Intervention de le professeur Rémi-Henri Salomon

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 17h15
Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public

le professeur Rémi-Henri Salomon, président de la commission médicale d'établissement centrale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, président de la conférence des présidents de commission médicale d'établissement de centre hospitalier universitaire (CHU) :

L'année dernière, nous avons beaucoup discuté de la proposition du Président de la République concernant la médicalisation de la gouvernance des hôpitaux publics, consistant à accroître la présence de médecins à la tête des établissements hospitaliers, comme dans les Espic ou aux États-Unis. Cependant, la conférence des présidents de commission médicale d'établissement (PCME) a estimé qu'il ne s'agissait pas là de la meilleure manière de médicaliser la gouvernance. Comme l'a souligné madame Rivière, une bonne entente entre le PCME et le directeur de l'hôpital est essentielle.

Nous avons également discuté du rôle des services hospitaliers et de la nécessité de redonner plus de prérogatives aux chefs de service. La gouvernance hospitalière doit être repensée, mais le modèle proposé par le Président de la République n'a pas été retenu après de nombreux débats, au moins pour le moment.

S'agissant de la question concernant les maternités et les collectivités locales, il est effectivement crucial de souligner que le conseil de surveillance des hôpitaux n'a qu'un rôle consultatif et ne prend aucune décision. Il est par ailleurs essentiel de maintenir un lien étroit entre les collectivités locales, les élus, les représentants des populations et les hôpitaux. La question des maternités, par exemple, est hautement sensible et inflammable. Les enjeux sont évidents et compréhensibles, notamment sur un plan symbolique. Cependant, il est également crucial d'examiner les conditions actuelles des accouchements et des prises en charge des mères et des nouveau-nés dans certains lieux.

Si l'accouchement ne peut plus être assuré, à certains endroits, dans les conditions de sécurité requises, il doit alors pouvoir intervenir ailleurs, tout en continuant à assurer le reste de la prise en charge là où l'accouchement avait lieu auparavant. Cela signifie pouvoir disposer d'équipes disponibles en journée, avec toutes les compétences nécessaires, y compris des équipes très spécialisées pendant la grossesse et dans le suivi postnatal. Ensuite, les maternités de niveaux IIa, IIb et III concernent les grossesses à risque, les risques de prématurité, les pathologies maternelles ou fœtales.

Par ailleurs, il n'est pas nécessaire de disposer de pédiatres sur place dans une maternité, car la permanence et la charge de travail ne sont pas les mêmes. Pour les accouchements à risque, si l'on cesse de pratiquer du niveau IIa à un endroit, ils devront se faire ailleurs, avec des internes supplémentaires sur place. Prenons l'exemple d'une maternité réalisant quatre cents accouchements par an : si l'on décide de transférer ces quatre cents accouchements dans un autre centre tout en continuant à assurer la prise en charge de la grossesse et du postnatal, il faudra des ressources supplémentaires pour accueillir ces accouchements dans le nouveau centre.

Les accouchements à risque demeurent une réalité. La mortalité infantile en France a augmenté ces dernières années, en lien avec la grande prématurité, le manque de places en réanimation néonatale et les difficultés des équipes de réanimation néonatale à maintenir des staffs de médecins pour les gardes, en raison des conditions de travail. Il existe également une surmortalité chez les enfants nés à terme. Ce phénomène mérite une attention particulière. Pour assurer la naissance d'un enfant dans de bonnes conditions, une équipe médicale et paramédicale, comprenant des sages-femmes, doit être en nombre et en qualification suffisants.

Un autre problème récemment évoqué concerne de nombreux hôpitaux de taille moyenne, qui fonctionnent grâce à des médecins formés à l'étranger, hors Union européenne. Certains sont extrêmement bien formés et qualifiés, quand d'autres ont connu des parcours différents. Un examen sera mis en place pour évaluer leurs connaissances et compétences. Cela pourrait poser des problèmes dans certaines régions, où les hôpitaux risquent de perdre des médecins qui ont pourtant rendu de grands services.

Il est également crucial de revenir sur la formation des médecins en France. Par exemple, il est compréhensible que les urgentistes aient défendu leur discipline en mettant en place une formation spécifique, qui leur permet d'acquérir des compétences précieuses. Toutefois, des médecins généralistes et d'autres spécialistes hospitaliers participent également aux gardes. Aujourd'hui, il existe une tendance à sanctuariser les gardes dans certains services, où des médecins se consacrent exclusivement à cette tâche. Leur mode de rémunération diffère et le temps de travail n'est pas compté de la même manière : dans un service d'urgence, chaque heure travaillée est rémunérée, contrairement à d'autres services où le travail est organisé en demi-journées, dont la définition est variable. La gestion des gardes et la rémunération doivent être adaptées pour garantir un service de qualité.

La demande de travail en continu va croître. La question du temps de travail dans nos hôpitaux est essentielle. Les jeunes professionnels insistent de plus en plus – et ils ont raison – sur le respect de la réglementation européenne qui fixe la limite à quarante-huit heures de travail par semaine. Dans certains établissements, cela pose des problèmes. Ils affirment que si l'on travaille davantage, il faut être rémunéré en conséquence. J'ai répondu de manière indirecte en soulignant que nous avons gagné en compétences. Il est également important de maintenir des médecins généralistes tout en permettant à d'autres médecins, souvent ceux des étages supérieurs, de continuer à effectuer des gardes.

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