La commission auditionne le professeur Rémi-Henri Salomon, président de la commission médicale d'établissement centrale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, président de la conférence des présidents de commission médicale d'établissement de centre hospitalier universitaire (CHU) et Mme Floriane Rivière, directrice générale du centre hospitalier régional universitaire de Tours, vice-présidente de la commission « Stratégie » de la conférence des directeurs généraux de CHU.
Notre commission d'enquête consacre une table-ronde à la gouvernance de l'hôpital. Nous accueillons madame Floriane Rivière, directrice générale du centre hospitalier universitaire (CHU) de Tours et vice-présidente de la commission « Stratégie » de la conférence des directeurs généraux de CHU. Dans une demi-heure, nous recevrons également le professeur Rémi-Henri Salomon, président de la commission médicale d'établissement centrale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et président de la conférence des présidents de commission médicale d'établissement (CME) de CHU, qui nous rejoindra après ses consultations à l'hôpital Necker. La conférence nationale des directeurs de centre hospitalier a été conviée mais n'a pu être représentée aujourd'hui, pour des raisons pratiques. Son audition aura lieu dans quelques semaines.
Nous devons répondre à l'inquiétude de nombreux compatriotes quant à la qualité et la rapidité des soins sur l'ensemble du territoire. Il est également impératif de considérer l'angoisse et la fatigue des soignants, qui ont le sentiment de passer de crise en crise. Dans ce contexte, la question de la gouvernance hospitalière a retenu l'attention du législateur à plusieurs reprises au cours des dernières décennies. Il s'agit de déterminer comment organiser les relations entre le corps médical et les gestionnaires de l'hôpital. Trouver un équilibre entre la logique médicale et technique, d'une part, et la logique gestionnaire, d'autre part, représente un exercice complexe. La récurrence des débats sur ce sujet indique probablement que cet équilibre n'a pas encore été atteint.
Je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite à lever la main droite et à dire « Je le jure. »
(Mme Floriane Rivière prête serment.)
Je vous remercie d'entendre par ma voix la conférence des directeurs généraux de CHU. Il est important de conduire ce débat sur ce sujet, afin de pouvoir mener à bien les objectifs consistant à assurer des soins de qualité pour l'ensemble des patients de notre territoire.
En tant que directrice générale d'un CHU, comment envisagez-vous la collaboration entre votre établissement et les hôpitaux de référence de département, plus petits et moins dotés techniquement, ainsi que les hôpitaux secondaires de recours ? Je pense notamment aux médecins qui pourraient venir en renfort et aux internes. Les CHU sont connus pour être de grands « consommateurs d'internes », parfois au détriment des hôpitaux de recours. Quelles sont vos priorités ? Privilégiez-vous le CHU ou plutôt l'égalité territoriale ?
Tout d'abord, il est essentiel de souligner la diversité des établissements de santé, tant en termes de taille que de plateaux techniques (réanimation, blocs opératoires, salles d'intervention, plateaux d'imagerie, etc.). Par définition, les CHU disposent des plateaux techniques de recours les plus avancés par rapport aux autres établissements de la région.
Les liens entre les établissements se construisent donc principalement autour de cette notion de recours. Les CHU assurent les soins les plus complexes et pointus pour l'ensemble de la région. Il est clair que chaque établissement a également sa propre zone de proximité pour des soins plus classiques, tels que les consultations et les activités de proximité, permettant aux patients de se rendre dans leur hôpital local, proche de leur domicile.
Vous avez mentionné les équipes médicales de territoire, une initiative qui se développe de plus en plus depuis plusieurs années. Ces équipes doivent impérativement s'appuyer sur des projets médicaux construits et partagés entre les établissements. Pour qu'une équipe médicale puisse se projeter sur un territoire, elle doit disposer d'un projet cohérent et les liens entre les établissements doivent être solidement établis. Cette structuration permet d'organiser l'accueil des professionnels, de travailler sur l'harmonisation des protocoles et d'assurer une cohérence de fonctionnement en fonction des établissements où les professionnels exercent.
Afin d'approfondir la question des internes et de leur répartition sur le territoire, il est essentiel de considérer plusieurs aspects. En tant que directeur d'établissement, j'estime que les CHU, de manière générale, semblent avoir un nombre d'internes plus élevé. Cependant, les internes ne sont pas uniquement présents pour réaliser de l'activité, si je puis m'exprimer ainsi. Les CHU, en tant qu'établissements hospitalo-universitaires, assurent en grande partie leur formation dans les services agréés, couvrant diverses spécialités.
La répartition des postes d'internes entre les CHU et les établissements territoriaux figure certes au cœur des débats, mais il est crucial de souligner qu'un interne en formation développe également des missions de recherche. En effet, certains internes souhaitent s'orienter vers une carrière au sein des CHU, d'autres vers la médecine générale, d'autres encore vers différentes spécialités du secteur libéral, et d'autres enfin vers des postes de praticiens hospitaliers. De fait, selon les maquettes de formation des différentes spécialités, les stages au sein des CHU sont formateurs et apportent une dimension supplémentaire au parcours de formation. Il n'en demeure pas moins que de nombreuses questions émergent de ces problématiques.
Monsieur le professeur Salomon, avant de vous donner la parole pour un éventuel propos liminaire, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire « Je le jure. »
(M. Rémi-Henri Salomon prête serment.)
Le problème de l'accès aux soins est sans doute le principal défi actuel du système de santé en France. Récemment, le Premier ministre a évoqué le nombre d'étudiants nécessaires pour combler ce déficit. Il est indéniable que nous avons besoin de davantage de médecins. Nous devons également discuter des modes d'exercice, car en moyenne, les médecins travaillent moins longtemps qu'auparavant.
Une question essentielle, souvent négligée, est celle de la formation des médecins dont nous avons besoin et de l'orientation des étudiants vers ces disciplines durant leur cursus. Cette question, bien que fondamentale, est rarement posée en ces termes. Elle implique une analyse des besoins de santé, non seulement au niveau des CHU, mais aussi pour l'ensemble des médecins et des professions de santé, compte tenu des transferts de compétences. Cette première étape d'analyse des besoins, bien qu'entamée, reste insuffisamment réalisée et doit être menée territoire par territoire, car les besoins varient.
Une fois cette analyse effectuée, il est crucial d'orienter les étudiants en conséquence. Lorsqu'ils débutent leurs études de médecine, certains étudiants sont déterminés, mais la majorité ne sait pas encore quelle spécialité choisir. L'enseignement théorique et les stages pratiques jouent donc un rôle déterminant. Enfin, il est essentiel d'assurer une adéquation entre les postes à l'internat et le nombre d'internes par discipline, y compris en médecine générale.
Concernant les professions paramédicales, de nombreux élèves infirmiers n'ont pas une représentation précise du métier lorsqu'ils intègrent les écoles d'infirmiers. Il est donc essentiel de leur montrer, avant même leur inscription, la réalité du travail à l'hôpital. Il est également impératif de renforcer les liens entre l'éducation nationale et le secteur de la santé. De nombreux métiers, tels que technicien de laboratoire, préparateur en pharmacie ou manipulateur radio, manquent dans nos hôpitaux, mais ils sont méconnus des lycéens. Nous devons donc intensifier nos efforts pour faire connaître ces métiers, souvent négligés dans les discussions.
Je considère que le principal problème de santé en France aujourd'hui, en raison de son ampleur et de sa dynamique, concerne la santé mentale des jeunes. Par conséquent, il est impératif de mettre en place une véritable politique de prévention et de prise en charge. Nous avons récemment organisé les assises de la pédiatrie, mais il est nécessaire de prendre des mesures concrètes et ambitieuses. Ici aussi, il est également essentiel que le monde de l'éducation nationale soit impliqué. On ne peut pas, d'une part, affirmer que la santé mentale des jeunes est une priorité nationale et, d'autre part, laisser la santé scolaire se détériorer comme c'est le cas actuellement.
Madame Rivière, vous avez indiqué que les internes ne sont pas uniquement présents pour leur formation. En effet, lorsqu'ils sont affectés dans des hôpitaux autres que les CHU, ils poursuivent également leurs études. Un médecin me confiait ainsi : « Envoyez-nous des internes, nous serons en mesure de les retenir dans l'hôpital où ils viennent. » Je souligne cet aspect, car les hôpitaux situés en zones rurales ont un besoin important d'internes.
Professeur Salomon, vous avez évoqué la réflexion sur les besoins en médecins. J'ai posé cette question à la directrice générale de l'offre de soins précédemment, et je souhaite avoir votre avis. Bien que les universités jouissent d'une certaine autonomie, ne serait-il pas pertinent de collaborer avec elles pour établir des quotas minimaux, garantissant chaque année la formation de jeunes étudiants par spécialité, en fonction des besoins territoriaux identifiés ?
Chaque agence régionale de santé (ARS) définit le nombre d'internes dans chaque discipline. Il serait pertinent de consulter les doyens, les directeurs d'agence régionale de santé et les groupements hospitaliers de territoire (GHT). Selon moi, cette première étape d'analyse des besoins, suivie de l'ajustement du nombre d'internes en fonction de ces besoins, est très imparfaite. Il est donc nécessaire d'aller plus loin dans ce processus.
Il n'est pas aisé de retenir les médecins dans les zones rurales ou certaines zones périurbaines peu attractives. Les études de médecine sont longues, et beaucoup de jeunes y renoncent en raison de leur durée et des contraintes financières, surtout lorsqu'ils proviennent de milieux sociaux modestes. Bien qu'il existe des bourses, il faudrait aller plus loin pour deux raisons. Premièrement, lorsqu'on a grandi dans un endroit, on est, selon moi, plus enclin à y rester et à y exercer. Deuxièmement, les maladies ont de nombreux déterminants sociaux. Il serait intéressant de favoriser une plus grande mixité sociale au sein du corps médical.
Si nous encouragions les jeunes des banlieues et des zones rurales, qui renoncent non pas par manque de compétences, mais pour des raisons financières, à poursuivre des études de médecine, et si nous les accompagnions financièrement davantage, ce serait bénéfique. De fait, de nombreux bons élèves se dirigent vers des études d'infirmiers, faute de moyens.
S'agissant des internes et du territoire, il existe un enjeu majeur de fidélisation des professionnels dans divers types d'activités, en CHU, en établissement intermédiaire ou en établissement situé dans une zone plus rurale. Ces derniers sont généralement des établissements avec des activités mixtes, hospitalières et libérales. Ce que vous mentionnez relève aujourd'hui de ce que l'on appelle « l'universitarisation » des territoires.
Historiquement, le CHU était effectivement le principal pourvoyeur de postes d'internes, et ces derniers réalisaient la plupart de leur activité au sein de ces structures. Cependant, il est crucial de renforcer les lieux de stage et de stabiliser les équipes en dehors des CHU. L'enjeu consiste ici à dimensionner ces équipes de manière adéquate pour qu'elles puissent devenir des lieux formateurs pour les internes. Comme le soulignait le professeur Salomon, il est nécessaire de mettre en place un travail de fidélisation de ces jeunes professionnels dans ces lieux d'exercice, où la démographie médicale nécessite un renforcement significatif.
Vous évoquiez, professeur Salomon, l'imperfection du système actuel et la nécessité d'interroger d'autres experts sur les failles de la médecine. L'objectif de la présente commission d'enquête est précisément d'identifier des solutions aux problèmes existants. Selon vous, en quoi le système est-il imparfait et quelles seraient les mesures nécessaires pour l'améliorer ?
Je suis quelque peu embarrassé de vous le dire, car je ne dispose pas d'une connaissance approfondie du processus. Je vous invite donc à interroger Emmanuel Touzé, le président de l'Office national de la démographie des professions de santé (ONDPS), qui connaît bien le sujet. Par exemple, concernant les besoins en professionnels de santé, l'évolution de la population française, qui vieillit, pose problème. Nous recevons de plus en plus de personnes âgées souffrant de polypathologies. Or dans nos CHU, nous avons formé essentiellement des spécialistes d'organes. Cette organisation de la formation, valable il y a cinquante ans et encore pertinente il y a trente ans, l'est beaucoup moins aujourd'hui.
Nous avons besoin de médecins plus polyvalents. La médecine interne, par essence, traite de polypathologies, tout comme la médecine générale. Au CHU, nous avons longtemps établi une sorte d'échelle de valeur entre les spécialités d'organes et la médecine générale. Nous passions le concours de l'internat pour suivre ensuite une spécialité d'organes. Ceux qui échouaient se tournaient alors vers la médecine générale. Aujourd'hui, les choses évoluent. Les étudiants, même les plus brillants, peuvent choisir la médecine générale, une discipline tout à fait passionnante. Cependant, ces deux mondes, celui de la médecine générale et celui des spécialités d'organes, se tournent encore un peu le dos.
En France, dans le domaine de la santé, nous ne savons pas bien créer des liens entre les équipes, entre l'hôpital et la ville, entre la ville et le médico-social. En tant que pédiatre, je constate également un manque de coordination entre la médecine scolaire, la protection maternelle et infantile (PMI) et les autres structures. Pourtant, les patients, notamment les enfants, passent de l'un à l'autre.
Il est donc nécessaire de trouver une manière de favoriser les liens entre les différentes équipes de santé. Il ne s'agit pas seulement de le dire, mais de réfléchir également à un cadre statutaire qui permettrait de le faire, ainsi qu'à des modes de rémunération adaptés. En procédant ainsi, nous répondrions également à l'aspiration de nombreuses jeunes générations qui, aujourd'hui, souhaitent diversifier leurs activités. Cette demande ne concerne pas uniquement le domaine de la santé ; de manière générale, les jeunes ne se voient pas effectuer la même tâche au même endroit, tout le temps.
Je défends l'idée d'un service public de la santé qui ne se limiterait pas à l'hôpital, mais inclurait également la ville. Cela permettrait de créer des liens entre les différentes équipes. Je sais, par mes discussions avec les responsables de la médecine générale, que de nombreux médecins généralistes aspirent à travailler en équipes pluriprofessionnelles et sont intéressés par le mode salarié. Souvent, les médecins généralistes en ville se plaignent du poids de la bureaucratie et des procédures administratives. Être salarié dans une structure où ils auraient des horaires fixes et seraient déchargés des tâches administratives représente une perspective qui les intéresse.
Je propose donc un cadre statutaire qui serait une sorte de fonction publique de la santé, englobant à la fois la ville et l'hôpital. Lors des assises de la pédiatrie, nous avons proposé de revaloriser la médecine scolaire en augmentant le nombre de professionnels et le temps médical et paramédical. Une des propositions visait à permettre à des médecins libéraux d'intervenir dans les écoles. Il est à ce titre essentiel de favoriser l'intégration des médecins scolaires dans les équipes pédagogiques, pour mener une prévention efficace en matière de santé mentale des jeunes. Les enseignants rencontrent également des difficultés lorsqu'ils doivent gérer dans leur classe quatre ou cinq adolescents ayant un projet d'accueil individualisé (PAI) en raison de phobies scolaires, entre autres. Il s'agit donc de conduire un véritable travail d'équipe et de collaboration.
Par ailleurs, dans les services de pédiatrie, nous constatons un nombre considérable de jeunes hospitalisés après une tentative de suicide. Il n'est pas rare qu'un tiers, voire la moitié des lits d'un service de pédiatrie générale soient occupés par ces jeunes.
Le professeur Angèle Consoli, pédopsychiatre, m'a confié que ces jeunes ne vont pas bien depuis des mois avant de passer à l'acte. Or, même lorsque le problème est identifié, les délais pour obtenir un rendez-vous dans les centres médico-psychopédagogiques (CMPP) à Paris peuvent atteindre un an, voire plus. Il est donc nécessaire de reconstruire ce système. Je tiens à souligner que j'ai été le premier à tendre la main à la médecine générale pour aborder ces questions. Il y a deux ans, nous avons d'ailleurs eu des échanges très fructueux avec les représentants de la médecine générale et hospitalière.
Cependant, certains sujets ont émergé entre-temps et ont malheureusement perturbé ces discussions, notamment en raison de la quatrième année de l'internat de médecine générale. Les internes ont exprimé leur refus d'être envoyés dans les déserts médicaux simplement pour combler les manques. Ils ont raison, car cette approche est inefficace, à moins d'être accompagnée d'un encadrement par un médecin senior. Les internes ont ainsi demandé un semestre libre dans leur quatrième année, ce qui a conduit à une révision de la maquette de l'internat en médecine générale. Nous avons alors réduit la formation en pédiatrie et en santé de la femme de six mois à trois mois. Cette décision a suscité de nombreuses réactions, notamment de la part de nombreux chefs de service de pédiatrie, qui n'ont pas été consultés sur ce point. Les pédiatres hospitaliers affirment que trois mois ne suffisent pas pour réaliser un stage efficace, avis d'ailleurs partagé par les internes ayant effectué ces stages.
La formation des futurs médecins généralistes, notamment en pédiatrie, est actuellement compromise. De nombreux services de pédiatrie peinent à maintenir leur ligne de garde, essentielle pour la permanence des soins. Les professionnels s'épuisent, particulièrement lors d'épidémies comme celle survenue il y a un an et demi. À cette époque, quelques pédiatres et moi-même avions alerté le Président de la République sur la situation critique de la pédiatrie hospitalière. De fait, je suis extrêmement préoccupé par l'impact potentiel de cette réforme. Si les stages sont réduits à trois mois, cela affaiblira encore davantage les lignes de garde dans ces services, avec des conséquences graves. Les maternités rencontrent d'ailleurs des difficultés similaires pour maintenir des obstétriciens et des sages-femmes dans les salles de naissance.
L'équilibre entre vie professionnelle et vie privée a évolué, particulièrement ces quatre dernières années. Nous ne savons pas comment attirer et retenir des professionnels dans les services de pédiatrie et de maternité, pour assurer un fonctionnement continu vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an. D'autres disciplines, comme la psychiatrie, connaissent également une forte tension.
Sur la question des filières, le professeur Salomon a abordé le lien entre les CHU et les établissements régionaux. Ces filières s'inscrivent dans une logique de gradation des soins et de « parcours patient » entre différents établissements.
L'objectif consiste à faire en sorte que, quel que soit le point d'entrée du patient, la qualité des soins reste constante. Ainsi, après un acte chirurgical complexe réalisé au CHU, le patient peut, à sa demande, être hospitalisé dans un établissement plus proche de son domicile pour la suite de sa prise en charge. Ce travail collaboratif entre les établissements et l'animation des territoires par les CHU vise à assurer une cohérence dans les prises en charge et à mailler le territoire en fonction des différentes spécialités. Cela s'applique autant au vieillissement qu'à la pédiatrie, et à toutes les filières de soins.
Professeur Salomon, vous avez évoqué les difficultés liées à l'analyse des besoins. Quels outils proposez-vous, en sachant que ces outils varient selon les territoires ? Dans mon territoire, la fermeture de la maternité est envisagée en raison d'une baisse démographique et d'un nombre réduit d'accouchements. Toutefois, fermer la maternité pourrait dissuader les jeunes couples de s'installer, perpétuant ainsi ce cercle vicieux.
Que pensez-vous de l'idée d'imposer l'installation des médecins, à l'instar de ce qui est fait pour les enseignants ? Existe-t-il des moyens de les inciter fortement ou de rendre certaines zones plus attractives ? Par ailleurs, que pensez-vous de l'instauration de ratios maximaux de patients par soignant ?
Madame Rivière, vous avez mentionné les hôpitaux de proximité, mais ceux-ci ne sont plus des hôpitaux de plein exercice, puisqu'il manque des services essentiels tels que les urgences ou la maternité. Comment définissez-vous un hôpital de proximité ?
J'aimerais aborder le rôle du directeur d'hôpital dans le contexte actuel de crise d'accès aux soins. Il est essentiel de redéfinir cette fonction pour surmonter l'inertie et les difficultés d'action que nous rencontrons. Quels sont précisément la place du directeur d'hôpital et son rôle ? Le président du conseil de surveillance ou la direction de l'ARS sont d'un point de vue statutaire les supérieurs directs du directeur d'hôpital. À quel niveau ce dernier doit-il rendre des comptes dans son travail ?
Par ailleurs, j'aimerais évoquer les établissements multisites, notamment les centres hospitaliers régionaux universitaires (CHRU). Ne pensez-vous pas que ces établissements devraient être gérés sous l'égide des régions afin d'adopter une vision plus globale du territoire et de son aménagement ? Plus généralement, la santé hospitalière ne devrait-elle pas progressivement devenir une compétence régionale ?
Professeur Salomon, en tant que médecin généraliste, je suis agréablement surpris par vos remarques liminaires. Êtes-vous véritablement représentatif du milieu hospitalier ? A-t-il réellement évolué comme vous le suggérez ?
La pratique de la médecine est marquée par l'hyperspécialisation et la hiérarchie. La transversalité constitue-t-elle vraiment une attente, une demande des professionnels, ou chacun reste-t-il dans son domaine, y compris en ce qui concerne les relations avec l'administration ?
L'ouverture que vous préconisez inclut-elle l'adhésion aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et la coopération ville-hôpital ? Les médecins hospitaliers et le corps médical hospitalier se sont-ils approprié ces concepts ? Par ailleurs, la question de l'élargissement du vivier de recrutement est-elle partagée dans les différents milieux ? Quelle est l'importance des disciplines humanistes dans ce contexte ? Enfin, la question de l'accès aux soins est-elle une préoccupation partagée par tous ?
Votre étonnement ne me surprend pas. Le professeur Robert Debré, créateur des centres hospitaliers universitaires à la fin des années soixante, déclarait, à la fin de sa vie, devant un auditoire de professionnels de la santé publique : « Je n'ai pas eu le temps de réaliser la dernière étape de ma réforme, celle de la santé publique. Il faut ouvrir l'hôpital sur la ville. » Soixante ans plus tard, Robert Debré n'a toujours pas été suivi. Nous accusons un retard en France dans le domaine de la santé publique, y compris dans la recherche. Par exemple, les médecins généralistes effectuent très peu de recherches en soins primaires en France. D'autres pays le font bien mieux que nous. Nous aurions grand intérêt à nous y atteler. Dans de nombreux domaines de recherche, le CHU n'a pas à rougir. Nous pratiquons une médecine de pointe, des innovations que le monde entier nous envie. Cependant, dans le champ de la santé publique, nous sommes en retard, notamment en recherche en soins primaires.
Ensuite, les sciences humaines et sociales sont plus présentes dans les études médicales qu'auparavant, mais cela reste insuffisant. Vous avez par ailleurs raison de pointer la nécessité de favoriser la transversalité, même si des progrès sont perceptibles.
Vous me demandez si je suis représentatif : je l'ignore. Cependant, je suis convaincu que mon discours ne tombe pas à plat. Mon objectif consiste à inciter les gens à réfléchir sur ces sujets. Nous sommes, selon moi, les champions du monde de la division dans le domaine de la santé ; les lignes de fracture sont omniprésentes, même au sein des hôpitaux. Au-delà de la fracture entre l'administration et le corps médical, les divisions existent aussi entre les services, entre la médecine de ville et la médecine hospitalière, entre les jeunes et les anciens.
Dans ce cadre, il est nécessaire de briser les barrières et de favoriser la collaboration entre les équipes. Cela répond aux besoins de santé de la population. Les jeunes qui intègrent cette profession, dans leur grande majorité, cherchent à donner du sens à leur métier. Il est tout à fait possible de les intéresser et de les motiver, ce qui implique de sortir de nos querelles de clocher. Cette réflexion s'applique également à la médecine de ville.
Je regrette les tensions récentes avec les responsables de la médecine générale, notamment concernant la possibilité pour un interne de médecine générale de réaliser son stage à l'hôpital. Il existe parfois des incompréhensions, mais beaucoup de personnes souhaitent réfléchir de manière saine et juste. Je constate d'ailleurs que les CPTS se mettent en place progressivement. Il existe également d'autres modèles, comme les maisons de santé ou les centres de santé qui peuvent s'affilier par convention. Par exemple, des CHU ont ouvert des centres de santé à Marseille.
Aux États-Unis, le modèle est différent, puisque les assurances gèrent l'ensemble de la filière. Le patient ne change pas de structure au cours de son parcours et les professionnels de santé sont placés sous l'égide d'une même organisation. Nous pourrions envisager de tisser des liens similaires, sans opposer un service public doté de médecins salariés au secteur libéral.
Aujourd'hui, les directeurs d'établissement s'investissent pleinement dans ce domaine. Chaque territoire présentant des dynamiques et des problématiques spécifiques, un travail important est réalisé pour fluidifier les relations entre les acteurs, dont les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les acteurs du médico-social. L'ensemble des acteurs de la santé publics, privés, sanitaires, médico-sociaux, libéraux ou hospitaliers, participe aujourd'hui à une démarche d'animation des territoires.
Les directeurs d'établissement jouent un rôle central dans cette dynamique, en s'appuyant sur les relations entre les équipes médicales. Bien sûr, des dissensions persistent entre médecins et équipes de direction. L'hôpital est un collectif complexe, chargé d'une forte dimension émotionnelle, et des conflits peuvent survenir, notamment concernant les priorités de l'établissement. Cependant, les CHU s'efforcent d'impulser une dynamique de gouvernance collaborative, incluant un binôme, voire un trio de gouvernance, pour faire avancer les projets.
Ensuite, la configuration des CHU multisites, qui rassemblent des établissements aux ressorts différents, a nécessité une adaptation des politiques hospitalières. Les établissements de proximité suscitent des interrogations légitimes. Juridiquement, un établissement de proximité ne dispose ni de maternité ni de bloc opératoire, mais peut néanmoins offrir des services d'urgence ou des antennes d'urgence. Son mode de financement diffère, car il bénéficie d'une sécurisation de ses recettes puisqu'il ne peut pas générer une activité suffisamment rémunératrice dans le cadre de la T2A.
Ces établissements jouent un rôle essentiel dans les territoires et ont développé des modes de fonctionnement très collaboratifs avec des CPTS, des centres de santé, des cabinets libéraux, y compris au sein de l'hôpital, favorisant ainsi une réelle proximité. L'hôpital de proximité, sans disposer de toutes les spécialités du CHU, permet d'entrer dans une filière de soins.
Madame Thomin m'a interrogée sur la gouvernance actuelle des groupements hospitaliers. Actuellement, les présidents de conseil de surveillance sont élus parmi les membres du conseil de surveillance, mais sont le plus souvent les maires de la ville où se trouve l'établissement-siège. Il est essentiel que les maires conservent leur influence dans la gestion des conseils de surveillance, car tous les établissements – y compris les CHU – ont une activité de proximité et demeurent le premier recours pour la population locale. Cependant, dans les groupements hospitaliers – notamment ceux portés par les CHU, qui ont une vocation régionale pour les activités de recours – la structuration d'une gouvernance pilotée par le conseil régional prend tout son sens.
Il est nécessaire de trouver un équilibre entre la gouvernance de proximité et la régionalisation. Par ailleurs, la politique d'universitarisation se déploie sur l'ensemble du territoire, intégrant la région dans ces réflexions, y compris pour la recherche. À ce titre, il est primordial que les conseils régionaux accordent une attention particulière à la recherche biomédicale et au financement de projets en matière de santé. En outre, les questions de transport et de logement, cruciales pour les étudiants, relèvent de la compétence régionale. En résumé, la région occupe donc une place significative dans la stratégie de santé, particulièrement pour les CHU.
L'année dernière, lorsqu'il a été présenté au Sénat, j'ai soutenu le projet de loi promouvant l'idée qu'un infirmier ne devrait pas avoir plus de patients qu'il ne peut en gérer correctement. La France est l'un des rares pays où les ratios ne sont pas clairement définis, même si certains existent, par exemple lors de la construction d'un hôpital. Avant la pandémie de covid-19, les ratios étaient généralement compris entre douze et quinze patients par infirmier, même si ces chiffres varient en fonction du type de service et d'activité. Seule la réanimation dispose actuellement de ratios normés.
Idéalement, le cadre médical et paramédical devrait pouvoir définir ses besoins et annoncer le nombre d'infirmiers nécessaires, en travaillant en confiance avec la direction. Cependant, l'établissement de ratios permet de garantir, lors de l'élaboration du budget de l'hôpital, que les besoins en personnel sont pris en compte. Pendant la pandémie de covid-19, les ratios ont été modifiés et ces changements ont perduré, car, sans cela, il n'y aurait plus eu suffisamment de personnel.
Nous avons dû établir des ratios plus favorables, en réduisant le nombre de patients par infirmier. Ce projet de loi devrait bientôt être présenté à l'Assemblée nationale ; je vous encourage vivement à soutenir cette initiative. Cette perspective pourrait rendre les professions paramédicales plus attractives. Des recherches très sérieuses montrent que de meilleurs ratios améliorent la qualité des soins, y compris en termes de morbidité et de mortalité. Cet objectif nécessite également un budget national adéquat. À mon avis, il serait préférable d'adopter un plan pluriannuel d'investissements dans le domaine de la santé, comme c'est le cas pour l'armée. Un tel plan me semble essentiel pour améliorer la qualité des soins et offrir de meilleures conditions aux professionnels de santé.
Depuis la pandémie de covid-19, nous avons légèrement amélioré le recrutement des infirmiers, mais nous rencontrons encore des difficultés à les fidéliser. Or il est essentiel de maintenir un effectif d'infirmiers suffisant, notamment dans les CHU où les soins sont très techniques et requièrent une expertise particulière. Dans un service de pédiatrie, nous réalisons des actes très techniques. Si les infirmiers partent après deux ou trois ans, tous les efforts investis pour les former et les rendre compétents sont perdus. À l'AP-HP, nous avons observé une augmentation de la masse salariale grâce à un meilleur recrutement, mais nous faisons également face à une surcharge d'heures supplémentaires et d'intérim, engendrant des coûts supplémentaires.
Bien que nous ayons des ratios plus favorables et un effectif plus important, une grande partie des infirmiers a été formée pendant la pandémie de covid-19, affectant leur aisance dans les services très techniques. Pour qu'un service hospitalo-universaire fonctionne efficacement, il est indispensable qu'au moins un tiers ou un quart de l'équipe soit constitué d'infirmiers expérimentés. Actuellement, le sentiment de stress et d'insécurité pousse certains à quitter leur poste. Il est donc crucial de stabiliser les équipes pour garantir un environnement de travail serein et performant.
Les CHU considèrent que le ratio, tel qu'il est exprimé dans le projet de loi, bien que protecteur, peut également entraîner une rigidification. Par ailleurs, il est impossible d'appliquer un ratio identique entre un établissement de premier recours et un CHU. Par exemple, quinze lits de médecine à l'AP-HP ne sont pas comparables à quinze lits de médecine à Carhaix. Il apparaît clairement que l'approche du ratio ne peut pas être uniforme par spécialité, indépendamment de la nature de l'établissement.
Une autre crainte voit le jour : l'application rigide des ratios pourrait aboutir à une fermeture supplémentaire de lits, quand les directions d'établissement et des communautés médicales cherchent aujourd'hui à augmenter l'accès aux soins et l'offre de santé. Elle limiterait l'offre de soins et compromettrait les efforts des soignants et des communautés pour relancer la dynamique d'activité.
Cependant, comme le professeur Salomon l'a souligné, il est essentiel pour les directions d'établissement – en lien avec les services, l'encadrement de proximité et les chefs de service, ainsi qu'avec les directions concernées – de satisfaire les besoins exprimés. En conclusion, nous nous opposons aux ratios tels qu'ils sont actuellement envisagés. Néanmoins, nous soutenons l'adéquation entre les besoins et les effectifs au lit du patient.
Dans nos hôpitaux, quelle que soit leur taille, nous manquons de médecins urgentistes. Que pensez-vous des conséquences de la spécialisation exclusive en médecine d'urgence ? Était-ce une bonne décision ? Ne devrait-elle pas être supprimée ? Les professionnels nous disent qu'il y a quelques années, les services d'urgence, majoritairement composés de médecins généralistes, fonctionnaient plutôt bien, sans pénurie de personnel.
Ensuite, à vous entendre, le triumvirat composé du directeur d'hôpital, du président de la commission médicale d'établissement (CME) et du président du conseil de surveillance est opérant. Ne pourrait-on cependant pas envisager des améliorations pour en optimiser le fonctionnement ? En tant que membre d'un conseil de surveillance, je constate en effet que les relations entre les médecins et le directeur ou le président de la CME peuvent être complexes, créant parfois une situation confuse. Enfin, en matière de pédiatrie, le passage d'une maternité d'un niveau IIa à un niveau I pourrait-il accroître l'attractivité des pédiatres ?
De nombreux débats ont eu lieu concernant le rôle du conseil de surveillance, en lien avec les compétences du conseil d'administration, dans les CHU. La loi Valletoux a justement répondu à la demande des élus d'une meilleure connaissance de la stratégie hospitalière, tant dans sa dimension territoriale que financière.
Elle offre une analyse plus fine de la soutenabilité financière des établissements au fil des années et de leur capacité à porter des projets d'investissement, ainsi que des modalités de portage du projet d'« universitarisation » : comme je l'ai indiqué précédemment, il s'agit du déploiement des compétences de formation sur l'ensemble du territoire et de la volonté de mieux irriguer le territoire en termes de formation et d'installation des professionnels de santé.
Les conseils de surveillance voient ainsi leur droit de regard évoluer, impliquant un enjeu d'animation de ces nouvelles compétences et, au-delà, au travers des comités des élus au niveau des GHT. Progressivement, les décisions prises dans les conseils de surveillance des plus grands établissements impactent en cascade les établissements plus petits et réciproquement.
À ce titre, il est essentiel de régionaliser la gouvernance des CHU, y compris sur le plan politique. Je ne prétends pas avoir une réponse définitive sur la manière d'améliorer le fonctionnement des CHU, dont les situations diffèrent. Cependant, la capacité du trio de gouvernance des GHT à intégrer cette dimension politique dans la gestion des projets est primordiale. Elle ne se limite pas à l'enceinte de l'hôpital, mais s'inscrit dans un territoire et un écosystème sociopolitique.
Les systèmes de gouvernance des établissements de santé privés d'intérêt collectif (Espic) et des hôpitaux privés sont-ils similaires ? Le pilotage ne fonctionne-t-il pas mieux dans le cadre d'un Espic, majoritairement financé par des fonds publics, mais dont la gouvernance et le mode de fonctionnement sont différents ?
Je ne maîtrise pas suffisamment la gouvernance des Espic pour établir un parallèle pertinent, tant les différences entre les hôpitaux publics et les Espic sont nombreuses. Me demandez-vous si les Espic fonctionnent mieux parce qu'ils sont dissociés du lien avec le politique ?
Aujourd'hui, les hospitaliers ne choisissent pas les règles de gouvernance et de fonctionnement. À l'hôpital, le directeur d'établissement est responsable au pénal et représentant de la personne morale ; cette question suscite d'ailleurs des débats. Cependant, le véritable enjeu réside dans la médicalisation de la gouvernance et dans le lien établi lors de la mise en œuvre des projets, qui ne peuvent fonctionner que lorsque les objectifs de la direction sont alignés avec ceux de la CME. Dans ce cadre, l'animation est essentielle, ainsi que l'intégration dans un territoire et la dimension socio-économique impliquée par la stratégie hospitalière.
L'année dernière, nous avons beaucoup discuté de la proposition du Président de la République concernant la médicalisation de la gouvernance des hôpitaux publics, consistant à accroître la présence de médecins à la tête des établissements hospitaliers, comme dans les Espic ou aux États-Unis. Cependant, la conférence des présidents de commission médicale d'établissement (PCME) a estimé qu'il ne s'agissait pas là de la meilleure manière de médicaliser la gouvernance. Comme l'a souligné madame Rivière, une bonne entente entre le PCME et le directeur de l'hôpital est essentielle.
Nous avons également discuté du rôle des services hospitaliers et de la nécessité de redonner plus de prérogatives aux chefs de service. La gouvernance hospitalière doit être repensée, mais le modèle proposé par le Président de la République n'a pas été retenu après de nombreux débats, au moins pour le moment.
S'agissant de la question concernant les maternités et les collectivités locales, il est effectivement crucial de souligner que le conseil de surveillance des hôpitaux n'a qu'un rôle consultatif et ne prend aucune décision. Il est par ailleurs essentiel de maintenir un lien étroit entre les collectivités locales, les élus, les représentants des populations et les hôpitaux. La question des maternités, par exemple, est hautement sensible et inflammable. Les enjeux sont évidents et compréhensibles, notamment sur un plan symbolique. Cependant, il est également crucial d'examiner les conditions actuelles des accouchements et des prises en charge des mères et des nouveau-nés dans certains lieux.
Si l'accouchement ne peut plus être assuré, à certains endroits, dans les conditions de sécurité requises, il doit alors pouvoir intervenir ailleurs, tout en continuant à assurer le reste de la prise en charge là où l'accouchement avait lieu auparavant. Cela signifie pouvoir disposer d'équipes disponibles en journée, avec toutes les compétences nécessaires, y compris des équipes très spécialisées pendant la grossesse et dans le suivi postnatal. Ensuite, les maternités de niveaux IIa, IIb et III concernent les grossesses à risque, les risques de prématurité, les pathologies maternelles ou fœtales.
Par ailleurs, il n'est pas nécessaire de disposer de pédiatres sur place dans une maternité, car la permanence et la charge de travail ne sont pas les mêmes. Pour les accouchements à risque, si l'on cesse de pratiquer du niveau IIa à un endroit, ils devront se faire ailleurs, avec des internes supplémentaires sur place. Prenons l'exemple d'une maternité réalisant quatre cents accouchements par an : si l'on décide de transférer ces quatre cents accouchements dans un autre centre tout en continuant à assurer la prise en charge de la grossesse et du postnatal, il faudra des ressources supplémentaires pour accueillir ces accouchements dans le nouveau centre.
Les accouchements à risque demeurent une réalité. La mortalité infantile en France a augmenté ces dernières années, en lien avec la grande prématurité, le manque de places en réanimation néonatale et les difficultés des équipes de réanimation néonatale à maintenir des staffs de médecins pour les gardes, en raison des conditions de travail. Il existe également une surmortalité chez les enfants nés à terme. Ce phénomène mérite une attention particulière. Pour assurer la naissance d'un enfant dans de bonnes conditions, une équipe médicale et paramédicale, comprenant des sages-femmes, doit être en nombre et en qualification suffisants.
Un autre problème récemment évoqué concerne de nombreux hôpitaux de taille moyenne, qui fonctionnent grâce à des médecins formés à l'étranger, hors Union européenne. Certains sont extrêmement bien formés et qualifiés, quand d'autres ont connu des parcours différents. Un examen sera mis en place pour évaluer leurs connaissances et compétences. Cela pourrait poser des problèmes dans certaines régions, où les hôpitaux risquent de perdre des médecins qui ont pourtant rendu de grands services.
Il est également crucial de revenir sur la formation des médecins en France. Par exemple, il est compréhensible que les urgentistes aient défendu leur discipline en mettant en place une formation spécifique, qui leur permet d'acquérir des compétences précieuses. Toutefois, des médecins généralistes et d'autres spécialistes hospitaliers participent également aux gardes. Aujourd'hui, il existe une tendance à sanctuariser les gardes dans certains services, où des médecins se consacrent exclusivement à cette tâche. Leur mode de rémunération diffère et le temps de travail n'est pas compté de la même manière : dans un service d'urgence, chaque heure travaillée est rémunérée, contrairement à d'autres services où le travail est organisé en demi-journées, dont la définition est variable. La gestion des gardes et la rémunération doivent être adaptées pour garantir un service de qualité.
La demande de travail en continu va croître. La question du temps de travail dans nos hôpitaux est essentielle. Les jeunes professionnels insistent de plus en plus – et ils ont raison – sur le respect de la réglementation européenne qui fixe la limite à quarante-huit heures de travail par semaine. Dans certains établissements, cela pose des problèmes. Ils affirment que si l'on travaille davantage, il faut être rémunéré en conséquence. J'ai répondu de manière indirecte en soulignant que nous avons gagné en compétences. Il est également important de maintenir des médecins généralistes tout en permettant à d'autres médecins, souvent ceux des étages supérieurs, de continuer à effectuer des gardes.
Les grossesses à risque sont déjà orientées vers les maternités de niveau III, ce qui ne pose aucune difficulté pour la maternité de mon territoire. Cependant, j'observe une incohérence dans les discours : d'une part, s'exprime la crainte que l'instauration de ratios puisse entraîner des fermetures de lits en raison de la pénurie de soignants, en invoquant des raisons de sécurité ; d'autre part, dans les hôpitaux de proximité, des services entiers sont fermés, à cause de la pénurie de soignants et pour des raisons de sécurité. Pourquoi la sécurité ne serait-elle pas la même, dans un CHU et dans un hôpital de proximité ? La sécurité devrait être une préoccupation uniforme, indépendamment du type d'établissement.
Pour de nombreuses spécialités, le CHU représente le dernier recours et le lieu de rétablissement final. Dans la région où j'exerce, il existait deux sites dédiés à la réanimation pédiatrique. L'un de ces établissements a fermé, laissant le CHU de Tours devenir le seul centre capable d'accueillir des patients en réanimation pédiatrique pour l'ensemble de la région.
En l'absence de personnel suffisant, nous devons fermer des lits dans les CHU. Améliorer les ratios nécessite de recruter des infirmières, ce qui prend du temps et nécessite un budget conséquent. Par ailleurs, une certaine flexibilité est nécessaire, dans la mesure où la charge de travail n'est pas partout identique. Nous devons adopter une perspective similaire à celle de nombreux autres pays pour accomplir correctement notre travail. En Suisse, le ratio est d'un pour quatre, mais un ratio d'un pour huit est plus réaliste en France. Toutefois, nous ne pouvons pas atteindre cet objectif immédiatement : tous les services n'accueillent pas le même type de patients, justifiant d'introduire une certaine souplesse dans la définition des ratios.
Madame Rivière, comment peut-on expliquer qu'un projet médico-soignant partagé (PMSP), rejeté par le comité social et économique, la commission médicale d'établissement et le conseil de surveillance car il ne répondait pas aux besoins de la population (notamment en ce qu'il actait la fermeture de la maternité), ait néanmoins été validé par le GHT ? Il y a là un véritable problème pour la gouvernance.
Avant de répondre à votre question, je souhaite revenir sur le sujet des ratios. L'inquiétude des directions réside dans le caractère opposable et rigide des ratios. Comme l'a rappelé le professeur Salomon, lorsqu'il existe une problématique de sécurité et que l'équipe ne peut pas assurer la totalité de la charge de soins en raison d'un manque de professionnels, nous sommes évidemment contraints de fermer des lits. Cependant, il est très rare que nous soyons amenés à fermer un service entier. Lorsque des services fonctionnent avec trois personnes et qu'une ou deux d'entre elles partent, le service ne peut plus fonctionner dans un hôpital de proximité. Pour les CHU, l'enjeu consiste à ouvrir des lits et, surtout, à augmenter l'activité pour mieux répondre aux besoins de santé.
Je ne connais pas la situation de la maternité à laquelle vous faites allusion. Concernant l'intégration des maternités dans une stratégie hospitalière, il incombe à la gouvernance de projeter un système qualitatif assurant une sécurité optimale pour la mère et l'enfant. Le professeur Salomon a souligné l'importance de distinguer le plateau technique d'accouchement des autres activités de la maternité. De fait, il est possible de maintenir une activité de maternité sans nécessairement disposer d'un plateau d'accouchement dans chaque maternité. En revanche, lorsqu'une maternité ne fonctionne plus de manière sécuritaire, il peut être nécessaire de suspendre l'activité d'accouchement, sans pour autant interrompre toutes les activités pré-partum ou post-partum.
Je souhaite revenir sur la question de la direction des hôpitaux. J'observe que les universités sont dirigées par des professeurs ou d'anciens chercheurs et que les laboratoires de recherche sont également sous la direction de chercheurs. Pourquoi en serait-il différemment dans les hôpitaux ?
Ma seconde question concerne l'unicité de la direction. De mon expérience personnelle, ayant dirigé plusieurs organisations de tailles variées, il est nettement plus aisé d'avoir un ou une chef pour synthétiser, prendre des décisions et agréger les contraintes financières, RH ou autres, et les ambitions de croissance et de développement. La qualité de la direction ne se préjuge pas la capacité à déléguer, à travailler en groupe ou à instaurer une forme de démocratie au sein de l'organisation. Ces questions sont probablement liées. Dès lors que l'on désigne une personne extérieure au cœur du métier, cela soulève la question de l'unicité de la direction. Pourquoi l'hôpital serait-il une exception dans cette réflexion ?
Il n'existe aucune exclusivité dans la fonction de direction. Actuellement, rien n'empêche un médecin, un ingénieur ou même un ancien infirmier de devenir directeur d'établissement. Quelle que soit la formation initiale, diriger un établissement implique d'assumer la responsabilité juridique de sa gestion, notamment en ce qui concerne les dépenses, la sécurité des conditions de travail et des patients. J'ajoute que certains médecins dirigent des établissements de premier recours, des établissements-supports de GHT ou même des CHU.
L'enjeu consiste à déterminer le sens donné à cette fonction et la manière dont ce leadership se traduit au sein de la communauté. Il est également important de considérer le rôle du doyen. Quel binôme forme-t-il avec le président de la CME ? En conclusion, l'enjeu dépasse la formation initiale du directeur d'établissement. Il réside dans la manière dont celui-ci interagit avec la communauté médicale, qui constitue le fondement de la politique hospitalière mise en œuvre.
Je suis d'accord : une seule personne est plus efficace pour assumer ce rôle. Comme l'a mentionné madame Rivière, le directeur peut avoir un parcours différent, mais cela ne fait pas vraiment partie de notre culture – contrairement à l'Amérique du Nord où un tiers, voire la moitié des hôpitaux, sont dirigés par des médecins. Vous avez par ailleurs mentionné le président de l'université, qui est élu, ce qui constitue une différence notable.
Ensuite, la médicalisation de la gouvernance, comme l'a souligné madame Rivière, nécessite un bon fonctionnement entre le directeur d'hôpital et la communauté médicale. Dans ce cadre, les commissions médicales ont pour prérogative de définir la politique médicale et nous avions même proposé une co-décision sur les projets médicaux ou une co-nomination des responsables et des directeurs stratégiques médicaux. Il est essentiel que le chef d'établissement, qui demeure le seul responsable devant la loi malgré les réformes récentes, soit étroitement associé à la communauté médicale sur les questions purement médicales.
S'agissant des questions de recherche et d'enseignement, il est nécessaire de renforcer l'association avec les doyens. J'insiste en effet sur l'importance de la qualité de la formation, qui ne se limite pas à l'enseignement théorique dispensé sur les bancs de la faculté. La formation en stage à l'hôpital revêt également une importance capitale. Les communautés médicales et les directions hospitalières doivent donc être étroitement impliquées dans la réflexion sur la formation, qu'il s'agisse des médecins ou des infirmiers.
Malheureusement, il existe souvent un écart significatif entre les écoles d'infirmiers et les stages hospitaliers, ce qui est préjudiciable. Il est impératif de travailler ensemble pour combler ce fossé. Actuellement, les lieux d'échanges et de réflexion partagée sont encore trop rares, que ce soit pour les infirmiers, les autres professions paramédicales ou les médecins. Je déplore cette situation et estime qu'une réflexion commune s'impose, pour les raisons évoquées précédemment.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public
Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 17h15
Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Véronique Besse, M. Jorys Bovet, M. Emmanuel Fernandes, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Murielle Lepvraud, M. Damien Maudet, M. Paul Midy, M. Benoit Mournet, M. Yannick Neuder, Mme Mélanie Thomin
Excusé. – M. Jean-Claude Raux