J'ai conscience de la durée de cette audition, mais la création de la commission d'enquête a été demandée par le groupe Rassemblement national, que vous présidez, avec un objectif très précis rappelé à deux reprises par vous-même et par le président Tanguy : apporter des preuves, le cas échéant en nous reprenant dans nos questions ou en nous demandant de bien vouloir revenir à ce que vous avez présenté comme l'objectif de la commission d'enquête, de faits avérés d'ingérence ou de tentatives de pression ou d'exigence de contrepartie opérées sur vous ou sur le Rassemblement national en échange d'un prêt. Manifestement, vous avez cette idée précise à l'esprit dans l'orchestration de la stratégie ayant consisté à demander la création de la présente commission d'enquête.
Je tiens à dire, notamment pour celles et ceux qui nous écoutent encore ou qui regarderont la vidéo un peu plus tard, que la commission d'enquête, sur cette matière très sensible, s'est heurtée à plusieurs secrets, ce qui est normal et était attendu, notamment le secret de l'instruction, le secret de l'enquête et le secret-défense. Tout cela, qui est normal s'agissant du fonctionnement des commissions d'enquête parlementaires, a contraint de fait la nôtre à se déployer dans un cadre somme toute assez limité. Certaines choses ne sont pas en situation d'être portées sur la place publique, compte tenu des secrets qui nous ont été opposés. Il est normal par exemple que nos services de renseignement ou d'autres instances ne disent pas les choses au moment précis où elles se déroulent ou sont sur le point de se dérouler.
J'aimerais revenir sur ce que je me permets de qualifier de stratégie de victimisation, que vous avez déployée devant nous, s'agissant du fait que le Rassemblement national est contraint et forcé de recourir à un emprunt auprès de banques étrangères. Vous nous avez dit avoir adressé, quasiment sur tous les continents, des demandes – quelque deux cents lettres, avez-vous dit – pour essayer de trouver des banques.
Peut-être le trésorier du Rassemblement national a-t-il envoyé deux cents lettres, je vous crois sur parole. Cela contredit légèrement un propos que vous avez tenu à plusieurs reprises, selon lequel une obstruction ou une tentative d'entrave est opposée à l'action démocratique de la cheffe de l'opposition que vous êtes. Il est scandaleux qu'en France, avez-vous dit, le Gouvernement n'assure pas à un grand parti d'opposition comme le Rassemblement national et à vous-même, cheffe de l'opposition, l'accès à un financement par une banque française. Manifestement, le phénomène est d'ampleur internationale. Sur tous les continents, vos demandes de prêt n'ont pas reçu un accueil positif.
Ne vous est-il pas venu à l'esprit que les refus de prêt exprimés par de nombreuses banques tiennent à la situation financière et à la gestion du Rassemblent national lui-même ? Les banques regardent toujours la situation financière et la gestion, qu'il s'agisse d'envisager de prêter à un particulier ou à une entreprise.
Force est de constater que le RN a longtemps été très endetté. Par ailleurs, la chronique judiciaire a émaillé l'histoire de votre mouvement. Ces deux facteurs peuvent expliquer la circonspection des organismes prêteurs, ce qui n'a toutefois pas empêché une banque hongroise de vous prêter 10,6 millions pour financer la campagne présidentielle de 2022.
Vous avez affirmé catégoriquement à plusieurs reprises n'avoir jamais fait l'objet de pressions, de demandes de contrepartie, de tentatives d'ingérence ou d'influence. Toutefois, compte tenu de votre convergence de vues fréquente avec la Russie sur les sujets géopolitiques, peut-être les autorités russes n'éprouvent-elles pas le besoin d'exiger quoi que ce soit de vous ? La Russie a peut-être simplement la volonté de vous accompagner, comme c'est le cas pour un certain nombre de partis politiques européens qui souscrivent à un certain récit et concourent à ses desseins et à ses intérêts géopolitiques.