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Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 20 septembre 2022 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Laissez-moi vous répondre alors. Mes désaccords avec M. Roussel sont nombreux mais lorsqu'il apporte son soutien à ceux qu'il appelle les ouvriers de la sécurité – les policiers – il s'inscrit dans la ligne républicaine qui prévaut depuis que j'ai l'âge de faire de la politique, notamment à gauche.

En vous écoutant, je comprends pourquoi nombre de Français, en particulier les forces de l'ordre, disqualifient la gauche pour les protéger. C'est un drame, et cela n'a pas toujours été le cas. La première politique sociale est la protection des plus faibles. Les plus riches n'ont pas besoin d'effectifs de police supplémentaires ni de caméras de vidéoprotection ; ils ont souvent quitté les quartiers populaires, ils sont équipés de leur propre système de sécurité. Mais l'État doit faire preuve de fermeté, assurer une protection. Les policiers et les gendarmes ne sont pas les enfants des patrons du CAC40 mais ceux des employés, des ouvriers, des commerçants de France. Ce sont les soldats de l'an II ! Ils méritent le respect et l'augmentation de 100 euros que prévoit la LOPMI est destinée à ces ouvriers de la sécurité.

J'ai été scandalisé de vous entendre parler des victimes des forces de l'ordre, et je rapproche vos propos du discours de La France insoumise. Lorsqu'on dit à la télévision et à la radio que la police tue, que les policiers assassinent, on les blesse profondément. Et ce sont les mêmes députés qui défendent Hassan Iquioussen, imam islamiste radicalisé pour lequel les Juifs sont un peuple ingrat, et qui contestent son expulsion du territoire national ! « Quand les blés sont sous la grêle / Fou qui fait le délicat » !

Oui, pour protéger nos concitoyens, notamment dans les territoires les plus pauvres, il faut expulser M. Iquioussen. Votre position sur ce sujet et vos attaques contre les policiers témoignent d'une cohérence idéologique très éloignée de celle de la LOPMI. Je respecte le projet de société que vous défendez en tant qu'idée politique, mais je le combats vigoureusement.

Le préfet de la Vienne fait son travail en demandant le retrait de la subvention. Je le soutiens pleinement. La République, ce n'est pas faire n'importe quoi, n'importe où avec l'argent public. C'est sans doute une autre différence entre nous.

M. Lemaire, la base de Nîmes fait honneur à la sécurité civile française. Cet été, certains ont déploré l'absence d'avions en Gironde, à Brest ou dans le Sud mais la concentration sur une seule base permet de mutualiser les moyens techniques et les compétences très spécifiques nécessaires pour réparer les Canadair pendant la nuit – aucun avion ne vole la nuit pour éteindre les incendies. Les moyens ainsi concentrés sont difficilement reproductibles, et servent d'ailleurs parfois à des pays étrangers. Du fait de la position centrale de Nîmes, il est possible d'intervenir en quelques dizaines de minutes dans tout le Sud.

Lorsque le feu s'est propagé, il est déjà trop tard : il faut déployer d'énormes moyens aériens et terrestres pour l'éteindre. Pour repérer les incendies au plus tôt, nous avons besoin partout sur le territoire national non pas d'avions pour larguer de l'eau mais de moyens aériens au sens large pour détecter les feux naissants. Une des difficultés, en Gironde – si la commission le souhaite, je lui communiquerai les résultats du retour d'expérience que le Président de la République m'a demandé sur ce sujet – est que le délai d'alerte des services de secours a été un peu long. La propagation du feu a été favorisée par le défaut d'entretien de la forêt, à la suite de l'opposition d'une association, ce qui a aussi retardé l'arrivée des pompiers. Le vent et la présence de tourbe ont encore aggravé les choses.

Si nous assurons l'entretien des forêts et le repérage des départs de feu, peut-être faudra-t-il créer une seconde base au nord de la Loire dans les cinq à dix ans, puisque les feux s'y étendent, mais Nîmes devra être le centre européen en la matière. Nous avons connu peu de feux de forêts l'année dernière, à l'exception du Var : nous avons ainsi pu venir en aide aux Espagnols, aux Italiens, aux Algériens, aux Grecs et aux Israéliens. Cette année, ce sont eux qui nous ont aidés. C'est l'ensemble du bassin méditerranéen qui brûle !

Nous avons donc intérêt à effectuer des achats groupés et à mutualiser nos techniciens et nos pilotes si courageux, d'autant que depuis la rentrée, les départs de feux restent quotidiens – ils continueront en Corse jusqu'au mois de décembre : il n'y a plus de saison pour les feux de forêts. Nous nous battons pour que Nîmes devienne base européenne et je montrerai sur place toute son excellence au commissaire européen chargé de la protection civile Christos Stylianides, que je reçois bientôt.

Madame Jacquier-Laforge, s'agissant des moyens des sapeurs-pompiers, il faut sans doute renforcer les moyens aériens. Nous disposons de la flotte la plus moderne d'Europe. La LOPMI prévoit les crédits nécessaires au renouvellement de la flotte d'hélicoptères, qui en compte 35. Mais les moyens aériens ne sont pas l'alpha et l'oméga du combat contre le feu ; celui-ci se gagne souvent à terre, avec des retardants et des colonnes de sapeurs-pompiers.

Il faut peut-être acheter des équipements supplémentaires au niveau européen, mais il faut surtout renforcer les moyens humains, en particulier l'été. Les volontaires sont de moins en moins présents dans les casernes car les employeurs sont plus réticents à les libérer. Il faut revoir le statut des volontaires, que nous avons réussi à préserver il y a deux ans alors qu'il était menacé après un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Nous devons aussi aider les casernes rurales qui manquent de pompiers et les départements qui n'ont pas les moyens d'en embaucher en faisant jouer la solidarité entre les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

Enfin, les SDIS sont en partie financés par une taxe spéciale sur les conventions d'assurance versée aux départements, qui ne la leur rétrocèdent pas intégralement. Le reste sert sans doute à financer d'autres dépenses contraintes, mais il demeure que les SDIS ne perçoivent pas tout ce qui est prévu. Nous devons faire un travail de fond, en lien avec l'Assemblée des départements de France, sur la modernisation de notre appareil de sécurité civile pour l'adapter au réchauffement climatique.

S'agissant des violences, l'application Ma Sécurité et les sites moncommissariat.fr et magendarmerie.fr fonctionnent bien. Je vous invite tous à télécharger l'application qui vous permet d'échanger par tchat avec un policier ou un gendarme pour lui signaler un fait. Nombre d'informations qui nous permettent de démanteler les points de deal – leur nombre a diminué de 25 % en deux ans – proviennent de l'application. Par ce biais, ceux qui subissent des agressions dans les transports, les femmes notamment, peuvent les signaler en direct.

La problématique principale touche au recueil de plaintes. Nous voulons d'abord généraliser une expérimentation déjà en cours, qui ne nécessite pas de disposition législative. Dans trois départements, les policiers et les gendarmes vont à la rencontre de la victime – chez elle, chez une personne de son choix, auprès d'une association ou d'un avocat… – pour recueillir sa plainte. Ce sont eux qui se déplacent.

Ensuite, la LOPMI comporte une disposition très importante qui peut concerner toute forme de violences, conjugales ou non, et l'ensemble des plaintes : le dépôt de plainte par visioconférence. Le ministère est d'ailleurs en train de travailler de façon plus générale à l'identification numérique. Désormais, si cela est voté, une personne pourra déposer plainte de chez elle ou de son lieu de travail.

Enfin, d'ici à l'année prochaine, nous souhaitons généraliser les conventions qui permettent aux policiers ou gendarmes de venir recueillir directement la plainte d'une victime de violences conjugales ou d'agression sexuelle dans l'hôpital où elle subit des examens médicaux, ce qui lui évite de se déplacer une deuxième fois.

Monsieur Ciotti, on voit que vous êtes en campagne électorale : vous exagérez un peu plus que d'habitude ! 45 % d'augmentation ? Je rappelle les chiffres : les cambriolages de logement ont baissé de 25 % entre 2017 et 2022 ; les vols de véhicules de 21 %, les vols avec arme de 17 %, les vols ou violences sans arme de 31 %, les destructions et dégradations volontaires de 15 %. En revanche, c'est vrai, je l'ai toujours dit et le Président l'a reconnu pendant la campagne, les violences physiques contre les personnes ont augmenté, sachant que 90 % d'entre elles sont des violences conjugales.

J'ai l'honnêteté d'admettre qu'au premier semestre 2022, les résultats sont moins bons, pour diverses raisons qui peuvent être liées à l'organisation ou aux effectifs. Nous allons voir comment y remédier. En tout état de cause, le chiffre de 45 % que vous avancez, monsieur Ciotti, n'existe pas.

Vous regrettez qu'il n'y ait pas une loi de programmation commune aux ministères de l'Intérieur et de la justice, qui sont tous deux impliqués dans la lutte contre l'insécurité. Mais vous savez bien que ce n'est pas la coutume : les précédentes lois de programmation en matière de sécurité Intérieure relevaient du ministère de l'Intérieur. Mais tressaillez de joie, le ministre de la justice viendra prochainement devant vous présenter un grand projet de loi, inspiré par les états généraux de la justice, visant à renforcer les moyens de l'institution judiciaire et sans doute à modifier le code de procédure pénale. Gardez votre énergie pour le garde des sceaux…

Il n'est pas tout à fait exact de dire que la LOPMI ne contient aucune disposition de nature à simplifier la procédure pénale et l'action de la police – et cela me sera sans doute reproché par une partie de l'hémicycle. Mais s'agissant des peines plancher, la réponse appartient au garde des sceaux.

Il n'a jamais été question d'inclure dans la LOPMI des dispositions sur l'immigration. Le sujet est suffisamment complexe pour justifier un débat distinct, au cours duquel sera sans doute abordée la question de la double peine qui avait été soulevée pendant la campagne présidentielle. La LOPMI prévoit néanmoins 700 places supplémentaires en centres de rétention administrative pour les deux prochaines années.

Monsieur Baubry, vous avez asséné vos opinions sans lésiner sur la caricature. Au cours de la dernière année, malgré les contraintes liées à la crise sanitaire, 3 250 délinquants étrangers ont été expulsés, ce qui représente une hausse de 60 % par rapport à l'année précédant la crise sanitaire.

Vous moquez les moyens alloués aux forces de l'ordre mais les représentants de votre parti n'ont jamais voté les crédits ni aucun texte sur la sécurité. Mme Le Pen a même réussi à se féliciter à la télévision de la loi confortant le respect des principes de la République qu'elle avait pourtant combattue en la qualifiant de liberticide et d'inutile – c'était à propos du burkini et de l'imam Iquioussen. Je vous encourage à vous départir de vos préjugés politiciens.

Votre qualité de policier que vous mettez régulièrement en avant me semble un argument un peu facile, mais pas très bon : un boucher devenu homme politique peut avoir été un mauvais boucher. Je vous encourage, pour le bien de la sécurité, à adopter une position plus générale et moins dogmatique. Je ne vous reproche pas de ne pas avoir été maire d'une ville difficile.

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