La séance est ouverte à vingt-et-une heures.
La commission poursuit l'examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (n° 760) (Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale).
Nous poursuivons l'examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023. Nous avons examiné 328 amendements, il en reste 5 176...
Article 2 (suite) : Mise en place d'un indicateur relatif à l'emploi des salariés âgés
Amendement AS3806 de M. Sébastien Peytavie.
Nous proposons d'affecter le produit de la sanction du défaut de publication de l'index à la caisse des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP).
Le Gouvernement demande aux employeurs une contribution supplémentaire pour le financement de la retraite tout en abaissant symétriquement leur cotisation au régime des AT-MP. Avec cette exonération, les entreprises n'auront aucun nouvel effort à fournir pour financer le système des retraites, contrairement à ce qui est exigé des Français. Eux devront injustement travailler deux ans de plus pour atteindre l'âge légal de départ. À cela s'ajoutent les 160 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises : ils n'ont jamais démontré leur efficacité et le Gouvernement refuse de revenir dessus.
En outre, réduire les recettes de la branche AT-MP relève d'un non-sens absolu alors que le recul de l'âge de départ à la retraite provoquera une augmentation des arrêts maladie de longue durée, des maladies professionnelles et des douleurs chroniques au travail.
Tout l'intérêt de cet index réside précisément dans l'absence de sanctions. Il doit être publié. C'est d'ailleurs ce qui se passe dans plus de 90 % des grandes entreprises avec l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Nous avons choisi de diriger le produit d'éventuelles sanctions vers la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) car il est ici question de l'emploi des seniors et non des accidents du travail ou des maladies professionnelles.
Avis défavorable.
Chaque fois que nous évoquons le laxisme fiscal, vous refusez de remettre en cause le dogme selon lequel il faut multiplier les exonérations de cotisations patronales et les cadeaux fiscaux aux plus riches. Or, c'est précisément ce laxisme fiscal qui vous amène à des choix funestes pour les Français, par exemple pour « équilibrer » le système de retraites.
Notre pays n'est pas particulièrement connu pour sa légèreté fiscale, mais plutôt pour le laxisme pénal qui a fait suite à l'adoption des lois préparées par l'ancienne garde des sceaux Christiane Taubira.
Il faut prendre garde au lien systématique établi entre emploi des seniors et accidents du travail et maladies professionnelles. Certains accidents du travail touchent beaucoup moins les salariés expérimentés que les intérimaires ou les salariés plus jeunes. De plus, le but de l'index est de favoriser le taux d'emploi des seniors, dont la faiblesse résulte du chômage plus que des maladies professionnelles ou des accidents du travail. L'amélioration du taux d'emploi des seniors passe par l'investissement dans la formation, la prévention, les parcours professionnels. Je trouverais dommage une optique curative et non préventive.
Rapporteur de la branche AT-MP de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, je rappelle qu'elle sera excédentaire à hauteur de 3 milliards d'euros à l'horizon 2027. Je ne suis pas sûr qu'elle ait besoin de recettes supplémentaires à la différence des autres branches.
Réfléchir sur un mode d'incitation ou de sanction relève de cadres de pensée différents.
Monsieur Bazin, les accidents du travail touchent largement les travailleurs de plus de 50 ans, de même que les arrêts maladie les plus longs qui ont fortement augmenté. J'espère que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 sera l'occasion d'une vraie avancée à ce propos.
Par ailleurs, si la branche AT-MP est excédentaire, c'est aussi en raison de la sous-déclaration des accidents du travail.
La branche AT-MP doit être mieux financée et son enveloppe budgétaire mieux consommée pour répondre aux enjeux de la prévention des risques en entreprise.
Madame la rapporteure générale, vous considérez que tout l'intérêt de cet index est l'absence de sanction ? Merci de l'avouer. Nous défendons précisément l'inverse.
Il serait très imprudent de toucher à la branche AT-MP. Les accidents du travail sont plus fréquents chez les personnes en fin de carrière et les maladies professionnelles vont exploser avec la reconnaissance des cancers plurifactoriels. Il faut conserver les réserves de la branche pour faire face à l'avenir.
Le fonds d'investissement consacré à la prévention de l'usure professionnelle sera doté de 1 milliard d'euros au terme du quinquennat, au rythme de 200 millions annuels. Il devrait être géré par la branche AT-MP. Comment sera-t-il abondé ? À travers les pénalités ou par d'autres moyens ?
Si cet index est aussi inefficace que celui de l'égalité professionnelle et s'il ne comporte pas de sanction, on ne voit pas bien ce qui conduira à l'amélioration du taux d'emploi des seniors. Nous ne pouvons nous en réjouir.
Arthur Delaporte a peut-être pour objectif de sanctionner les entreprises, mais le nôtre est d'augmenter le taux d'emploi des seniors. Il y aura sanction si l'index n'est pas publié. C'est la publication qui est l'objectif.
En 2023, l'excédent de la branche AT-MP s'élève à 2,2 milliards d'euros. S'agissant du financement du fonds d'investissement pour la prévention, je vous renvoie à notre débat à venir sur l'article 7. Il sera abondé par des cotisations employeurs à la branche assurance vieillesse transférées à la branche AT-MP.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS4792 de M. Hadrien Clouet, AS4791 de Mme Rachel Keke et AS4790 de M. François Ruffin (discussion commune).
Votre index des seniors n'a aucun objectif précis. Il ne comporte aucune contrainte. C'est du Medef sur mesure. Vous allez imposer deux ans fermes aux Français sans une seule action de lutte contre une terrible réalité : la moitié des travailleurs de 61 ans est sans emploi ! Les seniors sont victimes de licenciements. Trop vieux ? Dehors ! Trop abîmé ? Dehors ! Vous allez augmenter le nombre de personnes qui ne sont ni en emploi, ni en retraite – et donc les coûts, certes ceux du chômage et du revenu de solidarité active, mais surtout les terribles coûts humains. Se faire licencier juste avant la retraite, c'est l'ultime humiliation et c'est cela que vous préparez !
Le recul de l'âge de départ, dites-vous, améliore le taux d'emploi des seniors. C'est peut-être vrai pour les cadres. Mais pour les autres, ouvriers, catégories intermédiaires ? Ils seront condamnés à la misère. Selon la Fédération nationale de la mutualité française, le précédent report de l'âge de départ a provoqué une augmentation du nombre d'arrêts de travail longue durée et des risques de décès. Écoutez ce que tout le monde vous dit ! La baisse du temps de travail va dans le sens de l'histoire, y compris sur l'ensemble de la vie. Les seniors ont des rôles essentiels à jouer au sein de leur famille, avec leurs petits-enfants, dans les associations, dans la vie politique avec leur engagement dans nombre de communes.
Par l'amendement AS4792, nous proposons d'instaurer des pénalités financières à hauteur de 10 % de la masse salariale pour les entreprises qui useraient de mauvaises pratiques d'emploi des seniors.
Reculer l'âge légal de départ à la retraite aggravera la situation des seniors alors qu'environ 40 % des personnes qui ne sont pas à la retraite à 62 ans ne travaillent déjà pas. Rien pour la protection des seniors, pour la formation, pour l'évolution des carrières ! Aucune politique de maintien dans l'emploi ! Après tant de cadeaux fiscaux aux patrons sans contrepartie et sans création d'emplois, il est temps d'en venir aux contraintes financières pour mettre les employeurs à contribution.
Par cet amendement de repli, nous souhaitons que des pénalités financières d'un montant de 7,5 % de la masse salariale soient payées par les entreprises qui usent de mauvaises pratiques.
Si les pénalités des deux derniers amendements, à hauteur de 10 % et de 7,5 % de la masse salariale, ne vous conviennent pas, nous proposons par l'amendement AS4790 de les abaisser encore à 5 %. C'est peu. Mais si aucune contrainte ne pèse sur les entreprises, le taux de chômage ou d'inactivité des seniors augmentera, et avec lui la précarisation des personnes de plus de 60 ans. La réforme des retraites prolongera les périodes de galère des plus précaires. Le taux de pauvreté des seniors ni en emploi ni en retraite s'élève à 32 %, contre 7 % pour les autres.
Oui, le Gouvernement a cédé aux demandes du Medef en refusant d'associer l'index des seniors à des sanctions. Ce dispositif restera donc lettre morte. Il laissera aux entreprises une impunité.
Selon l'Insee, la moitié des personnes qui ne sont pas à la retraite à 62 ans ne travaillent pas. Le passage de l'âge légal à 62 ans a augmenté de seize points le taux de personnes de 60 et 61 ans ni en emploi, ni en retraite. Les entreprises usant de mauvaises pratiques doivent donc être sanctionnées financièrement.
Nous avons déjà eu le débat concernant les chiffres de l'emploi des seniors et de l'augmentation de l'âge de départ. Vous contestez les nôtres. Je vous en donne de nouveaux : selon une étude de 2020 de l'Agirc-Arrco, 63 % des seniors ont un emploi et seulement 11 % sont au chômage, la situation de 20 % d'entre eux n'étant pas connue. Nous sommes loin des données que vous avancez. Nous nous accordons cependant pour vouloir améliorer le taux d'emploi des seniors. Cet index est une brique de l'édifice. Avis défavorable.
Sans contrainte, cet index ne changera pas grand-chose à la situation des travailleurs âgés. Ils risquent de rester enfermés dans la précarité, la maladie ou l'invalidité. Vous reconnaissez qu'ils les subissent. Pour crédibiliser vos intuitions, nous vous offrons un outil. Quel serait le sens d'un indicateur dont on ne tirerait aucune conséquence ? Nous pouvons anticiper que nombre d'entreprises ne compenseront ni les effets désastreux de votre réforme, ni le passage vers le chômage ou la maladie. La pénalité que nous proposons se fonde sur la masse salariale. Elle est fonction du degré de responsabilité de l'employeur et vise uniquement les entreprises dont l'index indiquera un taux de séparation des seniors trop élevé.
En outre, on sait que la prise en compte de la pénibilité est très faible, y compris pour les salariés exposés aux risques les plus importants. Selon vous, il faudrait trouver 12 milliards d'euros pour les caisses de l'assurance vieillesse si nous ne voulons succomber à je ne sais quel cataclysme. Comprenez notre surprise de vous voir refuser de nouvelles ressources qui pourraient abonder la Cnav ! Acceptez de voter en faveur de l'un des taux que nous proposons. Même si vous proposez un taux plus bas, ce sera toujours ça. Nous serons preneurs.
Nous avons eu tout une séquence d'amendements allant de 30 % à 1 %. Nous avions effectivement oublié l'option de 7,5 %. J'attends maintenant 8,5 %, 9,5 %... Que de temps perdu !
Il est évident que les entreprises publieront l'index. Vous avez expliqué hier pendant deux heures qu'il était déjà disponible à travers les bilans sociaux des entreprises. Nous essayons de vous démontrer que, jusqu'ici, il n'était pas public et qu'il le sera désormais. Si les entreprises s'avisaient de ne pas le publier, le comptable qui subirait 1 % de pénalité sur la masse salariale se ferait vite remonter les bretelles !
Enfin, les sommes récoltées seront très faibles et il est donc inutile de se poser la question de leur affectation. Oui, que de temps perdu...
Cela fait sept heures que nous parlons index des seniors... Je remercie nos collègues de la NUPES de cette analyse sociologique. Il est temps d'en sortir. Sandrine Rousseau a avoué qu'elle jouait l'obstruction.
(Interruptions.)
Vous ne voulez pas que nous votions alors que nous sommes contraints par le temps. Vous semblez souhaiter que, le 17 février à vingt-trois heures cinquante-neuf, le texte soit directement transmis au Sénat. Or, une majorité de rejet est possible. Nous devrions nous inspirer de ce que vient de faire la commission de la défense nationale et des forces armées en rejetant intelligemment l'article 7.
J'invite mes collègues de la NUPES à changer de braquet s'ils ne veulent pas porter la responsabilité de l'adoption de cette réforme. Sept heures, cela suffit : il est temps de passer aux articles suivants. Les Français méritent un débat éclairé et pas une obstruction. Nous ne sommes pas dans une assemblée générale à Tolbiac !
Nous ne jouons pas l'obstruction : nous faisons de l'obstruction pour faire rejeter les articles les plus libéraux. Il sera retenu de nos heures de discussion que vous aurez lutté pied à pied pour éviter toute sanction aux entreprises sur la base d'une obligation de résultats, contre toute conditionnalité des aides aux entreprises, contre toute sanction ou tout encadrement de la possession et de l'usage des jets privés, contre le rétablissement d'un impôt de solidarité sur la fortune ou contre la taxe sur les superprofits. Vous mettez l'État social au service du privé et des grandes entreprises. Vous ne tenez en rien à protéger les salariés.
Effectivement, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher de faire passer ce texte. Nous avons proposé un amendement de suppression de l'article 2 afin de pouvoir poursuivre la discussion, puisque l'index des seniors ne sert à rien. Il a été rejeté en partie parce que nos collègues du Rassemblement national ne l'ont pas voté. Vous ne pouvez pas nous reprocher alors de vouloir améliorer le dispositif !
Que les collègues de la majorité se préparent ! Il en sera ainsi pendant trois semaines : nous ferons tout pour nous associer aux mobilisations sociales et faire en sorte que vous retiriez ce texte. Si vous voulez gagner du temps, retirez-le. Sinon, comptez sur nous pour vous faire perdre beaucoup de temps !
Éric Alauzet vient de dire que nous avions perdu deux heures : de la part de gens qui veulent faire perdre deux ans aux salariés, c'est un peu gros.
Une pénalité à hauteur de 5 % de la masse salariale améliorera-t-elle le taux d'emploi des seniors ? Outre qu'un tel taux paraît disproportionné, ces investissements seraient plus utiles pour l'employabilité ou l'adaptation des postes. On a l'impression qu'il n'y a que des mauvaises pratiques. Je connais pourtant des entreprises qui embauchent des seniors. Ce n'est pas en envoyant des signaux négatifs que l'on augmentera leur taux d'emploi.
Il ne faut pas croire non plus que tout dépend des entreprises. La société valorise-t-elle les seniors, leur travail, leur expérience ? Certaines cultures le font plus et mieux que nous. Les aînés ont toute leur place. Celle-ci doit être adaptée, préparée, anticipée, valorisée, ce qui suppose que chacun retrouve du sens dans l'entreprise, dans le travail et dans la société.
Nous sommes nombreux présents, en particulier les collègues de la NUPES. Le brouhaha est permanent. Ce n'est pas l'hémicycle, ici ! Que ceux qui ne tiennent pas à écouter leurs collègues et à suivre les débats sortent ! Si vous voulez que l'on vous écoute, la réciproque doit s'appliquer.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS6119 de M. Sébastien Peytavie.
Madame la rapporteure générale, vous avez dit tout à l'heure vouloir améliorer l'emploi des seniors, non sanctionner les entreprises. Vous auriez été inspirée d'adopter la même logique au moment du débat sur l'assurance chômage au lieu d'expliquer que, pour améliorer l'emploi, il fallait sanctionner les chômeurs.
Cet amendement s'inspire d'un slogan assez bête employé durant les débats sur les minima sociaux et l'assurance chômage. Vous le répétez à l'envi : « à des droits doivent correspondre des devoirs ! » Nous l'appliquons en disant qu'à des exonérations doivent correspondre des obligations. C'est simple et, pour reprendre une expression macroniste, c'est du bon sens. Nous appliquons votre logique avec un objectif de justice. L'un de nos collègues a qualifié d'obsessionnelle notre volonté de conditionner les aides données aux entreprises. J'assume volontiers d'être obsédé par la justice, la dignité, l'égalité et le désir de préserver les Français de cette réforme injuste et brutale. Il faudra vous y habituer. Nous défendrons ces amendements que nous considérons justes. Je comprends votre fébrilité croissante à mesure des mobilisations – j'ai même cru entendre que la réunion de l'intergroupe majoritaire de ce jour ne s'était pas bien passée. La majorité relative est en train de devenir minorité absolue.
Sans fébrilité, je vous redis calmement que notre objectif est d'améliorer l'emploi des seniors, non de sanctionner pour sanctionner. Du reste, nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.
Conditionner l'index des seniors aux exonérations de cotisations est une excellente idée. Ces exonérations, qui ont augmenté trois fois plus vite que les aides sociales ces dix dernières années, représentent un énorme manque pour la caisse des retraites. Bien sûr, une fois vidée du fait de ces cadeaux, vous concluez qu'il faut une réforme et repousser de deux ans l'âge de départ...
Le coût de l'ensemble des niches sociales pour l'État et les caisses de retraite et d'assurance maladie est de 90 milliards d'euros, qui s'ajoutent aux 160 milliards d'euros d'aides aux entreprises. En d'autres termes, l'État et les caisses sont les vaches à lait des grandes entreprises. Cet amendement est donc tout à fait indispensable.
Par ailleurs, dans votre logique ultralibérale, vous dites qu'il suffit de donner un indicateur – on ne sait, du reste, pas vraiment lequel. Vous ne voulez jamais réguler ni contraindre, jamais rien faire pour changer quoi que ce soit au comportement des entreprises. Vous avez agi de la même manière avec les salaires. Bruno Le Maire a dit mollement qu'il faudrait peut-être songer à les augmenter un peu... Moyennant quoi ils ont diminué de 3 % l'année dernière. La main invisible du marché ne marche pas. Votre logique ultralibérale mène à une impasse. Les Français sont en train de vous dire avec 2,8 millions de personnes dans la rue aujourd'hui. Il faudrait peut-être vous en rendre compte !
Madame la présidente, il faudrait songer à changer de salle. L'affluence aux travaux de la commission est telle que nous connaissons un inconfort semblable à celui que vous réservez aux salariés de la France entière. Il n'est pas acceptable de travailler dans ces conditions.
(Exclamations.)
La pénibilité, c'est le sort que vous réservez aux aides à domicile, qui seront les premières victimes de votre mauvaise réforme. C'est ce que vous réservez aux salariés qui ont travaillé avant l'âge de 21 ans et auxquels vous allez imposer quarante-quatre annuités de cotisations sans prendre en compte l'usure des corps.
La pénibilité, nous allons vous en parler tout au long de ce débat. Mais l'inconfort que vous imposez aux députés est à l'image du sort imposé au Parlement. Vous vous servez de l'Assemblée nationale comme d'un paillasson, d'une variable d'ajustement. Vous nous faites tenir un débat dont vous espérez qu'il se conclura mercredi soir sans que nous ayons pu examiner la totalité du texte, pourtant au cœur des préoccupations des Français, fortement mobilisés aujourd'hui.
Lorsque vous méprisez les députés, vous méprisez les personnes qu'ils représentent. C'est la raison pour laquelle je m'indigne des conditions que vous nous réservez. Notre confort est, évidemment, sans commune mesure avec celui des salariés que nous représentons.
Monsieur Léaument, vous semblez mal connaître la Constitution : si ce projet de loi n'est pas voté, avec l'article 47-1, il continuera son cheminement. Je ne comprends pas cette obstruction. Une majorité de rejet est possible et la majorité relative peut devenir une minorité absolue. Soyez cohérent ! Stoppez cette obstruction !
Une fois encore, au lieu d'argumenter et d'expliquer, l'opposition reste stérile. Il faut dire, par exemple, que les exonérations et réductions de charges opérées sur les salaires sont compensées par l'État, qui verse 135 milliards d'euros aux régimes de retraite, dont 25 milliards d'euros au titre des retraites des fonctionnaires, 80 milliards d'euros au titre des politiques de réduction de charges ou des compensations liées notamment aux politiques familiales comme la maternité, et 30 milliards d'euros pour équilibrer le système de répartition, qui n'est justement plus un système de répartition en raison du déséquilibre démographique. Il faut revenir aux fondamentaux.
Vous pouvez pousser des cris d'orfraie. Mais si vous ne faites pas le constat que notre système de répartition est largement menacé, vous acterez sa disparition.
Sur les exonérations de cotisations, nous entendons bien des inexactitudes. C'est là, du reste, un débat que nous avons déjà eu au sein de la commission des affaires sociales. Un de nos principes fondamentaux, notamment pour ce qui concerne les lois de financement de la sécurité sociale, est que l'État compense les exonérations. Nous avons fait vérifier que ces compensations étaient bien inscrites au budget de l'État, auquel contribuent les impositions des entreprises. Ces dernières financent donc aussi, d'une certaine manière, ces exonérations.
On ne peut pas dire non plus que les exonérations de cotisations sont dépourvues de conditions. Il y a des obligations, parfois des plafonds voire des déductions, des assiettes et des taux différents, ainsi que des précisions sur les montants forfaitaires. Des contrôles sont effectués par les organismes de sécurité sociale pour vérifier le respect des conditions. Parfois, ces exonérations sont accordées dans un but qui devrait vous satisfaire, par exemple accompagner des recrutements dans un but de réinsertion professionnelle. Songez au problème des saisonniers : le coût de leur travail en France ne correspondait pas à celui en vigueur dans d'autres pays. Nous avons dû corriger des biais liés à la superposition de différents dispositifs, ce qui a permis à la France de devenir compétitive et, surtout, de faire bénéficier ses propres ressortissants de ce dispositif plutôt que de faire venir de l'étranger une main-d'œuvre moins chère.
Je salue les députés présents. Je suis venu hier soir. Vingt-quatre heures plus tard, le débat en est toujours au même point. Cet index, c'est L'Histoire sans fin ! L'obsession de l'obstruction dont font preuve nos collègues de l'extrême gauche bolchevique a pour résultat d'alourdir un dispositif dont ils ont dit, voilà vingt-quatre heures, qu'il était bidon ! Gardez votre énergie pour la motion référendaire qui vous permettra de faire reculer la réforme des retraites grâce aux Français. On compte sur vous, camarades !
Monsieur Chenu, il était convenu de limiter le nombre d'interventions à une par groupe. Je n'aurais donc pas dû vous donner la parole. Je l'ai fait exceptionnellement parce que vous venez d'arriver.
Madame la présidente, vous auriez d'autant moins dû donner la parole à Sébastien Chenu qu'il vient seulement, à vingt-et-une heures quarante-cinq, faire son petit tour de piste en commission des affaires sociales. (Exclamations.) Son numéro de claquettes vient perturber le travail méthodique, rigoureux et sérieux que les commissaires mènent, n'en déplaise à l'agitateur de première classe qu'il est. Tout ce qu'il sait faire, c'est jeter de l'huile sur le feu, perturber le travail parlementaire, tirer la couverture à lui au lieu de les laisser faire le travail pour lequel ils ont été élus et qui consiste à amender le texte. Mais si vous pensez que ce projet de loi n'a pas besoin d'être amendé à propos de l'index des seniors, c'est votre droit.
On nous reproche de faire traîner les débats et, toutes les cinq minutes, le groupe Rassemblement National prend la parole pour attaquer la NUPES. Je ne comprends pas si vous êtes ici pour travailler ou pour vous opposer à la NUPES. J'en déduis que votre obsession n'est pas tant la réforme des retraites, qui ne vous intéresse pas et qui, en réalité, ne vous convient pas si mal, que la NUPES. Quant à l'énergie, monsieur Chenu, nous en avons à revendre, ici et dans la rue !
Je vais finir par couper les micros aux intervenants qui ne parlent pas du texte. Nous ne sommes pas dans l'hémicycle !
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS6219 de Mme Stella Dupont.
Je m'en tiendrai donc à mon amendement, qui vise à faire de l'index un outil contraignant. Voilà vingt ans, en effet, qu'il est question du maintien en emploi des seniors. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : un tiers seulement des Français de 60 à 64 ans sont en emploi.
Demander aux Français de travailler plus longtemps induit obligatoirement un effort de la part des entreprises. La révolution culturelle du monde des entreprises, en particulier pour les grands groupes, ne se fera pas à la vitesse accélérée dont nous aurions pourtant besoin. Il faut donc une mesure contraignante. La proposition est simple : faire de cet indicateur un outil de suivi et d'incitation. Les entreprises qui se situeront en dessous de la moyenne de leur branche professionnelle se verront supprimer la réduction de cotisations patronales sur les allocations familiales pour les salaires supérieurs à 2,5 Smic. Le Conseil d'analyse économique a produit différentes analyses sur ces exonérations, concluant qu'elles n'ont d'effet ni sur les exportations ni sur la compétitivité. Nous pouvons nous rassembler autour de cet outil dont nous avons besoin pour atteindre l'objectif de cette réforme.
J'espère que nous continuerons à avancer sur ce point car il faut répondre à tous les enjeux de cette réforme exigeante, car elle demande des efforts aux Français. Mais elle doit aussi être responsable, car il faut financer durablement notre régime de retraite. Il faut, pour ce faire, des outils permettant le maintien dans l'emploi des seniors.
Je salue la lucidité de cet amendement. Il est dû peut-être aux 15 000 manifestants qui défilaient aujourd'hui dans les rues d'Angers, que je salue et que j'invite à rééditer cette mobilisation le 7 février prochain.
Lucide, cet amendement l'est pour trois raisons. Tout d'abord, pour la première fois dans les rangs de la majorité, il reconnaît que le recul de l'âge légal de la retraite à 64 ans aggravera le chômage des seniors. Ensuite, il montre le fond du problème : les exonérations de cotisations sociales, qui expliquent le déficit conjoncturel de nos régimes de retraite et auxquelles il faut mettre fin pour rétablir l'équilibre. Enfin, il dit que l'index des seniors, tel qu'il est proposé, est un écran de fumée, un gadget sans utilité s'il n'est assorti de sanctions.
Depuis le pin's « 1 million d'emplois » de Pierre Gattaz, plus personne ne croit aux promesses du Medef, sinon quelques députés macronistes. Il est temps d'instaurer des sanctions pour obliger les entreprises à embaucher des seniors, dont plus de 40 % ne passent pas directement de l'emploi à la retraite : ils sont au chômage, en maladie ou dans un sas de précarité. Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, votre réforme mettra 400 000 personnes de plus en maladie, 200 000 aux minima sociaux et 300 000 au chômage. La situation sera encore plus difficile depuis votre réforme de l'assurance chômage, qui prive les chômeurs de leurs droits. Il faut en finir avec ce sas à précarité, cette réforme qui aggravera la pauvreté des seniors. Cet amendement est modeste, prudent, mais il va dans le bon sens. Nous l'appuyons.
Je tiens moi aussi à saluer et soutenir cet amendement, qui donne une occasion de faire en sorte que cet index influence certains gestes publics. Cela ne doit pas nous dissuader pour autant de contester la logique et l'efficacité des exonérations sociales massives, qui nuisent au mode de financement de notre protection sociale et de notre système de retraites. Que l'index soit pris en compte au moment de les accorder serait la moindre des choses.
Comme vous l'indiquez, toutefois, dans l'exposé des motifs, certaines enquêtes estiment discutables les effets de ces mesures abondamment vantées.
C'est la deuxième fois, en commission des affaires sociales, à l'occasion d'un PLFSS, qu'un amendement venu des bancs du groupe Renaissance appuie notre position d'observateurs de l'ampleur des exonérations de cotisations sociales et de leurs conséquences sur notre protection sociale ainsi que sur le financement de l'économie. Cet amendement met en lumière l'aberration qu'elles constituent pour les salaires situés entre 2,5 et 3,5 Smic.
La précédente occasion, dont je suis l'exégète ravi, était l'amendement au PLFSS de nos collègues Sacha Houlié et Marc Ferracci, proposant de remettre en cause ces exonérations de cotisations sociales. Bien que partageant l'analyse de Pierre Dharréville, qui trouve la mesure timide – on ne revient sur l'exonération que lorsque l'effort pour l'emploi des seniors est inférieur à la moyenne constatée dans la branche – je soutiens cet amendement.
Nous examinerons, après l'article 2, les amendements relatifs à la recherche de financements alternatifs pour équilibrer le régime de retraite sans allonger de deux ans la durée de travail de nos concitoyens. Mais je me félicite déjà que vous ayez, directement ou indirectement, identifié d'énormes manques dans le financement de la branche vieillesse. Ce sont 18 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales pour cette seule branche. Il faudrait examiner une par une ces niches sans exclure, du reste, que certaines puissent avoir leur pertinence. Toujours est-il que nous soutiendrons avec enthousiasme cet amendement.
Le groupe Écologiste - NUPES ne peut que se féliciter qu'au bout de tant d'heures de débat, un amendement du groupe Renaissance propose de rendre l'index des seniors contraignant pour les entreprises. Je note, comme Jérôme Guedj, que cet amendement admet que les exonérations de charges représentent un coût pour la sécurité sociale, sans guère de gain économique.
Certains, notamment sur les bancs de la majorité, objectent que ces dépenses sont compensées. Mais elles le sont par le budget de l'État. Or n'est-ce pas, précisément, au nom de la lutte contre les déficits du budget dans sa globalité que vous voulez faire passer au forceps cette réforme des retraites ? Il faut en finir avec ces exonérations, compensées ou non – là n'est pas le sujet car elles représentent une baisse globale du financement de notre protection sociale ou de nos services publics.
Toutefois, plutôt que de fonder la sanction sur la moyenne de la branche en termes d'emploi des seniors, il conviendrait de proposer un dispositif améliorant la situation branche par branche. En effet, la condition est difficile dans certaines d'entre elles et il ne faudrait pas se contenter d'une moyenne de branche très faible en termes d'emploi et de conditions de travail des seniors.
Je remercie Jérôme Guedj d'avoir fait référence à l'amendement que Sacha Houlié et moi avions déposé au PLFSS. Toutefois, celui que nous sommes en train d'examiner est différent. Il pose le constat, que j'assume, que les allégements de charges sur les hauts salaires ont peu d'efficacité en termes de créations d'emplois. Mais il mélange cette question avec celle du maintien dans l'emploi et de l'amélioration des conditions d'emploi des seniors, qui n'a que peu à voir. Le résultat, en plus de compliquer les choses, risque d'être contreproductif.
Les allégements de charges pour les hauts salaires sont critiqués au motif qu'à ces niveaux de rémunération, la productivité des salariés est suffisante et qu'ils sont en mesure de capter ces exonérations sous forme de hausse de salaire. En mélangeant à cela la question de l'index des seniors, on se prive d'une réflexion collective sur la suppression de l'ensemble de ces exonérations, à laquelle je suis favorable. En d'autres termes, on limite les exonérations en fonction d'un critère qui n'est pas économiquement efficace et on génère une grande complexité car, en conséquence du vote de l'amendement de Pierre Dharréville, il sera impossible de quantifier l'indicateur.
Je suis donc favorable à la poursuite de la discussion sur les allégements de charges sur les hauts salaires et, comme nous le faisons depuis hier, sur les bonnes façons d'inciter les entreprises à agir. Mais il n'est pas bon de mêler les deux questions.
L'amendement se réfère notamment à l'article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, qui renvoie à un article L. 241-13 lui-même modifié par une loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée ».
Les exonérations de cotisations ont souvent des buts louables – pouvoir d'achat, attractivité et compétitivité, voire incitations à l'embauche. L'amendement vise les personnes qui gagnent entre 2,5 et 3,5 Smic. C'est le niveau auquel, de toute façon, est plafonnée l'exonération. Le message est curieux car la mesure pourrait précisément freiner l'embauche de ceux qui, comme les seniors, peuvent aspirer à de meilleurs revenus en fin de carrière en raison des compétences et de l'expérience acquises. Il faut donc rester prudent pour éviter des effets induits allant à l'encontre de mesures qui ont pu réunir parfois autour de causes communes des forces politiques opposées au sein de l'hémicycle.
Cet amendement soulève un problème qui touche à la fois à l'esprit des exonérations – il y a de bonnes et de mauvaises niches – et à leur calcul. La Cour des comptes identifie 66 milliards d'euros de niches sociales alors qu'en réalité, avec plus de rigueur dans les comptes et surtout en examinant l'affectation de certaines dépenses à des niches au gré des projets de loi de financement de la sécurité sociale, le total atteindrait 90 milliards d'euros, voire 100 milliards d'euros.
Lorsqu'on explique aux gens qu'ils devront travailler entre 62 et 64 ans faute de financement alors que les calculs font apparaître des deltas de 30 ou 40 milliards d'euros, on peut se poser des questions. Il faut vraiment faire les comptes. Nous en reparlerons à propos de l'article 4. Il ne faut pas que ce soient les personnes de 62 à 64 ans qui paient la mauvaise gestion des caisses de sécurité sociale. Chaque année, les rapports de la Cour des comptes révèlent des approximations, voire des erreurs, qui se chiffrent en dizaines de milliards d'euros.
J'entends volontiers que le dispositif mérite d'être encore travaillé. Nous avons du temps pour ce faire. Jean-Hervé Lorenzi rappelait cependant que la création de l'Observatoire des délais de paiement n'a longtemps eu aucun effet sur leur réduction et que les efforts se sont accélérés dès que des sanctions ont été instaurées. Il en est de même pour le bonus-malus appliqué aux contrats courts. L'Assemblée nationale doit marquer son intention de disposer d'un outil contraignant permettant d'accélérer le mouvement à la hauteur de la nécessité et de l'enjeu.
La commission rejette l'amendement.
Madame la présidente, le décompte des voix est très serré. Nous demandons, en application de l'article 44, alinéas 1 et 2, du Règlement de l'Assemblée nationale, un scrutin sur cet amendement. Ce scrutin est de droit lorsqu'il est demandé par 10 % au moins des membres d'une commission.
Je confirme que l'amendement n'a pas été adopté. Le scrutin est effectivement de droit à la condition d'être demandé avant le vote, non après.
(Exclamations.)
Amendement AS6565 de M. Philippe Brun.
Chers collègues, vous pourrez vous rattraper avec cet amendement qui est dans la même ligne. Le chômage des seniors continue de progresser alors que le chômage général recule. On compte deux points de plus de chômage des seniors en 2020 qu'en 2003. La situation est en outre très inégalitaire : 17 % des ouvriers non qualifiés sont au chômage à 60 ans, et 12 % des ouvriers en général, contre 3 % des cadres. Lutter contre le chômage des seniors n'est donc pas seulement lutter contre une discrimination qui touche des gens plus âgés sur le marché du travail, mais aussi contre une discrimination sociale.
L'amendement étend aux seniors les obligations d'emploi efficaces appliquées dans les entreprises pour les salariés porteurs de handicaps. Du fait des sanctions dont ces obligations sont assorties, la France est aujourd'hui, à l'échelle européenne, un pays au fort niveau d'inclusion professionnelle des personnes porteuses de handicap. L'amendement reprend la lettre de la loi et en étend les obligations aux seniors, avec un objectif de 15 % de salariés de plus de 55 ans dans l'entreprise, des exceptions étant possibles au moyen d'accords de branche. Il s'agit d'une législation qui a fait ses preuves, acceptée et même promue par les entreprises. Nous ouvrons ainsi la voie, dans l'esprit de l'amendement de Stella Dupont, à une législation contraignante sur l'emploi des seniors. Elle apporte une réponse efficace à cette question sociale qui rassemble, je le crois, sur tous les bancs.
Vous demandez que les seniors représentent 15 % de l'effectif de chaque entreprise. Cela ne sera pas possible dans des entreprises dont les thématiques concernent les jeunes, par exemple dans les secteurs du sport ou de l'aéronautique.
Avis défavorable.
Madame la présidente, l'alinéa 2 de l'article 44 du Règlement dispose qu'un vote par scrutin est de droit lorsqu'il est demandé par un dixième au moins des membres d'une commission. Je ne vois pas comment ce scrutin serait refusé. Nous ne mettons pas en doute votre parole sur les résultats du vote. Notre demande a pour objet de mesurer le rapport de force. Les nombreuses personnes qui s'intéressent aux exonérations de cotisations sociales doivent pouvoir savoir où en est le débat parlementaire et comment il a évolué, le cas échéant.
C'est votre liberté ! Le débat est déjà tellement ralenti... Sur cet index que vous dites « nul », vous avez déposé un amoncellement d'amendements. J'entends que vous ne remettez pas en cause l'issue du vote. Pour les amendements suivants, vous pouvez demander des scrutins, mais à temps. Dont acte. Franchement, avec ce que je vois ce soir, je finirai par être une députée dépitée !
(Rires.)
Le parallèle avec l'obligation d'emploi des personnes en situation de handicap est étonnant. Nous sommes tous convaincus que les entreprises doivent faire des efforts. Un certain nombre de mesures ont été prises lors du précédent quinquennat pour aménager les postes de travail, offrir des éléments d'accompagnement, parfois coûteux, et favoriser l'inclusion des personnes en situation de handicap. Il n'y a toutefois aucune preuve que les seniors aient une productivité inférieure à celle des personnes de 25 ans. Il faut manier cet argument avec précaution, notamment eu égard au signal que l'on envoie.
L'amendement fait référence aux branches alors qu'il y a une grande diversité des entreprises, des métiers et des modèles en leur sein – une diversité accrue par le fait, que nous assumons, de réduire le nombre de branches en les fusionnant. On ne va pas dans le sens de ce qui serait efficace.
S'agissant de l'emploi des seniors, l'enjeu est la formation. Le plan d'investissement dans les compétences des seniors peu qualifiés a eu des effets durant le précédent quinquennat. Quant au compte personnel de formation, il a contrarié cette tendance naturelle à former les salariés les plus qualifiés, puisqu'il concerne à 80 % les ouvriers et les employés.
Madame la présidente, nous sommes trop nombreux dans cette salle. Contrairement à Sébastien Jumel, nous ne pensons pas à nos conditions de travail car la pénibilité qui nous intéresse est celle des travailleurs du bâtiment, des ouvriers, de ceux qui ont des métiers difficiles. Mais plusieurs députés du groupe Rassemblement National qui souhaiteraient s'exprimer n'ont pas accès à un microphone.
Philippe Brun est venu, lui aussi, faire son tour de piste en tant que socialiste pour faire oublier des décennies d'échecs. L'obligation d'emploi pour les travailleurs handicapés ? Parmi les entreprises, 29 % ne la remplissent pas et 31 % n'en accueillent aucun ! Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est de 14 % ! Les socialistes ont l'habitude de reprendre ce qui ne fonctionne pas et de continuer vers la faillite. Il faut d'autres solutions. Ce soir, vous venez tourner votre vidéo pour les réseaux sociaux, pour faire oublier que vous avez voté les quarante-trois annuités et que vous êtes responsable de la réforme Touraine. Creusez-vous la tête pour trouver d'autres solutions que des choses qui ne marchent pas !
Monsieur Ménagé, notre commission accueille tout le monde, mais vous ne vous exprimez pas tous en même temps. Comme il y a un intervenant par groupe, vous pouvez vous succéder devant les micros. Les chaises musicales sont autorisées ! Naturellement, vous aurez tout le loisir de prendre la parole dans l'hémicycle à compter du 6 février.
Je remercie la commission de m'accueillir mais c'est bien le moins ! Nombre de citoyens attendent que nous participions aux travaux sur ce texte, avant son examen en séance publique. Il est nécessaire que nous débattions dans de bonnes conditions. Engager ceux qui parlent à rester et ceux qui ne parlent pas à sortir provoquera un grand brouhaha qui fera perdre du temps. Il faudrait une salle plus grande.
Les esprits s'échauffent et c'est normal. Il y a de la colère dans le pays : il y avait 8 700 personnes à Annonay, la ville du ministre du travail, du plein emploi et du retournement de veste, Olivier Dussopt. C'est deux fois plus que le 19 janvier !
Ce n'est pas votre présidence que nous remettons en cause. Mais quand plusieurs points se suivent, ils forment une ligne. Refuser de décaler la niche socialiste pour gagner une journée de travail sur ce texte !
Faire une entourloupe sur la motion référendaire pour favoriser le Rassemblement national ! (Vives exclamations.) Tout cela ne vise qu'à nous empêcher de faire notre travail sur ce texte ! Nous réclamons simplement, par égard pour les Français qui nous regardent...
Vraiment, c'est honteux, monsieur le député ! Honteux ! Nous faisons une pause pour que les esprits se calment.
La réunion est suspendue entre vingt-deux heures trente-cinq et vingt-deux heures cinquante.
La commission rejette l'amendement AS6565.
Amendements AS3773 de M. Sébastien Peytavie et AS3157 de M. Yannick Monnet (discussion commune).
Hyperactif pour couvrir de cadeaux les ultra-riches, les privilégiés, les rentiers, le Gouvernement fait valoir son droit à la paresse quand il faut en venir à la protection des plus vulnérables. L'alinéa 14 inclut l'emploi des salariés âgés dans les négociations en entreprise, mais il n'apporte aucun détail supplémentaire. Nous ne savons pas de quels emplois on parle, ni si ces négociations incluront la pénibilité, la formation, la qualité de vie au travail. En fait, nous ne savons rien. Nous avons des négociations floues, elles-mêmes fondées sur des indicateurs flous. Non seulement cet indicateur ne fait rien pour les seniors mais, en l'état actuel, il les met en danger parce qu'il laisse une liberté totale aux entreprises de s'en servir comme faire-valoir, sans aucune amélioration sur le terrain de l'emploi des seniors.
Par l'amendement AS3773, nous proposons de sécuriser le cadre de négociation par une description précise de leur contenu, incluant l'évolution professionnelle, la formation et la qualité de vie au travail.
Notre amendement AS3157 s'inscrit dans la foulée de ceux défendus pour essayer de donner de la consistance à ce dispositif, avec des objectifs chiffrés d'amélioration des conditions d'emploi et d'embauche des salariés de plus de 50 ans. Il est regrettable que l'amendement, somme toute modeste, qui a été adopté plus tôt ait été autant critiqué, notamment par Marc Ferracci. Certes, il présentait un intérêt pour préciser l'index. Mais en faire un argument pour rejeter les autres amendements est abusif. Continuons à conforter le dispositif !
Tous ces amendements vont dans le bon sens. C'est la partie intégrante d'une politique réelle de lutte contre le chômage des seniors.
Certains nous accusent d'obstruction. En réalité, nos amendements ont pour but non seulement de contrer ce qui nous semble le plus ignoble mais aussi de dessiner un contre-projet. L'emploi des seniors est décisif. Je ne cite pas que des ultragauchistes puisque mon collègue économiste Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes, indique que ramener dans l'emploi 825 000 seniors suffirait à sauver le système en apportant 13 milliards d'euros. Selon lui, ce qui importe avant toute réforme des retraites, c'est une politique de plein emploi des seniors. Or, votre réforme aggravera le chômage des seniors : vous ne parviendrez pas à employer les 600 000 personnes devant travailler deux ans de plus. Aujourd'hui, une personne sur trois n'est pas en emploi à son départ en retraite, mais en invalidité, au chômage ou en inactivité. Votre réforme fera empirer cette situation.
Avec ces amendements, nous cherchons un moyen concret d'améliorer l'emploi des seniors. Monsieur Ferracci, certains seniors choisissent le chômage plutôt que l'emploi parce que les métiers sont durs, que l'entreprise n'est pas accueillante. En réalité, ils n'ont pas le choix : c'est la dureté du travail qui fait qu'ils ne peuvent plus le subir, surtout lorsque les corps sont usés. Nous voulons donc réintroduire dans l'index des seniors des critères comme les perspectives d'évolution professionnelle, les opportunités de formation, la qualité de vie au travail, les conditions de travail, l'emploi et le maintien en emploi des seniors. Bref, on rend le travail vivable pour rendre la vie durable. J'espère que vous soutiendrez ces amendements qui vont dans le bon sens : ils aideront à l'insertion et à l'emploi des seniors, des objectifs que nous partageons.
Que ne suivez-vous nos collègues de la commission de la défense, qui sont allés directement à l'article 7 pour le supprimer ! Cela ne signifie pas que l'on ne parlera pas de la pénibilité, des retraités, des gens qui sont allés dans la rue hier, et ce soir, et qui y retourneront. Prenez vos responsabilités en tant que législateurs ! Ce soir, vous donnez quitus à la Macronie !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements AS1401 de M. Stéphane Viry et AS783 de M. Dino Cinieri.
Mon amendement, qui a déjà fait l'objet d'un consensus et qui a ramené un peu de sérénité dans nos débats, vise à changer la terminologie du projet de loi pour respecter les travailleurs expérimentés. Il s'agit de substituer aux mots « salariés âgés » le terme moins péjoratif de « seniors ».
L'expression « salariés âgés » est trop imprécise. Il convient de parler plutôt de « salariés âgés de plus de 50 ans ».
Le sujet a déjà été abordé vingt-cinq fois. C'est un gag ! Je comprends que nos collègues de droite ne souhaitent pas parler du fond. Nous sommes dans une autre logique : nous parlons toujours du fond et de la manière d'améliorer les articles. J'aimerais que cela soit reconnu et noté dans le compte rendu.
Je salue l'apport considérable au débat du groupe Les Républicains. Nous avions déjà eu l'exemple du remplacement de « socialistes » par « macronistes ». Quand on change les termes, on ne change pas toujours le fond !
L'âge est la première cause de discrimination à l'emploi. La réponse se trouve dans la formation, en particulier dans les bilans d'employabilité des seniors, dont il faut repenser le financement. Certaines contraintes sont contreproductives. Ces amendements, qui ont un intérêt tout relatif dans le débat, ne répondront pas à la problématique de l'employabilité. Nous ne les voterons pas.
Les Républicains cherchent à être force de proposition sur un projet de loi insuffisant et perfectible, qui n'est pas le nôtre. Nous nous efforçons en commission de faire valoir des idées. Nous déplorons, comme vous, que la quasi-totalité de nos amendements aient été considérés irrecevables.
L'amendement AS1401 n'est que la reprise, par cohérence, d'autres amendements. Nous ne cherchons ni à faire du bruit ni à mettre du désordre dans la commission, mais à faire valoir des propositions. Ce qui nous préoccupe, c'est le système des retraites et les retraités, non la polémique.
L'amendement de Dino Cinieri a l'avantage d'être plus précis puisqu'il propose un âge précis. Nous voterons toutefois les deux amendements, qui peuvent obtenir une majorité.
L'index ne définit ni ce qu'est un salarié âgé, ni un senior. Tout reste beaucoup trop flou. Même si on n'embauche pas assez de seniors, il n'y a pas de pénalité : c'est la violation de l'obligation de publication qui est le seul motif de pénalité.
La commission adopte l'amendement AS1401.
Puis elle rejette l'amendement AS783.
Amendement AS4836 de M. Thibault Bazin.
Amendement de précision pour ajouter « les actions de formation qui leur sont destinées, l'organisation de la suite de leur carrière, la transmission de leurs compétences ».
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS7157 de Mme Astrid Panosyan-Bouvet.
Il s'agit de faire de l'emploi des seniors et de l'amélioration de leurs conditions de travail un sujet de dialogue social dans les négociations annuelles obligatoires (NAO) que mènent toutes les entreprises ayant au moins un représentant syndical, soit en général les entreprises de plus de cinquante salariés, comme pour l'égalité professionnelle. Le dialogue social sur le travail des seniors dans l'entreprise ne saurait se limiter aux entreprises de plus de trois cents salariés.
J'ai reçu d'un dixième des membres de la commission une demande de scrutin sur cet amendement.
Dans un souci d'apaisement et pour le bon déroulement de nos travaux, nous retirons la demande.
Vos propos et votre exposé des motifs ne correspondent pas au dispositif de l'amendement, qui ajoute une obligation après les négociations. Je vous suggère de le retravailler pour la séance publique.
En outre, le plan d'action dont il est question devrait découler des résultats du dialogue social. L'amendement le décrit de manière trop précise. Le dispositif d'ensemble n'est pas clair. Vous l'imposez aux entreprises de plus de mille salariés à une date précise, puis aux entreprises de plus de trois cents salariés. Il n'est pas opportun de l'élargir encore aux entreprises de plus de cinquante salariés, dans lesquelles la part de seniors est plus limitée. Il serait effectivement préférable de retirer l'amendement.
L'amendement va dans la logique de l'index des seniors, présenté comme un pas contre les discriminations à l'encontre des salariés âgés qui prévalent dans de nombreuses entreprises. Il a été question d'un changement de culture pour respecter les compétences des plus anciens et les reconnaître, dans leurs objectifs de formation comme dans leur niveau de rémunération.
Si l'objectif de l'index est vraiment de lutter contre les discriminations liées à l'âge, intégrer cette question dans les négociations est une bonne chose. La rapporteure générale devrait donner un avis favorable. Il est dommage que vous rejetiez tout ce qui peut renforcer l'index et obtenir des résultats concrets.
Dans un souci d'apaisement et d'accélération de nos débats, nous voterons cet amendement. D'abord, parce que la négociation se diffuse dans les branches et les secteurs : l'organiser de manière plus large, c'est étendre les bonnes pratiques ou les expériences de négociation d'une entreprise à l'autre. Ensuite, parce que l'emploi des seniors est concentré dans les grandes entreprises : des plans élargis à un nombre accru d'entre elles sont une condition essentielle pour améliorer leur accès à l'emploi.
L'amendement d'Astrid Panosyan-Bouvet est cosigné par plusieurs collègues de la majorité – Prisca Thevenot, Monique Iborra, Éric Alauzet... J'espère que l'ensemble de la majorité sera sensible aux arguments avancés. Il s'agit d'étendre le champ des NAO, qui concernent les entreprises de plus de trois cents salariés, et de faire en sorte que toutes les entreprises, pas seulement les plus grosses, portent une attention particulière à l'emploi des seniors.
Chère collègue, je vous remercie d'apporter de l'eau à notre moulin, que nous faisons tourner depuis le début et qui va dans le sens d'une extension du périmètre de cet article.
L'amendement d'Astrid Panosyan-Bouvet rejoint un des nôtres qui a été rejeté. J'espère qu'il connaîtra un meilleur sort. Il s'agit d'élargir le nombre de ceux qui pourraient être concernés par les discussions entre les parties prenantes, dont les organisations syndicales, pour faire en sorte qu'un regard particulier soit porté sur cet enjeu, y compris dans les entreprises de moins de trois cents salariés. Nous espérons que l'adoption de cet amendement ne déplaira pas trop à notre collègue Marc Ferracci, contrairement à celui que je portais dernièrement.
Le groupe Démocrate soutient cet amendement qui correspond à notre position exprimée à plusieurs reprises. D'une part, on ne peut exiger des entreprises de plus de trois cents salariés un effort en faveur de l'emploi des seniors et en exempter les autres. D'autre part, on ne peut pas se contenter d'un index. L'amendement impose à juste titre à l'employeur d'établir un plan d'action annuel destiné à favoriser l'emploi des salariés âgés. Il convient en outre d'évaluer les résultats obtenus, ce à quoi pourvoient les amendements adoptés en commission des finances visant à instituer un bilan annuel.
À l'instar de la rapporteure générale, il me semble nécessaire de retravailler l'amendement pour des raisons rédactionnelles. D'une part, alors qu'il concerne les négociations annuelles obligatoires, l'amendement modifie l'article L. 2242-1 du code du travail consacré aux négociations quadriennales. D'autre part, le thème de l'emploi des salariés âgés est inséré dans le dernier alinéa du même article relatif à la négociation sur l'égalité professionnelle entre femmes et hommes. Cela dit, nous sommes tous convaincus du rôle de la négociation collective pour améliorer l'emploi des seniors. C'est d'ailleurs la philosophie du projet de loi.
Le groupe Rassemblement National votera en faveur de l'amendement, qui donne les moyens de jauger les efforts déployés par les entreprises en faveur de l'emploi des seniors. Enfin, nous entrons dans le concret.
Pour que vous soyez parfaitement éclairés avant de voter, sachez que le dispositif de l'amendement instaure l'obligation, lorsqu'il n'y a pas d'accord relatif à l'emploi des seniors, d'établir un plan d'action. Ce n'est pas exactement ce qui a été expliqué ni ce qu'indique l'exposé sommaire.
Mon objectif est d'assurer une cohérence entre les seuils retenus pour les index – égalité professionnelle et seniors – et pour le dialogue social – le seuil est de cinquante salariés pour l'égalité professionnelle et de trois cents pour les seniors. Ce sont des sujets dont on doit parler chaque année au sein de l'entreprise, dans l'optique d'établir un plan d'action. Chaque entreprise est comptable des progrès accomplis et plus à même de prendre les mesures correctives qui s'imposent.
Jean-Hervé Lorenzi, encore lui, a souligné l'impact considérable de l'emploi des seniors sur l'équilibre des régimes sociaux. Au-delà des considérations économiques et sociales, l'emploi des seniors est aussi un projet de société qui doit permettre à chacun de trouver sa place à chaque étape de sa vie. Les négociations annuelles obligatoires sont le bon outil pour atteindre cet objectif. Je maintiens l'amendement et je discuterai avec mes collègues d'éventuelles modifications.
La commission adopte l'amendement.
Amendement AS3160 de M. Pierre Dharréville.
Dans un souci de coconstruction et de clarification, l'amendement soumet à la négociation, et non à la concertation, avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs le décret de mise en œuvre de l'index.
Nous sommes un peu frustrés par la réponse lapidaire de la rapporteure générale. Le débat a déjà eu lieu lors de l'examen des amendements sur le contenu de l'index. La rapporteure générale nous avait opposé que les indicateurs devaient faire l'objet d'un accord de branche.
Nous considérons que le décret prévu pour l'application de l'index devrait donner lieu à une négociation interprofessionnelle au terme de laquelle serait posé un cadre pour les indicateurs, lesquels seraient ensuite déclinés dans les accords de branche. Ceux qui sont attachés au paritarisme seront sensibles à cet amendement qui permet de concilier démocratie sociale et démocratie politique.
Nous ne devrions pas avoir à l'inscrire dans la loi, tant l'association des organisations syndicales à tout projet touchant aux retraites est une évidence. Malheureusement, si des discussions ont bien eu lieu, le Gouvernement, en dépit de ses efforts pour y mettre les formes, n'en a tenu aucun compte. Les organisations syndicales sont aujourd'hui unies pour vous demander de les écouter.
Certes, l'index des seniors n'apportera pas grand-chose. Mais s'il faut à chaque article rappeler que le paritarisme est au cœur de notre système de protection sociale et que les syndicats doivent être partie prenante à chacune des mesures envisagées, nous le ferons. C'est la raison pour laquelle nous soutenons l'amendement.
Il s'agit d'un amendement de bon sens pour trois raisons. D'abord, il permet d'améliorer les indicateurs en s'inspirant du terrain. Ensuite, il garantit le paritarisme, en butte à de vives attaques. Enfin, les syndicats sont capables en deux journées d'action de faire descendre dans la rue plus de personnes qu'il n'y a d'électeurs de Renaissance aux élections législatives, ce qui témoigne de leur place et de leur influence parmi les forces vives de la nation.
J'ai déjà souligné le rôle majeur des partenaires sociaux pour améliorer l'emploi des seniors. L'élaboration de l'index ne peut en aucun cas reposer uniquement sur le Gouvernement et le Parlement. Elle doit associer les partenaires sociaux. Le groupe Démocrate a pour principe de leur faire confiance. Si au terme d'un délai qui reste à fixer, leur mission s'avérait impossible, l'État pourrait reprendre la main comme il l'a fait pour l'assurance chômage.
Ce serait une erreur d'écarter les partenaires sociaux de l'élaboration de l'index. Je suis attaché, comme la rapporteure générale, au paritarisme. Il ne faut pas avoir peur du débat.
Depuis vingt-quatre heures, je répète à ceux qui veulent inscrire dans le texte les indicateurs que nous faisons justement confiance aux branches pour les définir. L'alinéa 16 dispose : « Le Gouvernement engage, dès la publication de la présente loi, une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'adoption du décret mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 5121‑7 du code du travail ».
La seule chose que l'amendement ajoute à l'objet de la concertation, c'est la définition d'objectifs chiffrés. Nous en avons longuement parlé hier et c'est pourquoi je n'ai pas argumenté tout à l'heure : nous y sommes défavorables, justement parce que nous voulons préserver la liberté du dialogue social.
Nous tenons à adjoindre des chiffres aux objectifs pour éviter les déclarations de principes vagues. Mais il y a une autre différence dans cet amendement : nous remplaçons la concertation par la négociation. Vous vouez un véritable culte à la première, qui tend à faire disparaître la seconde. Pourtant elle n'est qu'un faux-semblant dont on ne peut pas se satisfaire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS7247 de M. Thibault Bazin.
L'amendement vise à élargir aux organisations multi-professionnelles la concertation prévue sur le décret. Ces dernières ont un rôle à jouer. Elles peuvent porter la voix des entreprises qui ne sont pas représentées par les organisations syndicales aux niveaux national et interprofessionnel, qui sont les seuls mentionnés.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS3159 de M. Yannick Monnet.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel tendant à étendre la concertation à tous les décrets prévus pour l'application de l'article 2.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS870 de M. Joël Aviragnet et AS6204 de M. Sébastien Peytavie, amendement AS7267 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune).
L'amendement AS870 a pour objet d'accélérer l'entrée en vigueur de l'index des seniors. Le 1er juillet 2024, c'est loin, d'autant que les effets de la réforme des retraites se feront sentir bien plus tôt.
Vous prétendez que l'objectif de la réforme est de favoriser l'emploi des seniors. Si vous considérez que l'index des seniors en est le principal outil, ce que nous contestons, soyez cohérents et anticipez son entrée en vigueur. Sinon, votre réforme pèsera lourdement sur les seniors sans les contreparties annoncées.
L'amendement AS6204 avance au 1er novembre 2023 la publication de l'index pour les mêmes raisons.
L'amendement AS7267 est défendu.
Lorsque nous les avons reçus, les syndicats ont expliqué qu'avant de dire de travailler plus longtemps, la loi devrait aider à travailler mieux. Ce qu'un autre syndicaliste a résumé dans une formule plus brutale : « ce sont ceux qui nous virent à 60 ans qui veulent qu'on travaille jusqu'à 64 ans ».
Quatre salariés sur dix passent par un sas de précarité ou une période d'inaptitude entre l'emploi et la retraite. Vous qui aimez les comparaisons internationales, 43 % des salariés en France ont un emploi qui implique le déplacement de charges lourdes contre moins de 30 % aux Pays-Bas et 35 % en moyenne en Europe. S'agissant des positions douloureuses ou fatigantes, la proportion est de 57 %, contre 43 % en Allemagne et 50 % en moyenne en Europe. Voilà ce qui devrait nous occuper : comment diminuer le nombre de salariés qui subissent trois facteurs de pénibilité ? Leur part est passée de 12 % au milieu des années 1980 à 34 % ! Mais il n'y a rien dans le projet de loi, si ce n'est un petit index renseignant sur le nombre de seniors. C'est se moquer du monde !
Pour que le travail soit valorisé, ce que je souhaite, il ne doit pas être une souffrance que les salariés sont pressés de voir cesser ! Par ailleurs, les salaires doivent être augmentés : 45 % des Français considèrent qu'ils sont bien payés contre 68 % des Allemands et 58 % des Européens.
Voilà les questions ardentes que nous devrions poser si nous voulons que les Français soient satisfaits de leur travail. Vous refusez de les mettre sur la table. Après deux jours de débat, ni la pénibilité, ni les salaires, ni les horaires n'ont été abordés.
Comment une réforme des retraites qui aura des conséquences sur la vie de millions de Français peut-elle entrer en vigueur dans six mois tandis que l'index des seniors ne le pourrait pas ? Je suis abasourdi. C'est pourtant la seule mesure utile d'une réforme dont nous contestons tous les autres volets.
On voit bien que vous faites deux poids, deux mesures. La réforme doit s'appliquer dès le 1er juillet – vous auriez même voulu que ce soit avant si cela avait été possible. Mais vous renvoyez la création de l'index à l'année prochaine. En dépit de nos critiques concernant cet index et du peu de foi que nous lui accordons, le symbole est éloquent. Cette réforme pèsera exclusivement sur les salariés.
Adopter l'un de ces amendements ne coûterait pourtant pas grand-chose. Cela ne changerait pas grand-chose non plus au fond du projet, mais c'est une autre histoire.
L'alinéa 17 précise le calendrier d'application de l'article. Les questions posées par François Ruffin sont intéressantes. Mais elles seront traitées dans d'autres articles.
Sont prévus un temps de « concertation avec les organisations syndicales », la conclusion éventuelle de conventions ou d'accords de branche et la rédaction de plusieurs décrets. Nous sommes dans le cadre d'une procédure accélérée : le PLFRSS doit être adopté dans les cinquante jours suivant la date de son dépôt. Ceci nous amène, dans le meilleur des mondes, à la mi-mars. Même en l'absence de concertation, le droit ne serait pas stabilisé avant le mois de mai, le temps que les décrets soient rédigés. Si nous demandions aux entreprises de produire un document sans que les règles aient été définies au préalable, le résultat ne serait pas crédible. Il est vrai que ce ne serait pas la première fois... Quoi qu'il en soit, les acteurs ont besoin de visibilité. Nous devons aussi laisser le temps au dialogue social de se dérouler – en sachant que les deux mois d'été ne sont pas propices à ces échanges – et tenir compte des délais nécessaires à la mise en œuvre du texte. Pour ces raisons, la publication de l'index doit être décalée. À cela s'ajoute l'acceptabilité sociale de la réforme. Celle-ci est censée s'appliquer dès le 1er septembre. Or, il ne faut pas brutaliser les personnes ayant déjà programmé leur départ à la retraite dans le courant du dernier trimestre.
Qui plus est, il y a un manque de cohérence dans les dates d'entrée en vigueur des dispositifs : pour certains c'est le 1er janvier 2024, pour d'autres le 1er juillet 2024 ou encore le 1er septembre 2023. Nous souhaitions décaler certaines mesures au 1er janvier 2024… Les amendements ont été déclarés irrecevables.
Il est possible de publier l'index des seniors dès le 1er novembre. Hier, il a fallu moins d'une minute à mes collègues pour trouver en ligne le bilan social de grandes entreprises. Ces données sont déjà disponibles. Un an et demi pour réussir à les publier, c'est long.
Par ailleurs, vous faites tout à l'envers. À la rigueur, nous aurions compris que vous proposiez en début de quinquennat un grand texte consacré à l'emploi, notamment celui des seniors, comprenant des mesures fortes d'attractivité, et que vous vous attaquiez dans un second temps à l'assurance chômage et aux retraites. Nous nous y serions tout autant opposés mais cela aurait eu du sens. En réalité, le fait que vous fassiez les choses dans cet ordre montre que votre seul objectif est de détruire notre modèle social, et non de le sauver.
Notre objectif n'est pas de détruire le modèle social. Il est de créer massivement de l'emploi. Les résultats des dernières années prouvent que la politique que nous suivons est efficace.
Si le Parlement adopte le texte, la loi sera promulguée cet été. Ensuite, il faut laisser aux partenaires sociaux le temps du dialogue social. L'objectif est de faire en sorte que l'index soit publié dans toutes les entreprises concernées au bout d'un an. Cela semble raisonnable et même volontariste. Une publication dès le 1er novembre serait impossible.
Je suis surpris que certains en soient encore à considérer, après deux jours de débats, que cet indicateur serait une simple donnée statistique disponible sur internet... Je pensais que tout le monde avait compris qu'il s'agissait aussi de récapituler les actions en faveur de l'emploi des seniors au sein de l'entreprise – ce qui est clairement inscrit dans l'article.
En ce qui concerne le calendrier, vous demandiez hier que nous consultions quarante-neuf instances : on imagine le temps que cela aurait pris... Vous le saviez d'ailleurs, même si aujourd'hui, vous demandez au contraire une accélération de la publication.
Créer l'index prendra du temps car les indicateurs doivent être construits à travers le dialogue social. Compte tenu des derniers échanges, je ne suis pas sûr que les délais puissent être raccourcis. Pour ces raisons, il semble raisonnable de conserver le texte en l'état.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS4725 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement s'inscrit dans une série de propositions visant à rendre la réforme plus acceptable, étant entendu que nous ne pouvons repousser son application au-delà du 1er janvier 2024 car nous devons rester dans le cadre de l'exercice en cours. Il faut toutefois faire en sorte que la réforme affecte le moins possible les personnes qui avaient prévu de partir en retraite cette année, et qu'elle ne bouleverse pas le programme annuel de réunions avec les partenaires sociaux que les entreprises ont établi. Compte tenu des délais, des décrets prévus et de la concertation qui doit être menée, il me semble nécessaire de reporter, ne serait-ce que d'un mois, la date d'entrée en vigueur de la disposition pour les entreprises de plus de mille salariés.
Une entrée en vigueur le 1er novembre me paraît possible pour les entreprises de plus de mille salariés. Avis défavorable.
Les propos de Sylvain Maillard sont révélateurs. Demander aux entreprises de publier un index en moins d'un an et demi, c'est les brutaliser. Demander à des personnes qui avaient prévu de partir en retraite en septembre de décaler leur départ, c'est de la justice sociale. Nous n'avons clairement pas les mêmes conceptions.
Dans sa sagesse, la commission de la défense, à qui était soumis pour avis l'article 7 qui reporte l'âge légal de départ de deux ans, a émis un avis défavorable. Cela montre que vous n'avez la majorité ni dans le pays, ni dans cette commission pour faire avancer ces propositions néfastes pour nos concitoyens.
Thibault Bazin a le mérite de la cohérence : il disait qu'une entrée en vigueur de l'index pour tout le monde dès le mois de novembre lui semblait prématurée. Son amendement a pour objet de reporter l'obligation au 1er décembre pour les entreprises de plus de mille salariés. Nous défendons la logique inverse : l'entrée en vigueur de cette disposition susceptible de profiter aux salariés ne doit pas être remise à plus tard, encore moins pour les plus grosses entreprises.
La réforme vise avant tout les salariés. Ce double standard est insupportable. Je comprends qu'il y ait eu mille personnes dans la rue aujourd'hui à Vire, ce qui est tout à fait inédit. Les gens ne comprennent pas que l'on demande toujours plus à ceux qui ont moins.
Je retiens la lucidité, en l'espèce, de ma collègue de la NUPES, qui a observé que la commission de la défense avait rejeté l'article 7. Toutefois, si le Parlement ne s'est pas prononcé avant la fin des cinquante jours sur l'ensemble du texte, la réforme passera. Le 1er septembre, vous devrez expliquer aux Français que l'âge légal de départ à la retraite est désormais de 64 ans. Chers collègues de la NUPES, cette réforme sera votre tombeau politique. Vous l'aurez voulu d'abord en votant Macron, ensuite en faisant de l'obstruction. L'histoire retiendra cette réforme sous le nom de « loi Macron-Mélenchon ». Les Français vous diront ce qu'ils en pensent en 2027, et peut-être même avant.
Il faut avoir conscience de ce que la réforme implique. Il y a des salariés qui ont déjà organisé leur pot de départ. D'autres, prévoyant d'aller vivre à la campagne, ont déjà vendu leur logement. Toutes ces personnes vont devoir travailler plusieurs mois de plus.
Madame Lavalette, nous nous battons contre ce projet de réforme des retraites. Pour cela, nous utilisons tous les moyens à notre disposition.
Nous essayons de repousser le plus possible l'examen du projet de loi. Par ailleurs, vous devez comprendre que notre pays s'est construit ainsi...
En 1789, en 1848, mais aussi en 1944, quand nous avons chassé les nazis du pouvoir par une insurrection. Notre pays s'est construit à travers les mobilisations sociales. Lorsque le contrat première embauche a été adopté, la mobilisation a été si forte qu'il a finalement été retiré. Il est possible de mettre suffisamment de pression sur Emmanuel Macron pour qu'il retire le texte.
Il y a méprise sur le sens de mon amendement : comme depuis le début, j'essaie de faire en sorte que le texte n'affecte pas les personnes nées en 1961. Hélas, les amendements visant à reporter la disposition à l'année 2024 ne sont pas recevables. C'est la raison pour laquelle celui-ci a pour objet de reporter la publication de l'index à la fin de l'année 2023. En outre, il faudra un certain temps pour organiser le dialogue social et rédiger les décrets précisant les modalités d'application.
Quoi qu'il en soit, j'ai entendu les remarques qui m'ont été adressées. Je retire mon amendement. Cela permettra d'accélérer les débats.
L'amendement est retiré.
Amendements AS7245 de Mme Astrid Panosyan-Bouvet et AS6002 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune).
L'amendement AS7245 est retiré.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement AS6002.
Amendement AS6041 de M. Sébastien Peytavie.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS3808 de M. Sébastien Peytavie.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS3807 de M. Sébastien Peytavie.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS3809 de M. Sébastien Peytavie.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS3810 de M. Sébastien Peytavie.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
La séance est levée à zéro heure.
Présences en réunion
Présents. – - M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Bénédicte Auzanot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, Mme Chantal Bouloux, M. Elie Califer, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, M. Jean-François Coulomme, M. Charles de Courson, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Marc Ferracci, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Mathilde Hignet, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. Antoine Léaument, M. Jérôme Legavre, Mme Katiana Levavasseur, M. Sylvain Maillard, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Benoit Mournet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, M. Sébastien Peytavie, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. François Ruffin, M. Freddy Sertin, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry
Excusée. - Mme Isabelle Valentin
Assistaient également à la réunion. - Mme Ségolène Amiot, M. Carlos Martens Bilongo, M. Philippe Brun, M. Jean-Victor Castor, Mme Cyrielle Chatelain, M. Sébastien Chenu, M. Dino Cinieri, M. Sébastien Delogu, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, M. Frédéric Falcon, M. Sébastien Jumel, M. Maxime Laisney, Mme Karine Lebon, Mme Charlotte Leduc, M. Benjamin Lucas, M. Thomas Ménagé, M. Maxime Minot, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Mathilde Panot, M. Didier Paris, M. Stéphane Rambaud, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Béatrice Roullaud, Mme Danielle Simonnet, Mme Anne Stambach-Terrenoir, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Jean-Pierre Taite, M. Jean-Philippe Tanguy, Mme Aurélie Trouvé, M. Paul Vannier