Intervention de Gabriel Attal

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics :

Vous avez raison, depuis la création de cette catégorie de lois, plusieurs ministres des finances, mais aussi du budget, ont été présents en commission pour l'examen des textes. Il me semble notamment, monsieur le président, que ce fut le cas d'un de mes prédécesseurs, M. Gérald Darmanin, en 2017.

L'audition du 26 septembre, à laquelle j'ai participé avec Bruno Le Maire, nous a surtout permis d'évoquer le PLF pour 2023 et il me semblait important de dire quelques mots du projet de loi de programmation pour les finances publiques, qui vient traduire le cap que nous avons fixé afin de ramener le déficit public sous la barre des 3 % d'ici la fin du quinquennat et de stabiliser notre endettement public à partir de 2026.

L'objectif des 3 % est important : il ne s'agit ni d'un totem ni d'un diktat, comme on peut l'entendre, mais du ratio à partir duquel nous commençons à rembourser notre dette, enjeu d'importance si nous ne voulons pas la léguer, ainsi que des impôts, aux générations futures.

Nous avons réalisé cet exercice de programmation dans un environnement particulièrement instable. En outre, il n'existe jamais de certitude absolue en matière de prévisions. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour considérer que notre pays n'a pas besoin d'une trajectoire. Celle que nous vous présentons n'est pas un plan d'austérité, comme on l'entend parfois. Il s'agit simplement de fixer un cadre pour éviter les dérapages. Atteindre un tel objectif suppose de partager le même sentiment de responsabilité vis-à-vis de notre pays, de sa crédibilité, de sa capacité à tenir ses comptes, de son indépendance. Atteindre un tel objectif suppose aussi de répartir l'effort entre les administrations publiques, l'État et ses opérateurs, la sécurité sociale et les collectivités territoriales – nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de ce débat et lors de l'examen du PLF et du PLFSS.

Il s'agit également de poursuivre une trajectoire de réduction des déficits pour honorer notre dette, la stabiliser en 2026 et la rembourser en 2027. En outre, il s'agit d'une exigence européenne : la non-adoption du PLPFP pourrait entraîner un retard de versement, voire une amputation, des fonds européens du plan de relance – certains sont conditionnés à l'adoption par les différents États d'une loi de programmation des finances publiques. Enfin, le président Pierre Moscovici l'a rappelé, le HCFP s'appuie sur la loi de programmation des finances publiques dans le cadre de sa mission d'évaluation.

J'ai évidemment conscience des réserves formulées par le Haut Conseil. L'hypothèse de croissance potentielle à 1,35 % par an de 2022 à 2027 s'appuie sur les réformes structurelles que nous allons mettre en œuvre après qu'elles aient été débattues largement par le Parlement : réforme des retraites, du RSA, poursuite de la réforme de l'assurance chômage, amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, élargissement au lycée professionnel du succès de l'apprentissage, mise en place du service public de la petite enfance, suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), plans d'investissement, programme d'investissements d'avenir (PIA), plans France relance et France 2030.

La croissance potentielle n'est donc rien d'autre que le reflet de notre capacité collective à agir et à réformer le pays. Sans nier les difficultés, j'aimerais que nous ayons confiance en cette capacité collective à relever les défis : le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans, le taux de chômage des jeunes, au plus bas depuis quarante ans, le taux d'emploi au plus haut depuis qu'il est mesuré. Nous pouvons aller plus loin grâce aux réformes structurelles que nous vous proposerons.

Le rythme de rétablissement des finances publiques nous semble parfaitement adapté. Nous ne voulons pas répéter les erreurs commises en 2011-2012, avec une action procyclique, une consolidation trop rapide cassant la croissance et générant plus de dépenses qu'elle ne permet d'économies.

Certains considèrent qu'avec cette loi de programmation, nous défendrions une forme d'austérité, quand d'autres estiment que nous n'allons pas assez vite dans la consolidation des comptes. C'est la preuve d'une stratégie équilibrée, et de notre capacité à susciter l'activité économique.

Cette trajectoire, c'est aussi un contrat que le Gouvernement passe avec le Parlement – et donc avec les Français. Il s'agit de partager un cap pour mieux piloter les finances publiques et s'assurer que les lois de finances annuelles s'inscrivent dans la trajectoire dans laquelle le Gouvernement s'est engagé. La nouvelle version de la Lolf, issue de la révision dite Woerth-Saint-Martin, initiative parlementaire, a renforcé la portée de la loi de programmation pluriannuelle. Désormais, en amont du dépôt du projet de loi de finances de l'année, le Gouvernement doit justifier devant le Haut Conseil des finances publiques les éventuels écarts par rapport à la trajectoire pluriannuelle de la LPFP.

Alors que le Parlement a, à juste titre, œuvré pour renforcer son pouvoir de contrôle, il serait pour le moins baroque qu'il se prive de cet important instrument. Si nous voulons passer du « quoi qu'il en coûte », au « combien ça coûte ? », nous devons renforcer la capacité du Parlement à évaluer les dispositifs. Cela ressort également des dialogues de Bercy.

C'est pourquoi l'article 7 du projet de loi prévoit le bornage à quatre ans des dépenses fiscales. Son article 15 dispose que les créations, extensions ou prolongations d'un dispositif d'aide aux entreprises instauré après le 1er janvier 2023 ne sont applicables que pour une durée précisée par le texte qui les institue, et pour un maximum de cinq ans. Cet article prévoit aussi la remise systématique d'une évaluation. L'article 21 dispose que les conclusions des évaluations de la qualité de l'action publique sont transmises au Parlement au plus tard le 1er avril de chaque année – cette disposition est directement issue de nos échanges lors des dialogues de Bercy et nous travaillerons ensemble afin de donner un maximum de consistance à cette possibilité nouvelle.

Certes, nous pouvons avoir des divergences sur les paramètres, mais nous devrions tous être d'accord sur le fait que la sixième puissance mondiale ne peut se dérober à ses obligations de sérieux budgétaire, ainsi que de planification et de prévision de sa trajectoire de finances publiques, matérialisées par ce texte.

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