France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Pour la première fois, nous avons l'occasion d'examiner une loi de programmation qui concerne l'ensemble du ministère de l'intérieur pour une période de cinq ans. Contrairement à certains esprits chagrins, nous nous en réjouissons. Ce cadre nous permet d'œuvrer ensemble au renforcement des moyens humains, technologiques et financiers et de donner à nos forces de sécurité – car c'est bien pour elles que nous sommes ici – une vision de plus long terme pour assurer leur mission.
Je parle de « leur mission » au singulier, car toutes leurs actions découlent d'une seule mission, celle de protéger : protéger la République et nos institutions ; protéger les citoyens, les entreprises, les biens et les bâtiments publics et privés ; protéger des violences, des incivilités et des trafics ; protéger chacune et chacun de ceux qui tenteraient de détruire, de piller et d'incendier ; protéger des actes de terrorisme ; protéger des atteintes à l'environnement ; protéger, et donc prévenir, par la surveillance et le renseignement, mais aussi par l'éducation, la formation, l'information.
Mesdames et messieurs les gendarmes et policiers, nous savons que dans toutes les brigades et dans tous les commissariats de France, une forte attention sera portée aux débats que nous aurons ; j'espère qu'ils seront toujours respectueux de votre métier et de votre engagement à nous protéger, parfois au péril de votre vie. La loi de programmation dont nous discutons traduit en chiffres et en actes la considération de la République pour votre action et la nécessité de renforcer votre présence au plus près de chacun de nos concitoyens.
Par ce texte, nous consacrons la hausse du budget du ministère de l'intérieur à hauteur de 15 milliards d'euros sur cinq ans. Cela permettra de doter nos forces de sécurité de moyens modernes grâce au développement des outils numériques et de renforcer les services en leur donnant également la possibilité de déléguer certaines tâches chronophages qui les empêchent d'être encore plus présents là où nos concitoyens attendent plus de sécurité, plus de proximité.
Après des années de détricotage, le précédent quinquennat a été marqué par un effort sans précédent, notamment avec le renouvellement d'une partie très importante du parc automobile et la rénovation de casernes. Les brigades en avaient grand besoin, mais il reste beaucoup à faire.
Avec ce texte, nous veillons à ce que les équilibres qui fondent l'indépendance de la police judiciaire soient maintenus dans le cadre de la réforme annoncée, grâce à l'adoption de plusieurs amendements identiques dont un du groupe Démocrate (MODEM et indépendants) qui précise les critères de sa mise en œuvre.
Nous portons aussi une attention toute particulière aux cyberattaques et à leurs conséquences pour les entreprises. La réécriture – en commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République – de l'article 4 sur les auteurs de rançongiciels est une avancée que nous saluons. Cependant, notre groupe a déposé un amendement, défendu par Philippe Latombe, afin de clarifier le périmètre de cet article et de renforcer la sécurité juridique du dispositif.
En commission, le groupe Démocrate a pris toute sa part au débat et contribué à l'amélioration des différentes mesures en gardant à l'esprit l'équilibre indispensable à l'efficacité du texte et le maintien d'une cohérence d'ensemble, dans le souci de tous les acteurs concernés par le projet de loi. Nous avons déposé un certain nombre d'amendements qui, pour une grande majorité, ont été adoptés en commission. C'est le cas de deux amendements de notre collègue Jean-Pierre Cubertafon qui élargissent le champ des réponses pénales et de la circonstance aggravante de bande organisée en cas d'accès ou d'atteinte à un système de traitement automatisé de données.
À l'article 7, plusieurs amendements de notre collègue Erwan Balanant ont également été adoptés, dont un qui introduit une nouvelle circonstance aggravante visant les outrages sexistes dans les transports publics particuliers, comme les taxis ou les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC). Avec mon groupe, j'ai souhaité par ailleurs supprimer deux articles – le 7 ter et le 14 bis – introduits au Sénat. L'un créait de l'insécurité juridique et l'autre, outre qu'il n'était pas nécessaire, faisait peser un risque sérieux d'embouteillage sur les procédures judiciaires.
En séance, nous poursuivrons notre travail de coconstruction. Notre groupe a déposé plusieurs amendements qui, sans déséquilibrer ce qui a été fait, tendent à préciser, ajuster, compléter ou invitent à avancer dans une logique d'anticipation.
Pour terminer, je voudrais dire que nous serons attentifs à ce que les différentes mesures contenues dans le texte soient traduites dans les lois budgétaires des prochaines années, car un cap qui n'est pas tenu mène à la dérive.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Force est de constater que la loi d'orientation dont nous sommes saisis met sur la table, si vous me permettez l'expression, un budget comme on en a rarement vu : 15 milliards d'euros. Cela a été assez peu souligné durant nos débats en commission, mais il faut tout de même garder à l'esprit ce qu'a indiqué le Conseil d'État : la trajectoire budgétaire proposée est relativement fragile et, en quelque sorte, non sécurisée. C'est la raison pour laquelle nous serons très vigilants, dans les années à venir, quant aux déclinaisons budgétaires annuelles de cette projection budgétaire importante.
Sur les 15 milliards, il est incontestable que les 8 milliards correspondant à la modernisation de la police, à la numérisation et à la digitalisation, à la fourniture de véhicules et à la remise en état de commissariats ou de casernes étaient absolument indispensables. Ces crédits étaient attendus et ils seront les bienvenus pour les policiers et les gendarmes qui les attendent depuis longtemps.
Mais j'aurais tendance à dire que l'argent ne suffit pas et qu'il ne fait pas l'entier bonheur.
Mais il y contribue !
Les 8 milliards vont bien entendu y contribuer, mais il n'y a pas que cela dans le projet de loi.
La sécurité et la prévention de la délinquance – j'emploie cette expression à dessein – relèvent de questions d'organisation mais aussi d'une vision, comme l'a indiqué tout à l'heure ma collègue Cécile Untermaier dans les explications de vote sur la motion de rejet.
Ce texte se caractérise par ce qu'il contient, mais aussi par ce qu'il ne contient pas et par ce qu'il aurait pu contenir. Comme le disait Mme Brocard à l'instant, nous allons bien entendu continuer le travail toute cette semaine.
Nous avons déposé un certain nombre d'amendements et plusieurs choses nous tiennent à cœur. Je pense aux juridictions spécialisées pour les violences sexuelles et sexistes intrafamiliales mais aussi à l'accueil des victimes : la solution de la plainte en ligne n'est pas toujours la plus adaptée ; il faut pouvoir écouter et accompagner les victimes différemment.
Nous reviendrons également sur la formation des policiers, mais aussi sur celle des formateurs ; 8 500 embauches de policiers et de gendarmes, cela suppose en effet de s'intéresser à la formation des formateurs, quantitativement mais aussi qualitativement – quel type de formation pour accompagner et former les policiers qui seront demain sur le terrain ?
Il nous semble également que la question des récépissés de contrôle d'identité reste d'actualité pour que la police ne prête pas le flanc à la critique. Puisque nous allons digitaliser davantage la police nationale, les récépissés de contrôle d'identité pourraient être parfaitement intégrés aux nouvelles technologies numériques dont sera dotée la police.
Cet après-midi, M. le président de la commission des lois a commis un lapsus terrible dont il n'a pas dû se rendre compte. Il a dit que le projet de loi marquait le retour de la police de proximité. Je croyais naïvement que la police de sécurité du quotidien (PSQ) avait déjà permis le retour de la police de proximité depuis 2017.
Je note que ce retour ne commence qu'aujourd'hui ; passons donc sur les cinq ans qui viennent de s'écouler.
Plusieurs sujets auraient pu être davantage travaillés : le texte ne contient rien sur les relations police-population, rien sur les relations entre la police nationale, les collectivités locales et les polices municipales qui sont fortement mises à contribution dans un partenariat de plus en plus actif avec la police nationale, et qui pourrait être mieux défini ; il ne contient rien non plus sur les partenariats locaux de sécurité.
M. le rapporteur me dira que cela fait partie du rapport annexé lequel n'a pas de valeur normative, mais il faut tout de même souligner que l'article 1er de ce rapport, qui sera voté, fixe le cadre de la départementalisation qui va permettre la mise en place administrative de la réforme de la police nationale, notamment de la réforme de la police judiciaire.
En somme, le projet de loi contient beaucoup de choses intéressantes, notamment dans la première partie de nature financière, mais il y a aussi beaucoup de sujets que nous souhaitons approfondir durant cette semaine de débat.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES. – M. Ugo Bernalicis applaudit également.
Quinze milliards d'euros sur cinq ans, c'est ambitieux, c'est inédit. C'est surtout nécessaire pour assurer au quotidien la sécurité de nos concitoyens, mais aussi pour améliorer et faciliter le quotidien des agents du ministère de l'intérieur et rendre leur travail plus efficace, au service de nos concitoyens.
La sécurité sur notre territoire, ce sont avant tout des femmes et des hommes qui ont fait le choix de consacrer leur vie professionnelle, voire souvent personnelle, à la protection de leurs concitoyens. Ils méritent que l'État soit à leurs côtés, qu'il leur donne les moyens d'exercer ce métier dont ils ont raison d'être fiers, grâce à des outils efficaces et dans un environnement de travail équilibré, au service des Françaises et des Français.
Certes, il y a beaucoup à faire, mais cette loi ambitieuse est une première réponse à la hauteur des enjeux. Tout d'abord, elle renforce considérablement les moyens humains en créant 8 500 postes et 200 nouvelles brigades de gendarmerie.
Conformément aux annonces de M. le ministre de l'intérieur, cela permettra de doubler la présence policière sur le terrain, notamment dans les zones rurales et périurbaines qui, lors des quinquennats précédents, ont pu avoir le sentiment de souffrir d'un recul de la présence de l'État. L'enjeu du lieu d'implantation de ces nouvelles brigades est déterminant. Je tiens à saluer le travail réalisé en commission avec le rapporteur qui a permis de s'assurer que le choix de ces implantations s'effectuera en concertation avec les élus locaux ; ces derniers pourront faire part de leurs observations et de leurs propositions.
Pendant tout l'examen du texte, le groupe Horizons et apparentés sera très vigilant à ce que l'action du ministère de l'intérieur associe autant que possible, et lorsque c'est nécessaire, les collectivités territoriales, notamment les communes et les maires. Rappelons que la police municipale, dont les communes sont les employeurs, fait partie intégrante du continuum de sécurité et se trouve souvent primo-arrivante voire primo-intervenante auprès de la population.
Plus de bleu dans la rue permettra sans nul doute de renforcer la proximité de nos forces de l'ordre avec le terrain, mais cette proximité ne pourra véritablement s'opérer que si elle s'accompagne d'un renforcement des moyens matériels, notamment numériques. La modernisation des outils à disposition des agents, au profit d'une efficacité accrue dans le rapport aux usagers, est un angle fort du projet exposé dans le rapport annexé et traduit dans la loi. Le déploiement massif de tablettes permettra par exemple aux policiers et aux gendarmes d'être plus mobiles et plus proches de nos concitoyens.
Nous nous réjouissons que ce renforcement des moyens de nos forces de l'ordre s'accompagne d'une amélioration de la réponse pénale. Trop souvent, nos concitoyens et les forces de l'ordre elles-mêmes ont un sentiment d'inachevé, le sentiment que la réponse judiciaire, qui arrive souvent trop tard, ne permet pas d'agir sur la délinquance du quotidien, laquelle est protéiforme – violences, trafics, rodéos urbains. La réponse pénale se doit d'être ferme et efficace ; les sanctions des auteurs de rodéos urbains – délits nuisibles et dangereux – doivent être durcies.
En outre, l'élargissement du champ de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD) est conceptuellement une très bonne chose, notamment pour désengorger nos tribunaux des affaires les moins graves, dans lesquelles les auteurs reconnaissent les faits. Sur ce sujet, les travaux parlementaires ont permis d'atteindre un point d'équilibre qu'il faut souligner. Une évaluation de ce dispositif nous paraît néanmoins nécessaire ; c'est le sens de l'amendement du rapporteur adopté en commission et que nous avons soutenu.
Moderniser, c'est enfin mieux armer la France et la police face aux nouvelles menaces. Les cyberattaques mettent de nombreux établissements publics et privés dans des situations de vulnérabilité extrême. Je pense notamment aux hôpitaux qui sont trop régulièrement touchés par ces attaques. Outre les nouveaux moyens à disposition des enquêteurs, le groupe Horizons et apparentés souhaite que la réponse de la justice soit très ferme : il est intolérable que la vie des patients puisse être mise en danger. La loi doit être particulièrement dissuasive à l'égard des criminels qui alimentent cette menace. C'est le sens de l'amendement que nous avons déposé.
Vous l'aurez compris, nous sommes convaincus que cette loi permettra à la France d'être à la hauteur des enjeux de la sécurité d'aujourd'hui et de demain. Le groupe Horizons et apparentés la votera donc avec détermination.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Quelle politique voulons-nous pour le ministère de l'intérieur ? C'est en somme la question qui sous-tend ce projet de loi, une question à laquelle nous apportons évidemment une réponse différente du Gouvernement, mais dans le même esprit républicain.
Si nous partageons l'objectif d'améliorer le lien entre la police et la population, ainsi que les conditions de travail des forces de l'ordre – agents de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile –, nous divergeons sur la méthode qu'il faut utiliser pour l'atteindre. Vous proposez la quantité, mesurée par le nombre de policiers, d'amendes forfaitaires et de caméras, quand nous proposons la qualité, mesurée tant par la satisfaction des citoyennes et des citoyens quant aux services rendus par les forces de sécurité intérieure que par le bien-être au travail des agents. Ce texte illustre parfaitement cette divergence.
Quelle politique voulons-nous pour le ministère de l'intérieur ? L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen indique que chaque être humain dispose de droits naturels et imprescriptibles, parmi lesquels la sûreté, au même titre que la liberté. Pour le groupe Écologiste, les institutions doivent être au service de la liberté et la faire respecter et prospérer afin que l'ordre général qui en découle soit celui de la paix, non celui de la force, et que l'expression « gardien de la paix » reprenne enfin tout son sens.
Quelle politique voulons-nous pour le ministère de l'intérieur ? Pour répondre à cette question, il faut avoir le courage de regarder ce qui ne fonctionne pas.
Ce qui ne fonctionne pas, c'est non le travail des agents, mais la doctrine qu'ils ont ordre de déployer et qui suscite les critiques des institutions internationales et de nos voisins européens. Cette doctrine encourage les forces de l'ordre à utiliser des lanceurs de balle de défense (LBD) et des grenades de désencerclement, armes pourtant dénoncées par l'ONU en 2019, qui causent des mutilations – on l'a vu lors du mouvement des gilets jaunes – et même des morts – je pense à celle de Rémi Fraisse, à Sivens, mais vous l'auriez probablement qualifié « d'écoterroriste », monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Cette doctrine prône la confrontation et l'escalade, à l'opposé de ce qui se pratique dans les autres pays européens. Les Anglais ont même parlé « d'agression criminelles » à son propos dans un rapport.
Ce qui ne fonctionne pas, c'est la considération que l'on porte aux agents, qui sont aussi des personnes. Les situations parfois violentes auxquelles ils sont confrontés ne donnent pas lieu à un accompagnement psychologique adapté. La politique du chiffre les soumet à une pression considérable et vide de sens leurs missions. Les heures supplémentaires s'accumulent sans donner lieu ni à une rémunération ni à une récupération. Trente-quatre policiers se sont donné la mort entre janvier et juin, dont un tiers seulement au mois de janvier. Ce chiffre devrait nous faire réfléchir. Les mouvements de contestation et de colère des agents tels que la fronde actuelle contre la réforme de la police judiciaire sont la conséquence de dix années de réformes dictées par le temps court de la vie politique et médiatique. Or ce temps court s'oppose au temps long des enquêtes et de la construction patiente d'une relation de confiance entre les policiers et la population dans toute sa diversité.
Face à ces constats alarmants pour les forces de l'ordre et nos concitoyens, le groupe Écologiste propose différentes solutions, dont nous débattrons cette semaine. Celles-ci visent à améliorer le maintien de l'ordre en France en nous inspirant des bonnes pratiques des pays européens, pour que le scandale du Stade de France, qui a entaché l'image de notre pays au niveau international, ne se reproduise jamais.
Les solutions que nous proposons ont également pour objectif de redonner du sens au métier et d'améliorer les conditions de travail en consolidant la formation des agents, en renforçant leur accompagnement psychologique et en supprimant l'opaque prime de résultats exceptionnels (PRE).
Ces solutions ont pour but de renforcer la confiance en améliorant l'accueil des mineurs et des victimes de violences sexistes et sexuelles, de violences intrafamiliales, de discriminations liées à l'orientation sexuelle ou à l'identité de genre, mais aussi en instaurant un récépissé lors des contrôles d'identité et en réformant l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour la rendre indépendante.
Enfin, les propositions que nous formulons tendent à protéger les Françaises et les Français des causes et des conséquences déjà tangibles du réchauffement climatique en renforçant les moyens de la très oubliée sécurité civile et en instaurant un véritable crime d'écocide.
Les députés du groupe Écologiste ont un projet et vont le défendre tout au long de l'examen du projet de loi. Monsieur le ministre, je vous assure : « Ça va bien se passer » !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le projet de loi que nous examinons ce soir est un texte de programmation, mais aussi un texte d'orientation. Or nous le disons sans détour : selon nous, ces orientations ne permettront d'améliorer ni la sûreté de nos concitoyens ni le lien de confiance entre les forces de l'ordre et la population.
Au fond, ce projet de loi est à l'image des lois sécuritaires qui se sont accumulées depuis vingt ans, à raison d'une tous les deux ans, sans véritable évaluation. Il s'inscrit dans la continuité de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, que le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES n'est pas le seul à avoir contestée. Le présent projet de loi entérine la politique du chiffre et la mise en danger de nos libertés fondamentales ; il réaffirme des consignes politiques qui visent à se protéger du peuple, surtout quand certains contestent ou qu'ils ne semblent pas nés sous une bonne étoile.
Monsieur le ministre, vous avez obtenu un arbitrage très favorable de Bercy. Plus de la moitié des crédits du ministère seront consacrés à sa révolution numérique avec le déploiement de la vidéosurveillance, des caméras-piétons et des frontières connectées. Notons que cet équipement dit de pointe ne remplacera jamais une présence humaine de proximité. Nous manquons pourtant d'agents de proximité.
Le rapprochement entre le ministère de l'intérieur et les citoyens devait faire partie des objectifs principaux du texte. Rappelons que le Beauvau de la sécurité a eu lieu après l'arrestation et le tabassage de Michel Zecler, dont nous gardons tous en mémoire les images terrifiantes, et après qu'Emmanuel Macron a reconnu les problèmes liés au contrôle au faciès et les violences policières. Malheureusement, le projet de loi ne tire nullement les conséquences des déclarations du Président de la République et ne prend pas les mesures qui pourraient permettre de rétablir le lien de confiance entre la police et la population. Le texte amplifie la dématérialisation du ministère au moment même où son évaluation dans les services publics a démontré qu'elle engendre l'exclusion d'un grand nombre de nos concitoyens.
S'agissant du rapprochement entre le ministère de l'intérieur et les citoyens, le point 2.6 du rapport annexé – « S'assurer que le ministère de l'intérieur ressemble davantage aux Français » – est non seulement imprécis, mais stigmatisant. Rien n'est fait concrètement pour améliorer les rapports entre la police et la population à l'exception de l'organisation de stages pour les enfants de 11 ans au sein de la gendarmerie nationale. Pour les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine, la confiance ne se décrète pas, elle se gagne. Le moteur de la confiance, c'est l'égalité. Les habitantes et les habitants des quartiers populaires demandent la sûreté et le respect de leur droit à la dignité ,
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, SOC et Écolo – NUPES
tout comme les hommes et les femmes racisés – j'utilise à dessein ce terme sociologique, plus rigoureux que le vocabulaire approximatif du rapport annexé !
En décembre 2020, je l'ai dit, le Président de la République a reconnu l'existence des contrôles au faciès et de violences de la part de certains policiers. Le projet de loi ne donne aucune suite à ses propos. Pis, il semble adopter ce dangereux slogan scandé devant nos portes : « Le problème de la police, c'est la justice. » Nous condamnons fermement cette logique qui imprègne le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Les amendements déposés par le groupe GDR et par les députés de la NUPES tentent, en dépit des contraintes imposées par l'article 40 de la Constitution, de dessiner les contours d'une police qui protège mieux, faite de gardiens de la paix plutôt que de forces de l'ordre. Vous ne serez pas surpris que nous défendions le déploiement d'une véritable police de proximité, dotée d'agents de police au plus près du terrain, et, parallèlement, l'élaboration d'une nouvelle doctrine d'emploi permettant d'établir un lien étroit et constant entre la police et la population pour répondre au mieux à ses besoins.
Les conditions de travail des policiers et des gendarmes, comme celles de tous les fonctionnaires, se dégradent année après année. L'explosion des dépressions et des suicides au sein de la police et de la gendarmerie nationales en est la preuve. Trop peu de psychologues accompagnent les gardiens de la paix après des traumatismes. Les policiers sont également nombreux à témoigner de la perte de sens de leur métier, d'autant que les ordres qu'ils reçoivent accentuent les conflits avec la population. À cet égard, nous soutenons la mobilisation des agents de la police judiciaire inquiets de la liquidation de leurs missions et de leurs compétences.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Nous défendrons plusieurs amendements au cours du débat, mais le temps me manque et je me bornerai à citer un point qui nous tient à cœur : le maintien de l'ordre en France doit entamer sa désescalade, dans un processus exactement inverse à celui proposé par le projet de loi.
Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles le groupe Gauche démocrate et républicaine votera contre le texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Le mouvement des gilets jaunes, la menace terroriste, les dangers d'un type nouveau tels que les cyberattaques et les menaces liées aux cryptomonnaies : depuis plusieurs années, nos forces de sécurité intérieure subissent une pression opérationnelle ininterrompue. Le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur leur donne les moyens de faire face à ces nouvelles problématiques, de se préparer à l'organisation de la Coupe du monde de rugby de 2023 et des Jeux olympiques de 2024, et d'assurer la sécurité du public qui assistera à ces événements.
Comme tout texte de loi, celui-ci est perfectible, mais je commencerai par citer ses points positifs. Conformément à la recommandation du rapport de la commission d'enquête sur les moyens des forces de sécurité, présidée par Jean-Michel Fauvergue et dont j'étais rapporteur, un projet de loi de programmation nous est aujourd'hui soumis. Le budget du ministère de l'intérieur bénéficie d'une augmentation de 15 milliards d'euros sur la période 2023-2027, ce qui permettra à nos policiers et à nos gendarmes d'avoir une vision claire des investissements de l'État en leur faveur au cours des prochaines années.
La revalorisation de la rémunération des agents du ministère de l'intérieur, soit un investissement d'un demi-milliard d'euros, est également un motif de satisfaction. Les fonctionnaires concernés seront notamment les fonctionnaires travaillant de nuit, les « nuiteux », dont la prime, qui s'élève actuellement à 98 centimes brut de l'heure, pourrait représenter demain jusqu'à 300 euros par mois, soit une hausse non négligeable. Les officiers de police judiciaire (OPJ), en nombre insuffisant dans les commissariats, seront également concernés par cette revalorisation puisque leur prime va passer de 80 à 130 euros, ce qui permettra d'améliorer l'attractivité du métier. Les OPJ, soumis à une charge de travail importante, sont satisfaits de cette mesure qui témoigne d'une reconnaissance de leur mission et de leur investissement.
Soulignons également que plus de 200 brigades de gendarmerie vont être créées dans les zones rurales de notre territoire. À ce sujet, monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que la troisième circonscription du département des Vosges a formulé une demande officielle en ce sens.
Oui, vous m'avez écrit !
La sécurité civile va être dotée de trente-six nouveaux hélicoptères. J'ai été aux côtés des sapeurs-pompiers pendant vingt-quatre heures quand des feux ont touché mon territoire et je suis convaincu que de nouveaux hélicoptères permettront de mieux protéger la forêt des incendies et de sauver la biodiversité. Les investissements prévus par ce projet de loi contribueront donc aussi à protéger notre environnement.
In cauda venenum : certains points du texte peuvent être améliorés. Je regrette notamment que plusieurs amendements relatifs au continuum de sécurité aient été déclarés irrecevables. Ils proposaient que des directeurs et des chefs de police municipale, ainsi que des brigadiers et des brigadiers-chefs, puissent bénéficier respectivement du statut d'OPJ ou d'APJ (agents de police judiciaire). Les policiers municipaux travaillent au plus près de nos concitoyens. Il est important de leur donner les moyens d'aider la police et la gendarmerie.
En ce qui concerne les amendes forfaitaires délictuelles, j'étais favorable, à titre personnel, à leur généralisation, prévue dans la première version du texte. À titre d'exemple, un tapage nocturne représente plus de quatre heures de procédure pour nos policiers et nos gendarmes. C'est la raison pour laquelle le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires a déposé des amendements visant à développer les amendes forfaitaires délictuelles. Sous réserve des débats à venir et du sort qui sera réservé à nos amendements, nous voterons en faveur du projet de loi.
Nous entamons l'examen attendu de longue date du projet de Lopmi, qui vise à traduire concrètement les engagements pris lors du Beauvau de la sécurité. Au diapason des grandes lois d'orientation adoptées durant le précédent quinquennat en faveur de la défense et des forces armées, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce texte consacrera un engagement pris par le Président de la République devant les Français et par la Première ministre, lors de son discours de politique générale, devant la représentation nationale.
Par ce projet de loi, chers collègues, nous entendons faire face aux profondes mutations auxquelles nos forces de l'ordre sont confrontées dans le domaine du maintien de l'ordre, mais aussi dans celui de la lutte contre la criminalité, qui se développe sur de nouveaux terrains. Figurant parmi les premiers projets de loi d'orientation relatifs au ministère de l'intérieur, il est très attendu par les agents qui en dépendent, exposés de manière croissante, exerçant des tâches toujours plus complexes, exposées et périlleuses. En tant qu'élus, notre responsabilité consiste à réunir les conditions nécessaires au bon accomplissement de leur mission.
Très concrètement, le texte détermine nos grandes orientations stratégiques en matière de sécurité publique, ainsi que les moyens budgétaires qui seront mobilisés et sanctuarisés durant la période comprise entre 2023 et 2027. L'objectif est clair, sa philosophie fait consensus : il s'agit de moderniser et renforcer notre politique de sécurité afin qu'elle soit plus efficace, forte et juste face à toutes les formes de violence qui ne cessent d'évoluer, depuis les incivilités du quotidien jusqu'au terrorisme en passant par la petite délinquance et la criminalité organisée. Pour relever ce défi, les moyens humains et techniques seront au rendez-vous grâce à un effort financier inédit de 15 milliards d'euros, permettant notamment le recrutement de 8 500 agents supplémentaires, le déploiement de 200 brigades de gendarmerie dans l'ensemble du territoire et une transformation numérique profonde.
Nous avons ainsi élaboré un projet de loi répondant à trois grands enjeux qui sont autant d'aspects du défi à relever. Tout d'abord, la révolution numérique simplifiera le travail des agents du ministère, mais également la vie de nos concitoyens. Plus de la moitié des crédits prévus seront investis dans des outils numériques et juridiques afin de fluidifier, sécuriser et améliorer les tâches des forces de l'ordre en lien avec la justice pénale. La nécessité de ces mesures se révèle d'autant plus impérieuse que la cyberdélinquance connaît une constante et inquiétante progression : désormais, selon le rapport annexé au projet de loi, plus des deux tiers des escroqueries trouvent leur origine sur internet ou sont facilitées par son usage. L'action du ministère reposera sur sa capacité d'anticipation et de prévention : c'est pourquoi une école de formation cyber sera créée, et 1 500 nouveaux cyberpatrouilleurs formés et déployés en vue de faciliter la répression des plateformes du darknet où s'opèrent des transactions dont l'objet est illicite.
Ensuite, nous ferons reculer l'insécurité en renforçant la présence des policiers et des gendarmes sur le terrain, où il le faut, quand il le faut, afin de réprimer les délits qui pourrissent la vie de nos concitoyens – je pense en particulier au harcèlement de rue ou encore aux rodéos urbains. La proximité est au cœur de ce projet de loi : il convient de recentrer l'attention sur la victime et de renforcer le maillage des forces de l'ordre, des maisons France Services, le redéploiement des administrations centrales dans les territoires ruraux, stratégie qui a fait ses preuves au cours du précédent quinquennat.
Enfin, nous modernisons notre modèle de gestion de crise, avec davantage de moyens humains pour soutenir les forces de l'ordre dans l'accomplissement de leur tâche quotidienne – nous créons par exemple des assistants d'enquête –, mais aussi avec de nouveaux moyens technologiques, comme le Réseau radio du futur (RRF) qui unifiera les communications de l'ensemble des services d'ordre et de sécurité civile.
L'examen du texte en commission a été l'occasion de préciser collectivement certains articles du texte et alinéas du rapport annexé : l'article 4, afin de mieux protéger les entreprises contre le risque que représentent les rançongiciels ; l'article 6, afin de mieux garantir les droits des victimes qui auront recours à la télécommunication audiovisuelle dans le cadre d'un dépôt de plainte ; l'article 7 bis , pour étendre à de nouveaux délits la procédure de l'AFD. Avant que ne débute l'examen des amendements, je tenais à souligner la qualité de ces discussions en commission, le sérieux du travail accompli ces dernières semaines et l'esprit de responsabilité qui a présidé aux travaux de toutes les parties prenantes conviées pour l'occasion.
Ce texte propose des avancées qui permettront de répondre aux attentes des forces de l'ordre et des acteurs de la chaîne pénale, mais aussi aux légitimes exigences de nos concitoyens qui aspirent à une plus grande sécurité dans le strict respect de nos valeurs et des principes de la République. Je ne doute pas que nos débats seront marqués du sceau de cette double ambition et que le sens des responsabilités l'emportera sur toute autre considération.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE. – Mme Anne Le Hénanff applaudit également.
À l'heure où la délinquance explose et s'étend partout sur le sol français, où la criminalité s'accroît, toujours plus brutale, toujours plus mortifère, où le nombre d'agressions a été multiplié par sept depuis 1988 ; à l'heure où l'indice de criminalité de la France est le deuxième d'Europe, juste derrière la Biélorussie ; à l'heure où l'ouvrage La France Orange mécanique de Laurent Obertone, publié il y a bientôt dix ans, paraît de plus en plus connecté à la réalité de l'insécurité actuelle ; à l'heure où le seul fait d'être Français peut susciter des menaces, voire une agression, il faut agir. Jamais nos libertés, notre mode de vie, n'ont été autant que ces dernières années attaqués en France même, dans notre quotidien. Avant toute chose, je veux rendre hommage à nos forces de l'ordre, aux policiers, aux gendarmes, qui œuvrent sans relâche à protéger nos concitoyens ; ils méritent la reconnaissance de la nation. Non, la police ne tue pas : elle nous protège !
Depuis longtemps, les élus du Rassemblement national ont alerté les gouvernements successifs sur l'état de la sécurité. Vous nous proposez aujourd'hui – enfin ! – un projet de loi de programmation, monsieur le ministre. Reste que dans les faits, vous ne programmez que le rattrapage du retard accumulé en matière de renforcement des forces de l'ordre, voire le rattrapage de la suppression, durant la présidence de Nicolas Sarkozy, de milliers de postes de fonctionnaires de police et de gendarmerie ; autrement dit, vous faites en 2022 ce qui aurait dû être accompli en 2012. Même votre prédécesseur Gérard Collomb déclarait hier : « Si je m'étais exprimé avant la présidentielle, mon intervention aurait pu inverser le résultat de cette élection, et Marine Le Pen être élue. C'est pourquoi je me suis tu. » Quel dommage !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Par pur électoralisme, vous bradez la sécurité des Français. Votre conception de la démocratie se révèle une façade ; vous êtes les Mozart de la communication ! Cette hausse de la délinquance est directement liée aux politiques laxistes appliquées depuis des décennies : Gérard Collomb reconnaît également qu'en matière de sécurité et de lutte contre l'immigration, « nous avons perdu cinq ans ».
Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
On perçoit clairement dans ce texte un défaut de volonté politique. Où est-elle, lorsqu'en dépit des 15 milliards annoncés, le budget de votre ministère n'augmentera que de 1,3 milliard en 2023, puis de 880 millions en 2024 ? La situation nécessitait pourtant des investissements massifs dès les premières années. Où est votre volonté politique de protéger efficacement les forces de l'ordre dans le cadre de leurs missions ? Où est la notion de légitime défense dont elles demandent avec tant d'insistance à bénéficier ? Celle-ci assurerait le réarmement moral de ceux qui nous protègent. Où est votre volonté politique de faire régner l'ordre partout, de nos campagnes à nos quartiers, pour nos compatriotes qui paient de plus en plus d'impôts ?
Murmures et soupirs sur divers bancs.
Où est votre volonté politique lorsque, tout en prétendant vouloir faire appliquer 100 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF), vous atteignez à peine un taux d'exécution de 10 % et accueillez cependant toujours plus de nouveaux arrivants sur notre territoire ? Où est votre volonté politique, votre fermeté s'agissant des questions migratoires, lorsque vous envoyez un message d'accueil aux passeurs et aux bateaux de migrants ?
Mme Marie Pochon s'exclame.
Ce sujet-là viendra plus tard !
Où est votre volonté politique de rendre aux Français un travail, lorsque vous voulez régulariser des travailleurs étrangers, alors que la France compte 6 millions de chômeurs ? Par ailleurs, il faut espérer que notre pays sera en mesure d'accueillir des événements sportifs internationaux sans donner une image d'ensauvagement et de désordre. L'affaire du Stade de France, monsieur le ministre, est l'exemple même de votre incompétence et de votre malhonnêteté, puisque vous aviez désigné les supporters anglais comme responsables ! En réalité, cette future loi n'aura d'incidence que si la réponse pénale devient réellement ferme envers ceux qui saccagent notre pays…
…et s'en prennent à nos modes de vie. Nous sommes dans le « en même temps » macroniste : tandis que vous évoquez, monsieur le ministre, « l'ensauvagement d'une partie de la société », Éric Dupond-Moretti décrète que le sentiment d'insécurité est « de l'ordre du fantasme », si bien qu'il y a fort à parier que vos illusions sécuritaires seront balayées par le laxisme du garde des sceaux. À force de s'appuyer tantôt sur son aile droite, tantôt sur son aile gauche, le Gouvernement finira tout simplement par se brûler les ailes.
Reste que ce texte aboutira tout de même, pour les forces de l'ordre, à des avancées bonnes à prendre : quelques améliorations de procédures pénales qui faciliteront leur travail, des moyens légèrement améliorés, modernisés et renforcés. Nous soutiendrons tout ce qui va dans ce sens, car nous souhaitons comme toujours, comme partout, défendre les Français et ceux qui les protègent. Nous serons donc fermes s'agissant du devenir de la future loi, des promesses du rapport annexé, du déploiement des moyens figurant dans le texte. Il ne pourra y avoir d'erreur car, parlementaires que nous sommes, la situation du pays nous oblige ! Nous voterons, je le répète, en faveur de tout ce qui est octroyé aux forces de l'ordre afin d'améliorer la sécurité de nos compatriotes. Pour autant, je vous le dis : seul un gouvernement patriote, ayant la volonté politique de s'attaquer aux causes et aux conséquences de l'insécurité, sera capable de ramener de l'ordre dans notre beau pays. Ce gouvernement, ce ne sera jamais le vôtre ; ce sera le nôtre, car l'avenir nous appartient !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La sûreté est un droit premier des citoyens : protection des biens et des personnes, certes, mais aussi protection à l'égard des institutions, ce qui constitue le cœur de notre propos alors que nous examinons le projet de Lopmi. Au vu de ce sujet majeur et de l'intitulé de la loi, on s'attend à trouver dans le rapport annexé une analyse des délinquances au-delà du stup' et du maintien de l'ordre, ainsi qu'un bilan de l'efficacité – car c'est bien elle qui nous occupe, voire nous préoccupe – des mesures contenues dans les neuf lois sécuritaires adoptées en cinq ans. Rien de tout cela, mais d'autres lacunes que j'oserai qualifier de coupables. Rien, ou si peu, sur les moyens de l'État dans les territoires, particulièrement dans les préfectures et sous-préfectures ; trop peu au sujet de la sécurité civile, rien sur le trafic d'armes, rien – absence remarquable – sur la délinquance financière et économique, l'évasion fiscale, la corruption, dont l'existence ne saurait pourtant être contestée !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je me permets de parler de défaut de transparence, d'une transmission tardive de la programmation budgétaire, elle-même insuffisamment précise. Ce ne sont pas les ressources ni le cœur, mais bien le temps qui nous a manqué pour concevoir des solutions alternatives à votre proposition.
Vous êtes dans l'opposition depuis cinq ans : ça laisse le temps de travailler !
Pourtant, 15 milliards d'euros constituent, ma foi, une somme suffisamment importante. Nous allons donc mobiliser des moyens colossaux, mais pour quelle police ? Cela ne devrait-il pas être le point de départ de notre réflexion ? Nous voulons une police de proximité, au milieu des habitants, apaisante, disposant d'effectifs fidélisés, enracinés dans leur secteur, voire logés sur place, comme cela pouvait être le cas il n'y a pas si longtemps. Nous voulons l'antithèse des brigades anticriminalité (BAC), l'exact contraire de cette police de saute-dessus, de flagrants délits, qui se borne à suivre les consignes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Ne confondons pas le marteau et la main qui le tient !
Contrôler toujours les mêmes, vider la mer avec les mains : le métier de nos policiers perd son sens et eux-mêmes en souffrent. Cela ne fait qu'accentuer le malaise ; depuis le début de l'année, on a recensé parmi eux trente-neuf suicides. De ce mal-être, il n'est pas question au sein du rapport annexé. Bon courage pour recruter ! Permettons donc aux policiers, au contraire, d'apaiser leurs relations avec la population, d'en accroître la transparence, par exemple par un numéro d'immatriculation porté de manière systématique et visible, par un récépissé de contrôle d'identité ,
M. Benjamin Lucas applaudit
et bien sûr en réformant l'instance de contrôle, l'IGPN, qui doit devenir totalement indépendante. Nous n'avons pas besoin de gadgets technologiques, de voitures augmentées, de caméras qui tournent en permanence.
Il est certain que des caméras, on n'en trouve pas beaucoup chez vous !
À trop regarder, on ne voit plus rien ! Aucune caméra thermique installée aux frontières ne remédiera aux causes des migrations – misère et bouleversements climatiques. Nous n'avons pas besoin d'exosquelettes, ni de dépôts de plainte par visioconférence, pas même pour les atteintes aux personnes.
M. Benjamin Lucas applaudit.
La police du futur est non cette technopolice, mais une police connectée aux intérêts et aux besoins de la population. Il convient de s'interroger : tous nos débats peuvent-ils être ramenés à la question des effectifs ? La difficulté ne vient-elle pas de l'appauvrissement de la formation initiale et continue des policiers, de la doctrine d'emploi, des ordres qu'on leur donne ? Le développement massif des AFD, voulu par le Gouvernement, retire à la peine tout caractère individualisé, toute proportionnalité, toute signification, et empêche l'exploitation d'éventuels renseignements. Avec le texte adopté par la commission, les récidivistes seront également concernés : payez et circulez – si toutefois vous en avez les moyens, la plupart des AFD restant d'ailleurs impayées.
M. le ministre proteste.
Vous le contestez, monsieur le ministre ? Alors vous nous fournirez des statistiques à ce sujet.
Bien sûr ! Ce que vous dites est totalement faux.
Le policier à la fois policier, enquêteur et juge, cela n'est pas conforme à l'État de droit, tout simplement. Il est illusoire d'imaginer, comme le Sénat l'a fait en apportant ses modifications au texte, qu'il y a un lien entre la sévérité des peines et les délits commis ; c'est plutôt l'inverse qui est prouvé.
Bref, vous prônez une police uniquement répressive, de voie publique, concentrant son action sur les mêmes populations : les habitants des quartiers populaires, en particulier les jeunes hommes et les militants. Nous voulons aussi, aux côtés de cette politique de proximité, une police judiciaire, elle aussi de haut niveau, formée, expérimentée et indépendante. Voilà tout ce que nous défendrons au travers de nos amendements. En un mot, nous voulons des gardiens de la paix et non des forces de l'ordre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nous entamons l'examen d'un projet de loi essentiel : le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Il est essentiel, car il déterminera les moyens que nous allouons aux femmes et aux hommes qui risquent chaque jour leur vie pour assurer la sécurité des Français. Il est essentiel également car il déterminera la place que nous accordons à celles et ceux qui font respecter les lois de la République, à celles et ceux qui maintiennent l'ordre républicain.
À nos policiers et à nos gendarmes, je veux dire en introduction, au nom des députés du groupe Les Républicains, qu'ils sont le plus beau visage de la République et qu'ils pourront toujours compter sur notre soutien plein et entier.
Je sais qu'il est de bon ton de remettre en cause la légitimité de nos forces de l'ordre, de crier à la bavure à la moindre occasion ; je sais que certains, à l'extrême gauche de cet hémicycle, aiment prétendre que les forces de l'ordre seraient une menace pour les plus précaires dans notre pays. Je veux au contraire rappeler ma conviction que les habitants de nos quartiers populaires, que les citoyens les plus défavorisés sont ceux qui ont le plus besoin de la protection de nos policiers et de nos gendarmes.
À ceux qui mettent sur le même plan la parole d'un délinquant multirécidiviste et celle d'une policière ou d'un gendarme qui revêt chaque jour l'uniforme au péril de sa vie pour défendre la République, je veux dire qu'ils sont irresponsables et qu'ils nous trouveront toujours sur leur chemin.
J'en reviens au contenu de cette Lopmi : nous aurions évidemment souhaité qu'elle aille plus loin sur la question des moyens humains et financiers pour lutter contre la délinquance. Notre pays connaît depuis quelques années une augmentation des violences et des atteintes aux biens et aux personnes. Le Gouvernement et la majorité présidentielle ont fait preuve d'angélisme et d'un certain déni de réalité depuis 2017. Si vous avez reconnu, monsieur le ministre, l'accélération de la délinquance et l'ensauvagement d'une partie de la population, vous avez immédiatement été contredit par le garde des sceaux pour qui « le sentiment d'insécurité est pire que l'insécurité elle-même » et qui a cru bon d'ajouter que « le sentiment d'insécurité est de l'ordre du fantasme ».
Ce « en même temps » symbolise d'ailleurs ce qui nous pose problème dans le texte proposé par le Gouvernement, lequel accorde des moyens supplémentaires à nos forces de l'ordre mais ne permet pas aux parlementaires d'agir sur la réponse pénale. Or la réponse pénale face aux délinquants est essentielle, alors que de plus en plus de peines ne sont pas exécutées. C'est en ce sens que nous voulions enfin instaurer des peines minimales de prison, dites peines planchers, à l'encontre des personnes reconnues coupables d'un crime ou d'un délit commis contre ceux qui nous protègent, c'est-à-dire nos gendarmes, nos policiers, nos sapeurs-pompiers ou nos douaniers.
Ces agressions sont intolérables, mais nos amendements ont été jugés irrecevables en raison d'une appréciation étroite de l'article 45, alinéa 1er ,
S'agissant de la question des moyens, nous saluons la hausse des crédits de 15 milliards d'euros sur cinq ans et le recrutement de 8 500 membres supplémentaires des forces de l'ordre. Nous serons vigilants quant à l'affectation de ces moyens, alors qu'à l'heure actuelle, nous ne disposons d'aucune information sur le sujet et que l'inflation d'au moins 6 %, conduit à relativiser ce chiffre. Or les besoins sont là. Ainsi, le budget alloué à la rénovation des bâtiments publics du ministère de l'intérieur, pour ne prendre que cet exemple, est largement insuffisant : 80 % des casernes de gendarmerie ont plus de vingt-cinq ans et un commissariat sur quatre est jugé vétuste par l'IGPN. Nous devons garantir de bonnes conditions de travail à nos forces de l'ordre. Or les moyens alloués par cette loi de programmation nous semblent nécessaires mais encore insuffisants.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, si nous pensons que cette Lopmi pourrait aller plus loin, nous reconnaissons les avancées qu'elle comporte et nous souhaitons l'enrichir – contrairement à nos collègues de La France insoumise, qui présentent nos forces de l'ordre comme des barbares et qui évoquent une police qui tue, pour reprendre les propos de leur leader Jean-Luc Mélenchon.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il y a quinze jours, en commission des lois, ils nous proposaient très sérieusement d'arrêter les contrôles routiers pour mettre un terme aux refus d'obtempérer.
Tout au long de l'examen du texte, les députés du groupe Les Républicains formuleront des propositions pour renforcer les moyens alloués à la lutte contre la délinquance. À ce titre, je salue l'adoption en commission des lois de l'amendement de notre collègue Éric Ciotti qui prévoit l'augmentation à 3 000, contre 1 859, du nombre de places en centres administratifs fermés.
Si notre pays expulse moins de 10 % des étrangers en situation irrégulière visés par une OQTF, cette proportion monte à plus de 40 % lorsqu'ils sont placés en centre de rétention administrative (CRA), ce qui prouve l'efficacité de ce dispositif. De même, je salue l'adoption de l'amendement que j'ai défendu au nom de notre groupe et qui permettra aux services douaniers de consulter le fichier du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) pour contrôler plus efficacement les antécédents de ceux qui souhaitent entrer sur le territoire national.
En séance, nous proposerons d'élargir le champ des délits concernés par l'établissement d'une amende forfaitaire délictuelle. Certes, nous préférerions que chaque délinquant soit visé par une procédure judiciaire mais les délits que nous vous proposerons d'ajouter à la liste de ceux qui sont aujourd'hui couverts par l'AFD ne sont jamais sanctionnés, et il nous semble essentiel d'en finir avec l'impunité s'agissant de ces infractions qui pourrissent la vie de nos concitoyens. C'est pourquoi nous proposerons également de relever le montant de l'AFD pour ces délits.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, nous ne ferons pas obstruction à ce projet de loi d'orientation et de programmation, qui est nécessaire, mais nous serons force de proposition pour l'améliorer considérablement car nous considérons que son contenu n'est aujourd'hui pas suffisant. De même, nous serons extrêmement vigilants s'agissant de l'utilisation des moyens et de leur bonne mise en œuvre. Nos forces de l'ordre méritent mieux que des paroles, elles méritent des actes, et les députés Les Républicains seront, comme toujours, du côté de ceux qui agissent.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Inédit ! C'est le qualificatif employé par certains pour présenter un texte qui pèse 15 milliards d'euros et qui promet la création de 8 500 postes durant le quinquennat. Ces chiffres donnent envie de croire à une véritable prise de conscience, doublée d'une réelle volonté de mettre fin à l'insécurité galopante qui fracture notre société. Professeur d'histoire-géographie décapité au nom de l'islamisme ; adolescente tabassée et jetée dans la Seine par jalousie ; enfant de 12 ans martyrisée puis assassinée par une femme frappée d'une OQTF ; forces de l'ordre caillassées dans les quartiers chauds ; policiers brûlés pour avoir voulu faire respecter l'ordre ; retraité traîné sur 100 mètres par la voiture de petites frappes ; agressions violentes pour un paquet de cigarettes ; insultes pour un mauvais regard : la France est défigurée.
Pour en finir avec voyous, délinquants et criminels en tous genres, de grands chantiers sont à mener. L'un d'eux est celui de la police de proximité, celle qui connaît chaque rue d'une commune, chaque recoin sombre pour traquer ceux qui pourrissent la vie des Français. Cette police de proximité, c'est la police municipale. Malheureusement, elle est la grande absente de ce projet de loi.
Pour justifier cette omission, monsieur le ministre, et face à l'incompréhension des élus, vous avez rappelé la récente décision du Conseil constitutionnel, qui a censuré douze articles de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, dont celui instaurant la possibilité de conférer aux policiers municipaux et aux gardes champêtres de nouvelles compétences judiciaires.
Vous avez ajouté que, si nous voulions donner plus de pouvoir aux polices municipales, il fallait changer la Constitution. Eh bien, qu'à cela ne tienne !
Certains ici sont prêts à le faire pour l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Pourquoi ne pas le faire pour notre police municipale, troisième force de sécurité intérieure de notre pays avec la police nationale et la gendarmerie ? Elle compte 22 000 agents au service de la sécurité des Français : cela en vaut la peine, vous en conviendrez ! Aussi ai-je déposé une quinzaine d'amendements pour que la police municipale puisse, par exemple, procéder à des contrôles d'identité et à des fouilles lors des manifestations, pour qu'il lui soit permis d'exercer ses missions en civil et armée lorsque c'est nécessaire, ou encore qu'elle puisse accéder directement à certains fichiers. Ces amendements de bon sens ont été jugés irrecevables…
…avant même que le Conseil constitutionnel ne se prononce, entérinant la mise au ban d'une police municipale sous-estimée. Je le déplore d'autant plus que Béziers a choisi, comme d'autres villes, d'équiper ses agents avec du matériel de défense et de sécurité moderne. Dotés de ce matériel et riches de leur connaissance du terrain, les agents deviennent une force particulièrement bien formée et une source d'information pour la lutte contre toutes les formes de délinquance.
Reste que je ne veux pas passer sous silence les véritables avancées du texte. Je pense aux deux cents brigades de gendarmerie qui seront déployées sur le territoire national d'ici à cinq ans ; à l'accent mis sur la cybercriminalité avec le recrutement de 1 500 cyberpatrouilleurs – à condition qu'ils soient formés et dotés de moyens leur permettant de rivaliser effectivement avec les personnes qu'ils traquent. Je pense encore à la volonté de mieux accueillir les victimes de crimes et délits et à celle de renforcer les filières d'investigation, notamment en simplifiant la procédure pénale et en formant tous les policiers et gendarmes aux fonctions d'officiers de police judiciaire. Je pense aussi à la volonté de doubler la présence sur la voie publique des policiers et gendarmes d'ici à 2030 – mesure essentielle dont Béziers a pu évaluer l'efficacité avec les soixante-dix CRS déployés dans le territoire de la commune. Les Biterrois comme moi-même vous en remercient, monsieur le ministre. Autre avancée, la dotation de nos forces de sécurité de matériels performants avec le déploiement par exemple de drones, en appui opérationnel ou pour le recueil de renseignements. Enfin, comment ne pas applaudir votre volonté de mieux sécuriser nos frontières en équipant les policiers de matériels innovants ?
Tout cela est positif, évidemment. J'ai un regret cependant : l'essentiel de vos engagements réside dans le rapport annexé au projet de loi – rapport qui, je le rappelle, n'a pas de valeur législative. À l'heure où 75 % des Français considèrent qu'en matière de lutte contre l'insécurité, le bilan d'Emmanuel Macron est négatif, je ne conclurai pas mon propos par un « attendons de voir si les actes sont à la hauteur des promesses », tellement convenu, mais par un immense hommage et l'expression de mon attachement sans faille à nos forces de l'ordre, dont la patience et le professionnalisme forcent chaque jour mon admiration.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – M. Éric Pauget applaudit également.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Permettez-moi d'abord, madame la présidente, de remercier les parlementaires qui se sont exprimés en faveur du texte ou qui ont formulé des observations constructives, comme Mme Lebec, M. Pradal, Mme Brocard, M. Naegelen et M. Boucard – même si je tiens à rappeler à ce dernier que, dans mon discours de présentation du texte, il me semble avoir pris soin d'expliquer que le sujet de la justice serait abordé dans un autre texte, défendu par le garde des sceaux. Je ne nie pas, bien sûr, que l'harmonie doive régner entre le travail législatif portant sur le texte du ministre de l'intérieur et celui portant sur le texte du garde des sceaux, mais ces textes ne se confondent pas. D'ailleurs, personne n'a jamais proposé aucune loi d'orientation et de programmation commune entre police et justice. On en parle à chaque fois lorsque l'on est dans l'opposition, mais on ne le fait jamais quand on est au gouvernement. Le temps viendra de la discussion avec le garde des sceaux. J'ai l'impression que vous la souhaitez ardemment, que vous en rêvez…
…mais pour l'instant, il faudra vous contenter de moi ! J'espère que je vous suffirai cette semaine.
Je voudrais répondre en trois points à Mme Ménard, en commençant par la remercier pour ses propos de remerciement : elle a au moins l'honnêteté intellectuelle de souligner qu'elle voit plus de bleu sur le terrain, ce qui est une très bonne chose à Béziers et ailleurs.
Comme l'a dit le président Houlié tout à l'heure au sujet de Marseille, je ne regarde pas les couleurs politiques des maires lorsque les gens ont besoin de sécurité…
D'ailleurs, le jour où Strasbourg et Grenoble demanderont des CRS, je les y enverrai avec grand plaisir. Commençons par mettre des caméras de vidéoprotection, et nous en reparlerons ensuite.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne distingue pas les Français d'après leurs votes…
…car ils ont tous besoin de sécurité. La différence avec d'autres, madame Oziol, c'est que je ne vis pas de l'opposition morale avec le Front national. Personnellement, je bats ses candidats dans ma circonscription, mais c'est un autre sujet.
J'en reviens à ce qui nous occupait, madame Ménard. La loi de programmation du ministère de l'intérieur est, comme l'a très bien dit monsieur le rapporteur, la loi de programmation du ministère de l'intérieur – pardon pour cette tautologie. Elle n'a pas, par nature, à traiter d'autres sujets liés à la sécurité. Nous aurions pu parler de la sécurité privée, des polices municipales, de l'administration pénitentiaire, qui est une force de sécurité en tant que telle, ou encore des douaniers, qui interviennent évidemment au service de la sécurité de nos concitoyens et des marchandises : nous aurions pu parler de bien d'autres choses, en somme. Il se trouve cependant que le texte que nous examinons est un projet de loi de programmation du ministère de l'intérieur. Ce n'est pas, comme la loi de sécurité globale, un texte qui traite de sécurité au sens législatif et général du terme, dans le cadre de laquelle des partenariats et des alliances doivent être noués et dans laquelle il serait idiot de ne pas traiter l'ensemble de la chaîne de sécurité ou d'oublier par exemple les polices municipales ou la sécurité privée.
Ici, nous parlons des crédits alloués au ministère de l'intérieur – c'est le principe même d'une loi de programmation budgétaire. Lorsque vous examinez une loi de programmation militaire, vous n'abordez pas les sujets qui concernent certes la protection du territoire et nos armées mais qui dépassent le cadre stricto sensu des crédits du ministère des armées. Ne nous faites donc pas cette mauvaise critique. C'est d'ailleurs à bon droit – permettez-moi un mot, monsieur le président Houlié, sur la recevabilité des amendements bien que je n'y aie pas ma part – que certains amendements ont été écartés en toute bonne foi car ils n'ont pas trait au texte.
Ensuite, il faut, dites-vous, changer la Constitution : c'est votre droit le plus strict. Il se trouve que je vous présente un projet de loi ordinaire.
Je ne suis pas un constituant – pas davantage, en tout cas, que 69 millions d'autres Français. Les parlementaires, en revanche, le sont. Si vous souhaitez changer la Constitution, n'hésitez pas à le proposer,…
…mais il se trouve qu'un ministre présente un projet de loi ordinaire ou, au mieux, organique, lorsqu'on lui permet de le faire. Il est vrai que ce qui relèverait d'une modification constitutionnelle ne figure pas dans cette loi – il n'est pas malhonnête de vous le dire.
Enfin, le rapport annexé, certes, n'a évidemment pas de valeur législative. Cependant, de même que le rapport annexé à un projet de loi de programmation militaire, il présente le grand avantage d'assurer la transparence des orientations du ministère, dont beaucoup dépendent d'éléments réglementaires et très pratiques. Que serait le ministre de l'intérieur s'il demandait 15 milliards de crédits au Parlement sans préciser dans quel but ? Certaines dispositions sont de nature législative, et il est normal que le Parlement se prononce sur les articles correspondants. D'autres sont de nature réglementaire ; je vous les présente par honnêteté. Elles engagent aussi le Parlement mais davantage à titre d'information, pour qu'il connaisse la bonne utilisation des crédits. Il a été beaucoup question de droits de l'homme à la tribune : il me semble important que chacun ici puisse contrôler le bon usage de l'argent public. Il n'y a donc aucune malice de la part du Gouvernement à vous présenter des mesures non législatives ; cela témoigne seulement d'une volonté de transparence.
Monsieur Guitton, je suis un peu surpris par votre intervention. Comme le Sganarelle de Molière qui, après une démonstration complexe et quelque peu lointaine, conclut : « Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette », vous avez consacré – sans doute le moment était-il venu pour vous de le faire – les deux tiers de votre intervention à critiquer fortement l'action du Gouvernement et du Président de la République. C'est votre droit le plus strict, mais au bout du compte, on n'a toujours pas compris si vous alliez voter pour le texte !
Au reste, on n'a pas davantage compris quelles sont vos propositions. En revanche, pour tout vous dire, on a bien compris que vous êtes très embêté. Depuis plusieurs jours, votre groupe accumule les élucubrations sur les plateaux de télévision, annonçant tantôt qu'il pourra peut-être voter le texte, tantôt qu'il verra bien, que le texte est terrible mais qu'en même temps, il prévoit 15 milliards d'euros supplémentaires… Bref, ce n'est pas clair. Comme dirait une grande philosophe de chez moi, monsieur Bernalicis, « quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup ».
Sourires sur divers bancs.
On sent en effet que la position du Rassemblement national n'est pas claire du tout – peut-être faudra-t-il que votre groupe demande quelques suspensions de séance afin que vous vous mettiez d'accord. Il y avait beaucoup de choses dans votre intervention, comme dans une salade niçoise – veuillez m'excuser, monsieur Pradal.
De l'immigration, de la justice, du garde des sceaux, Marine Le Pen et ainsi de suite : il y avait de tout, et surtout de n'importe quoi.
En fin de compte, pourtant, il n'y avait pas de proposition. Quelle est votre proposition ? Nous ne l'avons pas compris.
L'attente du grand soir, est-ce là votre proposition ? Il va quand même falloir expliquer votre projet aux Français, leur dire comment vous utiliserez cet argent ! Au moins a-t-on compris que pour une partie de la NUPES – mais pas toute, car il y a un peu de discorde chez l'ennemi, comme dirait le général
Rires sur divers bancs du groupe RE
–, les policiers sont plutôt méchants, qu'il faut les désarmer et qu'il existe une distinction sémantique très intelligente entre forces de l'ordre et gardiens de la paix. Bref, on a compris qu'ils n'aiment pas tellement les policiers tels qu'ils existent aujourd'hui, qu'ils souhaitent supprimer la BAC, éviter les interventions, etc. Vous, en revanche, on n'a pas compris ; vous êtes un peu embêté. Qu'à cela ne tienne : nous avons une semaine pour que vous précisiez votre projet. Aucun problème !
Nous avons une semaine pour découvrir ce que vous finirez par voter, et nous y serons attentifs.
Je suis très patient. Je constate seulement que pour des gens qui font commerce de la sécurité, vous êtes bien courts ! Manifestement, et contrairement à ce que vous dites à vos électeurs, vous n'étiez pas prêts à arriver au pouvoir car, quand on vous propose 15 milliards, vous ne savez pas quoi en faire ! C'est un problème législatif important.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Heureusement, les débats parlementaires diffèrent en ceci des discussions de campagne ou des messages en 140 signes sur Twitter qu'ils permettent d'aller au fond des choses. En l'occurrence, en dix minutes, on a surtout compris qu'on n'avait rien compris.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je me tourne enfin vers la NUPES. Je commencerai par distinguer M. Vicot des autres orateurs, car il a eu l'honnêteté de reconnaître que les crédits du ministère de l'intérieur sont très élevés et il a expliqué que certaines propositions sont judicieuses mais qu'il ferait d'autres choses différemment. Je le comprends très bien et c'est une discussion politique intéressante.
Vous me parlez des récépissés de contrôle d'identité : très bien, mais il se trouve que j'ai été dans l'opposition quand vous étiez au pouvoir – vous avez longtemps gouverné avec de grands ministres de l'intérieur – et je constate que vous n'avez jamais instauré ce récépissé. Là encore, je crains que cette mesure ne soit une marotte de l'opposition, jamais mise en œuvre par ceux qui parviennent aux responsabilités. Après tout, on a le droit de changer d'avis.
Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
J'y insiste : le récépissé n'a jamais été instauré ni par M. Valls, ni par M. Cazeneuve, ni par leurs prédécesseurs, convenez-en avec moi.
Je rappelle en outre que les AFD, que vous critiquez, ont été créées sous M. Hollande ! Je prends donc vos reproches comme une critique s'inscrivant dans le temps long de la politique.
Je reconnais cependant que nous pourrons débattre de certaines de vos propositions, même si nous aurons naturellement des désaccords. Je ne regrette pas le débat, au contraire, je le souhaite, et j'espère que vous saurez vous concerter avec vos collègues du Sénat afin que vous puissiez voter comme ils l'ont fait – même si je comprends que les députés socialistes se distinguent des sénateurs socialistes par plus d'une nuance. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
J'en viens à l'autre partie de la NUPES. J'ai compris trois choses des interventions de Mmes Regol, Martin et Faucillon. Premièrement, à vous entendre, vous ne souhaitez guère vous donner les moyens de lutter contre la délinquance car, au fond, vous estimez que la menace vient plutôt des policiers.
Je suis frappé par le champ lexical que vous utilisez pour prôner le contrôle à imposer aux forces de l'ordre.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES.
Cela relève d'une forme d'obsession – je ne vois pas d'autre mot.
Cette semaine est intéressante car elle permettra de constater que nous avons en effet deux visions et deux projets de société totalement différents.
Nous encourageons les policiers ; vous souhaitez les restreindre. Nous voulons accroître leurs moyens ; vous, depuis six mois que nous sommes élus, souhaitez qu'on s'abreuve partout de dépense publique – partout ? non, dirait Astérix : partout sauf au ministère de l'intérieur. Là, vous estimez au contraire qu'il est déjà trop doté et que ce n'est pas à lui qu'il faut consacrer l'argent public.
Je m'étonne que vous deveniez plutôt libéraux en matière d'argent public dès qu'il s'agit de la police et de la gendarmerie.
Là encore, nous aurons cette discussion très intéressante.
Deuxième point : je constate que vous avez un problème avec la technologie. Vous évoquez le policier augmenté, la voiture numérique et ainsi de suite, mais songez que ce ne sont pas la police ou la gendarmerie qui utilisent de plus en plus de technologies ; c'est la société !
Vous n'êtes d'ailleurs pas les derniers à utiliser des armes technologiques, notamment pour votre propagande et vos discussions électorales – et c'est légitime.
L'objectif, c'est que la voiture du policier ou du gendarme aille aussi vite que celle du voleur.
Si la voiture numérique du policier ou du gendarme ne va pas aussi vite que celle du voleur et qu'on n'accorde pas les moyens technologiques nécessaires aux forces de l'ordre, il devient très difficile de lutter contre la pédopornographie sur internet. Les écoutes téléphoniques, par exemple, sont largement dépassées par les messageries cryptées que nous utilisons toutes et tous. Quant à la face cachée qu'est le dark web, il s'y passe les pires vilenies pour notre société, depuis le terrorisme…
En effet, jusqu'aux contestations les plus violentes. Au fond, il est étonnant que vous ne souhaitiez pas donner des moyens technologiques aux policiers et aux gendarmes alors que l'État de droit garantit précisément leur utilisation proportionnée. Le débat n'est pas nouveau : lors de l'examen du projet de loi pour une sécurité globale, tout le monde, à écouter la NUPES, aurait dû être autorisé à faire voler des drones sauf les policiers ! C'est tout de même baroque. Contrairement à ce que vous affirmiez alors, le Conseil constitutionnel nous a donné raison en confirmant la possibilité d'utiliser des drones de renseignement et vous a donné tort en interdisant leur utilisation pour des missions de police judiciaire.
Cette envie de refuser aux forces de l'ordre les moyens dont elles ont besoin pour bien faire leur travail – sans doute pour mieux les critiquer ensuite –…
…est assez révélatrice des positions de l'oratrice écologiste et de celle de La France insoumise, l'une et l'autre étant élues dans des villes – respectivement Strasbourg et Grenoble – qui refusent l'installation de caméras de vidéoprotection, en expliquant au ministère de l'intérieur que le visionnage des bandes par les policiers présente un danger pour les libertés publiques. C'est le monde à l'envers !
Je ne vous ai pas interrompue en vous écoutant, madame Regol. Prenons donc, en guise d'incise dans le débat, l'exemple de la mosquée de Strasbourg.
La ville de Strasbourg a expliqué à hue et à dia que nous étions contre le droit. Nous avons répondu qu'il y avait un comportement séparatiste de la mairie et de votre majorité verte.
Vous avez subventionné vous-même l'association concernée ! Et Strasbourg ne relève pas de la loi de 1905 !
Je sais que ce sujet vous dérange, madame Regol. J'ai entendu les pires vilenies. Nous avons eu beau vous prévenir officieusement, vous adresser des courriers, mettre en garde la maire de Strasbourg et les élus écologistes contre ce mouvement séparatiste…
Je ne mens pas du tout ; j'ai toutes les preuves l'attestant et je l'ai déjà publié. Et le tribunal administratif nous a donné raison : vous avez utilisé votre droit à mauvais escient.
Reconnaissez votre erreur ! Vous n'avez malheureusement pas écouté l'État, y compris en tenant des propos ad hominem très désagréables à mon égard, lorsqu'il vous prévenait que vous agissiez en lien avec des entreprises séparatistes.
Et le règlement de l'Assemblée ? Il faut s'exprimer en lien avec le texte !
Le tribunal administratif vous a donné tort. Pardonnez-moi, mais nous n'avons pas la même conception de l'action républicaine. Vous refusez d'imposer les contraintes liées à l'ordre républicain et, manifestement, vous ne prônez qu'une forme de libertarisme qui ne nous sied pas. Hélas, cela vaut également pour l'action des forces de l'ordre.
Un mot, enfin, sur la police de proximité, qui nous a valu cette remarque formidable de Mme Martin : il faudrait, pour créer une police de proximité, affecter les policiers à un lieu spécifique afin qu'ils s'en occupent. Oui, cela s'appelle un commissariat de police ! Étonnant, non ? Les policiers relèvent de circonscriptions de police et le présent projet de loi vise à augmenter le nombre de policiers de sécurité publique – c'est le principe qui est au cœur même du rapport annexé – dans les commissariats. Autrement dit, dans toutes les grandes villes, les villes moyennes et même les petites villes qui relèvent de commissariats de police, nous augmentons les effectifs de sécurité publique afin d'améliorer l'îlotage, les rencontres avec la population et le lien entre le policier et son territoire. C'est exactement ce que nous faisons ! Évidemment, cela vous dérange de convenir que c'est nous qui multiplions les policiers de proximité – étant entendu que le service qu'ils rendent à la population va de pair avec leurs missions d'intervention.
Ce que je ne comprends pas dans votre démonstration, c'est que vous opposez la police de proximité à la BAC. Ce sont deux métiers différents ! Il faut naturellement des BAC dans certains endroits et des policiers de proximité dans d'autres. Personne ne confond les policiers d'investigation et les policiers aux frontières, de même que personne ne confond les policiers qui font du renseignement et ceux qui maintiennent l'ordre public.
En clair, il y a beaucoup d'idéologie dans vos propos. Ce que veulent avant tout les Français, les policiers et les gendarmes, c'est du pragmatisme. La sécurité n'est pas idéologique ; ce n'est que la mère de notre protection à tous.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi. Je rappelle qu'à la demande de la commission, l'article 1er et le rapport annexé sont réservés.
Sur les 15 milliards d'augmentation qui nous sont présentés, le budget du ministère n'augmente finalement que de 1,3 milliard en 2023 et de 880 millions seulement en 2024 par rapport à l'année précédente. La situation nécessitait pourtant des investissements massifs dès la première année – sans même parler des effets de l'inflation, car je n'entends pas l'argument que vous avez exposé en commission en prétendant que celle-ci devrait, selon la Banque de France, devrait s'établir à 4,3 % en 2023.
L'inflation affectera bien évidemment la construction des 200 nouvelles gendarmeries, la rénovation des bâtiments actuels, les nouveaux équipements, notamment numériques, d'autant que vous avez évoqué tout à l'heure le fait que 7,5 milliards seraient consacrés au numérique. Que restera-t-il pour le terrain ?
Nous sommes beaucoup à être des élus des territoires ruraux et nombre d'entre nous ont déjà participé à des concertations départementales relatives aux gendarmeries. La répartition des moyens qui leur sont dédiés pour les premières années semble répondre davantage aux impératifs de l'agenda électoral – à l'approche de 2027, vous pourrez vous targuer d'avoir inauguré nombre de gendarmeries dans les zones rurales– qu'aux besoins réels des territoires.
Nous déplorons le manque de moyens dans plusieurs domaines. Citons entre autres la mobilisation contre les suicides au sein des forces de l'ordre – nous présenterons un amendement à ce sujet dans quelques instants – et l'application des OQTF.
Nous reconnaissons que ce texte constitue une avancée pour nos forces de l'ordre, avec la création de 200 brigades de gendarmerie, une augmentation des moyens humains et le déploiement de moyens modernes, et c'est la raison pour laquelle nous voterons pour l'article 2. Néanmoins, nous demanderons plus, car la réalité du terrain l'exige.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
C'est impressionnant 15 milliards. Franchement, c'est pas mal ! Je me suis dit au début que le ministre avait obtenu cette somme avant de savoir ce qu'il allait en faire. Et plus nous avons posé de questions, plus nous avons creusé, plus nous en avons eu la confirmation. C'est quand même extraordinaire !
Nous avons exprimé le souhait d'avoir le détail de ce budget. À force de persévérance, nous avons obtenu, grâce au rapporteur, il faut le dire, un tableau détaillé. Pour le programme 176 Police nationale, que comportait-il ? Une seule ligne, avec les crédits pour le titre 2 (T2) et hors titre 2 (HT2). Il a fallu qu'on se débrouille avec ça. Le titre 2, pour ceux qui ne le savent pas, recouvre les dépenses de personnel. Impossible donc de savoir dans le détail quels seront les moyens supplémentaires pour les compagnies républicaines de sécurité (CRS), pour la sécurité publique, pour la police judiciaire. Là, il faut croire le ministre sur parole ! On ne peut pas savoir non plus combien il y aura d'assistants d'enquête et comment ces créations seront opérées et quand des explications vous sont données, elles n'ont rien de clair.
Rappelons que pour le budget pour 2023, le tableau des effectifs du ministère de l'intérieur du programme 176 ne comporte aucune ligne consacrée à la réserve opérationnelle alors qu'il est prévu d'engager 3 000 réservistes en 2023, ce qui n'est pas rien.
Je suis prêt à reconnaître que le projet Réseau radio du futur est utile et je ne vais pas contester les 900 millions prévus pour sa mise en œuvre. En revanche, je suis moins convaincu par les exosquelettes et les lunettes de réalité augmentée. Combien cela va-t-il coûter ? Quels moyens vont être pris sur quelles autres lignes pour les financer ? Des gens comme moi qui aiment bien gratter, creuser, regarder en détail sont incapables de le dire. C'est bien normal, car le ministre lui-même est incapable de nous fournir des explications.
Moi, je ne vote pas 15 milliards à l'aveugle, encore moins pour accomplir la politique de Gérald Darmanin exposée dans le rapport annexé.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Sur les amendements, je serai moins long, mais je souhaite répondre à M. Guitton et à M. Bernalicis, pour que l'on se comprenne bien.
D'abord, monsieur Guitton, je dois vous dire que j'ai vraiment du mal à vous suivre dans vos calculs. Comment se répartissent les 15 milliards ? Je vais caricaturer un peu en lissant la progression, car du fait des Jeux olympiques et de la Coupe du monde de rugby, il y a plus de crédits au début de la programmation qu'à la fin. Imaginons qu'il y ait 1 milliard prévu la première année et, la deuxième année, 1 milliard de plus par rapport à l'année précédente, cela fait en réalité 3 milliards cumulés par rapport au socle de l'année 2022 – puis 6 milliards la troisième année, et ainsi de suite. Vous ne pouvez pas dire qu'il y a 1,25 milliard la première année et 880 millions la deuxième année, car ce n'est pas exact. Vous aviez déjà avancé de tels calculs lors de votre intervention dans la discussion générale et je croyais que c'était pour les besoins de la cause. Je constate que vous réitérez cette erreur : perseverare diabolicum ! Vous n'avez manifestement pas compris.
En 2024, il y a 880 millions de plus qu'en 2023, année où il est prévu 1,25 milliard de plus qu'en 2022. Si l'on fait le cumul par rapport à 2022, on arrive bien à un peu plus de 3 milliards. Arrêtez de dire que la deuxième année, il n'y a que 880 millions ! Il faut tenir compte du cumul.
Deuxièmement, s'agissant de l'inflation, je me suis déjà expliqué en insistant sur le fait que le budget du ministère de l'intérieur relève pour l'essentiel du T2, donc des charges de personnel. Il ne porte donc pas en majorité sur le matériel et l'immobilier. Je vais aller beaucoup plus loin que vous en imaginant que l'inflation à 4,7 % prévue par la Banque de France s'appliquera pendant les deux premières années. Eh bien, sur les 3 milliards et quelques prévus durant cette période, elle ne représenterait que 120 millions. Pourquoi ? Parce que les dépenses de personnel ne sont pas affectées par l'inflation, contrairement à celles qui concernent le matériel ou la construction.
Cette revalorisation est déjà prévue dans notre programmation budgétaire. Ne racontez pas d'histoires. L'inflation n'a rien à voir avec le point d'indice. Si vous commencez en étant malhonnête moralement, nous n'allons pas y arriver. D'ailleurs, vous en riez vous-même !
Pour le ministère de l'intérieur, l'inflation n'a pas la même incidence que pour d'autres ministères tels que celui des armées, qui comprend beaucoup de dépenses de matériels. C'est d'ailleurs une erreur de la part du ministère de l'intérieur d'avoir beaucoup de personnels et pas assez de moyens hors T2.
J'ajoute que pour les grands projets informatiques, comme le déploiement de Réseau radio du futur, les marchés ont été passés avant la forte hausse des prix. Ils ont déjà été notifiés et nous attendons les dispositions législatives correspondantes. Votre histoire à propos de l'inflation mange-tout ne tient pas, monsieur le député.
Troisièmement, vous me dites que l'année prochaine, il n'y aura pas les moyens nécessaires à la création des 200 brigades de gendarmerie. Faut-il que je vienne vous expliquer comment cela se passe, comme je l'ai fait auprès de certains de vos collègues du Rassemblement national ? C'est dommage que vous n'ayez jamais été maire. Vous auriez été conscient du fait que pour mettre en place une brigade de gendarmerie, il faut au minimum trois ou quatre ans, le temps de trouver un terrain, de mener des études préparatoires, d'obtenir un permis de construire, de retenir un projet architectural et de construire.
Cela a pu être plus, effectivement, mais c'était avant nous, madame la députée. En disant cela, vous menez un réquisitoire contre vos propres gouvernements. Mais évidemment, il y a des projets qui traînent pour de multiples raisons que vous connaissez.
Il est clair que les crédits prévus pour 2023 et 2024 ne permettent pas de construire la totalité des gendarmeries pour les 200 brigades. Nous avons toujours dit que ce programme s'étalerait sur cinq ans. Ce que je dis aux élus, c'est que s'ils ont des locaux dès l'été prochain, y compris temporaires, pour accueillir les brigades, nous sommes prêts à dégager des crédits de rénovation, y compris de rénovation énergétique. Les projets de construction réclament, quant à eux, et vous le savez bien, plusieurs années, et ce quels que soient les gouvernements. On ne peut pas construire des brigades de gendarmerie en six mois !
Votre triple argumentation est marquée par la mauvaise foi, du moins je l'espère pour vous car je n'ose imaginer qu'il s'agisse d'autre chose…
Je me tourne maintenant vers vous, monsieur Bernalicis, pour vous donner un conseil. Vous vous préparez à accéder au ministère de l'intérieur et vous avez raison, car c'est un ministère aussi beau qu'exigeant.
Comme pour tous les ministères, les négociations avec Bercy sont difficiles. Vous dites en caricaturant que j'ai demandé 15 milliards avant même de savoir quoi en faire. Mais imaginons qu'une fois nommé, vous vous rendiez à Bercy en tant que ministre de l'intérieur. Même si l'argent public coule à flots – ce qui suppose, évidemment, que la France ne soit pas attaquée par les marchés financiers et que tout se passe bien –, une chose est sûre : si vous demandez exactement le montant correspondant à ce dont vous avez besoin, vous allez repartir avec moins ! Pour avoir été pendant trois ans ministre des comptes publics, je peux vous dire que c'est comme cela que les choses fonctionnent.
Rires sur plusieurs bancs du groupe RE.
Les braconniers sont les meilleurs garde-chasses, monsieur Bernalicis !
Si vous me le permettez, je vous suggère de demander beaucoup, car vous aurez sans doute moins.
Avouez : vous avez demandé 15 milliards en en espérant 10 et vous avez eu les 15 milliards !
Je me plie volontiers aux règles du jeu parlementaire, monsieur Bernalicis, mais il faut pour cela que nous puissions discuter ensemble. Vous savez, je m'enorgueillis d'avoir récupéré beaucoup de crédits pour mon ministère.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Que n'aurais-je pas entendu sur tous les bancs si je m'étais présenté devant la représentation nationale avec des crédits en baisse ? « Réjouissons-nous et tressaillons de joie » comme on l'entend dire dans d'autres enceintes, car le ministère de l'intérieur dispose de 15 milliards. La vraie question est de savoir ce que l'on en fait.
Ensuite, vous dites des choses inexactes quand vous affirmez que l'on ne peut pas connaître la répartition exacte des créations de postes dans la police et la gendarmerie. Nous avons dit et répété ce qu'il en était et des précisions sont données dans le rapport de M. Boudié. Mais comme certaines personnes peuvent, en vous écoutant, croire que je n'ai pas détaillé la ventilation des effectifs, je vais y revenir.
Les créations de postes vont pour 52 % à la police nationale et pour 48 % à la gendarmerie. De 2023 à 2027, nous créons 3 550 postes de policiers supplémentaires.
Les quatre nouvelles CRS seront dotées de 800 policiers. Pour les circonscriptions de police renforcées, comme c'est le cas de votre circonscription lilloise qui connaît une forte augmentation de postes, les effectifs supplémentaires seront de 604 ; et pour les forces de sécurité dans les transports en commun, ils seront de 450 – vous savez l'importance que nous accordons à la lutte contre les violences dans les transports en commun. Pour la préfecture de police, je le dis pour les élus de Paris et de la petite couronne, il y aura 1 000 policiers supplémentaires.
À cela s'ajoutent 224 personnels administratifs affectés aux contrôles aujourd'hui effectués par les policiers de la police aux frontières (PAF) dans les aubettes des aéroports – chacun aura constaté des temps d'attente parfois trop longs. Pour les postes d'assistants d'enquête créés à partir de substitutions, nous prévoyons 448 recrutements ; pour ceux créés sans substitution, 224. Pour répondre à votre question, il y aura donc un peu plus de 650 créations de postes d'assistants d'enquête dans la police nationale sur la durée du quinquennat.
Monsieur Bernalicis, vous vous êtes exprimé sur l'article 2. Merci de respecter les règles en laissant le ministre vous répondre.
Pour la future Agence du numérique des forces de sécurité intérieure, il y aura 100 créations de postes. Je tiens à votre disposition un tableau détaillé année après année.
Monsieur Bernalicis, c'est le dernier rappel à l'ordre ! Veuillez laisser le ministre terminer.
Pour la gendarmerie nationale, 3 540 postes seront créés en cinq ans : 840 pour les sept escadrons de gendarmerie mobile ; 174 gardes républicains pour la garde statique de la préfecture de police à la place des unités de force mobile (UFM) que j'ai évoquées cet après-midi ; 2 144 gendarmes pour les 200 brigades territoriales, soit un peu plus d'une dizaine de gendarmes par brigade ; 252 formateurs en gendarmerie ; pour les gendarmeries vertes, l'Agence du numérique, la prévention des risques psychosociaux, plus de 300.
Monsieur Bernalicis, je peux comprendre que vous ne soyez pas d'accord sur la manière dont nous employons ces 15 milliards, mais dire que nous ne sommes pas capables de détailler la répartition de ces crédits, c'est mentir à ceux qui nous écoutent.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour soutenir l'amendement n° 514 .
L'article 2 fixe la trajectoire budgétaire du ministère de l'intérieur, soit 15 milliards de plus sur cinq ans, en vue, notamment, d'augmenter les effectifs. Or, selon de nombreux chercheurs, il n'existe pas de preuves qu'une augmentation des effectifs et des patrouilles dans la rue a un effet concret sur l'évolution du nombre de crimes et délits. C'est ce qu'explique notamment Fabien Jobard, sociologue spécialiste de la police et membre du Cesdip – centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales. « Si c'est juste pour mettre du bleu dans la rue pour des patrouilles de prévention du terrorisme ou une simple présence pour rassurer, cela aurait un très faible impact sur la délinquance. Il faudrait plutôt commencer par réfléchir aux missions attribuées à la police »…
…« et cesser d'épuiser les personnels en les surmobilisant pendant les manifestations, ce qui ne fait qu'exacerber les tensions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
De même, il apparaît indispensable de légaliser le cannabis afin de soulager les agents, ce qui aura également un impact sensible sur la population carcérale.
Mêmes mouvements.
L'approche prohibitive s'oppose d'ailleurs à la mise en œuvre nécessaire d'une véritable politique de santé publique à destination des usagers de cannabis. »
Pour en revenir aux 15 milliards de ce budget, il faut souligner que la moitié est fléchée vers la transformation numérique du ministère de l'intérieur. Si vous avez tant d'argent que cela, acceptez enfin la proposition de notre collègue Corbière de mettre en place une commission d'enquête sur le suicide dans la police. Cette augmentation exponentielle ne peut s'expliquer, en plus des hausses d'effectifs, que par l'achat de matériels très techniques et très coûteux. Or nous refusons de voir la France se transformer en un État technopolicier digne des romans de science-fiction les plus terrifiants.
L'association La Quadrature du Net nous met en garde contre les fantasmes d'une ville sécurisée. De façon générale, là où la technopolice se développe, des formes de discrimination se renforcent, les mouvements sociaux sont muselés et les rapports sociaux sont de plus en plus déshumanisés.
C'est parce que nous refusons ce gâchis financier et écologique dangereux pour la démocratie que nous vous invitons à voter la suppression de cet article 2.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR.
La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Je vous remercie, madame la députée, pour cette présentation tout à fait apaisante.
Sourires sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous voulez supprimer d'un trait de plume 15 milliards d'euros ! J'aimerais que les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers ou encore les agents des préfectures entendent ce que vous venez de dire : vous êtes favorables à la suppression de 15 milliards et des 21,6 % d'augmentation du budget du ministère de l'intérieur sur les cinq prochaines années. Une telle position n'est pas raisonnable !
Monsieur Bernalicis, vous dites que vous ne savez pas ce que vous feriez avec ces 15 milliards.
Jamais un document, qui sera disponible pour le rapport annexé sur la modernisation du ministère lorsque nous l'examinerons, répertoriant à la fois les volumes par année – c'est l'objet de l'article 2 que vous voulez supprimer –, mais également les volumes budgétaires par mission et par programme, n'a été intégré dans aucune des trois précédentes lois de programmation relatives à la sécurité publique adoptées au cours des trente dernières années. Jamais un tel exercice de transparence, je le répète, n'a été réalisé dans le cadre d'une loi de programmation. Donc, de grâce, laissez les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers, les agents des préfectures et l'ensemble des services du ministère de l'intérieur bénéficier de l'investissement massif proposé par le Gouvernement. Avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Lorsque je lis dans l'exposé sommaire de l'amendement que « nous vivons dans un pays relativement calme », je me demande dans quel monde vous vivez. Certainement pas dans celui des Français, alors que les atteintes aux personnes, les agressions sexuelles, les coups et blessures et les homicides sont en augmentation ! Mme Garrido et sa troupe ne vivent manifestement pas en France.
Vous avez déployé votre idéologie du laxisme. Voilà la considération dont vous faites preuve vis-à-vis des Français. Nous avons d'ailleurs pu constater pendant plusieurs jours en commission des lois tout l'intérêt que vous portez aux policiers, sur lesquels vous avez déversé toute votre haine.
Nous serons attentifs à chacun des amendements que vous déposerez sur cette Lopmi, car nous ne vous laisserons pas piétiner l'honneur des forces de l'ordre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3, de notre règlement, pour une mise en cause personnelle. Collègue du Rassemblement national, nous ne sommes pas une troupe : nous sommes, comme vous, des élus du peuple français et nous défendons des idées, point à la ligne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
Nous défendrons des amendements et vous devrez nous écouter parce que nous représentons, nous aussi, et plus largement que vous d'ailleurs si nous considérons la NUPES dans son ensemble, les représentants du peuple français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En réponse à ce qui vient d'être dit, ne nous cassons pas la tête : allons au plus simple et regardons ensemble l'avis du Conseil d'État. Celui-ci a estimé qu'on ne peut pas engager 15 milliards – d'ailleurs on nous dit sans cesse qu'il n'y a pas d'argent ! – sans disposer au préalable d'une analyse précise de la situation des délinquances dans le pays et définir une stratégie pour y répondre ; il ajoute qu'il serait nécessaire de disposer d'une évaluation des résultats des précédentes lois. Ce n'est pas moi qui le dis, ni nous, ni la clique de je ne sais qui, mais bien le Conseil d'État.
Vous faites aujourd'hui plusieurs annonces. Ce n'est pas sérieux ! Vous auriez dû nous communiquer ce document en temps et en heure ! Nous vous écoutons évidemment avec grand intérêt, car cela nous permet d'être davantage informés, mais il n'est pas possible de travailler de cette façon. Une fois encore – vous n'êtes pas le premier à le faire, monsieur le ministre –, le Gouvernement nous demande de nous déposséder de notre pouvoir parlementaire et de signer un gros chèque en blanc, voire en bois !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 514 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 131 .
Il ne s'agit pas d'un amendement de suppression de l'article, bien au contraire, mais, contrairement aux apparences, ce n'est pas non plus un amendement rédactionnel. L'article 2 stipule que les crédits de paiement du ministère de l'intérieur « évoluent sur la période 2023-2027 conformément au tableau suivant ». Bien sûr, dans ce tableau, les chiffres augmentent année par année. Toutefois, il serait utile de préciser qu'il ne s'agit pas d'une simple évolution, mais bien d'une augmentation.
En effet, la notion d'évolution prête à confusion : une évolution peut aussi bien être positive que négative et signifier une baisse comme une hausse des crédits au cours des cinq prochaines années. Cela a déjà été dit et nous n'allons pas le répéter toute la semaine mais, en 2021, on a constaté une forte hausse des coups et blessures volontaires – + 12 % en un an ; de même, l'ensemble des infractions, délits ou crimes liés aux violences sexuelles, aux escroqueries, aux trafics de stupéfiants ou aux atteintes aux personnes sont en progression. Face à l'augmentation de l'insécurité, il convient d'orienter durablement les crédits du ministère de l'intérieur afin d'améliorer sa force de frappe. En vue de clarifier la politique du Gouvernement sur la période 2023-2027, il serait donc préférable de mentionner une augmentation des crédits plutôt qu'une simple évolution. Cela peut s'apparenter à un amendement rédactionnel, mais il me semble important de préciser, dès l'article 2, qu'il s'agit d'une augmentation et qu'il ne sera pas possible de revenir en arrière.
Ce n'est pas un amendement rédactionnel, mais admettez qu'il est un peu tatillon ! Il est clair que les crédits augmentent de 21,6 % pendant la durée de programmation. De plus, le verbe « évoluer » est celui qui est traditionnellement employé dans les lois de programmation. Avis défavorable.
Défavorable également.
Ou, plus exactement, nous disposons d'informations discordantes. Ainsi, vous annoncez que 2 milliards d'euros seront consacrés au programme Réseau radio du futur. Pourtant, dans le rapport de notre excellent rapporteur, figure un tableau relatif à la trajectoire budgétaire du RRF qui comporte des additions année par année – je ne suis pas un grand mathématicien – et dans lequel il est indiqué que le coût total pour la période 2022-2030 – c'est-à-dire au-delà de 2027 et du cadre de la Lopmi – est estimé à 896 millions.
J'ai d'abord pensé qu'il ne s'agissait que des crédits de paiement (CP), mais que les autorisations d'engagement (AE), qui peuvent s'étaler sur la durée du projet, feraient état des 2 milliards évoqués. Mais, ce n'est pas le cas : les AE sont identiques aux CP, à hauteur très précisément de 896,4 millions. Du coup, je ne comprends pas : je peux me tromper et peut-être disposerons-nous d'éléments plus précis au cours de notre discussion puisque je constate que plus je vous interroge, plus vous nous communiquez d'informations. Elles ont peut-être été pondues au cours du week-end, puisque nous n'avions pas eu le tableau que vous évoquez, monsieur le ministre. Je serais heureux de pouvoir en disposer. Les sénateurs qui, eux, ne l'avaient pas, ont tout de même consenti à entériner une augmentation de 15 milliards sur votre seule bonne foi. Personnellement, je n'en suis pas capable. Je suis plutôt comme le Conseil d'État : je préfère disposer d'informations, connaître les objectifs, savoir comment on va avancer, dans quelle direction et avec combien de divisions, si j'ose dire. Je rappelle par ailleurs que les 350 postes créés dans les préfectures et sous-préfectures sont censés compenser les 4 000 suppressions d'effectifs intervenues durant les dix dernières années – c'est juste pour donner un ordre de grandeur !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 131 n'est pas adopté.
Je le dis clairement, il s'agit d'un amendement d'appel, qui concerne la police municipale. En août dernier, 75 % des Français jugeaient négativement le bilan du premier mandat d'Emmanuel Macron en matière de sécurité. Le 29 septembre, un sondage de l'institut CSA révélait que près de six Français sur dix considèrent ne pas être suffisamment entendus par le Gouvernement pour assurer leur sécurité.
Le « sentiment » d'insécurité que partagent les Français n'est pas nouveau. Vous m'expliquiez, monsieur le ministre, en réponse à mon intervention dans la discussion générale, que la Lopmi n'a pas vocation à traiter de la question des polices municipales : en matière de budget, je vous l'accorde et je suis d'accord avec vous ; ces dernières relevant de la compétence des communes, il n'appartient pas à l'État de fixer une orientation budgétaire les concernant.
Toutefois, pour une plus grande efficacité de leurs actions, il serait souhaitable que les prérogatives des polices municipales soient élargies : je pense notamment aux amendes forfaitaires délictuelles. Il ne s'agit pas là d'une question d'orientation budgétaire, monsieur le ministre. Dans ce texte, vous élargissez – et je m'en réjouis, même si je pense, comme vous me semble-t-il, que ce n'est pas suffisant – le champ d'application des AFD. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas donner la possibilité aux polices municipales d'en délivrer également dans certaines conditions, quitte à les circonscrire à certaines infractions ? J'ai entendu tout à l'heure, pendant mon intervention, des objections émanant des bancs de la gauche. Je rappelle toutefois que ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui fait la loi, mais bien le Parlement ! Tentons d'élargir le champ d'application en octroyant plus de prérogatives aux polices municipales et nous verrons bien si le Conseil constitutionnel censure cette disposition ou non.
Je vous laisse la parole, Mme Ménard, pour soutenir l'amendement n° 480 .
Il s'agit également d'un amendement d'appel proposant une augmentation des crédits, mais il ne concerne pas du tout le même objet, puisqu'il a trait aux OQTF. En 2017, le ratio entre les OQTF exécutées et celles prononcées s'établissait à 13,5 % selon les données de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF). Depuis, ce taux n'a cessé de se dégrader en dépit des engagements du Président de la République.
La charge d'exécuter les OQTF non contestées ou approuvées par les juges repose sur l'administration, qui manque malheureusement de moyens pour mener à bien cette mission. Le député Pierre-Henri Dumont – il n'est malheureusement pas présent ce soir – expliquait dans un avis rendu en 2021 sur la mission "Immigration, asile et intégration" du projet de loi de finances pour 2022 que « les agents des services de l'immigration et de l'intégration des préfectures font part régulièrement des grandes difficultés liées à l'exercice de leurs missions en matière d'éloignement. Ces services apparaissent débordés, voire asphyxiés. » Il ajoutait que « Les bureaux des étrangers dans les préfectures, déjà extrêmement mobilisés par leurs activités de délivrance et de renouvellement des titres de séjour, sont sous-dimensionnés pour répondre à l'ampleur de la tâche. »
C'est pourquoi je propose d'augmenter les crédits qui y sont consacrés, afin d'agir à deux niveaux. Premièrement, à titre préventif, afin de faciliter l'action des garde-frontières de l'agence Frontex sur le territoire national : ces crédits permettraient de les doter de matériel innovant – je n'y reviendrai pas. Deuxièmement, à titre contraignant : en effet, le taux d'exécution des OQTF augmente significativement lorsque les clandestins sont placés en centre de rétention administrative, passant à 42,5 %. C'est pourquoi il est important de travailler dans cette direction. En commission, vous avez fait des efforts, monsieur le ministre, en vue d'augmenter le nombre de places créées en CRA ; mais nous pourrions aller encore plus loin pour accroître l'efficacité de l'exécution des OQTF.
Il vise à tenir compte de l'inflation, en revalorisant de 3 % les crédits prévus dans la présente loi de programmation. En effet, en raison de l'inflation estimée pour l'année 2022 à 6 %, vous prévoyez un accroissement du budget de votre ministère en 2023 de 6 % également ; il en va de même pour 2024, avec une augmentation des crédits de 4 % pour tenir compte d'une inflation prévue aux alentours de 4 %. C'est pourquoi, conformément aux recommandations de la Cour des comptes et aux préconisations du rapport issu du Beauvau de la sécurité, cet amendement propose de revaloriser les crédits du ministère de 3 % sur toute la période de programmation, afin de ne pas se retrouver avec des budgets en baisse par rapport à vos prévisions.
Je défendrai également l'amendement n° 5 . Il s'agit de prévoir des crédits supplémentaires pour rénover les commissariats de police et investir dans leurs locaux. Quand des policiers nous sollicitent, ils souhaitent invariablement nous montrer l'état de leur commissariat. Dans ma circonscription des Alpes-Maritimes, les commissariats d'Antibes Juan-les-Pins et de Vallauris Golfe-Juan sont d'ailleurs dans des conditions quasiment indécentes. Le projet de loi prévoit d'investir 300 millions d'euros dans les gendarmeries : c'est très bien, et nous l'approuvons. Toutefois, il persiste un manque manifeste concernant les commissariats de police : ils doivent être mis à niveau, notamment d'un point de vue immobilier. C'est ce que prévoient ces trois amendements, chacun proposant un montant différent.
Il rejoint les amendements que vient de soutenir M. Pauget, puisqu'il vise à accroître les efforts immobiliers destinés à la police et à la gendarmerie nationales. On estime que 80 % des casernes de gendarmerie ont plus de 25 ans, et qu'un commissariat sur quatre est vétuste. L'immobilier ainsi que le logement pour les militaires de la gendarmerie nationale sont des questions majeures qui participent de la qualité des missions ô combien essentielles assurées par les policiers et les gendarmes. Vous prévoyez un effort légitime pour la gendarmerie nationale, sans doute en vue de créer les 200 brigades prévues par le texte, mais je ne perçois pas le même effort pour la police nationale et les commissariats. Aussi mon amendement vise-t-il à abonder la programmation de 1,5 milliard d'euros sur cinq ans en faveur de la police nationale, à l'égal de ce qui est prévu pour la gendarmerie nationale. Nous avons besoin que les commissariats soient réhabilités, et que les policiers travaillent dans des lieux qui ne soient ni indignes ni vétustes. Il y va du respect que nous portons à l'institution qu'est la police nationale.
M. Ian Boucard applaudit.
Je souhaite vous interpeller, monsieur le ministre, sur la situation des commissariats de police dans les petites agglomérations. Je ne crois pas que vous connaissiez celui de Montargis, dans ma circonscription – vous vous êtes rendu à plusieurs reprises à Orléans, à la préfecture, mais n'êtes jamais venu à la sous-préfecture, à Montargis ; je vous y invite volontiers. Sur les 101 effectifs au tableau que compte ce commissariat, seuls 80 sont actifs, les 20 restants étant en détachement, en arrêt maladie ou en congé maternité. Quatre-vingts personnes doivent donc couvrir une agglomération de 50 000 habitants, ce qui représente un véhicule de police secours la nuit et un à deux véhicules en journée. C'est évidemment insuffisant.
Il n'y a pas que la police secours !
Certes, mais la délinquance est en hausse, et les besoins du territoire concernent majoritairement la police secours.
Autre exemple : le service des renseignements territoriaux, qui devrait compter 6 effectifs, n'a que 1,8 équivalent temps plein (ETP). J'entends que le service de police secours ne doit pas concentrer tous les effectifs ; il n'en reste pas moins que les sapeurs-pompiers sont parfois appelés pour réaliser des interventions qui relèvent normalement de ce service. Je ne fais que relayer les demandes exprimées par les policiers de terrain et les syndicats, qui rencontrent d'importantes difficultés. Sachez aussi que régulièrement, des habitants de ma circonscription n'arrivent pas à déposer plainte. Vous consacrez un effort à la ruralité avec les brigades de gendarmerie, et je vous en remercie. Cependant, n'oubliez pas les petits commissariats – je vous invite à venir voir ce qu'il en est sur place. Nous avons déploré le suicide d'un commissaire il y a quelques années, et les petits commissariats expriment une réelle détresse ; ils se trouvent souvent au milieu d'une zone de gendarmerie, et attendent d'être soutenus par votre ministère.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'y ajouterai la défense des amendements n° 2 et 3 . Ils concernent les OQTF, un sujet d'actualité complexe, qui nécessite de la volonté et des moyens. Un amendement défendu par Éric Ciotti en commission des lois permettra d'augmenter le nombre de places en CRA. Je vous soumets pour ma part une nouvelle idée, celle des bracelets électroniques : ce dispositif n'est pas encore utilisé pour gérer les OQTF, et mérite qu'on y prête attention. Les experts à qui j'en ai parlé y ont vu une idée novatrice et intelligente.
Mes trois amendements prévoient des crédits pour que le ministère lance une étude sur l'utilisation de bracelets électroniques de surveillance administrative – avec, naturellement, tout l'encadrement juridique nécessaire. Cela permettrait d'améliorer la gestion des OQTF, en plus de l'accroissement des places en CRA.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 135 .
Il s'agit encore d'un amendement d'appel, visant cette fois à augmenter les crédits destinés à la lutte contre la violence des mineurs non accompagnés, pour la rendre plus efficace. En 2020, rien qu'à Paris, plus de 40 % des vols à la tire, 30 % des vols avec violence et 30 % des cambriolages étaient le fait de mineurs non accompagnés. Ces chiffres ont véritablement explosé ces dernières années : le volume de jeunes en errance mis en cause pour des faits violents a augmenté de 407 % entre 2016 et 2020, et ils représentaient près de 75 % du total des mineurs déférés devant le parquet de Paris. Il me semble nécessaire de leur apporter une attention toute particulière, et d'augmenter les crédits destinés à lutter contre la violence dont ils sont les auteurs ; nous devons enfin entamer une lutte efficace contre ce fléau.
Il fait suite à une invitation de M. le ministre de l'intérieur – il n'est pourtant pas fréquent que j'y réponde ! En commission des lois, monsieur le ministre, vous vous êtes dit favorable à l'amendement que j'ai soutenu pour augmenter significativement le nombre de places en centres de rétention administrative, première condition pour lancer une véritable politique d'éloignement. La politique d'assignation à résidence ou d'expulsion par simple lettre a montré son échec patent. Le placement en centre de rétention administrative est le seul moyen efficace d'expulser ceux qui n'ont aucune raison de rester sur le territoire national, notamment ceux qui ont commis des délits. Vous avez accepté d'augmenter le nombre de places en CRA – je vous en remercie, et cette disposition devra rapidement être mise en application. Vous avez toutefois observé que mon amendement omettait de financer le fonctionnement de ces nouvelles places en CRA. Je propose de combler ce manque en ouvrant 31 millions d'euros de crédits supplémentaires – sachant que dans la loi de finances pour 2023, le coût de fonctionnement annuel d'une place de CRA est évalué à 26 600 euros, montant d'ailleurs très élevé.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 651 .
En commission des lois, j'ai souligné que le projet de loi et le rapport annexé, bien que volumineux, ne mentionnaient pas une seule fois le phénomène grave du suicide parmi les forces de l'ordre : le sujet est éludé. Je rappelle que trente-quatre policiers et quatorze gendarmes se sont donné la mort durant le 1er semestre 2022. En 2021, la seule association Peps-SOS policiers en détresse a reçu plus de 6 000 appels de membres des forces de l'ordre pour des cas de dépression. L'amendement au rapport annexé que j'ai proposé en commission prévoyait des efforts de prévention du suicide parmi les forces de l'ordre, ainsi que des efforts de détection des situations de souffrance et d'accompagnement psychologique. Il a reçu un avis favorable de votre part et été adopté, ce dont je vous en remercie.
Le présent amendement vise à concrétiser cet engagement, en prévoyant le budget correspondant. Il s'agit d'augmenter de 500 000 euros par an le budget du ministère de l'intérieur à l'article 2, en faveur du programme de mobilisation contre le suicide. Pour rappel, un amendement similaire avait été proposé par mon groupe à hauteur de 1 million d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023 ; il avait reçu un accord de principe, mais le budget avait été jugé trop élevé. Je vous soumets donc un amendement de repli prévoyant un budget de 500 000 euros, correspondant à 5 000 euros par an et par département, soit 2 euros par an et par policier ou gendarme. Vu le coût horaire des professionnels du suivi psychologique, et vu la nécessité d'assurer un tel suivi pour éviter le drame des vagues de suicide chez les forces de l'ordre, cet effort paraît raisonnable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 1047 .
Il a pour objet de rétablir la rédaction initiale de l'article 2, et par conséquent d'annuler les 60 millions votés en commission pour financer l'accroissement des places en centres de rétention administrative défendu par M. Ciotti dans son amendement.
La France se distingue déjà par une politique répressive d'enfermement des étrangers visés par une expulsion. Les personnes sont retenues jusqu'à quatre-vingt-dix jours sans aucune perspective de départ,…
…ce qui constitue une banalisation insupportable de l'enfermement administratif.
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) ne cesse de nous alerter sur ce phénomène, qui entre en contradiction avec notre législation. Rappelons qu'un étranger ne peut être retenu que le temps strictement nécessaire à son départ. En l'état actuel, les étrangers sont maintenus en rétention, puis, quand ils sortent, restent sur le territoire français : cette politique n'a aucun sens. Un plan d'extension des CRA ne fera qu'aggraver la situation.
Par ailleurs, les placements en rétention administrative pèsent lourdement sur les finances publiques – l'amendement n° 430 de M. Ciotti le montre bien : une place en CRA a un coût de fonctionnement de 26 000 euros par an. Après les 60 millions d'euros votés en commission, vous voudriez voter 31 millions d'euros de crédits supplémentaires ! Je m'étonne que la majorité abonde dans le sens de M. Ciotti et approuve de tels montants.
Quel est le sens de ce suivisme à l'égard du groupe Les Républicains ? Quoi qu'il en soit, 91 millions d'euros pour faire plaisir à M. Ciotti, c'est cher payé.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous suivons le député Éric Ciotti quand il s'inscrit dans la trajectoire budgétaire de la Lopmi, monsieur Iordanoff.
Dans le cas contraire, nous rejetons ses amendements – c'est d'ailleurs ce qui va se produire, cher Éric Ciotti, comme pour tous les amendements déposés par votre groupe. L'ensemble de vos amendements aboutiraient à 12 milliards d'euros de crédits supplémentaires : cela manque de sérieux budgétaire. De même, madame Ménard, chacun de vos amendements a été l'occasion de demander des crédits supplémentaires, soit 7,6 milliards d'euros au total : c'est considérable. Cela nous ferait sortir de la trajectoire budgétaire ; aussi mon avis est-il défavorable sur tous ces amendements.
Je suis d'accord avec certains des propos que vous avez tenus, monsieur Ménagé. Dans votre amendement, toutefois, vous demandez 40 millions d'euros annuels pour améliorer les conditions de travail des forces de l'ordre. Or nous consacrons à cet objectif 15 milliards sur cinq ans, en insistant sur les deux premières années. Vos propositions ne sont pas à la hauteur des propos que vous avez tenus tout à l'heure. Mon avis est donc défavorable.
Par ailleurs, nous avons effectivement adopté, en commission, un amendement traitant du suicide parmi les forces de l'ordre, monsieur Houssin. Mais il n'est pas vrai d'affirmer, comme vous le faites, que le rapport ne comporte aucune disposition relative aux risques psychosociaux : des passages très précis expriment des engagements à ce sujet, et nous les avons renforcés en adoptant un amendement.
Pour autant, vous avez raison d'insister sur la question du suicide des policiers et des gendarmes, qui est profondément choquante pour nos concitoyens comme pour la représentation nationale. Vous demandez d'augmenter le budget de 500 000 euros par an, en référence au programme spécifique de prévention doté de 1 million d'euros. Or la politique de prévention des risques psychosociaux menée par le ministère de l'intérieur ne se réduit pas à ce programme – ni à ce budget.
L'amélioration des conditions matérielles, immobilières et de travail des forces de police et de gendarmerie, à laquelle nous consacrons 15 milliards d'euros, est aussi une réponse aux risques psychosociaux. Pour cette raison, avis défavorable à l'ensemble des amendements en discussion commune.
Beaucoup de choses ont été dites, sur des sujets très divers. Je ne répéterai pas les arguments fort convaincants du rapporteur.
Je commencerai par répondre à MM. Pauget et Ciotti. Monsieur Pauget, il me paraît difficile de définir d'emblée la courbe de l'inflation pour les cinq années à venir. Je vous remercie de soutenir l'idée que la programmation budgétaire, déjà très importante pour le ministère de l'intérieur, gagnerait à augmenter encore. Néanmoins, il n'est pas raisonnable de prévoir une inflation de 4,5 % pour ces cinq ans, ce à quoi revient à peu près votre calcul compte tenu des effectifs du ministère. Je comprends le sens de votre question, mais vos propositions ne sont pas viables d'un point de vue budgétaire.
Je vous ferai une réponse similaire, monsieur Ciotti, au sujet du T2 et des constructions de CRA. Notre capacité à construire le plus rapidement possible des CRA et à recruter des policiers dépend de nombreux facteurs. Je doute que la mise en œuvre de la programmation corresponde exactement à l'argent que vous souhaitez ajouter, comme vous le savez très bien. C'est une affaire de gestion : nous parlons ici de 30 à 100 millions d'euros, dans une loi de programmation qui en consacre plus de 20 milliards au ministère de l'intérieur. Si quelques millions font défaut ou sont en trop, nous serons capables d'y remédier à force de bonne gestion ou au moyen d'un PLFR (projet de loi de finances rectificative).
Si je vous réponds négativement, ce n'est donc pas par principe, mais par volonté d'adaptation aux évolutions budgétaires. On peut construire une loi de programmation sans tout calculer à l'euro près, car en cinq ans, la situation changera forcément.
Je précise, monsieur Ciotti, que, si nous partageons tous – ou quasiment tous – l'objectif de construire des CRA, il faut également qu'il se trouve des élus pour les accueillir. C'est comme les places de prison : on est tous d'accord pour en construire, mais pas chez nous.
Je le répète donc à l'ensemble des élus qui s'expriment en ce sens : n'hésitez pas à accueillir chez vous des CRA, je recevrai volontiers votre dossier de candidature.
La deuxième question, posée sur plusieurs bancs, notamment par M. Pauget, concerne les crédits dédiés à la construction, à la reconstruction et à la rénovation des commissariats de police et des casernes et brigades de gendarmerie. Je partage votre constat, mais il faut noter que les chiffres cités par M. Ciotti datent d'avant le plan de relance : en l'espace de deux ans, la situation s'est nettement améliorée.
Grâce à l'argent du plan de relance, nous avons rénové 700 commissariats et brigades de gendarmerie. Certes, cela n'est pas l'intégralité du parc ; celui-ci est important, parfois vieillissant et demande des investissements très importants, comme les 150 millions d'euros nécessaires à la rénovation du site de Versailles-Satory, pour laquelle nous avons commencé les inscriptions budgétaires. Oui, il faut poursuivre ce projet immobilier, et je pense que la Lopmi nous en donne les moyens. En effet, 1,8 milliard en 2023 et 2 milliards en 2024 seront dédiés à l'immobilier de la police et de la gendarmerie.
Vous évoquez souvent les 15 milliards supplémentaires prévus dans cette programmation, mais il ne faut pas oublier les crédits déjà existants, qui servent pour ainsi dire de socle. Je suis à la tête d'un ministère qui dispose au total de 20 milliards d'euros de crédits. Certes, 15 milliards seront ajoutés au socle pour les cinq ans à venir, mais une partie des crédits fonctionne déjà en faveur de l'immobilier. En outre, l'effort de transformation – je pourrai vous l'exposer plus longuement si vous le souhaitez –, qui repose notamment sur les projets numériques, permettra, en annulant certaines tâches au profit d'un autre fonctionnement, d'économiser des crédits que je réaffecterai hors T2.
Il ne s'agit donc pas d'examiner exclusivement les 15 milliards supplémentaires en oubliant tous les crédits présents en socle, déjà largement améliorés. Je rappelle qu'en définissant les lois de finances pour 2022 et pour 2023, je n'ai pas, contrairement à d'autres ministres, rendu les crédits alloués à mon ministère au titre du plan de relance. J'ai obtenu de les conserver en socle. Le ressaut hors T2 s'en trouve ainsi amélioré, ce à quoi s'ajoutent désormais 15 milliards d'euros.
En guise d'exemples, je peux vous donner la liste des constructions et reconstructions de commissariats de police prévues lors des deux premières années de la Lopmi, à commencer par l'hôtel des polices de Nice. Monsieur Ciotti, je précise pour vos collègues des Alpes-Maritimes qu'il s'agit d'un montant important : 200 millions d'euros, vous êtes gourmand !
Cela donnera sans doute lieu à des discussions internes entre députés des Alpes-Maritimes. Il faut bien avouer que M. Pradal, le maire de Nice, dont je sais que vous le soutenez dans ce grand projet, a l'intention de mutualiser ce bâtiment pour en faire profiter la police nationale comme la police municipale, ce à quoi nous sommes très favorables.
L'académie de police à Montpellier – nous parlions justement de la formation –, les hôtels de police de Cayenne, de Fort-de-France, d'Annecy, d'Amiens, de Valenciennes, les constructions à Roissy pour la police aux frontières, le site de la CRS 54 à Marseille, le commissariat de police du Grand Palais, le nouveau commissariat de Torcy qui remplacera celui de Noisiel, la réhabilitation des hébergements de l'école de police de Rouen-Oissel, la construction des commissariats d'Aulnay-sous-Bois, de Saint-Étienne, du Kremlin-Bicêtre, d'Angers, de Basse-Terre ou encore de Carcassonne, l'extension d'Interpol à Lyon, l'extension et la restructuration du commissariat de Béziers, les sites d'Épinay-sur-Seine, Écully, Épernay, Pau, Périgueux, Rodez, Saint-André… Bref, chacun aura compris que nous mettons beaucoup d'argent dans cette Lopmi pour construire et rénover les commissariats.
Je pourrais lire jusqu'au bout cette liste de deux pages, mais je m'en abstiendrai, sous peine de paraître trop long à Mme la présidente.
J'en viens à la question posée au sujet des commissariats des circonscriptions de police plus modestes par M. Ménagé, qui mentionnait la ville de Montargis. Tout d'abord, je ne crois pas que le Loiret soit particulièrement concerné par les problèmes d'effectifs ; au contraire, il a vu ses effectifs augmenter largement.
Je confie les effectifs au directeur départemental de la sécurité publique, qui les répartit par commissariat. Vous comprendrez que je n'arbitre pas cette répartition au policier près dans chaque circonscription. Il est possible que la répartition soit inégale, je veux bien consulter à ce sujet votre directeur départemental, mais cela relève de ses fonctions : si le ministre de l'intérieur se mêlait de tous les effectifs dans chaque commissariat, on ne s'en sortirait pas.
Par ailleurs, vous avez raison, il existe un problème de départs et d'entrées. J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer que le ministre de l'intérieur ne peut affecter dans les circonscriptions de police que les agents sortis d'école. Une fois que les policiers sont sortis d'école, le ministre ne peut qu'ouvrir des postes et espérer qu'ils feront l'objet de candidatures. Lorsque ce n'est pas le cas, ces postes, comme nous le constatons ensemble, sont prévus dans le budget, mais non pourvus.
C'est pourquoi j'ai proposé une importante réforme de la police nationale. Je prendrai un décret d'ici à la fin de l'année – après les élections professionnelles, afin de pouvoir en parler avec les représentants que les organisations syndicales éliront début décembre – afin d'interdire un maximum de départs, partout en France. Ce n'est pas le modèle de la préfecture de police, qui veut que les agents restent en poste pour un nombre d'années déterminé. Au contraire, je pars du principe qu'on ne peut pas autoriser, par exemple dans votre commissariat de Montargis, plus d'une certaine proportion de départs – de l'ordre de 1 à 3 % ; cette proportion pourrait être calculée par poste profilé, car elle dépend en grande partie des effectifs. Je décréterai de même qu'il sera impossible d'augmenter cette proportion de départs compensables par la nomination d'agents sortis d'école de police, à moins d'avoir la certitude que les départs supplémentaires seront remplacés.
Cela réglera en profondeur les difficultés que j'ai connues dans mon propre commissariat, à Tourcoing, lorsque les départs se révélaient plus nombreux que les arrivées annoncées. Il s'agit d'une évolution réglementaire très importante, qui touchera tous les commissariats. Je remercie les organisations syndicales de l'avoir acceptée, car, bien sûr, les policiers tiennent souvent à partir pour retrouver leur famille ou pour rejoindre une circonscription plus agréable.
Loin de moi l'idée de dire que Montargis n'est pas agréable, mais on peut juger que Biarritz ou Saint-Malo le sont davantage. Ou Tourcoing, pourquoi pas ! En tout cas, je pense avoir répondu en partie à votre question.
Les gendarmes sont des militaires, ils vont donc là où on les affecte. C'est le statut militaire qui s'applique.
Je suis très bien renseigné, je vous assure que les gendarmes vont là où on leur demande d'aller.
S'il vous manque des gendarmes, n'hésitez pas à m'en faire part : en quelques jours, cela sera réglé.
Dans ce cas, je ne manquerai pas de vous écrire. J'espère que vous me répondrez !
Je réponds à tout le monde, comme vos collègues pourront en témoigner.
Votre troisième remarque, monsieur Ménagé, concerne un problème de dépôt de plaintes : vous signalez que les effectifs, autrement occupés, ne sont pas disponibles pour cela. C'est justement l'objet de la loi ! J'espère donc que vous voterez les dispositifs de plainte en visio, de plainte en ligne et d'assistants d'enquête. Car sans assistants d'enquête, il sera impossible de libérer comme vous le souhaitez le temps des policiers. Tâchons d'être cohérents.
Monsieur Iordanoff, on peut certes débattre de la pertinence d'une politique migratoire coercitive, de l'opportunité de construire des places de CRA : je ne souscris pas à votre démonstration, mais je la comprends. Toutefois, je ne peux pas écouter sans réagir les deux inexactitudes que contient votre intervention.
Premièrement, vous avez affirmé que nous laissions les étrangers en CRA sans espoir de libération, même lorsqu'il était impossible de les éloigner. Quand bien même ce serait là notre volonté, sachez que cette décision relève du juge des libertés et de la détention (JLD), qui intervient autant que nécessaire. En effet, il lui arrive de demander au ministère de l'intérieur de libérer des personnes retenues en CRA, car il considère que nous ne sommes pas suffisamment certains de pouvoir les expulser. Mais l'évaluation de cette certitude n'est pas gravée dans le marbre : par exemple, la reprise de relations diplomatiques avec un pays peut conduire à une évolution importante de la situation en l'espace de quelques mois. Tel a été le cas avec les États du Maghreb. Nous parvenons à nouveau à expulser des personnes vers leur pays d'origine, et le juge des libertés et de la détention ne nous adresse quasiment plus de demandes de libération.
Pourquoi graver dans le droit, dans le marbre, une situation évolutive et toujours soumise au contrôle du juge ? Je le dis clairement pour ceux qui écoutent nos débats : non, les préfets, le ministre de l'intérieur n'enferment pas les gens sans aucun contrôle de la justice. Bien évidemment, le juge des libertés et de la détention a le pouvoir d'intervenir et de revenir sur des décisions administratives.
Deuxièmement, vous avez soutenu que la France est le pays d'Europe qui pratique le plus la rétention en CRA. C'est tout à fait faux. Malheureusement, la durée de rétention en France est l'une des plus courtes : elle est bien plus longue en Grèce, par exemple. En outre, à deux exceptions près, nos CRA ne disposent pas de suffisamment de places. Mais je crois que nous aurons l'occasion de poursuivre ce débat lors de la loi relative à l'immigration et je ne voudrais pas, en allant trop vite, vous priver du plaisir qui vous attend avec ce texte.
Avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
De très nombreux députés souhaitent s'exprimer sur ces amendements en discussion commune. Je donnerai la parole à un orateur par groupe au maximum.
La parole est à Mme Élisa Martin.
Si j'ai bien compris, ce sera, ce soir et les jours prochains, la fête à la surenchère. Non seulement la surenchère financière – 15 milliards, ce n'est pas assez, il faut penser à l'inflation, etc. –, mais aussi la surenchère sécuritaire, que traduisent bien vos demandes d'augmentation des places en CRA. Il faut quand même qu'on se le dise, toute démagogie mise de côté : l'enfermement ne résout rien, ne sert à rien.
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Le refus d'accueillir dignement les étrangers sur notre sol, outre les condamnations pour non-respect des droits de l'homme qu'il nous vaut de la part de nombreuses institutions, crée davantage de problèmes qu'il n'en résout.
On empêche par exemple les enfants ou les jeunes gens étrangers d'aller à l'école.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Cela a-t-il du sens de les priver du droit à l'éducation au prétexte qu'on ne sait déterminer s'ils sont majeurs, et de les soumettre pour cela à une radiographie des os du poignet, ou que sais-je encore ?
De la même manière, les murs les plus hauts, les bracelets électroniques les plus performants, quand bien même ils permettraient de traquer leur porteur sur une distance infinie, ne résoudront jamais les problèmes qui poussent les personnes à franchir la frontière. Je les ai nommés tout à l'heure : c'est la misère et le dérèglement climatique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
C'est à ces problèmes qu'il faut s'attaquer, sans quoi nous ne nous en sortirons pas.
Allusion a été faite aux polices municipales. Nous en reparlerons lors des débats sur le continuum de sécurité, mais pour l'instant, je rappellerai simplement une petite chose : en France, la libre administration des collectivités existe. De surcroît, les maires et les élus dans leur ensemble ont bien compris que cette histoire de continuum de sécurité ne signifiait pas que les services de l'État allaient coopérer avec eux, mais qu'ils allaient prendre le contrôle de leurs moyens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez raison, monsieur le ministre, nous aurons – à regret, du reste – des discussions sur l'immigration dans les mois à venir.
Mais, en acceptant l'amendement de M. Ciotti sur le doublement des places en CRA, vous ouvrez le débat de la plus mauvaise des manières, en donnant corps en quelque sorte aux fantasmes sécuritaires. Qu'une telle mesure corresponde à une réalité ou qu'elle soit efficace, on s'en fiche, dès lors qu'elle renvoie à une réalité fantasmée et à un slogan hyperdroitier. Or, en la matière, aucune politique n'est évaluée.
Ce faisant, vous tentez d'accréditer également l'idée – qui a cours depuis quelques années, et singulièrement ces derniers temps – selon laquelle l'immigré serait un délinquant.
On sait, du reste, que la prochaine niche parlementaire des Républicains fera une place importante à ce rapprochement entre délinquance et immigration.
Je veux néanmoins rappeler que, dans les centres de rétention administrative, sont toujours enfermés des enfants avec leur famille ; des demandeurs d'asile qui pourraient, à ce titre, bénéficier d'une protection mais qui, à cause de la procédure « Dublin », ne peuvent pas déposer leur demande en France ; des personnes qui ne relèvent pas du droit d'asile, mais fuient tout de même un conflit – je pense, par exemple, à des Afghans qu'il était impossible de renvoyer dans leur pays alors que les talibans reprenaient le pouvoir.
Les centres de rétention sont, dans bien des cas, des prisons qui ne disent pas leur nom.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je soutiens l'amendement de M. Houssin, qui vise à augmenter le budget consacré à la lutte contre les risques psychosociaux.
De fait, monsieur le rapporteur, on ne peut pas se satisfaire des moyens actuellement alloués à cette lutte : le nombre des suicides, qui ne cesse d'augmenter jour après jour, démontre leur inefficacité. Deux policiers ont encore récemment mis fin à leurs jours, et il est à craindre, hélas ! que, pendant que nous discutons ici des mesurettes du ministère de l'intérieur, d'autres ne se suicident.
L'augmentation de 500 000 euros sur un an du budget alloué à la lutte contre les risques psychosociaux nous paraît tout à fait acceptable. Ces crédits supplémentaires permettraient de mettre en œuvre d'autres moyens que ceux qui existent actuellement – j'en ai parlé à maintes reprises en commission des lois et en séance publique. Il est temps d'agir efficacement pour arrêter le compteur qui, chaque jour, recense de nouveaux membres des forces de l'ordre qui mettent fin à leurs jours.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
S'agissant de mon amendement n° 429 , qui vise à abonder les investissements immobiliers, j'ai pris bonne note de votre réponse, monsieur le ministre, notamment du fait que le commissariat de Nice bénéficierait de 200 millions. Nous attendions ce financement depuis longtemps, puisqu'il avait été annoncé il y a cinq ans par votre prédécesseur, monsieur Collomb – lequel tient, du reste, des propos très justes et pertinents actuellement.
Sourires.
Le Président de la République est d'ailleurs venu à Nice poser la première pierre de ce commissariat au mois de janvier, peu de temps avant l'élection présidentielle, alors que le permis de construire n'avait pas encore été délivré ! Cette première pierre était donc illégale. Mais l'important est que ce commissariat voie le jour le plus rapidement possible.
Quant à mon amendement n° 430 , qui a trait aux CRA, je note là encore votre réponse. L'important est en effet qu'il y ait davantage de places dans ces centres. À cet égard, l'argumentation de nos collègues Insoumis est en total décalage avec la réalité. Il convient en effet de faire respecter les lois de la République et d'expulser ceux qui n'ont aucun droit ni titre pour s'installer durablement sur le territoire de la République, a fortiori lorsqu'ils y commettent des crimes ou des délits. Or les centres de rétention sont le seul moyen efficace d'obtenir un taux d'exécution des éloignements qui corresponde au simple respect de la loi.
Puisque vous avez annoncé que vous en feriez votre affaire et que vous créeriez des places supplémentaires dans les CRA, je retirerai cet amendement. Nous avons besoin de ces places ; il est urgent de les créer maintenant.
Depuis le début de la soirée, notre discussion illustre les raisons pour lesquelles ce projet de loi existe : il doit permettre à M. Darmanin de commencer sa campagne des primaires en vue de 2027.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous assistons ainsi à des meetings à répétition, dont nous pouvons déjà, à cette heure tardive, tirer quelques enseignements utiles. Comme vous avez fait beaucoup de politique, monsieur le ministre, je vais en faire un peu à mon tour.
Je ne reviens pas sur les arguments de fond de Mme Faucillon concernant les CRA, que je partage. Nous aurons, hélas ! lors de l'examen du projet de loi sur l'immigration, l'occasion de vous rappeler un certain nombre de vérités humaines et statistiques implacables ; nous verrons alors de quel côté se trouve la vérité.
Votre suivisme, dans ce domaine, est assez inquiétant. Aussi ai-je une pensée pour l'introuvable aile gauche de la Macronie, qui voit siéger ce soir au banc du Gouvernement l'ancienne porte-parole de François Fillon et l'ancien directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, lesquels suivent Éric Ciotti sur la politique migratoire. Le progressisme et l'humanisme qu'on nous promettait sont bien loin !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Elle est là aussi, la gauche : le rapporteur et le président de la commission étaient au PS !
Je ne peux pas laisser nos collègues du Rassemblement national affirmer que le ministre de l'intérieur et ses services ne font rien en matière de prévention du suicide au sein des forces de police et de gendarmerie. Tout d'abord, lors du Beauvau de la sécurité, une table ronde était consacrée à cette problématique.
Ensuite, vous savez très bien, mes chers collègues, que ce ne sont pas 500 000 euros qui feront la différence. Le suicide doit en effet être pris en compte dans la ligne managériale : il s'agit d'être attentif à l'ensemble des situations que peuvent vivre les agents et, surtout, de les traiter comme des hommes et non comme des machines – c'est vrai pour tous les métiers. Ce dossier a été ouvert par Gérald Darmanin et je tiens à l'en féliciter publiquement, car peu de ministres de l'intérieur ont osé s'en saisir.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
L'amendement n° 430 est retiré.
Je veux dire à M. Lucas qu'il se trompe : nous sommes à parité. N'oubliez pas, en effet, que Sacha Houlié et moi-même, qui siégeons sur les bancs des commissions, avons été membres de la même formation politique – je le dis avec beaucoup d'émotion, mais je n'ai aucun regret de l'avoir quittée.
Je sais. Je connais bien M. Houlié et j'ai une pensée affectueuse pour lui. Je lui témoigne ma solidarité !
Monsieur Baubry, comprenons-nous bien. Je n'ai pas dit que le programme de mobilisation pour le suicide, le PMS, auquel est alloué 1 million par an, était le solde de tout compte de l'engagement du ministère, en particulier du ministre lui-même, dans la lutte contre les risques psychosociaux et le suicide. J'ai simplement indiqué – je reprends là les termes de M. Jolivet – que cette question devait être traitée dans le cadre d'une politique d'ensemble.
Du reste, le rapport annexé n'est pas du tout muet sur ce point, au contraire. Y sont ainsi très explicitement mentionnées la nécessité de mieux accompagner nos policiers et nos gendarmes – à l'alinéa 418 –, l'indispensable refonte globale de la politique managériale, ou l'action sociale. Le rapport, que je vous invite à relire, comporte toute une série d'éléments qui participent à la lutte contre les suicides au sein des forces de l'ordre ainsi qu'à l'amélioration de leur accompagnement et, nous l'espérons, de leurs conditions de travail.
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 146
Nombre de suffrages exprimés 138
Majorité absolue 70
Pour l'adoption 41
Contre 97
L'amendement n° 335 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 140
Majorité absolue 71
Pour l'adoption 47
Contre 93
L'amendement n° 651 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1047 n'est pas adopté.
Cet amendement d'appel a pour objet d'interpeller le Gouvernement sur la situation des automobilistes, contre lesquels le projet de loi prévoit de renforcer les dispositifs coercitifs.
Nous souhaitons discuter de cette coercition dans la mesure où le Gouvernement porte, depuis 2018, le stigmate de la crise des gilets jaunes. La limitation de la vitesse à 80 km/h et la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) avaient étranglé les automobilistes. Nous entendons les défendre.
Monsieur le ministre, lors de la campagne des législatives, vous aviez annoncé, de façon tout à fait électoraliste, que vous souhaitiez qu'ils bénéficient d'un droit à l'erreur pour les petits excès de vitesse. Cela n'a pas fonctionné, puisque vous avez une majorité relative. Néanmoins, nous attendons des actes. Nous souhaiterions que la coercition s'inverse.
Considérant que les grandes tensions sociales à l'œuvre dans le pays sont largement liées aux mobilités, nous attendons du Gouvernement, même si la sécurité est importante, qu'il allège les sanctions qu'encourent les automobilistes. C'est la France qui travaille ! Lorsque vous parcourez 40 000 kilomètres par an, 100 kilomètres par jour, vous avez forcément des moments de relâchement, et il est très désagréable de vous faire flasher pour un excès de vitesse de 1 km/h.
Par cet amendement, nous souhaitons donc ouvrir un débat sur la situation des automobilistes afin qu'on leur lâche la bride, notamment dans les zones rurales.
Notre France qui travaille a besoin de gestes magnanimes du Gouvernement dans un domaine qui le justifie, à l'inverse des fraudes sociales et fiscales constatées dans les grandes villes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur l'amendement n° 36 et sur l'article 2, je suis saisie respectivement par le groupe Rassemblement national et par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je vous propose, mes chers collègues, de dépasser l'horaire réglementaire de quelques minutes afin de lever la séance après le vote sur l'article 2.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 1225 ?
J'habite dans un village qui compte 602 habitants et se situe à une heure et demie de Bordeaux. Je comprends donc très bien ce que vous voulez dire.
Vous ne demandez pas un assouplissement, mais la suppression pure et simple du programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière, la disparition complète de tous les dispositifs de sécurisation routière en France. Ça n'est pas raisonnable du tout. Je vous rappelle que 89 % des recettes des fameux radars – car il s'agit d'un amendement antiradars –…
…sont attribuées à la sécurité routière. L'avis de la commission est donc défavorable.
Monsieur Meurin, il ne s'agit pas de promesses électoralistes, et cela n'a rien à voir avec la majorité relative, puisque la réforme du permis de conduire relève du niveau réglementaire. Je peux donc la faire sans majorité et donc sans vous, toutefois je suis très heureux d'en discuter avec vous. Je vous confirme que nous préparons cette réforme qui consiste, en quelque sorte, à faire l'inverse de ce que vous proposez : pour nous, en effet, les petits excès de vitesse ne doivent plus donner lieu à un retrait de point…
…mais nous maintenons l'amende, puisqu'il faut tout de même lutter contre l'insécurité routière, à moins que, comme vous le proposez, on décide que l'on peut rouler n'importe où, n'importe comment et dans n'importe quelles conditions. Sinon, il faut bien trouver des sanctions.
Vous, vous supprimez l'amende, mais vous gardez le retrait de points. Nous pensons qu'il faut faire l'inverse.
Votre amendement n'est pas simplement antiradars ; il est anti-bon sens !
Ensuite, en supprimant le programme Structures et dispositifs de sécurité routière, vous ne supprimez pas les radars, vous empêchez de redistribuer l'argent versé, dont je rappelle qu'il finance non seulement la délégation à la sécurité routière, à laquelle 36,8 % de la somme des amendes issues du contrôle automatisé sont versées, mais aussi l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) dont vous avez récemment débattu, qui reçoit 31,8 % de cette somme, et les collectivités locales, qui reçoivent 16,8 %, soit 145 millions d'euros. Ainsi, contrairement à ce que vous dites, cet argent ne va pas ailleurs dans les caisses de l'État.
En outre, contrairement à ce que vous avez dit de manière démagogique, je vous rappelle que l'État dépense quatre fois plus pour la sécurité routière qu'il ne reçoit d'amendes issues du contrôle par les radars.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Je souhaite alerter les Français qui se lèvent tôt sur la grande absente du projet de loi Lopmi. Je vous écoute tous, sur tous les bancs : tel un orchestre, vous jouez à l'unisson.
Depuis le début de l'examen de ce projet de loi, nous assistons à un véritable concours Lépine des idées répressives contre les pauvres gens :…
…bracelet électronique pour les OQTF, gazeuse à double canon scié pour les manifs,…
…matraque connectée pour les éco-activistes, port obligatoire de la veste orange dans l'espace public pour les mineurs non accompagnés,…
…amendes industrialisées. On emploie la Panzerdivision contre les fumeurs de haschich, mais le pistolet à eau contre la grande délinquance, et puis finalement un sourire de Macron contre la délinquance financière.
Je pose la question à ceux qui nous regardent : de quelle délinquance les Français sont-ils le plus victimes ?
Quelle est la forme de délinquance qui coûte le plus cher à notre nation ?
Sourires sur divers bancs. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Sourires.
Monsieur le ministre, vous remarquerez que je n'ai pas présenté l'amendement autrement que comme un amendement d'appel. Je suis heureux d'entendre que vous nous promettez de supprimer le retrait de points pour les petits excès de vitesse. Est-ce un engagement clair ?
Mais oui, je l'ai dit, et vous devriez retirer l'amendement.
Quel est le calendrier ? Quand ce retrait de points sera-t-il supprimé ?
L'amendement n° 1225 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 36 .
Nous débattons d'un projet de loi de programmation. L'amendement est relativement simple : si le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) constatait une différence entre ce qui est programmé et ce qui est exécuté, le Gouvernement devrait revenir devant le Parlement, nous présenter cet écart et définir des mesures pour le corriger et revenir aux mesures définies dans cette loi de programmation. En réalité, vous le savez, dans une démocratie comme la France, on doit toujours aller dans le sens d'un meilleur contrôle du Gouvernement et donner ses lettres de noblesse au Parlement.
M. Antoine Léaument applaudit.
Tel est l'objet de cet amendement : permettre au Parlement de contrôler cette loi de programmation. Si ce qui est programmé est exécuté, il n'y aura aucune raison pour que les dispositions énoncées dans l'amendement s'appliquent. En revanche, si le Haut Conseil des finances publiques constate un écart entre ce qui était prévu et ce qui est exécuté, alors le Gouvernement devra le présenter devant cette assemblée.
Vous vous souvenez, monsieur Naegelen, que l'été dernier, dans un enthousiasme majoritaire – hélas ! –, l'Assemblée nationale a repoussé le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021. Or l'objectif d'une loi de règlement est de faire le partage entre les engagements et l'exécution. Monsieur Naegelen, vous êtes donc parfaitement justifié à réclamer qu'un tel partage soit fait, mais c'est justement l'objet de la loi de règlement.
Du reste, le Gouvernement est appelé, dans l'hémicycle et en commission, de façon très régulière, à justifier les dépenses qu'il a engagées et les politiques qu'il mène. Ainsi, nous avons des débats en commission sur chacune des missions. Je ne vois pas l'intérêt d'aller au-delà dans un processus contradictoire, en quelque sorte, qui me semble redondant par rapport à la loi de règlement.
L'avis de la commission est donc défavorable.
Je disais, lors de la discussion générale, que nous serions extrêmement attentifs à l'exécution effective des dispositions prévues par le projet de loi Lopmi.
Monsieur le rapporteur, même si vous l'avez bien sûr compris, je crois que vous ne vous êtes pas saisi de ce que propose M. Naegelen. En effet, il ne propose pas un processus contradictoire qui serait redondant, mais il demande que le Gouvernement justifie des écarts très importants qui pourraient exister entre la programmation et l'exécution. C'est très différent : si ce qui est réalisé par le ministère de l'intérieur est conforme à la programmation, alors le Gouvernement ne reviendra pas devant l'Assemblée.
En revanche, si ce qui était programmé n'est pas réalisé, je crois qu'il est nécessaire que le Gouvernement vienne devant nous expliquer pourquoi la programmation n'a pas été exécutée et pourquoi il a fait des choix différents de ceux qui avaient été votés par notre parlement.
Comme nous sommes par nature favorables au contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement, nous voterons l'amendement n° 36 .
Nous voterons également l'amendement défendu par M. Christophe Naegelen. En effet, nous sommes favorables à étendre le contrôle parlementaire sur la Lopmi. Nous avons discuté ce soir de nombreuses mesures, telles que l'augmentation du budget de tel ou tel secteur. Nous débattons d'une loi de programmation et d'orientation : si, à aucun moment, on ne peut revenir à ce qui a été promis dans la Lopmi,…
…si, à aucun moment, on ne peut contrôler ce qui s'est passé, il n'est pas possible que cette loi de programmation soit appliquée. Vous l'avez dit, monsieur Naegelen : nous ne sommes pas en accord avec cette Lopmi, c'est clair. Néanmoins, nous voulons pouvoir contrôler ce qui est fait,…
…précisément pour pouvoir décider d'étapes différentes dans les années à venir – pardonnez-moi si mon propos manque de clarté, il se fait tard. Nous voterons donc cet amendement.
En revanche, monsieur le ministre, pour que cette disposition soit efficace, il faudrait non seulement que vous nous donniez le tableau de répartition des dépenses dont vous parliez tout à l'heure, mais aussi que vous le donniez au Haut Conseil des finances publiques pour qu'il puisse faire la comparaison. D'une manière générale, si vous voulez que les parlementaires puissent faire leur travail de contrôle du Gouvernement, il faut leur donner les éléments qui leur permettent de vous contrôler.
Je vais vous apprendre quelque chose : le président de la commission des finances appartient à votre formation politique et, pour juger sur pièces, il récupère tous les documents sur les crédits qu'il veut.
Sourires sur tous les bancs. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 155
Nombre de suffrages exprimés 153
Majorité absolue 77
Pour l'adoption 69
Contre 84
L'amendement n° 36 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 157
Nombre de suffrages exprimés 155
Majorité absolue 78
Pour l'adoption 134
Contre 21
L'article 2 est adopté.
Prochaine séance, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ;
Suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 15 novembre 2022 à zéro heure dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra