La séance est ouverte à 15 heures
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer.
Monsieur le ministre de l'Intérieur et des outre-mer, nous avons le plaisir de vous accueillir pour la première fois dans cette législature, mais vous étiez déjà un habitué de la commission des lois au cours de la précédente. Nous poursuivons le cycle d'auditions des membres du Gouvernement sur leur feuille de route, que nous avons entamé la semaine dernière avec M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
S'agissant du ministère de l'Intérieur, les sujets ne manquent pas. Vous menez des réformes structurelles et vous vous apprêtez à présenter une loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur, dite LOPMI. Vous êtes chargé de la politique migratoire, de la réforme de la police judiciaire, des réflexions relatives à l'autonomie de la Corse et de certaines collectivités d'outre-mer. Vous devez gérer les urgences quotidiennes – pour ne donner que quelques exemples de cet été : la recrudescence des incendies de forêt, la multiplication des refus d'obtempérer, la persistance des rodéos urbains.
La commission des lois a décidé de créer trois missions d'information. L'une d'elles concerne le ministère de la Justice et consiste à évaluer la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs ; M. Jean Terlier et Mme Cécile Untermaier en sont les rapporteurs. Les deux autres relèvent de votre domaine de compétences. La première, dont le rapport est confié à M. Ugo Bernalicis et à Mme Marie Guévenoux, porte sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale (DDPN), expérimentée dans huit départements métropolitains et dans les outre-mer – peut-être aurez-vous des éléments à nous apporter à ce sujet. La seconde, dont MM. Philippe Latombe et Philippe Gosselin sont les rapporteurs, a trait aux enjeux de l'utilisation d'images de sécurité dans le domaine public dans une finalité de lutte contre l'insécurité.
Ces missions d'information, qui sont à l'œuvre dès à présent, dureront en principe trois mois, au maximum six. Je m'assurerai que les rapports soient remis dans les délais.
J'ai retenu quelques questions parmi les très nombreuses que j'ai à vous poser, monsieur le ministre.
Dans le cadre de la LOPMI qui sera examinée prochainement par le Parlement, vous avez annoncé la création de 8 500 postes de policiers et de gendarmes d'ici à 2027, dont 3 000 dès 2023. Pouvez-vous nous préciser dès à présent la ventilation de ces postes entre les services de police, ceux de la gendarmerie et la préfecture de police de Paris ? Quelles tâches seront prioritairement assignées à ces agents ? Quelles villes en bénéficieront ?
J'ai une pensée, au nom de la commission des lois, pour le policier grièvement blessé hier à Anzin. Vous avez déjà dit devant notre commission qu'il y avait un refus d'obtempérer toutes les trente minutes dans notre pays, pouvant porter gravement atteinte à la santé de nombreux policiers et gendarmes. La doctrine a-t-elle évolué en la matière ? Quelles sont les consignes données aux policiers ? Quelles peuvent être les victimes civiles ? Quel est le résultat du changement de doctrine sur la protection des policiers et des gendarmes ?
Par ailleurs, nous recevons dans nos permanences un nombre croissant de chefs d'entreprise en plein déficit de main-d'œuvre qui sollicitent la régularisation de salariés ou d'indépendants sans-papiers qui travaillent pour leur compte. Quelle est votre position à ce sujet ?
Enfin, le Président de la République a annoncé un système de répartition des demandeurs d'asile dans notre pays, déjà prévu par la loi Collomb de 2018. Le président de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé qu'il s'agissait d'une bonne solution. Quelle est votre position ?
Je me réjouis d'avoir l'occasion, en ce début de mandat, de détailler la feuille de route que Mme la Première ministre a fixée au ministère de l'Intérieur et des outre-mer, sachant que plusieurs ministres délégués et secrétaire d'État ont été placés auprès de moi : M. Jean-François Carenco, chargé des outre-mer ; Mme Sonia Backès, chargée de la citoyenneté – ce qui couvre en partie les questions relatives au séparatisme et à l'intégration ; et Mme Caroline Cayeux, chargée des collectivités territoriales, qui est rattachée à mon ministère pour ce qui est des grandes questions territoriales et institutionnelles et à celui de la transition écologique et de la cohésion des territoires pour ce qui est du financement des collectivités et de la transition.
Je souhaite tout d'abord évoquer trois de mes priorités.
La première, que m'a fixée la Première ministre, est la réussite de la Coupe du monde de rugby, qui se tiendra en septembre 2023 – autant dire demain – et celle des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Ces enjeux occupent bien un tiers de mon temps. Il s'agit d'assurer la sécurité de ces événements, ou plutôt les sécurités : l'ordre public, la sécurité civile, la cybersécurité, l'organisation des flux, l'accueil des délégations et de dizaines de millions de personnes.
De l'arrivée de la flamme à la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques, les Jeux de 2024 se dérouleront sur trois mois, non seulement autour de Paris mais dans toutes les régions du pays. Nous agirons dans des conditions exceptionnelles : ce sera la première fois que la cérémonie d'ouverture sera organisée en dehors d'un stade – sur la Seine. Ce sera certainement un moment festif et positif pour le sport et pour la France mais, dans la mesure où il rassemblera 600 000 personnes, la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la délinquance et le maintien de l'ordre public seront des conditions sine qua non de la réussite.
Pour réussir la Coupe du monde de rugby et les Jeux, il faut deux choses : des victoires, ce qui n'est pas vraiment du ressort du ministre de l'Intérieur, et un bon déroulement des événements, ce qui mobilisera les policiers, les gendarmes, les pompiers et les services de renseignement, en lien avec ma collègue Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Une partie des dispositions de la LOPMI que votre assemblée examinera bientôt, après le Sénat, visent à répondre à ces exigences.
Deuxième priorité : la baisse de la délinquance sur la voie publique.
Rappelons qu'au cours du premier quinquennat du Président de la République, nous avons réarmé la police nationale et la gendarmerie, ce qui nous a permis de sortir de l'état d'urgence terroriste. Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le pays connaissait une vague d'attentats, qui avait commencé par l'affaire Merah à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy et avait ensuite frappé tout particulièrement celui de François Hollande. Le Parlement avait accordé au Gouvernement des moyens exorbitants du droit commun, dans le cadre de l'état d'urgence.
Nous avons voulu y mettre fin au plus vite, d'abord en faisant passer certaines des dispositions de l'état d'urgence dans le droit commun, grâce à deux textes antiterroristes, mais aussi en accordant des moyens technologiques et humains sans précédent aux services de renseignement, notamment à ceux qui relèvent du ministère de l'Intérieur. Ainsi, sur les 10 000 policiers et gendarmes recrutés au cours du quinquennat précédent, 4 000 l'ont été à la direction générale de la sécurité Intérieure, dont nous avons doublé le budget, et aux renseignements territoriaux, que nous avons restructurés. Cela a permis à ces services de déjouer trente-neuf attentats sur le quinquennat et huit depuis le début de cette année, presque exclusivement d'origine islamiste, le reste émanant de l'ultradroite ou de l'ultragauche – les médias s'en font parfois l'écho.
La menace terroriste persiste et peut frapper le territoire national à tout moment. La menace exogène – celle qui a été à l'œuvre au Bataclan – est moins importante qu'à l'époque, en dépit d'une augmentation des signalements de terroristes en provenance du Levant et d'Afrique subsaharienne. Depuis que je suis devenu ministre de l'Intérieur, il y a un peu plus de deux ans, 500 signalements de cette nature ont été faits auprès des services de renseignement. Aucun de ces individus n'a été identifié comme faisant partie d'une organisation terroriste susceptible de frapper le sol national, mais il faut rester très attentif à cette menace exogène.
La principale menace est endogène : elle est le fait de personnes qui se radicalisent à l'Intérieur de notre pays, de moins en moins dans des lieux de culte, de plus en plus sur internet. Il y a une forme « d'ubérisation » de la violence, comme l'ont montré les derniers attentats que nous avons connus.
En matière de lutte contre le terrorisme, nous avons fourni un travail très important, qui a montré son efficacité. Nous avons réussi à déjouer ces trente-neuf attentats dans le cadre de la loi ordinaire, sans demander de pouvoirs exorbitants du droit commun. C'est grâce aux moyens budgétaires que nous y avons consacrés au cours du précédent quinquennat.
Nous menons en outre une action résolue contre les violences intrafamiliales. Le mouvement de libération de la parole a révélé de très nombreuses violences, physiques ou psychologiques, contre les femmes et les enfants – 400 000 procédures en 2021. C'est sans doute, après le trafic de stupéfiants, la délinquance la plus suivie et la plus combattue par les policiers et les gendarmes. Quelque 150 000 policiers et gendarmes ont été formés au traitement de ces violences. Désormais, la totalité des personnels qui sortent des écoles de police et de gendarmerie a suivi une formation à ce sujet. Ces violences continuent à augmenter, et il y a encore beaucoup à faire.
L'augmentation des violences aux personnes, parfois pointée du doigt, notamment pendant les campagnes électorales, correspond essentiellement à celle des violences révélées à l'Intérieur des couples ou des familles. D'après les statistiques du ministère de l'Intérieur, 90 % des violences physiques sont commises dans ce cadre. La situation est particulièrement dramatique dans les régions les plus défavorisées socialement, comme le Nord, le Pas-de-Calais, la Seine-Saint-Denis, les territoires ultramarins.
Nous augmentons de manière continue les moyens pour lutter contre ce véritable fléau. Les différents groupes politiques veilleront, je n'en doute pas, à accorder les moyens nécessaires au ministère de l'Intérieur et à la justice.
J'en viens à la lutte contre la délinquance sur la voie publique.
Si l'on excepte un an, entre 2017 et 2018, le précédent quinquennat n'a pas connu d'année sans interférence majeure : à dix-huit mois marqués par les manifestations des gilets jaunes ont succédé deux ans de pandémie de covid. Nous assistons donc à une forme de retour à la normale pour les services de police et de gendarmerie.
Les atteintes aux biens – cambriolages, vols de véhicules –, qui avaient reculé pendant le quinquennat précédent, remontent doucement, de manière variable selon les territoires. Les violences physiques commises dans la rue ou dans les transports en commun – qui sont pour beaucoup des agressions sexuelles – augmentent de manière continue. Mon deuxième objectif est donc d'obtenir dans les mois qui viennent, si possible dès le bilan 2023, une baisse de ces indicateurs.
Notre stratégie ne repose pas sur des moyens législatifs supplémentaires, mais sur une meilleure organisation de la police et de la gendarmerie nationales et un accroissement de leur présence « à hauteur d'homme » sur le terrain, notamment en mettant à la disposition des préfets des unités de force mobile (UFM), qui feront de la sécurisation publique plutôt que du maintien de l'ordre.
Sept communes de France, y compris l'agglomération parisienne, ont bénéficié de ces UFM dès cet été. Nous y avons constaté une baisse importante de la délinquance au mois d'août. À Marseille par exemple, où je me suis rendu hier, elle a diminué de 8 % dans les transports en commun.
Les effectifs supplémentaires nécessaires nous ont été accordés l'année dernière pour le présent exercice budgétaire, et j'en remercie les parlementaires de la majorité. Nous en demanderons d'autres dans le cadre de la LOPMI, notamment pour l'année prochaine. La présence renforcée de policiers et de gendarmes, le plus souvent à pied, dans les lieux les plus sensibles, devrait nous permettre de faire baisser la délinquance sur la voie publique.
Troisième priorité : l'adaptation de l'appareil de sécurité civile à l'heure du réchauffement climatique et le travail que doit réaliser le ministère de l'Intérieur dans la transition écologique souhaitée par le Président de la République.
Cet été, des feux considérables ont touché non seulement la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et la Corse, traditionnellement les plus exposées, mais aussi l'Aquitaine et des départements situés au nord de la Loire, tels que le Maine-et-Loire et le Finistère, où 1 500 à 2 000 hectares ont brûlé. Cela n'avait jamais été le cas auparavant.
Le réchauffement climatique n'est pas toujours la cause des incendies – neuf feux sur dix sont d'origine humaine, volontairement ou involontairement – mais c'est la condition de leur propagation. Ainsi la faiblesse de l'hygrométrie, inférieure à 10 % en Gironde, a-t-elle favorisé cette propagation. Il y a aussi une question d'entretien des forêts, essentiellement des forêts privées – où se trouvent 90 % des surfaces qui ont brûlé cet été. C'est le ministère de la transition écologique qui est compétent en la matière.
Les effectifs que nous engageons sont divers : sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, formations militaires de la sécurité civile, qui relèvent du ministère de l'Intérieur, moyens aériens. Nous devons revoir la stratégie d'ensemble, et renforcer leurs moyens. Nous y réfléchissons en vue de la prochaine saison des feux, mais aussi dans l'optique des Jeux olympiques et paralympiques, car des feux importants à ce moment-là contraindraient les forces du ministère de l'Intérieur à se déployer simultanément sur plusieurs opérations de sécurité civile. Dans ce cadre, la résilience est essentielle. Enfin, nous allons lutter contre les atteintes à l'environnement, de plus en plus nombreuses, avec la création de la gendarmerie verte, qui fait également partie de ma feuille de route.
Aux trois grandes priorités que je viens d'énoncer s'ajoutent, en vertu de mon décret d'attribution, la question de l'immigration – qui fera l'objet d'un débat dans chacune des assemblées, puis d'un texte de loi – et de grands sujets institutionnels. S'agissant de la collectivité de Corse, nous avons engagé avec l'ensemble des élus concernés des discussions institutionnelles qui devraient durer plus d'un an. En Nouvelle-Calédonie, compte tenu du résultat du troisième référendum, il faut désormais travailler sur le régime institutionnel et sur la liste électorale, afin de susciter un nouvel espoir ; nous aurons sans doute des modifications constitutionnelles à organiser. D'autres territoires ultramarins réclament des évolutions statutaires. Par ailleurs, le Président de la République souhaite que soit adopté, au cours de ce quinquennat, le dispositif de conseiller territorial qui permettra de fusionner des conseillers départementaux et régionaux lors des prochaines élections. Enfin, il y a la question de la métropole du Grand Paris et celle de la métropole d'Aix-Marseille-Provence.
Je termine, monsieur le président, par les questions que vous m'avez posées.
Si la LOPMI est adoptée par le Parlement, à quoi serviront les 8 500 postes qui y sont prévus ? Je peux vous en donner la ventilation par année et par thématique – je tiens le tableau à votre disposition. Néanmoins, dans la mesure où je me fixe comme objectifs une baisse de la délinquance sur la voie publique dans les prochains mois et la bonne tenue de la Coupe du monde de Rugby et des Jeux, je me concentrerai sur 2023 et 2024.
Les créations de poste se feront à 52 % dans la police nationale, à 48 % dans la gendarmerie nationale.
Dans la police, nous créerons quatre compagnies républicaines de sécurité (CRS) sur le modèle de la CRS 8, donc très mobiles et ayant vocation à intervenir très rapidement pour maintenir l'ordre public. Elles seront basées à Marseille, à Chassieu dans le Rhône, à Nantes et à Montauban. À raison de 200 agents par compagnie, nous prévoyons la création de 600 postes en 2023 et 200 en 2024. Les quatre compagnies seraient donc créées en deux ans.
S'agissant des commissariats de police, l'augmentation des effectifs dédiés à la sécurité publique a déjà été ma priorité lors des deux derniers exercices budgétaires. Hors préfecture de police de Paris et hors police des transports en commun, la LOPMI prévoit 604 postes de policiers supplémentaires dans les commissariats, qui seraient tous créés là encore au cours des deux premières années : 507 postes en 2023 et 97 en 2024.
Nous mettrons l'accent sur les transports en commun, notamment dans la région parisienne, où sont commis 50 % des actes de délinquance – en grande partie des agressions contre les femmes. Une direction unique de la police et de la gendarmerie chargée de la sécurité dans les transports en commun sera créée. Nous renforcerons fortement les effectifs dédiés dans les grandes agglomérations, en créant 450 postes au total, dont 200 en 2023 et 122 en 2024.
La préfecture de police de Paris accueillera 1 000 policiers supplémentaires pour faire face aux difficultés relevées au cours des derniers mois. Le nouveau préfet de police et moi-même avons constaté une saturation de l'espace public dans certains quartiers de la capitale : cet été, il y a eu davantage de violences urbaines dans le nord de Paris qu'en Seine-Saint-Denis. Cela soulève des questions touchant aux changements sociologiques dans la Ville de Paris et à l'urbanisme, et appelle en tout cas une réponse policière.
Dans les aubettes des aéroports, le contrôle des pièces d'identité sera désormais assuré non plus par des agents de la police aux frontières (PAF), mais par des personnels civils du ministère de l'Intérieur. Cette réforme très importante nous permettra de récupérer des policiers formés, en uniforme et armés pour effectuer des patrouilles et de la présence sur la voie publique, tout en professionnalisant l'accueil dans les aéroports.
La LOPMI prévoit la création d'assistants d'enquête, qui seront en quelque sorte des « greffiers de police ». Actuellement, tandis qu'un magistrat du siège est aidé par un greffier pour les tâches administratives, ce qui lui permet de se concentrer sur les actes d'enquête, un policier ou un gendarme réalise l'intégralité des démarches. Lors d'une garde à vue, par exemple, il accueille la personne placée en garde à vue, contacte son avocat, appelle le médecin, distribue le repas… Or ces actions ne relèvent pas du cœur de métier des officiers et agents de police judiciaire (OPJ et APJ).
Nous discutons des attributions des assistants d'enquête. Ils seront recrutés parmi les employés administratifs, techniques et spécialisés du ministre de l'Intérieur, ce qui offrira une perspective de carrière à ces personnels souvent très courageux et méritants.
La moitié des 15 milliards d'euros supplémentaires demandés dans le cadre de la LOPMI sera consacrée au numérique et à la cybersécurité. Plusieurs directions du ministère fusionneront en une agence unique du numérique des forces de sécurité Intérieure. Nous y prévoyons la création de 50 emplois en 2023 et de 50 autres en 2024.
Au total, nous prévoyons de créer dans la police 1 900 postes en 2023, puis 1 130 en 2024.
Dans la gendarmerie, nous voulons recréer sept escadrons de gendarmerie mobile (EGM), en recrutant 840 gendarmes : 420 en 2023 et 420 en 2024. Ces EGM supplémentaires seront répartis sur le territoire national : Melun, Hyères, Joué-lès-Tours, Villeneuve-d'Ascq, Dijon, Thionville et Lodève.
Nous disposerons donc de onze nouvelles UFM : quatre CRS et sept EGM. Nous libérerons sept autres UFM, actuellement chargées de garder plusieurs sites sensibles à Paris – palais de l'Élysée, hôtel de Beauvau, certaines ambassades. En effet, l'affectation à Paris de ces UFM coûte cher, et les détourne qui plus est de leur vrai travail, qui consiste à maintenir l'ordre public et non à faire de la garde statique. Il reviendra désormais à la préfecture de police de Paris et à la Garde républicaine d'assurer cette mission. Ainsi disposerons-nous pour les Jeux de dix-huit UFM qui accompliront véritablement un travail de forces mobiles.
D'autre part, nous créerons 200 brigades de gendarmerie dans les territoires, en recrutant 2 144 gendarmes, dont 312 en 2023 et 378 en 2024. Je lancerai la semaine prochaine, dans le Cher, une discussion entre les élus nationaux, les élus locaux, les préfets et la direction générale de la gendarmerie nationale en vue d'élaborer la carte de ces brigades, qui sera connue en février prochain – on peut imaginer deux à trois brigades par département, sauf bien sûr dans les plus urbains.
Nous recruterons en outre 350 formateurs pour accompagner certaines évolutions et assurer la formation continue de la police et de la gendarmerie. J'ai évoqué par ailleurs la gendarmerie verte et l'agence du numérique.
Au total, nous prévoyons de créer dans la gendarmerie 950 postes en 2023, puis 1 045 en 2024.
J'en viens aux refus d'obtempérer. Je m'associe à la pensée que vous avez pour ce policier du Nord qui se trouvait, cette nuit, entre la vie et la mort. Son pronostic vital, à ma connaissance, n'est plus engagé. Ses collègues ont fait preuve d'un grand sang-froid. On a retrouvé une quantité importante de drogue dans le véhicule, ce qui nous rappelle que le refus d'obtempérer n'est pas toujours le fait de conducteurs un peu distraits.
Ces pratiques ont augmenté de 13 % en cinq ans, passant de 24 409 cas en 2016 à 27 609 en 2021. Depuis le 1er janvier, les refus d'obtempérer ont fait 41 blessés graves dans les rangs de la police et de la gendarmerie – je le rappelle car on s'attarde rarement sur chaque cas individuel.
La fiche de renseignements sur les événements de la nuit qui m'est remise tous les matins m'apprend que policiers et gendarmes ont fait face, au cours de la nuit dernière, à cinq refus d'obtempérer graves. À Le Relecq-Kerhuon, les forces de l'ordre ont dû tirer en direction du pneu d'un véhicule signalé volé. À Toulouse, à la suite d'un refus d'obtempérer, un véhicule s'est accidenté seul dans un virage. À Nantes, un conducteur ayant refusé de s'arrêter a percuté un véhicule en stationnement, dont l'occupante, âgée de 70 ans, a été hospitalisée ; il a été interpellé. Le policier blessé dont nous avons parlé a été heurté à Anzin. Enfin, à Étampes, un véhicule a terminé sa course dans un arbre ; le conducteur, blessé, était sous l'emprise de l'alcool. Ces relevés se suivent et se ressemblent tous les jours.
Ces refus d'obtempérer, qui surviennent toutes les demi-heures, touchent autant les zones de police que de gendarmerie. Cela étant, les tirs des policiers et des gendarmes, eux, ne connaissent pas d'augmentation : on en relevait 137 en 2016, 202 en 2017, 170 en 2018, 147 en 2019, 153 en 2020 et 157 en 2021 – ce qui fait moins en 2021 qu'en 2017 et 2018, les deux années qui ont précédé la crise du covid.
La consigne de la direction générale de la police nationale et de la direction générale de la gendarmerie nationale, que j'assume pleinement, est qu'en cas de rodéo urbain ou de refus d'obtempérer, les forces de l'ordre doivent poursuivre le véhicule, sauf lorsqu'elles considèrent que les choses deviennent dangereuses pour elles-mêmes ou pour les tiers. Dans les conditions fixées par le code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale, lorsque le véhicule se transforme en arme contre lui, le policier ou le gendarme est autorisé à tirer. À chaque fois que cela se produit, l'Inspection générale de la police nationale ou celle de la gendarmerie nationale ouvre une enquête et l'intéressé est quasi systématiquement placé en garde à vue ou présenté devant un magistrat.
J'exprime à nouveau mon entier soutien aux policiers et aux gendarmes, qui exercent un métier difficile, et je regrette, pour le moins, que tous les élus de la République ne fassent pas de même.
Enfin, l'immigration de travail est un sujet complexe sur lequel je travaille étroitement avec Olivier Dussopt. Dans le cadre de notre politique d'immigration, nous devons faire preuve d'une fermeté accrue envers les délinquants étrangers, mais aussi veiller à une meilleure intégration des personnes qui travaillent sur le sol de la République.
Ces dernières peuvent être victimes d'absurdités administratives, ce qui doit nous amener à améliorer largement les procédures du ministère de l'Intérieur. Des travaux ont déjà été menés et les étrangers attendent généralement moins en préfecture. En revanche, les files d'attente numériques n'ont pas disparu, ce qui est inacceptable.
Par ailleurs, les employeurs font parfois bien peu de cas de ces personnes immigrées, même si une immense majorité d'entre eux respecte, me semble-t-il, le code du travail. Pour sa part, le Medef a appelé, durant la campagne présidentielle, à un accroissement de l'immigration de travail. Les évolutions législatives appartiennent à la Première ministre et au Parlement, mais certaines choses me choquent, en tant que ministre de l'Intérieur comme en tant que citoyen.
Ainsi, je ne trouve pas normal que seul l'employeur puisse demander la régularisation d'une personne qui travaille pour lui. Je crains des pressions pour accepter des horaires décalés, ou du harcèlement. Dans les conflits sociaux, les travailleurs sans-papiers ont toujours trouvé le ministre de l'Intérieur auprès d'eux. Mme Poulain, par exemple, qui a travaillé sur ces combats au sein de la CGT, a été très écoutée par mon ministère, ce qui a permis des régularisations.
Je trouve aussi anormal que les cours de français que doivent suivre les étrangers se déroulent pendant leurs heures de travail, ce qui les empêche bien souvent de s'y rendre faute d'accord de l'employeur. Cela crée un conflit un peu malsain entre le travail et l'intégration.
Et je trouve anormal que des salariés perdent leur travail parce que le traitement de la demande de renouvellement de leur titre de séjour pâtit d'une mauvaise organisation du ministère de l'Intérieur, alors même que cette demande ne pose pas de problème de fond. Vous aurez constaté que, pour la première fois depuis plus de vingt ans, le budget du ministère prévoit une hausse de 340 postes dans les préfectures ; je m'enorgueillis de l'arbitrage rendu par la Première ministre à ma demande. Depuis que je suis ministre, nous avons mis fin à la baisse des équivalents temps plein dans les préfectures et ils commencent à remonter, même si ce n'est pas encore assez. Nous allons d'ailleurs commencer à recréer des sous-préfectures.
Enfin, nous introduisons parfois nous-mêmes, dans la législation, des trappes à irrégularisation. Ainsi, pour créer une auto-entreprise, il n'est pas nécessaire de montrer que l'on a des papiers. Il arrive que des gens soient embauchés sous le statut d'auto-entrepreneur, qu'ils paient des impôts, versent des cotisations – sans en bénéficier puisqu'ils sont irréguliers – puis constatent, en venant en préfecture, qu'ils ne sont pas régularisables. Il faut absolument rendre impossible la création d'une entreprise par une personne en situation irrégulière.
Au nom du groupe Renaissance, je voudrais exprimer toute notre solidarité vis-à-vis du policier qui a été victime de ce refus d'obtempérer et lui adresser nos vœux de rétablissement.
Monsieur le ministre, votre action, au cours du quinquennat précédent, a été marquée par une forte augmentation des moyens matériels – informatique, véhicules, rénovation des commissariats et des casernes – ainsi que des effectifs des forces de l'ordre. Chacun comprend que les Jeux olympiques et la Coupe du monde de rugby nécessiteront des forces de l'ordre en très grand nombre pour assurer leur réussite. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous projetez ? Comment envisagez-vous de déployer les forces de l'ordre dans les départements déjà confrontés à des enjeux de sécurité importants, comme l'Essonne et plus généralement l'Île-de-France, mais aussi d'autres territoires de province. ? Comment répartir les effectifs afin de maintenir l'effort qui est engagé depuis cinq ans ?
Enfin, comment s'articulent les dispositions de la LOPMI consacrées à l'investigation avec les discussions que vous menez sur la réforme de la police judiciaire ?
Je suis heureux d'occuper la place qui est la mienne aujourd'hui, car cela me permet d'exprimer et de rétablir des vérités provenant du terrain. De nouveaux véhicules et de la peinture sur les murs, c'est très bien pour les conditions de travail de nos forces de l'ordre, mais ce n'est pas ce qui va renforcer la sécurité des Français. Entre le laxisme judiciaire, caractérisé par la culture de l'excuse, et votre incapacité à expulser les clandestins comme les délinquants et criminels étrangers, ce sont nos compatriotes qui, chaque jour, sont agressés, volés, violés ou tués au nom du vivre ensemble prôné par ceux qui ne l'expérimentent pas.
Ce sont aussi nos forces de l'ordre, dans toutes leurs composantes, qui trinquent du fait de votre incapacité à assurer l'ordre et à faire appliquer la loi. Elles subissent chaque jour de lourdes agressions, des tentatives de meurtre, qui réussissent parfois. L'épuisement est extrême et le moral est en berne dans les rangs. Le sentiment de faire un travail inefficace, sous la pression parfois d'une hiérarchie qui ne voit les choses qu'en termes d'objectifs chiffrés, est omniprésent. Il y a quinze ans, avec Michèle Alliot-Marie, il fallait gonfler les chiffres des passages des individus aux fichiers. Il y a dix ans, avec Manuel Valls, les tentatives de cambriolage devaient se transformer en simples dégradations. Avec vous, monsieur le ministre, on effectue de simples contrôles routiers qu'on classe dans la rubrique de la lutte contre les rodéos motorisés.
Les professionnels de la sécurité publique sont dans l'action, tandis que vous n'êtes que dans l'agitation et la réaction. Quelles mesures fortes allez-vous adopter pour assurer véritablement la sécurité des Français ? Quand allez-vous prendre la mesure de l'épuisement des forces de l'ordre et agir pour endiguer la vague de suicides qui décime les rangs ?
Au-delà de ces questions, qui reflètent quelques-unes des préoccupations que j'éprouve, en tant que citoyen et membre des forces de l'ordre, depuis une quinzaine d'années, soyez assuré que je vous demanderai très régulièrement des comptes durant la législature.
Les membres du groupe La France insoumise tiennent à s'associer au soutien apporté au policier blessé, comme à tous ceux qui sont blessés dans l'exercice de leurs fonctions.
Monsieur le ministre, nous voulons vous alerter sur la pente glissante que votre gouvernement emprunte depuis des années : celle qui repeint en ennemi de la République le moindre des adversaires politiques. Nous avons pris acte de votre décision d'expulser l'imam Iquioussen. Les propos que vous lui reprochez ne semblaient pourtant pas vous gêner lorsque vous dîniez avec lui, voilà des années, dans le but de conquérir la mairie de Tourcoing. Selon les commentateurs juridiques, le droit au respect de la vie familiale de l'imam, né en France et ayant des enfants français, n'a pas été respecté. C'est le retour de la double peine. L'affaire reste pendante devant le tribunal administratif, qui sanctionnera, le cas échéant, la violation de la Convention européenne des droits de l'homme.
Votre chasse aux ennemis de la République ne s'arrête pas là. Nous avons appris que le préfet de la Vienne demande à la ville de Poitiers de retirer son soutien financier à un événement organisé par Alternatiba. Il s'agissait pourtant d'un atelier de formation à la désobéissance civile, activité par nature non violente, dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. Le préfet affirme que l'association a rompu son contrat d'engagement républicain, cette convention absconse introduite par votre loi sur le séparatisme islamiste.
Nous vous alertions dans l'hémicycle, il y a plus d'un an, sur les risques d'instrumentalisation de ce type de dispositif. Les associations environnementalistes en paient le prix aujourd'hui, comme à l'époque où l'état d'urgence permettait d'assigner à résidence des militants écologistes, à l'occasion de la COP21. Alternatiba touchera-t-elle la subvention pour son action citoyenne non violente portant sur un sujet que le Président de la République considère lui-même comme le « combat du siècle » ?
Monsieur le ministre, vous êtes en quelque sorte passé aux aveux en reconnaissant, dans votre déclaration liminaire, une augmentation des atteintes aux biens et un très fort accroissement des atteintes aux personnes. C'est ce que nous disions et que vous avez toujours nié à la veille de l'élection présidentielle. Les chiffres sont là : 45 % d'augmentation !
La LOPMI est bienvenue ; nous l'attendions et la réclamions depuis six ans. Le problème n'est pas ce qu'elle contient : ses dispositions, y compris pour l'outre-mer et singulièrement pour Mayotte, où la situation se dégrade – je pense notamment à la modification du droit du sol – vont dans le bon sens. Le problème réside plutôt dans ce qu'elle ne contient pas : pas ou presque pas de volet judiciaire, pas de peines planchers. À ce sujet, je voudrais naturellement apporter, à mon tour, mon soutien au policier d'Anzin : je rappelle que le groupe Les Républicains avait présenté un texte prévoyant l'application de peines planchers contre ceux qui portent atteinte à nos forces de l'ordre ou qui les outragent. C'est une priorité.
Le texte ne prévoit pas non plus de double peine pour les délinquants étrangers. Pourtant, monsieur le ministre, vous avez – enfin – établi la vérité des chiffres, qui attestent le lien direct entre délinquance et immigration. Il ne comporte pas davantage de volet relatif à l'immigration – il a été retiré de la version initiale. C'est pour le moins étonnant. Aucune mesure matérielle n'est prévue pour améliorer les conditions d'expulsion ou augmenter le nombre de places en centres de rétention. Pourquoi des lacunes si importantes, dans un texte qui va dans le bon sens ? Nous aurions aimé une loi d'orientation globale relative à la sécurité Intérieure et à la justice, avec un volet pénal, qui aurait apporté une réponse plus pertinente.
Notre groupe apporte tout son soutien au policier qui a été blessé et, de façon générale, à l'ensemble de nos forces de l'ordre.
Monsieur le ministre, vous avez présenté au conseil des ministres du 7 septembre le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur, qui prévoit un financement de près de 15 milliards d'euros. Il traduit la volonté de l'exécutif de moderniser le ministère et ses services, de recruter des policiers et des gendarmes et d'anticiper les défis à venir, qu'ils soient sécuritaires, numériques ou environnementaux. Le groupe Démocrate salue ce texte, qui renforce les moyens financiers, humains, matériels et juridiques spécifiques du ministère.
Je voudrais concentrer mon propos sur la sécurité civile, et plus particulièrement sur les moyens alloués aux pompiers. En matière de gestion de crise, il faut engager tous les moyens nécessaires – financiers, humains, matériels, juridiques. Les incendies et les « mégafeux » de cet été ont touché certains départements qui n'y avaient jamais été confrontés précédemment. Ils ont été maîtrisés grâce au travail mené avec les collectivités et au courage de nos soldats du feu. Nous avons également bénéficié d'une aide européenne, grâce au dispositif RescEU, qui nous a permis de multiplier et de diversifier les appareils utilisés.
Quels montants comptez-vous consacrer spécifiquement à la modernisation de l'aviation de la sécurité civile ? Envisagez-vous d'utiliser des drones pour détecter et anticiper les départs de feu ? Que faire en matière de prévention ?
Contrairement à ce qui a été dit, la LOPMI comprend des dispositions relatives à la procédure pénale, qui soulèveront d'ailleurs des interrogations. Peut-être faut-il nous restreindre en la matière, car le changement permanent de la législation pèse vraiment sur l'efficacité des magistrats et la lisibilité de la loi.
Le projet de loi généralise, à compter de janvier 2023, les directions uniques de la police nationale, qui font l'objet d'une expérimentation depuis le début de 2022. Il me paraît problématique d'étendre un dispositif avant même que le bilan en soit dressé : comment, dès lors, ne pas hésiter à voter la prochaine expérimentation qui sera proposée ? De surcroît, les acteurs locaux sont très réservés sur cette réforme compte tenu de ses incidences sur l'indépendance de la justice, singulièrement du procureur, vis-à-vis du préfet et de la direction départementale de la police. Certes, le texte prévoit qu'en matière d'enquête, le procureur et le préfet décident ensemble – mais d'après les informations qui me sont parvenues, dans les faits, la décision est généralement prise par le préfet.
Monsieur le ministre, les députés du groupe Horizons sont heureux de pouvoir travailler avec vous sur les chantiers qui attendent le ministère.
Il est envisagé d'installer un hub européen de la sécurité civile à Nîmes. Face à des crises plus intenses et plus nombreuses, y compris transfrontalières, il est indispensable que les pays européens puissent se porter mutuellement assistance. Les incendies de ces derniers mois ont permis de montrer notre volontarisme en la matière, et la compétence de notre sécurité civile.
Ce mécanisme doit être développé pour aboutir à une véritable coopération européenne, avec la meilleure anticipation possible. Envisagez-vous de transformer la base aérienne de Nîmes-Garons en pôle européen de sécurité civile ? Où en sont les discussions à l'échelle européenne, et à quelle échéance cela serait-il envisagé ?
Par ailleurs, je salue les dispositions de la LOPMI en matière de violences intrafamiliales, avec entre autres le déploiement de 2 000 enquêteurs spécialisés supplémentaires et la formation de 90 000 policiers et gendarmes en fonctions et de l'ensemble des élèves. Un meilleur accueil des victimes et la possibilité de recueillir la plainte à distance sont des avancées qui doivent être saluées. Les personnes luttant contre les violences conjugales se sont-elles saisies de l'application Ma Sécurité, accessible depuis le printemps ? Quand la fonctionnalité permettant de déposer plainte en ligne sera-t-elle opérationnelle ? Envisagez-vous de mener une campagne de publicité dédiée ?
Quel projet poursuit-on en voulant réformer la police ? Que veut-on mettre au service de la population française ? Comment restaure-t-on l'effectivité de la devise de la République, Liberté, égalité, fraternité ?
Cela implique une volonté politique, que je ne suis pas sûre de déceler dans les chiffres que vous nous avez donnés. Les forces de l'ordre, sur le terrain, ne vivent pas forcément bien ce qu'elles font. Vous nous reprochez de ne pas leur rendre hommage assez souvent. J'ai l'impression, pour ma part, que vous ne rendez pas très souvent hommage à leurs victimes – ces derniers temps, des personnes qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment et ont reçu une balle perdue, comme Zied, Boubacar, Jean-Paul et tous les autres.
Vous parlez beaucoup de l'augmentation des refus d'obtempérer, « un toutes les trente minutes », mais elle est essentiellement due à la hausse du nombre des contrôles, qui entraîne une surcharge de travail inutile pour une partie de nos forces de l'ordre.
La population, quant à elle, s'inquiète de ces morts, de ces victimes, de sa sécurité qui ne s'améliore pas. Les gens ont le sentiment que, lorsqu'on est pauvre, on a un peu moins droit à la sécurité que les autres. Notre projet de société devrait être d'y remédier – Liberté, égalité, fraternité !
La LOPMI sera-t-elle encore une succession de chiffres ou accepterez-vous pour une fois d'écouter d'autres voix, de sortir enfin d'une vision caricaturale des écologistes et de la gauche afin que nous puissions bâtir un véritable projet au service des Français et non au service des chiffres ?
Monsieur le ministre, vous avez parlé des sans-papiers avec des accents presque marxistes. Des travailleurs sans-papiers de Chronopost, DPD et RSI font grève depuis un an pour obtenir leur régularisation. Un piquet de grève se tient à Gennevilliers, dans ma circonscription. Voilà un an que nous essayons d'effectuer un dépôt collectif de leur dossier en préfecture et que les services nous mènent en bateau. Voilà un an que ces hommes, qui pour beaucoup ont traversé la Méditerranée dans des conditions difficiles, ont travaillé pendant le covid et sont exploités par leur entreprise, attendent que l'État leur accorde sa protection. Comme nous avons beaucoup de mal à obtenir des rendez-vous ou des réponses fermes, je profite de votre intérêt pour vous demander de faire en sorte que les préfectures acceptent leur régularisation.
La semaine dernière, au Village des alternatives, festival citoyen proposant des solutions face aux enjeux sociaux et environnementaux, se tenait un atelier de désobéissance civile. On a le droit de ne pas être d'accord avec ce principe, mais la proposition du préfet de couper les subventions de l'association, au nom de la violation de son contrat d'engagement républicain, me paraît une atteinte extrêmement grave aux libertés fondamentales d'expression et d'association. Nous avions pointé du doigt ces dangers lors de l'examen du projet de loi « séparatisme » et des textes de prorogation de l'état d'urgence, qui déjà s'attaquaient à des militants et créaient une confusion entre terroristes et citoyens de confession musulmane. Permettrez-vous que cette association continue à percevoir ses subventions ?
Madame Faucillon, je suis prêt à vous recevoir avec le collectif et M. le préfet. J'ai cru comprendre que la demande de régularisation concernait le collectif. Or, une régularisation ne peut être qu'individuelle. J'y suis favorable, à condition bien sûr que les personnes en question remplissent les conditions habituelles – par exemple, je n'accepterais pas la régularisation de quelqu'un qui a un casier judiciaire. Mais je le répète, il serait souhaitable que l'employeur ne soit pas le seul à pouvoir demander la régularisation d'un travailleur sans-papiers. Cela crée un rapport de force défavorable. Il faut modifier la loi en ce sens.
Pour le reste, ma ligne générale, que j'espère retrouver dans le prochain texte sur l'immigration, veut que l'on soit dur avec les étrangers délinquants mais que l'on aide et que l'on régularise ceux qui veulent travailler et respectent les lois. C'est une ligne toute républicaine. Nombre de personnes n'obtiennent pas la régularisation qu'ils mériteraient alors que de nombreuses autres qui ne devraient pas être régularisées le sont. Depuis que je suis ministre de l'Intérieur, 70 000 titres de séjour qui étaient jadis renouvelés de manière automatique ont été refusés après examen du casier judiciaire du demandeur : c'est une vérification que les préfectures n'effectuaient pas auparavant… J'assume la fermeté sur ce point. En revanche, vous avez raison, il faut mieux s'occuper des personnes qui travaillent depuis des années sur notre territoire, parlent le français, fondent des familles, paient parfois des cotisations et des impôts sans profiter de la solidarité nationale à laquelle ils ont droit parce que leur employeur s'affranchit de la légalité. Je vous recevrai, madame la députée, pour en parler en détail.
Madame Regol, votre intervention m'étonne. Sous forme de boutade, je dirais que je préfère la gauche Roussel à la gauche Regol. M. Roussel n'est manifestement pas de droite, il est élu dans une circonscription difficile que je connais bien…
M. Roussel peut être cité sans que ce soit une insulte pour ses partenaires.
Laissez-moi vous répondre alors. Mes désaccords avec M. Roussel sont nombreux mais lorsqu'il apporte son soutien à ceux qu'il appelle les ouvriers de la sécurité – les policiers – il s'inscrit dans la ligne républicaine qui prévaut depuis que j'ai l'âge de faire de la politique, notamment à gauche.
En vous écoutant, je comprends pourquoi nombre de Français, en particulier les forces de l'ordre, disqualifient la gauche pour les protéger. C'est un drame, et cela n'a pas toujours été le cas. La première politique sociale est la protection des plus faibles. Les plus riches n'ont pas besoin d'effectifs de police supplémentaires ni de caméras de vidéoprotection ; ils ont souvent quitté les quartiers populaires, ils sont équipés de leur propre système de sécurité. Mais l'État doit faire preuve de fermeté, assurer une protection. Les policiers et les gendarmes ne sont pas les enfants des patrons du CAC40 mais ceux des employés, des ouvriers, des commerçants de France. Ce sont les soldats de l'an II ! Ils méritent le respect et l'augmentation de 100 euros que prévoit la LOPMI est destinée à ces ouvriers de la sécurité.
J'ai été scandalisé de vous entendre parler des victimes des forces de l'ordre, et je rapproche vos propos du discours de La France insoumise. Lorsqu'on dit à la télévision et à la radio que la police tue, que les policiers assassinent, on les blesse profondément. Et ce sont les mêmes députés qui défendent Hassan Iquioussen, imam islamiste radicalisé pour lequel les Juifs sont un peuple ingrat, et qui contestent son expulsion du territoire national ! « Quand les blés sont sous la grêle / Fou qui fait le délicat » !
Oui, pour protéger nos concitoyens, notamment dans les territoires les plus pauvres, il faut expulser M. Iquioussen. Votre position sur ce sujet et vos attaques contre les policiers témoignent d'une cohérence idéologique très éloignée de celle de la LOPMI. Je respecte le projet de société que vous défendez en tant qu'idée politique, mais je le combats vigoureusement.
Le préfet de la Vienne fait son travail en demandant le retrait de la subvention. Je le soutiens pleinement. La République, ce n'est pas faire n'importe quoi, n'importe où avec l'argent public. C'est sans doute une autre différence entre nous.
M. Lemaire, la base de Nîmes fait honneur à la sécurité civile française. Cet été, certains ont déploré l'absence d'avions en Gironde, à Brest ou dans le Sud mais la concentration sur une seule base permet de mutualiser les moyens techniques et les compétences très spécifiques nécessaires pour réparer les Canadair pendant la nuit – aucun avion ne vole la nuit pour éteindre les incendies. Les moyens ainsi concentrés sont difficilement reproductibles, et servent d'ailleurs parfois à des pays étrangers. Du fait de la position centrale de Nîmes, il est possible d'intervenir en quelques dizaines de minutes dans tout le Sud.
Lorsque le feu s'est propagé, il est déjà trop tard : il faut déployer d'énormes moyens aériens et terrestres pour l'éteindre. Pour repérer les incendies au plus tôt, nous avons besoin partout sur le territoire national non pas d'avions pour larguer de l'eau mais de moyens aériens au sens large pour détecter les feux naissants. Une des difficultés, en Gironde – si la commission le souhaite, je lui communiquerai les résultats du retour d'expérience que le Président de la République m'a demandé sur ce sujet – est que le délai d'alerte des services de secours a été un peu long. La propagation du feu a été favorisée par le défaut d'entretien de la forêt, à la suite de l'opposition d'une association, ce qui a aussi retardé l'arrivée des pompiers. Le vent et la présence de tourbe ont encore aggravé les choses.
Si nous assurons l'entretien des forêts et le repérage des départs de feu, peut-être faudra-t-il créer une seconde base au nord de la Loire dans les cinq à dix ans, puisque les feux s'y étendent, mais Nîmes devra être le centre européen en la matière. Nous avons connu peu de feux de forêts l'année dernière, à l'exception du Var : nous avons ainsi pu venir en aide aux Espagnols, aux Italiens, aux Algériens, aux Grecs et aux Israéliens. Cette année, ce sont eux qui nous ont aidés. C'est l'ensemble du bassin méditerranéen qui brûle !
Nous avons donc intérêt à effectuer des achats groupés et à mutualiser nos techniciens et nos pilotes si courageux, d'autant que depuis la rentrée, les départs de feux restent quotidiens – ils continueront en Corse jusqu'au mois de décembre : il n'y a plus de saison pour les feux de forêts. Nous nous battons pour que Nîmes devienne base européenne et je montrerai sur place toute son excellence au commissaire européen chargé de la protection civile Christos Stylianides, que je reçois bientôt.
Madame Jacquier-Laforge, s'agissant des moyens des sapeurs-pompiers, il faut sans doute renforcer les moyens aériens. Nous disposons de la flotte la plus moderne d'Europe. La LOPMI prévoit les crédits nécessaires au renouvellement de la flotte d'hélicoptères, qui en compte 35. Mais les moyens aériens ne sont pas l'alpha et l'oméga du combat contre le feu ; celui-ci se gagne souvent à terre, avec des retardants et des colonnes de sapeurs-pompiers.
Il faut peut-être acheter des équipements supplémentaires au niveau européen, mais il faut surtout renforcer les moyens humains, en particulier l'été. Les volontaires sont de moins en moins présents dans les casernes car les employeurs sont plus réticents à les libérer. Il faut revoir le statut des volontaires, que nous avons réussi à préserver il y a deux ans alors qu'il était menacé après un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Nous devons aussi aider les casernes rurales qui manquent de pompiers et les départements qui n'ont pas les moyens d'en embaucher en faisant jouer la solidarité entre les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).
Enfin, les SDIS sont en partie financés par une taxe spéciale sur les conventions d'assurance versée aux départements, qui ne la leur rétrocèdent pas intégralement. Le reste sert sans doute à financer d'autres dépenses contraintes, mais il demeure que les SDIS ne perçoivent pas tout ce qui est prévu. Nous devons faire un travail de fond, en lien avec l'Assemblée des départements de France, sur la modernisation de notre appareil de sécurité civile pour l'adapter au réchauffement climatique.
S'agissant des violences, l'application Ma Sécurité et les sites moncommissariat.fr et magendarmerie.fr fonctionnent bien. Je vous invite tous à télécharger l'application qui vous permet d'échanger par tchat avec un policier ou un gendarme pour lui signaler un fait. Nombre d'informations qui nous permettent de démanteler les points de deal – leur nombre a diminué de 25 % en deux ans – proviennent de l'application. Par ce biais, ceux qui subissent des agressions dans les transports, les femmes notamment, peuvent les signaler en direct.
La problématique principale touche au recueil de plaintes. Nous voulons d'abord généraliser une expérimentation déjà en cours, qui ne nécessite pas de disposition législative. Dans trois départements, les policiers et les gendarmes vont à la rencontre de la victime – chez elle, chez une personne de son choix, auprès d'une association ou d'un avocat… – pour recueillir sa plainte. Ce sont eux qui se déplacent.
Ensuite, la LOPMI comporte une disposition très importante qui peut concerner toute forme de violences, conjugales ou non, et l'ensemble des plaintes : le dépôt de plainte par visioconférence. Le ministère est d'ailleurs en train de travailler de façon plus générale à l'identification numérique. Désormais, si cela est voté, une personne pourra déposer plainte de chez elle ou de son lieu de travail.
Enfin, d'ici à l'année prochaine, nous souhaitons généraliser les conventions qui permettent aux policiers ou gendarmes de venir recueillir directement la plainte d'une victime de violences conjugales ou d'agression sexuelle dans l'hôpital où elle subit des examens médicaux, ce qui lui évite de se déplacer une deuxième fois.
Monsieur Ciotti, on voit que vous êtes en campagne électorale : vous exagérez un peu plus que d'habitude ! 45 % d'augmentation ? Je rappelle les chiffres : les cambriolages de logement ont baissé de 25 % entre 2017 et 2022 ; les vols de véhicules de 21 %, les vols avec arme de 17 %, les vols ou violences sans arme de 31 %, les destructions et dégradations volontaires de 15 %. En revanche, c'est vrai, je l'ai toujours dit et le Président l'a reconnu pendant la campagne, les violences physiques contre les personnes ont augmenté, sachant que 90 % d'entre elles sont des violences conjugales.
J'ai l'honnêteté d'admettre qu'au premier semestre 2022, les résultats sont moins bons, pour diverses raisons qui peuvent être liées à l'organisation ou aux effectifs. Nous allons voir comment y remédier. En tout état de cause, le chiffre de 45 % que vous avancez, monsieur Ciotti, n'existe pas.
Vous regrettez qu'il n'y ait pas une loi de programmation commune aux ministères de l'Intérieur et de la justice, qui sont tous deux impliqués dans la lutte contre l'insécurité. Mais vous savez bien que ce n'est pas la coutume : les précédentes lois de programmation en matière de sécurité Intérieure relevaient du ministère de l'Intérieur. Mais tressaillez de joie, le ministre de la justice viendra prochainement devant vous présenter un grand projet de loi, inspiré par les états généraux de la justice, visant à renforcer les moyens de l'institution judiciaire et sans doute à modifier le code de procédure pénale. Gardez votre énergie pour le garde des sceaux…
Il n'est pas tout à fait exact de dire que la LOPMI ne contient aucune disposition de nature à simplifier la procédure pénale et l'action de la police – et cela me sera sans doute reproché par une partie de l'hémicycle. Mais s'agissant des peines plancher, la réponse appartient au garde des sceaux.
Il n'a jamais été question d'inclure dans la LOPMI des dispositions sur l'immigration. Le sujet est suffisamment complexe pour justifier un débat distinct, au cours duquel sera sans doute abordée la question de la double peine qui avait été soulevée pendant la campagne présidentielle. La LOPMI prévoit néanmoins 700 places supplémentaires en centres de rétention administrative pour les deux prochaines années.
Monsieur Baubry, vous avez asséné vos opinions sans lésiner sur la caricature. Au cours de la dernière année, malgré les contraintes liées à la crise sanitaire, 3 250 délinquants étrangers ont été expulsés, ce qui représente une hausse de 60 % par rapport à l'année précédant la crise sanitaire.
Vous moquez les moyens alloués aux forces de l'ordre mais les représentants de votre parti n'ont jamais voté les crédits ni aucun texte sur la sécurité. Mme Le Pen a même réussi à se féliciter à la télévision de la loi confortant le respect des principes de la République qu'elle avait pourtant combattue en la qualifiant de liberticide et d'inutile – c'était à propos du burkini et de l'imam Iquioussen. Je vous encourage à vous départir de vos préjugés politiciens.
Votre qualité de policier que vous mettez régulièrement en avant me semble un argument un peu facile, mais pas très bon : un boucher devenu homme politique peut avoir été un mauvais boucher. Je vous encourage, pour le bien de la sécurité, à adopter une position plus générale et moins dogmatique. Je ne vous reproche pas de ne pas avoir été maire d'une ville difficile.
Regardons les faits : depuis qu'Emmanuel Macron est Président de la République, jamais autant de moyens n'ont été consacrés à la police et à la gendarmerie.
Mesdames Untermaier et Guévenoux, la réforme de la police nationale est d'une grande importance. Je me réjouis de la constitution de la mission d'information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des DDPN, confiée à M. Bernalicis et à Mme Guévenoux. Une autre mission a été créée par la commission des lois du Sénat et j'ai de mon côté demandé à l'Inspection générale de l'administration (IGA) et à l'Inspection générale de la police nationale un audit sur les expérimentations. Nous pourrons tirer les enseignements de ces différents travaux dans la LOPMI.
Ne voyez pas d'agenda caché dans ce texte. Il n'y aura pas de généralisation de la réforme de la police nationale si le Parlement et l'exécutif considèrent que ce qui a été expérimenté n'est pas satisfaisant. Vous aurez à voter l'article 1er de la LOPMI, dont l'objet est d'approuver le rapport annexé qui décrit la réforme de la police nationale.
Pourquoi cette réforme ? Pour des raisons historiques, la police nationale travaille de manière cloisonnée, à la différence d'autres structures telles que la gendarmerie nationale ou la préfecture de police. Depuis que je suis ministre de l'Intérieur, je constate, comme tous mes prédécesseurs – et la réforme a été pensée par Pierre Joxe, madame Untermaier…
O tempora, o mores !
Je constate donc que les différents services – police judiciaire, renseignements territoriaux, sécurité publique, CRS – ne se parlent pas toujours.
Cette organisation est-elle efficace – car c'est la qualité du service public rendu qui doit être notre boussole ? Le fait est, comme le montrent toutes les enquêtes, que la délinquance a considérablement muté – la cybercriminalité représente la moitié des crédits supplémentaires prévus par la LOPMI –, que la voiture d'un voleur dispose d'équipements technologiques de pointe, que les réseaux sont internationaux, que le lien entre le grand trafiquant de drogue à Dubaï et le point de deal à côté de chez vous est souvent très fort.
Autre constat : le taux d'élucidation pour la police judiciaire baisse année après année. C'est notamment dû à l'utilisation de la technologie : si tous les délinquants sont sur WhatsApp ou Telegram, les écoutes téléphoniques sont un peu moins efficaces !
Les services sont à ce point cloisonnés que j'en ai vu certains signer des conventions pour pouvoir travailler ensemble ! C'est aberrant. Dans un département, les interlocuteurs sont dispersés : il y a un directeur de la sécurité publique, un de la police aux frontières, un de la police judiciaire, un des renseignements… Lorsque vous arrêtez quelqu'un qui a donné un coup de couteau, il faut se demander de quel service cela relève : est-ce terroriste, criminel, gratuit ? Si la personne est étrangère, la PAF devra intervenir puisqu'elle aura à la reconduire dans son pays d'origine. La personne peut aussi avoir fait l'objet d'une note des renseignements qui n'a pas été transmise au bon service, comme ce fut le cas dans l'affaire Samuel Paty et dans bien d'autres. Le commissariat local peut avoir besoin de l'expertise technique de la police judiciaire ou de sa connaissance des réseaux criminels. Bref, les informations ne circulent pas suffisamment aujourd'hui.
L'idée d'une direction unique de la police nationale, une par département, me paraît pertinente mais pose plusieurs questions.
Pour ce qui est de la police judicaire, son autonomie sera renforcée. Ses effectifs passeront de 5 000 à 20 000 personnes, ce qui ne peut que satisfaire tous ceux qui, de tous les bords politiques, déplorent un manque d'OPJ. L'évolution des carrières y gagnera beaucoup. Mais qu'il soit clair qu'aucun policier appartenant à la police judiciaire ne se verra affecter ailleurs demain.
Certains objectent que la criminalité ne connaît pas les frontières départementales. J'en conviens. C'est la raison pour laquelle seront créées, en plus grand nombre que dans le projet de réforme initial, des antennes régionales couvrant peu ou prou les bassins de délinquance.
S'agissant des affaires financières, certains pointent un risque de collusion ou de divulgation. Je ne crois pas que, par le passé, les préfets étaient informés des contrôles fiscaux et que, s'ils l'étaient, ils prévenaient les élus. J'ai aussi vu de près la fusion des directions de la comptabilité publique et des impôts, que nous avons parachevée en instaurant le prélèvement à la source. Elle avait fait l'objet des mêmes critiques mais aujourd'hui, chacun exerce son métier sans divulguer des informations relevant du secret fiscal, sous l'autorité d'un directeur départemental unique des finances publiques. Le préfet reçoit des informations de comptabilité publique, mais pas des informations couvertes par le secret fiscal.
Toutefois, pour lever toute ambiguïté dans cette matière délicate, j'ai proposé que toutes les affaires pouvant soulever des questions de probité, impliquant des personnes pouvant avoir un lien avec les pouvoirs publics – chefs d'entreprise, élus… – soient dépaysées au niveau zonal afin que le préfet de département ne se trouve pas en porte-à-faux vis-à-vis du directeur départemental de la police.
Enfin, certains s'inquiètent de l'indépendance des magistrats, mais qui choisit le service chargé de l'enquête, qui dirige les policiers et les gendarmes sur le terrain ? Ce sont bien les magistrats ! C'est la raison pour laquelle les policiers municipaux ne sont pas devenus officiers de police judiciaire dans la loi « sécurité globale » : les maires ont préféré garder la main sur eux plutôt que de la laisser au procureur. En tant que maire de Tourcoing, j'avais plus de pouvoir sur les contrôles menés par la police municipale que maintenant, où je me contente de mettre des policiers et des gendarmes à la disposition des magistrats.
Le préfet a bien évidemment un intérêt dans la sécurité de son département. Pour agir contre la délinquance, il a besoin de toutes les informations que les services – renseignements, police aux frontières, investigation, sécurité publique… – peuvent lui fournir ; c'est pourquoi ceux-ci doivent se parler. La police judiciaire fait un travail formidable, il faut simplement qu'elle se modernise. Je serai très attentif aux travaux de l'IGA et des parlementaires sur ce sujet.
Concernant les Jeux, madame Guévenoux, je rendrai prochainement un arbitrage sur le nombre de forces dont la présence sera nécessaire. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que nous annulons une grande partie des congés des préfets, des agents de préfecture et des forces de l'ordre pour l'été 2024.
L'inscription dans la LOPMI d'une trajectoire budgétaire sur cinq ans, à l'instar des lois de programmation militaire, constitue une innovation majeure pour les forces de l'ordre et la sécurité publique. Je précise à l'intention d'Éric Ciotti que nous travaillerons à partir de la version votée par le Sénat, lequel est dominé par ses amis du groupe Les Républicains.
Je souhaite évoquer les premiers résultats de la loi « séparatisme », la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Elle contient des outils juridiques qui rendent l'État plus puissant, notamment dans la lutte contre l'islamisme politique ; elle lui donne la capacité à répondre à l'enjeu du burkini, de rendre expulsable un imam qui prononce des propos contraires aux principes de la République. En tant que ministre des cultes, quel bilan tirez-vous, un an après, de la réforme de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ? Après un débat assez intense avec les cultes, j'ai le sentiment que l'application de ce texte se fait dans un climat très apaisé. Séparer les activités cultuelles et culturelles au sein des associations était nécessaire parce que là se trouvait parfois le terreau du séparatisme. Nous avons donc musclé le cadre des associations loi 1901. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Enfin, pouvez-vous nous donner des précisions sur la traçabilité des financements extérieurs, qui représente un enjeu de sécurité publique important ?
La ville de Nîmes est gangrenée par l'insécurité. Fin août, dans le quartier du Chemin-Bas d'Avignon, un homme sous contrôle judiciaire a violemment percuté une femme, qui s'est retrouvée écrasée contre un mur, et un incendie criminel a touché une école du Mas Roman. Il y a une dizaine de jours, une jeune femme a été agressée sexuellement en pleine rue par un mineur isolé. Les trafics de stupéfiants sont présents dans toute la ville, et certains quartiers sont gangrenés. Les armes circulent, fréquemment utilisées pour des règlements de comptes et des tirs d'intimidation entre bandes rivales. Les homicides ou tentatives d'homicide se multiplient. Je n'exagère pas la situation : les quartiers de Nîmes sont devenus des zones de non-France. Les policiers y sont devenus des cibles prioritaires, les services de secours et les professionnels de santé doivent être protégés en cas d'intervention, les facteurs craignent l'agression, les bus se font caillasser, l'ultraviolence s'intensifie.
Aucune réponse n'est apportée par le Gouvernement. Il y a trois semaines, monsieur le ministre, vous avez annoncé un renfort de policiers dans certaines villes mais Nîmes n'était pas concernée. En juillet dernier, je vous ai demandé des données chiffrées sur l'insécurité dans ma circonscription mais vous n'avez pas daigné me répondre. Vous m'objecterez que vous avez créé des postes supplémentaires ces dernières années mais vous oublierez de parler des effectifs nets et vous ne comparerez que les périodes qui vous arrangent, comme d'habitude. Monsieur le ministre, il est temps de permettre aux Gardois et aux Français de vivre en sécurité.
Je voudrais relayer ici les questions des pompiers de la Meuse, que j'ai rencontrés lors d'un déplacement. D'abord, ils ont besoin de moyens, surtout pour s'équiper en matériel. Ensuite, ils déplorent la perte de sens de leur travail. Ils effectuent par exemple de plus en plus souvent du transport de personnes, qui relève habituellement des ambulances privées. Ils sont également préoccupés par les disparités salariales entre départements, qui peuvent être considérables – de l'ordre de 400 euros en ce qui les concerne, ce qui n'est pas sans conséquence sur leur motivation.
L'organisation du service des pompiers est départementale alors que certaines missions sont d'intérêt national, comme la lutte contre les incendies. Ainsi, les pompiers professionnels qui souhaitent y participer doivent se déclarer volontaires, c'est-à-dire qu'ils se rendent sur les lieux des incendies entre deux périodes de travail habituel. Cela soulève le problème de la fatigue des personnels et de l'efficacité de la lutte contre les incendies.
Enfin, ils s'interrogent sur la réintégration des pompiers suspendus non vaccinés, certains ayant mal vécu le fait que l'on fasse venir des pompiers de l'étranger pour lutter contre les incendies sans s'interroger sur leur statut vaccinal alors que des pompiers français étaient disponibles.
Le maire de Vallauris Golfe-Juan, dans les Alpes-Maritimes, doit compenser le manque d'effectifs de la police nationale avec sa police municipale, alors que cette ville, comme tant d'autres, connaît une recrudescence de violences, de vols et de rodéos urbains. Les effectifs supplémentaires que vous avez annoncés pour les Alpes-Maritimes seront-ils équitablement répartis dans l'ensemble du département ?
La LOPMI vise à donner plus de moyens humains, juridiques et matériels au ministère de l'Intérieur, ce dont je me réjouis. Ses intentions sont louables, mais nous veillerons à sa traduction en actes. Je regrette néanmoins qu'aucune disposition ne vienne renforcer les prérogatives des polices municipales, qui sont la troisième force de sécurité de notre pays. Je pense tout particulièrement aux missions de contrôle – alcoolisme, stupéfiants, identité – et à l'accès à certains fichiers. Quelles sont vos intentions quant au rôle des polices municipales ? Comment les rendre plus efficientes, alors que leur financement est à la charge des communes ?
. Le 21 août dernier, l'hôpital de Corbeil-Essonnes a été victime d'une attaque par rançongiciel, qui a gravement affecté son fonctionnement. Le secteur de la santé est de plus en plus visé par ce type d'attaques. En pareil cas, l'État a toujours recommandé de ne pas payer les rançons exigées : dans son guide paru en 2020 Attaques par rançongiciels, tous concernés, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information a rappelé que le paiement incitait les cybercriminels à poursuivre leurs activités.
Cependant, l'article 4 de la LOPMI prévoit l'indemnisation des assurés en cas de paiement d'une rançon, la conditionnant à un dépôt de plainte rapide. Cela ressemble à un changement de doctrine de la part de l'État. Ne craignez-vous pas d'envoyer ainsi un signal poussant à la recrudescence de ce type d'attaques envers les entreprises et les établissements français, qui deviendraient des cibles particulièrement lucratives pour les hackers ?
Le dépôt de plainte en cas de cyberattaque est une étape essentielle dans la lutte contre la cybercriminalité. La création des premières e-compagnies en école de gendarmerie est très positive. Cependant, comment entendez-vous favoriser la formation et la sensibilisation de nos policiers et de nos gendarmes au risque cyber ?
En répondant à Cécile Untermaier, monsieur le ministre, vous avez parlé de 20 000 postes d'enquêteur à la police judiciaire : s'agit-il de créations ou d'un redéploiement ?
Par ailleurs, je tenais à vous faire part de problèmes constatés dans certaines préfectures concernant des renouvellements de papiers d'identité. Il est demandé pour la première fois à des personnes de plus de 60 ans, d'origine algérienne par exemple, de prouver leur nationalité. Imaginez le choc pour ces personnes qui sont des électeurs, parfois des fonctionnaires, et qui ont toujours renouvelé leur carte sans problème ! Des instructions ont-elles été données en ce sens ? Pouvez-vous nous apporter des explications ?
Nous avons tous observé un allongement des délais pour l'établissement des titres d'identité. Vous avez été amené à établir un plan d'urgence : que pouvez-vous nous en dire ? Certaines de ses mesures ont-elles vocation à être pérennisées ?
Monsieur le ministre, je me suis rendu ce matin à Dunkerque pour observer et tenter de comprendre votre politique migratoire. Arrivé aux abords du camp de Loon-Plage, je m'en suis vu refuser l'accès par le commissaire de police. Il m'a été demandé de me tenir éloigné du périmètre d'une opération de « mise à l'abri » qui n'a visiblement pas rencontré de succès puisqu'une seule personne est montée dans le bus de cinquante places affrété pour l'occasion.
En revanche, j'ai vu des dizaines de familles partir, résignées, épuisées, leurs bagages sur le dos, leurs enfants à la main, pour s'installer dans un champ de terre humide à quelques dizaines de mètres de là. La seule demande que j'aie entendue de leur part était d'obtenir un robinet avec de l'eau potable. Quelle nation soucieuse des droits de l'homme peut-elle refuser un accès permanent à l'eau potable ? Les associations ont alerté sur les effets d'une politique qui empêche les exilés de faire valoir leurs droits et les exclut des informations juridiques nécessaires.
Avons-nous fait barrage à l'extrême droite, le 24 avril dernier, pour que des hommes, des femmes et des enfants vivent dans de telles conditions, et pour que les associations qui leur viennent en aide soient harcelées, empêchées d'agir et injuriées ? Avons-nous sauvé la République dans les urnes pour qu'elle soit ainsi bafouée dans les camps de fortune que la France offre pour seul accueil à ceux qui ont fui les guerres et la misère ? Vous disiez il y a quelques mois que vous trouviez Mme Le Pen trop molle. Nous découvrons que ce n'était pas une formule, mais un aveu. Pire, c'est un programme ; et un style, celui d'un Sarkozy discount !
Les territoires d'outre-mer sont confrontés à des problèmes sécuritaires majeurs. Le taux de criminalité y demeure bien supérieur à celui de la France hexagonale, la Guyane obtenant la palme des plus mauvais records. Les données du service statistique ministériel de la sécurité intérieure sont particulièrement éloquentes : alors que, entre 2016 et 2021, la moyenne pour l'ensemble des territoires français s'établit à 1,2 homicide pour 100 000 habitants, elle s'élève à 11,2 pour la Guyane.
La situation est donc mauvaise. En dépit de manifestations régulières pour dénoncer l'insécurité – en 1996 déjà, des milliers de personnes se réunissaient dans les rues de Cayenne pour protester – celle-ci perdure. Plutôt que de laisser la Guyane être stigmatisée et catégorisée comme l'un des territoires les plus criminogènes de France, nous devrions acter officiellement l'échec des politiques gouvernementales, calquées sur les méthodes du territoire hexagonal mais systématiquement déconnectées de nos réalités. La souffrance systémique d'une population en détresse ne se soigne pas à coups d'opérations anti-délinquance ni de renforcements temporaires des effectifs de police et de gendarmerie. Je me réjouis que la LOPMI s'apprête à doter votre ministère de moyens humains, juridiques et budgétaires inédits mais je souhaite que l'on s'attaque enfin à la source des maux qui affectent la société guyanaise, en tenant compte des spécificités de notre territoire.
Monsieur le ministre, je vous ai envoyé hier un courrier vous demandant de vous rendre à Saint-Laurent-du-Maroni, capitale de l'ouest et ville frontalière, lors de votre prochain passage en Guyane, afin de prendre la mesure de la réalité.
Je me rendrai en Guyane le week-end prochain pour les assises de la sécurité. Ce territoire est touché de manière endémique par une très forte délinquance, nourrie par la pauvreté et le trafic de drogue. Les effectifs ont déjà été augmentés de façon très importante, quatre escadrons de gendarmerie mobile étant désormais à demeure en Guyane : aucun territoire, à l'exception de Mayotte, ne connaît un tel déploiement policier.
Les réponses doivent être apportées à l'échelon interministériel. Ainsi, l'opération Harpie associe gendarmerie et forces armées dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles. L'organisation de ces opérations est un véritable enjeu car elles mobilisent beaucoup de moyens. De plus, l'aéroport de Guyane pose un problème spécifique car il est le lieu d'entrée de la drogue sur le territoire européen, au sens large. Elle est convoyée par des mules qui prennent des risques incroyables en ingurgitant un ou deux kilos de cocaïne – il s'agit souvent de mères seules et d'étrangers en situation irrégulière, exploités par les trafiquants. Nous aurons l'occasion de répondre à vos interrogations dans une semaine. Je ne sais pas si j'aurai la possibilité de me rendre à Saint-Laurent-du-Maroni car je dois ensuite gagner la Martinique mais, pour y être allé quatre fois, je pense comme vous que cette ville concentre, avec Cayenne, les difficultés les plus importantes.
Monsieur Lucas, je ne pense pas que vous ayez sauvé la République, même si vous semblez en être convaincu. Dans ma propre élection législative, il se trouve que le Rassemblement national a voté avec La France insoumise… Je ne vous ai pas fait de leçon de morale, essayez d'éviter d'en faire.
Quant à votre présentation de ce qui se passe à Dunkerque, elle est contraire à la vérité. Nous mentirions si nous affirmions que la solution n'est que française. Si les migrants traversent l'Afrique et l'Asie, ce n'est pas pour admirer la beauté des paysages de la Côte d'Opale mais pour se rendre en Angleterre, où les attendent leurs familles – c'était le cas lors du drame survenu l'hiver dernier dans la Manche, qui s'est soldé par la mort de vingt-sept personnes. C'est pour cela que, alors que 60 % des migrants sont éligibles à l'asile, seuls 4 % déposent une demande en France, malgré tous les efforts des services du ministère de l'Intérieur pour les en convaincre.
Pourtant, 11 000 logements sont prêts à les accueillir dans la région des Hauts-de-France, avec l'eau, l'électricité, le chauffage, des vêtements et un accompagnement social. Malheureusement, des organisations, que vous allez l'air de soutenir, s'efforcent de soustraire les migrants à ces opérations de mise à l'abri, qui ne donnent lieu à aucun contrôle d'identité et ne visent qu'à les répartir dans d'autres régions. C'est ainsi que de nombreux migrants, parfois accompagnés de bébés, se retrouvent dans des camps où règne une grande violence, exploités par des passeurs, sans accès à l'eau, à l'alimentation ou au chauffage. Cela donne une situation très difficile pour les migrants bien sûr, mais aussi pour la population du Nord-Pas-de-Calais. Cette situation dure depuis trente ans, même s'il y a aujourd'hui quinze fois moins de migrants qu'il y a six ans au moment du démantèlement salutaire de la jungle de Calais par Bernard Cazeneuve.
Par ailleurs, le code du travail britannique encourage l'immigration irrégulière. En dépit des annonces de son gouvernement, rien n'a changé dans la politique migratoire du Royaume-Uni. M. Johnson a fait croire que sortir de l'Europe permettrait de mettre fin à l'immigration mais il n'en a évidemment jamais été question. Nous avons des difficultés à convaincre nos amis britanniques qu'il existe des flux légaux d'immigration. La Grande-Bretagne, qui compte environ 1 million d'étrangers en situation irrégulière, ne procède qu'à 3 000 expulsions par an. Certains vantent son modèle, mais personne n'a jamais vu sa politique de refoulement des migrants au Rwanda se concrétiser – comme de juste, s'agissant d'un dispositif parfaitement contraire aux obligations internationales de nos pays ! Les Britanniques sont obligés de constater que lorsque des migrants arrivent sur leur sol, ils ont quasiment 100 % de chance de rester.
Ne vous trompez pas d'adversaire : l'inhumanité est le fait des passeurs, non des forces de l'ordre et des préfets. Les camps, c'est le contraire de l'humanité. Nos opérations de mise à l'abri ont pour but d'emmener ces personnes dans des lieux de résidence où elles peuvent déposer leurs papiers, soigner leurs enfants, vivre. S'y opposer, ce n'est rien d'autre qu'alimenter l'exploitation des êtres humains par les passeurs.
La question des moyens supplémentaires pour l'investigation est très importante. En tant qu'élu, je sais qu'on manque toujours d'effectifs mais en tant que ministre de l'Intérieur, je ne peux affecter dans des commissariats ou des services de police que des gens qui ont fait l'école de police et qui se sont portés candidats. Les postes sont plus faciles à pourvoir en ce qui concerne les gendarmes car ils ont un statut militaire, même s'il en manque tout de même dans certains territoires, par exemple à la brigade de Mamoudzou.
La réforme de la police nationale que nous proposons vise notamment à permettre au ministère de mieux piloter ses effectifs. Il manque environ 5 000 officiers de police judiciaire sur un total souhaitable de 22 000. De plus, une partie des OPJ ne sont pas affectés à des enquêtes judiciaires, par exemple lorsqu'ils travaillent dans le renseignement territorial. Nous avons donc retiré les primes qu'ils percevaient dans ce cas pour doubler celles des policiers qui acceptent d'être affectés à des enquêtes. Par ailleurs, la simplification de la procédure pénale est également importante pour leur travail ; c'est pourquoi la LOPMI prévoit l'intervention d'assistants d'enquête.
C'est aussi une question d'évolution de carrière : dans certains postes, il arrive qu'un commissariat ne donne pas de promotion à un OPJ par crainte qu'il ne soit pas remplacé, du fait du manque d'effectifs. Cela se sait dans les services, et dissuade de choisir ces postes. Plus les effectifs seront élevés, plus on parviendra à garantir des promotions – et d'autant plus en mettant fin à l'organisation cloisonnée que j'évoquais tout à l'heure. Dans la réforme, l'ensemble de l'investigation, du commissariat de secteur aux grands offices financiers ou criminels, sera rassemblé dans une même direction nationale de la police judiciaire.
Dans la loi précédente, le Gouvernement avait fait adopter un amendement portant la formation des policiers et des gendarmes à douze mois, au lieu de huit. Le module OPJ figurera dans ces quatre mois supplémentaires, sous réserve d'une disposition législative pour supprimer le délai de trois ans qui existe entre la sortie de l'école de police et la présentation du concours d'OPJ, ce qui me semble une règle absurde. Il est possible que les deux tiers des candidats qui se présenteront dès la sortie de l'école échouent au concours – et alors ? Ils auront du moins reçu une formation juridique.
Le concours reste inchangé, sous la présidence des magistrats. Ceux qui l'auront réussi pourront être affectés dans les commissariats à des postes qui requièrent une qualification judiciaire. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts car les ouvertures de postes dépendent de la loi de l'offre et de la demande, mais parmi les quelque 1 500 policiers de sécurité publique qui seront nommés dans les commissariats partout en France à leur sortie de l'école, certains auront déjà la qualification d'OPJ, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
La question est cruciale car plus on fait d'enquêtes, plus on interpelle de personnes sur la voie publique, plus on a besoin d'enquêteurs pour présenter ces personnes aux magistrats. Une bonne procédure judiciaire est essentielle à une bonne condamnation pénale. Je le dis aux policiers et aux gendarmes qui s'étonnent de certaines suites pénales données à leurs enquêtes, alors que celles-ci résultent d'un défaut de procédure de leur fait. Il est normal que, dans une république, on condamne des personnes selon une bonne procédure.
J'espère vous avoir convaincu que la réforme améliorerait l'investigation.
Pour ce qui concerne les pièces d'identité, les Français n'ont pas renouvelé leurs titres pendant le covid parce qu'ils ne bougeaient pas de chez eux et que les services municipaux et les préfectures étaient fermés. Sur une carte d'identité ou un passeport valables dix ans, un an et demi ou deux ans ont été perdus et, la date d'un concours, d'un examen, du permis de conduire ou d'un voyage approchant, beaucoup se sont aperçus que leur pièce d'identité ou leur passeport n'était plus valable.
Des erreurs ont été commises par l'administration et les collectivités locales, mais cet embouteillage causé par les demandes des personnes est une des explications, notamment à l'approche de l'été 2022.
L'administration n'avait pas assez anticipé la difficulté. En débloquant 400 postes supplémentaires pour l'Agence nationale des titres sécurisés, nous sommes passés de 100 jours d'attente en juin 2022 à 38 aujourd'hui. Avant la crise, ce délai était de 30 jours. Nous sommes donc presque revenus à la normale, sauf dans quelques territoires où le délai d'attente est plus long. D'ailleurs, les communes n'ont pas réclamé toutes les machines de prise de rendez-vous dont nous disposons. Tournez-vous vers vos préfets : ils peuvent débloquer certaines situations.
Certaines personnes ont aussi pris plusieurs rendez-vous, dans des communes ou des départements différents, créant une véritable thrombose du système. Nous en avons tiré les conclusions en décidant de créer un fichier unique de prise des rendez-vous.
Enfin, une partie des effectifs était encore en télétravail, ce qui n'aidait pas à répondre aux demandes. Nous avons introduit certaines facilités, par exemple pour les étudiants, en autorisant une pièce d'identité périmée, mais cela n'est pas satisfaisant.
Monsieur Gillet, vous faites une présentation bien noire de votre territoire, le Gard. Vous me reprochez de ne pas vous donner les chiffres que vous me demandez, tout en disant que mes chiffres sont toujours faussés. J'y vais quand même : les effectifs nets actifs des commissariats de votre département sont passés de 210 en 2017 à 312 en 2022. Lors du précédent quinquennat, les vols violents ont diminué de 43 %, les vols de véhicules de 38 % et les cambriolages de 34 %. Quinze tonnes de cannabis ont été saisies dans le département, qui est un passage entre l'Espagne et la France – non seulement la zone sud, mais aussi l'Île-de-France. Les violences faites aux personnes ont augmenté, comme partout dans le territoire national, comme je l'ai dit. Et vous n'avez pas eu d'autres CRS car la précédente hausse d'effectifs de police avait été considérable, équivalente à celle de Mayotte.
Étant venu trois fois à Nîmes et ayant participé à plusieurs tournées de la police nationale, je connais bien ses difficultés : ce sont celles de l'arrière-pays marseillais. L'augmentation des violences faites aux personnes est due à la hausse des règlements de compte, à la suite de la multiplication des procédures judiciaires et des interpellations effectuées – +35 % pour les trafiquants de drogue dans les deux dernières années.
La police et la justice font donc leur travail, dans des conditions difficiles. Vous avez raison, il y a une bataille à gagner ici pour la République, notamment du fait de la situation de Marseille. Comme nous affectons énormément de moyens à cette ville, nous parvenons à y faire reculer les trafics de drogue, surtout dans les quartiers nord, mais les trafiquants déplacent leurs activités ailleurs, notamment dans le Vaucluse et le Gard. J'aurai l'occasion d'en reparler avec vous sur le terrain, si vous le souhaitez. Quoi qu'il en soit, lorsqu'on ajoute plus de 100 policiers nets dans les commissariats d'une ville comme Nîmes, on peut considérer que la République est au rendez-vous.
M. Léaument a évoqué le sentiment de perte de sens qu'éprouvent les pompiers de la Meuse. Il vient du fait que 80 % de leurs interventions concernent la santé ou le secours aux personnes – les « carences ambulancières ». La loi Matras a essayé de résoudre le problème en augmentant les tarifs facturés par les départements à l'assurance maladie, mais cela n'est pas satisfaisant. Dans ma circonscription et dans bien d'autres, les pompiers viennent combler le manque de médecins, d'hôpitaux et de services d'urgences, en milieu rural et parfois urbain. Le travail que réalise le ministre de la santé et de la prévention contre les déserts médicaux et les fermetures d'hôpitaux contribue à résoudre ce problème : plus on aidera la filière santé, moins les pompiers auront à accomplir ce travail qui les conduit à une perte de sens.
Quant au matériel, c'est une compétence du conseil départemental. Si l'on est favorable à la décentralisation, l'on doit accepter que ceux qui ont le pouvoir décident. Vous devrez discuter de ce sujet avec le conseil départemental de la Meuse. Nous sommes toutefois prêts à revoir le financement de son SDIS, qui n'est peut-être pas assez moderne et dynamique.
Vous posez également la question des pompiers suspendus et, plus généralement, des professionnels de santé qui n'ont pas accepté la vaccination. Il reviendra au ministre de la santé et de la prévention d'y répondre, mais je vous assure que nous avons vérifié que tous les professionnels que nous avons fait venir en France, y compris les Polynésiens, étaient vaccinés.
Enfin, 60 % des pompiers professionnels sont aussi volontaires. Le système n'est pas si mauvais, car il permet que le pompier professionnel de Lille habite une caserne rurale, qui ne serait pas tenue sinon. Certains syndicats revendiquent que les pompiers soient tous professionnels, ce que ne partage pas toute la profession car, par nature, ces pompiers coûtent plus cher.
C'est donc une question de financement, et de département. Les petits départements ruraux sont souvent davantage touchés par les feux de forêt et les déserts médicaux. Dans l'Essonne, les pompiers sont financés par la taxe sur les contrats d'assurance mais n'ont pas de feux de forêt ! Dans les mois à venir, il faudra examiner comment aider les départements qui connaissent des déserts médicaux et répondre à l'enjeu du financement.
Monsieur Pauget, le préfet des Alpes-Maritimes informera les communes de la répartition des nouveaux effectifs de police. Tout le monde sera servi. Une CRS supplémentaire de 60 personnes sera effective au 31 octobre ; d'autres, l'année prochaine.
La LOPMI ne contiendra pas de dispositions pour la police municipale. Le Conseil constitutionnel a été clair : nous avons été au maximum des pouvoirs que nous pouvions leur donner. Pour les accroître, il faudrait changer la Constitution ou déléguer la police municipale au procureur de la République pour les actions judiciaires, ce que les maires n'acceptent pas.
La loi pour une sécurité globale préservant les libertés a autorisé les agents des polices municipales à accéder au système d'immatriculation des véhicules, au fichier national des permis de conduire, au système d'information national des fourrières en automobiles et au fichier national unique des cycles identifiés. Leur accès au système de vérification des documents d'identité, au fichier des personnes recherchées et au fichier de déclaration et d'identification de certains engins motorisés, est en train d'être finalisé.
S'agissant de la loi « séparatisme », monsieur Boudié, vous avez raison. Les structures ont trois ans pour passer du régime d'association loi 1901 à une association loi 1905. Je remercie le recteur de la mosquée de Paris, la plus importante de France, d'avoir mené à bien ce changement et d'entrer entièrement dans le cadre républicain, en déclarant, le cas échéant, tous les financements étrangers. C'est le modèle auquel on doit aboutir.
Les préfets rassemblent actuellement les représentants des associations cultuelles régies par la loi de 1901, essentiellement musulmanes et évangélistes, pour expliquer le changement vers le régime d'association loi 1905 et distinguer les activités culturelles et cultuelles. Les juifs et les protestants ont déjà adopté le régime d'association loi 1905 ; les catholiques ont des associations diocésaines équivalentes.
Parmi les 2 600 lieux de culte musulmans que compte la France, une centaine étaient soupçonnés de radicalisation et de séparatisme lorsque je suis devenu ministre de l'Intérieur. Trente structures ont été fermées, notamment grâce à la loi « séparatisme » ; trente autres sont sorties des radars car elles ont changé d'imam, de dirigeants ou de financements, une fois les contrôles effectués. Enfin, une trentaine de lieux sont en cours de contrôle par les services du ministère de l'Intérieur.
Vous avez fait des annonces en matière de cybercriminalité. La plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) a recueilli 1,5 million de signalements depuis sa création en 2009 – 270 000 en année pleine actuellement. Parmi ces signalements, 10 % concernent des discriminations, 55 % des escroqueries et 3 % de l'apologie du terrorisme. Malgré cette activité soutenue, ses effectifs ne sont que de 28 enquêteurs – 7 de plus qu'en 2016. Comptez-vous les renforcer, comme le Premier ministre Jean Castex le souhaitait ?
Après la crise sanitaire et la loi « séparatisme », où en sont les actions de prévention que les forces de l'ordre mènent dans les écoles ?
Les agressions et faits de délinquance augmentent, y compris dans les secteurs agricole et viticole. Dans l'Aube, la côte des Bar, avec ses 8 000 hectares de vignes, voit le nombre de ses travailleurs augmenter significativement lors des vendanges. Dans cette période si importante, il est nécessaire de protéger la population et les infrastructures, car les préjudices peuvent être considérables.
Quel bilan tirez-vous du dispositif de sécurité – quatre réservistes et une brigade mobile, à vélo notamment – qui a été instauré dans l'Aube et dans la Marne pour lutter contre les actes de délinquance dans le secteur viticole ? Comptez-vous le reproduire pour la suite ?
Comment parviendrez-vous à créer 200 brigades de gendarmerie et à doubler les forces de l'ordre présentes sur le terrain d'ici à 2030 ? Prendrez-vous l'avis des élus locaux ?
L'enjeu de la départementalisation de la police, notamment judiciaire, est-il d'atteindre l'objectif de 50 % d'effectifs en plus sur le terrain à un instant donné ? Cela conduira à multiplier les interpellations et à engorger encore davantage la police judiciaire. Le rapport de la Cour des comptes du 18 novembre 2021 constatait ainsi une diminution du taux d'élucidation des faits de délinquance et de la présence sur le terrain, bien que les effectifs aient augmenté de 21 % en dix ans. Il faut regarder cela de plus près avant de se jeter à nouveau sur le même mur.
Ou alors l'objectif est-il, au mépris de la séparation des pouvoirs, de renforcer la mainmise sur les enquêtes et le nombre d'enquêteurs ? Il n'est pas vrai que ce seront les magistrats qui les choisiront : bien souvent les chefs seront déjà pris sur une affaire – ou sur une commande du préfet, puisqu'ils seront sous sa coupe.
Les maires de petites communes se sentent parfois démunis face aux incivilités, et abandonnés par les services de l'État. Le code général des collectivités territoriales dispose que « la police municipale est chargée d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité, et la salubrité publiques ». À ce titre, les maires doivent prévenir et sanctionner certaines incivilités ainsi que les nuisances pouvant engendrer un trouble anormal à la tranquillité publique. Ces prérogatives sont difficiles à exercer dans les petites communes : les maires n'ont pas les moyens techniques, humains et financiers pour remplir pleinement ces missions. Un soutien administratif est nécessaire. Il faut envisager une procédure d'accompagnement fiable et automatique des services compétents par le parquet et la gendarmerie lorsque les mesures prises ne sont pas respectées.
Comment répondrez-vous aux attentes légitimes des maires des petites communes ? La loi de finances pour 2023 permettra-t-elle de leur apporter un soutien opérationnel ?
Monsieur le ministre, je vous remercie de vos différents déplacements en Gironde, département durement frappé par les incendies, pour rendre hommage à nos pompiers, agents de défense des forêts contre l'incendie et bénévoles. Est-il vraiment inconcevable que notre territoire puisse bénéficier d'une base, même temporaire, pour les moyens aériens ? Le besoin est grand.
Les réservistes de la police et de la gendarmerie pourront-ils bénéficier de davantage de disponibilités en tant que sapeurs-pompiers volontaires, comme ils le souhaitent ?
Enfin, le rapport sur le financement des SDIS, qui doit paraître en janvier 2023, est-il en bonne voie ?
La réforme des services de police en cours d'expérimentation dans plusieurs départements hexagonaux et d'outre-mer, qui placera tous les services, y compris ceux de la police judiciaire, sous les ordres d'un directeur départemental unique, dépendant du préfet, inquiète les policiers comme les professionnels de la justice, magistrats et avocats. La suppression des brigades spécialisées et la refonte des moyens des services d'enquête dans les effectifs globaux de la sécurité publique sont ressenties comme une aberration : les enquêtes sur les dossiers les plus lourds nécessitent en effet plus de temps et de moyens matériels et humains.
Ne serait-il pas sage de suspendre l'expérimentation et d'abandonner votre projet de direction départementale de la police nationale regroupant l'ensemble des services sous un commandement unique ?
La doctrine de maintien de l'ordre doit garantir la liberté de manifester en toute quiétude. Vous l'avez considérablement modifiée, notamment pour la tenue des manifestations, d'abord avec le principe du contact, ensuite par la déprofessionnalisation, en particulier en ayant recours aux policiers des brigades anticriminalité au lieu des CRS. C'est pour ces deux raisons, me semble-t-il, que nous avons vu la violence augmenter, des deux côtés. Quel bilan en tirez-vous, y compris dans la LOPMI ? Comment comptez-vous garantir le droit de manifester sans être confronté à la violence ?
À Bolbec, dans ma circonscription, les effectifs de police sont bien revenus au niveau de 2017. En revanche, monsieur le ministre, certains commissariats, tel celui de Fécamp, étaient déjà en sous-effectif à cette date : leurs effectifs avaient diminué depuis 2012, voire avant. Quelle est votre doctrine à leur sujet ?
Les communes vont-elles conserver dans les années qui viennent leurs effectifs de CRS-maîtres-nageurs sauveteurs, qui surveillent les plages avec compétence et autorité – voire les renforcer ?
Nous connaissons les migrants qui veulent à tout prix traverser la Manche. Certains ne restent parfois qu'une nuit dans les hébergements français. Un nouveau traité pourrait-il permettre à un certain nombre d'entre eux de se rendre en Grande-Bretagne sans risque ?
Porter plainte est difficile, notamment pour les victimes de violences conjugales ; or si la plainte n'est pas recueillie et transmise à temps, on peut déboucher sur de véritables drames. L'article 15-3 du code de procédure pénale dispose que « les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes ». En pratique, ces victimes se voient trop souvent éconduites, faute de preuves accompagnant leur plainte : on leur conseille de déposer une main courante, qui est ignorée du parquet. Comment faciliter le dépôt de plaintes en ligne ? Une circulaire pourrait-elle rappeler aux policiers de recueillir les plaintes, même sans preuves, car c'est le parquet qui a l'opportunité de poursuites ?
Une patrouille de gendarmerie franco-italienne se déploie en val de Suse, du côté italien des Alpes. Le protocole opérationnel des deux forces de l'ordre a été signé à Turin par le commandant de l'armée italienne. Ses manœuvres sont décrites comme non concurrentes à celles de la police aux frontières mais coordonnées, à partir du centre de commandement basé à Modane.
Quel motif justifie de mobiliser nos gendarmes sur des opérations extraterritoriales alors qu'ils sont en effectif insuffisant dans nos zones rurales et périurbaines pour exercer leur mission de sécurité auprès des Françaises et des Français ?
La zone de déploiement de la patrouille se superpose à la zone de chantier de la ligne ferroviaire controversée du Lyon-Turin. L'exploitant de ce chantier ne respectant pas les déclarations d'utilité publique sur l'eau, les militaires italiens seront-ils associés aux gendarmes français pour faire respecter le droit français et cesser les excavations illégales des tunneliers en Maurienne ?
Depuis 2018, la loi a nettement durci la réponse pénale aux rodéos sauvages, un phénomène qui s'est amplifié cet été et dont la répression est une de vos priorités. Aujourd'hui, il faut dépasser le stade de l'évaluation ou du constat et donner des moyens d'agir aux forces de l'ordre. Envisagez-vous d'expérimenter la méthode d'interception britannique, dite de contact tactique, réclamée par certains syndicats de police ?
Il est étonnant que les dispositions de la LOPMI – 15 milliards d'euros pour les forces de sécurité, 8 500 postes créés – ne fassent pas l'unanimité, d'autant que ces crédits élevés viennent après un renforcement déjà considérable lors du précédent quinquennat. Dans ma circonscription, la ville de Castres a vu le retour de sa brigade anticriminalité, que je vous invite à venir inaugurer cet automne.
Dans le débat sur l'asile et immigration, des difficultés émanent de la juxtaposition de deux procédures, l'une relative à l'obligation de quitter le territoire français (OQTF), l'autre à l'appréciation de la demande de titre de séjour ou d'asile. Comment comptez-vous simplifier le dispositif ?
Monsieur le ministre, vos grandes annonces sur le projet de loi sur l'asile et l'immigration ont pour seul but de redorer votre image, après le fiasco du Stade de France et le fâcheux épisode de l'imam radical – d'ailleurs, où est donc passé Hassan Iquioussen ? Et voilà qu'Emmanuel Macron détruit votre opération de communication, en révélant l'objectif réel du texte : transformer nos campagnes en dortoirs à clandestins. Je rappelle que sept Français sur dix souhaitent mettre un terme à la submersion migratoire et que Marine Le Pen est arrivée en tête aux élections présidentielles dans plus de 18 000 communes. Écouterez-vous les Français, qui vous demandent non de répartir les migrants mais de les faire repartir ?
Depuis plusieurs semaines, un campement est installé au cœur de ma circonscription, place de la Bastille. S'y trouvent des dizaines de jeunes qui n'ont pas été reconnus comme mineurs non accompagnés. Le recours pour contester une telle décision n'étant pas suspensif, ces jeunes sont livrés à eux-mêmes : la précarité et la vulnérabilité dans lesquelles ils se trouvent en fait basculer certains dans la délinquance.
Aucune prise en charge n'est prévue durant cette période de recours, alors qu'ils seront nombreux à être finalement reconnus comme mineurs par le juge des enfants. Quelles solutions prévoyez-vous pour assurer l'accueil de ceux qui arrivent sur notre territoire ? Il s'agit de déterminer rapidement leur situation administrative, d'éviter les risques de dérive et les délais d'instruction qui multiplient les campements dans les rues, et enfin de garantir la dignité, la sécurité et l'intégration de ces jeunes dans notre société.
Avec des collègues parlementaires et des représentants du Syndicat des avocats de France, j'ai visité le centre de rétention administrative de Vincennes. Les personnes placées ainsi que les policiers se plaignent des conditions déplorables de cette rétention, qui ressemble plus à une détention : dans ce centre, on perd sa dignité en même temps que sa liberté. Aux yeux de la Cour européenne des droits de l'homme, nous sommes des multirécidivistes de la maltraitance et du déshonneur.
Depuis février 2022, le centre de rétention abrite un Guinéen, arrivé mineur en France et porteur du VIH. Le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration prétend qu'il peut se faire soigner en Guinée alors que seulement un quart des Guinéens peuvent accéder aux traitements et qu'un arrêté de 2017 du ministère de la santé protège les étrangers séropositifs.
J'aurais préféré vous demander quand vous fermerez ces centres, mais ce n'est pas votre projet. Qu'avez-vous donc prévu pour améliorer les conditions de rétention pour les étrangers ainsi que les conditions de travail des agents dans ces centres ? Quelles réponses apporterez-vous à ces étrangers malades, à part votre indifférence et votre course populiste derrière l'extrême droite ?
Depuis des années, le taux d'étrangers envers lesquels la France prononce une OQTF et qui quittent réellement le territoire est ridicule. Il était inférieur à 20 % sous François Hollande. Votre gouvernement semblait conscient du problème et M. Macron et vous-même affirmiez vouloir atteindre 100 % d'OQTF effectives. Or, ce taux est tombé à 7 % en 2020 et 2021, ce qui signifie que 93 % des personnes sous le coup d'une OQTF restent en France.
Nos journaux, nos tribunaux regorgent de centaines de cas d'agresseurs, de violeurs, de criminels qui récidivent alors même qu'ils sont sous le coup d'une OQTF. Combien de victimes supplémentaires en découle-t-il ? Quels moyens nouveaux comptez-vous déployer pour améliorer ces chiffres, en particulier pour expulser tous les délinquants déjà condamnés qui sont sous le coup d'une OQTF ?
Monsieur Houssin, votre présentation est non seulement caricaturale mais mensongère, puisque vous citez les chiffres des années de crise du covid : il est assez difficile de reconduire les gens aux frontières lorsqu'il n'y a plus d'avion et que les mesures sanitaires interdisent de circuler.
Vous auriez pu prendre exemple sur un autre moment du quinquennat précédent : avant 2020, début de la crise sanitaire, nous en étions à plus de 30 % des OQTF effectives. Si vous aviez un minimum d'honnêteté intellectuelle, vous pourriez réitérer l'objectif de 100 % d'OQTF effectives, que je partage, mais en remarquant que le discours du Président de la République datait de quelques semaines avant le covid. En vous référant à ces années où les expulsions étaient impossibles, vous montrez que vous ne cherchez pas la vérité mais des problèmes – c'est grâce à eux que vous êtes élu. Il est facile de vous démasquer, essayez la prochaine fois de mieux maquiller le cadavre !
Monsieur Kerbrat, le ressortissant guinéen que vous avez mentionné est placé en rétention depuis le 15 août 2022. Depuis 2018, il a déjà fait l'objet de trois OQTF. Il se trouve qu'il est consommateur et dealer de crack, et que son casier judiciaire fait apparaître onze antécédents, notamment pour plusieurs viols sur personne majeure et pour séquestration. Autrement dit, vous avez omis de préciser que ce monsieur ne se trouve pas légalement sur le territoire français et qu'il a commis des crimes ignobles, préférant offrir une présentation biaisée pour faire croire que nous n'avons pas d'humanité. J'ajoute que le juge des libertés et de la détention et le médecin – deux professionnels sur lesquels le ministre de l'Intérieur a peu de pouvoir – ont donné un avis favorable à son expulsion.
On peut être d'accord avec vous sur le principe : il faut que les gens se fassent soigner. Interrogez-moi donc sur les 4 000 personnes qui sont soignées chaque année au nom du ministère de l'Intérieur, notamment des personnes séropositives ou atteintes du sida. Reste qu'il y a des individus que nous devons expulser parce qu'ils sont délinquants.
Je regrette que le débat parlementaire et politique ne s'appuie pas sur la vérité. Vous essayez de semer la confusion, ce qui montre bien que votre intention n'est pas de rechercher la vérité ou l'efficacité mais de faire un coup politique. Je le regrette profondément.
Voilà donc deux présentations intéressantes, celle du Rassemblement national et celle de La France insoumise. En répondant à votre question, monsieur Kerbrat, que vous ne m'aviez pas communiquée à l'avance reconnaissez-le, j'ai démontré que vous avez essayé de détourner la vérité et de manœuvrer l'opinion. C'est assez scandaleux.
Je me rends compte que je n'ai pas encore répondu à Mme Desjonquères, qui se demande si, en indemnisant les assurés qui ont payé une rançon, nous ne risquons pas d'encourager les rançongiciels. C'est un peu comme dire qu'il ne faut pas s'assurer contre les cambriolages ou les accidents car cela risquerait d'en augmenter le nombre… La cyberdélinquance, c'est la délinquance que nous connaissons dans la vie réelle transposée sur internet. Bien sûr, il faut veiller à ne pas laisser croire aux gens qu'ils sont assurés contre tout chantage, mais ce n'était pas le sens de la mesure annoncée par le ministre de l'économie.
Nous avons malheureusement constaté que de nombreux établissements publics, entreprises ou particuliers ne portent même pas plainte, préférant payer la rançon ou s'adresser à d'autres officines pour combattre les cyberattaques. Ce n'est pas ainsi que nous lutterons efficacement contre elles. Le ministère de l'Intérieur, chargé de la prévention et des enquêtes, y travaille avec Bercy. La LOPMI prévoit le recrutement de 1 500 cyberpatrouilleurs supplémentaires sur cinq ans, qui seront affectés soit à des plateformes comme PHAROS, soit dans des services d'enquête qui luttent contre la cyberdélinquance.
Celle-ci se développe. Plus de la moitié de nos concitoyens ont déjà été exposés à une escroquerie sur internet. Les personnes âgées, en particulier, n'identifient pas toujours les messages d'une personne qui se fait passer pour quelqu'un d'autre afin d'obtenir leur mot de passe ou leurs coordonnées bancaires. Nous devons faire en sorte que les moyens du policier ou du gendarme soient aussi rapides et efficaces que ceux du délinquant.
Madame Abadie, nous avons doublé le nombre d'enquêteurs affectés à PHAROS : ils sont désormais cinquante-quatre et le travail se fait vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Nous continuerons à renforcer ces effectifs.
En 2021, 263 825 signalements ont été reçus sur PHAROS. Ils peuvent certes concerner des contenus terroristes, mais le plus grand nombre a trait aux atteintes aux mineurs. Nous continuons à augmenter, en lien avec la justice et avec Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, l'effectif de policiers et de gendarmes enquêteurs chargés de lutter contre la pédophilie et les viols à distance, hélas de plus en plus nombreux sur le dark web.
Dans le cadre de la relocalisation de certains services du ministère de l'Intérieur, PHAROS sera déplacée de Nanterre à Lens.
Vous avez raison, monsieur Guitton, il y a une forte augmentation de la délinquance dans le monde agricole et viticole, notamment des vols de bétail et de matériel. Les agriculteurs habitant souvent sur leur exploitation, il s'agit en outre de violations de domicile. À cela s'ajoute l'action d'associations que l'on peut qualifier d'extrémistes, qui cherchent à empêcher le fonctionnement normal des exploitations. Nous devons une protection à nos agriculteurs et viticulteurs.
Nous avons créé il y a quelque temps la cellule Déméter, regroupant des gendarmes qui travaillent auprès des exploitations agricoles. Malheureusement, une partie de ses activités a été contestée par la justice administrative. Nous avons confirmé aux organisations professionnelles agricoles et viticoles le maintien de cette cellule.
En outre, je l'ai dit, nous allons porter à 1 500 le nombre de gendarmes verts, gendarmes spécialisés qui travailleront dans le monde rural et hyper-rural, en lien avec les agriculteurs et les exploitants de la nature, et qui seront chargés de lutter contre les atteintes à l'environnement, sous toutes leurs formes, mais aussi contre les actes de délinquance.
Au cours des vingt ans qui ont précédé l'élection du président Macron, 500 brigades de gendarmerie ont été supprimées. Pour la première fois, nous allons en recréer – 200 au total. Nous allons les implanter en particulier dans les lieux actuellement les plus éloignés des gendarmeries. Je l'ai dit, vous serez tous conviés dans votre département par le préfet et le commandant de groupement, aux côtés de l'ensemble des élus, pour décider des communes d'implantation. Je rendrai ma décision en février. Même les communes qui ne bénéficieront pas d'une nouvelle gendarmerie seront gagnantes, puisque les brigades auront moins de distance à parcourir pour intervenir.
Messieurs Bernalicis et Rambaud, je m'inscris en faux contre certains de vos propos concernant la réforme de la police nationale.
Je le redis devant les parlementaires de la nation, monsieur Rambaud, cette réforme ne se traduira pas par la suppression de brigades ou d'offices spécialisés tels que l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. C'est une fake news qui a circulé. Il faut d'autres raisons que celle-là pour être opposé à la réforme.
Monsieur Bernalicis, la réforme de la police nationale, notamment de la police judiciaire, ne vise pas à mettre davantage d'agents sur la voie publique, même pas pour une seule heure. Dans le discours qu'il a prononcé à Roubaix à l'issue du Beauvau de la sécurité, le Président de la République a assigné au ministère de l'Intérieur l'objectif de doubler en dix ans le nombre de patrouilles sur la voie publique. Nous y parviendrons notamment en accroissant les effectifs, en mettant fin à certains cycles horaires, en mobilisant les réservistes de la police nationale ou en augmentant les crédits affectés à la réserve de la gendarmerie. Mais en aucun cas une heure supplémentaire de présence sur la voie publique ne proviendra de la réforme de la police judiciaire.
Nous aurons l'occasion d'en reparler, notamment lorsque je viendrai vous présenter la LOPMI. En tout cas, j'ai du mal à comprendre que l'on réclame un meilleur taux d'élucidation et une police plus performante tout en lui refusant les moyens de se moderniser. Car il s'agit bien de moderniser la police, qui a peu changé depuis un certain temps, malgré quelques évolutions et malgré la qualité de ses personnels. Nous voulons renforcer la police judiciaire et changer un certain nombre de ses habitudes, ce qui est toujours difficile. Quant à la départementalisation, monsieur Bernalicis, ce n'est qu'une partie de la réforme globale de la police nationale.
Monsieur Balanant, je suis d'accord avec vous sur l'accompagnement des maires, mais cela ne relève pas stricto sensu du ministre de l'Intérieur. En effet, les constats d'infractions effectués par les maires en leur qualité d'OPJ relèvent de la justice, à l'instar des actes d'état civil. Pour aider les petites communes, on pourrait renforcer les moyens de la gendarmerie : nous avons commencé à le faire, mais je réfléchirai avec vous à la façon d'améliorer cet accompagnement. À ma demande, des formations relatives aux pouvoirs d'OPJ sont désormais dispensées plusieurs fois par an aux élus municipaux par les commandants de groupement, dans chaque département, conformément au souhait de l'Association des maires ruraux de France. Je relaierai votre question auprès du garde des sceaux.
Monsieur Poulliat, je défends l'implantation unique de Nîmes car nous n'avons pas trouvé les moyens de constituer une deuxième équipe. Lorsqu'un Canadair se pose, il faut assurer sa maintenance durant la nuit, faute de quoi le roulement des appareils diminuerait. Si nous devions agrandir notre flotte dans des proportions considérables, la question d'une deuxième base pourrait se poser, mais cela impliquerait en tout état de cause des financements européens. En revanche, nous avons des pélicandromes, qui sont des bases de ravitaillement de petits avions. Votre département en compte un. Ils permettent d'intervenir très vite sur un feu – rappelons que 90 % des incendies sont éteints avant d'avoir atteint 5 hectares et que lorsqu'ils s'étendent, les avions deviennent beaucoup moins utiles.
Lorsque les feux se sont déclarés, en Gironde, le SDIS n'a pas mobilisé l'intégralité des sapeurs-pompiers. Sans doute faudrait-il que ce soit le cas à l'avenir. Il serait aussi intéressant que l'employeur, privé comme public, soit tenu de libérer dans certains cas ses salariés réservistes issus de la police, de la gendarmerie et des pompiers. Nous pourrions nous inspirer des règles permettant aux élus locaux salariés d'assister à un conseil municipal.
L'Inspection générale de l'administration doit me remettre le rapport sur le financement des SDIS d'ici à deux mois. Je le tiendrai naturellement à la disposition de la commission.
Madame Poussier-Winsback, on compte aujourd'hui trente-neuf policiers à Fécamp contre trente-cinq en 2017. Cela dit, il faut bien un point de comparaison et je prends pour ma part le moment où nous sommes arrivés aux responsabilités. Par ailleurs, au fil du temps, les circonscriptions de police sont redécoupées et la délinquance évolue, suivant les projets urbains, les mouvements de population, les lignes de transport. Ces dernières sont l'un des vecteurs les plus importants de la délinquance. Dans les métropoles qui se sont agrandies, elles relèvent à la fois d'une zone de police et d'une zone de gendarmerie – c'est par exemple le cas à Toulouse. Une coordination plus intelligente entre police et gendarmerie doit donc désormais être définie sur une même ligne de transport. Bref, la comparaison avec 2017 est en effet discutable.
Les nouveaux effectifs que nous annonçons s'ajouteront à ce qui existe. L'intégralité des commissariats de France ont vu leurs effectifs croître entre 2017 et 2022 – nous avons tenu la promesse faite il y a cinq ans. Aujourd'hui, il y a des endroits où nous devons renforcer les effectifs pour répondre à l'état de la délinquance, et d'autres où nous devons bloquer les départs. Or, comme je l'ai expliqué, ma marge de manœuvre est limitée en matière d'affectations, et je ne maîtrise pas les départs. Une des solutions trouvées à Paris et en petite couronne est que lorsqu'on y est muté, c'est au minimum pour huit ans. Cela a des avantages et des inconvénients Je proposerai plutôt, après consultation des syndicats de police, de fixer par décret un pourcentage maximal de départs dans chaque commissariat – j'ai déjà vu 15 % de départs d'un coup ! Plus globalement, il faut réfléchir à la répartition géographique des effectifs car, pour le dire de manière schématique, la zone atlantique est mieux pourvue en policiers que l'axe urbain Lille-Lyon-Marseille.
Madame Martin, les changements dans la doctrine du maintien de l'ordre public sont plutôt intervenus avant ma prise de fonctions – à la suite d'événements survenus à Paris ; deux préfets de police s'étaient succédé. La préfecture de police a dû faire face à des manifestations spontanées, non déclarées, décidées sur internet – avec un nombre de participants donc imprévisible – et indépendantes des organisations professionnelles, donc sans service d'ordre ni discussion préalable. On était bien loin des manifestations organisées par la CGT.
Ce type de manifestations a constitué un changement important. Il demeure que, pour assurer l'ordre public, nous devons disposer de forces qui soient mobiles et en nombre suffisant. Lors des manifestations violentes des gilets jaunes, à Paris mais aussi en province, on a demandé à des policiers exerçant habituellement sur la voie publique d'assurer le maintien de l'ordre. Or, il s'agit d'un métier spécifique. Ces policiers n'avaient pas les techniques requises ni le matériel nécessaire. Ils ont parfois été molestés ou attaqués.
Nous avions besoin d'effectifs supplémentaires, mais quinze escadrons d'unités de force mobile ont été supprimés au cours des vingt dernières années. Ces manifestations violentes sont donc survenues au moment où les forces de police étaient sans doute les moins armées pour y faire face. Depuis lors, nous avons renforcé les effectifs des forces mobiles et continuons à le faire. Nous avons également beaucoup travaillé sur la sécabilité, autrement dit sur le travail des CRS et des gendarmes en petits groupes.
Le policier et le gendarme sont là, avant tout, pour faire respecter le droit constitutionnel de manifester. C'est essentiel. Je suis fier d'être le ministre de l'Intérieur d'un pays où l'on organise des manifestations contre ce même ministre, où les pouvoirs publics assurent la protection des gens qui y participent et où l'on tient des réunions pour que tout se passe au mieux. Les policiers et les gendarmes encadrent parfois des personnes qui les insultent et qui disent que la police tue, avec toujours la même efficacité républicaine.
La stratégie en la matière n'avait jamais été écrite. J'ai donc établi un schéma national du maintien de l'ordre, qui a été retoqué par le Conseil d'État. J'en ai rédigé un deuxième, qui n'est pas parfait mais qui a été validé par cette même juridiction et par les organisations professionnelles de journalistes. Il assure notamment une meilleure coordination entre les organisateurs de la manifestation, quels qu'ils soient, et la préfecture, prévoit un traitement privilégié des journalistes pour pouvoir couvrir l'événement et garantit une issue en cas de mise en œuvre de la technique de la nasse. Je n'ai pas eu à connaître de très grande manifestation depuis, mais nous avons désormais des effectifs, des moyens technologiques et un schéma validé.
Pendant longtemps, le Parlement a refusé l'utilisation de drones aux ministres de l'Intérieur successifs. Et les mêmes députés reprochaient aux forces de l'ordre la violence dans les manifestations… En résumé, tout le monde en France pouvait faire voler un drone sauf les policiers et les gendarmes. Désormais, les drones peuvent être utilisés à des fins de renseignement, et non judiciaires. Je comprends mal cette restriction car le régime de la police judiciaire est habituellement considéré comme plus protecteur des libertés, puisque placé sous le contrôle du juge ; mais si les préfets ont été préférés pour protéger les libertés, dont acte. Les décrets seront publiés prochainement. Ils permettront de recourir aux drones pour surveiller les atteintes à l'environnement, la délinquance, notamment les points de deal et les rodéos, mais aussi les manifestations. Pour ces dernières, il s'agit de recueillir des informations destinées à faciliter leur gestion par les forces de l'ordre.
Je regrette que la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, dont Bruno Retailleau était à l'initiative, ait été partiellement censurée. La disposition contestée nous aurait permis d'éviter que des personnes participent à des manifestations armées d'un marteau.
La brigade franco-italienne, dont les effectifs sont modestes, a pour but de lutter contre la délinquance et l'immigration illégale mais peut aussi s'intéresser aux actes liés à l'infrastructure bien connue qui doit relier nos deux pays. Et je m'inscris en faux : les effectifs de gendarmes ne baissent pas dans votre département, ils augmentent, et les brigades supplémentaires vont s'y ajouter.
Les brigades franco-italiennes et franco-espagnoles existaient déjà, pour toutes sortes de motifs, comme la lutte contre l'immigration illégale. Celle dont nous parlons a été créée car des douaniers français, qui effectuaient des contrôles dans un train depuis Modane, n'étaient pas descendus avant d'avoir franchi la frontière italienne, ce qui avait été l'occasion pour M. Matteo Salvini, alors en campagne électorale, de dénoncer une intrusion sur le territoire italien. La brigade binationale avait été une solution pour respecter la souveraineté de chacun. Mais j'ai bien compris que ce n'est pas le fond de votre question : je crois que M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sera mieux placé que moi pour répondre à ce qui vous préoccupe vraiment.
En ce qui concerne les plaintes, j'ai un motif d'agacement.
Les services de police et de gendarmerie ne peuvent pas refuser une plainte ni s'opposer à ce que le plaignant soit accompagné de la personne de son choix – cela peut être son avocat – dès lors que celle-ci est majeure. J'ai signé personnellement, ce qui est rare, une instruction aux services pour rappeler à chacun des policiers et des gendarmes de France la règle : dès lors qu'un citoyen français ou un étranger, même sans-papiers, se présente pour déposer plainte, il doit pouvoir le faire. Dans le cas des violences conjugales ou sexuelles, la présence de l'avocat doit être garantie dès la première heure passée au commissariat ou à la gendarmerie, même lorsque les locaux sont exigus – c'est l'une des excuses parmi d'autres que j'ai entendues. Le code de procédure pénale a été simplifié en ce sens.
Mais pour de multiples raisons, qui ne tiennent pas seulement à un manque de professionnalisme, certains services refusent de recueillir des plaintes. Lorsque j'étais maire, cela m'agaçait beaucoup. Cela dit, il est vrai que pour obtenir une bonne réponse pénale, il est préférable de disposer d'éléments pour étayer sa plainte. Il n'est pas anormal qu'un policier vous réclame votre numéro de téléphone ou de plaque d'immatriculation pour retrouver la personne qui a volé votre portable ou votre voiture. Mais le travail de renseignement ne doit pas empêcher de prendre une plainte. Nous devons progresser dans ce domaine.
Je corrige votre propos sur un point : il est possible aujourd'hui de déposer une pré-plainte en ligne contre X pour des violences contre les biens, et non contre les personnes. On peut ainsi déclarer son cambriolage à toute heure de la nuit. Aujourd'hui, 50 % des plaintes enregistrées dans les commissariats d'Île-de-France ont été précédées d'une pré-plainte en ligne, ce qui permet le cas échéant aux policiers d'indiquer les éléments qui manquent.
Nous souhaitons maintenant instituer la plainte en ligne, ce qui requiert une disposition législative – cela doit être voté dans la LOPMI. La plainte en ligne ne concernera que les atteintes aux biens, soit tout de même plus de la moitié de la délinquance. Elle libérera du temps pour mieux accueillir les victimes d'atteintes aux personnes, parce que les enquêteurs ont besoin de les rencontrer réellement et d'échanger un certain nombre de questions-réponses.
Pour ces cas d'atteintes aux personnes, la LOPMI autorise toutefois le dépôt de plainte par visioconférence. Cela répond à la demande de ceux qui ne souhaitent pas se déplacer, par peur ou autre, sans priver les enquêteurs des moyens d'obtenir les réponses nécessaires.
Nous espérons que ces nouvelles modalités permettront de faciliter le dépôt de plainte, de libérer la parole ainsi que de désengorger les commissariats et les gendarmeries.
J'en viens aux OQTF. Dans le cadre du projet de loi sur l'immigration, nous avons proposé au Conseil d'État, qui l'a accepté, que le refus d'une demande d'asile s'accompagne d'une OQTF, ou à tout le moins d'un refus de titre de séjour.
Le parcours du demandeur d'asile est délirant, tant pour ceux qui relèvent du droit d'asile que pour ceux qui détournent la procédure. On compte aujourd'hui 70 % de refus sur 130 000 demandes d'asile déposées – nous ne sommes donc pas particulièrement ouverts. Le problème est que ceux qui ont besoin de l'asile, par exemple parce qu'ils sont pourchassés en raison de leur orientation sexuelle ou de leurs opinions politiques, attendent très longtemps avant d'obtenir une réponse car les demandes infondées sont trop nombreuses.
L'État a déjà beaucoup réduit les délais mais nous voulons continuer, en particulier pour la justice administrative. Les tribunaux administratifs sont engorgés par le contentieux des étrangers, qui représente souvent plus de 50 % de leur activité. Nous prévoyons donc une réforme de la justice administrative, en collaboration avec le Conseil d'État, afin de donner l'asile plus rapidement à ceux qui en ont besoin et de leur permettre ainsi de s'intégrer et de travailler – les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler lors de leurs six premiers mois sur le territoire national, ce qui accroît leur précarité.
Grâce à la réforme, nous pourrons aussi dire plus rapidement non à ceux dont nous ne souhaitons pas la présence sur notre sol. Aujourd'hui, après le rejet de leur demande, ils sollicitent souvent un titre de séjour, puis font un recours contre le refus, avant de contester l'OQTF. Cela peut aller jusqu'à douze procédures, alors que la moyenne est de quatre dans notre droit.
Monsieur Pont, les communes pourront toujours compter sur les CRS et les gendarmes mobiles pour assurer la surveillance estivale des plages, d'autant que cela s'est très bien passé cet été : la délinquance a fortement reculé, notamment à Marseille, où les rodéos nautiques avaient empoisonné l'été 2020. Toutefois, nous ne pourrons pas les mettre à disposition en 2023 et en 2024, compte tenu de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques. Nous préparons d'ores et déjà les maires à cette situation. Il faudra innover, par exemple en faisant accomplir cette mission par des brigades territoriales de gendarmerie. Les CRS et la gendarmerie mobile reviendront dès 2025 !
La séance est levée à 18 heures 15
Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
– Mme Clara Chassaniol rapporteure sur la proposition de loi, examinée par le Sénat, visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce – n°768 (2021-2022) ;
La Commission a créé une mission d'information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale et a désigné M. Ugo Bernalicis et Mme Marie Guévenoux co-rapporteurs ;
La Commission a également créé une mission d'information sur l'évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs et a désigné M. Jean Terlier et Mme Cécile Untermaier co-rapporteurs ;
La commission a aussi créé une mission d'information sur les enjeux de l'utilisation des images de sécurité dans le domaine public dans une finalité de lutte contre l'insécurité et a désigné MM. Philippe Gosselin et Philippe Latombe co-rapporteurs.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Jean-Luc Warsmann
Excusés. - M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, Mme Julie Lechanteux, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono
Assistait également à la réunion. - Mme Caroline Yadan