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Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 20 septembre 2022 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Monsieur Houssin, votre présentation est non seulement caricaturale mais mensongère, puisque vous citez les chiffres des années de crise du covid : il est assez difficile de reconduire les gens aux frontières lorsqu'il n'y a plus d'avion et que les mesures sanitaires interdisent de circuler.

Vous auriez pu prendre exemple sur un autre moment du quinquennat précédent : avant 2020, début de la crise sanitaire, nous en étions à plus de 30 % des OQTF effectives. Si vous aviez un minimum d'honnêteté intellectuelle, vous pourriez réitérer l'objectif de 100 % d'OQTF effectives, que je partage, mais en remarquant que le discours du Président de la République datait de quelques semaines avant le covid. En vous référant à ces années où les expulsions étaient impossibles, vous montrez que vous ne cherchez pas la vérité mais des problèmes – c'est grâce à eux que vous êtes élu. Il est facile de vous démasquer, essayez la prochaine fois de mieux maquiller le cadavre !

Monsieur Kerbrat, le ressortissant guinéen que vous avez mentionné est placé en rétention depuis le 15 août 2022. Depuis 2018, il a déjà fait l'objet de trois OQTF. Il se trouve qu'il est consommateur et dealer de crack, et que son casier judiciaire fait apparaître onze antécédents, notamment pour plusieurs viols sur personne majeure et pour séquestration. Autrement dit, vous avez omis de préciser que ce monsieur ne se trouve pas légalement sur le territoire français et qu'il a commis des crimes ignobles, préférant offrir une présentation biaisée pour faire croire que nous n'avons pas d'humanité. J'ajoute que le juge des libertés et de la détention et le médecin – deux professionnels sur lesquels le ministre de l'Intérieur a peu de pouvoir – ont donné un avis favorable à son expulsion.

On peut être d'accord avec vous sur le principe : il faut que les gens se fassent soigner. Interrogez-moi donc sur les 4 000 personnes qui sont soignées chaque année au nom du ministère de l'Intérieur, notamment des personnes séropositives ou atteintes du sida. Reste qu'il y a des individus que nous devons expulser parce qu'ils sont délinquants.

Je regrette que le débat parlementaire et politique ne s'appuie pas sur la vérité. Vous essayez de semer la confusion, ce qui montre bien que votre intention n'est pas de rechercher la vérité ou l'efficacité mais de faire un coup politique. Je le regrette profondément.

Voilà donc deux présentations intéressantes, celle du Rassemblement national et celle de La France insoumise. En répondant à votre question, monsieur Kerbrat, que vous ne m'aviez pas communiquée à l'avance reconnaissez-le, j'ai démontré que vous avez essayé de détourner la vérité et de manœuvrer l'opinion. C'est assez scandaleux.

Je me rends compte que je n'ai pas encore répondu à Mme Desjonquères, qui se demande si, en indemnisant les assurés qui ont payé une rançon, nous ne risquons pas d'encourager les rançongiciels. C'est un peu comme dire qu'il ne faut pas s'assurer contre les cambriolages ou les accidents car cela risquerait d'en augmenter le nombre… La cyberdélinquance, c'est la délinquance que nous connaissons dans la vie réelle transposée sur internet. Bien sûr, il faut veiller à ne pas laisser croire aux gens qu'ils sont assurés contre tout chantage, mais ce n'était pas le sens de la mesure annoncée par le ministre de l'économie.

Nous avons malheureusement constaté que de nombreux établissements publics, entreprises ou particuliers ne portent même pas plainte, préférant payer la rançon ou s'adresser à d'autres officines pour combattre les cyberattaques. Ce n'est pas ainsi que nous lutterons efficacement contre elles. Le ministère de l'Intérieur, chargé de la prévention et des enquêtes, y travaille avec Bercy. La LOPMI prévoit le recrutement de 1 500 cyberpatrouilleurs supplémentaires sur cinq ans, qui seront affectés soit à des plateformes comme PHAROS, soit dans des services d'enquête qui luttent contre la cyberdélinquance.

Celle-ci se développe. Plus de la moitié de nos concitoyens ont déjà été exposés à une escroquerie sur internet. Les personnes âgées, en particulier, n'identifient pas toujours les messages d'une personne qui se fait passer pour quelqu'un d'autre afin d'obtenir leur mot de passe ou leurs coordonnées bancaires. Nous devons faire en sorte que les moyens du policier ou du gendarme soient aussi rapides et efficaces que ceux du délinquant.

Madame Abadie, nous avons doublé le nombre d'enquêteurs affectés à PHAROS : ils sont désormais cinquante-quatre et le travail se fait vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Nous continuerons à renforcer ces effectifs.

En 2021, 263 825 signalements ont été reçus sur PHAROS. Ils peuvent certes concerner des contenus terroristes, mais le plus grand nombre a trait aux atteintes aux mineurs. Nous continuons à augmenter, en lien avec la justice et avec Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, l'effectif de policiers et de gendarmes enquêteurs chargés de lutter contre la pédophilie et les viols à distance, hélas de plus en plus nombreux sur le dark web.

Dans le cadre de la relocalisation de certains services du ministère de l'Intérieur, PHAROS sera déplacée de Nanterre à Lens.

Vous avez raison, monsieur Guitton, il y a une forte augmentation de la délinquance dans le monde agricole et viticole, notamment des vols de bétail et de matériel. Les agriculteurs habitant souvent sur leur exploitation, il s'agit en outre de violations de domicile. À cela s'ajoute l'action d'associations que l'on peut qualifier d'extrémistes, qui cherchent à empêcher le fonctionnement normal des exploitations. Nous devons une protection à nos agriculteurs et viticulteurs.

Nous avons créé il y a quelque temps la cellule Déméter, regroupant des gendarmes qui travaillent auprès des exploitations agricoles. Malheureusement, une partie de ses activités a été contestée par la justice administrative. Nous avons confirmé aux organisations professionnelles agricoles et viticoles le maintien de cette cellule.

En outre, je l'ai dit, nous allons porter à 1 500 le nombre de gendarmes verts, gendarmes spécialisés qui travailleront dans le monde rural et hyper-rural, en lien avec les agriculteurs et les exploitants de la nature, et qui seront chargés de lutter contre les atteintes à l'environnement, sous toutes leurs formes, mais aussi contre les actes de délinquance.

Au cours des vingt ans qui ont précédé l'élection du président Macron, 500 brigades de gendarmerie ont été supprimées. Pour la première fois, nous allons en recréer – 200 au total. Nous allons les implanter en particulier dans les lieux actuellement les plus éloignés des gendarmeries. Je l'ai dit, vous serez tous conviés dans votre département par le préfet et le commandant de groupement, aux côtés de l'ensemble des élus, pour décider des communes d'implantation. Je rendrai ma décision en février. Même les communes qui ne bénéficieront pas d'une nouvelle gendarmerie seront gagnantes, puisque les brigades auront moins de distance à parcourir pour intervenir.

Messieurs Bernalicis et Rambaud, je m'inscris en faux contre certains de vos propos concernant la réforme de la police nationale.

Je le redis devant les parlementaires de la nation, monsieur Rambaud, cette réforme ne se traduira pas par la suppression de brigades ou d'offices spécialisés tels que l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. C'est une fake news qui a circulé. Il faut d'autres raisons que celle-là pour être opposé à la réforme.

Monsieur Bernalicis, la réforme de la police nationale, notamment de la police judiciaire, ne vise pas à mettre davantage d'agents sur la voie publique, même pas pour une seule heure. Dans le discours qu'il a prononcé à Roubaix à l'issue du Beauvau de la sécurité, le Président de la République a assigné au ministère de l'Intérieur l'objectif de doubler en dix ans le nombre de patrouilles sur la voie publique. Nous y parviendrons notamment en accroissant les effectifs, en mettant fin à certains cycles horaires, en mobilisant les réservistes de la police nationale ou en augmentant les crédits affectés à la réserve de la gendarmerie. Mais en aucun cas une heure supplémentaire de présence sur la voie publique ne proviendra de la réforme de la police judiciaire.

Nous aurons l'occasion d'en reparler, notamment lorsque je viendrai vous présenter la LOPMI. En tout cas, j'ai du mal à comprendre que l'on réclame un meilleur taux d'élucidation et une police plus performante tout en lui refusant les moyens de se moderniser. Car il s'agit bien de moderniser la police, qui a peu changé depuis un certain temps, malgré quelques évolutions et malgré la qualité de ses personnels. Nous voulons renforcer la police judiciaire et changer un certain nombre de ses habitudes, ce qui est toujours difficile. Quant à la départementalisation, monsieur Bernalicis, ce n'est qu'une partie de la réforme globale de la police nationale.

Monsieur Balanant, je suis d'accord avec vous sur l'accompagnement des maires, mais cela ne relève pas stricto sensu du ministre de l'Intérieur. En effet, les constats d'infractions effectués par les maires en leur qualité d'OPJ relèvent de la justice, à l'instar des actes d'état civil. Pour aider les petites communes, on pourrait renforcer les moyens de la gendarmerie : nous avons commencé à le faire, mais je réfléchirai avec vous à la façon d'améliorer cet accompagnement. À ma demande, des formations relatives aux pouvoirs d'OPJ sont désormais dispensées plusieurs fois par an aux élus municipaux par les commandants de groupement, dans chaque département, conformément au souhait de l'Association des maires ruraux de France. Je relaierai votre question auprès du garde des sceaux.

Monsieur Poulliat, je défends l'implantation unique de Nîmes car nous n'avons pas trouvé les moyens de constituer une deuxième équipe. Lorsqu'un Canadair se pose, il faut assurer sa maintenance durant la nuit, faute de quoi le roulement des appareils diminuerait. Si nous devions agrandir notre flotte dans des proportions considérables, la question d'une deuxième base pourrait se poser, mais cela impliquerait en tout état de cause des financements européens. En revanche, nous avons des pélicandromes, qui sont des bases de ravitaillement de petits avions. Votre département en compte un. Ils permettent d'intervenir très vite sur un feu – rappelons que 90 % des incendies sont éteints avant d'avoir atteint 5 hectares et que lorsqu'ils s'étendent, les avions deviennent beaucoup moins utiles.

Lorsque les feux se sont déclarés, en Gironde, le SDIS n'a pas mobilisé l'intégralité des sapeurs-pompiers. Sans doute faudrait-il que ce soit le cas à l'avenir. Il serait aussi intéressant que l'employeur, privé comme public, soit tenu de libérer dans certains cas ses salariés réservistes issus de la police, de la gendarmerie et des pompiers. Nous pourrions nous inspirer des règles permettant aux élus locaux salariés d'assister à un conseil municipal.

L'Inspection générale de l'administration doit me remettre le rapport sur le financement des SDIS d'ici à deux mois. Je le tiendrai naturellement à la disposition de la commission.

Madame Poussier-Winsback, on compte aujourd'hui trente-neuf policiers à Fécamp contre trente-cinq en 2017. Cela dit, il faut bien un point de comparaison et je prends pour ma part le moment où nous sommes arrivés aux responsabilités. Par ailleurs, au fil du temps, les circonscriptions de police sont redécoupées et la délinquance évolue, suivant les projets urbains, les mouvements de population, les lignes de transport. Ces dernières sont l'un des vecteurs les plus importants de la délinquance. Dans les métropoles qui se sont agrandies, elles relèvent à la fois d'une zone de police et d'une zone de gendarmerie – c'est par exemple le cas à Toulouse. Une coordination plus intelligente entre police et gendarmerie doit donc désormais être définie sur une même ligne de transport. Bref, la comparaison avec 2017 est en effet discutable.

Les nouveaux effectifs que nous annonçons s'ajouteront à ce qui existe. L'intégralité des commissariats de France ont vu leurs effectifs croître entre 2017 et 2022 – nous avons tenu la promesse faite il y a cinq ans. Aujourd'hui, il y a des endroits où nous devons renforcer les effectifs pour répondre à l'état de la délinquance, et d'autres où nous devons bloquer les départs. Or, comme je l'ai expliqué, ma marge de manœuvre est limitée en matière d'affectations, et je ne maîtrise pas les départs. Une des solutions trouvées à Paris et en petite couronne est que lorsqu'on y est muté, c'est au minimum pour huit ans. Cela a des avantages et des inconvénients Je proposerai plutôt, après consultation des syndicats de police, de fixer par décret un pourcentage maximal de départs dans chaque commissariat – j'ai déjà vu 15 % de départs d'un coup ! Plus globalement, il faut réfléchir à la répartition géographique des effectifs car, pour le dire de manière schématique, la zone atlantique est mieux pourvue en policiers que l'axe urbain Lille-Lyon-Marseille.

Madame Martin, les changements dans la doctrine du maintien de l'ordre public sont plutôt intervenus avant ma prise de fonctions – à la suite d'événements survenus à Paris ; deux préfets de police s'étaient succédé. La préfecture de police a dû faire face à des manifestations spontanées, non déclarées, décidées sur internet – avec un nombre de participants donc imprévisible – et indépendantes des organisations professionnelles, donc sans service d'ordre ni discussion préalable. On était bien loin des manifestations organisées par la CGT.

Ce type de manifestations a constitué un changement important. Il demeure que, pour assurer l'ordre public, nous devons disposer de forces qui soient mobiles et en nombre suffisant. Lors des manifestations violentes des gilets jaunes, à Paris mais aussi en province, on a demandé à des policiers exerçant habituellement sur la voie publique d'assurer le maintien de l'ordre. Or, il s'agit d'un métier spécifique. Ces policiers n'avaient pas les techniques requises ni le matériel nécessaire. Ils ont parfois été molestés ou attaqués.

Nous avions besoin d'effectifs supplémentaires, mais quinze escadrons d'unités de force mobile ont été supprimés au cours des vingt dernières années. Ces manifestations violentes sont donc survenues au moment où les forces de police étaient sans doute les moins armées pour y faire face. Depuis lors, nous avons renforcé les effectifs des forces mobiles et continuons à le faire. Nous avons également beaucoup travaillé sur la sécabilité, autrement dit sur le travail des CRS et des gendarmes en petits groupes.

Le policier et le gendarme sont là, avant tout, pour faire respecter le droit constitutionnel de manifester. C'est essentiel. Je suis fier d'être le ministre de l'Intérieur d'un pays où l'on organise des manifestations contre ce même ministre, où les pouvoirs publics assurent la protection des gens qui y participent et où l'on tient des réunions pour que tout se passe au mieux. Les policiers et les gendarmes encadrent parfois des personnes qui les insultent et qui disent que la police tue, avec toujours la même efficacité républicaine.

La stratégie en la matière n'avait jamais été écrite. J'ai donc établi un schéma national du maintien de l'ordre, qui a été retoqué par le Conseil d'État. J'en ai rédigé un deuxième, qui n'est pas parfait mais qui a été validé par cette même juridiction et par les organisations professionnelles de journalistes. Il assure notamment une meilleure coordination entre les organisateurs de la manifestation, quels qu'ils soient, et la préfecture, prévoit un traitement privilégié des journalistes pour pouvoir couvrir l'événement et garantit une issue en cas de mise en œuvre de la technique de la nasse. Je n'ai pas eu à connaître de très grande manifestation depuis, mais nous avons désormais des effectifs, des moyens technologiques et un schéma validé.

Pendant longtemps, le Parlement a refusé l'utilisation de drones aux ministres de l'Intérieur successifs. Et les mêmes députés reprochaient aux forces de l'ordre la violence dans les manifestations… En résumé, tout le monde en France pouvait faire voler un drone sauf les policiers et les gendarmes. Désormais, les drones peuvent être utilisés à des fins de renseignement, et non judiciaires. Je comprends mal cette restriction car le régime de la police judiciaire est habituellement considéré comme plus protecteur des libertés, puisque placé sous le contrôle du juge ; mais si les préfets ont été préférés pour protéger les libertés, dont acte. Les décrets seront publiés prochainement. Ils permettront de recourir aux drones pour surveiller les atteintes à l'environnement, la délinquance, notamment les points de deal et les rodéos, mais aussi les manifestations. Pour ces dernières, il s'agit de recueillir des informations destinées à faciliter leur gestion par les forces de l'ordre.

Je regrette que la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, dont Bruno Retailleau était à l'initiative, ait été partiellement censurée. La disposition contestée nous aurait permis d'éviter que des personnes participent à des manifestations armées d'un marteau.

La brigade franco-italienne, dont les effectifs sont modestes, a pour but de lutter contre la délinquance et l'immigration illégale mais peut aussi s'intéresser aux actes liés à l'infrastructure bien connue qui doit relier nos deux pays. Et je m'inscris en faux : les effectifs de gendarmes ne baissent pas dans votre département, ils augmentent, et les brigades supplémentaires vont s'y ajouter.

Les brigades franco-italiennes et franco-espagnoles existaient déjà, pour toutes sortes de motifs, comme la lutte contre l'immigration illégale. Celle dont nous parlons a été créée car des douaniers français, qui effectuaient des contrôles dans un train depuis Modane, n'étaient pas descendus avant d'avoir franchi la frontière italienne, ce qui avait été l'occasion pour M. Matteo Salvini, alors en campagne électorale, de dénoncer une intrusion sur le territoire italien. La brigade binationale avait été une solution pour respecter la souveraineté de chacun. Mais j'ai bien compris que ce n'est pas le fond de votre question : je crois que M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sera mieux placé que moi pour répondre à ce qui vous préoccupe vraiment.

En ce qui concerne les plaintes, j'ai un motif d'agacement.

Les services de police et de gendarmerie ne peuvent pas refuser une plainte ni s'opposer à ce que le plaignant soit accompagné de la personne de son choix – cela peut être son avocat – dès lors que celle-ci est majeure. J'ai signé personnellement, ce qui est rare, une instruction aux services pour rappeler à chacun des policiers et des gendarmes de France la règle : dès lors qu'un citoyen français ou un étranger, même sans-papiers, se présente pour déposer plainte, il doit pouvoir le faire. Dans le cas des violences conjugales ou sexuelles, la présence de l'avocat doit être garantie dès la première heure passée au commissariat ou à la gendarmerie, même lorsque les locaux sont exigus – c'est l'une des excuses parmi d'autres que j'ai entendues. Le code de procédure pénale a été simplifié en ce sens.

Mais pour de multiples raisons, qui ne tiennent pas seulement à un manque de professionnalisme, certains services refusent de recueillir des plaintes. Lorsque j'étais maire, cela m'agaçait beaucoup. Cela dit, il est vrai que pour obtenir une bonne réponse pénale, il est préférable de disposer d'éléments pour étayer sa plainte. Il n'est pas anormal qu'un policier vous réclame votre numéro de téléphone ou de plaque d'immatriculation pour retrouver la personne qui a volé votre portable ou votre voiture. Mais le travail de renseignement ne doit pas empêcher de prendre une plainte. Nous devons progresser dans ce domaine.

Je corrige votre propos sur un point : il est possible aujourd'hui de déposer une pré-plainte en ligne contre X pour des violences contre les biens, et non contre les personnes. On peut ainsi déclarer son cambriolage à toute heure de la nuit. Aujourd'hui, 50 % des plaintes enregistrées dans les commissariats d'Île-de-France ont été précédées d'une pré-plainte en ligne, ce qui permet le cas échéant aux policiers d'indiquer les éléments qui manquent.

Nous souhaitons maintenant instituer la plainte en ligne, ce qui requiert une disposition législative – cela doit être voté dans la LOPMI. La plainte en ligne ne concernera que les atteintes aux biens, soit tout de même plus de la moitié de la délinquance. Elle libérera du temps pour mieux accueillir les victimes d'atteintes aux personnes, parce que les enquêteurs ont besoin de les rencontrer réellement et d'échanger un certain nombre de questions-réponses.

Pour ces cas d'atteintes aux personnes, la LOPMI autorise toutefois le dépôt de plainte par visioconférence. Cela répond à la demande de ceux qui ne souhaitent pas se déplacer, par peur ou autre, sans priver les enquêteurs des moyens d'obtenir les réponses nécessaires.

Nous espérons que ces nouvelles modalités permettront de faciliter le dépôt de plainte, de libérer la parole ainsi que de désengorger les commissariats et les gendarmeries.

J'en viens aux OQTF. Dans le cadre du projet de loi sur l'immigration, nous avons proposé au Conseil d'État, qui l'a accepté, que le refus d'une demande d'asile s'accompagne d'une OQTF, ou à tout le moins d'un refus de titre de séjour.

Le parcours du demandeur d'asile est délirant, tant pour ceux qui relèvent du droit d'asile que pour ceux qui détournent la procédure. On compte aujourd'hui 70 % de refus sur 130 000 demandes d'asile déposées – nous ne sommes donc pas particulièrement ouverts. Le problème est que ceux qui ont besoin de l'asile, par exemple parce qu'ils sont pourchassés en raison de leur orientation sexuelle ou de leurs opinions politiques, attendent très longtemps avant d'obtenir une réponse car les demandes infondées sont trop nombreuses.

L'État a déjà beaucoup réduit les délais mais nous voulons continuer, en particulier pour la justice administrative. Les tribunaux administratifs sont engorgés par le contentieux des étrangers, qui représente souvent plus de 50 % de leur activité. Nous prévoyons donc une réforme de la justice administrative, en collaboration avec le Conseil d'État, afin de donner l'asile plus rapidement à ceux qui en ont besoin et de leur permettre ainsi de s'intégrer et de travailler – les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler lors de leurs six premiers mois sur le territoire national, ce qui accroît leur précarité.

Grâce à la réforme, nous pourrons aussi dire plus rapidement non à ceux dont nous ne souhaitons pas la présence sur notre sol. Aujourd'hui, après le rejet de leur demande, ils sollicitent souvent un titre de séjour, puis font un recours contre le refus, avant de contester l'OQTF. Cela peut aller jusqu'à douze procédures, alors que la moyenne est de quatre dans notre droit.

Monsieur Pont, les communes pourront toujours compter sur les CRS et les gendarmes mobiles pour assurer la surveillance estivale des plages, d'autant que cela s'est très bien passé cet été : la délinquance a fortement reculé, notamment à Marseille, où les rodéos nautiques avaient empoisonné l'été 2020. Toutefois, nous ne pourrons pas les mettre à disposition en 2023 et en 2024, compte tenu de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques. Nous préparons d'ores et déjà les maires à cette situation. Il faudra innover, par exemple en faisant accomplir cette mission par des brigades territoriales de gendarmerie. Les CRS et la gendarmerie mobile reviendront dès 2025 !

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