La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion par l'État des risques naturels majeurs dans les territoires transocéaniques de France, dits d'Outre-mer (n° 1714) .

(M. Jean-Philippe Nilor, rapporteur)

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Nous examinons aujourd'hui deux textes que le groupe La France insoumise a souhaité inscrire à l'ordre du jour de la journée qui lui est réservée. Nous débutons par l'examen de la proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion par l'État des risques naturels majeurs dans les territoires transocéaniques de France, dit d'outre-mer.

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Je vous remercie de m'accueillir dans cette commission dans laquelle j'ai toujours souhaité siéger. J'ai l'honneur de vous présenter une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur une question qui concerne près de trois millions de nos concitoyens et concitoyennes vivant dans les territoires transocéaniques, dits d'outre-mer.

Ces territoires ont pour caractéristique commune d'être soumis à des aléas naturels, comme les risques sismiques ou les tsunamis. En raison de leur position géographique, très majoritairement en zone tropicale, ils subissent de manière intense l'aggravation du dérèglement climatique et sont exposés à un cumul des risques : un cyclone amplifié par le réchauffement climatique peut s'ajouter à un séisme ; si l'un et l'autre surviennent à intervalle rapproché, ils peuvent ravager un territoire.

À l'exception de la Guyane, tous les territoires transocéaniques sont insulaires ou micro-insulaires. Aux fréquents cyclones s'ajoutent le réchauffement des eaux et l'absorption de CO2 par les océans, qui fragilisent les barrières coralliennes et altèrent la chaîne alimentaire marine. La montée des eaux est une réalité ; le recul du trait de côte en Martinique et en Guadeloupe se constate exactement comme dans les Landes. Le régime des pluies évolue, et l'alternance des saisons sèches et pluvieuses n'est plus aussi régulière qu'auparavant.

Ces phénomènes se déroulent dans des territoires économiquement et socialement fragiles. Une large part des populations vit au-dessous ou à peine au-dessus du seuil de pauvreté. Une catastrophe naturelle peut détruire les rares biens que possède une famille. L'économie, qui repose sur quelques piliers – tourisme, pêche, agriculture –, peut être sévèrement affectée si l'outil de travail est détruit, si des terres sont inondées, si les infrastructures portuaires, aéroportuaires, hospitalières, scolaires et hôtelières sont touchées.

Les territoires de l'océan Pacifique, zone hautement sismique, sont de plus menacés par la montée des eaux. L'existence de l'archipel des Tuamotu pourrait ainsi être compromise, les îles Marquises apparaissant comme un refuge possible. L'altération de la pluviométrie diminue les ressources en eau potable et assèche les cocoteraies, ressource vitale pour les habitants.

Dans l'océan Atlantique, les Antilles subissent dépressions tropicales, tempêtes, cyclones et ouragans annuels de plus en plus violents et dévastateurs, qui causent de nombreuses victimes et provoquent des centaines de millions d'euros de dommages. La montée des eaux est également une réalité critique. La Martinique pourrait, par exemple, perdre 5 % de sa superficie d'ici à 2100 ; en Guadeloupe, 16 000 habitants installés près de mangroves sont potentiellement touchés par la montée des eaux. Les scientifiques alertent par ailleurs sur la survenue à tout moment d'un Big One, un séisme d'une magnitude de plus de 8,5 sur l'échelle de Richter. En Guyane, l'érosion des côtes est perceptible, et les risques de séisme, omniprésents.

Le réchauffement climatique entraîne également un risque de montée des eaux à Saint-Pierre-et-Miquelon, de l'ordre de 30 à 70 centimètres d'ici à la fin du siècle, menaçant des zones entières de submersion.

L'océan Indien, enfin, connaît une situation contrastée : Mayotte souffre de sécheresse, avec une crise historique de l'eau, tandis que La Réunion enregistre une pluviométrie historique et que son volcan, le Piton de la Fournaise, entre régulièrement en éruption.

On le voit, les risques sont réels et variés. Ils représentent un coût en vies humaines, portent atteinte aux conditions de vie et détruisent des champs, des habitations et des bateaux de pêcheurs, entre autres.

Une commission d'enquête doit porter sur des faits ou des services publics et en examiner la gestion. En l'espèce, les deux conditions sont remplies par la présente proposition de résolution. La commission d'enquête que nous vous proposons de créer se penchera sur l'évolution des catastrophes naturelles dans les territoires dits d'outre-mer et évaluera si la réponse de l'État et des autres acteurs – collectivités, assurances, entreprises publiques, établissements publics – chargés de la sécurité publique est à la hauteur des enjeux.

Il apparaît plus que légitime de s'interroger sur l'efficience des dispositifs en place dans chaque territoire, pour chaque bassin océanique ; de les évaluer de manière méticuleuse, en rendant compte de l'action de tous les acteurs impliqués – État, collectivités territoriales, société civile. Tous les signataires de la proposition de résolution, qui appartiennent à différents groupes politiques et se sont joints à moi dans une approche transpartisane, considèrent qu'il y a un grand intérêt et une urgence réelle à travailler sur la question.

Pour être recevable, une demande de commission d'enquête doit respecter trois éléments.

En premier lieu, elle doit porter sur des faits précis – en l'espèce, les risques qui menacent les territoires océaniques. Dans une note en date du 2 juin 2022, le Réseau Action Climat décrit l'ensemble des dommages pouvant en résulter en termes de vies humaines comme de santé mentale, ou leurs incidences sur la société et l'économie. Les catastrophes naturelles sont donc bien une préoccupation pour une large partie de la société.

En deuxième lieu, aucune résolution proposant une commission d'enquête ne doit avoir été adoptée et aucune commission d'enquête avoir travaillé sur le même sujet dans les douze derniers mois. C'est bien le cas pour cette proposition de résolution.

Enfin, le garde des Sceaux nous a indiqué par lettre du 14 novembre dernier qu'aucune poursuite judiciaire en cours ne recouvrait le périmètre de la commission d'enquête.

La demande de commission d'enquête est donc réglementairement recevable. Mais elle est aussi politiquement salutaire, car elle renvoie à l'essence même de la politique : l'organisation de la cité ne saurait ignorer la sécurité des biens, des activités et, surtout, des personnes. Une telle commission permettrait à l'ensemble des députés et à nos concitoyens de comprendre que les territoires dits d'outre-mer partagent les mêmes difficultés que l'Hexagone face aux risques naturels, mais avec des effets plus graves et plus dévastateurs.

Il est crucial d'analyser nos forces et nos faiblesses face à ces risques et de réfléchir collectivement à la manière de les anticiper, pour espérer réduire la vulnérabilité de ces territoires dans le cadre d'une véritable politique de mitigation.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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La proposition de résolution que nous examinons vise à créer une énième commission d'enquête sur une question néanmoins importante : la gestion par l'État des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer.

Pour ce qui est de la forme, chaque groupe dispose déjà d'un droit de tirage, dont vous avez fait usage pour créer une commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre. Votre groupe a également émis plusieurs demandes de commission d'enquête hors de ce droit de tirage. Si le rôle des parlementaires est de voter la loi, de contrôler son application et l'action du Gouvernement, notre assemblée et ses administrateurs ne peuvent cependant consacrer l'essentiel de leur temps à cette dernière mission.

Sur le fond, la commission d'enquête que vous demandez porte sur une question qui a fait l'objet d'une évolution législative récente. La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), adoptée en février 2022, a permis des évolutions pour favoriser la résilience des territoires ultramarins face aux risques naturels majeurs. Un état de calamité naturelle exceptionnelle en outre-mer, fondé sur plusieurs rapports du Sénat – notamment à la suite de l'ouragan Irma qui a frappé les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin au Nord de la Guadeloupe –, a ainsi été créé à titre expérimental. La rapidité d'intervention, le rétablissement des services publics, de la sécurité des populations et de l'approvisionnement en biens de première nécessité et en soins médicaux ont été revus afin de permettre un retour plus rapide à la normale. Des actions de formation auprès des populations seront également organisées pour leur permettre de mieux réagir aux conséquences des aléas climatiques, auxquels la majorité des collectivités ultramarines sont exposées. Une évaluation de cette expérimentation, y compris, avant 2027, du dispositif associé, et sa généralisation, le cas échéant, nous apparaissent plus adéquates afin de répondre aux besoins de nos compatriotes ultramarins.

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Il est temps, en effet, de créer les conditions d'une politique volontariste en faveur de la France des outre-mer en général, et de leur protection contre les catastrophes naturelles majeures, en particulier. Cyclones, séismes, éruptions volcaniques, tsunamis, les collectivités ultramarines sont implantées dans des zones très concernées par ces risques majeurs. Sur ces sujets comme sur tant d'autres, les politiques publiques ne sont pas à la hauteur des enjeux, et cela, depuis de longues années, notamment en ce qui concerne la continuité des services publics et la résilience des réseaux. Le constat est le même que pour les territoires ruraux de métropole, mais aggravé par l'éloignement géographique des outre-mer.

En 2018, le Président Emmanuel Macron, en visite aux Antilles après le passage de l'ouragan Irma, avait annoncé une grande loi de prévention des catastrophes naturelles en outre-mer. Nous l'attendons toujours, tout comme les Mahorais attendent l'allongement de la piste aérienne promise en 2019 ou une loi de programme, sans cesse reportée. C'est hélas une spécialité présidentielle, non limitée à l'outre-mer.

Les territoires ultramarins sont la France ; ils ont droit à « mieux de France » et mieux d'État – ils en veulent plus, pas moins. Ils ont droit au retour d'une véritable politique publique d'aménagement du territoire, de désenclavement et de continuité territoriale – c'est urgent. Il est grand temps de cesser la « bobologie », de retrouver nos ambitions et nos savoir-faire, de Brest à Pointe-à-Pitre, de Marseille à Mamoudzou, de Nice à Papeete, de Paris à Nouméa. Cela commence par une présence forte de l'État pour anticiper, prévoir, aménager et administrer.

La création d'une commission d'enquête s'impose, mais elle ne doit pas être un énième comité Théodule comme on en voit depuis quinze ans, avec des assises et autres états généraux. Nous voterons pour la proposition de résolution.

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Qui songe que la Nouvelle-Zélande ou le Brésil sont des pays frontaliers de la France ? La France n'est pas que l'Hexagone ; il est plus que temps de s'en souvenir car l'urgence du bouleversement climatique est là. Élévation du niveau des mers, séismes, inondations, tsunamis, sécheresses, ouragans, cyclones, glissements de terrain et autres catastrophes naturelles sont amenés à se multiplier sur le territoire français.

Chaque année qui passe, chaque mois de novembre agréablement doux cache une réalité bien moins radieuse : les risques naturels se font plus forts dans notre pays, et les territoires transocéaniques de France, que l'on appelle communément les outre-mer, sont les premiers menacés. Dès 2040, des zones entières de la Guadeloupe, de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, de Mayotte et de La Réunion seront inhabitables. Ce n'est pas un film de science-fiction, c'est malheureusement un fait scientifique. Face à cela, que fait l'État ?

En 2018, Emmanuel Macron, en déplacement aux Antilles, déclarait que nous n'étions pas à l'abri de nouveaux cyclones à Saint-Martin. Un an après Irma, il ne voulait pas – louable souhait – que l'on « reproduise les erreurs du passé ». Cinq ans après pourtant, Annick Girardin, qui fut sa ministre, le désavoue en déclarant : « Après Irma, on avait rêvé, avec la reconstruction, d'en faire une île d'exception, un exemple pour tous les territoires ultramarins. Cela ne s'est pas fait ». Une fois de plus, l'espoir a été trahi, l'amnésie a honteusement brillé en métropole.

Cher Jean-Philippe Nilor, je vous remercie de mettre en pleine lumière celles et ceux que l'État coupable a abandonnés depuis bien trop longtemps.

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En 2018, le Président de la République avait promis de tirer les leçons de l'ouragan Irma, avec une loi de prévention des risques naturels en outre-mer, qui n'est jamais venue. Comme le souligne notre collègue Marcellin Nadeau dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2024, relatif à la protection de l'environnement et à la prévention des risques, les moyens humains et matériels consacrés aux outre-mer sont notoirement insuffisants – sous-dotation en effectifs, matériels défaillants, systèmes d'alerte lacunaires, fonds d'aide sous-mobilisés. Il faudrait des moyens supplémentaires sur place, positionnés en permanence, non des options de court terme prises dans l'urgence et pas toujours abouties. À Mayotte, la crise de l'eau potable résulte clairement d'un manque de préparation de l'État, malgré des pénuries de plus en plus fréquentes. De plus, les montants d'aide accordés sont peu transparents, comme l'a révélé la délégation sénatoriale aux outre-mer du Sénat.

Si les responsabilités de l'État semblent déjà bien identifiées, avec d'ailleurs l'impression d'une tutelle méprisante parfois exercée sur les élus et les habitants, celles des Ultramarins ne devront pas être éludées, le déficit de moyens et l'exception outre-mer servant trop souvent d'excuses pour masquer leurs propres manques. Je pense à la défiance des populations, notamment des jeunes, vis-à-vis des consignes de sécurité en cas d'alerte ou au retard des collectivités dans le déploiement des plans de sauvegarde et de prévention des risques, ou dans la conduite des investissements dans la résilience des réseaux, faute d'une gestion appropriée.

Nous nous interrogeons aussi sur la survivance d'un habitat informel sans droit ni titre, qui est un obstacle à la bonne indemnisation et à l'assurabilité des biens.

Enfin, puisque mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde, nous défendrons un amendement visant à rétablir l'expression classiquement employée d'« outre-mer », au détriment de l'innovation langagière comprise du seul groupe La France insoumise de « territoires transocéaniques de France ». La première appartient au langage courant, et personne ne nous fera croire que les millions de Français qui l'utilisent quotidiennement seraient des racistes en puissance. Ce n'est pas parce que vous renoncerez à appeler l'outre-mer ou la province de leur nom que vous améliorerez la considération et la reconnaissance qu'on leur porte.

Néanmoins, nous voterons cette proposition de résolution qui porte sur une question fondamentale.

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Cette nouvelle demande de commission d'enquête du groupe LFI est la énième depuis le début de la législature. La règle sur le droit de tirage est pourtant claire, et vous auriez pu trouver d'autres moyens, comme des missions au sein des commissions ou de la délégation aux outre-mer, mais peu vous importe.

Une fois n'est pas coutume, je veux d'abord souligner les constats que nous partageons. Oui, les collectivités ultramarines sont surexposées à des risques naturels majeurs. Oui, les territoires ultramarins sont résilients et constituent des laboratoires d'expérimentation d'une grande richesse pour l'adaptation au changement climatique, comme dans de nombreux autres secteurs. Ici s'arrêtent toutefois nos points de convergence.

Avec le sens de la mesure qui vous caractérise si souvent, vous donnez à lire que l'État ne fait rien ou si peu, ou trop tard, trop faiblement. Oubliés le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dont 46 millions sur 229 ont été consacrés aux outre-mer en 2022 ; la délégation interministérielle aux risques naturels majeurs outre-mer, qui a travaillé entre 2019 et 2020 à un état des lieux complet et à maintenir un dialogue avec l'ensemble des parties prenantes ; le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte, financé par l'État. Vous avez à peine évoqué le plan Séisme Antilles qui, avec 1 milliard d'euros sur la période 2007-2019, auquel s'ajoute 1,2 milliard d'euros de 2021 à 2027 pour adapter les bâtiments au risque sismique, est forcément insuffisant…

La liste est encore longue, mais ces exemples sont assez parlants pour comprendre l'objectif que vous poursuivez dans ce texte : la conflictualisation et la mise en cause permanente de l'État, bien loin des préoccupations de nos concitoyens ultramarins.

Vous oubliez un point essentiel : l'État n'est pas seul ; les collectivités, les associations et les citoyens doivent jouer un rôle complémentaire pour assurer la sécurité de chacun. Mais pourquoi apporter un peu de nuance et de bonne intelligence quand il est plus simple de taper sur l'État ?

Vous l'aurez compris, nous ne voterons pas ce texte.

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À l'heure où s'ouvre le Congrès des maires et des présidents d'intercommunalités, le groupe Socialistes et apparentés est particulièrement satisfait de débattre des risques naturels majeurs en outre-mer, un phénomène devenu, hélas, à la faveur d'événements dramatiques, une préoccupation quotidienne de nos collectivités locales et de nos populations. En un an, ma circonscription a eu à subir les ravages de plusieurs événements climatiques dévastateurs. Ce projet de création d'une commission d'enquête reçoit donc, naturellement, notre agrément.

Les carences constatées rendent crucial, vital même, d'étudier et d'évaluer la gestion par l'État des risques naturels majeurs dans les outre-mer. Une enquête s'impose pour parfaire le plan Séisme ; pour mettre à plat la politique de prévention ; pour dresser le bilan des moyens en ingénierie de l'État déconcentré et des collectivités territoriales ; pour interroger le dimensionnement du fonds Barnier et ses conditions d'éligibilité assouplies ainsi que l'exercice des compétences de l'État en matière de prévention des risques.

En soutenant cette commission d'enquête, nous n'entendons pas incriminer l'État. Notre objectif est d'analyser les failles et les carences d'un système, pour permettre aux populations de vivre en sécurité, et aux collectivités de mieux assumer leurs compétences. Il s'agit de voir comment parfaire l'exercice de la compétence de la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) ; comment l'État pourrait mieux accompagner financièrement et logistiquement les collectivités ; et comment passer d'une gestion de l'urgence à une programmation de la résilience, dans une vraie démarche partenariale.

La proposition de résolution ne saurait limiter le champ de la commission d'enquête à la seule responsabilité de l'État. Toutes ces questions nécessitent enquête et solution, à toutes les strates administratives. Nous nous prononcerons favorablement sur le texte, qui nous semble devoir également se pencher sur les moyens de remédier concrètement à l'absence de solutions assurantielles dans nos territoires.

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Les territoires d'outre-mer font face à de nombreux problèmes dont l'urgence est incontestable, et d'abord à la surexposition à des aléas naturels multiples, que le changement climatique accentue – sécheresse, éruptions volcaniques, tempêtes, élévation du niveau des océans. Les conséquences de ces événements sont délétères pour la population comme pour tout le système économique de ces territoires, notamment dans des contextes socio-économiques locaux déjà difficiles s'agissant de l'éducation, de la santé ou du logement. Cette proposition de résolution s'intéresse donc à une problématique réelle et importante.

L'État s'est engagé en faveur des territoires d'outre-mer par divers plans d'action portant sur des aspects multiples : recherche et surveillance concernant les risques météorologiques ; développement de structures d'adaptation ; prévention des risques, avec le plan Séisme Antilles doté de plus de 1,2 milliard d'euros sur la période 2021-2027, sans compter les 2 milliards d'euros investis sur l'énergie.

Le groupe Horizons regrette, outre la multiplication des commissions d'enquête, le fait que cette proposition de résolution soit tournée vers l'évaluation des dispositifs existants impliquant l'État, laissant de côté les collectivités territoriales qui ont pourtant un rôle à jouer.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la proposition de résolution.

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Cyclones aux Antilles, séismes dans le Pacifique, volcans en activité à La Réunion, sécheresse à Mayotte : les catastrophes s'accumulent et le rythme de certaines d'entre elles s'accélère sous l'effet du réchauffement climatique. Des zones entières de la Guadeloupe, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy ou de Mayotte pourraient devenir inhabitables dès 2040 ou 2050 sous l'effet de la montée des eaux. Il y a donc urgence.

Nous devons agir, car la solidarité nationale, c'est faire front ensemble pour protéger les territoires et les populations les plus touchés. L'État doit conduire une action forte, avec quatre priorités.

Premièrement, lutter drastiquement et fermement contre le réchauffement climatique. Nous avons déjà beaucoup trop attendu : chaque degré, chaque tonne d'émissions de CO2 évitées compte pour protéger les Français.

Deuxièmement, anticiper. La situation à Mayotte illustre l'impréparation dramatique de l'État. Aucun préfet, aucun élu n'aurait osé apporter les mêmes réponses en France hexagonale.

Troisièmement, répondre aux urgences et donner les moyens d'apporter une réponse rapide en cas de catastrophe, mais aussi de préparer collectivement les populations en instillant une culture du risque partagée, pour rendre l'économie et les infrastructures plus résilientes. Cette culture du risque, longue à installer, est essentielle à la résilience des territoires.

Quatrièmement, adopter une vision urbanistique véritablement de long terme. Sous prétexte de satisfaire les besoins d'aujourd'hui avec des ouvrages inefficaces ou mal adaptés, on accroît les risques de demain. On fait croire aux populations qu'elles sont en sécurité et que l'on peut continuer à urbaniser des zones qui deviendront inhabitables. Il n'est pas possible de mettre ainsi des vies en danger. Dans des territoires qui souffrent déjà d'un sous-investissement structurel de l'État et, disons-le, d'un manque de considération, il est essentiel de préparer une adaptation au changement climatique et aux risques naturels à la hauteur des enjeux.

Nous soutenons cette proposition de résolution, qui permettra de comprendre ce qui fonctionne ou non dans la gestion actuelle des risques, pour mieux préparer les territoires d'outre-mer et protéger tous nos concitoyens.

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Nous soutiendrons la proposition de résolution de notre collègue Nilor.

Les risques naturels en Polynésie ont toujours été présents. En arrivant sur ces îles en pirogue, il y a 15 000 ans, mes ancêtres connaissaient les dangers des cyclones, des tsunamis et autre débordements de rivière. On s'adaptait alors à la nature ; les embarcations et les maisons étaient construites en fonction du terrain. Aujourd'hui, on demande à la nature de s'adapter aux vices de l'homme.

La commission d'enquête vise à ce que l'État prenne ses responsabilités. Nous avons un statut particulier dans lequel les compétences sont bien partagées : celle de la sécurité relève de l'État. Tous les financements et les risques relevant de la gestion de cette compétence doivent donc être assumés par l'État.

Or il y a des manquements. Sur le site des Jeux olympiques de Teahupo'o, la rivière en crue a détruit des centaines de maisons. Les premiers présents sur le terrain étaient la commune et le territoire – l'État n'était pas là. Et je ne parle pas du nucléaire ou des abris anticycloniques financés pour partie par le territoire alors que l'État devrait tout prendre en charge.

La commission d'enquête est donc nécessaire. Dans cette commission, on entend parler de millions mais, sur le terrain, l'État ne prend pas ses responsabilités.

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La création de la commission d'enquête qui nous est proposée me semble une démarche plus qu'opportune. Comment ne pas souhaiter une évaluation des moyens et ressources consacrés à la gestion des risques naturels majeurs, omniprésents dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer ?

Il est temps de sortir d'une politique inefficace et court-termiste de l'urgence permanente, afin de mieux protéger nos concitoyens ultramarins. Ils sont en première ligne face aux risques naturels majeurs, notamment en raison de l'insularité, du relief et des aléas multiples caractérisant ces territoires. Leur vulnérabilité menace gravement nos territoires d'outre-mer, leurs populations comme leurs économies locales ainsi que leurs écosystèmes riches et uniques.

Si nous partageons le diagnostic établi par la proposition de résolution, et la nécessité d'assurer la sécurité des personnes et des biens, nous déplorons la volonté de ses auteurs de proposer à cette occasion une innovation lexicale. Nous ne saisissons pas l'objectif réel de ce changement de terme. Quel dommage, surtout, qu'un sujet aussi grave et sérieux soit ainsi entaché par une disposition propre à faire le buzz !

Substituer au terme si connu et apprécié d'« outre-mer » l'expression « territoires transocéaniques de France », c'est introduire une confusion dont nous n'avons pas besoin et favoriser une polémique nuisible au sérieux du sujet de la commission d'enquête que vous appelez de vos vœux. Laissez-nous espérer que cette évolution lexicale ne comporte pas en prime des sous-entendus.

Afin de rassembler la représentation nationale le plus largement possible en vue d'adopter cette proposition de résolution, j'ai déposé un amendement, pour substituer aux mots « transocéaniques » – soit au-delà de l'océan ou de la mer, selon le dictionnaire Le Robert – une expression juridiquement juste et politiquement neutre, celle de « régies par les articles 73 et 74, ainsi que par le titre XIII de la Constitution ».

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Nous en venons aux interventions des autres députés.

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En tant que présidente du Conseil national de la mer et des littoraux et du Comité national du trait de côte, je connais parfaitement les inquiétudes et les attentes des élus et des populations de nos territoires ultramarins face à l'accélération de l'érosion côtière, de la submersion marine et de l'élévation du niveau de la mer. J'ai récemment rencontré le ministre chargé de l'environnement de Nouvelle-Calédonie pour évoquer ces questions.

Dans ces deux instances, nous coconstruisons, sans esprit partisan, notamment avec des parlementaires ultramarins, l'avenir de nos territoires littoraux. Je défends au-delà de ces instances l'urgence à agir, à sensibiliser, anticiper, protéger, adapter nos territoires littoraux face aux changements climatiques. Nous sommes accompagnés d'une mission interministérielle, rassemblant des membres de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA), chargés de proposer un modèle de financement pour accompagner les territoires littoraux. J'ai demandé que leurs conclusions intègrent un volet spécifiquement dédié aux outre-mer, ce qui n'avait pas encore été fait. Comptez sur moi pour convaincre nos ministres d'intégrer ces territoires littoraux dans ma mission.

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Cette question est, pour la Gauche démocrate et républicaine, un combat de longue date, mené notamment par le député Alfred Marie-Jeanne avec ses nombreuses questions posées au Gouvernement ainsi que ses propositions de loi. Notre ancien collègue s'est notamment intéressé aux règles européennes de conception parasismique, qui ont remplacé les règles françaises en 2006, ou à l'exigence de dispositions relatives à la formation et à l'enseignement. Plus récemment, Marcellin Nadeau a rendu un avis budgétaire sur ces questions. Les interrogations sont là ; les attentes sont fortes. Il est temps qu'une commission d'enquête se penche sur ces questions, dans la continuité des prédécesseurs de Jean-Philippe Nilor, notamment Alfred Marie-Jeanne.

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J'ai été le collaborateur parlementaire d'Alfred Marie-Jeanne pendant quinze ans et mon action comme député s'inscrit bien dans la suite d'un travail de longue haleine.

Je remercie Sophie Panonacle pour la loyauté dont elle fait preuve à l'égard de ce projet – chapeau, madame, d'être aussi fidèle à vos engagements ! Je remercie aussi les collègues qui ont déclaré vouloir voter le texte : Florence Goulet, Élie Califer, Sylvie Ferrer, Cyrielle Chatelain, Tematai Le Gayic, Nathalie Bassire.

Je souhaite ensuite lever certaines ambiguïtés auprès de MM. Brosse, Vatin, Millienne et Thiébaut.

D'abord, il n'est aucunement question de racisme dans le texte.

Ensuite, il n'est pas davantage question de dire que l'État ne fait rien – cela n'apporte rien. Il s'agit de se demander si les moyens sont à la hauteur des enjeux cruciaux pour nos territoires, pour nos peuples. Si un séisme de magnitude 8,5 sur l'échelle de Richter survient en Martinique ou en Guadeloupe, les hôpitaux, les infrastructures, les écoles, les logements ou l'organisation des secours sont-ils prêts ? On ne peut pas nous reprocher de poser ces questions ; il y va de notre vie. Le but n'est pas de stigmatiser l'État – vous vous trompez, je n'y prends aucun plaisir –, il est d'analyser objectivement les interventions, plus ou moins positives, des uns et des autres. D'ailleurs, acceptant la demande du groupe Renaissance, j'ai déposé un amendement visant à supprimer la référence exclusive à la gestion de l'État dans l'intitulé de la commission d'enquête. Bien sûr, l'État est responsable puisque la sécurité des citoyens est en cause, mais le cliché selon lequel il faudrait à tout prix tirer sur l'État, je n'y adhère absolument pas. La part qui revient aux collectivités et à la société civile doit également être appréciée à sa juste valeur. Le rôle de chacun des acteurs devra être examiné à la loupe afin de savoir qui fait quoi et comment améliorer leurs interactions.

En outre, les populations dites d'outre-mer ne sont pas les seules à être concernées. Des savoir-faire, des enseignements et des formes de résilience s'y développent, qui pourraient être utiles à l'Hexagone. Les problèmes que connaissent les Français qui sont loin, de l'autre côté, vont devenir ceux de tous. Voter contre la création de cette commission d'enquête reviendrait à dire que vous ne voulez pas savoir à quelle sauce vous serez mangés en cas de risque majeur et à refuser obstinément la vérité et la réalité. J'ai beaucoup de mal à comprendre un tel positionnement.

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Je prie M. le rapporteur de m'excuser pour n'avoir pas lu la même proposition de résolution. J'ai dû me tromper de texte.

Article unique

Amendement CD1 du rapporteur

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Dans la lignée de ce que je viens de dire, il me semble opportun de supprimer la mention « par l'État » et de procéder à un élargissement du champ de cette commission d'enquête en intégrant notamment toutes les personnes publiques, les représentants de toutes les collectivités territoriales, mais aussi ceux de la société civile, lesquels sont souvent en première ligne en cas de catastrophe naturelle.

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Il n'est pas non plus dans notre intention de tirer sur l'État, mais la suppression de sa mention n'entraînerait-elle pas une extension considérable du travail de la commission d'enquête, qui aboutirait en quelque sorte à une « dilution » de son objet ?

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Il n'est pas question d'envisager un nombre d'acteurs indéfini. Hors l'État, qui incarne la puissance publique ? Les collectivités territoriales : régions, départements, municipalités, lesquelles prennent des initiatives dont tout le monde peut tirer profit. Nous sommes prêts à relever le défi.

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Cette semaine se tient le congrès des maires de France. Nous avons toujours été attentifs à ce que la représentation nationale ne se pose pas en censeur. La libre administration des collectivités locales est constitutionnelle. Apprécier leur politique dans le cadre d'une commission d'enquête constitue une manière de débordement dont nous ne serions pas coutumiers.

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Nous ne nous positionnerions pas en tant que censeurs. Il n'est pas question de faire des injonctions, de juger ou de noter quiconque mais d'apprécier une réalité. Lors d'une catastrophe naturelle, les territoires, les communes organisent des quartiers généraux. Il s'agit simplement d'apprécier la synchronisation et l'articulation entre les différents acteurs, qui sont déterminantes.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CD5 de M. Pierre Vatin et CD4 de Mme Nathalie Bassire (discussion commune)

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Il convient de supprimer les mots : « transocéaniques françaises, dites » et d'en rester au vocable commun « d'outre-mer ».

Par ailleurs, il me semble bien que, dans votre exposé des motifs, vous dénoncez le manque d'efficacité et les solutions de court terme de l'État.

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Puisque nous ne parvenons pas à nous mettre d'accord sur les termes « territoires transocéaniques de France » ou d'« outre-mer », nous proposons de les remplacer par des mots juridiquement justes et politiquement neutres : les collectivités « régies par les articles 73 et 74, ainsi que par le titre XIII, de la Constitution ».

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Il n'est pas question d'engager une polémique sémantique. Si la référence aux océans, d'où proviennent la plupart des catastrophes naturelles, devrait nous réunir, c'est bien à ce propos. Tous les experts, les géographes, les océanographes considèrent que la notion de bassins océaniques – océans Indien, Pacifique et Atlantique – est pertinente. Un cyclone ne se dit pas qu'il s'apprête à attaquer une collectivité régie par les articles 73 et 74 de la Constitution ! C'est l'océan qui explique l'omniprésence de ces risques, y compris les séismes. Le lien entre risques majeurs et territoires transocéaniques est explicite.

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Vous avez eu l'occasion de dire que, lorsque vous vous trouvez en Martinique, c'est Paris qui est l'outre-mer. Il en sera de même si nous utilisons les mots « territoires transocéaniques ». En effet, ce ne sont pas les collectivités régies par les articles 73 et 74 qui subiront un séisme ou un cyclone mais la Martinique, la Guadeloupe ou La Réunion.

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Je maintiens que lorsque je suis en Martinique, l'outre-mer est Paris mais ce n'est pas l'objet de notre débat. Nous disons simplement que la référence à l'océanité et aux océans s'impose tant les situations peuvent différer entre bassins océaniques. S'il est un sujet qui ne devrait pas être polémique, c'est bien celui des risques majeurs.

La commission adopte l'amendement CD5.

En conséquence, l'amendement CD4 tombe.

La commission adopte l'article unique modifié.

Titre

Amendement CD2 du rapporteur

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Par cohérence et par coordination avec l'amendement CD1, cet amendement vise à élargir le champ de la commission d'enquête.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CD3 de Mme Nathalie Bassire et CD6 de M. Pierre Vatin (discussion commune)

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Un amendement de M. Serva a récemment été adopté substituant à la notion de métropole celle d'Hexagone. De la même manière, nous proposons de substituer à la notion de « territoires transocéaniques » celle de « collectivités régies par les articles 73 et 74, ainsi que par le titre XIII, de la Constitution », juridiquement juste et politiquement neutre.

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Là encore, mon amendement vise à supprimer les mots : « transocéaniques de France, dits » et d'en rester aux mots « outre-mer ».

La commission rejette l'amendement CD3, puis adopte l'amendement CD6.

Elle adopte l'ensemble de la proposition de résolution modifiée.

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Le débat aura donc lieu dans l'hémicycle. Qu'il en soit autrement aurait constitué un très mauvais signal pour nos populations, en particulier sur une question aussi décisive. Je souhaite que nous soyons guidés en permanence par le souci de l'intérêt général.

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a ensuite examiné la proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des méga-bassines (n° 1766) .

(Mme Clémence Guetté, rapporteure)

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L'eau est un bien commun et une ressource vitale qu'il est nécessaire de préserver. Le changement climatique n'est plus un horizon lointain : il affecte d'ores et déjà le cycle de l'eau et la disponibilité de la ressource en France. De fins observateurs, parmi vous, me feront sûrement remarquer qu'en ce moment, l'eau ne manque pas, mais c'est justement l'une des conséquences du dérèglement climatique.

La répartition géographique et saisonnière des pluies est désormais modifiée : moins de pluie l'été, mais des épisodes plus violents en automne et en hiver. La pluie, en outre, ne permet plus aussi efficacement que par le passé de reconstituer les réserves d'eau souterraines et superficielles : le sol ayant été imperméabilisé, l'infiltration est plus difficile et le ruissellement, favorisé.

L'eau des inondations, turbide et polluée – elle ruisselle violemment – ne pourrait pas être réutilisée sans risque sanitaire. Une étude du ministère de la transition écologique a démontré que la ressource disponible en eau renouvelable a déjà diminué de 14 % entre la période 1990-2001 et la période 2002-2018. À l'horizon d'une trentaine d'années seulement, les études anticipent des baisses significatives des débits moyens des cours d'eau et du niveau des nappes souterraines.

Depuis plusieurs années, les restrictions d'usages, y compris agricoles, sont de plus en plus fréquentes et de longue durée. Face à la raréfaction de la ressource en eau, les pratiques agricoles doivent urgemment s'adapter. L'agriculture est l'activité la plus consommatrice d'eau et en affecte à la fois le cycle et la qualité. Cette consommation s'explique par un modèle agricole particulier : celui qui est fondé sur l'irrigation, responsable de plus de 90 % des prélèvements du secteur agricole.

Sur le bassin Adour-Garonne, selon les chiffres de France nature environnement, en été, le millier d'irrigants qui profite du système d'irrigation de la Neste consomme 95 % de l'eau disponible, soit 50 % de plus par rapport à 2018. Dans le Marais poitevin, après la grande sécheresse de l'été 1976, l'État a accordé son soutien à un développement massif de l'irrigation. Résultat : dans les années 1990, on s'est rendu compte que l'on était allé beaucoup trop vite et trop loin en matière de prélèvements lorsque de nombreuses rivières se sont retrouvées à sec. Face à l'assèchement du Marais poitevin et aux sécheresses à répétition, il a fallu chercher des solutions. Réduire l'irrigation ? Faire bifurquer le modèle agricole ? Non et non, mais une grande idée : prélever une partie de l'eau en été et une partie en hiver. Pour cela, un instrument miracle : les méga-bassines.

Ces grandes retenues de substitution artificielles, plastifiées et imperméabilisées, qui pompent dans les nappes ou les cours d'eau en hiver pour irriguer les cultures en été, sont principalement construites dans des zones en tension pour le partage de la ressource en eau. Leurs défenseurs les présentent comme une solution permettant de substituer les prélèvements hivernaux aux prélèvements estivaux – d'où leur nom officiel de « retenues de substitution ». Or ces ouvrages sont anachroniques et ne peuvent constituer une solution sérieuse pour gérer la ressource.

Pour y voir plus clair, je me suis déplacée en Espagne, pays qui a connu un développement à très grande échelle des bassines depuis plusieurs dizaines d'années ; j'ai rencontré des représentants des communautés d'irrigants et de la chambre d'agriculture de l'Aragon. Je me suis également rendue dans le Puy-de-Dôme, auprès d'agriculteurs, de collectifs et d'associations de défense de l'environnement, d'un hydrologue et d'un écologue. Dans les Deux-Sèvres, enfin, j'ai rencontré des agriculteurs en bio et un physico-chimiste spécialiste de la qualité de l'eau à l'université de Poitiers. J'ai également auditionné des chercheurs, hydrologues et spécialistes du cycle de l'eau et des écosystèmes aquatiques, le collectif Bassines non merci, France nature environnement, mais aussi la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), la Confédération paysanne, Irrigants de France, la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres ainsi que les services ministériels compétents. Le diagnostic est sans appel : les méga-bassines ne sont pas une solution face à la raréfaction de la ressource en eau.

Tout d'abord, les méga-bassines sont mal adaptées. Censées permettre la substitution entre prélèvements estivaux et hivernaux, elles entraînent des pompages plus importants et dérèglent le cycle de l'eau. Florence Habets, hydroclimatologue que j'ai auditionnée, a participé à une expertise scientifique sur les effets cumulés de ces retenues d'eau. Les résultats qu'elle m'a présentés sont très clairs : « Loin de permettre une substitution, ces retenues sont là pour permettre de consommer plus d'eau. Elles impactent les débits des cours d'eau, avec une réduction moyenne de l'ordre de 10 % à 50 % dans les années sèches. »

C'est donc aussi une solution de court terme, car, en raison du changement climatique, les hivers pendant lesquels les bassines ne pourront pas être remplies seront de plus en plus fréquents, comme c'est le cas en Espagne.

Enfin, c'est une solution qui n'est pas durable, car en augmentant artificiellement le volume d'eau disponible, les bassines incitent à la surconsommation et freinent l'évolution nécessaire des pratiques agricoles.

Outre qu'elles ne sont pas bénéfiques pour la ressource en eau, les méga-bassines divisent la profession agricole pour la simple raison qu'elles ne bénéficient qu'à une infime minorité des agriculteurs.

Moins de 7 % de la surface agricole est irriguée en France, plus de 93 % des surfaces cultivées étant arrosées par l'eau pluviale. La production de maïs, dont 40 % sont destinés à l'exportation, représente plus du tiers des surfaces irriguées.

Une infime partie des irrigants sont raccordés aux bassines – en moyenne, 5 % des agriculteurs présents sur les territoires concernés. Les bassines créent donc un droit dérogatoire à l'accès à la ressource en eau, dans un contexte où l'écrasante majorité de la profession agricole est soumise chaque année à des restrictions d'eau. Christian Amblard, hydrobiologiste, résumait ainsi la situation lors de son audition : « Les bassines ne correspondent pas à l'intérêt de l'agriculture française : elles correspondent aux intérêts particuliers de quelques agriculteurs, et seulement à court terme. »

Ces deux premiers enjeux – l'incapacité des bassines à constituer une réponse durable à la crise de l'eau et le faible nombre de bénéficiaires – sont d'autant plus problématiques lorsqu'on s'intéresse au financement des méga-bassines.

Je le répète, ces ouvrages dérèglent le cycle de l'eau, ne pourront probablement plus être remplis à un horizon assez proche, permettent un accaparement d'une ressource en eau par quelques gros exploitants agricoles, tout cela, financé par des fonds publics à hauteur de 70 % en moyenne. Pour les seize bassines des Deux-Sèvres, par exemple, cela représente 74,3 millions d'euros d'aides publiques. Lors de son audition, la secrétaire d'État à la biodiversité affichait une volonté politique forte pour lutter contre les subventions néfastes. Les subventions pour les méga-bassines en font-elles partie ?

De nombreuses autorisations de construction de bassines ont d'ailleurs été annulées par la justice. Le tribunal administratif de Poitiers, le 3 octobre, a annulé quinze retenues en raison d'un surdimensionnement. Le tribunal a estimé que les projets porteraient les prélèvements à un niveau excessif – un tiers de plus que le volume prélevable pour les bassines de la Vienne – et étaient inadaptés au dérèglement climatique. Le juge a considéré que les projets ne tenaient pas compte des effets prévisibles du changement climatique et a mis en cause les « inexactitudes, omissions et insuffisances » de l'étude d'impact.

Nous proposons donc un moratoire, mesure minimale et de sagesse, sur la délivrance des autorisations de construction de méga-bassines. Face à la raréfaction de la ressource en eau, à la multiplication des arrêtés de restriction des usages et à la dégradation de la qualité de l'eau, cela permettra d'engager la nécessaire transition des pratiques agricoles vers des usages plus économes et adaptés aux nouvelles conditions climatiques.

En fait, nous aurions besoin de deux grandes lois : l'une, pour enclencher la réorientation urgente de notre modèle agricole ; l'autre, permettant d'associer les citoyens à la gestion d'une ressource en eau qui se raréfie et dont le partage entre différents usages doit être décidé démocratiquement.

Le récent rapport de la Cour des comptes sur la gestion quantitative de l'eau alerte par ailleurs sur les « défaillances du système d'information des prélèvements d'eau, qui ne permettent pas d'orienter correctement les décisions publiques ». Il confirme donc qu'il est nécessaire de prendre le temps de la réflexion, et en particulier celui de mener des études hydrographiques approfondies avant de pouvoir statuer sur la construction de méga-bassines.

Cette proposition de loi a fait l'objet de travaux préparatoires denses et de nombreux échanges de fond sur les méga-bassines mais aussi, plus largement, sur la problématique liée aux usages de l'eau en agriculture dans le contexte du changement climatique. C'est dans cette perspective que je souhaite inscrire nos débats, que j'espère riches et constructifs.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Les auteurs de cette proposition de loi ont-ils bien conscience des difficultés de gestion de la ressource en eau ou s'agit-il, pour eux, de promouvoir une politique qui stigmatise et divise au lieu d'agir au service des Français ? À la lecture du texte, je n'ai pas été déçue…

Cette proposition de loi a un objet principal qui n'a pas d'existence juridique mais, surtout, elle n'apporte aucune réponse concrète aux multiples défis liés à la ressource en eau. Quelles solutions pour sécuriser l'approvisionnement ? Pour organiser la sobriété des usages de l'eau par tous les acteurs ? Pour renforcer la gouvernance de ce secteur ? Pour préserver la qualité de l'eau et prévenir les pollutions ? Pour protéger nos écosystèmes aquatiques ? Aucune. Rien.

Votre vision réductrice et idéologique ne tient aucun compte de la complexité de cette question fondamentale. Pourquoi ne pas avoir tenu compte du rapport sénatorial sur la gestion durable de l'eau, qui écarte l'idée d'un moratoire ? Nous aurions pu partager le point de vue selon lequel les réserves de substitution ne sont pas l'unique solution face aux besoins indéniables d'eau dans le domaine agricole. Or il n'est pas question d'alternative mais uniquement d'une interdiction pendant dix ans, comme si le changement climatique pouvait attendre.

Pointer du doigt une profession comme responsable des insuffisances en eau sur certains territoires, c'est faire preuve de populisme et d'une méconnaissance totale de la réalité. Le Gouvernement – avec le plan Eau – et cette majorité souhaitent avancer avec cohérence. Nous proposerons donc un amendement de suppression de cet article.

Le seul « mérite » de cette proposition de loi, c'est de transformer une situation complexe en une idée simpliste, ce qui n'est pas à la hauteur des enjeux de notre société.

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Le principe des retenues de substitution consiste à capter l'eau des nappes phréatiques l'hiver, lorsqu'elles débordent, afin de la stocker et d'assurer l'approvisionnement, notamment pour l'irrigation estivale, et d'éviter alors de puiser dans les nappes. Ces réserves sont nécessaires car elles garantissent à nos agriculteurs un approvisionnement durable, mais il faut qu'une telle possibilité soit mise à profit pour assurer la transition vers des variétés plus sobres et une irrigation plus technologique, moins consommatrice.

L'eau ne doit pas être un produit spéculatif. Des réserves immenses ne doivent pas être uniquement appréhendées par d'énormes structures, notamment céréalières, exclusivement exportatrices et dont le capital n'est plus détenu par des intérêts français. Ce modèle exclut de fait les indispensables petites et moyennes exploitations agricoles.

En outre, ces ouvrages sont subventionnés et leur gestion ne doit donc pas échapper complètement à l'État et à ses agences de l'eau, gages de régulation et de transparence.

Le moratoire proposé n'a guère de sens. En attendant quelle loi ? Que faire faute de loi dans les dix prochaines années ou s'il y en a une avant ? Vous voulez attendre dix ans et ne rien faire. Il est vrai que mettre la poussière sous le tapis et procrastiner constituent un mode de fonctionnement très français dans de nombreux domaines. Au contraire, nous sommes ici pour agir, en particulier en répondant à des questions qui se situent au carrefour de notre souveraineté alimentaire et du réchauffement climatique. Notre groupe votera donc contre cette proposition de loi.

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Notre proposition de loi repose sur des études scientifiques démontrant que face au changement climatique, nous ne prenons pas le bon chemin dans le domaine agricole. Contrairement au Rassemblement national, qui joue le jeu dangereux consistant à se faire l'écho des climatosceptiques, nous estimons qu'il est nécessaire et urgent de penser une agriculture résiliente face aux chaleurs et aux sécheresses.

Un moratoire permet de s'arrêter pour réfléchir. Faire face aux sécheresses en asséchant relève d'un rêve de Shadoks. Ce n'est pas parce que l'eau est prélevée en hiver dans les nappes phréatiques qu'elle n'est pas prélevée ! Laissée à l'air libre dans une bassine, son volume diminue par évaporation et il est aberrant de perdre une partie de la ressource en période de pénurie.

Qui dit baisse de quantité dit baisse de qualité, car la concentration en polluants divers augmente. Nous manquons d'études sur les conséquences d'une irrigation avec de l'eau chargée en cyanobactéries sur l'alimentation humaine.

Moins d'eau, de moins bonne qualité et pour une poignée d'agriculteurs : non seulement les méga-bassines augmentent la pénurie en eau, mais l'eau qui reste disponible est réservée à quelques agriculteurs qui refusent de changer leurs modes de travail.

Ces bassines, dont les coûts de construction et de fonctionnement sont élevés, sont bombardées de subventions publiques, parfois à hauteur de 70 %. Nous assistons à la privatisation de l'eau sur fond de subvention publique, c'est-à-dire, à un pur scandale.

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese), dans son rapport du mois d'avril dernier, appelle à une interdiction de la subvention par des fonds publics de tout projet de création de méga-bassines, notamment celles alimentées par pompage dans la nappe phréatique. Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) concentre ses actions sur les solutions naturelles pour favoriser un meilleur écoulement des eaux pluviales et un meilleur rechargement de la nappe.

L'eau, c'est la vie. Elle est et doit rester un bien commun que nous devons travailler à rendre accessible à tous, tout en empêchant qu'elle soit gaspillée. Tel est le sens de notre proposition de loi.

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Le groupe Les Républicains conteste le bien-fondé de cette proposition de loi qui ne vise qu'à interdire les réserves d'eau en faveur de l'agriculture, qu'elles soient déjà en instruction, qu'elles se justifient par des conditions géologiques particulières ou même qu'elles respectent l'environnement. Faut-il d'emblée rejeter l'idée du stockage alors que nos ancêtres l'ont toujours pratiqué et qu'une part de notre essor agricole est liée à ces ouvrages ? Où est le mal à stocker l'eau lorsqu'elle peut remplir plusieurs bassines par jour comme en ce moment, au lieu de la chercher désespérément quand elle manque en été ?

Le Varenne de l'eau a clairement validé le principe des retenues sur la base d'un rapport commun du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. De même, comme l'a conclu un rapport du Sénat, élaboré par des élus de droite, de la majorité et du parti communiste, disqualifier le stockage n'est pas fondé scientifiquement. C'est une analyse au cas par cas, à travers des procédures déjà très exigeantes, qui doit déterminer s'il est souhaitable de créer des réserves.

Vos auditions, madame la rapporteure, ont déjà démontré que les arguments sur l'évaporation et la dégradation de la qualité de l'eau devaient être relativisés. Rappelons que les bassines offrent une voie de repli pour ne pas puiser dans les aquifères profonds. D'après le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), elles ont aidé au redressement du débit des rivières, notamment dans le Marais poitevin. Elles ne sont validées qu'à l'issue d'un examen minutieux par le préfet et sont soumises à un seuil de prélèvements qui interdit tout stockage de confort. Quelque 88 % de nos nappes sont ainsi en bon état au titre de la directive-cadre sur l'eau. C'est donc un contresens de vouloir interdire les méga-bassines pour leur taille alors que leur déploiement ne devrait avoir à répondre qu'au principe simple de gestion équilibrée de la ressource en eau, inscrit dans le code de l'environnement.

Au-delà des retenues de substitution, c'est bien l'agriculture que vous visez. Le secteur a réduit sa consommation d'eau de 30 % en vingt ans. Assure-t-on l'acceptabilité des projets et la survie des exploitations quand on laisse croire, par des activistes violents et la multiplication des recours, que les bassines ont pour seul but l'enrichissement privé de quelques cultivateurs, alors que la compétitivité de la ferme France et notre souveraineté alimentaire sont en jeu ?

Nous proposerons donc, au contraire, que les projets qui contribuent à la gestion durable de l'eau se voient délivrer une reconnaissance d'intérêt général majeur. Cela permettra de clarifier l'intérêt de déroger à l'équilibre entre prélèvements et renouvellement des nappes en hiver en vue d'épargner les cours d'eau en été. Cela permettra aussi de renforcer la sécurité juridique des autorisations alors que le coût, la durée et la complexité des démarches sont un motif de découragement pour la profession.

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À l'image du mouvement One Planet, le plan France 2030 finance un programme de recherche dénommé One Water. C'est dire combien cet enjeu est prioritaire ! Ce programme vise à construire l'excellence française dans ce domaine stratégique qu'est l'eau comme bien commun. Les conflits d'usages déjà existants se multiplieront avec la raréfaction de la ressource en eau, nous obligeant à faire face avec lucidité à ces nouveaux défis : l'enjeu n'est pas seulement environnemental ou agricole, il est aussi démocratique.

Les événements de Sainte-Soline ne doivent pas préfigurer une France durablement fracturée, incapable d'écoute, de dialogue et d'empathie. Après tous ces épisodes violents, celles et ceux qui sont attachés à la démocratie et à la paix civile doivent avant tout appeler à la reprise du dialogue. Je vous propose de nous inspirer de l'action du comité de bassin Loire-Bretagne qui, loin de l'agitation médiatique et sous l'autorité de son président Thierry Burlot, a effectué un important travail d'apaisement des tensions et de recherche des solutions. Le 4 juillet dernier, grâce à ce travail, une motion proposant une méthode pour avancer collectivement sur ce sujet si sensible a été adoptée à l'unanimité : tous les acteurs de l'eau – agriculteurs, associations environnementales, acteurs économiques, élus, État – l'ont soutenue. En préambule, le comité de bassin rappelle son attachement à la loi sur l'eau, définissant cette ressource comme appartenant au patrimoine commun de la nation, avant de formuler des recommandations en matière d'études scientifiques, de gouvernance, d'engagements individuels et collectifs des acteurs privés, de leur accompagnement par les pouvoirs publics, mais aussi de suivi et de partage de l'information.

En avril dernier, j'avais invité Thierry Burlot et Jean Placines, directeur de la délégation Armorique de l'agence de l'eau Loire-Bretagne, dans ma circonscription, afin qu'ils puissent rencontrer des agriculteurs et échanger avec les habitants. Je retiens de cette rencontre que ces derniers avaient été très nombreux à s'intéresser à ces enjeux et à manifester une envie de comprendre et de dialoguer – signe positif qui invite à l'optimisme.

Plutôt qu'un moratoire, nous proposons une méthode : celle du comité de bassin Loire-Bretagne. Le groupe Démocrate votera donc contre cette proposition de loi.

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Madame la rapporteure, je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter des retenues de substitution, dites méga-bassines, qui touchent un enjeu plus large et fondamental pour l'avenir, celui de l'accès à l'eau et son partage. Les raisons qui ont motivé la construction de ces bassines sont connues : dans un contexte d'épisodes réguliers de sécheresse, aggravés par le réchauffement climatique, les agriculteurs font face à d'importantes difficultés pour répondre aux besoins d'irrigation de leurs cultures. Or ces infrastructures soulèvent plusieurs questions et points problématiques.

Tout d'abord, elles centralisent d'énormes quantités d'eau à l'air libre, et les risques d'évaporation ou de contamination ne sont pas négligeables. En 2023, le BRGM est d'ailleurs revenu sur ses anciennes conclusions, indiquant ne pas avoir pris en compte les risques d'évaporation ni les évolutions climatiques, et expliquant qu'il serait important de le faire.

Ensuite, le pompage de l'eau directement dans les nappes phréatiques n'est pas sans conséquences. Selon Jean-François Soussana, vice-président de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), le stockage risque d'accentuer le niveau de réduction des nappes. Nous manquons de données sur les conséquences des méga-bassines sur le cycle de l'eau, les risques d'assèchement des cours et le niveau des nappes phréatiques. Des cas concrets ont montré que les études d'impact conduites en amont de certains projets avaient été défaillantes. La justice a relevé un manque de précision quant aux conséquences sur les nappes phréatiques et les rivières.

Enfin, ces infrastructures suscitent aussi des inquiétudes concernant le partage de l'eau et la création de situations d'accaparement.

La proposition de loi propose un moratoire de dix ans pour la délivrance d'autorisations de construction de méga-bassines, ce qui laisserait le temps d'ouvrir une réflexion scientifique afin de déterminer dans quelles conditions précises de tels ouvrages pourraient s'inscrire ou non dans une logique d'adaptation. Ce moratoire permettrait aussi d'activer toutes les solutions alternatives à ces infrastructures coûteuses : mobilisation des ouvrages existants et de taille modérée ; reforestation ; travail sur l'évolution des cultures très consommatrices en eau ; retour des prairies ; protection des haies, etc. Cela demande une volonté politique et surtout des moyens pour accompagner les agriculteurs. Voilà ce qui est primordial. Nous voterons pour cette proposition de loi.

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Je vous remercie, madame la rapporteure, de nous donner l'occasion d'échanger sur cette question cruciale du partage et de la gestion de l'eau, qui est plus que jamais d'actualité.

Comme vous, je pense que c'est une question d'intérêt public et qu'il est nécessaire de penser à la dimension et à l'usage de ces projets. Cependant, comme cela est apparu lors des auditions effectuées dans le cadre de cette proposition de loi ou de la mission d'information sur l'adaptation de la politique de l'eau au défi climatique, que je copréside, tous les projets de réserves d'eau n'affectent pas structurellement les nappes et se montrent vertueux depuis de nombreuses années. Il y aura toujours des périodes de sécheresse, ce qui oblige à stocker l'eau en amont, notamment en zones montagneuses où les réserves diminuent trop rapidement. Les retenues de substitution, destinées à stocker l'eau prélevée durant l'hiver, peuvent être l'une des solutions pour irriguer les cultures en période de sécheresse ou abreuver le bétail en alpage.

Le Gouvernement est déjà sensible à la sobriété hydrique, comme en témoigne le plan Eau élaboré en avril 2023. Dans votre rapport, vous relevez le fait que l'agriculture absorbe 58 % de l'eau, ce qui en fait le consommateur principal. Si vos inquiétudes me semblent légitimes, je ne peux approuver votre réponse extrémiste et excessive : pour proposer dix ans de moratoire sur tous les projets en cours et à venir, il faut totalement méconnaître la réalité concrète de nos pratiques agricoles.

Le groupe Horizons et apparentés n'a pas déposé d'amendement de suppression, compte tenu de l'importance et de l'urgence du sujet, mais il ne soutiendra pas cette proposition de loi qui ne répond absolument pas aux besoins actuels.

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Le changement climatique induit ce que l'on pourrait qualifier de changement aquatique : les sécheresses et inondations sont plus intenses et plus fréquentes ; le cycle de l'eau est profondément altéré. Nous avons perdu 14 % de l'eau disponible sur notre territoire en à peine vingt ans.

C'est grave pour le vivant, dont nous faisons partie, car l'eau est la plus indispensable condition d'existence. Cette raréfaction de la ressource menace les écosystèmes de notre pays, déjà en péril. Et si nous en restons plus trivialement à nos intérêts purement humains, toutes nos activités dépendent de l'eau : sans elle, aucune usine ne fabriquera le moindre objet, aucune centrale nucléaire ne générera de l'électricité, aucun champ ne produira de céréales. Dans ce contexte de raréfaction de l'eau, on comprend le réflexe de stockage, pour ne pas dire de thésaurisation. Au risque de vous étonner, je veux dire ici que le groupe Écologiste est – et a toujours été – favorable à la conservation de l'eau.

Cependant, il y a deux façons de conserver l'eau.

Pour décrire la première, je vais faire quelques propositions qui vont certainement plaire à ma collègue du groupe Renaissance. Je vous suggère, par exemple, de lutter contre le changement climatique pour protéger les glaciers et s'assurer que la fonte des neiges continuera à garantir un débit continu des cours d'eau. Vous pouvez stopper l'artificialisation des sols, qui empêche l'infiltration de l'eau dans les nappes phréatiques et provoque le ruissellement des eaux et les inondations qui s'ensuivent. Vous pouvez planter des haies et renaturer les cours d'eau, afin de laisser à l'eau le temps de s'infiltrer dans les sols. Vous pouvez protéger les espaces de stockage naturel, notamment les zones humides, favorisant ainsi le remplissage des aquifères. Vous pouvez transformer votre modèle agricole pour que les sols soient vivants, spongieux et capables de retenir l'eau plutôt que de la laisser ruisseler. Cette première façon de conserver l'eau garantit que tous les humains et les écosystèmes en aient suffisamment pour répondre à leurs besoins.

La deuxième façon consiste à creuser des trous de la taille d'une dizaine de terrains de football avec de l'argent public, d'y mettre une bâche, de pomper l'eau dans les nappes phréatiques pour l'y déverser et se l'approprier. C'est la technique des méga-bassines, qui garantit qu'une minorité d'agriculteurs irrigants accapare l'eau, empêchant les populations, les paysans et les écosystèmes d'y accéder équitablement pour leurs besoins.

La première méthode fait de l'eau un bien commun stocké efficacement ; la seconde méthode fait de l'eau un bien appropriable, un facteur de production au détriment des usagers et des écosystèmes. Vous l'aurez compris, nous voterons pour ce moratoire.

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Il est difficile d'appréhender en deux minutes les questions soulevées par la multiplication des projets de stockage d'eau privés à vocation agricole, qualifiés par notre rapporteure de méga-bassines. Nous touchons là à la cohérence globale de notre politique de l'eau et aux objectifs que nous lui assignons.

L'examen de ce texte m'inspire deux réactions.

Premièrement, j'adresse un grand regret au Gouvernement. Nous avons besoin d'un grand débat national sur la gestion de l'eau, sur ses principes, sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer nos besoins fondamentaux à long terme, en nous adaptant à l'accélération des effets du changement climatique. Que fait le Gouvernement ? Il se noie dans la communication politique et dans la réponse par la force. Ce n'est pas acceptable. Les conflits d'usages concernant une ressource aussi essentielle que l'eau ne s'apaiseront pas par de telles attitudes.

Deuxièmement, j'exprime une grande crainte, celle que ce refus de débattre sereinement d'un sujet aussi essentiel ne révèle d'abord un blocage idéologique. Ce débat d'intérêt national n'est-il pas d'abord entravé parce qu'il porte sur des valeurs et des principes qui sont opposés à l'orientation politique du pouvoir en place : la notion de bien commun ; le principe de gestion publique de l'eau qui en découle ; l'exigence d'un arbitrage démocratique fondé sur la raison scientifique et un partage juste et équilibré de la ressource ; la nécessité de transformer en profondeur nos modèles agricoles et la construction des échanges agricoles qui en résulte ? N'est-ce pas d'abord cela qui bloque la mise en œuvre d'une politique de maîtrise et de gestion publique de l'eau ?

À force de laisser pourrir des situations révélatrices d'enjeux aussi essentiels à notre avenir, il ne faut pas s'étonner que la représentation nationale soit contrainte de proposer des mesures d'urgence forcément limitées, comme le moratoire que la rapporteure défend aujourd'hui. Au-delà d'un simple moratoire, que nous approuverons cependant, il est indispensable que s'ouvre un grand débat sur la gestion de l'eau et ses principes, sinon ce ne sera qu'un coup d'épée dans l'eau.

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Quand certains départements, comme ceux du Nord et du Pas-de-Calais, font face à des pluies diluviennes, d'autres doivent composer avec une ressource en eau insuffisante. Partout domine la difficulté à gérer le dérèglement climatique et ses conséquences.

Dans ce contexte, ayons l'humilité de reconnaître qu'il n'y a pas de solution toute faite. La gestion de l'eau – et a fortiori son partage – impose des réponses locales qui tiennent compte des caractéristiques de chacun des territoires concernés. Plutôt que de devoir se positionner pour ou contre les méga-bassines, il faudrait se poser la question suivante : les retenues de substitution sont-elles adaptées à mon territoire ?

Ce n'est pas l'axe que ce que vous choisissez puisque vous entendez mettre fin à toutes les bassines, sans exception, dans un texte dont la rédaction appelle quelques commentaires. Vous êtes particulièrement affirmative sur certains points qui sont loin d'être confirmés par les faits. « À cause du changement climatique, les déficits de pluie, ainsi que la fréquence et l'intensité des sécheresses, notamment hivernales, sont amenés à augmenter », écrivez-vous. Or nous sommes en novembre et les pluies diluviennes de ces dernières semaines ont permis à la plupart des nappes phréatiques de se recharger. Pourquoi opter arbitrairement pour un moratoire de dix ans ? Qu'entendez-vous par méga-bassine puisque ce terme ne renvoie à aucune définition juridique ?

Au-delà de ces questions de forme, nous regrettons que vous transformiez le débat technique sur les retenues d'eau en un débat idéologique, ce qui risque de cliver durablement tous ceux qui aspirent légitimement à utiliser la ressource en eau. Pourtant, la France dispose d'un cadre juridique fournissant les instruments nécessaires pour bâtir du consensus en la matière dans une majorité de territoires où les usagers parviennent d'ailleurs à s'accorder.

Nous souhaitons une meilleure prise en compte des conséquences du dérèglement climatique dans les études d'incidence environnementale ainsi qu'au moment de la délivrance de l'autorisation par l'autorité administrative, et une systématisation du contrôle des contreparties demandées aux agriculteurs. Vous l'aurez compris, notre groupe votera contre ce moratoire.

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Je remercie les collègues qui se sont exprimés, même si les différentes prises de position ne recèlent guère de surprises.

À Mme Heydel Grillere, je répondrai que nous aimerions pouvoir faire de grandes lois et avoir, à l'instar de la majorité, toute l'année pour proposer des réformes législatives ambitieuses. Le moratoire est en effet une mesure nécessairement limitée, à l'image du temps d'initiative parlementaire qui nous est laissé : pas grand-chose quand on est un groupe de l'opposition. C'est un reflet des conditions du débat démocratique au Parlement.

Cette mesure limitée a néanmoins le mérite d'identifier des enjeux concernant la gestion de l'eau, reconnus comme assez légitimes par d'autres collègues : la nécessaire bifurcation du modèle agricole ; le changement climatique et ses conséquences sur les usages de l'eau. Pour avoir consulté des hydrologues, je peux assurer de l'importance majeure de ce dernier point. Dans le Massif Central, par exemple, les mêmes cours d'eau sont supposés alimenter des méga-bassines pompant l'Allier dans le Puy-de-Dôme, refroidir des réacteurs nucléaires sur la Loire, répondre aux besoins de l'industrie et du tourisme et fournir une ville comme Clermont-Ferrand en eau potable. Dans les années à venir, il va falloir faire des arbitrages. Cette mesure aurait au moins le mérite de « mettre sur pause » pendant dix ans, le temps d'organiser les conditions du débat démocratique et de faire des choix conformes à la volonté des citoyens.

La situation hydrographique sur le territoire national varie d'un endroit à l'autre, comme certains l'ont souligné : les nappes phréatiques, quand elles existent, ne sont pas toutes de la même profondeur ; les cours d'eau sont plus ou moins abondants. Même s'il est difficile d'adopter une mesure unique pour tout le territoire dans de telles conditions, je pense néanmoins que nous devons le faire. Certains auteurs d'amendements proposent de restreindre le moratoire aux zones de répartition des eaux où le stress hydrique est intense et le manque d'eau avéré. Je pense qu'il faut tout de même l'appliquer sur tout le territoire, car le modèle des bassines, encouragé lors du Varenne de l'eau, notamment par des syndicats agricoles très puissants, peut se développer si nous ne prenons pas le temps d'une discussion.

Nous lançons ce débat parce que nous ne voulons pas que les conflits sur le partage de la ressource en eau se multiplient sans que l'État intervienne. Le problème ne vient pas de la profession agricole dans son ensemble, mais d'intérêts privés minoritaires : les bénéficiaires de ces méga-bassines qui, comme le montrent les chiffres cités, représentent une infime minorité des agriculteurs qui n'ont pas nécessairement l'occasion de dialoguer avec les citoyens de leur territoire. Nous voulons donc prendre ce temps démocratique.

Quant au plan Eau, nous le trouvons très insuffisant. M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, a d'ailleurs annoncé que l'objectif de réduction de 10 % des prélèvements en eau par la profession agricole pourrait passer à la trappe lors de l'examen de la loi d'orientation agricole. Nous serons fixés sur ce point dans quelques mois, mais si l'objectif initial – déjà insuffisant – passe à la trappe, nous aurons perdu beaucoup de temps. En outre, le plan Eau ne prévoit pas de réelles mesures pour aider les agriculteurs à s'orienter vers des cultures plus résilientes. Il est certes prévu d'encourager l'irrigation par goutte-à-goutte, par exemple, ce qui est bien mais très insuffisant à un moment où il nous faut opter pour une très nette bifurcation du modèle agricole. Le plan Eau ne résoudra donc pas grand-chose.

Selon l'orateur du Rassemblement national, nous proposons seulement d'attendre dix ans et de ne rien faire dans l'intervalle. L'hypocrisie de votre attitude va apparaître rapidement au cours des débats : si certains de vos amendements proposent des solutions à un problème que vous jugez réel, vous avez d'emblée demandé la suppression de l'article unique de cette proposition de loi, montrant ainsi que vous ne trouvez pas ce débat légitime. Vous avez même déposé un amendement pour gommer toute mention du changement climatique dans notre proposition de loi, ce qui en dit long sur votre vision en la matière. Si nous proposons de ne rien faire, comme vous le prétendez, pourquoi avoir déposé un amendement de suppression ? Vous voulez supprimer du rien ? Un moratoire, ce n'est pas rien. Contrairement à ce qu'ont dit plusieurs collègues, un moratoire n'est pas non plus une interdiction pure et simple, mais une pause permettant d'avoir le temps de discuter puis de décider de la manière dont nous voulons organiser la ressource en eau en fonction des territoires.

Nous allons pouvoir aussi discuter de la notion de méga-bassine car, contrairement à ce qu'ont indiqué plusieurs collègues, nous ne ciblons pas toutes les retenues. Nous avons retenu des seuils, un peu hauts à mon avis, en nous fondant sur les critères fixés pour une autorisation environnementale : 200 000 mètres cubes et plus de 3 hectares – ce sont donc de grands ouvrages soumis à autorisation et non à une simple déclaration. Nous avons pris cette définition par défaut, mais il en existe d'autres, plus restrictives, qui étendraient le moratoire à davantage de retenues de substitution. En fait, notre dispositif est très raisonnable : il ne cible qu'une infime minorité des réserves de substitution existantes. Je rappelle qu'on estime entre 600 000 et 800 000 le nombre total de retenues d'eau en France.

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Je suis saisi d'une demande d'intervention à titre individuel.

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L'intervention de Mme la rapporteure et celle de la collègue de la France insoumise me poussent à réagir, car je ne veux plus laisser dire que le Rassemblement national prête sa voix aux climatosceptiques.

Tout en reconnaissant que nous faisons des propositions, vous estimez que notre position est hypocrite. Pensez ce que vous voulez, mais je vous rappelle que nous avons suivi assidûment toutes vos auditions, que le sujet nous a beaucoup intéressés, que toutes nos propositions se fondent sur les travaux du Giec. Si nous avons déposé un amendement de suppression, c'est parce que nous considérons que votre texte était bancal sur le plan juridique : le terme de méga-bassine n'ayant pas de valeur juridique, il ne pourra soutenir aucune mesure contraignante. La rédaction de votre article unique n'est pas à la hauteur d'un sujet de cette importance et fait de votre texte un coup d'épée dans l'eau. Le temps d'initiative parlementaire est limité, je vous l'accorde, mais votre texte n'est pas digne d'un travail parlementaire : il se résume à des slogans qui auraient pu être lancés dans un mégaphone à Sainte-Soline. D'où notre amendement de suppression.

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Vous avez certes déposé un amendement de suppression de l'article unique, mais vous avez aussi proposé, avec votre amendement CD4, d'enlever la référence au changement climatique et aux conséquences de ces ouvrages.

Vous dites avoir suivi toutes les auditions. Si vous aviez compris les propos de nos interlocuteurs, vous ne pourriez pas demander la suppression de ces mots qui sont au cœur du sujet. Nous demandons un moratoire parce que le changement climatique va affecter la ressource en eau de manière dramatique et que nous voulons que les gens puissent délibérer et donner leur avis sur la hiérarchie des usages. Est-ce que l'on continue à irriguer des champs de maïs destiné à nourrir du bétail qui sera exporté ? Veut-on que l'eau serve à produire de la neige artificielle pour des stations de ski ? Voulons-nous faire d'autres choix ? Quels usages nous semblent prioritaires ?

Je pense que ce débat est légitime. Si vous ne voulez pas que nous vous accusions d'être climatosceptiques, vous ne devriez pas proposer un amendement aussi révélateur de votre incompréhension de l'ampleur de ce qui nous attend et des choix à faire.

Article unique : Instauration d'un moratoire suspendant la délivrance des autorisations pour la construction de méga-bassines pendant dix ans

Amendements de suppression CD3 de Mme Laurence Heydel Grillere et CD17 de M. Philippe Schreck

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J'aurais aimé pouvoir débattre du fond, encore faudrait-il qu'il y en ait dans le texte. Ce n'est pourtant pas ce qui manque lorsqu'on évoque la ressource en eau : réseaux, gouvernance, pollution, adaptation au changement climatique et j'en passe. Rien dans ce texte ne permet de répondre à une seule de ces questions puisque l'installation de réserves de substitution dans des territoires bien spécifiques serait l'unique cause des difficultés rencontrées par notre pays.

Pourquoi toujours tout interdire ? Pourquoi stigmatiser les agriculteurs ? Pourquoi dire qu'ils accaparent la ressource en eau, sachant que l'eau est indispensable à toute production agricole, à la survie des exploitations et donc à notre souveraineté alimentaire ?

Le présent amendement vise à supprimer cet article unique, mais, plus symboliquement encore, il propose de mettre un terme à cette vision manichéenne de la société, à un débat qui se détourne des vrais enjeux et de la réponse globale, scientifiquement fondée et concertée, que nous devons apporter. Il n'est pas aussi simple d'écrire une proposition de loi qu'un tweet. Les Français attendent un peu plus qu'un texte court, peut être percutant mais qui raconte surtout n'importe quoi.

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Nous sollicitons la suppression de l'article unique, car il impose un moratoire sur un objet juridiquement non défini, les prétendues méga-bassines, ce qui pose quand même un problème de fond.

En outre, cet article conduirait à dix ans d'immobilisme. Que ferez-vous durant cette période ? Vous ne le dites pas dans ce texte imprécis et vaporeux qui, comme l'a dit la précédente oratrice, relève du tweet. Consciente des enjeux, notre agriculture a besoin d'être accompagnée dans son adaptation à des évolutions climatiques et non de se voir imposer un gel juridique.

Enfin, contrairement à ce que vous affirmez, il s'agit d'un texte d'interdiction puisque vous proposez que le moratoire s'étende aux projets en cours d'instruction. C'est un dispositif d'interdiction, de restriction, de régression et de gel.

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Comme prévu, main dans la main, le Rassemblement national et la Macronie demandent la suppression de l'article unique de notre proposition de loi.

Revenons sur la définition des méga-bassines, puisque mes explications ne semblent pas avoir été assez claires. Même si nous avons choisi de ne pas définir plus précisément le terme, les critères du moratoire n'en sont pas moins précis et ils produiront des effets juridiques dépourvus d'ambiguïté. Le moratoire ne concernera pas toutes les réserves de substitution du pays, je le répète, il ne visera que les plus grandes, celles qui sont soumises à la procédure d'autorisation environnementale prévue à l'article L. 214-3 du code de l'environnement : « les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. » Conformément l'article R. 214-1, le moratoire inclut les projets de bassines donnant lieu à des prélèvements supérieurs à 200 000 mètres cubes d'eau par an dans une nappe ou dont la superficie est supérieure à 3 hectares.

Nous avons utilisé le terme de méga-bassine pour son caractère grand public, compréhensible et intuitif. D'autres définitions, contenues dans des amendements, retiennent la notion de réserve de substitution et peuvent être erronées, notamment lorsqu'elles ne font référence qu'aux pompages dans les nappes phréatiques en oubliant ceux qui sont réalisés dans des cours d'eau. Quoi qu'il en soit, notre définition des méga-bassines est bel et bien précise.

On nous reproche aussi de pointer du doigt la profession agricole. C'est totalement faux : nous expliquons que ces méga-bassines ne vont profiter qu'à une minorité d'exploitants agricoles et, pire, provoquer une hausse du prix de l'eau pour les autres. La situation va donc se dégrader pour ceux qui ont le malheur d'être implantés dans une zone où il existe des méga-bassines et une entente entre certains agriculteurs. J'ai rendu visite à un agriculteur des Deux-Sèvres qui se trouve ainsi au pied d'une méga-bassine mais qui ne va pas en bénéficier. Dire que nous visons la profession agricole dans son ensemble est réducteur. Nous voulons sortir les agriculteurs d'une dépendance croissante et nuisible à l'irrigation, et prévoir des aides massives pour qu'ils puissent convertir leurs exploitations en bio, rendre les sols à nouveau perméables, planter des haies, etc. En d'autres termes, nous préconisons des solutions fondées sur la nature.

Je suis évidemment défavorable à ces amendements de suppression. J'espère qu'ils ne seront pas adoptés pour que puissions avoir le débat que certains collègues ont appelé de leurs vœux.

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Mme Heydel Grillere et d'autres membres de la majorité contestent l'accaparement de la ressource par quelques-uns et la nécessité d'un moratoire, tout en nous reprochant de ne pas parler de gouvernance, de méconnaître le sujet, etc.

Rappelons que cette proposition de loi pose les questions suivantes : quelle part inaliénable de l'eau reste dans les nappes, le meilleur stockage qui soit ? Quels sont les usages prioritaires de l'eau ? Comment la répartir entre les habitants qui en font un usage domestique, les industriels et les agriculteurs ? Puisque nous sommes nuls, incompétents et incapables d'employer les bons termes juridiques, je vais vous renvoyer au préfet Bisch et à l'instruction du Gouvernement du 7 mai 2019, relative aux projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). Les insoumis n'étaient pas au gouvernement, mais nos préconisations sont pourtant écrites noir sur blanc dans cette instruction. Allez donc dire au préfet Bisch qu'il est incompétent et qu'il ne connaît rien à la gouvernance.

Les orateurs du groupe Les Républicains, repris par d'autres, invoquent la sécurité alimentaire pour justifier la construction des méga-bassines. Sachez que 40 % du total des surfaces irriguées sont des champs de maïs, dont seulement 1 % est destiné à l'alimentation humaine. Arrêtez de nous faire passer des vessies pour des lanternes et de tenter de nous faire croire que nous allons manger de l'ensilage de maïs. Révisez ou diversifiez vos sources d'information pour faire des interventions un peu plus pertinentes.

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Il est faux de dire que les défenseurs des bassines sont du côté des agriculteurs. Aucun de ceux que nous avons auditionnés, notamment dans le cadre de la mission d'information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l'évaluation des politiques publiques associées, ne nous a demandé expressément des bassines, compte tenu du contexte et des études scientifiques. Pour la plupart, ils subissent les modèles actuels et les conditions découlant des politiques publiques.

Le modèle agricole actuel dépend de normes et de cadences imposées par l'agrobusiness qui, ne nous leurrons pas, défend les bassines. Même des agriculteurs adhérents de la FNSEA, le principal syndicat, s'opposent à de tels projets. Dans ma circonscription du Limousin, les bassines n'inspirent personne, car il n'est même pas possible de puiser dans les nappes. C'est une fuite en avant qui mobilise des moyens importants pour moins de 8 % des agriculteurs. Non, vous ne portez pas la parole des agriculteurs quand vous défendez les bassines.

Pour en revenir à des arguments purement scientifiques, je vais citer Jean-François Soussana, membre du Haut Conseil pour le climat (HCC) créé en 2018 par Emmanuel Macron lui-même. Il nous a dit que les bassines sont une mal-adaptation qui aggrave le problème, un pansement, en aucun cas une solution durable. En les défendant, nous envoyons les agriculteurs dans le mur.

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Le groupe Écologiste votera contre ces amendements de suppression.

Je veux exprimer mon étonnement après l'attaque assez virulente de notre collègue Heydel Grillere contre la rapporteure et contre cette proposition de loi. Je n'ai pas entendu beaucoup d'arguments, seulement une attaque visant à dénigrer le projet et à nier la nécessité d'une discussion. Je comprends votre inconfort, chers collègues de la majorité, car vous voulez éviter le débat sur la priorisation, engagé par Mme la rapporteure. La ressource en eau, qui a diminué de 14 % entre 1990 et 2018, pourrait diminuer de 30 % à 40 % d'ici à 2050. Il faudra donc faire avec moins d'eau et établir des priorités entre l'agriculture, l'industrie et les ménages. C'est ce débat, posé par les méga-bassines, que vous souhaitez éviter.

Plusieurs options sont possibles. On peut faire le pari du respect des sols, de la préservation des zones humides, de la préservation de nos glaciers en engageant une lutte intraitable et immédiate contre le réchauffement climatique. On peut aussi s'en remettre à des solutions technologiques d'appoint, accaparer l'eau et faire en sorte que certains pourraient continuer à en bénéficier. Si vous continuez à demander la suppression de l'article unique, vous apportez la preuve de votre refus de débattre. Or ce débat doit avoir lieu, car nous devons faire face à une réduction de la ressource en eau réelle et immédiate.

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Notre groupe votera contre ces amendements.

La définition des méga-bassines fournie par la rapporteure présente un grand intérêt et clarifie les choses.

Tous les agriculteurs ne sont pas forcément favorables aux méga-bassines. Cette proposition n'est pas contre les agriculteurs, mais pour accélérer la transition agroécologique – démarche que nous devons absolument soutenir.

L'agriculture a besoin de l'irrigation, c'est un fait. Mais il faut répondre aux besoins de manière adaptée. L'ampleur des ouvrages destinés à l'irrigation va de pair avec un modèle agricole néfaste. On doit retrouver les anciens savoir-faire pour résister au stress hydrique. Cela passe notamment par le travail des sols, la réalisation de couverts végétaux et l'observation de la pousse pour intervenir au bon moment et de manière sobre – tout en sachant que les produits obtenus grâce à une irrigation raisonnable sont de bonne qualité.

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Madame Guetté, voter contre le moratoire ne veut pas dire que l'on refuse de discuter des méga-bassines. Nous sommes prêts à rechercher des solutions, comme l'a dit Jimmy Pahun. J'aurais préféré que vous proposiez d'examiner les situations en fonction des territoires et dans le cadre de chaque comité de bassin. Vous avez d'ailleurs vous-même relevé que les situations ne sont pas identiques dans les territoires, mais vous proposez un moratoire général. Je ne comprends pas.

Appuyons-nous sur le travail fait par Thierry Burlot, dont les propositions ont été adoptées à l'unanimité par l'ensemble des partis politiques présents au sein du comité de bassin Loire-Bretagne.

Telle qu'elle a été engagée, la discussion sur votre proposition n'amènera rien. C'est idéologie contre idéologie. Vous nous dites que l'État impose aux paysans de cultiver la terre d'une certaine manière, mais vous voulez imposer votre manière de le faire. Je suis persuadé que l'on peut trouver des solutions adaptées à chaque territoire et qui conviennent aux agriculteurs tout en préservant la ressource en eau.

Et arrêtez de dire que la Macronie s'allie avec le RN ! Lors de l'examen de la proposition de résolution tout à l'heure, vous vous êtes alliés avec le RN. Cela suffit. Le RN est libre, indépendant et vote comme il l'entend.

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Je ne pense pas que les méga-bassines sont l'avenir de l'agriculture française, parce que ce n'est pas exact du point de vue scientifique et qu'il ne s'agit pas d'un modèle à déployer sur l'ensemble du territoire. Néanmoins, il faut impérativement distinguer entre les différents types de retenues d'eau et entre les territoires. Les situations sont différentes dans le Gers, en Bretagne et en Loire-Atlantique.

Je trouve un peu fort de café de dire que nous refusons le débat, alors même que votre proposition impose un moratoire qui constitue une interdiction de facto des méga-bassines. Ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu.

Je reviens sur la question des haies, pour souligner que notre pays est le seul en Europe à financer de manière aussi massive leur replantation, avec 45 millions d'euros par an de 2021 à 2023 et 110 millions par an à partir de l'année prochaine. C'est ce qui a été décidé dans le cadre du projet de loi de finances adopté à la suite du 49.3.

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Certaines régions et certains départements le font déjà depuis quelques années.

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L'idéologie n'est pas un gros mot. Nous avons des visions divergentes s'agissant de l'agriculture et de la bifurcation écologique, ainsi que de la vitesse de cette dernière. Pour l'instant, les politiques que vous menez ne sont absolument pas à la hauteur de l'urgence. C'est en effet idéologie contre idéologie, car il n'est un secret pour personne que nous n'avons pas la même. Nous essayons de faire valoir nos propositions dans le cadre contraint d'une niche parlementaire.

Je ne vais pas vous faire l'affront de répéter une troisième fois les critères précis sur lesquels nous nous sommes appuyés pour définir les méga-bassines qui feront l'objet d'un moratoire – plus de 200 000 mètres cubes et de 3 hectares, c'est-à-dire les très grands ouvrages. Le texte ne vise absolument pas toutes les réserves de substitution ou tous les stockages d'eau destinés à l'irrigation agricole, loin de là. Les hydrologues et les représentants des ministères de la transition écologique et de l'agriculture ont confirmé qu'un recensement approximatif à paraître bientôt évalue entre 600 000 et 800 000 le nombre de retenues de tous types – collinaires, de substitution, petites ou grandes.

Encore une fois, notre proposition ne concerne qu'une infime minorité de ces ouvrages et ne s'en prend pas au principe même du stockage d'eau destinée à l'irrigation. Il faut éviter les faux débats. Nous avons justement choisi à dessein un dispositif qui est relativement restrictif et raisonnable.

Vous avez raison de dire que les situations sont différentes selon les territoires. Nous sommes contre le déploiement général des méga-bassines, car ces immenses ouvrages sont une mauvaise idée partout.

Avez-vous déjà vu une méga-bassine ? C'est absolument terrifiant : un grand trou bâché de plusieurs hectares, entouré de digues et qui coûte extrêmement cher. C'est un modèle basé sur le gigantisme, qui n'est pas souhaitable pour les agriculteurs et qui est dangereux pour la biodiversité. Des oiseaux tombent régulièrement dans ces méga-bassines et s'y noient, et c'est cette eau qui est utilisée pour irriguer des cultures – dont certaines sont parfois destinées à l'alimentation humaine. Les conséquences sont également négatives en matière énergétique puisque, contrairement aux retenues collinaires qui utilisent la gravité pour faire couler l'eau, les méga-bassines sont généralement installées en plaine et il faut pomper l'eau. Ces installations sont entourées par ce que l'on appelle des pieuvres, c'est-à-dire des kilomètres de tuyaux enfouis sous terre pour irriguer les différentes parcelles. Cela n'est donc pas raisonnable en ce qui concerne l'emprise au sol.

Nous ne prévoyons pas un moratoire pour toutes les installations de stockage d'eau. On pourrait avoir un débat beaucoup plus fin, peut-être dans le cadre des PTGE. Mais ces derniers ne sont malheureusement pas généralisés.

Quoi qu'il en soit, les très grands ouvrages ne sont absolument pas une bonne idée.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article unique est supprimé et les autres amendements tombent.

Après l'article unique

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Nous allons examiner des amendements portant article additionnel qui étaient destinés, dans l'esprit de leurs auteurs, à compléter un article unique désormais supprimé. Vous avez vidé de sa substance notre proposition de moratoire sur les projets de méga-bassines. Je pense que c'est une erreur. Certains des arguments avancés pour supprimer l'article unique sont fallacieux. Si le dispositif fondé sur les critères des autorisations environnementales ne vous convenait pas, vous auriez pu proposer une autre définition. Une fois de plus, vous avez choisi une suppression pure et simple pour empêcher le débat sur une idée de l'opposition. Après la série des 49.3 en séance, visiblement le débat vous gêne aussi en commission.

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Vous ne pouvez pas reprocher l'absence de débat. Nous avons laissé à l'opposition plus de temps de parole que ce qui est permis par l'usage habituel, qui consiste à avoir un orateur pour et un orateur contre chaque amendement. Nous prenons le temps de débattre, en tout cas dans cette commission.

Amendements CD29 et CD23 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

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L'amendement CD29 propose d'instaurer un moratoire sur la délivrance d'autorisations environnementales pour des méga-bassines dans les zones de répartition des eaux (ZRE), c'est-à-dire celles où le stress hydrique est déjà extrêmement important.

Il propose par ailleurs d'abroger les autorisations environnementales délivrées pour de tels ouvrages lorsque les travaux n'ont pas commencé. Cela permet de répondre en particulier à la situation dans les Deux-Sèvres, où une série d'autorisations a été délivrée mais où les chantiers n'ont pas débuté.

Nous proposons aussi de conditionner la poursuite de l'utilisation des réserves d'irrigation existantes au respect de quatre règles cumulatives : un schéma directeur de la biodiversité et d'adaptation des pratiques agricoles ; la baisse des volumes prélevés définis sur la base d'une étude « hydrologie, milieux, usages, climat » (HMUC) – dont l'objectif et de prendre en compte l'ensemble des usages de l'eau sur un territoire, et pas seulement les usages agricoles, et sur laquelle s'appuie un PTGE ; le partage de l'eau entre les agriculteurs ; un usage exclusif de l'eau stockée dans les ouvrages pour l'irrigation de cultures en agriculture biologique.

Enfin, l'amendement prévoit de démanteler les ouvrages déclarés illégaux et de rendre impossible toute régularisation. N'en déplaise à quelques-uns, et notamment au ministre de l'agriculture, un certain nombre d'ouvrages en fonctionnement sont illégaux. Cette question est d'ailleurs à l'origine d'un petit couac dans la communication de son ministère, puisqu'un conseiller de M. Fesneau a dit récemment que les ouvrages illégaux allaient être démantelés, ce que le ministère a ensuite démenti. Nous en profitons pour poser la question : qu'en sera-t-il de ces ouvrages ?

La rédaction actuelle du texte ne permet pas de prendre en compte les projets qui ont déjà bénéficié d'une autorisation. L'amendement CD23 propose de traiter ce cas précis en instaurant un moratoire sur ces ouvrages, ce qui est demandé par les 214 élus des Deux-Sèvres qui ont signé l'appel « Pour la paix et pour l'eau en Deux-Sèvres ». Comme l'ont évoqué nos collègues Jimmy Pahun et Bruno Millienne, Thierry Burlot, président du comité de bassin Loire-Bretagne, a dénoncé la poursuite des travaux de construction des bassines et plaide pour une pause. Une pause, c'est la même chose qu'un moratoire.

Nous aurions pu discuter de beaucoup de choses, dont la durée de ce moratoire, mais vous avez préféré supprimer tout simplement l'article unique, et c'est bien dommage.

Le terme juridique « moratoire » désigne une suspension temporaire. Pour moi, c'est une pause. Et c'est justement ce que demande Thierry Burlot, que vous avez cité à plusieurs reprises. Je ne comprends donc pas pourquoi vous êtes contre le moratoire, lequel permettrait un dialogue serein et l'apaisement. Pour pouvoir discuter, il faut bien faire une pause, c'est-à-dire un moratoire. Ce n'est pourtant pas si compliqué à comprendre.

Contrairement à ce que dit le Gouvernement, il n'y a plus de protocole d'accord concernant les réserves de substitution. Toutes les associations qui l'avaient signé l'ont ensuite dénoncé, qu'il s'agisse de Deux-Sèvres Nature Environnement, du collectif de citoyens pour le respect de l'environnement sur leur territoire – Val-du-Mignon, de la fédération départementale des Deux-Sèvres pour la pêche et la protection du milieu aquatique et du groupe ornithologique des Deux-Sèvres.

Enfin, les modélisations concernant les méga-bassines dans les Deux-Sèvres ne prennent pas en compte le changement climatique.

Pour toutes ces raisons, nous proposons un moratoire, y compris pour les méga-bassines des Deux-Sèvres qui sont déjà autorisées.

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Avis favorable à l'amendement CD29, même si j'ai deux petites réserves.

Tout d'abord, l'amendement propose de limiter le moratoire aux ZRE, qui sont celles où la situation est déjà la plus tendue. Même si elles sont malheureusement toujours plus nombreuses d'année en année, j'aurais préféré un moratoire qui s'applique à l'ensemble du territoire.

Ensuite, vous proposez d'abroger toutes les autorisations qui ont été délivrées antérieurement. Cela peut présenter un risque pour la sécurité juridique et contrevenir au principe de non-rétroactivité de la loi.

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Nous ne sommes pas des perdreaux de l'année et nous avons bien compris que tous ces amendements portant article additionnel sont en fait une façon d'instaurer de nouveau le moratoire que nous avons refusé en supprimant l'article unique. Nous voterons donc contre ces amendements.

C'est dommage d'ailleurs car, par-delà ce moratoire, nous aurions aimé débattre des sujets que vous abordez – et sur lesquels M. Burlot a discuté au sein du comité de bassin qu'il préside. Je vais laisser à ma collègue Sandrine Le Feur le soin de prouver à cette commission combien vous avez menti au sujet de M. Burlot.

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Je suis obligée de rétablir la vérité. Comme mon collègue Jimmy Pahun, je me suis entretenue au téléphone avec Thierry Burlot. En tant que président du comité de bassin Loire-Bretagne, il m'a demandé de voter contre ce moratoire.

Il est pour la poursuite du dialogue et il est, comme moi, opposé aux méga-bassines à titre personnel. Mais nous ne sommes pas favorables à un moratoire. Nous souhaitons que se poursuivent les discussions engagées dans le cadre du comité de bassin Loire-Bretagne – dans lequel je siège. Nous avons voté à l'unanimité une motion pour la poursuite du dialogue avec les associations environnementales et les agriculteurs.

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En fait, tout le monde dans cette salle est pour des discussions apaisées et constructives qui permettent de gérer au mieux l'eau. Et c'est justement ce que permet un moratoire, en mettant en pause les travaux pendant les discussions.

À défaut, nous avons vu ce qu'il se passait pour de très nombreux projets écocidaires et climaticides : les travaux progressent pendant les discussions et permettent d'achever l'ouvrage, ce qui cause des dommages à l'environnement pour partie irréversibles.

C'est la raison pour laquelle il faut une pause, afin de permettre au débat d'être utile et que l'ensemble de ses conclusions puissent être mises en œuvre.

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Lors de la précédente législature, le rapport d'information sur la gestion des conflits d'usage en situation de pénurie d'eau, dont Loïc Prud'homme était corapporteur, a montré que les instances de discussion sont insuffisantes, ce qui est à l'origine des tensions que nous connaissons. Nous appelons à un moratoire pour créer un cadre de discussion serein. Il s'agit tout de même de s'engager sur l'avenir de la ressource en eau.

Le ministre Fesneau insiste pour conférer aux bassines le statut de projet d'intérêt public majeur. N'est-ce pas une manière de mettre fin au débat sur les bassines que de dire que ces ouvrages vont résoudre tous les problèmes des agriculteurs et, de surcroît, permettre de réinjecter de l'eau dans l'environnement ? C'est une aberration scientifique !

Le moratoire est une mesure saine pour organiser un vrai débat démocratique.

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Lorsque notre collègue Manon Meunier a évoqué mon rapport d'information, j'ai entendu quelqu'un dire que ce travail était orienté. Je rappelle que Mme Frédérique Tuffnell était corapporteure.

Nous avions notamment auditionné la préfète des Deux-Sèvres, ce qui nous a permis de comprendre la genèse des problèmes concernant les méga-bassines, car il n'y avait pas eu de débat démocratique préalable. L'instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 sur les PTGE n'avait pas été respectée puisque des parties prenantes avaient été exclues du tour de table. Bizarrement, il s'agissait de celles qui n'étaient pas favorables à l'accaparement de la ressource.

Mme Le Feur a souhaité rétablir la vérité. C'est également ce que je viens de faire au sujet de la mission d'information que j'ai menée avec Frédérique Tuffnell, qui appartenait au groupe Modem.

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Madame Le Feur, nos avis au sujet des projets de méga-bassines ne sont pas si éloignés. J'ai du mal à comprendre pourquoi vous vous enfermez dans ce débat sémantique sur la pause et le moratoire – ou je comprends trop bien… Un de vos collègues a objecté que le moratoire n'était pas limité dans le temps, alors même que nous proposons qu'il dure dix ans. Vous vous réfugiez derrière ce type d'arguments parce que vous doutez – et le doute est une bonne chose pour des responsables politiques.

Le moratoire permettrait d'atteindre l'objectif de reprise du dialogue…

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Mes chers collègues, je vous demande d'éviter les gestes déplacés. Chacun d'entre vous peut demander à prendre la parole.

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Tout le monde doute face à des projets qui sont gigantesques et néfastes pour la biodiversité. Prendre le temps de la discussion serait bénéfique pour tous. Cela permettrait de faire baisser le niveau de conflictualité, d'augmenter l'acceptabilité sociale des différents projets et d'avoir une réflexion fondée sur des critères scientifiques, puisque de nombreuses études sont désormais disponibles et peuvent mieux éclairer les choix des citoyens.

Je rappelle que dans les Deux-Sèvres, des projets ont été conçus sur la base d'études faites dans les années 1990, alors que l'on ne connaissait pas aussi bien qu'aujourd'hui les conséquences du changement climatique sur la raréfaction de la ressource en eau. Le BRGM a entamé une étude « Explore2 », qui vise à actualiser les connaissances de l'impact du changement climatique sur l'hydrologie. On peut désormais disposer de projections, même si elles sous-estiment parfois l'ampleur de ce qui va arriver.

Comme l'a indiqué notre collègue Lisa Belluco en présentant ses amendements, des projets sont en effet validés par l'administration puis annulés par la justice. Mais les décisions du juge ne sont pas toujours appliquées. Je refuse la fuite en avant qui consiste à prendre les décisions le plus vite possible et à ensuite devoir faire avec leurs conséquences. Il vaudrait mieux prévoir un temps de débat au préalable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD22 de M. Philippe Schreck

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Plutôt que d'instituer des moratoires et de ne rien faire, nous considérons qu'il faut aborder les sujets et progresser dans l'encadrement des installations.

Cet amendement d'appel prévoit que l'autorisation des installations de substitution devra être renouvelée tous les dix ans, notamment en fonction des prévisions de disponibilité de la ressource et, éventuellement, des besoins de l'agriculture.

En cas de refus de renouvellement, il est prévu d'imposer à l'exploitant ou au gestionnaire des mesures destinées à garantir la remise en état du site.

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Ce n'est pas dans dix ans qu'il faudra réévaluer les autorisations, mais bien dès maintenant. Et tel était l'un des objectifs du moratoire.

Ce que vous proposez est contradictoire avec la nécessité de mettre en œuvre des actions urgentes, qui figurait dans l'exposé sommaire de votre amendement de suppression de l'article unique. J'ai du mal à comprendre votre logique.

Vous précisez, en outre, qu'il s'agit d'un amendement d'appel. Il n'a donc pas vocation à être adopté.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CD30 de Mme Delphine Batho

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Selon notre groupe, aucune méga-bassine n'aurait dû être construite et nous sommes favorables à leur destruction. À défaut, elles doivent pouvoir au moins être utilisées pour soutenir la transition agroécologique – ce qui n'est pas le cas actuellement.

Cet amendement tend à conditionner le maintien des ouvrages au respect, dans un délai de trois ans, des quatre règles que j'avais déjà détaillées lors de la présentation de mes amendements précédents : la mise en place d'un schéma directeur de la biodiversité et d'adaptation des pratiques agricoles ; la baisse des volumes prélevés, définis sur la base d'une étude HMUC ; le partage de l'eau entre agriculteurs ; un usage exclusif de l'eau stockée dans les ouvrages pour l'irrigation de cultures en agriculture biologique.

Si le débat public se concentre sur les nouveaux projets de méga-bassines, de nombreuses infrastructures existantes ne sont soumises à aucune règle sérieuse pour protéger la ressource en eau, tant en quantité qu'en qualité. Le contexte d'accélération du changement climatique, la dégradation de la qualité de l'eau et l'effondrement de la biodiversité imposent au minimum d'exiger que l'eau des méga-bassines existantes soit réservée à des pratiques écologiquement vertueuses.

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Le dispositif proposé par cet amendement de repli s'apparente à certains protocoles d'accord qui ont été signés dans le cas de plusieurs projets de méga-bassines. Malheureusement, ces protocoles sont rarement suivis d'effets. Ces mesures ne sont pas très contraignantes et sont peu contrôlées. Elles sont parfois similaires à des mesures qui sont valorisées dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Comme l'article unique a été supprimé, cela ne remet pas fondamentalement en cause le modèle des méga-bassines. Avis de sagesse.

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L'amendement n'a plus de sens après la suppression de l'article unique.

L'amendement est retiré.

Amendements CD35, CD44, CD25, CD28, CD27 et CD26 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

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Les amendements CD35 et CD44 sont destinés à montrer que la proposition de la rapporteure et du groupe La France insoumise constitue en fait un sage compromis – pour ainsi dire centriste – qui propose un moratoire pour les nouveaux projets et ceux dont le dossier est en cours d'instruction. Cette proposition est bien légitime, puisqu'elle correspond à la demande de la majorité des acteurs des territoires concernés de prendre le temps de discuter.

Nous aimerions, pour notre part, aller plus loin.

L'amendement CD35 vise à interdire les méga-bassines existantes ainsi que les nouveaux projets en cours d'instruction, quels qu'ils soient et sur tout le territoire français. L'amendement CD44 propose la même interdiction, mais en la limitant aux ZRE, où le stress hydrique est le plus important. Soit dit en passant, des ZRE ont été créées dans la Vienne depuis 1994 – en presque trente ans, on aurait pu trouver d'autres solutions que d'y créer des méga-bassines.

L'amendement CD25 tend à prononcer la déconstruction des méga-bassines existantes et l'amendement CD28, de celles qui sont situées en ZRE, les amendements CD27 et CD26, envisageant la destruction des ouvrages existants à des dates plus ou moins lointaines.

Ces amendements offrent toute une palette de solutions à discuter et j'espère que vous saurez saisir cette grande volonté de dialogue.

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Mme Belluco a souligné notre modération. Nous ne visons en effet pas tous les ouvrages de stockage, mais seulement les plus grands d'entre eux. Il s'agit en outre d'instaurer un moratoire, pas d'interdire.

Puisque l'article unique a été supprimé, avis favorable aux amendements CD35 et CD44.

Demande de retrait pour les autres amendements, qui visent à instaurer des obligations de démantèlement des retenues existantes selon des modalités différentes. Je n'y suis pas opposée sur le fond, mais ils présentent un aspect un peu punitif. Il faudrait prévoir un accompagnement de certains agriculteurs.

Ceux qui ont incité les agriculteurs à devenir dépendants d'un modèle qui pousse au surendettement, avec l'acquisition de grands hangars ou de gros engins agricoles, ont une responsabilité politique et ils ne leur ont pas rendu service. Il s'agit de la même chose lorsque l'on encourage les méga-bassines, qui supposent d'importants investissements de la part des agriculteurs et les engagent dans des cultures qui ne seront pas résilientes dans les quarante années à venir. Ne pas avoir accepté le moratoire était vraiment une erreur.

Comme les quatre derniers amendements ne sont plus adossés à ce moratoire, ils s'éloignent un peu de l'objectif qui leur était initialement assigné.

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Les amendements auxquels vous donnez un avis favorable sont bien plus radicaux que votre proposition et vous avouez ainsi votre objectif final : l'interdiction de la plupart des retenues d'eau. En l'occurrence, le seuil retenu est de 20 000 mètres cubes. Cela conduirait à démanteler des dizaines de milliers d'ouvrages, sans prévoir de solution de rechange.

Vous préférez détruire plutôt que construire. Nous essayons de faire preuve de nuance sur les questions liées aux méga-bassines, et notamment sur ce qui concerne la gouvernance et la privatisation de l'eau. Mais vous avez choisi le terrain idéologique, ce qui ne nous convient pas. C'est aussi une occasion ratée de débattre de manière intéressante.

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Je plaide sincèrement pour que l'on applique la « méthode Burlot » dans tous les comités de bassin. Cela sera beaucoup plus efficace. Nous voulons bien discuter, mais de manière différente. Nous ne voulons ni du moratoire, ni des interdictions, car nous n'avons pas le même avis que vous, madame Belluco.

Il n'est pas honteux de s'en remettre aux territoires et c'est même en général bien préférable, car les acteurs locaux connaissent mieux les problèmes que nous. Il faut donc discuter dans le cadre de chaque comité de bassin, ce qui sera beaucoup plus utile que de voter un très long moratoire de dix ans.

La différence entre nous, c'est que je respecte ceux qui sont opposés au glyphosate, mais que vous ne respectez pas mon opinion. Je respecte votre avis sur les méga-bassines, madame Guetté, mais je ne pense pas que ce que vous proposez soit la bonne solution. Je n'impose pas la mienne, contrairement à vous ; je demande aux territoires de prendre la main, parce que je pense que la meilleure solution sera définie par chaque comité de bassin.

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Je n'ai pas téléphoné à M. Burlot, mais j'ai dîné avec lui il y a quelques mois. C'est d'ailleurs le cas de tous les acteurs dans le Poitou, car il a, semble-t-il, bien fait son travail.

Néanmoins, il a dit sur France Bleu le 20 septembre dernier que « même si on réalise [la méga-bassine de] Priaires, il est absolument nécessaire qu'on fasse une pause et qu'on reprenne un dialogue collectif ». Nous sommes tous d'accord sur ce point. Je n'ai jamais dit qu'il était favorable à cette proposition. Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit. Il a déclaré qu'il était favorable à une pause, ce que nous traduisons juridiquement par le terme « moratoire ». Si vous connaissez une autre traduction, nous sommes preneurs.

Nous aurions aussi été preneurs d'amendements à l'article unique, par exemple en ce qui concerne la durée du moratoire, car dix ans peuvent paraître longs à certains.

Je suis contente d'avoir réussi à mettre tout le monde d'accord sur le fait que la proposition de la rapporteure est très modérée. Nous aurions pu nous diriger vers une interdiction pure et simple, mais la rapporteure souhaite mettre à profit le temps de pause pour discuter. Cela aurait pu figurer de manière plus explicite grâce à un amendement à l'article unique, si vous n'aviez pas supprimé ce dernier.

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Nous pourrions auditionner M. Burlot pour qu'il nous expose sa méthode de travail et nous fasse part de son point de vue.

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Je reviens sur un point évoqué par M. Millienne. Selon moi, ce ne sont pas les territoires qui organisent le déploiement des méga-bassines ; ce sont des intérêts minoritaires privés – et ils le font de manière anarchique. Cela nous ramène à des débats que nous avons eus sur les méthaniseurs et les énergies renouvelables. La puissance publique, quelle que soit son incarnation, n'a pas la main sur leur déploiement.

Je le déplore et, comme nous sommes des parlementaires nationaux, j'ai proposé que l'État joue son rôle d'organisateur tout en examinant quels sont les outils à sa disposition. En réalité, il en a déjà beaucoup grâce à la politique environnementale et au droit relatif à l'eau, mais ils ne sont pas utilisés et les missions de contrôle n'ont pas les moyens de faire appliquer les règles sur le terrain.

Nous sommes face à une fuite en avant, avec des acteurs privés qui veulent s'implanter le plus vite possible afin d'imposer un fait accompli.

Je pourrais partager votre volonté d'impliquer davantage les territoires, mais votre vision ne correspond pas à qui s'y passe réellement.

Les amendements CD25, CD28, CD27 et CD26 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements CD35 et CD44.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 21 novembre 2023 à 17 h 15

Présents. - M. Damien Adam, M. Christophe Barthès, Mme Nathalie Bassire, Mme Lisa Belluco, M. Emmanuel Blairy, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, M. Guy Bricout, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Sylvain Carrière, M. Jean-Victor Castor, M. Pierre Cazeneuve, M. André Chassaigne, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Claire Colomb-Pitollat, Mme Annick Cousin, Mme Catherine Couturier, M. Vincent Descoeur, Mme Sylvie Ferrer, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. Daniel Grenon, Mme Clémence Guetté, M. Yannick Haury, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Chantal Jourdan, Mme Florence Lasserre, Mme Sandrine Le Feur, Mme Murielle Lepvraud, M. Gérard Leseul, Mme Alexandra Masson, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Jean-Philippe Nilor, M. Hubert Ott, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, M. Loïc Prud'homme, M. Nicolas Ray, Mme Véronique Riotton, M. Michel Sala, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, M. David Valence, M. Pierre Vatin, M. Antoine Villedieu, Mme Anne-Cécile Violland, M. Jean-Marc Zulesi

Excusé. - Mme Christelle Petex-Levet

Assistaient également à la réunion. - M. Elie Califer, Mme Florence Goulet, M. Tematai Le Gayic, Mme Sandra Marsaud, M. Philippe Schreck, M. Hubert Wulfranc