La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement, et Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville.
L'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen des politiques publiques relatives à la mission Cohésion des territoires. Nous allons procéder à une discussion portant sur l'exécution budgétaire 2023. La thématique d'évaluation retenue cette année par M. Nicolas Sansu intéressant les outre-mer, cette seconde phase de notre CEPP se déroulera lors d'une autre réunion, en présence de la ministre déléguée chargée des outre-mer.
La mission Cohésion des territoires permet la mise en œuvre de politiques qui sont au cœur des préoccupations des Français : le logement, l'hébergement et l'insertion des personnes vulnérables, l'aménagement des territoires et la rénovation énergétique. Les crédits budgétaires en loi de finances initiale pour 2023 étaient de près de 18 milliards d'euros.
Je voudrais d'abord parler du périmètre du ministère du logement, en partageant avec vous quelques objectifs et constats. La politique du logement poursuit quatre objectifs : un objectif économique avec une double composante, permettre aux Français de trouver un logement adapté à leur pouvoir d'achat à chaque étape de la vie et lever les freins à la croissance ; un objectif environnemental pour diminuer l'impact du secteur en empreinte carbone et en consommation d'énergie ; un objectif social pour offrir un toit digne et décent pour tous ; un objectif territorial pour apporter des réponses différenciées selon les besoins.
Nous sommes dans une période de crise profonde du logement, en germe déjà depuis plusieurs années, avec la hausse des taux et des coûts de construction, qui a été couplée à la rareté du foncier constructible et facilement mobilisable ; la nécessité d'accélérer la transition écologique face à la crise climatique ; la transition démographique qui nécessite d'adapter notre parc résidentiel et la multiplication des situations sociales parfois extrêmes – sans-abrisme, copropriétés dégradées.
Le cap que nous suivons consiste à utiliser tous les leviers pour développer une offre de logements qui réponde aux besoins, d'abord en accélérant la production neuve, notamment via les simplifications et les accélérations législatives et réglementaires ; mais aussi en créant des logements compatibles avec les engagements environnementaux. Une proposition de loi issue de l'Assemblée nationale et adoptée la semaine dernière au Sénat va permettre d'accélérer la transformation de ces mètres carrés de bureaux vides en logements. Je pense également à la transformation des zones commerciales. Nous avons établi un plan avec Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, concernant quatre-vingt-dix zones sur lesquelles des mesures d'accélération sont mises en œuvre, afin d'utiliser ces espaces commerciaux pour les transformer en espaces mixtes, avec notamment du logement.
Nous avons aussi mobilisé le parc existant en luttant contre l'attrition des résidences principales et du marché locatif. Les députés Le Meur et Echaniz ont d'ailleurs porté une proposition de loi sur les déséquilibres du marché locatif, qui a été adoptée la semaine dernière au Sénat. Il convient également de mentionner l'accélération de la rénovation énergétique à travers des mesures budgétaires mais aussi de simplification de MaPrimeRénov'. Nous agissons aussi sur la demande de logements : avec Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, nous avons étendu à 800 communes le zonage du prêt à taux zéro (PTZ) neuf, et nous avons pris des mesures spécifiques au logement locatif intermédiaire (LLI) et au bail réel solidaire (BRS). Nous travaillons aussi sur de nouvelles formes de prêt avec les banques.
S'agissant des moyens budgétaires exécutés en 2023, l'État fournit un effort financier de près de 35 milliards d'euros pour amortir le choc et conforter le socle écologique et social de la politique du logement, dont 19 milliards de crédits budgétaires, 5 milliards de cotisations et taxes affectées et 10 milliards de dépenses fiscales.
Le premier poste de dépenses du ministère du logement concerne les aides personnalisées au logement (APL), avec 13,3 milliards d'euros sur le programme 109, devant l'hébergement, l'insertion des plus fragiles et le déploiement du plan « Logement d'abord ». Sur le programme 177, l'État déploie 3,1 milliards d'euros, dont 2,2 milliards d'euros au titre du financement de l'hébergement d'urgence et de l'insertion, pour maintenir environ 203 000 places ouvertes en 2023. En 2017, il y avait 137 000 places, pour un coût de 1,5 milliard d'euros, soit presque un doublement des moyens par rapport à 2023. Le plan « Logement d'abord » permet par ailleurs de sortir des personnes de l'urgence et de leur offrir des solutions de logement plus pérennes dans le parc social ou dans des résidences. Il a permis de reloger 150 000 personnes sans domicile depuis 2018, dont plus de 105 000 en 2023.
Le troisième poste budgétaire du ministère est celui de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). En exécution, il s'est élevé à 3,3 milliards d'euros, dont 2,7 milliards d'euros d'aide à la rénovation énergétique. L'Agence a bénéficié de 384 millions d'euros du programme 135 en 2023 contre 164 millions d'euros en 2022. En 2023, 623 790 logements ont été rénovés grâce aux aides de l'Anah, dont 569 000 rénovations énergétiques. Les aides de l'Anah ont permis de déclencher 8,5 milliards d'euros de travaux de rénovation. Cet effort de rénovation bénéficie également de plusieurs dispositifs fiscaux, notamment les taux réduits de TVA et de l'éco-PTZ, et le dispositif des certificats d'économies d'énergie qui mobilise le secteur privé.
Nous portons en outre des mesures pour amortir le choc en soutenant la production de logements, à travers plusieurs dispositifs portés par le programme 135, qui financent notre politique en faveur du logement dans les territoires. Ces financements permettent l'intervention des établissements publics administratifs (EPA) et des établissements publics fonciers (EPF), afin de dégager du foncier pour construire plus de logements et de mobiliser l'ensemble des acteurs pour construire plus rapidement et aménager le territoire. Ils permettent aussi le soutien à la production de logement social. En 2023, le fonds national des aides à la pierre (Fnap) a financé l'agrément de 91 208 logements sociaux, toutefois en deçà de l'objectif de 110 000 logements.
Enfin, les dépenses fiscales en faveur du logement jouent un rôle majeur dans le soutien au logement social à hauteur de 1,6 milliard d'euros, au logement intermédiaire pour 110 millions d'euros et à l'investissement locatif pour 2 milliards d'euros. Le PTZ a notamment permis d'accompagner plus de 65 000 ménages dans l'accession à la propriété en 2023. Deux dispositifs ont été recentrés depuis 2017 : la dépense générationnelle du Pinel, qui a été diminuée de 1,5 milliard d'euros, et celle du PTZ qui mobilise 850 millions d'euros.
Au-delà du périmètre du ministère du logement, un programme porte plus largement sur les crédits en faveur de l'aménagement et du développement équilibré de notre territoire. Il s'agit en particulier du programme 162, qui compte 150 millions d'euros et concerne les interventions territoriales de l'État, c'est-à-dire les actions régionales ou interrégionales caractérisées par la nécessité d'une réponse rapide de l'État pour répondre à des situations complexes. Je pense notamment à la Corse, aux outre-mer ou aux plans pour la qualité de l'eau en Bretagne.
Je vais pour ma part évoquer les crédits de la politique de la ville du programme 147 et de la politique d'aménagement du territoire du programme 112.
S'agissant du programme 147, plus de 565 millions d'euros ont été consommés en 2023, soit 415 millions d'euros pour les contrats de ville et le soutien aux associations nationales incluant 70 millions d'euros pour les cités éducatives et 92 millions d'euros pour le financement des adultes-relais, ou encore 14,5 millions d'euros pour le nouveau programme de renouvellement urbain. En 2024, 639 millions d'euros ont été votés en loi de finances initiale (LFI), soit une hausse de près de 45 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Cette hausse finance notamment la généralisation des cités éducatives et l'augmentation de la participation de l'État dans la rénovation urbaine.
Le rabot budgétaire du début d'année 2024 s'est élevé à 49 millions d'euros, dont deux tiers correspondent à la réserve de précaution et donc à des crédits non affectés. Concernant les seize millions d'euros restants, j'ai souhaité préserver les crédits locaux, notamment pour permettre le financement de la nouvelle génération de contrats de ville. J'ai également redéployé des crédits afin d'accorder 4 millions d'euros supplémentaires pour le nouveau zonage des quartiers prioritaires, dont la population a augmenté.
Le programme 147 ne représente pas la totalité des crédits affectés aux quartiers politique de la ville, car la priorité doit évidemment concerner la mobilisation des finances de droit commun. Je remercie le Parlement de s'être saisi de ce sujet dans le cadre de la mission d'information sur la réalité des financements des territoires fragiles.
S'agissant de la politique de la ville, il me semble important d'évoquer trois réformes devant vous. L'actualisation de la nouvelle géographie prioritaire est entrée en vigueur en métropole le 1er janvier dernier. L'actualisation du zonage ultramarin entrera en vigueur au 1er janvier prochain. La réforme de la fiscalité dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les zones franches urbaines est lancée afin d'avoir, en 2025, des exonérations lisibles permettant de soutenir le développement du commerce de proximité et des activités économiques dans nos quartiers prioritaires. Enfin, il convient d'évoquer la professionnalisation des adultes-relais. La présence humaine est primordiale et il est indispensable que les personnes qui jouent un rôle de médiation dans nos quartiers soient très correctement formées et mieux payées. Ces réformes en cours portent la même philosophie, marquée par la simplification, la confiance et le travail partenarial.
Concernant le programme 112, les crédits sont passés de 329 millions d'euros à près de 398 millions d'euros pour les autorisations d'engagement (AE) et de 262,5 millions d'euros à 348,5 millions d'euros pour les crédits de paiement (CP) entre les lois de finances initiales de 2023 et de 2024.
Concernant la gestion 2023, 79 millions d'euros ont été fléchés pour le financement de 2 272 maisons France Services non postales ; 25,6 millions d'euros pour le financement de 894 chefs de projet Petites villes de demain ; 11 millions d'euros pour les Fabriques de territoire ; 69,2 millions d'euros pour l'Agence nationale de la cohésion des territoires ; ou encore 190 millions d'euros en AE au titre des engagements contractuels, notamment les contrats de plan État-région.
En 2024, le programme 112 a été renforcé, avec 20 millions d'euros pour le doublement des moyens en ingénierie dans le cadre de France ruralité et 8 millions d'euros permettent le recrutement de 100 chefs de projet Villages d'avenir. Ce programme a subi en mars 2024 une annulation de crédits à hauteur de 26,1 millions d'euros, ce qui correspond principalement à l'annulation de la réserve de précaution.
Les programmes 147 et 112 partagent leur dimension interministérielle et leurs actions partenariales en lien étroit avec les collectivités territoriales. Ils portent une même philosophie : porter l'action de l'État au plus proche de chaque territoire, dans une volonté de simplification, de différenciation et de concertation.
Je prends la parole devant vous pour analyser les conditions d'exécution de l'exercice 2023 concernant la politique du logement. Je tiens à rappeler l'intérêt fondamental que constitue le logement dans notre pays. Il constitue la première sécurité de toute personne, puisque derrière une porte fermée, on peut dormir et préparer l'avenir.
Le programme 177 s'élève à près de 19 milliards d'euros en exécution, auxquels il convient de rajouter les 15 milliards de dépenses fiscales et les aides de l'Anah. Au total, près de 35 milliards sont affectés d'une manière ou d'une autre au service du logement dans notre pays. Lors du vote du budget, j'avais attiré l'attention sur la nécessité d'accroître le nombre de places d'hébergement d'urgence. Pour faire face aux demandes, votre prédécesseur a dû finalement ouvrir 203 000 places, quand 190 000 étaient initialement prévues. Des dérapages supplémentaires voient-ils le jour sur l'exercice 2024 ?
Concernant le programme 135, qui concerne la production de logement locatif social, les agréments sont de moins en moins nombreux et la production de logement social s'affaisse. En 2022, la promotion immobilière produisait 53 % des logements sociaux livrés dans notre pays. Les logements livrés l'année dernière ou en cours de construction ont vraisemblablement reçu des agréments en 2018 et 2019, voire en 2016 dans les zones très tendues.
La crise qui s'installe dans le domaine de la production de logements de notre pays concernera donc également les agréments passés. Disposez-vous d'une visibilité sur ce sujet ? Quelles sont les réformes structurelles que vous pouvez envisager de manière conjointe avec le ministère des finances pour soutenir la production ? Je connais votre résolution à ce sujet. Vous avez pris une initiative afin de déterminer des territoires prioritaires et faire en sorte que la production s'effectue dans ces endroits, en respectant d'ailleurs l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN). Ces actions vont dans le bon sens, mais je pense aux agréments des années passées, qui devront connaître un début de commencement d'exécution. Si tel n'est pas le cas, la production de logement social ne sera pas à la hauteur.
Pouvez-vous enfin nous livrer des éléments sur le dispositif « Logement d'abord », qui permet d'accompagner des gens qui vivent aujourd'hui dans la rue et de leur proposer directement un logement ? Cette réussite est unique en Europe et elle devrait être valorisée.
S'agissant de la gestion des personnes sans domicile fixe dans notre pays et le dispositif « Logement d'abord », le budget a en réalité doublé depuis 2017 et le nombre de places a dépassé la barre de 200 000. Un effort significatif a aussi été consenti de manière continue par le législateur pour l'hébergement d'urgence. Je tiens d'ailleurs à saluer les équipes de la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL), qui se sont efforcées d'optimiser du mieux possible l'attribution de ces places.
Nous sommes face à une situation marquée par une hausse constante des flux entrants, quand les options en sortie sont un peu plus limitées. En effet, la crise du logement entraîne des répercussions sur la sortie des personnes de l'urgence. De plus, une partie des personnes qui sont accueillies de façon inconditionnelle dans ce parc y demeurent pendant une durée significativement longue. Dans certaines zones du territoire, les durées de séjour dans l'urgence dépassent les deux ans en moyenne.
Le plan « Logement d'abord » a permis de trouver des solutions pérennes pour certains dans le parc social quand leur situation est régulière, mais aussi dans des résidences ou dans l'intermédiation locative. Nous pensons qu'il existe un gisement potentiel de places de sortie plus pérennes dans le logement à travers l'intermédiation locative et nous travaillons à un plan pour renforcer cette piste.
S'agissant du logement social, la baisse de la production est réelle, puisque 92 000 agréments ont été donnés en 2023, contre 106 000 en 2022. Je tiens toutefois à rappeler, qu'outre les mesures de la loi Elan de 2018 qui a permis la hausse des ventes et le regroupement des bailleurs pour plus d'efficacité, nous avons obtenu un accord pour compenser la réduction de loyer de solidarité (RLS) sur 2019-2022, un plan d'investissement volontaire avec Action logement en 2019, une mobilisation de titres participatifs sous la forme d'une enveloppe d'un milliard d'euros pour les offices publics et un plafonnement du livret A à 0,5 %.
En 2024, 2 milliards de soutien supplémentaire ont bénéficié au logement social, à travers le livret A à 3 %, 1,2 milliard d'euros sur trois ans à travers le fonds de rénovation, 650 millions d'euros d'équivalent en subventions via des prêts bonifiés de la Caisse des dépôts et consignations sur deux ans, et l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les logements locatifs sociaux agréés entre 2020 et 2026, c'est-à-dire un milliard d'euros de coût générationnel pour 2024. Il convient de mentionner également les financements classiques (2,1 milliards de dépenses fiscales de l'État), le maintien du PTZ en accession sociale partout sur le territoire et la signature d'une convention quinquennale avec Action logement.
Enfin, le projet de loi que j'ai présenté sur le développement de l'offre de logements abordables contient une partie dédiée aux bailleurs sociaux, qui leur donnera plus d'outils pour déroger aux conventions APL localement et pour modifier les plafonds réglementaires nationaux, ainsi que pour réaliser de la promotion immobilière.
Mon intervention vise à présenter les moyens mobilisés par les services de l'État sur l'aménagement du territoire dans le cadre de l'évaluation de la gestion en 2023. Je souhaite vous interroger plus particulièrement sur les politiques publiques visant à soutenir la dynamique territoriale. En 2023, l'exécution budgétaire des missions et des programmes 112 et 147 atteint 1,08 milliard d'euros en AE et 1,05 milliard d'euros en CP. Cette mobilisation budgétaire reste inférieure à celle de 2022, tandis que l'analyse de l'exécution 2023 révèle des difficultés importantes pour certains des programmes concernés.
Le programme 112, dédié à l'impulsion et la coordination de la politique d'aménagement du territoire, a vu ses crédits augmenter significativement en cours de gestion, avec un écart d'exécution de 26 % en AE et 48 % en CP par rapport à la LFI. La crédibilité et la sincérité de la budgétisation initiale semblent contestables. Il est temps que les engagements financiers pris par l'État dans le cadre de ces dispositifs contractuels fassent l'objet d'une budgétisation sincère, intégrale et systématique dès la LFI. Madame la ministre, au vu des écarts importants entre les prévisions et l'exécution du programme 112, quelles mesures concrètes avez-vous mises en place en 2024 pour assurer le respect et la crédibilité de la parole de l'État dans le financement des projets territoriaux ?
Ensuite il est difficile pour l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) d'assumer toutes les missions qui lui sont confiées et nous savons que cette agence n'est pas dotée à la hauteur de ses besoins. Quelles mesures le gouvernement entend-il prendre pour sortir l'ANCT de cette impasse budgétaire ?
Deuxièmement, le programme 147 a été particulièrement sollicité pour répondre aux violences urbaines de l'été 2023. Le dispositif des adultes-relais, bien que mobilisé et renforcé, souffre pourtant toujours d'une sous-budgétisation chronique. En effet, la Cour des comptes estime que l'objectif affiché de 6 514 postes pour 2024 semble irréaliste en l'absence d'une augmentation substantielle des crédits dédiés. Madame la ministre, quelles initiatives spécifiques avez-vous prises pour garantir un financement suffisant des adultes relais en 2024 ? Comment envisagez-vous de professionnaliser ce dispositif ?
En conclusion, l'aménagement du territoire n'est pas seulement une question de financement, mais une véritable priorité politique. Il s'agit de garantir à chaque citoyen, où qu'il réside, un accès équitable aux services publics, aux infrastructures et aux opportunités économiques. Cet enjeu de justice sociale et de développement durable requiert notre engagement, tout particulièrement dans les territoires ruraux et les QPV.
Dans ce cadre, alors que les périmètres des zones de revitalisation ou de zones franches sont connus, ne pensez-vous pas que la multiplication de ces dispositifs d'exception et d'exonération crée des problèmes de concurrence territoriale ? Pour une égalité réelle des territoires, ne serait-il pas plus utile d'assurer, via le droit commun, des politiques publiques spécifiques fléchant des subventions ?
Sur le programme 112, la différence entre la LFI et les crédits exécutés s'explique par plusieurs transferts d'autres programmes budgétaires et par le rattachement de fonds de concours, notamment pour les programmes France services et Petites Villes de demain.
Sur les adultes-relais, l'objectif cible est passé de 5 000 à 6 514, après la mise en place du dispositif Quartiers d'été. Cependant, en 2019, il n'y avait que 3 700 adultes relais et ce chiffre est aujourd'hui de 4 500. J'ai donc décidé de réformer complètement le modèle et le statut même du dispositif de l'adulte-relais, confronté à de réelles difficultés de recrutement et de formation. Nous avons sanctuarisé 98 millions d'euros pour le dispositif en 2024. Je veux que ces adultes-relais bénéficient d'une meilleure formation et suis prête à imaginer un niveau de recrutement à BAC+2, pour mieux les former et les payer.
J'ai également décidé de la complète réforme du dispositif des zones franches urbaines, que j'espère pouvoir mener à la fin de l'année. Je rappelle qu'il existe 1 362 QPV pour 187 zones franches urbaines. Nous discutons actuellement avec les services de Bercy pour obtenir une superposition des QPV avec le dispositif des zones franches urbaines.
Enfin, en 2023, les dépenses de l'ANCT en fonctionnement, personnel, investissement et intervention se sont élevées à 138,8 millions d'euros en AE et 129,4 millions d'euros en CP.
Notre pays traverse aujourd'hui une grave crise du logement qui touche quinze millions de personnes d'une manière ou d'une autre. L'offre est insuffisante et il devient de plus en plus difficile de se loger. Entre 2001 et 2020, les prix de l'immobilier ont augmenté de 125,6 % et les loyers de 36,5 %. Sur la même période, le revenu n'a augmenté que de 29 %. Il est effectivement temps d'augmenter le montant des aides au logement.
En parallèle, un véritable désengagement des pouvoirs publics est notable. Si la crise a éclaté l'année dernière, elle a débuté dès 2017, avec les mesures de diminution des APL et de baisse du budget consacré au logement. Je rappelle qu'entre 2016 et 2021, les dépenses publiques dédiées sont passées de quarante-deux à trente-huit milliards d'euros, soit une baisse de 10,8 %, et que la politique du logement a fait les frais des annulations de février dernier.
Les constructions de logements sociaux ont également connu une chute importante, passant de 124 000 logements en 2016 à 82 000 en 2023. Le niveau d'agrément en 2023 est ainsi inférieur à celui de l'année 2020. Il est donc nécessaire de répondre à ce choc de l'offre et enrayer cet effondrement de la production de logements par un financement adéquat. Mais au lieu d'agir, le Premier ministre a annoncé vouloir intégrer le logement intermédiaire dans le calcul de la loi SRU au lieu d'augmenter le quota pour les communes soumises à une forte tension locative ; mais aussi sa volonté de punir les communes récalcitrantes, ce qui entraînera une diminution un peu plus marquée de l'offre de logements décents et abordables pour tous. Ne serait-il pas temps d'engager une politique volontariste, avec des mesures financières, afin d'encourager les communes à construire en augmentant le mécanisme d'aide à la pierre ?
Ensuite, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024 des mesures fiscales ont été adoptées en commission avec le concours de députés de votre majorité. Parfois, il s'agissait même de leurs propositions, notamment la réduction de l'avantage fiscal dont bénéficient lors de leur cession les logements loués sur des plateformes, ou le rehaussement du tarif maximal de la taxe de séjour sur les palaces. D'autres propositions transpartisanes ont été rejetées de peu. Pourquoi excluez-vous le levier fiscal ?
Enfin, des propositions ont vu le jour récemment concernant l'étalement du crédit pour les achats immobiliers. Je pense qu'il faudrait lever la nécessité de l'apport personnel demandée par les banques qui bien souvent pénalise en réalité des gens qui ont des revenus pour payer un crédit, mais qui ne disposent pas d'un héritage ou d'une dotation.
En réalité, le budget du logement a augmenté. La baisse des dépenses fiscales est un effet d'optique en raison du changement de calcul, puisque la part de TVA affectée aux collectivités locales n'est plus prise en compte.
Les APL constituent le premier poste de dépenses du ministère. Le débat sur leur augmentation, ainsi que celui sur la fiscalité, interviendront, je l'imagine, lors de l'examen du prochain PLF. Je rappelle que deux propositions de loi contenant un volet fiscal ont été portées par des députés et inscrites à l'ordre du jour du Sénat, l'une sur le rééquilibrage du marché locatif et l'autre sur la transformation des bureaux en logements. Les travaux réalisés par Annaïg Le Meur sur la fiscalité locative alimenteront quant à eux les discussions préalables au prochain PLF.
Enfin, je regarderai avec attention les propositions de loi qui seront déposées sur la question de l'apport personnel. En partenariat avec les banques, nous essayons pour notre part de trouver de nouvelles modalités de financement. Certains promoteurs évoquent ainsi le prêt hybride ou le prêt in fine. Nous avons besoin de trouver des solutions pour que les Français puissent réaliser leur rêve d'être propriétaires de leur appartement ou de leur maison, et nous explorons toutes les possibilités, dans un contexte de taux d'intérêt élevés.
Je souligne à mon tour que la politique du logement est dotée de près de 35 milliards d'euros, dont 18 milliards d'euros pour la mission concernée aujourd'hui. Il faut saluer le bon taux d'exécution du budget, en particulier sur les programmes 109, 135 et 177 ou le soutien financier important en matière d'hébergement d'urgence.
Le taux d'exécution n'est pas si critiquable et, surtout, les AE et CP ont connu une augmentation très significative en exécution par rapport au budget initial. Par ailleurs, les crédits sont disponibles mais ne peuvent être dépensés car les programmes immobiliers manquent, ce qui témoigne de la complexité de la crise du logement actuelle, qui est également liée à la demande, au niveau des taux et aux disponibilités des acteurs industriels sur ce marché.
Monsieur le ministre, nous traversons une crise indéniable, illustrée par la baisse du nombre de logements mis sur le marché. Quand pouvons-nous espérer inverser cette tendance ?
Vous avez raison, cette situation très difficile intervient dans le cadre de taux d'intérêt très élevés (hausse de 400 points de base en deux ans), qui pèsent sur la demande. Le pouvoir d'achat immobilier a considérablement diminué. Les banquiers nous disent qu'aujourd'hui, ils parviennent à descendre sous le seuil symbolique de 4 %, entraînant une augmentation des crédits accordés en ce début d'année. La situation est semblable en Allemagne, où je me suis rendu il y a deux semaines.
Au-delà d'une baisse des taux qui permettrait de relancer le marché, nous menons une politique du choc d'offre, à la demande du Premier ministre, qu'il avait annoncée lors de son discours de politique générale. Elle porte des mesures ambitieuses, à travers la signature d'un pacte sur le logement intermédiaire (75 000 logements dans les trois ans à venir), des territoires engagés (32 000 logements bâtis sur vingt-deux territoires ciblés), la signature d'un pacte sur le logement intermédiaire avec les acteurs et les zones commerciales, où il existe un gisement potentiel de 25 000 logements. L'État encourage le développement du logement social, le développement du logement intermédiaire et le développement du logement libre à travers des programmes très territorialisés.
Le projet de loi qui vous sera présenté vous permettra de développer l'offre de logements abordables dans notre pays à travers de nombreuses mesures de simplification, des mesures pour les bailleurs sociaux et les élus locaux.
Je cède la parole à Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour avis sur le logement, l'urbanisme de la commission des affaires économiques.
L'engagement de la majorité face à la crise du logement est réel et déterminé, à travers le dispositif « Logement d'abord », mais aussi avec une volonté affirmée de rénovation énergétique et un nombre croissant de logements d'urgence. Je salue également le nombre de travaux parlementaires qui ont été portés pour améliorer notamment l'état du parc, transformer les logements en bureaux, mais aussi réguler le logement de tourisme en faveur du logement de longue durée.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les chantiers que vous envisagez de mener, notamment pour favoriser l'accès à la propriété mais aussi à la location dans le cadre du futur PLF ?
Je vous remercie pour vos travaux, vos auditions et vos propositions qui permettent d'alimenter les discussions que nous menons actuellement avec Bercy en vue de l'élaboration du PLF, notamment sur un rapprochement entre le régime de la location meublée et de la location nue, le régime micro versus le régime réel et toutes les questions relatives en termes de montants, de taux d'abattement, de plafonds et de mécanismes d'amortissement. Je suis à votre disposition sur toutes les autres mesures pour travailler en amont du PLF, afin de dynamiser le marché locatif. Nous pensons par exemple à l'acquisition du LLI dont les délais pourraient passer de dix ans à cinq ans. Madame la députée, je vous propose d'échanger, notamment sur cette disposition, tout au long de la discussion budgétaire.
Sur le programme politique des territoires, une impression de grande confusion se dégage. Il existe ainsi deux problèmes majeurs : la multiplication des actions et des acteurs. Quand allez-vous mener une réflexion sur la dilution des actions de l'État au profit de multiples agences qu'il conviendrait parfois de réinternaliser ? Plus personne n'y comprend rien et nous n'y gagnons pas forcément en efficacité.
Le deuxième problème est lié à l'absence d'une véritable politique d'aménagement du territoire. Concernant la politique de la ville, la question récurrente, émeute après émeute, porte sur son manque d'efficacité, déjà souligné par la Cour des comptes, entre des subventions discutables, des bataillons de prévention qui ne préviennent pas grand-chose, des adultes-relais qui relaient dans le vide.
Certains indicateurs de performance ne sont pas renseignés et, faute d'évaluation, nous pouvons nous interroger sur l'impact réel de la principale dépense fiscale, soit 178 millions d'euros d'exonération pour l'implantation des zones franches urbaines. S'agissant de l'hébergement d'urgence, l'augmentation des crédits pour les jeunes en rupture ou les femmes victimes de violence est louable. Mais plus globalement, l'hébergement d'urgence demeurera un puits sans fond si nous ne mettons pas fin à l'immigration illégale qui engorge le système, sans parler aussi du « desserrement » des centres d'hébergement en Île-de-France, formule technocratique pour masquer la localisation forcée des clandestins dans les campagnes. Le laxisme migratoire est en effet source de détresse comme de fuite en avant budgétaire.
Enfin, sur le logement, la politique menée ne résout pas la crise du logement social que les gouvernements successifs ont laissé s'installer ces dernières années, voire pour partie créée. Dans ce domaine, nous appelons à deux types de mesures : des mesures d'urgence et de simplification pour relancer l'offre et soutenir l'accession à la propriété, comme l'investissement locatif ; et des mesures structurelles, notamment sur la fiscalité. Nous reprendrons nos propositions lors de l'examen de votre projet de loi qui, dans sa forme actuelle, n'est pas à la mesure de l'enjeu, malgré certains points positifs.
J'ai décidé de financer à hauteur de douze millions d'euros les bataillons de la prévention qui fonctionnaient globalement bien. Il est exact que l'expérience a été plus mitigée dans certains territoires, en fonction de la mobilisation plus ou moins prononcée des acteurs locaux.
S'agissant des contrats de ville, une simplification a été mise en œuvre grâce à une circulaire signée le 31 août 2023. Elle permet de financer les petites associations en fonctionnement, de demander aux préfets d'ouvrir les contrats de ville au privé et de travailler particulièrement sur la pluriannualité des subventions et des financements sur les petites associations, à hauteur de 50 %.
Dès ma nomination, j'ai appelé à une évaluation par le Parlement de la mobilisation du droit commun dans les QPV. J'estime qu'il était nécessaire de conduire une réforme sur les zones franches urbaines et le dispositif des adultes-relais ; et d'établir une nouvelle génération de contrats de ville.
Monsieur le député m'indique que le problème de l'hébergement d'urgence ne sera pas réglé tant que la question de l'immigration ne le sera pas non plus. Je l'invite à participer à une maraude du Samu social sur le sujet et à vérifier auprès des femmes et hommes qui vivent dans la rue si leurs papiers sont en règle. La situation n'est pas aussi simple.
Ensuite, en matière de logement, la seule proposition que j'ai vue émerger de la part du Rassemblement national porte sur la priorité nationale dans les HLM. Je m'y suis bien évidemment opposé. Prenons le cas de deux infirmières qui travaillent dans un hôpital, l'une étrangère en situation régulière et l'autre de nationalité française. Devrais-je priver de logement social une infirmière en situation régulière qui paye ses impôts ? Le Rassemblement national ne formule pas de propositions innovantes sur le logement, mais ressasse de vieilles recettes de priorité nationale.
Les indicateurs sont en berne. La France subit une crise du logement, de l'offre, de la demande et du financement, qui s'annonce durable et globale. Le manque de constructions provoquera à terme une chute de l'attractivité de nos territoires. À l'heure de la réindustrialisation du pays, il manque des logements neufs. D'après la Fédération française du bâtiment (FFB), le secteur de la construction s'attend à la suppression de 150 000 emplois.
À court terme, les banques ont de plus en plus de mal à prêter aux futurs acheteurs et le secteur a fait part de ses attentes quant aux accès au financement. Alors que de nombreuses familles souhaitent acquérir un logement neuf et individuel pour leur premier achat, vous avez choisi de concentrer le PTZ sur le logement collectif neuf en zone tendue et sur le logement ancien en zone détendue, renforçant davantage la pression sur la vitalité du secteur de la construction.
La construction de logements neufs est donc exclue, alors que, le plus souvent, elle est la plus adaptée aux demandes des familles, notamment en ruralité, et aux nouvelles normes environnementales. En avril dernier, vous avez annoncé que l'assouplissement des conditions d'accès au dispositif devrait bénéficier à six millions de foyers supplémentaires. Il s'agit là d'une analyse virtuelle. Quand jugerez-vous que ces chiffres seront atteints ? Est-il envisageable de réinclure la construction de logements neufs individuels dans le dispositif de prêt à taux zéro ? Enfin, après la réduction de MaPrimeRénov', pensez-vous que l'éco-PTZ compensera les besoins en rénovation du bâti ancien pour les Français les plus modestes ?
Le PTZ n'a pas disparu du budget, mais a été recentré sur l'habitat collectif. Son zonage a par ailleurs été élargi et 800 nouvelles communes pourront choisir de privilégier le PTZ neuf. Je ne pense pas que revenir à l'ancien PTZ permettrait de résoudre la crise du logement. Nous pourrons discuter de l'élargissement ou du recalibrage du PTZ lors des débats budgétaires. Mais j'attire votre attention sur le fait que si nous décidions d'établir un PTZ pour tous, qui reviendrait à compenser par le levier budgétaire la hausse des taux d'intérêt, cela entraînerait vingt milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Cela n'est pas possible.
L'enveloppe de MaPrimeRénov' n'a jamais été aussi importante qu'en 2024, à hauteur de quatre milliards d'euros. Nous travaillons avec l'Anah, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et la FFB pour simplifier l'accès à MaPrimeRénov'. De plus, l'année dernière, l'enveloppe consacrée à la rénovation a été sous-consommée. Je serai heureux de pouvoir rediscuter avec vous de l'avenir de MaPrimeRénov' et des mesures supplémentaires de simplification que nous pourrions prendre à l'avenir sur le sujet.
Je voudrais tout d'abord saluer en tant qu'élu du Massif central, l'action des commissariats de massif qui fêtent leurs quarante ans d'action et qui œuvrent efficacement pour nos territoires de montagne. Le plan Avenir Montagnes est-il en mesure de répondre aux fortes attentes et aux enjeux du tourisme durable ?
Si, dans l'ensemble, l'emploi des crédits alloués à la mission est globalement conforme aux engagements et objectifs du gouvernement, deux programmes de cette mission appellent selon nous des observations. La Cour des comptes a ainsi considéré que le programme 112 est insuffisamment lisible, en particulier les règles de gestion du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui seraient devenues imprécises, compte tenu des bénéficiaires potentiels de ce fonds, les collectivités et les associations. La clarification des règles d'emploi apparaît donc nécessaire. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Ensuite, le très faible taux de consommation du programme 135 ne peut que nous interroger. Je partage l'opinion du rapporteur sur ce point. Monsieur le ministre, quelles dispositions le gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer l'efficacité actuellement trop limitée du Fnap ? Vous paraît-il d'ailleurs toujours constituer la solution la plus appropriée pour produire des logements et répondre aux besoins constatés ?
S'agissant du programme 112, la demande de la Cour des comptes sera évidemment prise en compte dans le nouveau contrat d'objectifs de performance de l'ANCT. Par ailleurs, le FNADT est reconnu pour sa souplesse, à la main des préfets, qu'il convient de conserver.
Ensuite, la montagne subit les conséquences des évolutions climatiques, notamment sur l'enneigement. Je rappelle que les territoires de montagne ont pu bénéficier de 480 millions d'euros au titre du dispositif de soutien aux remontées mécaniques et de 535 millions d'euros de financement pour l'activité partielle. Le plan Avenir Montagnes comprend quatorze mesures pour 650 millions d'euros et s'articule autour de trois axes : favoriser la diversification de l'offre touristique ; accélérer la transition écologique des activités touristiques et dynamiser l'immobilier de loisir pour éviter les fameux « lits froids ». Parmi ces financements, 300 millions d'euros sont dirigés vers le soutien de l'investissement et 31 millions d'euros vers l'ingénierie des chefs de projet.
S'agissant du Fnap, nous avons proposé des modifications des règles de gestion. Nous menons actuellement avec Bercy un travail sur le financement après 2024. Enfin, la sous-exécution du programme 135 s'explique par l'enveloppe supplémentaire de 200 millions d'euros du Fnap pour la rénovation. En AE, l'exécution est de 80 % et les CP prennent mécaniquement plus de temps à être consommés. Je n'hésiterai pas à vous associer à ces discussions et nous pourrons avoir un échange plus détaillé en dehors de cette audition.
Les socialistes et la majorité des acteurs du secteur dénoncent depuis plusieurs années l'indifférence du gouvernement pour le logement. Nous sommes nombreux à déplorer le désengagement de l'exécutif face à la crise qui ne cesse de gonfler les chiffres du mal-logement, y compris dans le camp présidentiel. À ce titre, le dernier PLF n'apporte pas de réponse à la crise, qu'il a même contribué à aggraver par un recul des mesures de soutien à l'accession à la propriété ou en investissement locatif. Je pense notamment au recentrage du PTZ qui est inaccessible, y compris en zone tendue pour la classe moyenne, ou encore la suppression du Pinel, certes trop coûteux pour nos finances publiques, mais qui aurait pu être remplacé par des crédits supplémentaires pour le locatif social.
Le séminaire sur le logement avait rendu quelques semaines avant l'examen du budget des propositions clés en main et partagée par 200 acteurs. Après six mois de travail, nous ne pouvons que déplorer ce gâchis et cette perte de temps. Comme si cela ne suffisait pas, un décret de dix milliards d'euros d'économies, dont deux milliards d'euros sur le logement, a été pris en février dernier, prévoyant des coupes budgétaires sur l'accès au logement et la rénovation, alors même que nous recensons 170 000 logements neufs en moins par rapport à 2017. Il est inconscient de ne s'intéresser au logement qu'à travers le prisme de l'économie budgétaire.
« Faites-moi des propositions de recettes, arrêtez de me faire des propositions de dépenses », déclarait le ministre de l'économie, tout en bloquant méthodiquement une proposition de loi consensuelle, visant à supprimer la niche fiscale coûteuse de l'allocation touristique. Nous ne savons plus quoi faire face à tant d'incohérences. Je me réjouis quand même de la lecture prochaine du rapport d'Annaïg Le Meur, que nous attendons tous pour alimenter nos réflexions. Il convient de chercher l'argent sur la défiscalisation à outrance du régime réel, pour le réinvestir sur la RLS.
Je me réjouis également de la lecture du rapport transpartisan de MM. Cosson et Peu, qui reprend nos propositions, notamment l'aide aux maires bâtisseurs, la hausse du Fnap sur le logement étudiant ou la garantie universelle des loyers.
Les rapports des missions d'inspection et de la Cour des comptes sont assez clairs sur le coût et l'efficacité des dispositifs Pinel et du PTZ. Nous avons fêté les dix ans du dispositif Pinel, qui a créé 500 000 logements pour un coût cumulé global de vingt-cinq milliards d'euros. Je rappelle également que la politique du logement bénéficie de quarante milliards d'euros et j'ai listé précédemment les actions menées pour développer le logement social dans notre pays. Par ailleurs, nous arrivons à travailler ensemble : vous avez porté une proposition de loi sur l'équilibre du marché locatif, que le gouvernement a inscrit à l'ordre du jour du Sénat. Il contient notamment des mesures d'équilibrage sur les abattements qui concernent l'allocation touristique de type Airbnb.
Il convient d'avancer et d'imaginer des dispositifs fiscaux intelligents pour 2025. Mais soyons réalistes sur le fait que le levier budgétaire ne pourra jamais compenser totalement la hausse des taux d'intérêt, auxquels tous les pays européens sont confrontés.
Le nouveau programme national de renouvellement urbain a vu le jour il y a dix ans, avec pour objectif d'accompagner la transformation des quartiers prioritaires. Il concerne aujourd'hui 200 quartiers présentant de très graves dysfonctionnements urbains et sociaux, dignes d'intérêt national, ainsi qu'un peu plus de 250 quartiers dits d'intérêt régionaux. Aujourd'hui, en plus de la faible contribution de l'État, le rythme de décaissement est beaucoup trop lent et fait craindre un budget inatteignable pour les années à venir.
Sur la période, 2020-2028, un milliard d'euros étaient prévus, ce qui devait engendrer un décaissement de crédit de 285 millions d'euros par an. Or, seuls quinze millions ont été décaissés en 2021, quinze millions en 2022, quinze millions en 2023 et cinquante millions en 2024. Qu'en sera-t-il pour les quatre années à venir, pour lesquelles il reste 900 millions d'euros à décaisser ? Par ailleurs, l'enveloppe d'un milliard d'euros établie en 2021 ne prend pas en compte l'inflation et la hausse des coûts de la construction. Une enveloppe complémentaire est-elle envisagée ?
Sur le programme 147, nous avons augmenté notre participation et abondé à hauteur de cinquante millions d'euros pour le financement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). La loi de programmation des finances publiques prévoit également des augmentations pour les années à venir. L'objectif consiste à faire correspondre les versements de la participation de l'État aux décaissements réels de l'Anru. Les engagements de l'État seront tenus, grâce aux budgets sanctuarisés à chaque PLF.
Dès ma nomination, j'ai lancé une mission sur l'avenir de la rénovation urbaine après le NPNRU pilotée par la directrice générale de l'Anru, le maire de Villeurbanne et un directeur de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD). Un point d'étape sera effectué à la mi-juin ; le rapport définitif est prévu pour le mois de septembre. Je vous le ferai parvenir et nous pourrons en discuter.
J'interviens à présent au nom du groupe Horizons. Je ne pense pas qu'il existe une crise nationale du logement, mais des crises territoriales de l'habitat, des crises du parcours résidentiel de l'habitant de chaque territoire. En revanche, nous vivons une crise nationale de la production de logements neufs. Depuis une vingtaine d'années, la promotion immobilière produit les logements HLM. Or cette promotion immobilière s'affaisse. Le ministre du logement n'est pas responsable des réactions tardives du gouverneur de la Banque de France sur les taux d'usure ni de l'augmentation des taux d'intérêt.
Cependant, face à l'effondrement de la production de logement social, il est nécessaire d'agir, d'autant plus que le temps du logement est un temps très, très long. Monsieur le ministre, je sais que vous y travaillez. Quelles solutions envisagez-vous ?
Je partage votre diagnostic, notamment sur les problèmes de la promotion immobilière, qui est contrainte d'effectuer des plans sociaux. La première responsabilité du politique consiste à apporter un soutien à un secteur en crise. Au-delà de ce soutien à court terme, comment pouvons-nous faciliter la tâche des producteurs dans les années à venir ?
Nous essayons de calibrer pour le prochain budget des dispositifs courts permettant de donner un coup de pouce à l'acquisition, notamment pour des primo-accédants qui chercheraient à devenir propriétaires et construire leur maison ou acheter. Des discussions sont en cours sur de telles dispositions, qui sont en outre très raisonnables pour les finances publiques.
Au-delà de la question fiscale, je pense également à toutes les mesures de simplification pour la promotion immobilière, notamment pour réduire les coûts de construction, par exemple par la diminution des délais de recours ; ou les innovations concernant la promotion immobilière, comme le développement du hors site ou l'usage du numérique. De leur côté, certains acteurs ne restent pas inactifs. Par exemple, Altarea propose un nouveau programme assez intéressant pour faciliter l'accès à la propriété.
La situation est marquée par l'effondrement de la construction de logements, en particulier de logements sociaux. Ainsi, 90 184 logements sociaux ont été agréés en 2023, en baisse de 14 % par rapport à 2022. J'ajoute que sur des programmes spécifiques comme les pensions de famille, outils pourtant indispensables pour permettre aux populations en situation de rue d'intégrer un logement, les livraisons ne sont pas non plus au rendez-vous. Seulement 1 130 ont été livrées, soit 71 % de l'objectif.
La crise du logement que nous traversons est inédite. Nombre de nos concitoyens en subissent les conséquences, en particulier à Paris, où 132 000 ménages sont en attente d'un logement social quand l'attribution annuelle n'est que de 12 000 logements. Le projet de loi que vous présentez en juin au Sénat aggravera la situation : en intégrant le logement intermédiaire dans les objectifs SRU de 20 % à 25 % de logements sociaux par commune, vous allez freiner la production de logements sociaux. L'étude d'impact confirme d'ailleurs cette substitution partielle.
Quelles mesures envisagez-vous pour répondre à la demande de logements en France ? Allez-vous vous tenir votre promesse faite le 3 avril dans l'hémicycle, d'augmenter les crédits de l'hébergement d'urgence en France de 120 millions d'euros, pour créer 10 000 places supplémentaires ?
Je précise que 7 960 places ont été ouvertes en 2023 dans les dispositifs de logement adaptés, dont 1 250 en pension de famille, soit une augmentation de 5,5 % du parc ouvert. Fin 2022, 6 700 places étaient ouvertes en intermédiation locative, soit plus de 9 % du parc ouvert.
L'État a doublé les montants et les budgets alloués depuis 2017 à la question de l'hébergement d'urgence. Le plan Logement d'abord a permis de sortir plusieurs centaines de milliers de personnes de la précarité de la rue, grâce à des solutions pérennes. Il faut aller plus loin, par exemple, sur l'intermédiation locative. Il faut également s'interroger sur la meilleure utilisation possible de ces places.
Le beau projet de loi que je porte offrira des outils supplémentaires aux bailleurs sociaux ; afin qu'ils construisent plus de lits et disposent d'outils pour conduire la promotion immobilière. Ils pourront également chercher les plafonds réglementaires nationaux. Ces actions permettront aux élus locaux de construire, plus rapidement. Le projet de loi accélérera la construction de logements abordables dans notre pays.
En France, trente millions de résidences principales sont occupées, dont 20 % en logement social. Afin de répondre aux deux millions de personnes qui veulent rentrer dans le logement social, les actions que je porte visent à construire un plus grand nombre de logements, dont des logements intermédiaires. Je préconise également des mesures de bonne gestion, comme l'arrêt du logement social à vie. Lorsque l'on dépasse significativement un plafond de revenus déjà très élevé pendant des années, ou que l'on hérite d'un patrimoine dans le même bassin de vie, il est justifié de laisser son logement social à des personnes qui en ont plus besoin. Il faut établir des règles de rotation et de parcours résidentiel qui permettent à ceux qui en ont besoin de rentrer plus rapidement dans le parc social.
Je rappelle que 8 % du parc est aujourd'hui occupé par des personnes qui ont dépassé le plafond de revenus, soit plusieurs dizaines de milliers de logements. Ensuite, dans le parc social, personne ne connaît le patrimoine personnel des occupants. Notre objectif consiste bien à établir cette mesure et à en tirer les conséquences en termes de maintien dans le parc.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 18 heures 30
Présents. - M. Mickaël Bouloux, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Victor Habert-Dassault, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, M. Philippe Lottiaux, M. Emmanuel Mandon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Jean-Marc Tellier
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Manuel Bompard, M. Joël Giraud, M. Tematai Le Gayic, Mme Lise Magnier, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Alexandre Sabatou
Assistaient également à la réunion. - M. Inaki Echaniz, Mme Annaïg Le Meur