 Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables se caractérise quant à lui par une surexécution de crédits par rapport à la loi de finances initiale en raison de transferts en gestion importants, intervenant dans le cadre du plan de soutien à la recherche et développement aéronautique.
Je souhaite désormais m'attarder sur les dépenses fiscales rattachées à ces différents programmes. La principale de ces dépenses fiscales est évidemment le crédit d'impôt recherche (CIR). Son coût a encore augmenté en 2022, dépassant 7 milliards d'euros, en hausse de 10 % par rapport à 2021, un montant significativement différent de celui anticipé pour 2022 (7,4 milliards d'euros). Je rappelle qu'il y a dix ans, ce dispositif ne coûtait que 3,3 milliards d'euros. Autant d'argent pourrait être réorienté vers les organismes de recherche pour apporter des financements récurrents à des chercheurs qui en ont bien besoin et le méritent. Il faudrait à tout le moins verdir le crédit d'impôt recherche, afin d'éviter que l'argent public ne finance des recherches ayant un impact environnemental défavorable, et le cibler davantage sur les petites et moyennes entreprises, pour lesquelles il est un peu plus utile.
Les autres dépenses fiscales rattachées aux programmes dont je suis rapporteur spécial progressent également, mais à un rythme moins soutenu. Ainsi, le crédit d'impôt en faveur de l'innovation atteint 303 millions d'euros en 2022, contre 280 millions d'euros en 2021. Le volet fiscal du dispositif jeunes entreprises innovantes a progressé de 12 à 13 millions d'euros. Eu égard à la dépense dynamique de ce dispositif, dont le coût a augmenté d'environ 6 % par an entre 2018 et 2022, la Cour des comptes a recommandé de poursuivre une évaluation plus précise de ses effets et d'étudier un resserrement de ses paramètres. Je m'associe pleinement à cette recommandation, car une récente étude de l'INSEE a conclu à un effet faible et incertain sur l'emploi des entreprises bénéficiaires d'un tel dispositif. En effet, le dispositif n'aurait aucun effet sur l'emploi des entreprises ayant recours au dispositif à partir de la quatrième année d'existence et jamais d'effet sur la rémunération versée aux salariés. De manière générale, j'appelle, comme la Cour des comptes, à évaluer systématiquement l'efficacité des dépenses fiscales et sociales et leur bornage dans le temps.