La réunion

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Mercredi 24 mai 2023

La séance est ouverte à quatorze heures.

(Présidence de M. Laurent Esquenet-Goxes, vice-président de la commission)

La commission entend Mme Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement national.

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Mes chers collègues, pour cette ultime audition de notre commission d'enquête, nous recevons Mme Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement national et ancienne présidente du Front national, puis du Rassemblement national. Comme il l'a fait pour chaque audition de personnalités appartenant à sa famille politique, le président Jean-Philippe Tanguy s'est déporté ; l'honneur de présider cette réunion me revient.

Madame la présidente, chère collègue, je vous remercie de vous être rendue disponible, dans des délais assez brefs, pour répondre à nos questions. Le président Tanguy nous a indiqué dès le début que vous étiez à la disposition de la commission d'enquête. Il nous a semblé utile de vous entendre en conclusion de nos travaux, après avoir entendu plusieurs personnalités ayant ou ayant eu un rôle au sein de votre formation politique.

Personne ici n'ignore la polémique qui a précédé la création, à l'initiative du groupe Rassemblement national, de cette commission d'enquête. Nous espérons que cette audition permettra de clarifier certaines questions relatives aux prêts étrangers souscrits par votre formation politique ou par vous-même, ainsi qu'aux relations entre le Front national, puis le Rassemblement national, et le régime russe.

Compte tenu du caractère particulier de cette audition et afin de ne pas la faire dévier de son objet, le bureau de la commission d'enquête a décidé, à l'unanimité, que seuls les membres de la commission pourront intervenir au cours de la réunion. Une exception sera faite, le cas échéant, pour les membres des groupes GDR et LIOT, qui n'ont pas nommé de représentant lors de la création de la commission d'enquête, à raison d'un intervenant par groupe.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Marine Le Pen prête serment.)

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Mes chers collègues, je remercie votre commission d'enquête de m'avoir invitée à m'expliquer précisément devant vous. Je voyais approcher la fin de vos travaux sans avoir eu la possibilité de m'exprimer, ce dont j'étais fort marrie.

Monsieur le président, vous avez rappelé à raison l'existence, depuis plusieurs années, d'une polémique, dont je considère qu'elle est parfaitement dépourvue de fondement, portant notamment sur un prêt contracté en 2014 par le mouvement que j'ai eu l'honneur de présider, et dont j'aimerais rappeler la situation à l'époque.

En 2014, le Front national est confronté à de graves difficultés de trésorerie, provoquées par la défaite électorale de 2007, où 350 candidats à la députation n'ont pas atteint la barre des 5 %. Le Front national s'est toujours fait un honneur de ne jamais mettre un candidat en difficulté financière et a toujours pris l'engagement de prendre à sa charge l'intégralité des dépenses effectuées par les candidats susceptibles de ne pas être remboursées par l'État, soit en raison d'une erreur d'aiguillage, soit en raison de résultats qui ne le permettent pas. En 2007, cela représente pour le mouvement une charge financière de 7 millions d'euros. En 2014, il n'a pas encore réussi à combler ce trou de trésorerie, en dépit de la vente de son siège, dans des conditions très mauvaises – évalué à environ 15 millions, il a été vendu pour 8 millions, en une période peu propice aux transactions immobilières.

Ce déficit, provoqué par un accident électoral, s'est alourdi de pertes financières électorales. Sachez que chaque élection entraînait une aggravation de la situation financière du mouvement pour une raison simple : les banques refusent de nous prêter. Nous n'avons jamais réussi, depuis des années, à obtenir le moindre prêt de la moindre banque française, ni même de la moindre banque européenne.

Or, si l'on emprunte à une banque pour une élection, les intérêts sont intégralement pris en charge par l'État ; si l'on emprunte auprès de particuliers, les intérêts ne le sont pas. Cela entraîne des conséquences financières très lourdes pour un mouvement tel que le nôtre. Par exemple, pour une élection présidentielle, environ 1 million d'euros reste à la charge du mouvement.

Nous avons donc cherché à obtenir un prêt bancaire pour faire face à cette situation financière difficile, ainsi qu'à la crise de croissance du mouvement à cette époque. Nous avons envoyé près de 200 lettres à autant d'établissements bancaires. Aucun n'a accepté de nous octroyer un prêt. Il est d'ailleurs incroyable que le gouvernement français soit incapable de permettre à une candidate d'un grand parti de trouver un financement et d'assurer à des candidats aux législatives la possibilité d'accéder à des prêts. Cela va à l'encontre de l'article 4 de la Constitution.

Ce problème, que j'ai évoqué mille fois dans les médias, n'a échappé à aucun d'entre vous. Au demeurant, M. Bayrou avait apporté son soutien à Emmanuel Macron à la condition qu'il instaure une banque de la démocratie, conscient qu'il était que l'incapacité de certains partis à obtenir des prêts est un problème démocratique fondamental. La création d'une banque de la démocratie a été votée en 2017, après quoi elle est partie à la poubelle. En revanche, les à-côtés votés en même temps, notamment l'interdiction de contracter un prêt hors de l'Union européenne, ont été maintenus.

Par ailleurs, notre situation a été constatée dans un rapport d'information rédigé par l'actuelle présidente de l'Assemblée, Mme Yaël Braun-Pivet, et M. Philippe Gosselin, attestant qu'en dépit des 200 lettres envoyées aucune banque ne voulait prêter, ni au parti ni à moi-même, pour une élection présidentielle. Cette situation a été confirmée par le médiateur national du crédit, qui a tenté sans succès d'intervenir auprès de plusieurs organismes bancaires.

Dans ces conditions, nous avons cherché, contraints et forcés, à obtenir un prêt hors des frontières de l'Union européenne. Il se trouve que j'ai fait alors la connaissance de M. Jean-Luc Schaffhauser, dont c'était en partie le métier. Il m'a indiqué qu'il entendait chercher pour nous le prêt que nous souhaitions. Il a exploré certaines pistes et m'a présenté plusieurs pays où se trouvaient des banques acceptant de nous octroyer un prêt. J'ai choisi la First Czech Russian Bank (FCRB). La négociation, entamée en janvier 2013, a abouti à la signature d'un prêt en septembre 2014.

Je rappelle à la commission d'enquête, car il est facile de juger a posteriori d'une situation géopolitique, qu'à l'époque la question des relations que la France devait ou ne devait pas avoir avec la Russie était bien moins tranchée qu'aujourd'hui. Je crois notamment pouvoir dire, preuves à l'appui, qu'à peu près l'intégralité de la classe politique, du parti socialiste à La France insoumise et des Républicains à Emmanuel Macron, cherchait, comme la France cherche d'ailleurs historiquement à le faire, à améliorer ses relations, notamment économiques, avec la Russie.

En ce qui me concerne, je n'ai jamais changé d'avis, et mon mouvement non plus. Nous avons toujours eu les mêmes positions. L'obtention ou le refus d'un prêt n'a jamais modifié d'un iota la position et les idées qui sont les nôtres en matière de géopolitique. Je vous le dis et vous l'affirme avec d'autant plus de fermeté que j'ai souffert d'une campagne de diffamation absolument inadmissible, menée depuis plusieurs années, fondée sur des soupçons n'ayant jamais reposé sur le moindre élément factuel, et visant à laisser penser que les idées que nous défendons auraient pu être influencées par l'obtention de ce prêt.

Ceux qui connaissent un peu l'histoire politique savent que Jean-Marie Le Pen avait peu de points d'accord avec le général de Gaulle, mais il en avait moins un : l'Europe de Brest à Vladivostok, comme il l'a répété à de nombreuses reprises. Cette conception est d'ailleurs partagée, je crois, par Emmanuel Macron, qui parlait de l'Europe de Lisbonne à Vladivostok.

Ce prêt a été vérifié et survérifié par absolument tout le monde. L'origine des fonds, la régularité du prêt et la régularité des remboursements que nous avons effectués au titre de cet emprunt ont été vérifiées par notre banque, qui en a l'obligation, ainsi que par les deux commissaires aux comptes de notre mouvement, par Tracfin – vous imaginez bien que 9 millions qui transitent n'échappent pas à sa vigilance, du moins je l'espère – et par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui a d'autant plus intérêt à vérifier de manière très précise non seulement les conditions du prêt mais aussi celles de son remboursement que, s'il n'est pas remboursé, il devient un don, lequel est interdit par la loi, avec toutes les conséquences qui en résultent, au premier rang desquelles la suppression des subventions.

Rien n'a été simple dans ce prêt de 9 millions, obtenu à un taux de 6 %, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il n'a rien d'amical. Le capital devait être remboursé en une fois en septembre 2019, et les intérêts trimestriellement. Nous avons payé les intérêts sans manquer une seule échéance. La banque a fait faillite, ce qui est un peu une pierre dans le jardin de ceux qui affirment qu'elle était en quelque sorte, par un biais ou par un autre, détenue par l'État russe : quand une banque est détenue par l'État russe, elle fait rarement faillite.

Ne sachant plus à qui payer trimestriellement les intérêts, nous nous sommes tournés vers la Banque centrale de Russie. Nous avons pris un avocat français et un avocat russe. Il nous a été demandé de déposer les fonds en consignation chez un notaire, ce que nous avons fait, jusqu'à la liquidation de la banque et le rachat de ses créances par la société Aviazapchast en octobre 2018.

En 2017, les résultats électoraux du Rassemblement national ont été décevants. L'espoir que nous avions de rembourser notre prêt en une fois s'est envolé, 118 candidats du Rassemblement national ayant obtenu moins de 5 % des voix. En vertu de la jurisprudence que j'ai rappelée tout à l'heure, nous avons pris en charge leurs dépenses, pour que la candidature aux élections législatives ne soit pas réservée aux gens ayant les moyens de subir une éventuelle perte mais soit ouverte aussi aux Français modestes, conformément à une idée que nous défendons. Nous nous sommes donc rapprochés de cette société pour solliciter la renégociation du prêt.

Par ailleurs, comme nous faisions l'objet de critiques médiatiques à propos de ce prêt, j'ai déclaré mille fois, sur à peu près tous les plateaux de France et de Navarre, que, si quelqu'un pouvait nous suggérer une banque disposée à reprendre ce prêt à sa charge, j'accepterais l'intégralité des propositions qui me seraient faites, quelle que soit la banque et quel que soit le pays. Tel n'a pas été le cas. La renégociation du prêt a eu lieu en juin 2020. L'échéancier est scrupuleusement respecté par le Rassemblement national, qui rembourse trimestriellement une partie du capital et une partie des intérêts, le prêt ayant vocation à s'éteindre en 2028.

Si vous regardez les positions politiques qui ont été les miennes, vous vous apercevrez qu'elles n'ont absolument jamais varié, ni avant ni après le prêt, ni avant ni après l'annexion de la Crimée. J'ai fait l'objet d'une campagne de diffamation cruelle. Il n'y a rien de plus infamant, pour une patriote, pour quelqu'un qui est aussi attaché à l'indépendance de son pays que je le suis, d'être suspecté, de manière plus ou moins grossière, de subir l'influence de quelque nation étrangère que ce soit. D'ailleurs, j'ai toujours été très attentive à ne jamais entretenir de relations, directes ou indirectes, avec quelque société étrangère que ce soit.

À ce sujet, un débat a eu lieu, en 2017, sur le recours aux services de NationBuilder. À l'époque, toute la classe politique se passionne pour NationBuilder, qui fournit les moyens de récupérer des données très utiles sur le plan électoral. Tous les candidats à la primaire des Républicains l'utilisent, et même M. Mélenchon, dont je pensais qu'il était plus intéressé que cela par l'indépendance à l'égard des États-Unis. Emmanuel Macron utilise NationBuilder. Moi, je refuse d'utiliser NationBuilder, en dépit du bénéfice électoral induit, car cela signifiait transmettre les données des gens intéressés par ma candidature à un pays étranger, ce qui me pose un problème de conscience. Notre programme politique vise à faire en sorte que l'intégralité des données de nos compatriotes soit conservée sur le territoire national et ne soit pas transférée à une nation étrangère.

Ces accusations, qui sont peut-être les plus graves pour une patriote, ont de surcroît été proférées par quelqu'un qui, à mes yeux, n'avait pas la possibilité de le faire du point de vue éthique : le Président de la République. J'ai la faiblesse de penser, je vous le dis très clairement, qu'un candidat à l'élection présidentielle doit toujours éviter de tomber dans la diffamation et la calomnie de ses adversaires politiques, surtout s'il est déjà Président de la République. Or, s'il y a une personne qui était parfaitement au courant que je n'étais soumise à aucune influence, c'est bien le Président de la République, qui a en sa possession toutes les notes des services de renseignement français.

Ces accusations, qui n'ont été véritablement lancées, de manière forte, qu'en 2022, sont – c'est très clair aujourd'hui – opportunistes et électoralistes. Elles ne sont corroborées par aucun début de commencement d'élément factuel. Elles ont été portées par le Président de la République et ses troupes, ce que je trouve très grave.

Elles ont deux buts à mes yeux : discréditer son opposition, ses adversaires politiques – je n'ai pas été la seule à être victime de ces soupçons, M. Mélenchon en a eu sa part – et faire oublier que tous les mouvements politiques, des Républicains à La France insoumise en passant par celui d'Emmanuel Macron, développaient à l'égard de la Russie exactement la même vision politique que la mienne, à cette différence près que je n'ai, moi, aucune responsabilité dans l'aggravation de la dépendance économique et énergétique de nos pays à l'égard de la Russie. D'autres ont sûrement des choses à se reprocher dans ce domaine : Engie a participé à la construction de Nord Stream, dont le premier tronçon a été inauguré par M. Medvedev, Mme Merkel et M. Fillon les uns à côté des autres.

J'ai été amenée à me rendre en Russie, jamais secrètement ni confidentiellement, pour une raison très simple : rien de ce que je fais n'est secret ni confidentiel. Je prends l'avion, je présente mon passeport et, en règle générale, je rencontre des personnalités politiques où que j'aille dans le monde, ce qui fait toujours l'objet de multiples articles de presse rédigés par les journalistes qui suivent mes déplacements. De mémoire, j'ai fait deux voyages avant l'annexion de la Crimée, dont un en Crimée, lorsqu'elle était encore ukrainienne. J'en ai fait deux après son annexion. Aucun n'était en rapport avec le prêt précité.

Je rappelle un dernier élément de contexte : en plein milieu de ces événements a lieu l'attentat du Bataclan qui, me semble-t-il, a convaincu la classe politique dans son ensemble qu'il était absolument nécessaire de créer les conditions d'un rapprochement avec la Russie, dans le cadre de la lutte contre le fondamentalisme islamiste. J'en étais moi-même convaincue ; je pense que M. Fillon, M. Mélenchon, M. Sarkozy et de nombreux autres responsables politiques en étaient eux-mêmes tout à fait convaincus.

Ce sujet a été l'un des points essentiels de la conversation que j'ai eue avec Vladimir Poutine lorsque je l'ai rencontré en 2017, dans le cadre de la campagne présidentielle. De mémoire, je me suis d'abord rendue au Tchad, puis en Russie, pour rencontrer des chefs d'État et évoquer ce sujet, qui m'apparaissait comme absolument fondamental pour la sécurité de notre pays et de notre continent.

Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres de la commission d'enquête, l'histoire, un peu rapidement brossée, somme toute très simple et très transparente, de ce prêt contracté en 2014. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

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Vous avez affirmé que vous n'avez jamais changé de position concernant la Russie et M. Vladimir Poutine. Que pouvez-vous dire aujourd'hui de votre position sur l'annexion de la Crimée ? À l'époque, vous l'avez reconnue. Vous avez dit vous y être rendue avant et après l'annexion. On peut toujours se demander pourquoi. Considérez-vous aujourd'hui que reconnaître l'annexion de la Crimée, dénoncée par toutes les organisations internationales et contraire au droit international, était une erreur ?

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Je me suis exprimée mille fois à ce sujet, dès l'annexion de la Crimée par la Russie. Vous imaginez bien que, dans la position de responsable d'un très grand parti politique devenu le premier de France et de candidate à la présidentielle qui est la mienne, j'ai été amenée, à de multiples reprises, à exprimer ma position sur le rattachement de la Crimée.

J'ai toujours dit la même chose : la Crimée a été russe pendant deux siècles ; elle a été ukrainienne soixante ans, donnée par un dictateur sur un coup de tête, par caprice somme toute ; défenseur absolu du référendum, je considère que les habitants de Crimée se sont exprimés librement, par le vote, en faveur du rattachement à la Russie.

Je l'ai dit au moment du référendum sur la Crimée, je le dis encore aujourd'hui. Je n'ai aucune difficulté à le dire. Je considère qu'il est parfaitement légitime que d'autres personnes aient une autre opinion sur ce sujet. Étant allée en Crimée, j'ai de surcroît une expérience personnelle. J'y ai vu beaucoup de gens ; je n'ai pu que constater qu'ils se sentaient plus profondément attachés à la Russie qu'à l'Ukraine.

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Considérez-vous que les élections ont été libres et dépourvues de contraintes ?

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Je n'étais pas présente pour m'en assurer. Je note qu'aucun réfugié n'est arrivé de Crimée et que les gens ne l'ont pas quittée après le référendum. Je note aussi qu'il était parfaitement loisible aux instances internationales d'organiser, notamment sous le contrôle de l'ONU, un nouveau référendum pour vérifier que les gens avaient librement voté. Selon les informations dont je disposais, ce référendum me semblait exprimer la volonté des habitants de la Crimée.

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Vous avez indiqué que les banques vous ont refusé ce fameux prêt en 2014. M. Jean-Luc Schaffhauser explique cet état de fait par un complot américain à votre endroit, ce que l'on peut trouver risible.

Ne pensez-vous pas que les refus que vous avez essuyés auprès des banques occidentales sont dus à un défaut de visibilité sur votre patrimoine et sur celui de votre père, Jean-Marie Le Pen, qui faisait l'objet d'une enquête du parquet national financier (PNF), et au déficit de votre parti, dû à de lourdes dettes ? Comment expliquez-vous le fait que seule une banque russe ait accepté de vous financer, toutes les autres s'y refusant sans doute pour les raisons que je viens d'indiquer ?

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C'est le contraire, monsieur le président. Vous intervertissez la cause et les conséquences. Nous étions en difficulté financière parce que nous n'obtenions jamais de prêt auprès des banques. Je l'ai rappelé au début de mon intervention, le fait qu'aucune banque ne nous prête d'argent, ni à l'élection présidentielle ni aux élections législatives, créait une charge financière indue pesant sur notre mouvement, alors même qu'elle ne pesait pas sur les mouvements ayant accès à des prêts.

Votre hypothèse ne tient pas pour les élections présidentielles. Que regardent les banques avant de prêter de l'argent à un candidat ? D'abord s'il obtiendra plus de 5 % des voix, ce qui est notre cas depuis de nombreuses années ; ensuite s'il obtiendra le parrainage de 500 maires. C'est pourquoi les prêts ne sont souvent accordés – il s'agit d'un problème institutionnel sur lequel la présidente Braun-Pivet mène des auditions – qu'une fois les parrainages obtenus, donc en fin de campagne, lorsque la plupart des dépenses sont d'ores et déjà effectuées.

Surtout, les prêteurs sont remboursés directement par l'État. Rien ne justifie donc la mise à l'écart du système bancaire que nous avons vécue.

Par ailleurs, aucune procédure judiciaire n'a été engagée au sujet de mes déclarations de patrimoine.

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Votre conseiller aux affaires internationales, M. Aymeric Chauprade, s'est rendu sur le territoire russe en qualité d'observateur du scrutin référendaire. Vous avez affirmé que le résultat ne souffrait aucune contestation. Six mois plus tard, vous obtenez ce prêt de 9 millions. On peut légitimement s'interroger sur l'existence d'un lien entre ces deux événements.

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Non, c'est une manœuvre politique engagée contre moi. Personne n'ignorait qu'il nous était impossible d'obtenir un prêt dans l'ensemble de l'Union européenne. Jean-Luc Schaffhauser me proposait de choisir, de mémoire, entre une banque chinoise, une banque iranienne et cette banque tchéco-russe. Il m'est apparu que, la République tchèque étant membre de l'Union européenne et la Russie appartenant au Conseil de l'Europe, il était plus cohérent d'accepter la proposition de cet établissement. Je ne vois pas ce qui peut m'être reproché, d'autant que notre position à l'égard de la Russie n'a en rien changé avant et après la signature du prêt. Rien ne permettait d'accuser de bonne foi une candidate à l'élection présidentielle, dirigeante du premier parti de France, de subir quelque influence que ce soit à raison de ce prêt. En outre, la seule obligation pesant sur l'emprunteur, tant à l'égard de la banque que de la CNCCFP, est le remboursement du prêt. À défaut de remboursement, en effet, le prêt est considéré comme un don, ce qui constitue une violation des règles de financement des partis politiques français. Aucune autre obligation ne pèse sur moi. La banque ne peut ni reprendre l'argent, ni annuler le prêt. Cet argument électoraliste malfaisant a été très bien utilisé par le camp du Président de la République mais n'en est pas moins absolument faux.

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Comment expliquez-vous que, juste après l'obtention du prêt, en 2014, Jean-Luc Schaffhauser et Nicolas Lesage se soient rendus dans le Donbass pour soutenir les séparatistes pro-russes ? Aymeric Chauprade aurait affirmé à Mediapart que ce voyage était « une contrepartie au prêt, car aller dans le Donbass marquait un soutien fort à la Russie ». Avez-vous connaissance de ce voyage et de ces propos ?

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Je prends avec des pincettes les déclarations tenues par Aymeric Chauprade à cette époque, puisque notre rupture politique avait été assez violente. Il a multiplié les déclarations désagréables, avant de revenir sur une partie d'entre elles.

M. Schaffhauser était député européen et, à ce titre, était tout à fait libre de ses mouvements : telle est, en tout cas, ma philosophie. En outre, je n'avais aucune autorité sur lui. Il ne m'a pas dit qu'il allait dans le Donbass et ne m'a demandé aucune autorisation. En tout état de cause, je n'avais pas à la lui donner.

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J'imagine que M. Chauprade se conformait encore, à ce moment-là, à vos décisions.

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De mémoire, M. Chauprade n'était pas membre de notre mouvement. Les députés font ce qu'ils veulent. François Hollande et d'autres ont réfléchi aux moyens d'assurer au mieux la sécurité et la souveraineté de l'Ukraine. Je me suis prononcée, pour ma part, en faveur de la fédéralisation de l'Ukraine et ai défendu les accords de Minsk, qui prévoyaient l'autonomie du Donbass. On peut nourrir un désaccord politique mais on ne peut pas faire grief à des députés de s'être rendus sur place pour savoir ce qu'il s'y passait.

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Les hackeurs d'Anonymous ont mis au jour des SMS révélant qu'un blogueur proche de Poutine aurait déclaré que vous seriez remerciée en échange de votre soutien au référendum. Que saviez-vous de cet échange ?

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Je n'ai aucune connaissance de ces SMS ni de ces personnes. Je conteste formellement avoir pris quelque décision que ce soit pour faire plaisir à quiconque. J'ai une belle rectitude politiquement et une grande cohérence dans les positions que j'ai prises au cours de ma carrière politique, ce qui n'empêche pas certaines évolutions, que j'ai expliquées.

Par ailleurs, l'ensemble de la classe politique française souhaitait un rapprochement entre la France et la Russie, avant comme après l'annexion de la Crimée. Nicolas Sarkozy a affirmé : « [Les habitants de Crimée] choisissent la Russie. On ne peut pas le leur reprocher. Si le Kosovo a eu le droit d'être indépendant de la Serbie, je ne vois pas comment on pourrait dire, avec le même raisonnement, que la Crimée n'a pas le droit de quitter l'Ukraine pour rejoindre la Russie. » Je ne crois pas que sa liberté de parole et d'analyse ait éveillé des soupçons.

Après l'annexion de la Crimée, beaucoup de choses se sont passées. Jean-Pierre Chevènement a reçu l'ordre de l'Amitié des mains de Vladimir Poutine, en 2017, avec l'accord et même l'encouragement du Quai d'Orsay, dit-il. En mars 2016, une proposition de résolution signée par l'ensemble des députés Les Républicains – dont MM. Abad, Gosselin, Marleix, Solère… – demandait une levée des sanctions contre la Russie, ce que je défendais également. Madame la rapporteure, vous étiez, à l'époque, députée européenne LR. Il ne me semble pas avoir lu que vous contestiez de manière virulente cette résolution. M. Mélenchon, au moment des attentats terroristes, a affirmé que ce que faisait la Russie était très bien et que si elle arrivait à éliminer Daech, ce serait tant mieux, parce que c'est notre ennemi commun. Je pourrais vous citer des dizaines de déclaration de ce type.

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Vous étiez nécessairement au courant du voyage de M. Schaffhauser et de votre ancien conseiller puisque, dans un mail du 16 octobre 2014, M. Lesage explique en avoir parlé à M. Louis Aliot, qui était votre vice-président et conjoint. En outre, M. Schaffhauser nous dit qu'il vous en a touché un mot. Êtes-vous sûre que vous n'étiez pas au courant et que vous n'avez pas donné d'avis sur ce voyage ?

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Je n'en ai aucun souvenir mais, en tout état de cause, je ne m'autorise pas à interdire à un député européen d'aller où il le souhaite. J'ai été assez scandalisée que le Parlement européen sanctionne certains de ses membres au motif qu'ils s'étaient rendus dans tel ou tel endroit, notamment pour vérifier la bonne tenue d'une élection ou d'un référendum.

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Ne pensez-vous pas que le déplacement de MM. Schaffhauser et Lesage, qui étaient liés au FN et au RN, constituait un gage donné à la Russie en contrepartie de quelque chose ?

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Il faut avoir une idée préconçue pour interpréter ce voyage ainsi, autrement dit pour rechercher quelque chose qui n'existe pas. J'ai signé un prêt avec une banque – à moitié tchèque, d'ailleurs – et non pas avec Vladimir Poutine. Dans le cas contraire, cela signifierait que vous avez tous signé des prêts avec Macron. Cette signature ne m'engageait à rien d'autre qu'à rembourser ma dette. Si cela n'avait pas été le cas, je n'aurais pas signé. Jamais une personne étrangère ne m'a proposé de m'accorder un avantage ou de m'inviter quelque part en contrepartie d'une prise de position. Je n'ai jamais été victime ne serait-ce que d'une tentative d'ingérence – peut-être parce que l'on connaît mon caractère.

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Vous avez tout de même conscience que cette banque était dirigée par un proche du pouvoir russe. M. Schaffhauser nous a dit lors de son audition que jamais cette banque n'aurait accordé le prêt sans l'accord de M. Poutine.

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Premièrement, ce n'est pas exactement la même chose et, deuxièmement, je n'en savais absolument rien. Pourquoi voulez-vous que je le sache ? M. Schaffhauser m'a trouvé un prêt, que j'ai signé avec joie car c'était cela ou la mort de mon mouvement.

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Pourquoi l'aurais-je fait ? Voilà des fonds dont la provenance a été vérifiée par la Société générale et surveillée par nos commissaires aux comptes, Tracfin et la CNCCFP. Si un seul de ces acteurs était venu me signaler un problème quant à l'origine des fonds et m'indiquer le danger qu'il y avait à signer le prêt, je ne l'aurais pas souscrit. Tout s'est fait dans des conditions de transparence totale. Je ne me suis pas demandé si le président de la banque était un proche de Vladimir Poutine et, objectivement, je ne sais pas ce que j'aurais fait de cette information dont je me moquais éperdument, compte tenu de l'importance que revêtait ce prêt pour notre mouvement.

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Vous avez mis en cause les positions que j'avais prises lorsque j'étais députée européenne. J'ai siégé au Parlement européen au sein du groupe du Parti populaire européen (PPE), dont la position vis-à-vis du régime de Vladimir Poutine et de ses très nombreuses exactions est connue. Les votes de la quasi-totalité de ses membres – parmi lesquels les miens – attestent que nous n'avons fait preuve d'aucune complaisance, connivence ou allégeance sur les régimes de sanctions depuis 2014 ni sur aucun autre sujet.

Votre famille politique se caractérise par un fort tropisme pro-russe. Dès votre arrivée à la tête du Front national, en 2011, vous avez entendu accentuer le rapprochement de votre formation des cercles russes, en particulier de ceux du pouvoir. Vous vous êtes déplacée un certain nombre de fois en Russie, comme plusieurs membres du FN puis du RN. Dès octobre 2011, vous exprimez votre soutien et votre admiration à M. Poutine dans des interviews accordées à la presse russe. Ainsi, vous affirmez, dans un entretien à Kommersant, le 13 octobre 2011 : « Je ne cache pas que, dans une certaine mesure, j'admire Vladimir Poutine. » Vous affirmez également que la France a plus d'intérêts communs avec la Russie qu'avec les États-Unis sur les plans culturel et stratégique, et que rien ne permet d'affirmer, du point de vue constitutionnel, que la Russie n'est pas une démocratie. Vous ajoutez que le ton de la presse d'opposition est bien plus libre et plus virulent à l'égard de Poutine qu'elle ne l'est en France à l'égard de Sarkozy. Cela excède les positions que l'on peut légitimement prendre quant à la place de notre pays et les relations qu'il doit entretenir avec un grand État comme la Russie. On se situe quelques années après l'assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa, qui critiquait de manière virulente Vladimir Poutine. Il est difficile d'imaginer, à cette époque, d'autres dirigeants de familles politiques, en Occident, professer de manière aussi évidente leur soutien à Vladimir Poutine.

En outre, vous vous êtes alignée sur certaines positions russes. Par exemple, en juillet 2014, peu après le crash de l'avion de la Malaysia Airlines – dont on sait à présent qu'il a été descendu par les séparatistes du Donbass –, vous avez publié un communiqué dans lequel vous refusiez d'accuser ces derniers et la Russie, ainsi que d'exonérer les forces ukrainiennes. De même, vous avez voté de manière répétée, comme de nombreux députés européens du FN puis du RN, en soutien aux positions russes, avant comme après l'annexion illégale de la Crimée. Vous avez affirmé à de nombreuses reprises que, si vous étiez présidente, vous reconnaîtriez immédiatement cette annexion. On ne peut qu'en être surpris, d'autant plus que ce sujet n'est pas au cœur des préoccupations de nos compatriotes.

La banque qui vous a accordé le prêt portait le nom de First Czech Russian Bank car elle a été créée en République tchèque en 1996, mais, en réalité, ses capitaux étaient entièrement russes, avant qu'une personne très proche de Vladimir Poutine n'en devienne le président au début des années 2000. La créance est passée aux mains d'une société de location de voitures, Konti, avant d'être cédée à la société aéronautique duale Aviazaptchast, qui a conclu de beaux contrats, notamment avec l'armée syrienne. Elle est dirigée par d'anciens militaires russes, certainement restés proches des services secrets, et figure sur la liste américaine des entreprises sous sanctions. Ne pensez-vous pas qu'il y a là quelque chose d'embarrassant ?

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Vous affirmez que mon mouvement politique aurait eu, de tout temps, un fort tropisme prorusse. Je vous rappelle que le général de Gaulle croyait à une Europe allant de Brest à Vladivostok. Il ne me semble pas qu'on le lui ait reproché. Par ailleurs, un certain nombre d'acteurs politiques défendent cette position. Notre tropisme, dites-vous, serait démontré par la multiplicité de mes déclarations sur la Crimée. En tant que responsable politique de premier plan, je suis interviewée de manière très fréquente, chaque semaine, sur les sujets d'actualité, comme ce fut le cas pour le référendum en Crimée. J'ai répondu aux questions que me posaient les journalistes de la manière la plus simple et claire qui soit.

Je pourrais, à mon tour, évoquer le tropisme prorusse de votre ancienne famille politique, madame la rapporteure. M. Sébastien Huygue, lors des questions au Gouvernement, en juin 2016, affirmait : « Pour faire face aux grands défis auxquels nous sommes confrontés, nous avons besoin de la Russie. Nous avons besoin d'elle pour régler le conflit en Russie et lutter contre le terroriste djihadiste, qui est notre ennemi commun. » Nicolas Sarkozy demandait, à la même époque, que Poutine soit réintégré dans la grande coalition qui combattait l'organisation État islamique. Je me suis opposée aux sanctions consécutives au référendum en Crimée, ce que j'assume totalement, car elles me semblaient d'une stupidité totale. Elles n'ont rien réglé, disais-je ; elles n'ont fait que poser des problèmes économiques à l'Union européenne.

Je n'étais pas la seule : vos amis politiques le pensaient aussi, comme en témoigne le compte rendu des questions au Gouvernement. Ainsi, le 25 novembre 2015, Axel Poniatowski affirmait : « Le moment est venu d'engager le processus de levée des sanctions économiques européennes à l'égard de la Russie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.) » Le 2 décembre 2015, Gérard Menuel rappelait que « cela fait des mois que nous vous demandions d'apaiser les relations avec la Russie ». Le 14 janvier 2016, selon Guillaume Chevrollier, « les éleveurs français paient très cher la désorganisation, l'excès de normes et de contraintes, la concurrence et les effets de l'embargo russe ». Le 27 janvier 2016, Marc Le Fur déclarait : « Il faut rétablir nos relations commerciales avec la Russie.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendant.)

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Depuis un an nous perdons un grand client en raison d'une décision politique dont les éleveurs sont les victimes. » Le 17 mars 2016, Jean-Claude Mignon s'interrogeait : « A-t-il été aussi question de la levée des sanctions contre la Russie, réclamée depuis longtemps par le groupe Les Républicains ? »

Je n'aurai pas la cruauté de lire l'ensemble de telles déclarations mais si vous considérez que s'opposer aux sanctions après l'annexion de la Crimée relevait d'un tropisme pro-russe, alors celui des LR était bien plus marqué que celui du Front national à l'époque.

Non, madame, je n'ai pas de tropisme pro-russe. Ma seule obsession en géopolitique, c'est l'intérêt de la France, qui a un rôle particulier à jouer dans l'histoire et dans le monde. Elle doit pour cela entretenir des relations équilibrées avec l'ensemble des grandes nations, tant que nous ne sommes pas dans la situation de l'agression russe de l'Ukraine, que j'ai immédiatement et à de multiples reprises condamnée.

Vous avez rappelé que j'ai exprimé mon admiration pour Vladimir Poutine. Si je n'ai pas de fascination pour lui, je trouve tout de même admirable qu'un pays ayant passé soixante-dix ans sous le joug communiste et dix ans à être pillé par les apparatchiks de M. Eltsine ait réussi à revenir dans le concert des nations. C'est un jugement objectif, que chacun pourrait tenir.

Toutes les grandes nations ont un narratif, la Russie comme les États-Unis, et je n'en suis pas dupe. Mais dire ce que l'on pense ne signifie pas être soumis au narratif russe – ou alors il faudrait également adresser ce reproche à vos propres amis politiques, et même au dernier gouvernement socialiste. En 2015, M. Matthias Fekl, secrétaire d'État, a ainsi indiqué : « Nous savons par ailleurs parfaitement que ces sanctions ont un impact très fort sur certains secteurs industriels […]. C'est pourquoi je mène, avec Stéphane Le Foll, une diplomatie des terroirs pour ouvrir des nouveaux marchés […]. » De même, Manuel Valls, alors Premier ministre a déclaré : « En la matière, comment pouvez-vous dire que nous n'agissons pas au niveau de la PAC – politique agricole commune – et de l'Union européenne ? Comment pouvez-vous dire que nous n'agissons pas au niveau international alors que le ministre de l'agriculture s'efforce de lever tous les embargos, notamment avec la Russie ? » Si le fait d'avoir une opinion politique vous soumet immédiatement à l'accusation de soumission au narratif russe, alors nous étions assez nombreux, tous bords politiques confondus, à encourir ce reproche. Je conteste évidemment cette accusation.

Concernant le communiqué que j'ai publié après le crash de l'avion, je suis victime d'une forme de mauvaise foi. Vous ne l'avez certainement pas lu jusqu'au bout : j'y réclamais la tenue d'une enquête internationale car il me semblait prématuré d'accuser un camp plutôt qu'un autre, qu'il s'agisse des forces séparatistes du Donbass, des habitants de la Crimée ou des forces ukrainiennes. Je me montre toujours extrêmement prudente lorsque de tels événements se produisent.

Vous avez rappelé que nous avons voté différemment sur certains sujets : cela s'appelle la démocratie ! Cela n'a rien d'incroyable puisque nous n'appartenons pas aux mêmes mouvements. J'assume cette divergence, qui ne peut donner lieu à un quelconque soupçon d'ingérence – du moins, je l'espère ! Concernant la Crimée, je vous ai cité les propos de Nicolas Sarkozy, avec lesquels j'étais d'accord : ils ne pouvaient lui valoir la moindre accusation.

J'en viens à votre question sur le prêt. La commission en perçoit-elle l'injustice ? Je n'avais aucun pouvoir sur la structure qui a racheté les créances de la banque en faillite, aucune responsabilité. La décision de reprise des actifs de la banque a été prise par la justice russe, comme cela se ferait en France en cas de faillite d'une entreprise. Nous nous en sommes d'ailleurs inquiétés auprès de la CNCCFP car les partis politiques n'ont pas le droit de bénéficier d'un soutien financier de la part de sociétés. Nous lui avons expliqué que, de manière totalement indépendante de notre volonté, une société avait racheté la banque. La CNCCFP ne nous en a évidemment pas tenu rigueur et a eu l'honnêteté de reconnaître que nous ne pouvions absolument pas faire autrement.

J'étais dans l'obligation de rembourser ce prêt car l'argent appartenait au créancier, qui n'a fait que nous le prêter. Si je ne l'avais pas fait, j'aurais condamné mon mouvement à mort pour avoir gravement enfreint les règles de financement des partis politiques. J'entends bien que vous cherchez à me prendre en défaut mais, en l'espèce, je ne pouvais pas faire autrement. Certes, il se trouve que la structure avait changé mais je n'ai pas eu mon mot à dire.

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Avez-vous été mise au courant du transfert rocambolesque de votre créance de la FCRB à une société de location de voitures, puis à Aviazaptchast, entreprise de maintenance aéronautique ? Avez-vous eu des échanges avec M. Poutine sur ce sujet lors de votre visite en 2017 ?

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Nous étions totalement passifs dans cette procédure. Notre seule obligation était de rembourser les intérêts trimestriellement. La banque centrale russe, à qui nous avions signalé que nous ne pouvions rembourser notre prêteur en raison de sa liquidation, nous a indiqué qu'il fallait consigner les sommes correspondantes auprès d'un notaire qui nous a été désigné, ce que nous avons fait. Le notaire a ensuite versé l'intégralité de ces sommes au repreneur de la banque. Nous n'avions pas d'autre choix.

Je n'ai jamais évoqué l'existence de ce prêt dans la conversation que j'ai eue en 2017 avec Vladimir Poutine ni avec aucun des dirigeants politiques que j'ai pu rencontrer lors de mes déplacements – le président de la Douma, le vice-Premier ministre ou encore le président de la commission des affaires étrangères.

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Comment s'est passé l'accord amiable devant la justice russe visant à repousser l'échéance du prêt à la fin de l'année 2028 ? Pourquoi avoir attendu ce conflit judiciaire pour commencer à rembourser le prêt ?

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Nous n'avons pas commencé à rembourser car le premier prêt prévoyait le remboursement du capital en une fois, à la fin de la période de paiement des intérêts. Nous avons respecté scrupuleusement les conditions fixées, sinon la CNCCFP nous aurait immédiatement rappelés à l'ordre.

En revanche, je ne peux pas répondre à votre première question. Je n'ai fait que constater qu'il était nécessaire de renégocier le prêt pour ne pas en mettre en péril notre mouvement. C'est le trésorier qui s'est chargé de la négociation.

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Le général de Gaulle, auquel vous avez fait référence, a été le premier à se montrer solidaire des Américains pendant la crise des missiles à Cuba et n'a jamais eu la volonté de changer d'alliance. C'est là toute la différence avec les propositions d'alliances géopolitiques figurant dans votre projet présidentiel.

J'en viens aux relations de certains membres du Rassemblement national avec des personnalités russes. Vous avez rencontré au moins une fois Konstantin Malofeïev, qui entretient des relations suivies avec différents partis politiques européens d'extrême droite ou de la droite identitaire. Selon nos informations, M. Philippe Olivier, membre des instances dirigeantes de votre parti, a évoqué avec lui un projet de rassemblement des familles de la droite identitaire européenne. Ce dernier vous a-t-il parlé de ce projet ? Ce genre de sujets remonte-t-il jusqu'à vous ?

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Je n'ai aucune connaissance d'un projet de M. Malofeïev consistant à unir les mouvements que vous appelez d'extrême droite et que, pour ma part, j'appellerais patriotes.

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M. Olivier vous a-t-il fait part de ce projet visant sinon à unir, du moins à faire émerger des convergences sur ce sujet, tant au sein du Parlement européen que dans d'autres instances ?

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Même dans l'hypothèse où M. Malofeïev aurait eu ce projet, dont je n'ai pas entendu parler, pourquoi parlerais-je de cela avec lui ? Je suis reçue par le président de la Douma : si j'avais voulu que le Rassemblement national entretienne des relations plus poussées avec des mouvements politiques, j'aurais passé un accord de coopération avec Russie unie. Je n'ai pas besoin de passer par M. Malofeïev, dont je ne sais d'ailleurs pas s'il a la moindre responsabilité politique. Un certain nombre de mouvements l'ont fait mais jamais le Rassemblement national n'a signé un accord de coopération avec Russie unie. Le fait que deux personnes se rencontrent pour évoquer la possibilité que les mouvements patriotes se parlent ne remonte pas jusqu'à moi.

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Vous avez préféré endetter votre parti auprès d'une puissance étrangère plutôt que de mieux gérer votre budget, ce qui vous aurait permis d'emprunter en France. Dans le même temps, vous avez soutenu l'annexion de la Crimée par la Russie. Mais, selon vous, il n'y a aucun rapport entre ces deux informations et vous n'êtes pas redevable à la Russie.

Les chercheurs spécialistes des ingérences étrangères que nous avons auditionnés nous ont expliqué comment fonctionnait le sentiment de redevabilité : ce sentiment peut être fabriqué par les puissances qui accordent des faveurs dans le but d'obtenir une contrepartie. Le fait de lier la survie financière de votre parti à la Russie a-t-il exercé une influence sur vos choix politiques, notamment votre soutien à l'annexion de la Crimée ? Alors que la guerre fait rage entre la Russie et l'Ukraine, l'impact d'une telle ingérence dans le fonctionnement d'un parti politique français n'a pas l'air de vous choquer.

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Je vous remercie, ma chère collègue, pour cette question posée avec une très grande neutralité. La négociation du prêt a été engagée en janvier 2013 car un prêt de ce montant, rédigé dans deux langues différentes, ne se fait pas en l'espace de trois mois. Ce sont des longues négociations, qui ont eu lieu bien avant l'annexion de la Crimée.

Par ailleurs, je n'ai pas fait le choix d'emprunter à une banque tchéco-russe plutôt qu'à une banque française : on ne m'a pas laissé le choix. Il est scandaleux qu'un grand mouvement politique ne puisse pas trouver dans son propre pays une structure financière pour lui accorder un crédit bancaire. C'est tellement scandaleux que M. Bayrou avait fait de la création d'une banque de la démocratie une des conditions de son soutien à Emmanuel Macron en 2017. Quand je serai élue, j'interdirai les prêts étrangers mais je créerai cette banque de la démocratie – j'en prends l'engagement devant la commission.

Personne ne souhaitant nous prêter, nous avons fait des démarches auprès de banques étrangères, non seulement en Europe mais aussi aux États-Unis, en Amérique du Sud et en Asie. Nous n'avons eu que trois pistes : l'Iran, la Chine et cette banque tchéco-russe. Je vous ai expliqué les raisons pour lesquelles mon choix s'était porté sur cette dernière. Que vous répondre de plus ? Vous me demandez de faire la preuve d'un fait négatif : c'est impossible. Les accusations calomnieuses et gratuites qui ont été portées contre le Rassemblement national ne reposent pas sur le moindre fait.

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Le président de votre parti, Jordan Bardella, a annoncé vouloir faire condamner tous ceux qui insinuent que le Rassemblement national a un lien avec la Russie. Or vous venez de nous expliquer par le menu les liens financiers du Rassemblement national avec la Russie, ces mêmes liens que l'ancien Premier ministre François Fillon a qualifiés, devant cette commission, d'ingérence étrangère.

Puisque vous souhaitez des arguments plus factuels, je vous rappelle que, selon votre propre trésorier, tout a été pris en main par la banque centrale de Russie lors de la faillite de la First Czech Russian Bank. Quant à Jean Luc Schaffhauser, il a déclaré que les nouveaux propriétaires de la créance s'étaient présentés au Front national comme agissant sur ordre du pouvoir politique. Aviazaptchast, fondée par d'anciens militaires, est habilitée par le pouvoir russe à vendre des armes et à utiliser des informations relevant du secret d'État : cette entreprise n'est pas un simple créancier. Elle ne vous a pas réclamé d'argent jusqu'en 2019, alors que vous aviez de gros problèmes financiers. L'accord échelonnant la dette jusqu'en 2028 vous a évité la cessation de paiement. Il vous reste encore 7,3 millions à rembourser sur 9,4 millions, soit 75 %. Cet accord vous a permis d'éviter des sanctions, alors que tous les autres partis doivent rembourser leurs prêts dans des délais bien plus restreints.

Cela vous a également permis de mal gérer votre parti : depuis 2012, celui-ci est en déficit permanent, alors que les recettes ont très nettement augmenté. Le montant des dépenses a explosé, passant de près de 6 millions à 23 millions. L'article 4 de la Constitution n'autorise aucunement les partis politiques à mal gérer leurs comptes. En revanche, il dispose qu'ils doivent « respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie » : je ne crois pas que recourir à un financement étranger respecte cette disposition. Enfin, vous avez oublié de dire que les intérêts étaient pris en charge dans le cadre du remboursement des comptes de campagne.

Vous m'avez menacé d'une plainte en diffamation pour avoir signalé ces éléments, pourtant factuels et publics, au procureur de la République. Au risque de contredire le président de votre parti et votre propre déclaration liminaire, pouvez-vous nous dire s'il y a des liens financiers entre la Russie et le Rassemblement national ?

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Je pense que vous connaissez très mal le fonctionnement d'un mouvement politique. Les intérêts ne sont pris en charge par l'État que dans le cadre de l'élection présidentielle. Or ce prêt était destiné à financer le parti et non la campagne présidentielle.

Puisque vous me donnez des leçons de gestion, j'ai envie de vous rappeler l'article 4 de la Constitution : « Les partis et groupements politiques […] exercent leur activité librement. » Il y a deux juges : la CNCCFP, qui n'a jamais trouvé quoi que ce soit à reprocher à ce prêt d'une transparence totale, et le peuple français.

Le peuple a jugé, en 2022, et il me semble qu'il vous a jugés plus durement que moi. Je crois avoir répondu à ce qui n'était pas une question, mais une accusation.

Un certain nombre d'élus ont proféré des accusations très graves contre moi, qui sont passibles d'une condamnation devant le tribunal correctionnel. Quelqu'un, présent ici, a dit que le Rassemblement national avait touché des valises de billets. Il a eu la prudence de le faire dans l'hémicycle, mais je lui conseille vivement de le faire devant les médias pour que je puisse le poursuivre et le faire condamner. Tout cela relève du fantasme. Nous n'avons rien à nous reprocher dans cette affaire. Ce prêt est parfaitement légal, il a été vérifié et n'a fait l'objet d'aucune contrepartie.

Monsieur Bayou, puisque vous faites partie de la NUPES, je pourrais ressortir les déclarations de Jean-Luc Mélenchon qui soutient la Russie dans sa lutte contre le fondamentalisme islamiste. Doit-on, sur cette base, soupçonner M. Mélenchon de n'être pas tout à fait libre vis-à-vis de la Russie ? J'ai bien des désaccords avec lui, mais je crois pouvoir dire que, lui comme moi, nous sommes totalement libres des opinions que nous défendons, et ce depuis toujours. C'est pour cela aussi que les miennes n'ont pas beaucoup changé.

Du reste, il est arrivé qu'elles rejoignent celles du Président de la République. Je pense à deux tweets en 2019 – bien après l'annexion de la Crimée –, lorsqu'il a reçu Vladimir Poutine. Il a écrit dans le premier : « Je suis convaincu que l'avenir de la Russie est pleinement européen. Nous croyons dans cette Europe qui va de Lisbonne à Vladivostok. » Et dans le second : « Nous avons également parlé de la Libye. Une trêve décidée avec l'ensemble des parties prenantes a été obtenue durant l'été. Il nous faut maintenant construire de manière durable la stabilité et rebâtir un ordre en Libye. Nous y sommes tous deux attachés. »

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Ce qui est écrit à l'article 4, c'est que les partis « se forment et exercent leur activité librement », et non qu'ils s'administrent librement. Quand on prétend à la magistrature suprême, on révise un peu sa Constitution.

Par ailleurs, si vous avez des éléments sur le financement des campagnes de Jean-Luc Mélenchon, sortez-les. Je ne suis pas là pour protéger qui que ce soit.

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En tout cas, vous n'avez pas répondu à ma question : y a-t-il, oui ou non, des liens financiers entre la Russie et le Rassemblement national ?

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Monsieur Bayou, j'ai dit que je ne pensais pas que les prises de position de M. Mélenchon, sur le plan géopolitique, étaient liées à l'influence de quelque nation que ce soit.

Le seul lien financier qui existe est celui qui nous lie à une banque par l'intermédiaire d'un prêt, signé en 2014, cette banque ayant ensuite été rachetée par une société. C'est le seul lien que nous avons : il a été vérifié par les commissaires aux comptes, par la CNCCFP, sans doute aussi par Tracfin, et validé par la Société générale, qui était notre banque à l'époque. Tout ceci est parfaitement légal et transparent.

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Puisque vous venez de reconnaître qu'il existe un lien financier entre le Rassemblement national et la Russie, je ne vois pas pourquoi votre président voulait poursuivre toute personne qui en parlerait.

J'en viens à ma deuxième question. Vous venez de déclarer que jamais l'arrivée d'un prêt n'a changé d'un iota vos positions en matière de géopolitique. En 2014, vous avez failli contracter un prêt auprès d'une banque des Émirats arabes unis. Deux ans plus tard, l'un de vos conseillers économiques, Bernard Monot, a dit qu'il y avait mis son veto. Il a déclaré : « On ne peut pas dénoncer Mme Merkel et le Qatar qui possède 10 % de la Deutsche Bank et qui pourrait encore la renflouer, et de l'autre faire la même chose. » Finalement, un prêt de 8 millions venu des Émirats arabes unis a bien sauvé le Front national en 2017. Ce prêt, négocié par Laurent Foucher, a été signé à Bangui, à un taux de 6 %. Vous allez encore nous dire « peu importe d'où vient l'argent », ce qui est assez particulier de la part de la dirigeante d'un grand parti.

Dans Le Figa ro et dans Mediapart, on lit que, pour préparer cet accord, une rencontre a eu lieu entre un agent de liaison des services des Émirats arabes unis et vous-même à Montretout le 20 juillet 2014. L'enjeu était d'aider le Front national contre le Qatar et les Frères musulmans. De fait, les attaques du Front national contre le Qatar ont été nombreuses : vous l'avez notamment accusé de financer le terrorisme. À propos des Émirats arabes unis, en revanche, vous avez toujours eu un ton élogieux, alors que ce pays est lui aussi accusé de soutenir le terrorisme – que l'on pense au financement d'Al-Qaïda et de Lashkar-e-Toiba ou de la plainte, déposée devant le tribunal de Paris, visant le prince héritier des Émirats arabes unis pour crimes de guerre, torture et financement de terrorisme.

Sur le site du Rassemblement national, on ne trouve que dix articles mentionnant les Émirats, sans aucune critique à ce sujet. Dans un article saluant la nomination du député Sébastien Chenu à la présidence du groupe d'amitié France-Émirats arabes unis, on peut même lire que « les Émirats forment un allié de premier ordre dans la lutte contre le terrorisme ». En revanche, on compte quatre-vingts articles sur le Qatar, tous négatifs, qui visent généralement les achats qatariens. Auriez-vous la critique sélective ?

Si vous avez à nouveau des difficultés financières au moment de la prochaine élection présidentielle et si vous obtenez des financements chinois, direz-vous de la Chine qu'elle est un merveilleux allié ? Et plus tard, qui sait, de la Corée du Nord ?

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Monsieur Bayou, soyons factuels. L'emprunt dont vous parlez n'est pas un emprunt émirati ; c'est un emprunt effectué auprès d'un Français, M. Laurent Foucher, qui a son compte aux Émirats arabes unis, où il travaille une partie du temps. Vous mélangez tout pour créer de la suspicion, mais c'est un Français qui a prêté de l'argent à un parti français, dont il a été parfaitement remboursé. Vous dites que, pour moi, peu importe d'où vient l'argent, mais ce n'est pas tout à fait vrai : j'ai fait un choix entre des banques de trois pays différentes.

Je pense qu'Emmanuel Macron considère, comme moi, que les Émirats arabes unis sont un allié de poids dans la lutte contre le fondamentalisme islamiste. Et je ne suis pas sûr que vous puissiez lui en faire le reproche. Il y a un certain nombre de pays arabes sur lesquels on peut s'appuyer pour lutter contre le fondamentalisme islamiste : les Émirats arabes unis en font partie, comme l'Égypte.

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J'ai oublié de préciser que Laurent Foucher était apparemment insolvable au moment où ce prêt a été contracté. La justice s'est saisie de ce dossier.

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Laurent Foucher a été mis en examen pour blanchiment d'argent à Genève. Les enquêtes qui ont été menées ont effectivement révélé qu'il était insolvable au moment où le prêt a été contracté. Dès lors, d'où proviennent les 8 millions qu'il a prêtés au Rassemblement national ? Aviez-vous connaissance de ces faits à l'époque ? Depuis, n'avez-vous pas souhaité en savoir davantage sur l'origine de cet argent ?

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Je n'ai absolument aucune connaissance des faits dont vous me parlez, monsieur le président. Et je ne doute pas une seule seconde que s'il existait le moindre soupçon à l'égard du Rassemblement national, la justice s'en serait saisie et que Tracfin serait intervenu.

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Peut-être, mais il ne nous a adressé aucune demande de renseignement. Nous avons obtenu ce prêt et nous l'avons remboursé. Je ne sais rien de la situation personnelle de M. Foucher. Je fais confiance à ma banque française, qui a l'obligation légale de vérifier la provenance des fonds. Je fais confiance à la CNCCFP.

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Elle n'a pas de moyens d'investigation aux Émirats arabes unis ou en Russie.

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Si la banque ou si Tracfin avait eu le moindre doute, ils auraient alerté par la CNCCFP. Ce que Tracfin ne savait pas, j'étais censée le savoir ? Je ne sais pas si vous avez auditionné M. Foucher, mais c'est à lui qu'il faudrait poser ces questions. Moi, je n'ai fait que rembourser le prêt qui m'avait été accordé.

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Comment avez-vous été mis en contact avec M. Foucher ? Le connaissiez-vous auparavant ?

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À vous entendre, il y a eu, après le Bataclan, une sorte d'élan naturel qui a fait voir dans la Russie le partenaire idéal pour lutter contre le terrorisme islamiste. Or les Russes, depuis quelques semaines, commençaient à intervenir en Syrie et à prêter main-forte à celui que vous refusez de qualifier de barbare et qui est désormais à la tête d'un narco-État. La classe politique ne considérait pas unanimement, comme vous le prétendez, que la Russie était le seul allié sérieux pour lutter contre l'islamisme radical. Et si Daech n'existe plus en tant que proto-État, on le doit moins aux barils que Bachar al-Assad a jetés sur son peuple et à la main plus ou moins invisible de la Russie qu'à d'autres forces qui se sont battues pour lutter contre ce fameux terrorisme islamisme.

J'en viens à mes questions. Comment expliquez-vous que votre eurodéputé Jean-Luc Schaffhauser, qui a été votre intermédiaire pour obtenir le prêt russe de 9 millions d'euros en 2014, se soit vu dicter sa première intervention en séance plénière, au sujet de l'Ukraine, par ses contacts russes ? Par ailleurs, comment expliquez-vous les troublants SMS d'un responsable du Kremlin, révélés par les hackeurs russes d'Anonymous en 2015 – et jamais contestés par le Kremlin –, qui indiquaient que vous devriez être remerciée financièrement en échange d'une déclaration de soutien sur l'annexion de la Crimée ? De quoi, madame Le Pen, devriez-vous donc être remerciée ?

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Vous avez le droit de penser ce que vous voulez. Je vous dis juste qu'après le Bataclan, l'ensemble de la classe politique pensait que la Russie était un allié important pour lutter contre le fondamentalisme islamiste. Je peux vous citer des déclarations de M. Mélenchon félicitant les Russes pour leur combat contre Daech. Et le Président de la République a aussi fait des déclarations dans ce sens.

Je ne suis absolument pas au courant de mails qui auraient été envoyés à M. Schaffhauser. Vous avez pu vous rendre compte que c'est un homme très libre : il fait exactement ce qu'il veut. Si vous le contraignez à faire quelque chose, il vous en fait le reproche assez vivement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'était pas membre du Rassemblement national.

S'agissant des SMS, il ne me semble pas qu'il y soit écrit que j'ai été remerciée – ou que je doive l'être – « financièrement ». Je vous répète donc pour la énième fois que le seul lien qui existe entre le Rassemblement national et la Russie est un prêt qui a été signé en 2014, que nous remboursons chaque mois et que nous rembourserons jusqu'en 2028. Je suis libre de toute influence et c'est bien mal me connaître que de penser l'inverse.

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Madame Le Pen, trouvez-vous normal qu'une personne qui a participé à la négociation d'un prêt avec la Russie se voie dicter les termes d'une question qu'elle va adresser sur l'Ukraine au Parlement européen ?

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Je trouve cela parfaitement anormal. Il existe des règles au sein de cette assemblée : lorsqu'un amendement vous est dicté par un lobby, il faut l'indiquer et cela me paraît tout à fait légitime. Cela garantit la transparence et la liberté du député, de déposer ou non cet amendement, ou de faire la déclaration dont vous parlez. Se faire rédiger une intervention ne me paraît pas digne d'un élu de la nation : je suis contre toute forme d'influence, particulièrement de ce type.

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Madame Le Pen, vous êtes une très bonne oratrice et une bonne avocate : vous plaidez votre cause avec beaucoup de talent. Mais il faut être rigoureux et j'aimerais rappeler quelques faits.

L'ingérence est un phénomène assez subtil : les experts que nous avons auditionnés au début de nos travaux nous ont bien expliqué qu'il n'y a pas de contrat dans lequel on formalise qu'en échange de tant de millions, on attend tel service. Il s'agit bien plutôt d'un renvoi d'ascenseur.

Je veux rappeler les étapes qui ont fait du président Poutine un autocrate, n'hésitant pas à violer les droits humains. Il y a eu d'abord la révision constitutionnelle de juillet 2020. Approuvée par référendum, elle a donné tous les pouvoirs, jusqu'en 2036, à Vladimir Poutine. L'année 2020 a aussi été marquée par la tentative d'empoisonnement d'Alexeï Navalny. Rentré en Russie en janvier 2021, il a été emprisonné. Je voudrais rappeler aussi l'affaire Delpal : un citoyen français a été inculpé, à son corps défendant, mis en prison, puis assigné à résidence et condamné par une justice aux ordres. En septembre 2021, au moment des élections, la Russie a cherché des experts pour les légitimer. Elle a notamment fait appel à des personnalités d'extrême droite, parmi lesquelles on comptait plusieurs députés européens de votre parti : Thierry Mariani, Jean-Lin Lacapelle, Nicolas Bay, Hervé Juvin, Frédéric Boccaletti, ou encore Stéphane Ravier. Ces observateurs n'étaient pas envoyés par Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), mais accrédités par la Russie.

Quelques mois plus tard, lorsque la Russie a envahi l'Ukraine, l'Union européenne a fait preuve de courage et a fait voter plusieurs résolutions. Or on a pu constater que les députés du Rassemblement national n'étaient pas toujours en phase avec la position française. Ils ont quand même condamné l'agression et voté pour la collecte de preuves sur les crimes de guerre, mais ils se sont abstenus sur un certain nombre de résolutions – sur le soutien financier ou la condamnation de certaines pratiques. Je vous renvoie aux explications de vote de M. Mariani.

À partir de 2020, quand on sent que la Russie est en train de basculer, la plupart des politiques français prennent du recul vis-à-vis d'elle. Or ce n'est pas le cas de votre parti. On en vient donc à soupçonner un renvoi d'ascenseur, en contrepartie, par exemple, d'espèces sonnantes et trébuchantes. On soupçonne que votre parti se sent redevable vis-à-vis de la Russie et du régime de Poutine.

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Vous me faites un procès en sorcellerie : vous n'avez aucun élément contre moi. Ce qui vous déplaît, c'est que nous ayons des positions différentes des vôtres ou de celles de l'Union européenne. Cela s'appelle la démocratie : nous sommes élus. Nous n'avons jamais caché nos divergences avec l'Union européenne sur la question des sanctions. Nous partageons ce désaccord avec Les Républicains et nous sommes tous allés devant les électeurs, qui nous ont élus. Ils ont pris connaissance de nos déclarations, de notre opposition aux sanctions, que nous jugeons inutiles, et ils nous ont élus. Vous considérez peut-être que les Français sont stupides, mais ce n'est pas mon cas.

J'ai l'impression de subir un procès pour désaccord politique. Il y a une sacrée hypocrisie à venir me reprocher mes positions géopolitiques, alors que l'ensemble de la classe politique avait les mêmes. Nous avons toujours appelé de nos vœux la levée des sanctions, et le moins que l'on puisse dire, c'est que nous n'étions pas les seuls. M. Mathias Fekl, qui était secrétaire d'État, réclamait la même chose ; les LR réclamaient la même chose. Il y a une sacrée hypocrisie à me reprocher d'avoir considéré, en 2015, que la Russie pouvait être un allié dans la lutte contre le fondamentalisme islamiste, alors que le président Hollande, Jean-Luc Mélenchon et la plupart des responsables de haut niveau de notre pays disaient exactement la même chose. Il y a une sacrée hypocrisie à me reprocher la position que j'ai eu le courage de prendre sur la Crimée, alors qu'il ne viendrait à l'esprit de personne de faire des reproches à Nicolas Sarkozy, qui avait la même position. De même, il ne viendrait à l'esprit de personne de reprocher à M. Hollande d'avoir fait la promotion de M. Schröder bien après l'annexion de la Crimée, alors que celui-ci était déjà salarié d'une entreprise russe.

Je trouve assez désagréable cette indignation à géométrie variable. Avez-vous le moindre élément qui laisse penser que nos positions ont pu être influencées de quelque manière que ce soit par l'obtention d'un prêt auprès d'une banque tchéco-russe ? La réponse est non.

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J'aimerais revenir précisément sur la question de la légitimation des élections en Russie, que l'OSCE et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) ont refusé d'aller cautionner. Pourquoi plusieurs députés du Rassemblement national sont-ils allés légitimer ces élections, qui n'ont pas été régulières ?

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Parce que les députés du Rassemblement national sont libres de faire ce qu'ils veulent. Ils n'ont pas reçu de mandat impératif et ils n'ont personne au-dessus d'eux que le peuple français. Ils ont souhaité aller vérifier la manière dont se sont tenues les élections et ils l'ont fait. Ont-ils fait des déclarations dans les médias pour dire que ces élections s'étaient déroulées sans problème ? Je n'en ai pas le souvenir.

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Je vous donnerai la parole lorsque les orateurs qui ont déjà demandé à s'exprimer l'auront fait.

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Vous êtes libres de penser que ces élections ont été truquées et Mme Laporte est libre de penser le contraire, mais je ne veux pas parler à sa place. Le procès d'opinion que me fait cette commission d'enquête est assez inquiétant et je ne crois pas que ce soit son objet.

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Votre attitude véhémente ne suffit pas à dissimuler certaines incohérences dans vos propos. Par exemple, vous avez dit que vous étiez favorable aux accords de Minsk, mais le référendum de novembre 2014 était en contradiction avec eux. Vous avez fait une analogie entre MM. Macron et Poutine au moment de l'obtention du prêt, mais M. Macron n'était pas au pouvoir en 2014, à la différence de M. Poutine...

J'en viens à mes questions. Quel est l'usage, au sein du Front national, lorsque vous-même ou l'un des responsables du parti se déplace à l'étranger, à l'égard des autorités ? Comment organisez-vous vos déplacements à l'étranger ?

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Je ne peux répondre que pour moi-même, par pour les députés français ou européens qui organisent leurs déplacements comme ils le souhaitent. Il n'y a pas de bureau vérificateur des conditions de déplacement des députés. Quant à moi, je me déplace comme une citoyenne classique, de façon tout à fait normale. Je ne comprends pas bien votre question.

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Alors je vais l'expliciter. Si je comprends bien, il n'y a pas de procédure, au sein du Rassemblement national, pour organiser le déplacement à l'étranger de vos cadres ? Et vous-même, vous n'avez pas une méthodologie pour vous assurer du bon déroulement de vos déplacements ?

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Non, parce que depuis un certain nombre d'années, lorsque je me déplace à l'étranger, c'est souvent pour rencontrer soit des chefs d'État, soit des Premiers ministres. Par conséquent, la visite est généralement réglée par les services protocolaires du pays où je me rends : cela a été le cas en Égypte, en Hongrie, au Tchad.

Lorsque je ne suis pas invitée par une instance exécutive – par exemple lorsque j'ai été invitée par le président de la Douma –, ce sont mes équipes qui gèrent la logistique de mes déplacements. Il est arrivé assez souvent que soient mis à notre disposition les moyens de l'assemblée qui nous accueillait.

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Je note que vous avez une prédilection pour les démocrates patentés. Est-ce que vous entrez en relation avec le Quai d'Orsay ou avec l'ambassade de France du pays dans lequel vous vous rendez ?

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Pendant très longtemps, je ne l'ai pas fait, parce qu'à chaque fois que je le faisais, j'avais de mauvaises surprises au cours de mon déplacement. À présent, je le fais. La dernière fois que je suis allée au Sénégal, j'ai souhaité voir l'ambassadeur, mais il a mis des conditions tellement restrictives à notre réception, alors même que j'étais accompagnée par la vice-présidente de l'Assemblée nationale, que j'ai fini par y renoncer.

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Le fait que vous n'ayez pas informé l'ambassade de France en Russie de votre venue dans ce pays n'a donc rien d'exceptionnel ?

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Honnêtement, quand je me déplace, cela ne passe pas inaperçu. Je ne peux pas, contrairement à ce que peuvent écrire certains journalistes, me déplacer confidentiellement, ou secrètement. Dès l'instant où j'achète un billet d'avion, tous ceux qui doivent en être informés le sont. Et je ne parle même pas du moment où je pose le pied à l'aéroport...

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Vos propos contredisent ceux de M. Jean-Maurice Ripert, que nous avons auditionné.

Vous nous avez dit que vous aviez signé un prêt avec une banque, pas avec Poutine. Dans quelle mesure, selon vous, le système bancaire russe est-il indépendant de l'État et de la machine du pouvoir poutinien ?

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Pour répondre très clairement à votre question, je n'en sais rien. Mais ce que je sais, c'est qu'il y a très peu de pays au monde où le système bancaire n'a pas de relation directe avec le pouvoir politique et où ce dernier n'a pas le pouvoir de s'opposer à une opération bancaire.

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Si je vous comprends bien, vous considérez qu'il y a probablement un lien fort entre l'État russe et la banque en question : j'en prends note.

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Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que je pense, ce n'est pas que le pouvoir donne son accord, mais qu'il peut éventuellement s'opposer à une décision ou une opération bancaire. Je pense que c'est vrai en France et dans beaucoup de grandes démocraties.

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Mais là, on ne parle pas d'une démocratie. On parle de la Russie.

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Pouvez-vous nous indiquer le montant des commissions touchées par M. Schaffhauser ?

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De mémoire, il a touché 70 000 euros de commission et l'équivalent en remboursement des frais engagés pour trouver ce prêt – il a parcouru de nombreux pays pour y arriver.

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N'auriez-vous pas des chiffres plus précis à nous communiquer ?

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Non, d'autant que c'est la banque qui a réglé la commission de M. Schaffhauser – de même que, lors de la vente d'une maison, c'est l'acheteur qui paie la commission de l'agent immobilier.

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Pensez-vous que la nature des relations entre M. Schaffhauser et la banque est de nature à garantir son indépendance en tant qu'élu ?

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Je pense qu'il n'avait aucune relation avec cette banque avant qu'il n'arrive à trouver le prêt pour le Rassemblement national. Je ne sais pas pourquoi il en aurait eu après. Je crois qu'il a déclaré cette commission aux instances compétentes et que personne ne la lui a reprochée ; s'il ne l'a pas fait, c'est une erreur.

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En combien de temps l'emprunt contracté auprès de M. Foucher a-t-il été remboursé ?

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Il a été remboursé le jour où l'État nous a remboursés. Une subrogation était même prévue pour que le remboursement de l'État soit directement versé à M. Foucher.

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Ne vous a-t-il pas semblé utile, dans la préparation de votre audition, de vérifier la date prévue ?

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Non. La date à laquelle l'État a remboursé les frais de campagne en 2017 doit être assez facile à trouver.

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Je confirme que le remboursement du prêt « personnel » – entre de nombreux guillemets – octroyé par M. Foucher a été effectué assez rapidement, après que la République a versé au Rassemblement national ce qu'elle avait à lui verser. Une première somme d'un montant de 300 000 euros a été versée directement sur un compte détenu par M. Foucher, au Luxembourg de mémoire, et deux autres versements ont été effectués à la banque émiratie Noor Capital à laquelle était adossé ce prêt.

Je profite de l'occasion pour dire que, contrairement à ce que vous avez répété à satiété, madame Le Pen, légalement, humainement, juridiquement et techniquement, la CNCCFP n'a absolument pas les moyens d'investiguer sur l'origine des fonds, quels qu'ils soient. Nous traiterons ce sujet ultérieurement.

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Madame la rapporteure, ce n'est pas ce que j'ai dit. La CNCCFP doit s'assurer du remboursement du prêt. La banque a l'obligation légale de s'assurer de l'origine des fonds.

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La Société générale a fermé le compte du Rassemblement national en 2017, mettant un terme à trente ans de coopération. Pouvez-vous nous en expliquer le motif ?

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Il n'y en a pas. Les banques ont le droit de fermer votre compte sans vous donner aucune explication.

Officieusement, l'explication qui nous a été donnée est la suivante : la Société générale n'entendait plus financer les partis politiques ni héberger leurs comptes, et souhaitait rompre toute relation avec quelque parti politique que ce soit. M. Bayou nous reproche assez vivement d'être endettés ; nous l'avons toujours été moins que le parti Les Républicains, dont les dettes ont atteint 120 millions d'euros et qui a été soutenu avec beaucoup d'amitié, semble-t-il, par la Société générale.

Tous les élus sont dans cette situation, ce qui devrait scandaliser les députés que nous sommes. À l'heure actuelle, un quidam élu député de la nation subit la fermeture de son compte, car les banques considèrent que faire de la politique fait de vous un paria et ne souhaitent plus héberger les comptes de gens qui sont élus de la nation. Cela pourrait faire l'objet d'une discussion ou d'un prochain rapport d'information. Ces décisions assez faramineuses nous mettent probablement un poil sous les dealers de drogue.

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Comment expliquez-vous que d'autres responsables politiques confrontés à des difficultés analogues pour ouvrir des comptes ne contractent pas des crédits auprès de banques étrangères, russes notamment ?

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Très peu de mouvements politiques sont confrontés à l'impossibilité totale d'obtenir un prêt en France ou en Europe. Lors de la dernière campagne présidentielle, l'intégralité des candidats a trouvé des prêts en France. Nous sommes les seuls à ne pas en avoir trouvé.

Je doute que beaucoup de responsables politiques aient vu leur compte fermé quasiment du jour au lendemain, comme cela a été le cas de celui que j'avais à la banque HSBC. J'avais ce compte depuis vingt-cinq ans. Je n'ai jamais été en découvert. Je n'avais même pas de moyen de paiement, de sorte que les seuls mouvements étaient des recettes. Ce compte n'en a pas moins été fermé sans raison.

Les difficultés sont nombreuses en la matière. Vous lirez utilement le rapport d'information de Mme Braun-Pivet et de M. Gosselin publié en 2021, de mémoire. Il y est indiqué que de plus en plus de candidats, notamment aux élections législatives, n'arrivent pas à ouvrir des comptes de campagne, et que le problème se pose avec une acuité croissante.

En raison des critères auxquels les banques doivent se conformer, les personnes politiquement exposées (PPE) sont pour elles un ennui, dont elles préfèrent se passer, quitte à perdre une clientèle. Cela pose un vrai problème démocratique, par-delà la situation des élus ou des candidats du Rassemblement national.

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Avez-vous toujours contrôlé l'origine des fonds qui vous ont été versés lorsque vous contractiez un prêt ?

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Monsieur Saintoul, je ne suis pas Présidente de la République quand je suis candidate à la présidentielle. La vérification des fonds incombe à ma banque, qui y est légalement obligée. Je n'ai absolument aucun moyen d'investigation pour connaître l'origine des fonds, contrairement à Tracfin, qui en fait sûrement état à nos services de renseignement, et aux banques, chargées par la loi de vérifier l'origine des fonds.

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Lorsqu'un particulier vous octroie un prêt de 8 millions d'euros sur votre bonne mine, vous ne vous interrogez donc pas sur les sources de sa fortune ?

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Non, car j'ai toute confiance en ma banque, qui a l'obligation légale de vérifier la provenance des fonds.

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Que les fonds proviennent d'Abou Dhabi et du Luxembourg et que le contrat soit signé en Centrafrique ne vous semble pas original ?

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Il s'agit d'un Français ayant un compte bancaire aux Émirats arabes unis. Il aurait pu en avoir un aux États-Unis, ce qui vous aurait peut-être moins perturbé.

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Je suis étonné de vous avoir entendu dire que vous n'êtes pas naïve si vous pensez sincèrement ce que vous dites.

J'aimerais en savoir plus sur vos relations avec M. Steve Bannon. Vous avez indiqué avoir renoncé à utiliser l'outil NationBuilder. M. Bannon a travaillé pour Cambridge Analytica. Lorsque vous le recevez en 2019 lors d'un événement du Front national organisé dans le cadre de la campagne des élections européennes, il est déjà très sérieusement impliqué dans le scandale du même nom. Quel regard portez-vous sur la probité de M. Bannon et sur la nature des conseils qu'il vous a prodigués ?

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M. Bannon n'a commis aucun conseil à notre destination. Je vous le dis très clairement : nous n'avons pas besoin de conseils. Si j'avais voulu recourir aux méthodes utilisées aux États-Unis, j'aurais utilisé NationBuilder. Les États-Unis sont un pays très différent du nôtre en matière de fonctionnement électoral, notamment en ce qui concerne le recueil et l'utilisation des données personnelles.

Quand j'ai rencontré M. Bannon, l'affaire Cambridge Analytica n'était pas aussi prégnante qu'elle l'est devenue par la suite. Je n'ai pas vu M. Bannon depuis plusieurs années et j'ignore les suites judiciaires données à cette affaire, qui au demeurant ne me regardent pas. Ce n'est pas parce que je rencontre quelqu'un que je peux être suspectée de participer à tout ce qu'il entreprend. Dans notre État de droit, chacun est responsable de son fait personnel. Le simple fait de rencontrer quelqu'un ne rend pas coupable ni même complice de toute action qu'il a entreprise, qu'elle soit illégale ou non.

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Vous n'avez malheureusement pas répondu à ma question. Je vous ai interrogée sur l'appréciation que vous portez sur la probité de M. Bannon. Le scandale Cambridge Analytica a éclaté en 2018. Vous avez reçu M. Bannon en 2019. Je ne me suis pas prononcé sur l'existence d'une relation de conseil ; je vous demande simplement si vous estimez qu'il est intègre.

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Je ne suis juge dans aucune instance américaine. Je n'ai pas eu à connaître de cette affaire. Respectons la présomption d'innocence, que nous partageons avec les États-Unis.

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Les députés européens du RN qui se sont rendus en Crimée en 2014 ont-ils sollicité votre accord ? On a peine à croire que six députés européens effectuant un déplacement aussi sensible ne demandent pas votre approbation, alors que vous dirigiez le parti et que vous étiez la cheffe de file des parlementaires du RN au Parlement européen. Quand bien même vous leur auriez laissé une parfaite liberté, l'un d'entre eux – M. Chauprade – avait un rôle un peu particulier, puisqu'il était votre conseiller spécial chargé des relations internationales et, à ce titre, salarié du parti. Confirmez-vous que vous n'avez donné aucun feu vert, pas même à M. Chauprade ?

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Je ne peux pas vous le confirmer car je n'en ai pas le souvenir. Cela ne m'a pas marquée. M. Chauprade n'était pas salarié mais député européen et conseiller politique. Par ailleurs, je ne suis pas la présidente autoritaire que certains se plaisent à imaginer. Il n'est pas choquant, à mes yeux, que des députés européens puissent aller où ils le veulent et en tirent les conclusions qu'ils souhaitent. M. Chauprade ne m'a pas davantage informée quand il a participé à la libération de pilotes dans l'affaire « Air Cocaïne ».

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En mars 2017, à un mois du premier tour de l'élection présidentielle, vous effectuez votre quatrième voyage en cinq ans en Russie. On prend conscience, à ce moment-là, des ingérences russes dans les élections de plusieurs grands pays démocratiques comme les États-Unis ou la France. Lors de votre rencontre avec M. Poutine, aviez-vous connaissance des procédés des services spéciaux russes pour mener ces attaques numériques ?

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Absolument pas. N'étant pas Présidente de la République, je n'ai accès à aucun des éléments relevés par nos services de renseignement. Cela étant, je ne suis pas naïve : je sais pertinemment qu'un certain nombre de pays mènent ce type d'attaques. La Russie n'est pas la seule à le faire, mais ce n'est pas pour cela que ses actions ne sont pas condamnables. Nous devons mobiliser nos services de renseignement et, éventuellement, de riposte pour préserver nos élections.

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Monsieur Sitzenstuhl, vous vous êtes cru autorisé à dire que je m'étais rendue en Crimée, ce qui est complètement faux. J'ai quarante-cinq ans et, au cours de ma vie, je n'ai passé que quatre jours en Russie, ce qui ne permet pas, me semble-t-il, d'affirmer que j'ai une proximité particulière avec ce pays. Pendant les trois années de mon mandat européen, j'ai effectué deux missions d'observation électorale : l'une en Russie, pendant quatre jours, et l'autre au Liban, durant cinq jours. Ces deux missions ont été déclarées au Parlement européen. Comme je l'ai indiqué sur les réseaux sociaux, j'ai librement circulé en Russie. Vous êtes très mal renseigné parce que des députés appartenant à d'autres groupes que le Rassemblement national s'y sont rendus. Il serait souhaitable que vous cessiez ces mises en cause répétées.

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Comme la presse s'en est fait l'écho, Alexandre Orlov, alors ambassadeur de Russie en France, n'a guère fait mystère, avant l'élection présidentielle de 2017, de sa préférence pour François Fillon, de son indulgence pour moi et de son admiration pour Emmanuel Macron. Je n'apparaissais donc qu'en bas de sa liste.

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Comme on le sait, la créance de la First Czech Russian Bank a été rachetée par le groupe Aviazaptchast grâce à l'intermédiation de la Banque centrale russe. Cette société aéronautique a été sanctionnée en 2020 par les États-Unis pour avoir exporté des armes, notamment vers la Syrie. On ne peut s'empêcher de se demander pourquoi une société de construction aéronautique, qui produit notamment des pièces détachées d'avions et des armes et entend se diversifier dans la production d'hélicoptères, rachète des prêts souscrits par des partis politiques français.

J'ai appris au cours de ma carrière de conseil aux gouvernements pour le sauvetage de banques que ce n'est pas l'aspect financier qui motive le rachat d'un prêt par une société. Les fonds spéculatifs classiques rachètent des prêts d'emprunteurs qu'ils savent être en difficulté pour profiter de leur faiblesse et mettre la main sur les garanties, par exemple une participation dans une filiale ou un actif immobilier. Or cette société russe ne cherchait pas à récupérer des garanties immobilières ou une quelconque filiale du Rassemblement national. Quelles contreparties poursuivait-elle en reprenant ce prêt avec l'intermédiation de la banque centrale russe ? Quelles garanties vous a-t-elle demandées en échange de son accord de restructuration du prêt ?

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Je trouve votre question absolument lunaire. C'est auprès de la justice que la renégociation s'est faite. Je n'ai pas eu le moindre pouvoir de décider qui reprenait le prêt : j'étais passive. Je n'ai donné aucune garantie : le prêt a été renégocié et le Rassemblement national se contente de le rembourser selon l'échéancier qui a été édicté. Je n'ai absolument aucune autre relation avec cette société.

Si j'avais été Présidente de la République et qu'un des grands partis politiques s'était retrouvé contraint par le droit à rembourser à une société privée à visée militaire, j'aurais fait en sorte qu'une banque française sur laquelle l'État a un pouvoir reprenne ce prêt, libérant ainsi le parti politique de cette obligation que vous semblez me reprocher. Je n'ai pas légalement d'autre possibilité que de rembourser mon nouveau créancier.

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Je ne pense pas qu'il relève des prérogatives d'un Président de la République de gérer le prêt d'une entité privée. Certes, vous n'avez pas eu le choix de l'identité de celui qui détient ce prêt et qui, par conséquent, tient dans sa main l'avenir de votre mouvement. Connaissez-vous les raisons pour lesquelles cette société, qui n'a rien à voir avec les partis politiques ni avec la France, a décidé de vous financer ?

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Je ne le sais absolument pas. Je n'ai fait que signer un prêt avec une banque tchéco-russe : je ne suis pas responsable de son rachat par une autre société. Ma seule obligation est de rembourser mon prêt : s'il avait été racheté par La Redoute ou Tartempion, l'obligation aurait été exactement la même. Cette structure a racheté ce prêt sans mon accord car, rappelons-le, elle n'avait pas l'obligation de nous demander notre avis.

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Sans faire de conjecture, on ne peut que constater qu'une entité apparemment proche du pouvoir a choisi de racheter un prêt pour des raisons qui nous échappent.

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Je ne peux pas vous laisser dire cela. Cette société n'a pas acheté le prêt du Rassemblement national mais l'intégralité du passif et de l'actif de la banque en faillite.

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Concernant M. Bannon, vous faites comme si vous l'aviez croisé dans un hall de gare. Or vous-même et des dirigeants du Front national l'avez rencontré à plusieurs reprises en 2018. M. Bannon a en effet été l'invité vedette du congrès du Front national à Lille ; il s'est ensuite entretenu avec le député Louis Alliot et Jérôme Rivière, chargé des questions internationales au sein de votre état-major, à Londres, où il s'était installé pour tenter de peser sur les élections européennes de 2019 ; vous l'avez vous-même rencontré à Paris, lui renouvelant votre intérêt pour ce projet ; Louis Alliot et Jérôme Rivière se sont rendus à Washington afin d'assister aux élections de mi-mandat avec Steve Bannon ; enfin, ce dernier s'est à nouveau montré à vos côtés lors d'une conférence d'extrémistes européens contre l'immigration le 8 décembre 2018 à Bruxelles.

Ce personnage polémique, ancien conseiller de Donald Trump à la Maison-Blanche et proche des suprémacistes américains, a multiplié les sorties anti-européennes, affirmant vouloir « planter un pieu dans le cœur de l'Europe ». Dans un documentaire, on voit Jérôme Rivière proposer à M. Bannon de participer à des réunions secrètes se tenant tous les mardis entre le Rassemblement national et de hauts fonctionnaires français. Le Rassemblement national semble donc avoir tenté, avec le soutien et les conseils de M. Bannon, de participer à une multinationale des nationalismes avec des adversaires autoproclamés de l'Europe et de la France. Cela vous paraît-il acceptable ?

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Un peu sur le modèle de l'internationale socialiste, en quelque sorte… Que certains mouvements ayant des positions communes sur des points essentiels – lutte contre l'immigration, souveraineté nationale, refus d'une structure supranationale, identité et démocratie – se réunissent, cela s'appelle un groupe au Parlement européen et cela n'a évidemment rien de contestable.

Quant au projet de M. Bannon, lorsque j'ai été interrogée à son sujet dans la presse, j'ai dit ce que j'en pensais, à savoir qu'il n'avait aucune chance de prospérer, parce que la vision américaine de M. Bannon se heurtait à la culture européenne et à celle des différents pays européens. J'ai dit qu'une structure comme celle-là ne pourrait pas fonctionner, même s'il arrivait à la créer, et elle n'a pas connu le début d'une forme de concrétisation.

En politique, quand vous arrivez à un certain niveau, les gens ont des tas d'idées pour vous aider. Je ne vais pas vous faire le catalogue de toutes les idées mort-nées que j'ai pu entendre en vingt ans de carrière politique, mais il y en a eu énormément.

Vous avez présenté M. Bannon sous un jour très désagréable. Je tiens à vous dire qu'il conteste les adjectifs que vous avez employés. C'est un homme intelligent et il est intéressant de parler avec lui. Nous avons dû nous voir trois fois et cela fait plusieurs années que je ne l'ai pas revu. À l'époque où je l'ai rencontré, je crois d'ailleurs qu'il ne travaillait déjà plus avec M. Trump. Je ne sais pas ce que vous cherchez à me faire dire ou regretter, mais je ne regrette pas d'avoir rencontré M. Bannon. Et je ne regrette pas de ne pas m'être laissée convaincre par son projet, qui n'avait aucune chance de prospérer.

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J'aimerais revenir sur les élections russes de 2021. Mme Laporte est partie, mais je me fonde sur des sources publiques, qui sont parues dans la presse. Dans un article du journal Le Monde du 6 mai 2021, intitulé « L'étonnant charter des observateurs français d'extrême droite pour le référendum de Poutine », on lit cette citation : « Une leçon de démocratie ! », suivie de ce commentaire : « Lors de la conférence de presse qu'elle donne à Moscou, le 2 juillet 2020, Hélène Laporte ne cache pas son enthousiasme. La députée européenne du Rassemblement national vient d'assister en qualité d'observatrice au scrutin référendaire qui permet au président russe, Vladimir Poutine, de rester au pouvoir pour deux mandats supplémentaires, au-delà de 2024. » Je prends acte du fait qu'en 2021, le Rassemblement national considérait la Russie comme une grande démocratie.

Voilà près de trois heures que nous vous interrogeons, madame Le Pen ; vous avez cité une fois, au détour d'une phrase, le nom de François Hollande, mais à aucun moment vous n'avez rappelé la position officielle de la diplomatie française au sujet de la Crimée. Vous réécrivez l'histoire, vous mélangez les dates, vous mentionnez des chefs d'État ou de gouvernement qui ne sont plus en exercice, vous citez les propos de personnes qui ne sont même pas là pour expliquer le contexte dans lequel elles les ont prononcés… Ma première question est simple : vous qui vous prétendez patriote, pourquoi avez-vous oublié la position officielle de la diplomatie française au moment de l'annexion de la Crimée, en 2014 ? Je rappelle que la position de François Hollande a été maintenue par son successeur, Emmanuel Macron.

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En matière démocratique, d'abord, je vous rappelle que la France a hélas atteint le statut de démocratie défaillante. Les difficultés de financement des opposants au pouvoir n'y sont d'ailleurs pas pour rien. L'hypocrisie est de mise et l'indignation, comme l'exigence démocratique, à géométrie variable. Nos excellentes relations avec l'Arabie saoudite, par exemple, s'embarrassent assez bien des assassinats et des démembrements de journalistes dans les ambassades de pays étrangers...

La France a une diplomatie, mais la candidate à la présidentielle que je suis, la cheffe de parti politique que je suis, peut avoir une vision différente de celle exprimée par la diplomatie française. Vous et moi, nous ne sommes pas exactement dans la même situation, cher collègue. Vous êtes le député d'une majorité, avec un président qui fait des choix, et vous êtes obligé de vous y tenir. Moi, je suis une opposante politique. Je peux donc avoir sur l'intégralité des sujets une vision radicalement différente de celle d'Emmanuel Macron.

Je n'ai jamais manqué, lorsque notre sécurité intérieure était en jeu, d'apporter mon soutien, non pas à Emmanuel Macron, mais au Président de la République, en sa qualité de représentant de la France. Mais rien ne m'interdit – car la France n'est pas une dictature –, et même tout doit me pousser à défendre, devant mes électeurs et pour l'avenir de mon pays, ma vision des choses, ma vision de candidate à la présidentielle. En rappelant les propos des uns et des autres, je n'ai fait que pointer du doigt l'hypocrisie. Vous me reprochez mes prises de position, parce que c'est moi, mais quand Emmanuel Macron a la même position, cela vous va.

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Il n'a pas la même position sur la Crimée.

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Je suis désolée, mais lorsqu'il reçoit le président Poutine à Brégançon en 2019 et qu'il dit « Je suis convaincu que l'avenir de la Russie est pleinement européen » et qu'il ajoute « Nous croyons dans cette Europe qui va de Lisbonne à Vladivostok », cela veut quand même dire quelque chose ! Du reste, il se trouve que je suis d'accord avec lui sur ce sujet.

Encore une fois, ce que je pointe du doigt, c'est l'hypocrisie. Lorsque je dis qu'il faut supprimer les sanctions prises à la suite du référendum d'annexion de la Crimée, tout le monde me le reproche, mais lorsque ce sont des députés LR qui le disent, tout va bien. Au début de la guerre en Ukraine – que j'ai d'ailleurs condamnée de la manière la plus claire qui soit –, lorsque je dis qu'il faut prendre des sanctions, mais que celles relatives à l'énergie sont totalement stupides et vont se retourner contre nous, je suis critiquée. Mais quand quelqu'un d'autre le dit, il n'y a aucun problème. Cela relève de la liberté d'opinion !

Vous avez votre liberté d'opinion et nous avons la nôtre. Je ne vois pas en quoi mes prises de position, dont je viens de rappeler qu'elles sont partagées par d'autres responsables politiques, et dont on me reproche assez, du reste, la cohérence et la régularité, pourraient faire naître ne serait-ce que le plus petit soupçon d'ingérence. J'ai des positions qui vous déplaisent, et il arrive qu'il me plaise qu'elles vous déplaisent. Cela s'appelle la démocratie et nous devons nous y soumettre, vous comme moi. Mais de notre désaccord, vous ne pouvez pas faire naître un soupçon, celui que vous avez nourri, avec votre mouvement, pendant toute la campagne présidentielle, et qui relève de la diffamation.

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Sans citer la Crimée, vous venez de confirmer que vous avez eu, sur cette question, une position différente de celle de la diplomatie française. Cela invalide donc la fable que vous avez développée dans votre propos liminaire, selon laquelle il y aurait eu un consensus, en France, sur la position à tenir vis-à-vis, non pas de la Russie, mais du régime russe. En réalité, cette question a suscité un désaccord majeur, depuis au moins une dizaine d'années, dans le débat public français. Nous prenons acte du fait que vous maintenez la position que vous soutenez depuis dix ans, et je rappelle que ce n'est pas la position officielle de la France.

Les propos du Président de la République sur l'Europe qui va de Lisbonne à Vladivostok sont des propos généraux, qui visent à entretenir de bonnes relations avec la Russie. Tous les chefs d'État ont pour mission d'entretenir les meilleures relations avec les différents pays du monde, mais je tiens à rappeler qu'Emmanuel Macron, comme son prédécesseur, François Hollande, ont eu, au sujet de la Crimée, une position opposée à celle du pouvoir russe. C'était aussi la position de l'Union européenne, elle n'a pas varié, et ce n'était pas la vôtre.

Le 1er décembre 2014, au lendemain du congrès qui vous réélit à la présidence du Front national, vous êtes interviewé par EuroNews. Vous dites, au sujet de l'Ukraine et de la Russie, qu'il y a eu un putsch en Ukraine. C'est la rhétorique classique des cercles poutiniens, que nous a resservie M. Schaffhauser lors de son audition.

Si tel est le cas, pouvez-vous nous dire qui a organisé ce coup d'État ? Sur quelle documentation vous êtes-vous basée pour dire qu'il y a eu un putsch en Ukraine en 2014 ? Si tel est le cas, pourquoi le président Ianoukovitch s'est-il réfugié en Russie et pas aux États-Unis ou dans l'Union européenne, qui sont des espaces bien plus démocratique et libres ?

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Cher collègue, vous avez dû mal écouter ou ne pas être assez attentif à ce que j'ai dit. Je n'ai jamais dit que tout le monde était d'accord. J'ai dit qu'il est arrivé que, sur certains sujets concernant la Russie, quasiment toute la classe politique fût d'accord.

C'était le vrai pour le cas très précis que j'ai cité. J'ai lu les déclarations du président Sarkozy sur la Crimée : il a dit la même chose que ce que j'ai dit.

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Sur le sujet des sanctions, j'étais absolument sur la même ligne que Les Républicains. Nous sommes en présence de l'hypocrisie que j'ai dénoncée tout à l'heure, qui consiste à aller voir un soupçon de je ne sais quoi si c'est moi qui parle, et à ne voir aucune difficulté si d'autres parlent.

Quant à la seconde partie de votre question, quel est son rapport avec l'objet de la commission d'enquête ?

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La commission d'enquête a pour objet les ingérences étrangères. Depuis le mois de janvier, nous interrogeons des personnes qui ont à traiter de tous types d'ingérences potentielles à l'échelle internationale.

Je vous pose une question sur l'Ukraine et la Russie à la lumière de propos que vous avez tenus le 1er décembre 2014, année de l'annexion de la Crimée. Nous sommes au cœur du sujet. Je vous la pose donc à nouveau : qu'est-ce qui vous a permis de dire, le 1er décembre 2014, qu'il y a eu un coup d'État en Ukraine ? Sur la base de quelle documentation avez-vous affirmé cela ?

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Je n'ai pas eu besoin de documentation, mon cher collègue. Il y a eu une élection, il y avait un président ; il a été renversé – pour le bien ou pour le mal, ce n'est pas le sujet ni le sens de mon propos. Cela s'appelle un renversement de régime. Il a été effectué par une révolution. C'est arrivé dans d'autres pays. Après, il y a eu des élections, mais en l'occurrence, il s'agit d'un renversement de régime, appelé putsch en langage commun. C'est un fait juridique, plus que politique d'ailleurs. Si quelqu'un d'autre que moi avait énoncé ce fait si simple et si évident, nul ne le lui aurait reproché sur un ton un peu suspicieux.

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Je prends note de vos propos. Ils relèvent de la rhétorique russe qui nous est habituellement servie sur l'année 2014 en Ukraine. Dont acte.

Monsieur Schaffhauser nous a expliqué que, pour des raisons techniques, le prêt russe a été accordé au parti avant de l'être à Marine Le Pen. Pouvez-vous nous détailler les raisons techniques justifiant ce montage ?

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Vous faites erreur. M. Schaffhauser ne parlait pas du prêt tchéco-russe mais de celui de M. Foucher.

La façon dont il a été octroyé tient à une raison très simple ; sans doute étais-je absente lors de la signature, probablement en déplacement. Le prêt m'a été octroyé immédiatement après l'avoir été au parti, car c'est le candidat à l'élection présidentielle qui signe les documents et reçoit les fonds, dont il se porte personnellement caution.

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M. Schaffhauser nous a expliqué qu'un désaccord a surgi entre vous, quelques mois après l'octroi du prêt, sur la stratégie à adopter pour son remboursement. Il pensait qu'il fallait se débarrasser très rapidement de cette dette pour vous et votre parti. Vous avez fait le choix contraire, en remboursant de façon très lente, comme l'a très bien rappelé Julien Bayou. À ce jour, 75 % de l'encours resterait à rembourser. Vous avez donc choisi de rester plus longtemps débiteur de ce système russe. Pourquoi ?

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Parce que rembourser aurait empêché le Rassemblement national de faire de la politique pendant plusieurs années. Or je considère que le rôle qui est le nôtre est un rôle absolument éminent, au bénéfice des Français et de la France. Par conséquent, il était essentiel que le Rassemblement national puisse continuer à faire de la politique et à se présenter à l'intégralité des élections, avec les succès que nous avons connus.

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Le 24 juin 2017, vous faites ce fameux déplacement au Kremlin. Vous êtes reçue par M. Poutine, ce que Jean-Maurice Ripert, alors ambassadeur de France en Russie, a qualifié d'inhabituel de sa part. Il s'agissait d'un acte politique fort et d'un soutien officiel. M. Schaffhauser nous ayant indiqué qu'il n'a pas contribué à l'organisation de cette rencontre, j'aimerais savoir qui en ont été les organisateurs, côté français et côté russe.

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Je vous ai répondu : lorsque je suis invitée par un chef d'État, le service du protocole du pays qui me reçoit s'occupe de l'organisation de mon déplacement, et accessoirement de sa sécurité. Comme vous l'ignorez sans doute, les services de police protégeant quotidiennement une personnalité ne la suivent pas dans ses déplacements à l'étranger.

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Vous avez répondu à la moitié de ma question. M. Schaffhauser ayant de nombreuses entrées en Russie, nous pensions initialement qu'il était l'organisateur de votre visite côté français. Qui était l'organisateur côté français ?

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Mon directeur de campagne présidentielle, dans laquelle s'inscrivait ce déplacement.

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Votre directeur de campagne avait-il des entrées auprès du régime russe ? Y a-t-il eu d'autres intermédiaires français ?

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Dès lors que le cabinet du président de la Russie appelle votre campagne pour dire qu'il est prêt à vous recevoir, les choses se font assez facilement. Il s'agit simplement de prendre un billet d'avion.

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Je comprends de votre réponse que M. Poutine vous a invitée et que vous n'avez pas sollicité cette rencontre.

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Je l'ai sollicitée, mais il a mis quelques années à répondre ! J'ai d'ailleurs sollicité une rencontre avec de nombreux chefs d'État, comme le savent les journalistes qui me suivent. J'ai eu plus ou moins de succès, et obtenu des réponses plus ou moins rapidement.

Rencontrer le président des États-Unis, le président indien, le président russe ou le président chinois fait partie, à mes yeux, de ce qui peut, sinon doit être fait par un candidat à la présidentielle. Cela me paraît légitime. C'est pourquoi j'ai rencontré Idriss Deby et, dans la foulée, puisque le feu vert avait été donné, Vladimir Poutine.

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Vous vous êtes contredite : vous avez d'abord dit que c'était M. Poutine qui vous avait invitée, puis que c'est vous qui l'aviez sollicité. Pouvez-vous clarifier ce point ?

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J'ai sollicité un certain nombre de rencontres, lors de mes trois candidatures à l'élection présidentielle, pour échanger avec les grands dirigeants de ce monde. Certaines de ces sollicitations ont abouti, parfois moins rapidement que je l'escomptais, et d'autres n'ont pas eu de suite.

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Dans un entretien diffusé par l'AFP, vous avez affirmé, lors de ce déplacement de 2017, que les sanctions contre la Russie étaient profondément injustes et tout à fait contre-productives. Le débat sur l'efficacité des sanctions est légitime, mais on peut s'interroger sur le terme « injustes ». Les sanctions ont été prises pour punir le régime russe en 2014 à la suite de l'invasion illégale de la Crimée, que vous avez soutenue. Si ces sanctions sont injustes, c'est donc qu'à vos yeux, l'agression russe en Ukraine est juste ?

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Je considère que les habitants de la Crimée ont manifesté, par leur vote référendaire, la volonté de rejoindre la Russie.

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Vous le jugez ainsi mais, pour ma part, j'estime que les habitants ont librement exprimé une volonté qui n'a d'ailleurs pas été démentie par la suite. Si elles souhaitent en avoir la confirmation, il est loisible aux organisations internationales de proposer l'organisation d'un référendum sous surveillance internationale. Je pense que le résultat serait le même.

J'ai employé les mêmes termes pour qualifier les sanctions énergétiques infligées à la Russie à la suite de la guerre qu'elle a déclenchée en Ukraine l'année dernière. Ces sanctions sont injustes pour nous, au sens où elles ne tapent pas juste. Elles ont des conséquences beaucoup plus lourdes pour les Français que pour la Russie. C'était déjà le cas des premières sanctions. Avec l'ensemble des députés LR, nous pensions la même chose.

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Le référendum de 2014 est légal dans l'ordre juridique russe mais a été jugé illégal dans notre ordre juridique. Chacun a ses préférences. En 2017, vous avez affirmé sur CNN : « Il n'y a pas eu d'invasion de la Crimée. » Comment expliquez-vous alors que des troupes armées russes se trouvaient en Crimée et encerclaient le Parlement régional ?

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Vous voyez bien la différence entre l'invasion de l'Ukraine qui a eu lieu il y a un an et la présence des Russes en Crimée à l'époque. La vraie question est de savoir si le référendum a été organisé dans des conditions satisfaisantes, ce qui a été le cas. Mais chacun peut avoir son opinion sur le sujet.

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Ce n'était pas exactement ma question. Vous avez affirmé qu'il n'y avait pas eu d'invasion de la Crimée. Or, début 2014, des troupes armées russes se trouvent en Crimée, qui est une région ukrainienne, et encerclent le Parlement. Expliquez-nous pourquoi il n'y a pas eu d'invasion.

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Il s'agit là d'un débat politique, qui a peu à voir avec le fond du sujet. J'ai dit très clairement que le référendum s'était déroulé de manière satisfaisante. Les habitants de la Crimée ont choisi librement d'être rattachés à la Russie, qui a exercé sa souveraineté sur ce territoire deux siècles durant, avant que la région ne soit donnée à l'Ukraine sur un coup de tête, par le caprice d'un dictateur soviétique.

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Madame Le Pen, je vais vous poser des questions que j'ai posées lors d'autres auditions. On a évoqué à plusieurs reprises le fait que des informations avaient été divulguées à partir du crackage de boîtes mail et de SMS par le groupe Anonymous. On a également cité l'affaire des Macron Leaks de 2017, qui résultait d'un crackage visiblement opéré par les services russes. Comment expliquer que les tentatives de crackage de boîtes mail de membres du Rassemblement national ou d'autres personnalités ne soient, elles, jamais considérées comme des tentatives d'ingérence ?

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Je sais qu'une série de hackers s'attaquent à un certain nombre de pays pendant les élections. Je n'ai aucun pouvoir en la matière car je ne peux pas solliciter les services de renseignement. Je leur fais confiance pour protéger l'intégralité des acteurs politiques de notre pays.

Un certain nombre de nos collègues pensent que j'étais la candidate préférée de la Russie, mais les propos de l'ambassadeur Orlov montrent bien que son pays soutenait un autre candidat. Cela ne me choque pas. De nombreux dirigeants ont déclaré qu'il fallait voter pour Emmanuel Macron, ce que je considère comme une ingérence. Je n'en tiens toutefois pas rigueur à M. Macron, car il n'en est pas responsable.

Je vous rappelle les propos de l'ancien ambassadeur russe, M. Orlov : leur préférence allait à François Fillon, pour qui ils avaient beaucoup d'admiration. Ils avaient par ailleurs une tolérance pour Emmanuel Macron et une indulgence pour ma candidature : je me considère donc en bas de l'échelle. Je ne pense pas qu'il s'agissait là de son avis personnel car il est assez rare qu'un ambassadeur parle en son nom propre – à l'exception peut-être de M. Ripert…

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Lors de son audition, M. Fillon a déclaré : « […] les règles de financement sont désormais tellement strictes que je ne vois pas comment une puissance étrangère pourrait financer une campagne présidentielle. Autrefois, cela a beaucoup existé ; de nos jours, les règles sont très rigoureuses et leur respect examiné par les autorités compétentes avec une rigueur encore plus grande. Je serais donc très étonné que de l'argent provenant de l'étranger puisse aboutir dans les comptes de campagne d'un candidat. » Je lui ai demandé s'il estimait qu'à son départ de Matignon, en 2012, la législation sur les comptes de campagne permettait de prévenir des ingérences, et il avait répondu par l'affirmative. Ayant vous-même été trois fois candidate à l'élection présidentielle, pensez-vous qu'un tel financement soit encore possible, ou bien confirmez-vous les propos de l'ancien Premier ministre ?

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Je les confirme. Les règles ont même été durcies en 2017. Toutefois, on nous fait encore le reproche d'avoir trouvé un prêt auprès d'une banque européenne, alors que cela est autorisé par la loi de 2017. Autrement dit, quand on est un opposant politique, on n'a jamais raison, même quand on fait le maximum pour rester dans les clous. Ce dernier point a été confirmé par la CNCCFP, par nos commissaires aux comptes et par toutes les structures chargées de surveiller le financement des partis politiques. Je partage donc l'avis de M. Fillon : compte tenu de la multiplication et de la précision des contrôles, je ne vois pas comment un financement étranger pourrait intervenir dans une campagne présidentielle.

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Jamais, au cours de nos auditions, une force politique n'a été tenue de se justifier concernant ses opinions politiques. Je dois cependant vous demander, madame la présidente, si les liens entre des élus du Rassemblement national et les autorités russes ont donné lieu à des contreparties, politiques d'un côté et financières de l'autre. Pouvez-vous confirmer que jamais, au cours de votre carrière politique, vous n'avez bénéficié d'une contrepartie provenant d'une puissance étrangère, qu'elle soit étatique, para-étatique, privée ou même individuelle ?

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Je n'ai jamais été confrontée ne serait-ce qu'à une tentative d'influence. J'en ai conclu que ma réputation me précédait, ce qui me convient parfaitement.

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Depuis cinq ans, la vie politique française est agitée par une erreur d'appréciation sur l'entretien que vous avez eu avec M. Vladimir Poutine. Cette rencontre a-t-elle donné lieu à une tentative de vous influencer pour vous faire passer des messages politiques ou pour vous inciter à modifier une prise de position politique de votre parti ?

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Absolument pas. Cette discussion a porté sur un sujet fondamental : la nécessité de travailler avec la Russie pour lutter contre le fondamentalisme islamiste. C'est un sujet sur lequel à peu près toute la classe politique était d'accord, ce qui est suffisamment rare pour être signalé – Emmanuel Macron avait rappelé cette nécessité en 2019, deux ans après l'élection présidentielle ; Jean-Luc Mélenchon avait salué dans des tweets le très bon travail accompli par les Russes contre Daech. J'ai donc évoqué avec M. Poutine les sujets de la sécurité en Europe, de la lutte contre le fondamentalisme islamiste, des pays connaissant d'importants flux migratoires avec le risque d'incursion de terroristes islamistes.

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Dans votre propos liminaire, vous avez indiqué que vous soupçonniez que les accusations d'ingérence dont vous faites l'objet pouvaient s'expliquer par le fait que tous les gouvernements français depuis celui de Jacques Chirac entretenaient des relations économiques étroites et croissantes avec la Russie.

Le lien de dépendance économique de la France à la Russie s'est en effet amplifié, les investissements français en Russie représentant, selon M. Chevènement, un stock de 18 milliards d'euros. Vous avez indiqué en introduction qu'Engie avait été autorisée à deux reprises à investir dans un gazoduc qui a contourné non seulement l'Ukraine mais également l'ensemble de nos alliés européens à l'est de l'Allemagne ; or je ne crois pas que vous ayez été associée à ce choix. La France est devenue le premier ou le deuxième constructeur de voitures en Russie ; la Société générale a pris des positions très importantes dans ce pays ; Total a fait les plus gros investissements de son existence en Russie.

Bref, tous ces choix ont été faits par les gouvernements successifs. Par ailleurs, parmi les personnalités politiques qui ont des liens établis avec le régime russe, on compte Maurice Leroy, soutien d'Emmanuel Macron à deux reprises, mais aussi François Fillon, qui a appelé par deux fois à voter pour Emmanuel Macron à la présidentielle. Je rappelle enfin, car on le dit rarement, que M. Pouyanné, le président de Total, qui a fait des choix d'investissement en Russie, a soutenu M. Fillon en 2017 sans que cela semble déranger qui que ce soit.

Plus votre carrière politique avance, plus les soupçons d'ingérence vous concernant sont importants. Mais les personnes que je viens d'évoquer n'en ont jamais fait l'objet. Cela appelle-t-il un commentaire de votre part ?

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Oui, un commentaire que j'ai déjà été amenée à faire devant cette commission : c'est une hypocrisie totale. Tous ceux qui sont au pouvoir ou qui ont espéré y être un jour ont eu mille fois plus de rapports avec la Russie, avec ses pouvoirs économiques et ses pouvoirs politiques, que je n'en aurai probablement jamais dans mon existence. Encore une fois, tout cela se fait plutôt discrètement.

Tout à l'heure, j'ai déjà pris l'exemple de Nord Stream : on a construit ce gazoduc en réaction à la première crise ukrainienne, parce que l'Ukraine faisait une forme de chantage et réclamait l'augmentation des péages. On a donc contribué au contournement de l'Ukraine et placé l'Allemagne dans la dépendance directe de la Russie. En ce qui me concerne, je n'ai jamais contribué à ce type de décision. Aujourd'hui encore, on est en pleine hypocrisie : on n'achète plus le pétrole russe, mais on achète le pétrole indien, qui est lui-même du pétrole russe. Je ne suis pas dupe de tout cela.

Ce que je trouve absolument immonde – je le dis parce que j'en ai souffert à titre personnel –, c'est la campagne de diffamation qui m'a visée, et à laquelle a pris part un homme qui n'aurait pas dû le faire, parce qu'il est Président de la République et que cela donne des obligations particulières. Comme Président de la République, il avait accès à tous les éléments du renseignement français, et je suis absolument convaincue que pas un seul ne faisait état d'une tentative d'ingérence de quelque nature que ce soit à mon égard.

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J'aimerais vous poser une dernière question, que j'ai posée à plusieurs des personnes que nous avons auditionnées ; elle concerne l'internationale religieuse que M. Konstantin Malofeïev se proposait de créer. D'après M. Schaffhauser, il s'agissait de fonder une alliance orthodoxe et catholique contre les protestants – je laisse à chacun le soin de juger de la pertinence de ce projet. Ce qui me surprend, c'est que l'on vous ait soupçonnée de le soutenir, compte tenu de la ligne politique que vous avez adoptée pour le Front national, puis le Rassemblement national. En effet, vous êtes l'une des personnalités qui ont remis le concept de laïcité au cœur du débat public.

Vous avez déjà dit ne pas avoir eu connaissance du projet de M. Malofeïev. Sa dimension culturelle et religieuse correspond-elle à la ligne politique que vous incarnez ?

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Évidemment non. J'ai effectivement contribué à remettre la laïcité au cœur du débat politique, au moment où elle n'y était plus. Les considérations religieuses n'ont aucune place dans le combat politique que je mène, pour une raison simple : je veux être la présidente de tous les Français, quelle que soit leur origine ou leur religion. Le simple fait que ce projet ait une connotation religieuse – vous me l'apprenez car je n'en connaissais pas les détails – exclut que la France, qui est laïque, puisse y participer.

Lorsque je suis à l'étranger, je constate souvent, dans les pays qui sont très imprégnés de religion, une vraie incompréhension face à la laïcité. Nos interlocuteurs, notamment dans les pays anglo-saxons, nous regardent parfois avec un air interloqué lorsque nous leur en parlons, mais c'est une chose à laquelle je suis profondément attachée, comme l'ensemble des Français. Voilà pourquoi je m'interdirais, si on me le proposait, de participer à un projet qui serait fondé sur des considérations religieuses – quelle que soit d'ailleurs la religion.

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J'aimerais revenir sur la question du prêt russe. Lorsque j'ai demandé à François Fillon si ce genre de prêt relevait de l'ingérence étrangère, il a répondu que oui.

Mon collègue Stéphane Vojetta a rappelé précisément le scénario qui a conduit de la faillite de la banque à son rachat par Aviazapchast. Dans vos propos, j'ai noté beaucoup d'approximations, d'erreurs, peut-être de mensonges, et j'aimerais clarifier les choses.

L'entreprise russe Konti n'a pas racheté toutes les créances de la First Czech Russian Bank, mais seulement votre dette, juste avant sa mise sous tutelle. La banque a fermé en juillet 2016 et l'Agence russe d'assurance des dépôts indique que ce prêt a à nouveau été cédé – ce prêt, et pas toutes les créances – à la société Aviazapchast.

Au moment de la faillite de la banque, toutes ses créances n'ont pas été mécaniquement rachetées par une société, comme vous le prétendez. M. Vojetta a bien montré que la société en question a fait le choix de racheter ce prêt, très spécifiquement. De plus, elle ne l'a pas racheté à la banque, mais à Konti. C'est en tout cas ce qu'indique l'Agence russe d'assurance des dépôts.

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Honnêtement, c'est la première fois que j'entends que seul notre prêt a été racheté. Dans mon esprit, et dans celui de notre trésorier de l'époque, la banque, ayant fait faillite, avait été rachetée par une autre société, aussi bien l'actif que le passif. Je n'étais même pas au courant qu'une autre société était intervenue.

Il faut dire que c'est mon trésorier qui a géré cette affaire. À ma connaissance, c'est par une adjudication judiciaire, une décision du tribunal, que le rachat a eu lieu. En tout cas, c'est la première fois que j'entends que seul le prêt aurait été racheté. Permettez-moi d'émettre un doute sur cette information.

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Peut-être n'avez-vous pas été suffisamment attentive à l'une de mes premières questions et au propos liminaire qui la précédait. Je suis revenue sur le parcours un peu rocambolesque et scabreux du transfert de la créance, qualifiant de coquille vide la société Konti, qui était vraiment trois fois rien et a servi de boîte aux lettres, de coffre, très fugitivement, en reprenant la créance du prêt que vous aviez contracté auprès de la FCRB. Tout cela figure dans les documents dont a eu connaissance la CNCCFP, qui a eu à se prononcer sur la validité des transferts et cessions successifs et à dire s'il s'agissait toujours du même prêt, jusqu'à l'étape ultime de la société russe Aviazapchast.

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Madame la rapporteure, entendez-moi bien : ce que ce que je dis, c'est que j'entends dire pour la première fois que seul le prêt aurait été concerné.

L'aurais-je entendu auparavant que cela n'aurait rien changé : comme je vous l'ai rappelé à de multiples reprises, je ne pouvais en aucune manière m'opposer à ces procédures ni intervenir dans leur mise en œuvre. Nous étions totalement passifs. Nous devons de l'argent ; si la justice nous dit « C'est à Untel que vous devez cet argent » ou « Maintenant ce n'est plus à Untel mais à un autre », nous le versons à la personne désignée, non sans nous en être ouverts à la CNCCFP.

Qu'une société rachète le prêt sans que nous ayons notre mot à dire nous a immédiatement alertés. Nous connaissons les règles du financement des partis politiques. Nous nous sommes donc assurés, en lien avec la CNCCFP, de la validité de la reprise des remboursements par une société plutôt que par un compte de séquestre, un notaire ou la Banque centrale de Russie. À aucun moment nous ne sommes intervenus dans la succession des faillites et des rachats, ne serait-ce que parce que nous n'en avions pas la possibilité.

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In fine, c'est bien une renégociation, sur la base de la liberté contractuelle des parties, qui a été opérée par vous-même, en lien avec cette société. Un rééchelonnement très intéressant vous a été consenti. La CNCCFP a bien voulu le prendre en considération, non sans avoir formulé des observations écrites et demandé des explications.

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En général, quand on détient une créance, on a tout intérêt à ce que le débiteur ne meure pas. Si on veut revoir son argent, mieux vaut qu'il ne soit pas en cessation de paiements.

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Une entreprise militaire proche du Kremlin a bel et bien décidé de racheter cette créance à une entreprise de location de voitures, dont on ne sait pas très bien ce qu'elle vient faire dans l'affaire, avant la mise sous tutelle de la FCRB. Cela invalide, me semble-t-il, l'argument souvent répété selon lequel la faillite de la banque démontrerait qu'elle n'était pas proche de Poutine. Il demeure qu'une entreprise militaire étiquetée « Renseignement » a choisi de racheter le prêt d'un parti français, et que l'arrangement à l'amiable évoqué par Mme la rapporteure vous a permis de faire campagne, dès lors qu'en 2021 vous n'avez pas remboursé 75 % de la dette.

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C'est faux. Pendant des mois, nous avons versé de l'argent à un notaire, à la demande de la justice, précisément parce que la banque avait fait défaut. Les cessions successives ont eu lieu après. Monsieur Bayou, je suis certaine qu'en sortant de cette salle vous me ferez profiter des coordonnées de votre banque.

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Il s'agit du Crédit coopératif. J'ai la même banque que celle de mon parti. Il se trouve qu'elle fait partie des banques qui n'ont pas de filiale dans les paradis fiscaux.

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Vous avez indiqué que tous vos déplacements sont publics et que votre réputation vous précède. Savez-vous qui est Alexandre Babakov ?

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Niez-vous l'avoir rencontré, comme l'affirme Mediapart, lors d'un voyage resté confidentiel en Russie en février 2014, lors des discussions sur le premier prêt russe, dans lesquelles on sait que cet Alexandre Babakov a joué un rôle ?

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Permettez-moi de vous dire que cette information m'a beaucoup étonnée. Je pense que Mediapart s'est trompé d'année. J'ai bien effectué un déplacement, qui n'avait rien de secret, ce dont vous pouvez au moins me donner crédit, en février 2014. J'y suis retournée en avril 2015. Il s'agit, ce qui peut arriver, d'une mauvaise information de Mediapart. Je ne suis jamais allée nulle part secrètement, et je ne le peux pas, même avec une perruque et une moustache.

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J'ai conscience de la durée de cette audition, mais la création de la commission d'enquête a été demandée par le groupe Rassemblement national, que vous présidez, avec un objectif très précis rappelé à deux reprises par vous-même et par le président Tanguy : apporter des preuves, le cas échéant en nous reprenant dans nos questions ou en nous demandant de bien vouloir revenir à ce que vous avez présenté comme l'objectif de la commission d'enquête, de faits avérés d'ingérence ou de tentatives de pression ou d'exigence de contrepartie opérées sur vous ou sur le Rassemblement national en échange d'un prêt. Manifestement, vous avez cette idée précise à l'esprit dans l'orchestration de la stratégie ayant consisté à demander la création de la présente commission d'enquête.

Je tiens à dire, notamment pour celles et ceux qui nous écoutent encore ou qui regarderont la vidéo un peu plus tard, que la commission d'enquête, sur cette matière très sensible, s'est heurtée à plusieurs secrets, ce qui est normal et était attendu, notamment le secret de l'instruction, le secret de l'enquête et le secret-défense. Tout cela, qui est normal s'agissant du fonctionnement des commissions d'enquête parlementaires, a contraint de fait la nôtre à se déployer dans un cadre somme toute assez limité. Certaines choses ne sont pas en situation d'être portées sur la place publique, compte tenu des secrets qui nous ont été opposés. Il est normal par exemple que nos services de renseignement ou d'autres instances ne disent pas les choses au moment précis où elles se déroulent ou sont sur le point de se dérouler.

J'aimerais revenir sur ce que je me permets de qualifier de stratégie de victimisation, que vous avez déployée devant nous, s'agissant du fait que le Rassemblement national est contraint et forcé de recourir à un emprunt auprès de banques étrangères. Vous nous avez dit avoir adressé, quasiment sur tous les continents, des demandes – quelque deux cents lettres, avez-vous dit – pour essayer de trouver des banques.

Peut-être le trésorier du Rassemblement national a-t-il envoyé deux cents lettres, je vous crois sur parole. Cela contredit légèrement un propos que vous avez tenu à plusieurs reprises, selon lequel une obstruction ou une tentative d'entrave est opposée à l'action démocratique de la cheffe de l'opposition que vous êtes. Il est scandaleux qu'en France, avez-vous dit, le Gouvernement n'assure pas à un grand parti d'opposition comme le Rassemblement national et à vous-même, cheffe de l'opposition, l'accès à un financement par une banque française. Manifestement, le phénomène est d'ampleur internationale. Sur tous les continents, vos demandes de prêt n'ont pas reçu un accueil positif.

Ne vous est-il pas venu à l'esprit que les refus de prêt exprimés par de nombreuses banques tiennent à la situation financière et à la gestion du Rassemblent national lui-même ? Les banques regardent toujours la situation financière et la gestion, qu'il s'agisse d'envisager de prêter à un particulier ou à une entreprise.

Force est de constater que le RN a longtemps été très endetté. Par ailleurs, la chronique judiciaire a émaillé l'histoire de votre mouvement. Ces deux facteurs peuvent expliquer la circonspection des organismes prêteurs, ce qui n'a toutefois pas empêché une banque hongroise de vous prêter 10,6 millions pour financer la campagne présidentielle de 2022.

Vous avez affirmé catégoriquement à plusieurs reprises n'avoir jamais fait l'objet de pressions, de demandes de contrepartie, de tentatives d'ingérence ou d'influence. Toutefois, compte tenu de votre convergence de vues fréquente avec la Russie sur les sujets géopolitiques, peut-être les autorités russes n'éprouvent-elles pas le besoin d'exiger quoi que ce soit de vous ? La Russie a peut-être simplement la volonté de vous accompagner, comme c'est le cas pour un certain nombre de partis politiques européens qui souscrivent à un certain récit et concourent à ses desseins et à ses intérêts géopolitiques.

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Je vous remercie, madame la rapporteure, d'évoquer ne serait-ce que l'hypothèse selon laquelle j'aurais pu être victime d'une épouvantable campagne de calomnie et de diffamation dont l'objectif était de tromper les Français et d'influer sur leur vote par la diffusion de fausses informations, ce qui est réprimé par la loi.

Vous évoquez le secret de l'enquête, mais il n'y a pas d'enquête en cours sur le prêt de la banque tchéco-russe. S'agissant du prêt Foucher, je ne vois pas quelle ingérence il pourrait y avoir.

Dans n'importe quel pays du monde disposant de règles normales, les candidats aux élections obtiennent des prêts des banques nationales. Lorsque vous expliquez, à l'étranger, que personne ne veut vous prêter d'argent, cela donne de la France l'image d'une démocratie défaillante. D'autres mouvements politiques ont obtenu des soutiens bancaires alors qu'ils étaient beaucoup plus endettés que nous. Les Républicains, par exemple, dont la dette a atteint 120 millions d'euros, ont toujours conservé le soutien de leur banque malgré l'existence d'affaires beaucoup plus inquiétantes que celles qui ont été montées contre nous – je pense notamment au rejet du compte de campagne de Nicolas Sarkozy.

Puisque vous semblez mettre ma parole en doute, je rappelle que ces faits ont été vérifiés par le médiateur du crédit, qui n'est pas parvenu à trouver de prêt pour notre mouvement, ainsi que par Mme Braun-Pivet et M. Gosselin, dans leur rapport d'information du 15 décembre 2021. C'est tombé sur moi, ce qui arrange mes adversaires politiques, mais c'est un véritable problème pour notre démocratie. La banque de la démocratie a été identifiée par M. Bayrou comme une condition essentielle du fonctionnement de notre vie politique. Un texte avait été voté puis a été abandonné. Je continuerai à dire, demain, qu'il y a là un problème démocratique, quand bien même cela ne toucherait plus que mes adversaires politiques.

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Je vous remercie, madame Le Pen, d'avoir répondu aux questions et félicite chacun de vous pour la qualité de nos débats. Nous nous retrouverons pour l'examen du rapport.

La séance est levée à dix-sept heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Julien Bayou, M. Éric Bothorel, M. Ian Boucard, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Pierre-Henri Dumont, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Stéphanie Kochert, Mme Hélène Laporte, Mme Constance Le Grip, M. Thomas Ménagé, M. Kévin Pfeffer, M. Thomas Rudigoz, M. Aurélien Saintoul, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Stéphane Vojetta

Excusée. – Mme Anne Genetet

Assistait également à la réunion. – M. Denis Masséglia