La commission examine le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (n° 272) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général).
L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2003 à 2027, ainsi que celui de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2023.
Pour des raisons réglementaires, le délai de dépôt des amendements est fixé à jeudi dix-sept heures mais cela pourra évoluer en fonction de la durée des débats.
Notre ordre du jour est chargé et il faudrait que nous parvenions à achever l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2023 jeudi 6 octobre au soir. Les années précédentes, nous disposions de six séances pour examiner ce texte. Cette année, neuf séances doivent nous permettre d'examiner le projet de loi de programmation, le rapport de la mission flash, très attendu, sur les entreprises pétrolières et gazières et celles du secteur du transport maritime qui ont dégagé des profits exceptionnels pendant la crise, et la première partie du PLF. Je vous invite donc à faire preuve de concision. Nous ferons malgré tout en sorte que le débat puisse avoir lieu.
Nous avons commencé nos travaux lundi dernier, le 26 septembre, jour de la présentation des projets de loi en conseil des ministres, en auditionnant MM. les ministres Bruno Le Maire et Gabriel Attal, puis les avons poursuivis mercredi 28 septembre, en entendant le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), M. Pierre Moscovici, sur les deux avis qu'il a rendus.
L'audition du gouverneur de la Banque de France, ainsi que celle de plusieurs associations de collectivités locales, pourront également servir lors des débats sur le projet de loi de programmation et le PLF.
Soixante-douze amendements ont été déposés en commission sur le projet de loi de programmation et seuls sept ont été déclarés irrecevables en raison de la méconnaissance des exigences de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) ou de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS).
Le projet de loi de programmation n'étant pas un projet de loi de finances, les amendements adoptés en commission seront directement intégrés au texte débattu en séance publique. C'est sans doute pourquoi M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, est présent lors des débats en commission. C'est son droit le plus incontestable et je l'accueille volontiers. Si ce droit est fréquemment mis en œuvre dans d'autres commissions permanentes, c'est beaucoup moins habituel dans notre commission.
Depuis que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a créé la nouvelle catégorie des lois de programmation des finances publiques (LPFP), le Parlement a examiné cinq lois de programmation en 2008, 2010, 2012, 2014 et 2017. Plusieurs ministres de l'économie et des finances ont honoré la commission de leur présence : M. François Baroin, lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, et M. Pierre Moscovici, lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.
Vous avez raison, depuis la création de cette catégorie de lois, plusieurs ministres des finances, mais aussi du budget, ont été présents en commission pour l'examen des textes. Il me semble notamment, monsieur le président, que ce fut le cas d'un de mes prédécesseurs, M. Gérald Darmanin, en 2017.
L'audition du 26 septembre, à laquelle j'ai participé avec Bruno Le Maire, nous a surtout permis d'évoquer le PLF pour 2023 et il me semblait important de dire quelques mots du projet de loi de programmation pour les finances publiques, qui vient traduire le cap que nous avons fixé afin de ramener le déficit public sous la barre des 3 % d'ici la fin du quinquennat et de stabiliser notre endettement public à partir de 2026.
L'objectif des 3 % est important : il ne s'agit ni d'un totem ni d'un diktat, comme on peut l'entendre, mais du ratio à partir duquel nous commençons à rembourser notre dette, enjeu d'importance si nous ne voulons pas la léguer, ainsi que des impôts, aux générations futures.
Nous avons réalisé cet exercice de programmation dans un environnement particulièrement instable. En outre, il n'existe jamais de certitude absolue en matière de prévisions. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour considérer que notre pays n'a pas besoin d'une trajectoire. Celle que nous vous présentons n'est pas un plan d'austérité, comme on l'entend parfois. Il s'agit simplement de fixer un cadre pour éviter les dérapages. Atteindre un tel objectif suppose de partager le même sentiment de responsabilité vis-à-vis de notre pays, de sa crédibilité, de sa capacité à tenir ses comptes, de son indépendance. Atteindre un tel objectif suppose aussi de répartir l'effort entre les administrations publiques, l'État et ses opérateurs, la sécurité sociale et les collectivités territoriales – nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de ce débat et lors de l'examen du PLF et du PLFSS.
Il s'agit également de poursuivre une trajectoire de réduction des déficits pour honorer notre dette, la stabiliser en 2026 et la rembourser en 2027. En outre, il s'agit d'une exigence européenne : la non-adoption du PLPFP pourrait entraîner un retard de versement, voire une amputation, des fonds européens du plan de relance – certains sont conditionnés à l'adoption par les différents États d'une loi de programmation des finances publiques. Enfin, le président Pierre Moscovici l'a rappelé, le HCFP s'appuie sur la loi de programmation des finances publiques dans le cadre de sa mission d'évaluation.
J'ai évidemment conscience des réserves formulées par le Haut Conseil. L'hypothèse de croissance potentielle à 1,35 % par an de 2022 à 2027 s'appuie sur les réformes structurelles que nous allons mettre en œuvre après qu'elles aient été débattues largement par le Parlement : réforme des retraites, du RSA, poursuite de la réforme de l'assurance chômage, amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, élargissement au lycée professionnel du succès de l'apprentissage, mise en place du service public de la petite enfance, suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), plans d'investissement, programme d'investissements d'avenir (PIA), plans France relance et France 2030.
La croissance potentielle n'est donc rien d'autre que le reflet de notre capacité collective à agir et à réformer le pays. Sans nier les difficultés, j'aimerais que nous ayons confiance en cette capacité collective à relever les défis : le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans, le taux de chômage des jeunes, au plus bas depuis quarante ans, le taux d'emploi au plus haut depuis qu'il est mesuré. Nous pouvons aller plus loin grâce aux réformes structurelles que nous vous proposerons.
Le rythme de rétablissement des finances publiques nous semble parfaitement adapté. Nous ne voulons pas répéter les erreurs commises en 2011-2012, avec une action procyclique, une consolidation trop rapide cassant la croissance et générant plus de dépenses qu'elle ne permet d'économies.
Certains considèrent qu'avec cette loi de programmation, nous défendrions une forme d'austérité, quand d'autres estiment que nous n'allons pas assez vite dans la consolidation des comptes. C'est la preuve d'une stratégie équilibrée, et de notre capacité à susciter l'activité économique.
Cette trajectoire, c'est aussi un contrat que le Gouvernement passe avec le Parlement – et donc avec les Français. Il s'agit de partager un cap pour mieux piloter les finances publiques et s'assurer que les lois de finances annuelles s'inscrivent dans la trajectoire dans laquelle le Gouvernement s'est engagé. La nouvelle version de la Lolf, issue de la révision dite Woerth-Saint-Martin, initiative parlementaire, a renforcé la portée de la loi de programmation pluriannuelle. Désormais, en amont du dépôt du projet de loi de finances de l'année, le Gouvernement doit justifier devant le Haut Conseil des finances publiques les éventuels écarts par rapport à la trajectoire pluriannuelle de la LPFP.
Alors que le Parlement a, à juste titre, œuvré pour renforcer son pouvoir de contrôle, il serait pour le moins baroque qu'il se prive de cet important instrument. Si nous voulons passer du « quoi qu'il en coûte », au « combien ça coûte ? », nous devons renforcer la capacité du Parlement à évaluer les dispositifs. Cela ressort également des dialogues de Bercy.
C'est pourquoi l'article 7 du projet de loi prévoit le bornage à quatre ans des dépenses fiscales. Son article 15 dispose que les créations, extensions ou prolongations d'un dispositif d'aide aux entreprises instauré après le 1er janvier 2023 ne sont applicables que pour une durée précisée par le texte qui les institue, et pour un maximum de cinq ans. Cet article prévoit aussi la remise systématique d'une évaluation. L'article 21 dispose que les conclusions des évaluations de la qualité de l'action publique sont transmises au Parlement au plus tard le 1er avril de chaque année – cette disposition est directement issue de nos échanges lors des dialogues de Bercy et nous travaillerons ensemble afin de donner un maximum de consistance à cette possibilité nouvelle.
Certes, nous pouvons avoir des divergences sur les paramètres, mais nous devrions tous être d'accord sur le fait que la sixième puissance mondiale ne peut se dérober à ses obligations de sérieux budgétaire, ainsi que de planification et de prévision de sa trajectoire de finances publiques, matérialisées par ce texte.
En préambule, je reviendrai sur l'utilité d'une loi de programmation des finances publiques. Même si nous ne sommes pas d'accord sur tous les chiffres, pourquoi faut-il la voter ? Parce que c'est une déclinaison indispensable de nos engagements budgétaires internationaux et de l'objectif constitutionnel d'équilibre des comptes publics.
Le premier article de la Lolf réformée est clair : la LPFP est l'instrument de mise en œuvre des engagements internationaux de la France ; c'est François Hollande qui a mené à son terme le processus de ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) en 2012. La LPFP constitue également la référence du Haut Conseil des finances publiques pour rendre son avis identifiant les écarts importants entre l'exécution de l'année passée et les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la LPFP. Elle indique l'ampleur et le calendrier des mesures de correction mises en œuvre en cas d'écarts importants. Elle indique aussi les conditions de prise en compte des circonstances exceptionnelles ouvrant la faculté de s'écarter temporairement des trajectoires fixées.
La loi de programmation fixe les objectifs à moyen terme de chacune des administrations publiques, dans le respect d'un objectif global d'équilibre des comptes des administrations publiques. C'est un des apports importants de la réforme constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy en 2008.
À ceux qui seraient tentés de minimiser l'importance des lois de programmation, rappelons qu'il s'agit d'un texte précieux comprenant de nombreuses dispositions, pour la plupart issues de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, votée par une grande partie des forces politiques qui composent l'Assemblée nationale et le Sénat : effort structurel, objectif en pourcentage d'évolution des dépenses en volume et prévision en milliards d'euros des dépenses en valeur pour toutes les administrations publiques (APU). La LPFP peut aussi comporter des orientations pluriannuelles relatives à l'encadrement des dépenses, des recettes et du solde ou au recours à l'endettement de tout ou partie des administrations publiques.
Le ministre a raison, le Parlement aurait tort de se priver d'un instrument de contrôle. Ce thermomètre, sur cinq ans, nous permet de mieux évaluer l'action du Gouvernement. Pourquoi y renoncer ?
La loi de programmation, ce sont également des éléments de bonne gestion des finances publiques qui nous permettent de préparer le Printemps de l'évaluation. Le présent projet de loi comporte de nombreuses dispositions intéressantes : le bornage systématique pour une durée de quatre ans des nouvelles niches fiscales afin de les évaluer ; le principe du plafonnement de toutes les taxes affectées afin de les contrôler ; une règle d'amélioration de 10 % sur la période de programmation du ratio entre dépenses défavorables à l'environnement et dépenses favorables ou mixtes ; le bornage systématique pour une durée de cinq ans au plus des mesures nouvelles ou prolongées d'aides aux entreprises, afin de ne pas proroger une mesure sans l'évaluer ; la conduite systématique par les pouvoirs publics d'évaluations de la qualité de l'action publique portant sur les dépenses publiques, à l'article 21.
Enfin, je conclus en vous rappelant que la loi de programmation n'est pas une loi de finances. Je comprends les enjeux politiques qui s'attachent à une loi de finances, et je respecte les positions exprimées par les uns et les autres en fonction de leur appartenance politique, mais les mêmes règles ne s'appliquent pas ici : nous sommes devant une loi utile pour notre pays, et utile pour le Parlement.
La presse s'est fait l'écho des craintes du Gouvernement que le présent projet de loi ne soit pas adopté, l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution ne pouvant être utilisé qu'une seule fois par session.
Ce texte me pose problème pour deux raisons : il reprend les prévisions annuelles du programme de stabilité, que nous avions critiquées, estimant qu'elles étaient trop optimistes. Depuis, elles ont d'ailleurs été rectifiées – on est passé de 1,4 % de croissance à 1 %, et de 3,2 % d'inflation à 4,2 %. Ces prévisions restent très optimistes par rapport à celles de nombreux instituts, ou de la Banque de France. Or de telles prévisions ont des conséquences sur les dépenses publiques – supplémentaires – et interrogent sur la soutenabilité des prévisions pour arriver à 3 % de déficit public en 2027.
En outre, le problème est plus global. Dans les cinq ans à venir, on nous propose de revenir à une forme de normalité, et donc à une politique de l'offre et de la compétitivité. Pourtant, pendant le covid, comme d'ailleurs très souvent lors des crises, le système néolibéral a dû s'inspirer de politiques de la demande pour amortir la crise car les politiques de l'offre ne tiennent pas la rampe. La gestion de la crise a été d'autant plus difficile que les baisses de dépenses publiques, notamment dans le secteur de la santé, avaient préalablement affaibli les hôpitaux.
Les crises sont-elles derrière nous ? Rien n'est moins sûr, s'agissant par exemple de la question écologique. La France est un des quatre pays dont les gaz à effet de serre diminuent le moins, avec les États-Unis. Comment alors atteindre l'objectif de hausse maximale des températures de 1,5 ° ? Pourtant, n'y a-t-il pas urgence ? L'État ne devrait-il pas réaliser les investissements nécessaires à la bifurcation écologique ? Je pourrais poser les mêmes questions en matière sociale. Est-il bien raisonnable de revenir à la règle absolue des 3 % ? La seule option sera alors de baisser les dépenses publiques puisqu'on baisse les impôts. Un tel choix rendra la puissance publique incapable d'aborder ces crises, voire de les amortir.
Ce que vous proposez répond peut-être, sur le papier, aux codes de la politique néolibérale, mais cela ne répond pas aux besoins de la population. L'intérêt général, c'est que la puissance publique soit capable d'intervenir.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
La loi de programmation est un instrument important pour le Parlement. Face aux défis auxquels nous sommes confrontés en matière de finances publiques, plusieurs options s'offrent à nous : on peut nier la contrainte de finances publiques et augmenter l'endettement, au motif que nous n'aurons pas à payer notre dette ; on peut réduire le filet de protection qu'on doit aux Français pour qu'ils affrontent mieux l'inflation ; on peut augmenter les impôts. Nous avons fait le choix du sérieux en conjuguant la maîtrise des dépenses publiques – leur hausse est la plus faible depuis les vingt dernières années –, la baisse des impôts pour encourager l'activité et la protection des Français face à l'inflation. Le présent projet de loi, accusé de laxisme, fait au contraire preuve de sérieux. Que ceux qui pensent que nous sommes trop dépensiers nous disent quelles dépenses ils souhaitent supprimer ! Faut-il toucher à la baisse de l'impôt sur le revenu de 6 milliards d'euros ? Faut-il revenir sur la limitation de la hausse des prix du gaz et l'électricité pour tous les Français ?
Ce texte ne met pas non plus en musique une politique d'austérité : comment peut-on parler d'austérité dans un pays dont l'endettement s'élève à 3 000 milliards d'euros et qui va emprunter 270 milliards d'euros sur les marchés financiers l'an prochain ?
Être sérieux, c'est faire le choix de la modération des dépenses afin de respecter nos engagements européens et revenir sous la barre des 3 % de déficit public en 2027.
Ce projet de loi s'inscrit dans le droit fil du programme de stabilité, sur lequel nous avions déjà émis des critiques, et nous laisse donc très sceptiques. C'est avant tout un exercice obligé pour passer sous les fourches caudines de l'Union européenne et cela traduit, une fois de plus, notre perte de souveraineté. En outre, il s'appuie sur des hypothèses extrêmement optimistes qui laissent dubitatifs de nombreux spécialistes et institutions.
Il ne fait pas sensiblement évoluer l'état très dégradé des finances publiques : le taux de prélèvements obligatoires est au plus haut alors que les services publics essentiels ne se sont jamais portés aussi mal. La charge de la dette explose – + 600 milliards d'euros dont un tiers seulement est dû au covid – et on parle à peine de stabilisation en 2026.
Cette trajectoire est d'autant plus incertaine que les taux d'intérêt et d'inflation sont en hausse, en partie du fait de choix politiques et stratégiques extrêmement critiquables, notamment en matière d'énergie.
Enfin, vous ne prenez absolument pas en compte l'importante fragilité de nombreuses entreprises, qui risquent de disparaître à court terme dans de nombreux secteurs, y compris celui du bâtiment.
Vous faites également peser les errements de l'État sur les collectivités territoriales, dont les moyens, en euros constants, vont baisser sur la période puisque l'article 13 dispose que la somme des concours de l'État ne va augmenter que de 2,7 % sur cinq ans. L'article 23 prévoit des contraintes contraires au principe de décentralisation, en stigmatisant d'éventuels mauvais élèves alors que l'objectif d'évolution est identique pour tous les types de collectivités, ce qui est injuste et irréaliste.
Enfin, si vous vous gargarisez de réformes, vous ne faites pas celles qui permettraient de redresser les finances de notre pays en renonçant immédiatement à une mondialisation mortifère pour retrouver notre souveraineté, en renonçant à une politique d'immigration dispendieuse et en renonçant à lutter réellement contre la fraude fiscale, et surtout sociale.
Il est assez rare qu'un ministre assiste à l'examen de tels projets de loi. Je ne sais pas si c'est un honneur, ou le signe d'une certaine fébrilité.
Certes, il n'existe aucune certitude quand on élabore des trajectoires, surtout dans un contexte de crise. Mais, depuis juillet, le Haut Conseil des finances publiques estime que vos perspectives de croissance et d'inflation sont trop optimistes. Il ajoute « une croissance moins élevée remettrait en cause la réalisation de ces objectifs ». Or il s'avère que la croissance est moins élevée. Vous ne pouvez fixer des objectifs aussi ambitieux quand vos perspectives de croissance ne sont pas les bonnes !
Pour savoir si la politique menée est une politique d'austérité, il faut analyser les besoins réels du pays : si vous augmentez le budget de l'Éducation nationale de 0,5 % alors qu'il y a 100 % d'élèves en plus, cela ne répond pas aux besoins. J'ai pris un chiffre farfelu, et on va me le reprocher. Un autre exemple, donc : de 2013 à 2019, les lits en réanimation ont augmenté de 0,17 % par an. En valeur absolue, c'est une hausse, mais c'est dix fois moins que la hausse des effectifs des personnes âgées – qui représentent deux tiers des malades en réanimation. Il s'agit donc d'une politique d'austérité.
Le Haut Conseil des finances publiques souligne que vos hypothèses de croissance comprennent une prévision d'augmentation de l'offre de travail liée à des annonces de réformes, parmi lesquelles la réforme des retraites ou celle de l'assurance chômage, dont l'impact paraît nettement surestimé. Vos réformes visent seulement à faire payer la crise aux Français, mais elles n'arriveront pas à résorber le déficit de l'État.
Vous nous proposez, en partant d'un déficit de 5 % en 2023, d'aboutir à un déficit de 3 % en 2027. Les hypothèses que vous retenez sont très optimistes et les temps fort incertains, d'autant que d'ici à 2027, la dette, en valeur absolue, aura augmenté de 200 milliards. Pour nous, cela ne va pas assez vite ; d'autres pays atteindront les 3 % en 2025. Vous évoquez les réformes structurelles – retraites, RSA, assurance chômage –, mais comme le dit le HCFP, il n'existe pas de documentation précise sur leur mise en œuvre.
Par ailleurs, la situation des collectivités territoriales, visées aux articles 13 et 23, nous inquiète. La réduction des dépenses de 0,5 point au-dessous du niveau de l'inflation et le fait de s'engager sur une période de cinq ans peuvent être difficiles. Et si vous demandez des efforts aux Français et aux collectivités territoriales, l'État, lui, ne participe pas assez. Vous avez parlé de thermomètre, monsieur le rapporteur général ? Encore faut-il situer le bon niveau de température !
Ce projet de loi, en étant le premier à intégrer les dispositions de la loi organique Woerth Saint-Martin, concourt au renforcement de la lisibilité et de la qualité de l'information apportée aux parlementaires. Il nous donne un avertissement, mais aussi plusieurs motifs d'espoir et de satisfaction.
L'avertissement, d'abord : à politique inchangée, nous aurions des difficultés à combler à moyen terme le déficit public ; la dette atteindrait alors 115 % du PIB, ce qui obérerait toute capacité à répondre aux crises futures. La capacité d'un pays à se financer et à agir repose sur la soutenabilité de sa dette. Or nous avons vu ces derniers jours combien cette confiance peut être éphémère, même dans un grand pays développé.
Les motifs d'espoir, ensuite, puisque ce texte trace une trajectoire claire pour l'ensemble des administrations publiques. À ceux qui lui reprochent un manque d'ambition, je dis que nous pourrons trouver d'autres leviers, dans le cadre de l'examen des lois de finance, pour réduire plus vite le déficit structurel. Cependant, nous ne souhaitons pas renouveler l'expérience d'une consolidation budgétaire trop rapide, telle celle de 2010-2014 qui avait tué la reprise économique.
Par son équilibre, ce texte laisse une marge de sécurité pour répondre à une conjoncture moins bonne qu'anticipé ou à des décisions politiques que prendrait le Parlement. Il propose aussi des règles qui garantissent une meilleure gestion des finances publiques dans l'ensemble des administrations publiques.
La volonté de limiter les crédits d'impôts dans le temps – que nous pourrions accompagner d'une évaluation systématique – et l'objectif de réduire de 10 % les dépenses classées comme nocives dans le budget vert sont des motifs de satisfaction. Cet effort doit s'accompagner d'un renforcement de la budgétisation verte par l'État et les autres administrations publiques. Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) votera ce projet de loi.
Ce projet de loi de programmation est la traduction d'une analyse économique sur laquelle nous divergeons : vous pensez que la crise est derrière, nous pensons qu'elle est devant nous. Regardez les chiffres de cet automne : augmentation de 69 % du nombre de défaillances d'entreprises par rapport à l'année dernière, multiplication par 15 des prix de l'énergie pour certaines entreprises, augmentation des licenciements économiques. Après deux ans de « congélation », la « décongélation » de notre économie entraîne des difficultés et impose des efforts nouveaux. Il n'est pas question de mettre fin au plan de relance ou de limiter notre ambition en termes d'investissements publics, mais au contraire d'alléger le rythme de réduction des dépenses publiques.
Nous sommes en désaccord également sur les mesures – réforme des retraites, gel des dotations aux collectivités – qu'intègre ce projet de loi. Nous ne pouvons accepter la trajectoire récessive que vous nous proposez. Je ne comprends ni les appels à la responsabilité ni la menace, brandie par le ministre, d'une cessation éventuelle du versement des fonds européens. L'article 8 du TSCG prévoit que si un pays ne se conforme pas à la loi de programmation, l'article 260 du TFUE permet l'établissement de sanctions. Mais, chers collègues, nous n'avons jamais respecté la loi de programmation. Nous pouvons d'ailleurs nous interroger sur l'utilité d'un tel outil : une loi jamais respectée, dont la cohérence ne soucie personne et au contenu peu utile pour le travail des parlementaires.
Il s'agit d'un texte sérieux et crédible. L'objectif d'un retour sous les 3 % de déficit public à l'horizon 2027 nous semble tout autant nécessaire qu'atteignable. Nous entendons çà et là que le rétablissement des comptes publics n'irait pas assez vite et ne serait pas assez fort ; au lieu de se fixer des objectifs dont nous savons pertinemment qu'ils ne seront jamais tenus, il nous appartient de chercher, collectivement, à respecter la trajectoire claire et réaliste présentée par le Gouvernement.
La priorité sera donc de respecter cette loi de programmation dans les cinq ans qui viennent. Nous souscrivons pleinement au principe selon lequel toutes les composantes des administrations publiques – l'État et ses opérateurs, les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale – doivent participer au rétablissement des comptes. Mais il faut être clair sur la méthode, basée sur la concertation, la réciprocité et la juste contribution. Les collectivités locales doivent être écoutées et soutenues, dans le cadre d'un dialogue franc et direct. Les efforts qui leur sont demandés doivent être observés, dans les mêmes proportions, par l'État. Dans la mesure où ce sont l'État et les organismes de sécurité sociale qui pèsent le plus dans le déficit public et l'endettement, les efforts doivent être majoritairement de leur fait. Le groupe Horizon votera ce projet de loi.
L'objectif de réduction du déficit en deçà des 3 % du PIB à l'horizon 2027 associé à la baisse des impôts – après la suppression de la redevance audiovisuelle, celle de la CVAE nous prive de 8 milliards de recettes fiscales – ne permet pas d'assurer le financement de nos besoins.
Je pense en particulier à l'hôpital : le sous-objectif Établissements de santé de l'Ondam (Objectif national de dépenses d'assurance maladie) est fixé à 4,1 % 2023, à 2,9 % en 2024 et à 2,8 % en 2025. Je pense aussi au financement de la transition écologique. En 2023, les dépenses de la mission Écologie, hors programme 345, stagnent. La hausse proposée ne fait que compenser la baisse des crédits de l'écologie portés au plan de relance ; les crédits pour 2024 et 2025 n'augmentent que de 100 millions en 2024 et de 200 millions en 2025. Ce n'est pas à la hauteur du défi auquel nous sommes confrontés. Nous avons besoin d'investir maintenant pour l'atténuation et l'adaptation. Nous vous proposerons de sortir ces investissements du calcul des 3 % de déficit. Il manque environ de 25 milliards par an pour la transition écologique !
Nous vous ferons des propositions pour adapter le cadre qui est imposé aux collectivités locales à l'article 23. Il ne leur permet pas de financer correctement les services publics de proximité et la transition écologique. Or non seulement elles font face à la flambée des prix d'énergie mais elles sont aussi le fer de lance de l'investissement dans la transition écologique.
Je comprends bien que vous rechigniez, monsieur le ministre, à dire qu'il s'agit d'un projet de loi de finances, car le Gouvernement ne peut recourir qu'une fois à la procédure prévue à l'article 49, alinéa 3 pour ce type de texte !
Il manque à ce projet de loi de programmation des finances publiques un « chapeau » : celui du programme de stabilité. Vos recettes libérales ne marchent pas. La réforme de l'assurance chômage ne fonctionnera pas, puisque, comme l'a montré hier la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), 25 à 42 % des allocataires ne font pas valoir leurs droits. La réforme des retraites ne fonctionnera pas davantage puisqu'on sait très bien que, pour bien des métiers, les gens n'iront pas jusqu'à 65 ans. Pendant ce temps, les superpatrimoines n'ont jamais été aussi élevés.
Oui, la France est un grand pays. Mais le risque est de ne toucher à rien, ni au marché de l'énergie et à la spéculation scandaleuse, que l'État compense en partie, ni à l'architecture fiscale. Les prélèvements obligatoires, ce n'est pas un gros mot : tout dépend de leur contenu. Je rappelle que, mis à part les 12 % pris en charge par l'État, les dépenses de santé entrent dans les prélèvements obligatoires, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis où elles relèvent du secteur privé. Ce serait une erreur fondamentale que de ne pas faire une planification écologique hors dette de Maastricht. Si nous continuons ainsi, nous foncerons dans le mur de la dette. Il aurait fallu prendre un autre chemin que celui de cette trajectoire-camisole.
Être sérieux, ce n'est pas avoir 10 millions de pauvres ; être sérieux, ce n'est pas poursuivre la baisse du nombre de lits d'hôpital ; être sérieux, ce n'est pas peser sur les capacités des collectivités locales !
Voici donc la sixième loi de programmation des finances publiques de ces treize dernières années – soit une durée de vie moyenne dépassant à peine les deux ans. Compte tenu des grandes incertitudes qui planent, je pense que c'est une erreur de choisir un horizon à cinq ans alors que la loi organique permettait de faire une prévision à trois ans.
Pourquoi les lois de programmation des finances publiques sont-elles presque toutes devenues obsolètes dès la deuxième année de leur application ? C'est parce qu'on a toujours retenu des taux de croissance excessifs – ici, 1,35 %, alors que la Commission table sur 1,1 %. Rappelons d'ailleurs qu'il y a cinq ans, M. Lemaire expliquait que le taux de croissance structurelle allait augmenter de 2,5 %...
La trajectoire qui nous est proposée manque singulièrement d'ambition – entre nous soit dit, un déficit représentant 3 % du PIB est excessif quand le taux de croissance potentiel est de 1,1 % ; on peut le réduire à 1 ou 2 % du PIB, ce qui correspond peu ou prou aux investissements publics. L'Espagne et l'Italie, elles, atteindraient les 3 % dès 2025. Pourquoi ce décrochage français ? Il résulte, là encore, d'un niveau élevé de dépenses publiques – il faut dire que la France, dans ce domaine, est médaille d'argent de l'Union européenne et qu'elle devrait le rester.
Outre le fait que les prévisions sont fondées sur des réformes aux contours incertains, le texte témoigne d'une défiance à l'égard des collectivités territoriales. Pourtant, celles-ci ne posent pourtant pas de problème pour l'équilibre des finances publiques et elles ne contribuent pas à creuser la dette. En l'état actuel du texte, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera contre ce texte.
La commission en vient à l'examen des articles du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
TITRE Ier
ORIENTATIONS PLURIANNUELLES DES FINANCES PUBLIQUES
Article 1er : Approbation du rapport annexé
Amendement CF49 de M. Stéphane Peu.
Il est pour le moins bizarre de diminuer de manière drastique les crédits du sport juste après les Jeux olympiques alors que c'est un moment où le sport pour tous devrait être favorisé. Nous avons voulu souligner ce point en proposant d'augmenter les crédits, sans toutefois oublier que la Cour des comptes a démontré l'inefficacité, pour ne pas dire autre chose, de l'Agence nationale du sport (ANS).
Monsieur Sansu, si j'étais taquin, je vous dirais qu'avoir une trajectoire permet à ses opposants de la critiquer. Je répète que ce projet de loi n'est pas, aux termes de la Constitution, un projet de loi de finances.
Sur la programmation, il s'agit d'une baisse en trompe-l'œil puisque nous ne proposons qu'un retour à la normale après un surinvestissement dû aux Jeux olympiques. Je signale que le programme Jeunesse et vie associative est en augmentation continue.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 1er non modifié.
CHAPITRE Ier
Le cadre financier pluriannuel de l'ensemble des administrations publiques
Article 2: Définition de l'objectif à moyen terme (OMT) et de la trajectoire de solde structurel
Amendements de suppression CF24 de M. Éric Coquerel et CF32 de M. Nicolas Sansu.
Beaucoup, au sein de la commission des finances, constatent que les prévisions de croissance et d'inflation ne sont pas bonnes et que, dès lors, l'exécution des objectifs sera insincère.
Ce que nous avons constaté, c'est que lorsque le secteur privé s'effondre en période de crise, l'État intervient pour le faire tenir. Cet été, nous n'étions pas d'accord pour des mesures et des aides ponctuelles car nous voyions bien que la crise allait durablement s'installer. Or on nous dit ici qu'il va falloir réduire de manière drastique les dépenses, qu'il y aura de moins en moins d'aides publiques alors que la crise s'installe. En fin de compte, vous n'obtiendrez pas la réduction des dépenses publiques car l'État devra intervenir pour éviter que le secteur privé ne coule.
Nous vous proposons de supprimer cet article d'austérité. Je le répète, l'austérité, ce n'est pas le fait de proposer des budgets en réduction par rapport à l'année précédente, c'est de ne plus répondre aux besoins de la population, alors qu'ils sont en augmentation.
Nous sommes fermement opposés à la logique de programmation des finances publiques. La loi de programmation précédente a été un échec particulièrement cinglant : la crise du covid, le mouvement des gilets jaunes, l'inflation vous ont obligés à consentir quelques ajustements. Pourquoi les différentes lois de programmation ont-elles été des échecs, que le rapport Arthuis ou celui de la Cour des comptes ont acté ? Ce n'est pas par manque de volonté politique : les gouvernements étaient tous empreints de la logique néolibérale de réduction des dépenses publiques. C'est parce que ces lois se sont révélées inapplicables. Il est en effet impossible de prévoir à quel niveau sera le déficit public dans trois ans lorsque le contexte socio-économique est aussi instable et que l'État doit jouer son rôle de stabilisateur. Vous pensez que les besoins peuvent s'adapter aux prévisions, mais c'est bien le contraire. La logique de la programmation est à l'opposé de celle de la planification, plus vertueuse, car elle permet d'appréhender le temps ; oscillant entre coups de rabot, mesures antisociales et hausse mécanique des dépenses, elle ne peut être qu'un échec.
Au moins les choses sont claires, vous êtes contre la programmation. Quand un pays veut innover, quand un pays veut investir, quand un pays veut soutenir sa recherche, quand un pays veut renforcer sa défense, il est évident qu'il doit se doter d'une loi de programmation. Vous ne pouvez pas dire aux services publics, aux administrations, aux politiques publiques le 31 décembre ce qu'ils devront faire le 1er janvier.
Certains, ici ont l'air de savoir ce qu'il va se passer : je leur demande de m'écrire dès maintenant pour me dire quand la guerre en Ukraine cessera ou quand le prix du gaz baissera. Nous évoluons dans un contexte particulièrement difficile qui nous oblige à faire des hypothèses. Vous nous expliquez maintenant ce qu'il va se passer en nous disant que nous nous sommes trompés ? Désolé, je n'achète pas ! Il y a six mois, vous étiez les mêmes à critiquer notre trajectoire pour 2022. Eh bien, nous avons fait mieux que prévu, avec une croissance de 2,7 % !
Tout le monde est d'accord pour dire que jamais une seule loi de programmation n'a été respectée. Mais on nous explique que c'est très important pour la crédibilité financière de la France au niveau mondial. Que je sache, la note de la France n'a pas été spectaculairement dégradée lorsque la loi de règlement n'a pas été adoptée…
Si nous ne respectons pas les lois de programmation, c'est parce qu'elles sont systématiquement fondées sur des hypothèses irréalistes. Par ailleurs, pour qu'une loi de programmation fonctionne, il faut que le Gouvernement sache où il va : lors du dernier quinquennat, le Président de la République voulait sortir du nucléaire, puis il a changé d'avis. La programmation, et les investissements qui vont avec, doivent donc suivre le cerveau du Président. Les événements exceptionnels que nous vivons imposent aussi une modification des objectifs financiers. Nos collègues du groupe GDR ont donc raison de demander le bilan de ce système que nous avons adopté en 2008, puis modifié en 2012, ainsi qu'une évaluation de l'utilité des rapports du HCFP. Le groupe Socialistes et apparentés votera la suppression de cet article.
Nous pouvons débattre du niveau de cet objectif, mais ce que vous souhaitez, c'est supprimer toute référence à cet objectif de moyen terme. En rejetant ainsi la programmation, vous rendez le texte inconstitutionnel : il s'agit en effet d'une obligation qui figure parmi nos engagements européens. Philippe Brun a expliqué que le non-respect de cette obligation n'aurait aucun impact. Je rappelle que, dans le plan national de relance et de résilience (PNRR) que la France a présenté à l'Union européenne, nous nous sommes engagés à nous doter d'une loi de programmation des finances publiques. Si nous n'adoptions pas ce texte, nous pourrions être confrontés à un retard très important dans le versement des fonds du plan de relance européen, voire à la cessation du versement d'une partie de ces fonds. Nous devons avoir cela à l'esprit.
La commission rejette les amendements de suppression.
Amendement CF3 de Mme Véronique Louwagie.
Nous voulons justement un débat sur le niveau du solde structurel. Dans la note du HCFP, il est dit que ce projet de loi est basé sur trois hypothèses favorables : que les ménages se désengagent de l'épargne ; que l'investissement des entreprises se maintienne à un niveau élevé ; que la contribution du commerce extérieur soit positive. Permettez-nous d'avoir des doutes sérieux sur la possibilité que ces trois critères soient réunis pendant les cinq prochaines années !
Nous proposons de réduire le solde structurel de 0,3 point chaque année, ce qui reviendrait à baisser les dépenses de 20 milliards sur la période 2023-2026. Vous invitez l'ensemble des Français à la sobriété énergétique. Le groupe Les Républicains demande que l'État fasse preuve d'une sobriété bureaucratique !
Nul ne prétend que la crise est derrière nous, bien au contraire, et l'inflation ne baissera probablement qu'après un pic qui devrait se situer au début de l'année prochaine. Il nous paraît donc important de continuer à soutenir le pouvoir d'achat des ménages – notamment grâce au bouclier tarifaire et à l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation – mais aussi la compétitivité des entreprises, lesquelles souffriront en effet beaucoup en 2023.
Je suis d'accord quant à la nécessité d'une réflexion collective sur les moyens permettant de faire diminuer plus rapidement notre dette et notre déficit structurel mais ce que vous proposez ne le permettrait pas, notre trajectoire prévoyant du reste, en pourcentage de PIB, une diminution de la dette et des prélèvements obligatoires.
Avis défavorable.
Nos collègues Les Républicains ont raison de soulever un tel problème.
Je l'ai dit : la France ne peut pas se payer un déficit supérieur à 1,3 % ou 1,5 % ce qui signifie, d'une part, qu'il faut arrêter de baisser les recettes – nous n'avons pas le premier sou pour supprimer la CVAE et la redevance audiovisuelle – et, d'autre part, faire des économies structurelles. Or, dans le texte, la réforme des retraites est évoquée en une ligne ! À combien s'élèvera le montant annuel des économies réalisées à partir de cette éventuelle réforme ?
Cet amendement a le mérite de nous rappeler que la loi de programmation ne respecte même pas le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, dont l'article 3 dispose que le déficit structurel annuel des APU ne doit pas être supérieur à 0,5 % du PIB en euros courants et l'article 4, que si la dette publique est supérieure à 60 % du PIB, le pays défaillant s'engage à réduire son déficit au rythme d'un vingtième par an, ce dont nous serions d'ailleurs encore très loin même avec l'adoption de cet amendement. Dans ces conditions, notre débat sur la nécessité d'être crédibles et sur l'importance de la programmation des finances publiques ou de la pluriannualité est complètement dépassé !
Nous voterons en faveur de cet amendement, qui devrait être consensuel. Nous savons tous, en effet, que la France est suradministrée, que la mauvaise dépense publique gêne un grand nombre de fonctionnaires eux-mêmes, mais aussi nos PME et nos forces vives.
Par ailleurs, j'ai proposé la création d'une mission d'information pour évaluer le coût de toutes ces agences, laquelle pourrait nous permettre de travailler ensemble à la réalisation d'économies utiles, sans risque pour le pouvoir d'achat.
Je ne comprends pas que la majorité ne soutienne pas cet amendement raisonnable et précis, qui s'inscrit de surcroît dans l'esprit des « Dialogues de Bercy ».
Il est en effet intéressant en ce qu'il pointe l'hypertrophie d'un certain nombre d'agences et d'opérateurs. Nous serons tous d'accord pour engager un travail à ce propos mais il n'est pas possible de proposer 20 milliards d'économies dans la loi de programmation en remettant en cause l'ajustement structurel présenté par le Gouvernement, ce qui implique de ne pas accorder de crédit au taux de croissance prévu non plus qu'aux réformes proposées et aux capacités de résilience de notre économie.
M. de Courson juge qu'il faut cesser de diminuer les recettes, or, grâce à la baisse, ces dernières années, de plus de 50 milliards des prélèvements obligatoires, les recettes ont été supérieures aux prévisions, chaque année, pour une raison simple : la diminution des impôts relance l'activité et donc la rentrée de recettes fiscales et sociales dans les caisses de l'État et de la sécurité sociale.
Nous voterons évidemment contre cet amendement : dans les conditions actuelles, 20 milliards d'économies supplémentaires, ce sont des infirmières en moins dans les hôpitaux, des enseignants en moins devant les élèves et des moyens en moins pour les collectivités territoriales, déjà à l'os.
Nous reconnaissons bien là l'atavisme de la droite, qui consiste à vouloir diminuer les dépenses publiques et à ne jamais le faire lorsqu'elle est au pouvoir.
Les propos de M. de Courson sont parfaitement sensés : nous n'avons pas les moyens de diminuer les recettes de l'État. La CVAE devrait être maintenue afin de dégager 4 milliards pour nos collectivités.
Il n'est pas question, ainsi, de brider la croissance ou de remettre en cause les réformes dont M. Lefèvre a fait état. Il ne s'agit pas non plus de faire en sorte que les infirmières ou les enseignants soient moins nombreux. Ce qui s'impose, c'est une grande simplification au service des citoyens, comme le grand débat national en avait d'ailleurs pointé la nécessité.
Voilà quelques mois, qui a dit que la France avait un État « bedonnant et malvoyant » ? Le Président de la République. Je vous propose que l'État soit désormais élancé et clairvoyant !
Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la part annuelle des coûts de production des services publics par rapport au PIB s'élève en France à 27 % contre 23,6 % en moyenne, ce qui représente 84 milliards. Nous vous proposons d'économiser un quart de cette somme.
Enfin, je rappelle qu'en octobre 2021, des députés de la majorité ont déposé une proposition de résolution invitant le Gouvernement à reconnaître, prévenir et lutter contre les risques d'épuisement administratif des Français.
Nous ne sommes pas d'accord.
Parmi les 483 opérateurs de l'État, lesquels sont inutiles, alors que nombre d'entre eux connaissent déjà de grandes difficultés pour remplir leur mission ? Est-ce l'Agence de la transition écologique, anciennement Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ? Est-ce le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), dont nous aurons encore plus besoin qu'avant ? Est-ce Météo-France ? Il ne faut pas réduire la voilure mais, au contraire, l'augmenter !
Si l'organisation est trop complexe, je suis favorable à une forme de centralisation mais, selon l'exposé des motifs de cet amendement, il conviendrait aussi de réduire « le nombre de fonctionnaires dans les administrations centrales ». Nous considérons, quant à nous, que la politique de la nation suppose des gens, dans les ministères, pour être appliquée. Dans les administrations centrales, nous avons besoin de gens qui « savent tenir la baraque » ! Il n'y a pas trop de fonctionnaires en leur sein lorsqu'il s'agit de travailler à la transition écologique ! Les agences, les administrations centrales sont à l'os !
Je le dis à mes collègues LR et RN : si vous voulez défendre la souveraineté nationale et des politiques efficaces, il n'est pas possible de se satisfaire d'un tel amendement.
Ce débat est intéressant mais rappelez-vous ce qui s'est passé entre 2010 et 2014 : la consolidation trop rapide des dépenses a nui à la reprise économique.
De plus, il convient de faire montre de vigilance avec des amendements à 20 milliards ! Oui à la discussion, mais encore faut-il que le PLF et le PLFSS suivent !
Lorsque l'on veut affaiblir la fonction publique et l'État, c'est par ce type d'amendement que l'on commence. Je me souviens du « dégraissage du mammouth » à l'époque de la gauche plurielle. Que s'est-il passé ensuite ? Moins d'enseignants à peu près à tous les niveaux. On évoque cette représentation démagogique et dangereuse du fonctionnaire bureaucrate et tatillon alors que nous avons plus que jamais besoin de l'État !
Comment laisser penser qu'il y aurait une multitude d'opérateurs et d'agences inutiles alors que chaque rapporteur spécial est confronté aux difficultés que rencontrent ces derniers pour accomplir leur mission, faute de moyens ?
Les administrations centrales servent à flécher et à contrôler les dispositions prises par l'État. La suppression de fonctionnaires, comme ce fut le cas au sein du ministère de la transition écologique, transforme l'administration en guichet qui se contente de percevoir et de distribuer l'argent – ce qui peut d'ailleurs contribuer à expliquer les difficultés rencontrées par MaPrimeRénov'.
Certains, plutôt à gauche, considèrent qu'aucun effort ne s'impose en matière de simplification et de réduction des effectifs, là où elles sont possibles. Tel n'est pas notre cas. Je tiens à ce propos à rendre hommage au travail accompli par Guillaume Kasbarian, rapporteur de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap), qui a permis la suppression d'une cinquantaine d'opérateurs et de comités. Depuis 2009, un tiers des opérateurs a été supprimé.
Néanmoins, ce ne sont pas des économies de 20 milliards qui résulteraient de l'adoption de cet amendement. Une réduction annuelle du déficit du solde structurel de 0,3 point, en plus des mesures que nous proposons, entraînerait en effet une diminution des dépenses de 40 milliards sur un PIB de 3 200 milliards prévu en 2027, 1 point de PIB représentant 32 milliards. Y parviendra-t-on en triant parmi les opérateurs, lorsque l'on sait que la moitié d'entre eux relève de l'enseignement supérieur et de la recherche – centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), universités, instituts régionaux d'administration (IRA), écoles d'ingénieurs ?
Des efforts peuvent être réalisés dans les administrations centrales s'agissant du nombre de fonctionnaires mais je ne suis pas sûr que cela suffise, à moins de tailler brutalement dans le vif de services publics essentiels.
Le rythme que nous avons fixé nous permettra de revenir sous le seuil des 3 % de déficit en 2027. Des efforts seront certes nécessaires mais les ordres de grandeur de cet amendement ne nous semblent pas raisonnables. Il n'est pas question de mener une politique d'austérité brutale qui génèrerait un déficit conjoncturel.
Enfin, nous savons tous depuis la campagne présidentielle que la réforme des retraites permettra d'économiser environ 8 milliards bruts à l'horizon de 2027, compte non tenu des mesures d'accompagnement – carrières longues, pénibilité, minimum contributif. J'ajoute que selon la direction générale du Trésor, le surcroît des recettes fiscales et sociales, à l'horizon de 2027, s'élèverait entre 15 et 20 milliards en raison de l'amélioration du taux d'emploi et que 400 000 emplois seraient créés.
La commission rejette l'amendement CF3.
Elle adopte l'article 2 non modifié.
Article 3 : Décomposition de la trajectoire de solde effectif entre composante structurelle, composante conjoncturelle et mesures ponctuelles et temporaires
Amendement de suppression CF33 de M. Nicolas Sansu.
La déclinaison par administration publique de la baisse des déficits proposée par le Gouvernement est inégalitaire et inadéquate aux besoins : beaucoup d'efforts sont demandés aux collectivités territoriales, pas mal le sont à la sécurité sociale et peu à l'État.
Dans quels domaines l'État doit-il faire plus d'efforts ?
Un travail exceptionnel a été accompli par la quasi-totalité des groupes politiques lors de la précédente législature afin de parvenir à cette nomenclature par administration publique. Avant, nous ne disposions pas de telles informations ! Un amendement pour les supprimer, si vous me permettez la formule, c'est un peu « rock'n'roll ».
Par ailleurs, l'évolution des dépenses publiques en volume figurant au tableau que vous voulez supprimer montre que la baisse des dépenses de l'État est deux fois plus forte que celles des administrations locales.
Ne cassons pas le thermomètre : nous avons besoin d'une telle visibilité. Avis défavorable.
Nous voterons contre cet amendement, qui contredit les propos précédents de M. Sansu sur l'amendement CF3 : d'une part, l'État central ne doit pas faire d'économie, d'autre part, il n'en fait pas assez par rapport aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale.
De plus, comment la gauche peut-elle toujours vouloir dépenser plus, sans distinguer les bonnes dépenses des mauvaises, étant entendu qu'avec un déficit de 150 milliards, chaque dépense supplémentaire implique d'emprunter sur les marchés financiers, donc, d'enrichir votre pire ennemi qu'est la finance ? Je ne comprends pas, mais je suis loin d'être le seul.
Parfois, on ne comprend que ce que l'on veut comprendre.
Les désaccords sont profonds, malgré le vernis social dont certains se parent. Donnez-nous les manettes cinq minutes et vous verrez que l'on changera cette méthode qui consiste à emprunter sur les marchés financiers ! En période de crise, seule la puissance publique permet de maintenir à flot l'État, les citoyens et… les entreprises privées, TPE et PME. Il faut rompre avec de tels dogmes !
Je suis satisfait de constater que le RN se plie aux objectifs de l'Union européenne. L'ambiance a bien changé, depuis quelques temps…
Nous avons besoin d'investissements publics ! Ce ne sont pas des gros mots ! Faute de tels investissements, vous en serez réduits à proposer des mesures ponctuelles pour que l'économie ne s'effondre pas.
À la fin, c'est toujours le même chantage qui revient : on nous dira que, de toute façon, les dettes sont trop importantes. Cette fois, néanmoins, nous n'aurons pas voulu d'une telle dette, nous ne l'aurons pas maîtrisée et nous ne l'aurons pas anticipée.
La commission rejette l'amendement de suppression.
Elle adopte l'article 3 non modifié.
Article 4 : Trajectoire d'effort structurel
Amendement de suppression CF34 de M. Nicolas Sansu.
L'amélioration du solde structurel se fonde sur la diminution des dépenses publiques et non sur les prélèvements obligatoires, dont la baisse est une erreur fondamentale. Nous aurons l'occasion de débattre de leur niveau mais, aussi, de leur nature – je songe en particulier aux niches fiscales et sociales dont la remise en cause, sans augmenter le niveau de ces derniers, permettrait d'orienter différemment les dépenses publiques, notamment en faveur de la transition écologique ou des collectivités territoriales.
Ces dépenses visent à protéger les Français et à favoriser le pouvoir d'achat des ménages. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement de suppression.
Elle adopte l'article 4 non modifié.
Article 5 : Mécanisme de correction
La commission adopte l'article 5 non modifié.
Article 6 : Plancher annuel des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires
La commission adopte l'article 6 non modifié.
Article 7 : Encadrement dans la durée des dépenses fiscales
Amendements CF6 de M. Joël Giraud et CF41 de M. Daniel Labaronne (discussion commune).
Dans le rapport d'information de 2019 sur l'application des mesures fiscales, j'avais proposé de borner à une durée maximale de quatre ans l'ensemble des dépenses fiscales afin de pouvoir les évaluer et, le cas échéant, de les proroger. C'est ce que je propose à nouveau.
Je salue cette volonté de bornage du stock, effective sur le flux depuis 2012, mais cela me paraît trop chronophage et pas très crédible avec un stock de 350 dépenses fiscales.
Je vous propose un retrait de vos amendements afin que vous puissiez mieux les calibrer en vue de la séance publique.
Les amendements CF6 et CF41 sont successivement retirés.
Amendement CF51 de M. Joël Giraud.
Il convient de rendre obligatoire une évaluation des dépenses fiscales lors de leur prorogation, notamment afin de favoriser l'information du Parlement.
Suivant l'avis du rapporteur général, la commission adopte l'amendement CF51.
Elle adopte l'article 7 modifié.
Après l'article 7
Amendement CF54 de M. Mathieu Lefèvre.
Le Parlement connaît désormais la part des dépenses fiscales pour chaque mission budgétaire. Celle-ci peut représenter jusqu'à 60 ou 70 % des crédits.
Dans un souci de rationalisation, l'amendement vise à réduire de 10 % le ratio entre les dépenses fiscales et les dépenses du budget général au terme de la loi de programmation.
On dit souvent de prendre garde au chien qui se cache dans chaque niche, prêt à mordre mais les niches sont d'abord la conséquence d'impôts trop élevés.
Je partage l'objectif d'une baisse du ratio. Néanmoins, l'objectif de 10 % me semble trop élevé. Je vous invite à retirer votre amendement pour travailler sur une solution intermédiaire en vue de la séance publique.
L'amendement CF54 est retiré.
Article 8 : Plafond des taxes affectées
Amendement CF58 de M. Mathieu Lefèvre.
Depuis la loi de finances pour 2012, les taxes affectées font l'objet d'un plafonnement. L'amendement vise à supprimer les possibilités de dérogation à ce principe.
Je comprends l'objectif que vous recherchez. Toutefois, je suis sceptique sur l'interdiction faite à un tiers de percevoir une taxe affectée sans limitation quand bien même le plafond serait proche du rendement envisagé.
Il n'est pas souhaitable de modifier l'encadrement juridique des taxes affectées avant l'entrée en vigueur, prévue lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2025, des dispositions de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques qui doivent réduire leur nombre.
Monsieur Lefèvre, le taux de prélèvements obligatoires n'a pas baissé depuis 2017. L'amendement est sympathique – il augmente de 8 milliards d'euros les recettes fiscales – mais il n'a aucune portée puisque l'échéance fixée est lointaine. C'est dans le projet de loi de finances qu'il faut s'attaquer aux dépenses fiscales et pas seulement à quelques-unes – depuis des années, nous nous cassons les dents en suivant cette voie. L'objectif d'une réduction globale de 5 % des dépenses fiscales me semble raisonnable, à charge pour le Gouvernement d'appliquer cette baisse à chaque niche pour tenir les chiens. J'ai déposé un amendement en ce sens.
L'amendement CF58 est retiré, de même que l'amendement CF59.
La commission adopte l'article 8 non modifié.
Après l'article 8
Amendements identiques CF8 de M. Michel Castellani et CF23 de M. Mohamed Laqhila.
L'amendement vise à inscrire dans la future loi de programmation sur l'énergie et le climat une trajectoire des finances publiques en matière de climat et de biodiversité. Pour atteindre nos objectifs dans ces domaines, notre économie nécessite une transformation profonde.
Les financements dédiés au climat et à la biodiversité sont encore insuffisants et leur pérennité n'est pas assurée. Il est essentiel de renforcer la crédibilité de la transition écologique en lui garantissant des moyens, quelles que soient les circonstances, et de la visibilité afin de limiter les incertitudes qui freinent la construction du modèle économique que nous appelons de nos vœux.
Alors que nous nous apprêtons à adopter le troisième budget vert, la définition d'une trajectoire des finances publiques en matière de climat et de biodiversité semble bienvenue.
Je suis ennuyé. Je partage totalement l'objectif d'améliorer la visibilité en matière de transition écologique. Je rappelle toutefois l'existence d'un rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État qui comporte trois parties : le budget vert ; la consolidation des financements publics et privés en faveur de la transition écologique ; le panorama des ressources publiques et de la fiscalité à caractère environnemental.
La future loi de programmation est-elle le bon outil pour atteindre vos objectifs et contribuer à la planification ? Ce type de texte donne de la visibilité mais est dépourvu de caractère contraignant, à la différence des lois de finances.
Je vous suggère de retirer les amendements et je me tiens à votre disposition pour travailler en vue de la séance publique sur ce point.
( LFI-NUPES). Pendant la campagne électorale, le Président de la République a annoncé 50 milliards d'euros sur cinq ans d'investissements dans la transition écologique. Or nous n'en trouvons trace ni dans les documents adressés à la Commission européenne ni dans les textes que nous examinons.
Si la loi de programmation n'est pas contraignante, quel est l'intérêt d'en débattre ? Il est aussi nécessaire de fixer une trajectoire en matière de transition écologique que pour les finances publiques. Un effort de planification des investissements similaire se justifie pleinement.
Nous nous accordons sur l'objectif d'une planification des investissements nécessaires à la transition écologique.
Doit-on inscrire dans la LPFP une injonction à adopter une loi de programmation sur le climat ? D'abord, sur le plan juridique, une telle injonction à l'égard du législateur pose problème. Ensuite, la mission Écologie, développement et mobilité durables donne déjà des indications sur la trajectoire. Toutefois, je suis prêt à travailler avec vous sur des outils donnant une plus grande visibilité en complément du budget vert.
La commission rejette l'amendement CF8, l'amendement CF23 ayant été retiré.
Amendements identiques CF7 de M. Michel Castellani, CF22 de M. Mohamed Laqhila et CF29 de Mme Charlotte Leduc, amendement CF67 de Mme Julie Laernoes (discussion commune).
L'idée est la même que dans le précédent amendement, donc l'issue du vote le sera aussi certainement.
( LFI-NUPES). L'amendement vise à instituer une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la transition écologique.
Nos objectifs en matière climatique exigent une transformation profonde de notre économie que nous devons programmer et accompagner pour la réussir.
Le président de la République s'est engagé à instaurer une programmation des investissements, secteur par secteur, territoire par territoire. C'est l'occasion d'honorer ses engagements et de définir la trajectoire des finances publiques pour les secteurs clefs de la transition, les moyens des opérateurs publics, les aides aux collectivités territoriales et aux ménages, les objectifs de réduction des dépenses publiques néfastes pour le climat et la biodiversité ainsi que le verdissement des différentes catégories de dépenses – dotations de l'État aux collectivités, soutien aux entreprises, et aide publique au développement.
Ce texte a vocation à renforcer la crédibilité de la transition écologique mais surtout à aider l'État et les acteurs concernés à se projeter dans l'avenir.
Pour atteindre nos objectifs en matière d'adaptation au changement climatique, le budget vert et les autres documents d'information sont bienvenus mais il est indispensable d'adresser un signal au monde économique sur les investissements et la trajectoire planifiés.
À titre d'exemple, nombre de ministres ont souligné que le secteur de la rénovation énergétique et thermique des bâtiments n'était pas prêt pour donner corps aux investissements envisagés. Sans planification ni programmation des investissements en lien avec les acteurs concernés, nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs.
Il y a un paradoxe à, d'un côté, refuser de voter le projet de LPFP, qui prévoit des investissements verts ainsi que, dans l'article 14, une amélioration de 10 % du ratio entre dépenses favorables et défavorables à l'environnement, et, de l'autre, à réclamer une loi de programmation des finances publiques en matière de climat et de biodiversité.
Je le répète, nous partageons la préoccupation d'une meilleure visibilité en matière de transition écologique. Nous devons étudier comment la LPFP et la loi de programmation sur l'énergie et le climat peuvent y répondre. Je doute de l'utilité d'un outil législatif supplémentaire.
Le budget vert ne répond pas à l'objectif de visibilité et ne concerne qu'une faible part des dépenses.
Vos ambitions en matière de planification écologique relèvent à ce stade de la communication. En effet, vous refusez l'outil concret que nous vous proposons pour la mettre en œuvre.
Enfin, j'espère que la loi de programmation sur l'énergie et le climat comportera un volet financier. On ne peut pas clamer sans cesse l'importance de la transition écologique et ne jamais allouer les moyens nécessaires pour la mener à bien. Preuve de votre double discours, les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables ne sont pas au rendez-vous.
Le Graal en matière de transition écologique est de prendre en considération la dimension écologique dans toute trajectoire financière et non de séparer les deux. C'est le sens du Pacte vert européen et du budget vert. Ce dernier peut sans doute être amélioré, il est d'ailleurs envisagé de l'étendre progressivement aux recettes.
L'article 14 est une excellente illustration de la méthode que nous devons privilégier. Il est paradoxal de refuser un texte dont les dispositions satisfont vos préoccupations.
La commission rejette les amendements CF7, CF22, CF29 et CF67.
CHAPITRE II
Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques centrales
Article 9 : Objectif de dépenses de l'État
La commission adopte l'article 9 non modifié.
Article 10 : Objectif d'exécution des schémas d'emplois pour la période 2023-2027
Amendement de suppression CF25 de M. David Guiraud.
( LFI-NUPES). Cet amendement vise à contester l'objectif absurde de stabilité des schémas d'emploi de 2022 à 2027 que fixe l'article. Pas un fonctionnaire de plus n'est prévu d'ici à 2027 alors que les services publics sont déjà dans un état de détresse absolue, en particulier dans les territoires ruraux et les quartiers populaires – fermetures de services d'urgence, salles de classe surchargées, accès aux droits toujours plus restreint.
Malgré la croissance prévisible des besoins pour faire face aux défis de la planification écologique, de la rénovation énergétique des bâtiments, de la remise à niveau de notre système de santé et de la réparation du tissu social, le Gouvernement propose pour seul horizon l'agonie des services publics, et ce avec une certaine malhonnêteté puisqu'il annonce 11 000 créations d'emplois en 2023, ce qui paraît pour le moins contradictoire.
Les uns nous reprochent un budget d'austérité, les autres un excès de dépenses. La stabilité des effectifs traduit l'équilibre que nous essayons de trouver.
Vous avez raison, dans certains domaines, le nombre de fonctionnaires devra augmenter pour répondre aux urgences et assurer de nouvelles missions. Mais, dans d'autres domaines, on peut envisager une baisse des effectifs. Ainsi, lorsqu'à la fin du quinquennat, le nombre d'enfants scolarisés aura diminué de 500 000, faudra-t-il autant de professeurs qu'aujourd'hui ? Il est sans doute possible tout en augmentant le ratio par élève – ce que nous faisons depuis cinq ans – d'abaisser légèrement le nombre d'enseignants à la fin de la période.
En outre, des gains de productivité sont possibles dans des services où les tâches ont été automatisées ou dématérialisées. Avis défavorable.
( SOC). Selon Aristote, le fait de traiter des situations inégales de manière égale est la meilleure façon d'accroître les inégalités.
Au sein de la République, en particulier en outre-mer, certaines situations sont plus compliquées que d'autres. Le maintien des effectifs d'enseignants, en dépit de la baisse du nombre d'élèves, permettra une meilleure prise en charge de ces deniers dans les zones en grande difficulté, notamment celles qui accueillent des enfants de nationalité étrangère.
La commission rejette l'amendement de suppression.
Amendement CF44 de M. Daniel Labaronne.
L'amendement vise à fixer un objectif plus ambitieux de réduction des effectifs des opérateurs de l'État – 5 % –, notamment grâce à la fusion d'opérateurs redondants.
Vous avez refusé, avec des arguments spécieux, l'amendement consensuel de Mme Louwagie qui était précis tant dans ses objectifs que dans les modalités de réduction de dépenses stériles et contre-productives.
Là vous proposez un amendement qui est exactement ce qu'il ne faut pas faire – vous l'avez reconnu précédemment – : le coup de rabot aveugle. Votre position est incompréhensible.
Comme vous nous y invitez, monsieur le rapporteur général, nous nous sommes appuyés, pour rédiger notre amendement, sur un rapport de la mission d'évaluation des relations entre l'État et ses opérateurs dont Lise Magnier et Jean-Paul Mattei étaient les rapporteurs. Il y était proposé de renforcer la fiabilité de la fonction financière en fluidifiant le fonctionnement des organes délibérants et en réduisant les plafonds d'emplois des opérateurs lorsque les emplois vacants dépassaient un certain pourcentage des emplois autorisés.
L'amendement CF44 est retiré.
La commission adopte l'article 10 non modifié.
Article 11 : Plafond des autorisations d'emplois pour le budget général et les opérateurs de l'État
Amendement CF55 de M. Charles Sitzenstuhl.
Inspiré par le rapport de la Cour des comptes et les travaux précités de la mission d'évaluation, l'amendement vise à substituer au taux de 5 % celui de 3 % de la consommation d'emplois constatée dans la loi de règlement pour déterminer le plafond d'emplois des opérateurs pour l'année suivante.
Le passage à 3 % me semble un peu brutal. Je propose de revoir l'amendement en vue de la séance pour décaler à la fin de la période la réalisation d'un tel objectif.
L'amendement CF55 est retiré.
La commission adopte l'article 11 non modifié.
Article additionnel après l'article 11 : Évaluation des compétences des opérateurs de l'État
Amendement CF56 de M. Charles Sitzenstuhl.
S'agissant des opérateurs de l'État, nous disposons de nombreuses évaluations sectorielles et d'informations utiles dans le jaune budgétaire mais il manque des travaux sur leurs compétences et leurs missions.
L'amendement vise à demander au Gouvernement un état des lieux des doublons et enchevêtrements de compétences entre les opérateurs de l'État, entre les opérateurs et l'État, ainsi qu'entre les opérateurs et les collectivités territoriales. Le rapport, attendu au plus tard pour le 1er septembre 2023, servira de base à des propositions de rapprochement entre les opérateurs.
C'est une bonne pratique qui nous permettra de prendre de bonnes décisions. Avis favorable.
Je salue la volonté de la majorité de travailler sur cette question et d'envisager une réduction du nombre d'opérateurs. Je suis favorable à ce que le jaune relatif aux organismes divers d'administration centrale (Odac), actuellement incomplet, comporte une information plus détaillée – en cela, cet amendement va dans le bon sens – mais la meilleure manière d'éviter les dérives, en termes de dépenses, est d'arrêter de créer de telles structures. Or, ces cinq dernières années, nous avons été champions du monde en matière de création d'opérateurs. Le dernier annoncé est France Travail ; auparavant, nous avons eu l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l'Agence de l'innovation de défense (AID), le secrétariat général pour l'investissement (SGPI)… Je ne vois pas de volonté claire de la majorité de cesser ses effets d'annonce en créant des agences performatives. À vous entendre, on réduit le chômage en créant France Travail, on résout le problème de l'absence de planification en créant un haut-commissariat au plan… Tout cela ne fonctionne pas.
Le rapport de M. Mattei et de Mme Magnier ainsi que l'étude de la Cour des comptes ont montré une baisse tendancielle du nombre d'opérateurs depuis plusieurs années. Nous sommes donc sur la bonne trajectoire. Certes, nous pouvons encore améliorer les choses, mais les opérateurs créés lors du quinquennat précédent étaient en réalité souvent issus de fusions ou de rapprochements entre opérateurs existants.
Monsieur le président, monsieur Guiraud, j'ai été assez étonné par votre plaidoyer en faveur des opérateurs et des agences, car je me souviens d'avoir appris en cours d'économie que le concept d'agencification de l'État venait du new public management. Il est savoureux de constater qu'en 2022, la gauche antilibérale défend la création d'opérateurs de l'État – je me demande bien pourquoi…
La commission adopte l'amendement CF56.
Article 12 : Programmation du budget de l'État pour chaque mission du budget général en crédits de paiement
La commission adopte l'article 12 non modifié.
Article 13 : Montant maximal des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales pour la période 2023-2027
La commission adopte l'article 13 non modifié.
Article 14 : Évolution du ratio entre les dépenses défavorables et les dépenses mixtes ou favorables
Amendement CF53 de M. Alexandre Holroyd.
L'article 14, qui prévoit de réduire de 10 % le ratio entre dépenses brunes et dépenses vertes par rapport au budget 2022, prend en compte le bouclier tarifaire. Nous proposons de préserver l'ambition de l'article en excluant des calculs les dépenses relatives à ce bouclier, dont il faut bien garder à l'esprit qu'il est limité dans le temps.
Je partage votre objectif, mais il me semble que votre amendement est satisfait. Peut-être le ministre pourra-t-il nous le confirmer.
J'entends parfaitement votre préoccupation, qui est effectivement satisfaite puisque la loi de finances pour 2022 intégrait uniquement la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) et ne prévoyait donc pas encore de crédits budgétaires au titre du bouclier tarifaire.
L'amendement CF53 est retiré.
La commission adopte l'article 14 non modifié.
Article 15 : Instrument de pilotage des dispositifs d'aides aux entreprises
Amendements CF46 de M. Daniel Labaronne et CF52 de M. Joël Giraud (discussion commune).
L'amendement CF46 tend à limiter de manière plus stricte les aides économiques visant à soutenir un secteur d'activité en fixant la durée de tout dispositif de ce type à trois ans.
L'amendement CF52 vise le même objectif mais sa rédaction est plus synthétique. Comme M. Labaronne en est également signataire, je ne doute pas que, quel que soit le choix qui sera fait, il sera heureux.
La commission adopte l'amendement CF52, l'amendement CF46 ayant été retiré.
Amendement CF75 de M. Daniel Labaronne.
Il s'agit là encore de borner de manière plus stricte les aides économiques visant à soutenir un secteur d'activité en fixant la durée de tout dispositif de ce type à trois ans et en conditionnant toute extension supplémentaire à une évaluation prouvant l'opportunité de ce prolongement.
Nous n'avons aucune idée du stock de mesures en vigueur ; le vote d'une telle disposition nécessiterait donc un travail préparatoire très important. Par ailleurs, cela créerait une certaine insécurité pour les entreprises, qui ont au contraire besoin de visibilité. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement CF75.
Elle adopte l'article 15 modifié.
CHAPITRE III
Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques locales
Article 16 : Objectif d'évolution des dépenses locales de fonctionnement pour l'ensemble des collectivités locales
Amendements de suppression CF26 de Mme Charlotte Leduc et CF35 de M. Nicolas Sansu.
En pleine crise énergétique, il ne nous paraît pas opportun de demander aux collectivités de réduire ou de contenir leurs dépenses de fonctionnement. Comme leur nom l'indique, celles-ci permettent aux collectivités de fonctionner, donc de payer notamment l'électricité, le chauffage, les cantines scolaires… Si nous leur demandons de limiter leurs dépenses de fonctionnement, les collectivités devront ponctionner leurs dépenses d'investissement, et nous affaiblirons alors le premier investisseur du pays.
Je m'exprime avec un peu de colère car je viens de recevoir, par texto, des nouvelles d'un lycée qui demande depuis plusieurs années des conseillers principaux d'éducation (CPE) – je rappelle que la rémunération des personnels non enseignants est imputée sur les dépenses de fonctionnement des établissements scolaires. Ce matin, des élèves sont arrivés avec des machettes mais il n'y avait pas assez de personnel encadrant pour gérer la situation. Je veux bien que l'on parle de l'insécurité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur les chaînes d'information en continu, mais voilà une conséquence concrète de la réduction des dépenses de fonctionnement.
Nous savons très bien quelles seront les dépenses de fonctionnement rognées. Je pense notamment à l'aide sociale à l'enfance : des gamins seront abandonnés de plus en plus tôt, avec un suivi insuffisant. Un très grand nombre de ces jeunes laissés sur le côté finiront SDF. C'est pourquoi nous sommes radicalement opposés à l'article 16.
Nous refusons également la baisse réelle des dépenses de fonctionnement des collectivités – je parle de baisse réelle car l'augmentation autorisée sera inférieure à l'inflation. Cette logique de baisse des dépenses de fonctionnement, déjà expérimentée au travers des « contrats de Cahors », s'est avérée particulièrement délétère. Avec l'article 16 et l'article 23 instituant les contrats de confiance, vous allez affaiblir un peu plus les collectivités, qui subissent déjà de plein fouet l'explosion des coûts de l'énergie et supporteront peut-être aussi de futures hausses du point d'indice au vu de l'inflation prévue en 2023. Pour atteindre vos objectifs budgétaires, vous demandez trop d'efforts à nos collectivités. Ce n'est pas acceptable. Nous demandons donc la suppression de la trajectoire proposée.
Il faut essayer d'être le plus objectif possible pour prendre la bonne décision.
Contrairement à ce que je viens d'entendre, l'article 16 ne prévoit pas une baisse des dépenses de fonctionnement mais une moindre hausse de ces dépenses.
Lorsqu'une collectivité contraint légèrement ses dépenses de fonctionnement, elle augmente sa capacité d'autofinancement et donc ses possibilités d'investissement. Ainsi, les contrats de Cahors ont effectivement permis de faire progresser les dépenses de fonctionnement un peu moins vite que l'inflation, et l'impact a été tout à fait positif puisque les investissements des collectivités ont augmenté de façon significative – les chiffres sont disponibles dans les rapports de la Cour des comptes et de la Banque postale.
Certes, les contrats de Cahors ont été très critiqués, mais ce que nous prévoyons aujourd'hui n'a rien à voir – nous en reparlerons lorsque nous aborderons l'article 23. En réalité, la question fondamentale est la suivante : les collectivités territoriales doivent-elles participer au redressement de nos finances publiques sur cinq ans ? Toutes les associations répondent par l'affirmative : elles veulent participer à l'« effort de guerre », si vous me permettez l'expression. En ont-elles la possibilité ? Je le crois. Je vous renvoie aux chiffres très objectifs communiqués par les instituts, par la Cour des comptes et par le Comité des finances locales (CFL) présidé par André Laignel : la capacité d'autofinancement des collectivités territoriales a atteint en 2021 le niveau record de 40 milliards d'euros. La baisse anticipée pour 2022 est de 4 %, selon les chiffres de la Banque postale : aussi les collectivités devraient-elles avoir, à la fin de l'année, une capacité d'autofinancement légèrement inférieure à 40 millions d'euros.
La situation sera-t-elle difficile pour les collectivités territoriales l'année prochaine ? Oui, et elle le sera aussi pour l'État français, pour les entreprises et pour tout le monde. Il faut partager cet effort entre les différentes administrations – c'est une question de responsabilité. L'effort de 0,5 point peut vous paraître important, mais il me semble équilibré et les collectivités elles-mêmes y sont prêtes.
Il est un peu téméraire d'affirmer que la quasi-totalité des associations auditionnées étaient favorables à une augmentation de leurs dépenses de fonctionnement inférieure de 0,5 point au niveau de l'inflation. C'est plutôt l'inverse qu'elles nous ont dit, quelles que soient leurs tendances politiques.
L'article 16 fixe l'objectif de maîtrise de la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités pour les années 2023 à 2027, tandis que l'article 23 décline le mécanisme qui permet de garantir cette maîtrise.
Le fait de fixer un objectif est-il nouveau ? Non : de telles trajectoires étaient déjà tracées dans les lois de programmation précédentes. L'objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) existe depuis 2015, et nous avons d'ailleurs constaté qu'il a été respecté par les collectivités.
Certaines interventions que je viens d'entendre m'ont donné le sentiment que les collectivités ne seraient pas du tout conscientes de la nécessité de maîtriser la progression des dépenses de fonctionnement. Nous avons pourtant rencontré, avec Christophe Béchu et Caroline Cayeux, l'ensemble des associations d'élus pour échanger sur cette question, et toutes nous ont dit qu'elles étaient conscientes de cette nécessité, ne serait-ce que pour garder des marges de manœuvre pour investir, dans les années qui viennent, et opérer la transition écologique.
L'article 16 vise non pas à baisser les dépenses, comme je l'ai entendu, mais à maîtriser la progression des dépenses. Les collectivités locales dépenseront 31 milliards d'euros de plus au cours des cinq années à venir. Certes, cette augmentation sera en dessous du niveau de l'inflation, mais toutes les dépenses des collectivités ne seront pas touchées par cette dernière. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen du PLF : les dépenses d'énergie représentent 2 % du budget total des collectivités. La règle prévue pour ces dernières est d'ailleurs du même ordre que celle prévue pour l'État dans le projet de loi de programmation.
Certaines associations d'élus ont déclaré que cet objectif leur semblait atteignable. Je vous renvoie, monsieur le président, au communiqué de presse publié par Départements de France et son président, M. François Sauvadet : l'association « s'accorde sur la nécessité de travailler ensemble à une trajectoire de maîtrise des dépenses publiques qui relève pour l'essentiel de l'État et de diminuer les dépenses de 0,5 % par rapport à l'inflation prévisionnelle ». Elle explique ensuite qu'il faut évidemment tenir compte d'un certain nombre de dépenses non pilotables par les départements – nous en débattrons lors de l'examen des prochains amendements, qui évoqueront notamment la question des allocations individuelles de solidarité (AIS). Les collectivités sont donc parfaitement lucides et responsables.
L'investissement des collectivités est préservé. Ainsi, le Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) est passé de 5,7 milliards d'euros en 2017 à 6,7 milliards cette année ; on prévoit même 7,4 milliards en 2027.
En somme, l'article 16 vise à réitérer un objectif qui avait déjà été fixé et respecté par les collectivités locales, qui a fait ses preuves et qui est un gage de responsabilité collective pour la maîtrise de la progression de nos dépenses. Le mécanisme utilisé ne sera évoqué qu'à l'article 23, de même que le débat sur les contrats de Cahors.
Je suis d'accord avec le rapporteur général : il faut être objectif et éviter de mélanger des situations très différentes. On compare des régions avec des communes, des départements avec des intercommunalités… Le ministre lui-même vient d'affirmer que les dépenses d'énergie représentaient 2 % du budget des collectivités ; or certaines communes se trouvent privées de bouclier tarifaire parce que leurs dépenses de fonctionnement dépassent 2 millions d'euros ou parce qu'elles emploient plus de dix collaborateurs.
Par ailleurs, ne sous-estimons pas les effets de l'inflation sur les rémunérations, les tarifs de l'énergie et le coût des travaux, qui compliqueront de plus en plus le bouclage des budgets au cours des prochaines années.
Lorsque vous mettez en avant la nécessité de faire participer les collectivités au redressement de nos finances publiques, vous ne tenez pas compte du fait que celles-ci sont tenues de présenter un budget en équilibre. Elles ne participent donc jamais à la dérive de nos comptes publics, contrairement à l'État qui, cette année encore, va devoir financer 158 milliards d'euros de déficit et, en comptant les refinancements, 270 milliards d'euros de dette.
Les collectivités du bloc communal, en particulier les intercommunalités, vont se trouver en grande difficulté pour investir, ce qui se répercutera sur notre cadre de vie, les services publics, le secteur du bâtiment et, plus généralement, notre économie. Ces collectivités ne sont absolument pas aidées ni protégées. Je ne dis pas qu'il faut subventionner à 100 % leurs dépenses d'énergie, mais qu'il faut davantage leur donner les moyens d'investir, par exemple, pour acquérir une souveraineté locale et atteindre l'autosuffisance en matière énergétique.
Je partage en grande partie les propos de M. Di Filippo quant à l'hétérogénéité des collectivités territoriales, tant dans leur strate que dans leur niveau – régions, départements, bloc communal. L'étude de la Banque postale citée par notre rapporteur général prédit justement une baisse de la capacité d'autofinancement, notamment du bloc communal, qui subit le plus l'augmentation des prix de l'énergie et de l'alimentation – on voit bien les difficultés auxquelles sont actuellement confrontées les cantines scolaires. Il ne faut donc pas mettre toutes les collectivités dans le même panier.
Nous avons adopté un dispositif de filet de sécurité qui s'appuie sur la baisse de la capacité d'autofinancement des collectivités. Même si je le considère comme inopérant, il montre bien que vous avez anticipé cette tendance. Qui dit baisse de la capacité d'autofinancement dit baisse des investissements, dans les deux à trois années à venir, ce qui est dramatique tant pour l'emploi local que pour notre capacité à répondre aux défis énergétiques, écologiques et sociaux. Nous n'avons pas encore pris toute la mesure de ce qui se passe dans les collectivités.
Enfin, monsieur le ministre, vous mettez en avant une déclaration de M. Sauvadet, mais neuf associations du bloc communal – l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), l'Association des maires de l'Île-de-France (Amif), l'Association des maires ruraux de France (AMRF), l'Association des petites villes de France (APVF), Villes de France, l'Association des maires ville et banlieue de France, Intercommunalités de France, France urbaine et l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS) – viennent de lancer un appel commun pour vous demander une compensation de la hausse des prix des énergies et, plus généralement, de l'inflation. Nous ne pouvons y rester sourds. Pourquoi ne pas créer une dotation d'autofinancement fondée sur le principe de péréquation verticale ?
Le fardeau de l'inflation doit évidemment être partagé. Le ministre et le rapporteur général l'ont dit : l'État ne peut pas assumer seul et compenser à l'euro près l'ensemble des coûts liés à l'inflation supportés par les collectivités et les entreprises. Mais cela ne veut pas dire pour autant que l'État ne doit pas aller au secours des plus petites collectivités, notamment, qui se trouvent en difficulté du fait de dépenses qu'elles ne peuvent assumer. C'est tout le sens de l'action que nous avons menée l'été dernier, avec le rapporteur général, en créant un filet de sécurité de 430 millions d'euros qui sera opérationnel dans les prochains jours et en compensant intégralement la revalorisation du RSA pour les départements.
Il est absolument faux de parler de baisse des dépenses de fonctionnement. L'inflation est prévue à 4,3 % ; si l'on retire 0,5 point, cela fait 3,8 %. Les dépenses de fonctionnement des collectivités continueront donc à augmenter. Ne dites pas, monsieur Guiraud, que ce budget permettra aux élèves de rentrer dans les écoles avec des machettes !
Il faut enfin souligner que l'État maintient à des niveaux historiquement hauts l'ensemble des dotations destinées aux collectivités en faveur de l'investissement et de la transition énergétique, notamment. La dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) sont maintenues à plus de 2 milliards d'euros, tandis que le nouveau fonds pour accélérer la transition écologique des collectivités sera doté de 1,5 milliard d'euros. Essayons donc d'être un peu moins caricaturaux !
Nous ne sommes certes pas élus dans les mêmes territoires, mais il est des endroits où ce que décrit M. Guiraud ne relève pas de la caricature. Dans ma circonscription, les systèmes sanitaire, médico-social et scolaire sont en train de s'effondrer. Un animateur s'est fait poignarder par un jeune dans un centre d'éducation spécialisée parce qu'il n'y a plus assez de personnel et qu'il doit gérer seul une classe de trente élèves. Nous recevons dans nos permanences des gens qui viennent nous raconter tout cela. Excusez-nous de décrire la réalité de certains territoires difficiles ! La France est hétérogène : toutes les collectivités ne sont pas les mêmes, et elles ne souffrent pas toutes du même taux de chômage – il est de 29 % chez moi.
Je ne sais pas quels représentants des collectivités vous avez rencontrés mais, de notre côté, nous constatons que vos réformes ne suscitent pas l'enthousiasme. Les élus de toutes les collectivités de Seine-Maritime, réunis il y a deux jours, nous ont dit qu'ils étaient terrifiés et qu'ils avaient déjà fait tous les efforts possible pour être plus économes. On commence à leur prendre le strict nécessaire dont ils ont besoin pour exercer leurs missions de plus en plus nombreuses. André Laignel, vice-président de l'AMF, a même rebaptisé votre contrat de confiance « contrat de méfiance ».
Pour respecter les exigences gouvernementales, les collectivités devraient économiser 1 milliard d'euros en 2023, 2 milliards en 2024, 3 milliards en 2025, 4 milliards en 2026 et 6 milliards en 2027. Vous voyez bien que cela ne tient pas ! Les élus de toutes les collectivités, de gauche comme de droite, disent qu'ils ont peur de votre réforme. Ce discours n'est pas celui de gauchistes qui exagèrent, mais celui de maires ruraux appartenant à tous les partis, même de droite.
Nous aurons sans doute en séance un débat important au sujet des collectivités territoriales, qui sont des acteurs économiques au même titre que les entreprises et les ménages. L'inflation qui pèse sur les ménages et les entreprises affecte évidemment aussi les collectivités – je dirais même qu'elle les affecte encore plus, parce que le panier des maires est plus important que celui des ménages. M. Lefèvre le sait très bien.
En 2014, j'avais soutenu la mise à contribution des collectivités dans le cadre de l'effort de redressement des comptes publics, mais j'avais combattu la pratique malheureuse du coup de rabot uniforme. En effet, tout le monde l'a dit ce matin, il y a une très grande hétérogénéité entre les différentes catégories de collectivités et à l'intérieur même de ces catégories. La situation n'est pas du tout la même d'une région à l'autre ou d'un département à l'autre ; il en est de même au sein du bloc communal. Méfiez-vous des moyennes qui, s'agissant de collectivités locales, ne veulent absolument rien dire.
Vous vous félicitez que le pacte de Cahors ait été respecté. Il l'a été, en effet, y compris par les nombreuses collectivités qui n'y étaient pas soumises. Cela montre bien que les élus locaux ne sont pas hors sol et qu'ils ont tout à fait conscience de la situation. Depuis des années, ils s'acharnent à tenter de maîtriser leurs dépenses publiques tout en maniant le levier fiscal, lorsqu'ils en disposent encore, avec parcimonie.
On parle toujours de mesures de bon sens. Or le fait de mettre dans le même panier l'ensemble des collectivités territoriales, l'ensemble des mairies de France, et de considérer qu'elles doivent toutes participer au désendettement de l'État est totalement hors sol. Il est vrai que certaines communes se portent plutôt bien financièrement, souvent parce qu'elles ont des projets dont elles anticipent la mise en œuvre, en milieu rural, malgré l'absence de soutien – elles s'autofinancent. D'autres communes, en revanche, se portent très mal. Quoi qu'il en soit, il est inadmissible de taper encore une fois sur les mairies, qui tentent de préserver un équilibre budgétaire très précaire. Elles subissent un élargissement continu de leurs compétences, sans que les financements suivent forcément, ainsi que la hausse des tarifs des énergies. Certes, ce poste de dépenses n'est pas le plus important dans un budget municipal, mais il explose, surtout pour certaines toutes petites communes qui ont du mal à faire face à cette situation. L'État s'endette du fait de sa mauvaise gestion : il doit donc résorber sa dette tout seul.
Je suis d'accord avec beaucoup de choses qui ont été dites.
En effet, monsieur Di Filippo, les situations sont très différentes ; c'est pourquoi l'article 23 n'assigne pas un objectif individualisé à chaque collectivité, contrairement à ce que faisaient les contrats de Cahors. Nous sommes donc obligés de donner des moyennes. Personne ne dit que toutes les collectivités territoriales se portent bien ! Nous savons que certaines d'entre elles se trouvent en grande difficulté, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous votons chaque année des mesures spécifiques pour les aider – nous le ferons encore cette année, s'agissant en particulier du bouclier énergétique.
Nous ne diminuons pas les recettes des collectivités territoriales. Les plus importantes sont la TVA, à hauteur de 48 milliards d'euros, et la taxe foncière, à hauteur de 40 milliards. La première augmentera l'année prochaine de 5 %, soit 2,5 milliards de recettes de plus pour les collectivités, tandis que la seconde progressera de 7 %, soit 2,8 milliards. Rien que pour ces deux recettes, les collectivités bénéficieront donc l'année prochaine de 5,3 millions d'euros supplémentaires – et c'est tant mieux. Nous essayons simplement de faire en sorte que leurs dépenses de fonctionnement augmentent un peu moins afin que leurs investissements restent plus importants.
Les dépenses des collectivités territoriales s'élèvent à 300 milliards d'euros par an, à comparer aux 500 milliards du budget général de l'État. Les ordres de grandeur sont assez proches. Nous ne pouvons donc pas définir une trajectoire d'assainissement de nos finances publiques sans y associer, d'une manière ou d'une autre, les collectivités territoriales qui, une fois de plus, partagent notre objectif.
La commission rejette les amendements de suppression.
Amendement CF60 de M. Mathieu Lefèvre.
Il s'agit de faire en sorte que l'objectif de maîtrise des dépenses des collectivités tienne compte de l'évolution de leurs recettes.
Monsieur Mauvieux, 28 000 communes sont aujourd'hui couvertes par les tarifs réglementés de l'électricité et du gaz : elles ne subiront donc qu'une augmentation limitée à 15 %.
Madame Pires Beaune, les dépenses d'énergies représentent 2 % du budget des collectivités, contre 9 % pour les ménages.
Enfin, je rappelle à tous ceux qui pensent que l'État serait un mauvais payeur ou un mauvais compensateur de dépenses transférées que les recettes de TVA augmenteront de 2,1 milliards d'euros en octobre.
La commission adopte l'amendement CF60.
L'amendement CF47 de M. Daniel Labaronne est retiré.
Amendement CF14 de M. Mickaël Bouloux.
Cet amendement proposé par l'association France urbaine vise à alléger l'effort des collectivités tout en maintenant une trajectoire de réduction de la dépense. Il s'agit de positionner le curseur de sorte à dégager un solde structurel positif sans contrecarrer l'effort d'investissement des collectivités ni demander à ces dernières d'infléchir leurs dépenses à un rythme plus important que dans la précédente loi de programmation.
Suivant l'avis du rapporteur général, la commission rejette l'amendement CF14.
Elle adopte l'article 16 modifié.
Information relative à la commission
La commission a pris acte de la démission de M. Jean-Marc Tellier de ses fonctions de co-rapporteur spécial de la mission Recherche.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 10 heures 30
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Mickaël Bouloux, M. Fabrice Brun, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Guiraud, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Marc Le Fur, Mme Constance Le Grip, Mme Karine Lebon, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Louis Margueritte, M. Christophe Marion, M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Philippe Schreck, M. Charles Sitzenstuhl, M. Bertrand Sorre, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier
Excusé. - M. Jean-Paul Mattei
Assistait également à la réunion. - Mme Julie Laernoes