La séance est ouverte à 9 heures 05.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La Commission examine la proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics (n° 1773) (Mme Danièle Obono, rapporteure).
Lien vidéo : https://assnat.fr/n7V6Vi
Nous examinons les propositions de loi relevant de la commission des lois et inscrites à l'ordre du jour de la journée réservée du groupe La France insoumise le 30 novembre.
Le groupe La France insoumise a retiré de son ordre du jour l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi constitutionnelle, modifiée par le Sénat, visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse, après que le Président de la République a annoncé la présentation d'un projet de loi constitutionnelle du Gouvernement au Conseil des ministres du 11 décembre et s'est engagé à l'inscrire à l'ordre du jour d'un Congrès en mars 2024. Nous ne l'examinerons donc pas ce matin.
« Je crois qu'il nous faut continuer d'avoir une administration et une action publique à portée de femmes et d'hommes. […] Ce qui est demandé, ce sont des visages familiers, humains, qui portent ces décisions en responsabilité aux côtés de nos concitoyens. » Au printemps 2021, dans une France encore en confinement et marquée par les revendications des gilets jaunes, cette déclaration du Président de la République ne pouvait qu'emporter une adhésion unanime, cette vision du service public étant largement partagée.
Mais, dans le quotidien des habitants, fonctionnaires, bénévoles et salariés d'associations que j'ai rencontrés partout en France ces six derniers mois, il est moins question de visages familiers ou d'action publique à portée de femmes et d'hommes que de portes closes, de boîtes vocales saturées, d'impossibilité d'obtenir un rendez-vous, de délais de traitement déraisonnables et d'obligation de passer par le numérique. Il existe un décalage parfois abyssal entre les paroles et une certaine réalité, que résume la coordinatrice de l'association Zy'Va à Nanterre, Houria Rahmouni Benahmed : « On parle de dématérialisation, moi je parle de déshumanisation du système. On ne met plus personne devant les gens. On les laisse se débrouiller, avec des moyens auxquels ils n'ont pas accès. » J'ai entendu des propos du même type à Auxerre, à Lure, à Toulouse, au Mans, à Forcalquier, à Marseille, à Saffré, à Tarbes, à Pamiers, à Villeurbanne et à Vénissieux, à Vaulx-en-Velin, à Lille et à Roubaix, ou encore à Tours, et je suis sûre que de nombreux collègues aussi, dans leur circonscription.
La numérisation et la dématérialisation apportent de nombreux progrès. Ces canaux d'interaction facilitent le quotidien et comportent des bénéfices incontestables pour quiconque est à l'aise avec le numérique et se trouve dans une situation administrative simple. Ils permettent d'alléger le travail des agents et des agentes, et de leur dégager du temps pour un accompagnement plus attentif et personnalisé.
Mais, pour un nombre significatif de nos concitoyens et de nos concitoyennes, la dématérialisation – qui s'accompagne souvent de la fermeture de guichets de proximité, donc de la suppression de tout contact humain – se traduit par un grave recul de l'accès à leurs droits. Ce constat n'est pas l'expression du ressenti de Français et de Françaises nostalgiques, qui n'accepteraient pas de voir le service public évoluer avec son temps. Il est objectif et documenté, en premier lieu par la Défenseure des droits, qui a étudié les effets de la dématérialisation des procédures administratives entre 2019 et 2022, dates de publication de deux rapports consacrés au sujet. L'institution y pointe la gravité d'une situation de rupture d'accès aux droits pour des millions de personnes. La qualité des sites et des procédures dématérialisées souffre de lacunes considérables. Des millions d'usagers et d'usagères n'ont tout simplement pas accès aux procédures dématérialisées, par défaut de couverture internet, d'un débit suffisant, d'équipement ou de connexion, par manque d'aisance avec les outils informatiques ou par manque de compréhension de ce qu'attend la machine. Certaines personnes qui étaient en mesure d'effectuer leurs démarches seules ne le sont plus.
Les récents travaux consacrés à l'exclusion numérique estiment à 13 millions le nombre de personnes en difficulté avec le numérique dans notre pays. Selon le baromètre du numérique 2022, la part des personnes peinant à effectuer des démarches en ligne a augmenté : 54 % des personnes, soit une hausse de 19 points, éprouvent au moins une forme de difficulté qui les empêche d'effectuer des démarches en ligne. Différentes sortes de personnes sont concernées. On pense souvent, en premier lieu, aux personnes âgées. Mais les jeunes sont moins à l'aise qu'on ne le croit avec l'administration dématérialisée. Les moins de 25 ans sont même plus en difficulté que le reste de la population pour effectuer des démarches administratives sur internet. En 2020, année de crise sanitaire, un quart des 18-24 ans indiquait rencontrer des difficultés pour effectuer seul des démarches en ligne, soit 14 points de plus que la moyenne nationale. Les personnes détenues n'ont pas vu leur situation s'améliorer. Les personnes étrangères sont encore plus massivement empêchées d'accomplir des démarches pourtant nécessaires à leur vie quotidienne et au respect de leurs droits fondamentaux. Les personnes handicapées, qui n'ont toujours pas affaire à des services publics accessibles, restent structurellement pénalisées par le développement de l'administration numérique. Enfin, les démarches numériques apparaissent parfois comme un obstacle insurmontable pour les personnes en situation de précarité sociale, alors même que l'accès aux droits sociaux et aux services publics revêt pour elles un caractère essentiel. Si les plus éloignés du numérique souffrent le plus, tout le monde peut être ponctuellement concerné. Se trouver en difficulté pour mener à son terme une procédure administrative dématérialisée, qu'il s'agisse d'obtenir des documents administratifs – passeport, carte grise… – ou des prestations sociales, de mobiliser des dispositifs fiscaux ou de respecter certaines obligations, est devenu une réalité assez banale.
Des centres urbains denses aux campagnes désertifiées, la dématérialisation à marche forcée met à mal les fondements de notre service public. Continuité, égalité, adaptabilité : ces grands principes, censés guider les services publics, sont de plus en plus bafoués. Quelle continuité, quand les usagers et les usagères se retrouvent face aux guichets fermés de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) d'Île-de-France ou quand, à Lille, un appel à la caisse d'allocations familiales (CAF) a moins d'une chance sur deux d'aboutir ? Quelle égalité, quand 22 % de la population ne disposent ni d'un ordinateur, ni d'une tablette à domicile, et quand 15 % n'ont pas de connexion internet ? Quelle adaptabilité, quand il revient désormais à l'usager ou à l'usagère de se substituer à l'administration et de trouver les moyens de se former, de se faire aider, de faire, d'être capable ?
Cette situation n'est pas une « erreur système », mais le résultat de choix politiques. Après trois décennies de transformation numérique de l'action publique, ces effets délétères sont de plus en plus marqués. Sous couvert de modernisation, le logiciel néolibéral a fait de la dématérialisation un outil de démantèlement, de désorganisation et de réduction des services publics. Les suppressions brutales de postes lors de la révision générale des politiques publiques et de la réforme de l'administration territoriale de l'État sous Nicolas Sarkozy ont été suivies par celles liées à la modernisation de l'action publique de François Hollande. La politique d'Emmanuel Macron poursuit ce travail. Selon la Cour des comptes, les effectifs de l'administration territoriale de l'État sont passés de 82 429 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) à 70 666 entre 2012 et 2020, soit une réduction de 14 %.
Sur le terrain, les agents et les agentes ont bien perçu l'effet de ces réductions de postes, mais peinent à voir les gains de productivité pour leur travail quotidien. Les guichets ferment, certes. Mais les dossiers restent, avec une fâcheuse tendance à l'accumulation. C'est ce que nous ont rapporté les agents et les agentes chargés de l'indemnisation à Pôle emploi Île-de-France, où une baisse de charge de travail importante avait été anticipée du fait de la dématérialisation, de l'automatisation et de l'externalisation de certaines tâches. Entre 2015 et 2018, la baisse planifiée était de l'ordre de 39 %. En revanche, il n'avait pas été envisagé qu'à défaut de se rendre au guichet, les usagers et les usagères passeraient en plus grand nombre par les canaux numériques. Le résultat a été une hausse de 287 % des flux de mails, de 157 % des flux téléphoniques entrants et de 1 227 % des flux sortants pendant cette période.
Les témoignages sont les mêmes s'agissant des agentes et des agentes d'accueil physique de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), qui sont passés en « tout rendez-vous ». Malgré des critères restrictifs d'obtention d'un rendez-vous et des directives incitant à privilégier les appels téléphoniques, les délais sont de trois semaines à Paris, faute de personnel suffisant. Ce temps d'attente est insupportable pour des assurés, dont le versement des indemnités dépend souvent de l'issue de ce rendez-vous. Les 1 700 suppressions de postes annoncées dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion de l'assurance maladie pour 2023-2027 n'amélioreront pas la situation.
Pôle emploi, l'assurance maladie, les préfectures, la CAF, les finances publiques, les caisses de retraite, la répression des fraudes : la liste des services publics dans lesquels les agents et les agentes sonnent l'alarme est un indicateur de l'ampleur du problème. Tous font état des mêmes problématiques – surcharge de travail, perte de sens, manque de formation, augmentation du stress et des burn-out, difficultés de recrutement.
La dématérialisation à marche forcée comme elle est conduite depuis trente ans est aussi une maltraitance des agents et des agentes de la fonction publique. La violence n'est pas moins grande de l'autre côté du guichet. L'éloignement des usagers et des usagères de leurs services publics approfondit des fractures sociales déjà béantes. L'augmentation des non-recours, la quasi-impossibilité de contester une suspension de droits, ou l'augmentation des délais de traitement des dossiers accroissent les difficultés financières, sanitaires, ou d'insertion professionnelle des personnes qui les subissent – généralement, les plus précaires.
Par ce désengagement, l'État envoie un message clair aux citoyens et aux citoyennes : débrouillez-vous, auto-administrez-vous ! Dans ce contexte, les réseaux de solidarité prennent le relais et apportent un soutien aux personnes qui n'obtiennent pas de réponse ou ne sont pas en mesure de suivre le train de la numérisation. Celles-ci s'appuient sur les familles, sur les amis, sur les associations ou sur les travailleurs et les travailleuses sociales. Le report se fait en cascade. Les administrations aux portes closes renvoient vers les structures sociales locales, lesquelles, débordées et en manque de personnel, renvoient vers les structures associatives, à bout de souffle et en incapacité de répondre à toutes les demandes. Pour les personnes qui n'ont pas trouvé d'écoute, il ne reste plus qu'à se tourner vers des proches, à baisser les bras ou à se débrouiller comme elles peuvent.
Des agents et agentes des services publics à la Défenseure des droits, des médias aux petites structures associatives locales, ils sont nombreux à alerter depuis un certain temps sur ces problématiques. « Depuis 2017 », répondait en juin la Première ministre Élisabeth Borne, « nous avons agi pour la cohésion de nos territoires, pour revitaliser les centres-bourgs et les centres-villes, pour le retour des services publics avec les espaces France Services. » La création de ces 2 600 guichets uniques dits de proximité confirme l'existence d'un manque structurel, qui n'est que partiellement comblé par ce dispositif.
D'abord, le réseau France Services est sous-dimensionné compte tenu des réductions d'effectifs et des fermetures de services opérées depuis trente ans. On voit mal, en effet, comment la présence d'un espace France Services par canton, avec deux conseillers ou conseillères vingt-quatre heures par semaine, pourrait compenser la suppression des sites physiques des opérateurs de la protection sociale, de l'ordre de 27 % pour la branche famille, 39 % pour la branche maladie et 50 % pour la branche vieillesse entre 2014 et 2018.
Ensuite, la direction interministérielle de la transformation publique reconnaît que le dispositif France Services souffre d'un manque de notoriété. Gageons que la récente campagne de communication le fera mieux connaître. Mais comment envisager que ces structures, qui doivent accompagner les usagers et les usagères auprès d'un minimum de neuf services publics avec les moyens qui sont les leurs, puissent absorber les besoins énoncés plus haut ?
Le dispositif est également sous-financé. Le Gouvernement a pris l'engagement de relever la part des financements de l'État dans les espaces France Services, mais elle devrait difficilement atteindre 50 % d'ici à 2026. Comment ne pas voir, dans ce modèle de financement, la volonté de l'État d'utiliser ce dispositif pour se décharger de sa responsabilité financière en matière de services publics auprès de collectivités locales déjà en difficulté financière ?
Enfin et surtout, ce service est peu efficace pour les cas les plus complexes. Les conseillers et conseillères, qui ne bénéficient que d'une formation de cinq jours – bientôt allongée à dix jours –, accomplissent un travail important et apprécié d'orientation et de levée des appréhensions. C'est un peu le niveau 1 de la réponse publique. Mais cela ne peut combler les milliers de postes de techniciens et de techniciennes de chaque administration qui font défaut. Cela ne permet pas non plus de résoudre les dossiers les plus complexes, qui concernent les publics les plus précaires. Plus l'on est précaire, plus l'on a de démarches administratives à faire et plus il faut fournir des papiers et remplir des dossiers pour justifier de sa situation. Or, les conseillers et les conseillères de France Services n'ont pas la capacité de répondre à ces demandes, qui sont plutôt de niveau 2 et 3.
En somme, la création de ces espaces ne constitue pas une réponse suffisante aux besoins énoncés non seulement par les associations et par la Défenseure des droits, mais aussi par le Conseil d'État. Le 3 juin 2022, saisi par des associations d'aide aux étrangers et aux étrangères au sujet de l'imposition du numérique pour l'accès à des titres des séjours, il a ainsi estimé indispensable qu'une voie alternative à la dématérialisation reste ouverte. Un an plus tard, dans son rapport annuel, il mettait solennellement en garde contre « le fossé qui s'est creusé entre l'action publique et les usagers ».
Les services publics représentent notre patrimoine collectif. Ils incarnent le rôle de l'État au service de l'intérêt général. Ils assurent l'accès aux droits essentiels pour les citoyens et les citoyennes. Ils marquent, par leur présence physique, l'expression directe des principes fondateurs de la République. Protéger, renforcer et développer ces services est essentiel pour maintenir notre capacité à vivre en communauté.
S'inscrivant dans la continuité des recommandations formulées par la Défenseure des droits et des récentes jurisprudences du Conseil d'État, la présente proposition de loi vise à apporter des garanties législatives au maintien des accueils physiques dans les services publics. L'objectif poursuivi est simple : garantir la possibilité d'un accompagnement humain adapté tout au long des démarches administratives. Cette mesure permettra de remédier à une approche souvent exclusivement dématérialisée. Elle assurera ainsi un accès effectif aux services publics pour tous les usagers et toutes les usagères, quelles que soient leur situation ou leurs difficultés. Alors que 91 % des Français et des Françaises y sont favorables, en votant pour cette proposition de loi, nous répondrons aux besoins de la population, nous ferons œuvre commune en consolidant le ciment fondamental de notre République et, ainsi, nous œuvrerons à l'intérêt général.
Cette proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics prévoit que toute démarche administrative doit pouvoir être effectuée de manière non dématérialisée si l'usager le souhaite, l'administration devant y garantir un accès physique.
Concernant l'importance de maintenir plusieurs modalités d'accès aux services publics, nous partageons votre constat. C'est d'ailleurs pour cela que nous agissons depuis 2017. Nous ne le découvrons pas avec cette proposition de loi. L'accélération de la transformation numérique de l'administration et de la dématérialisation des services publics représente une révolution pour les mentalités et les pratiques. Ces phénomènes conjoints de la modernisation de l'État entraînent une évolution profonde de la relation à l'usager.
Comme vous le soulignez, une part de nos concitoyennes et de nos concitoyens rencontre des difficultés dans l'utilisation des outils numériques. L'illectronisme concernerait 15 % de la population. Le rapport de la Défenseure des droits, que vous citez une dizaine de fois dans votre proposition de loi, en souligne les risques en matière d'accès aux droits. Nous ne pouvons accepter que certaines personnes entretiennent une relation subie avec le numérique. Aussi continuons-nous à agir contre la fracture numérique et considérons-nous le numérique comme un moyen de simplification pour l'accès aux services publics, qui ne remplace pas un guichet physique, mais va de pair avec lui..
Vous évoquez également les espaces France Services. Afin d'assurer à toutes et à tous un accès aux services publics à moins de trente minutes, avec un accompagnement personnalisé pour les démarches de la vie quotidienne, le Président de la République a annoncé la généralisation de ce dispositif en avril 2019. Vous indiquez que les objectifs fixés sont loin d'être atteints et vous parlez d'une « arnaque de ce service public dégradé ». Pourtant, l'objectif affiché en 2019 était de 2 500 labellisations, avec l'implantation d'une maison France Services par canton d'ici à la fin de 2022. D'après le rapport annuel du Conseil d'État de septembre 2023 consacré à l'usager du premier au dernier kilomètre, que vous ne citez pas dans la proposition de loi, l'objectif est atteint. Avec 2 543 espaces France Services, 99 % des Français se trouvent à moins de trente minutes d'une maison France Services. Le Conseil d'État précise qu'il s'agit d'un succès à consolider, et que les usagers des maisons en sortent satisfaits à 93 %, loin de la déshumanisation du système que vous évoquiez. Ces maisons France Services assurent une proximité et une accessibilité des services publics partout dans le territoire, pour nos concitoyennes et nos concitoyens les plus éloignés. Par ailleurs, des bus France Services constituent une sorte d'administration itinérante au plus près des habitants, dans la logique du « aller vers ».
Vous expliquez, dans l'exposé des motifs, que la numérisation sert une politique de casse du service public. Nous y voyons, au contraire, un progrès vers un meilleur accès aux services publics et pour garantir l'effectivité des droits. C'est le sens de la solidarité à la source que prévoit le versement automatique des prestations sociales. Cette promesse de campagne d'Emmanuel Macron se décline à travers l'expérimentation des Territoires zéro non-recours et par l'affichage, sur la fiche de paie, du montant social net. En outre, le dispositif Dites-le nous une fois s'inscrit dans cette même logique de lutte contre le non-recours aux prestations et de simplification des démarches, pour que les usagers ne soient pas dans l'obligation de donner plusieurs fois les mêmes informations à l'administration. Il facilite l'échange de données entre les différents services. L'an dernier, pourtant, votre groupe a voté contre la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, visant à accélérer ces démarches de simplification pour nos concitoyennes et nos concitoyens.
Enfin, vous observez à juste titre que la couverture numérique des territoires n'est pas homogène. C'est la raison pour laquelle le déploiement de la fibre optique est amplifié et s'accélère grâce au plan France très haut débit, avec un objectif de généralisation en 2025.
La numérisation des services publics n'étant pas synonyme de dématérialisation intégrale, encore moins de cache-misère de la destruction du service public, mais plutôt de simplification d'accès, notre groupe votera contre votre proposition de loi.
La réouverture des accueils physiques dans les services publics est une priorité que nous partageons, au Rassemblement national. Oui, il faut rouvrir les accueils physiques dans les services publics. Oui, dans l'ensemble de nos départements, les Français pleurent leurs services publics. Ils en ont assez de la dématérialisation et des services vocaux. Ils veulent retrouver un accueil physique, dans lequel ils seront traités en citoyens.
Nous partageons votre constat, madame le rapporteur. Les gouvernements successifs ont fermé tous les guichets de service public – la poste, la gendarmerie, les impôts, les points d'accueil des CAF et des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), etc. Pour optimiser les ressources et obéir à des logiques comptables, ils ont remplacé l'accueil physique du public à des guichets par des alternatives comme l'accueil téléphonique et les sites internet. Ils ont oublié les grands principes du vrai service public, celui auquel nous sommes attachés et qui a pour valeurs la continuité, l'égalité, l'adaptabilité et l'accessibilité. Celles-ci ont été remplacées par l'optimisation, la modernisation et la transformation. Nous en voyons les résultats désastreux. Le Défenseur des droits en a témoigné, l'accès aux droits des usagers s'effondre. On découvre régulièrement, dans les journaux ou à la radio, des situations ubuesques de rupture de droits : des retraités ne bénéficiant pas de leur retraite, des services publics injoignables. Bref ! L'objectif de cette République en déclin est de proposer à nos compatriotes, souvent les plus fragiles, les plus âgés, de la ruralité et des cités, un service public à bas coût. Ici, pas d'accueil personnalisé, juste un robot au bout du fil – au mieux, un centre d'appel avec lequel on passe des heures à articuler des mots et à taper 1, 2 ou 3. Il y a bien le recours à internet, mais là encore, le Défenseur des droits dénonçait en 2022 la gravité de la situation, la dématérialisation étant responsable des ruptures de droits.
Certes, les maisons France Services devaient apporter une solution à l'éloignement des services publics, mais le rapport du Sénat que vous citez est éloquent : ce service public, vanté aux élus désespérés par la disparition des administrations, est inadapté et sous-financé par l'État. Ses moyens sont dérisoires. C'est, là encore, une solution illusoire créée pour des territoires qui se sentent méprisés et déclassés. Les mesures alternatives ne peuvent être présentées comme un progrès, mais comme une régression. En ce sens, nous vous rejoignons, madame le rapporteur. Rappelons-nous que le président Emmanuel Macron avait déclaré, la main sur le cœur, que « nos services publics devront apporter l'espérance d'une vie meilleure ». Mais, comme l'écrit Julie Gervais, maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, « la fermeture des services publics crée une sous-France de zones désertées où les habitants se sentent hors-jeu, humiliés ». Je le crois fermement, et pense avec elle que le new public management a produit les mécanismes de dégradation des services publics.
L'accès aux services publics, c'est l'accès aux droits des citoyens à être aidés et défendus. C'est la proximité d'un guichet, sans logique comptable et gestionnaire. La seule solution est donc la réouverture des accueils physiques. Pour notre groupe, il n'existe pas de sous-citoyen et les maisons France Services ne peuvent pas légitimer la fermeture des services publics avec du personnel dédié et spécialisé.
Nous soutiendrons ce texte.
Il n'y a pas de République sans service public. Ce n'est pas un slogan, mais un principe simple et essentiel. Bien qu'au cœur des préoccupations de nos concitoyennes et de nos concitoyens, il est mis à mal par la politique de dématérialisation des services publics adoptée par les gouvernements successifs depuis plusieurs années. Cette tendance à la dématérialisation s'est même accélérée avec l'épidémie de covid-19, au moment même où l'isolement des personnes était le plus cruellement ressenti.
L'article 1er de la Constitution consacre la France comme « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». J'insiste sur ce dernier adjectif, car il ne s'agit pas simplement de consacrer un droit formel, mais d'affirmer que les droits doivent être effectifs. Le service public est, précisément, la concrétisation des droits.
Nous sommes égaux en droits. D'aucuns ajouteraient en théorie, mais nous ne vivons pas en théorie. Nous devons être égaux, en fait et à tout le moins, devant nos droits. En tout point du territoire, les citoyens doivent avoir accès à leurs droits. C'est cela, le service public. Mais aujourd'hui, en France, cet accès est synonyme de galère et même de désespoir pour beaucoup d'entre nous. Comment se nourrir quand on n'a plus accès à sa pension de retraite ? Comment se loger quand on n'a plus accès à ses aides au logement ? Comment trouver un emploi quand on ne peut plus renouveler son titre de séjour ? Comment rester digne quand l'accès aux droits est abîmé et quand le seul interlocuteur qui reste est un formulaire en ligne ?
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Entre 2014 et en 2018, les sites physiques des opérateurs de la protection sociale ont été réduits de 27 % pour la branche famille, de 39 % pour la branche maladie et de 50 % pour la branche vieillesse. Les représentants des agents de ces organismes sonnent l'alarme depuis longtemps, et décrivent le même procédé : on coupe dans les effectifs, on mutualise les services, on met les agents en échec, on sous-traite. Pas besoin d'être devin pour comprendre que la dernière étape est la privatisation pure et simple, par l'externalisation du service. « Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. »
La qualité et la rapidité de service qu'offre la dématérialisation ne sont qu'un prétexte à l'importation de la logique marchande dans nos services publics, laquelle est par essence le contraire du principe d'égalité. Elle distingue les usagers selon leurs ressources, leur lieu de vie et leur agenda. Elle engendre aussi de la souffrance chez les salariés et les fonctionnaires de ces organismes, à qui l'on dit de faire le contraire de ce pour quoi ils sont salariés. Ce ne sont pas les maisons France Services actuelles qui pourront, à elles seules, résoudre ces problèmes, pour les raisons énoncées par Danièle Obono, mais aussi parce qu'il s'agit d'une sous-traitance du service public à peine déguisée. Certaines maisons sont pilotées par des associations et par des collectivités locales et d'autres, par des sociétés privées comme La Poste, elle-même privatisée naguère. La manœuvre est grossière ! Certains employés des maisons France Services ont, certes, le statut d'agent de la fonction publique territoriale, mais ils sont le plus souvent salariés de droit privé. On organise la rupture d'égalité entre les agents, comme on prend acte du renoncement à servir le public à égalité.
Par cette proposition de loi, dont le principe est validé par plus de 90 % de la population, nous proposons de revenir au fondement de la République sociale : garantir un accueil physique obligatoire pour tous les services publics, une présence humaine à la hauteur des besoins pour tous les guichets – assurance vieillesse, allocations familiales, assurance maladie, préfecture, finances publiques et bien d'autres. En juin 2022, le Conseil d'État a tranché en faveur de cette idée s'agissant des préfectures. Bien sûr, l'usage de télé-services par l'administration est légal. Toutefois, il ne peut être obligatoire. Une solution de substitution effective et crédible doit toujours être proposée. Cette décision a été confirmée depuis par d'autres jugements, mais n'est toujours pas respectée partout – raison pour laquelle le législateur doit assumer sa responsabilité.
La réouverture des accueils physiques est seule à même de garantir un service public de qualité. Comme l'a martelé la Défenseure des droits, le seul moyen de respecter les droits des usagers est de garantir « principe de double entrée dans les services publics » soit, tout simplement, la réouverture des accueils physiques.
L'objet de cette proposition de loi, intéressant, constitue un vrai sujet de travail pour notre commission, mais je suis mal à l'aise avec le chemin que prennent certaines interventions, qui tentent de tout critiquer sans distinction. Cet objet, c'est celui de l'accessibilité de nos services publics. Il ne s'agit pas de faire le procès du numérique. Je ne l'espère pas, en tout cas, car la numérisation de notre administration était nécessaire. Quand de nouveaux outils apparaissent, l'État doit s'en saisir et les utiliser pour améliorer l'efficacité de son action. Nous espérons tous un État efficace et opérant, et le numérique l'y aide. Il peut aussi l'aider à être plus accessible. Pour nombre de nos concitoyens, c'est un moyen d'accès à l'administration plus facile que le guichet physique ou le téléphone. C'est aussi une réalité. Il faut l'affirmer : certains services publics sont plus facilement rendus et plus faciles d'accès grâce au numérique.
Cependant il existe un impensé, celui de l'alphabétisation numérique de notre pays. Quand un nouveau média apparaît, il faut du temps pour que chacun puisse se l'approprier. Il faut aussi du temps pour approcher ce qu'il est, avec ses atouts et ses carences. Or, nous avons voulu aller trop vite dans la numérisation de la relation entre l'administration et ses administrés. De ce point de vue, il est bon que le législateur se prononce sur le principe du maintien en toutes circonstances de la possibilité d'accès, pour les administrés, à un conseil physique humain et direct.
Chez Les Républicains, nous sommes favorables à ce principe, que nous avons d'ailleurs toujours défendu. Prenons garde à ce que ces débats ne fassent pas le procès du numérique, qu'on accuserait de tous les maux, y compris celui de vouloir démanteler le service public. Au contraire, nous avons besoin de la modernité de nos administrations pour améliorer l'efficacité de son action.
Depuis la crise sanitaire, l'État a accéléré la transformation des services publics pour que chacun puisse y accéder depuis chez soi. La dématérialisation des services publics permet d'effectuer des démarches administratives et d'avoir accès aux informations quand on le souhaite. Dans notre société de l'immédiateté, cela répond aux attentes de nos concitoyens. Même si le mode d'accès privilégié reste le guichet, la proportion d'usagers utilisant internet augmente chaque année. En 2018, la répartition des accès était de 57 % par un guichet et de 36 % par un site internet, en augmentation de 12 points entre 2014 et 2018.
L'objectif de cette évolution technologique est aussi de renforcer la sécurité et d'apporter des services plus avancés. Dans cette optique, la question de la couverture numérique est capitale, notamment dans les territoires ruraux, comme le souligne le rapport d'évaluation des services publics en ruralité que j'ai rendu début avril avec Pierre Morel-À-L'Huissier. Le plan France très haut débit a incontestablement permis d'accélérer cet état de fait, s'il est encore en cours de finalisation. Optimisation, efficacité, simplicité : tel est le triptyque que nous avons tous à l'esprit lorsque nous parlons de services publics. La dématérialisation présente de nombreux avantages, comme la simplification des démarches administratives, la possibilité d'accomplir ces démarches à tout moment, un accès simplifié à la formation, ou la rapidité des échanges.
Néanmoins, dans un rapport de 2019, la Défenseure des droits avait alerté les pouvoirs publics quant aux risques d'une transformation numérique à marche forcée. En effet, la dématérialisation croissante des services publics présente deux risques majeurs : donner le sentiment que l'administration se déshumanise et s'éloigne des citoyens de certains territoires ; éloigner davantage du service public les usagers rencontrant des difficultés dans l'utilisation des outils numériques – parce qu'ils n'ont pas accès aux équipements, parce qu'ils peinent à s'en servir, parce que leur zone est mal couverte par le réseau internet ou parce qu'ils maîtrisent mal la langue française.
Le groupe Démocrate partage la préoccupation de garantir l'accès de chacun et chacune aux services publics, mais s'oppose à l'idée selon laquelle la numérisation se fait nécessairement au détriment l'usager.
En avril 2019, à l'issue du grand débat national, le président de la République Emmanuel Macron avait annoncé la création de maisons France Services dans chaque canton d'ici la fin de son quinquennat, soit environ 2 000 structures. Au 1er février 2021, plus de 1 123 maisons France Services ont ouvert. Elles permettent aux usagers d'accéder à un bouquet de services dans un même lieu. L'objectif est de rapprocher les services publics des citoyens, en particulier dans les zones rurales et dans les quartiers prioritaires, mais aussi d'accompagner les personnes en difficulté dans leurs démarches en ligne et de les former à l'utilisation de l'outil numérique.
La dématérialisation vise à permettre aux usagers d'être autonomes et aux agents de se dégager du temps pour aider les usagers qui ont besoin d'être accompagnés dans leurs démarches administratives. Elle ne remplace pas l'humain, mais elle réoriente les missions des agents comme les lignes budgétaires. Derrière internet, il y a nécessairement la main de l'homme. Réduire la dématérialisation à la casse du service public est un leurre. L'administration s'oblige déjà à proposer un accès aux services publics par plusieurs canaux – physiques, numériques et téléphoniques – partout en France. Chaque usager peut donc choisir l'accès qui lui convient le mieux sans qu'il soit déboussolé. Cette proposition de loi ne faciliterait pas la vie des Français. La faciliter, c'est garantir une adaptabilité pour l'égalité de chacun dans l'accès aux services publics.
D'ici à décembre, plus de 2 700 maisons France Services seront ouvertes dans tout le territoire. De ce fait, le dispositif proposé est déjà satisfait. Évoquer son amélioration et son développement est autre chose. De la même façon, le renoncement au service au numérique constituerait un net retour en arrière pour la grande majorité des Français qui privilégie le canal numérique pour effectuer ses démarches administratives. Au retour en arrière, privilégions plutôt une vision généreuse, ambitieuse et optimiste pour nos concitoyens.
Le groupe Démocrate ne votera pas ce texte.
Vous identifiez un problème récurrent, maintes fois dénoncé. Les réponses apportées, car elles existent, ne suffisent pas à réduire la fracture numérique. Ce n'est pas la dématérialisation qui pose problème. La culture du numérique est avec nous et devant nous. Elle n'est sans doute pas suffisamment diffusée et nous n'avons pas mesuré toutes ses conséquences pour les usagers, mais aussi pour les consommateurs – car le secteur privé n'a pas su non plus apporter les bonnes réponses.
Un service présentiel doit être proposé aux côtés d'un service numérique, nous n'avons cessé de le répéter. Les agences France Services ne répondent à cette exigence que de manière imparfaite. Nous devons envisager des cités administratives de la ruralité. Il n'est pas question que les métropoles puissent bénéficier de l'ensemble des services, tandis que dans la ruralité, les sous-préfectures ferment ou se vident de leurs agents. Cela pose aussi la question de l'attractivité pour la fonction publique, et de ce qu'est devenu le service public. Dans quelques années, le service public sera-t-il la dématérialisation ? La perte de l'esprit du service public est préoccupante. L'usager n'exige même plus le service public. Il en a fait son deuil dans certains domaines. Le texte relatif à l'immigration et à l'accueil des étrangers dans les préfectures est symptomatique. Les permanences voient arriver des étrangers qui ne savent pas à quelle porte frapper et qui sont dans l'impossibilité d'effectuer une démarche numérique. Il s'agit de garantir la dignité du citoyen. Quel qu'il soit, il doit pouvoir faire valoir ses droits, ou à tout le moins obtenir une réponse quant à un droit auquel il pourrait prétendre.
On observe une dérive inquiétante. Moins il y a d'accueils physiques, plus des réseaux se créent. On m'a parlé de pots-de-vin versés pour obtenir un rendez-vous. J'ignore ce qu'il en est, mais cette question est majeure, comme est majeur le maintien de la notion de service public. Ce n'est ni une opposition aussi farouche que celle qui s'est exprimée ce matin, ni une accusation qui permettra d'avancer dans ce dossier. Au contraire, un travail d'accompagnement est nécessaire.
Mon groupe votera ce texte.
J'entends, ici ou là, le fameux « c'était mieux avant ». Mais où était-ce mieux avant, dans quel monde ? Avant, où un guichet unique donnait-il accès à la CAF ou à Pôle emploi ? Peut-être dans des lieux privilégiés. En milieu rural, en revanche, nous n'en avons jamais eu. Dans quelles communes retirées, un bus permettait-il d'avoir accès à des services publics ? On peut tout brosser en noir, mais nous avons la responsabilité de regarder la réalité telle qu'elle est, de constater les progrès et d'identifier ce qu'il reste à faire, notamment pour le dernier kilomètre.
Comment affirmer que la situation est catastrophique, alors que jamais autant d'efforts n'ont été consentis pour l'accompagnement numérique et pour la collaboration entre l'État et les collectivités locales. Le fait est que l'on essaie de réparer ce qui a été fait depuis trente ans, territoire par territoire. Les élus locaux et les services de l'État sont convaincus qu'il est nécessaire d'accompagner les personnes âgées, mais aussi les jeunes qui savent utiliser un téléphone portable, mais pas effectuer des démarches en ligne.
Affirmer que rien n'a été fait et que tout était mieux avant n'a pas de sens et n'est pas constructif. Pourquoi remettre des personnes physiques partout où elles étaient, alors que des améliorations ont été permises par la dématérialisation ? Pour certains, c'est une vraie avancée. On n'est ainsi plus obligé de faire la queue, contrairement à ce qui se passait auparavant. On peut aussi répondre à des attentes plus précises.
Mieux travailler, c'est aussi faire en sorte que non seulement nos opérateurs, mais aussi les entreprises publiques, devenues privées, soient accessibles.
Dans le cadre de la mission que m'a confiée la Première ministre et en lien avec Bernard Delcros, sénateur du Cantal, j'ai visité le Pimms – point d'information médiation multiservices – d'Évry, qui rassemble tous les opérateurs, y compris d'énergie. Cela fonctionne bien mieux qu'avant ! J'accueille avec enthousiasme la prise de conscience de l'État, des collectivités locales et de ces entreprises quant à la nécessité de travailler ensemble et de progresser afin de répondre aux attentes de nos concitoyens.
Ce texte introduit des dispositions qui obligent l'administration à maintenir plusieurs modalités d'accès aux services publics, afin qu'aucune démarche administrative ne soit accessible que par voie dématérialisée.
Nos concitoyens nous adressent régulièrement leurs sollicitations, que nous relayons à l'Assemblée nationale – en vain –, notamment lors de l'examen des projets de loi de finances (PLF). Face à la fracture numérique qui aggrave la fracture administrative résultant de disparités sociales ou générationnelles, assurer à tous les usagers la possibilité de demander un traitement par courrier de ses démarches et d'être reçus et pris en charge par une personne physique dans les sites d'accueil des administrations est la base d'un service public digne de ce nom, au service de tous les publics. C'est la meilleure façon de garantir les principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, triptyque qui définit le service public français.
C'est d'ailleurs par souci d'égalité et d'adaptabilité que ce texte propose la concomitance d'un téléservice et du droit des usagers à s'adresser et à être reçu par une personne physique pour effectuer leurs démarches administratives, avec ou sans rendez-vous. Il ne faut pas réduire ce texte comme certains ont pu le faire : nous ne rejetons pas la possibilité d'effectuer des démarches administratives par voie numérique. Dans nombre de cas, cette voie suffit et permet de rapprocher nos concitoyens des services. Mais nous demandons une alternative au tout-numérique. Elle permettra aux Françaises et aux Français, ainsi qu'à celles et ceux qui ont choisi notre pays d'effectuer leurs démarches administratives en toute sérénité, dans tous les services de la République et sans attendre plusieurs semaines – voire plusieurs mois comme à la préfecture de Haute-Garonne – qu'un créneau se libère. Les personnes qui souhaitent vivre en France pourront ainsi régulariser leur situation. Maintenir des guichets physiques pour tous les services publics, c'est garantir et améliorer les possibilités de recours. C'est assurer la continuité du service public. C'est maintenir le lien social, qui permet d'éviter les dégâts causés par le retrait des services de l'État dans les territoires avec, le plus souvent, un sentiment de relégation ou d'exclusion.
Le PLF pour 2023 annonce un renforcement des effectifs de l'administration territoriale de l'État, avec une majoration du plafond d'emplois au programme 354, Administration territoriale de l'État, de 25,75 ETP, quand la Cour des comptes chiffre à 11 763 ETP le nombre d'emplois supprimés entre 2012 et 2020, soit 14 % de l'effectif initial des services placés sous l'autorité des préfets, tous ministères confondus ! Sont bien sûr exclues de ces chiffres les agences régionales de santé (ARS) et les finances publiques. Le Gouvernement s'était également engagé, lors de l'examen du PLF pour 2023, à une hausse du schéma d'emplois triennal de plus de 210 ETP des effectifs de l'administration territoriale de l'État. Or, en 2024, cet engagement se matérialisera par une augmentation de 48 ETP ! Voyez où nous en sommes par rapport aux 12 000 ETP qui ont été supprimés en huit ans. Ces augmentations sont insuffisantes. Qui plus est, elles ne sont pas proportionnelles au nombre d'habitants par département.
Notre groupe votera pour ce texte, qui devrait emporter notre adhésion collective.
La dématérialisation est une bonne chose pour beaucoup de nos concitoyens, qui n'ont pas à se déplacer pour effectuer des démarches administratives. Pour autant, elle ne doit pas devenir l'alpha et l'oméga. Ainsi, les 15 % de nos concitoyens touchés par l'illectronisme ne peuvent pas se servir d'un ordinateur. Souvent, d'ailleurs, ils n'en ont pas. Ces publics fragiles, pas toujours âgés, vivent dans des territoires ruraux ou des banlieues, en marge des grands centres. Leur difficulté à avoir accès à une personne qui puisse leur expliquer la procédure et les accompagner nourrit parfois un sentiment de colère et de relégation.
Au début de la dématérialisation, il y a eu des bugs, certaines procédures n'étaient pas claires et des guichets ont fermé. Notre baromètre était le nombre de personnes qui viennent dans nos permanences dire qu'elles n'y arrivent pas. Depuis, la situation s'est un peu améliorée. Des réouvertures ont eu lieu et des maisons France Services ont été implantées. Souvent, ce sont les fonctionnaires territoriaux des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui s'en occupent. Cela reste toujours le service public, qu'il soit local ou central. Les administrations ont commencé à faire des permanences dans ces maisons de service public. Les impôts et la CAF y viennent régulièrement. Il faut prendre rendez-vous, mais une personne physique est présente pour accueillir le public. Cette proposition de loi est donc quasiment satisfaite. Elle ne l'est toutefois pas totalement, raison pour laquelle je la voterai.
Nos concitoyens en situation de délicatesse, qui sont des publics fragiles, ont le droit d'avoir quelqu'un en présentiel, ne serait-ce que pour comprendre le fonctionnement. Ce serait un progrès, qui ne remet pas en cause la dématérialisation pour les 70 ou 80 % de nos concitoyens qui sont satisfaits de pouvoir effectuer leurs démarches depuis chez eux.
Votre proposition de loi a au moins trois ans de retard ! Au fond, c'est un superbe hommage, madame Obono, pour France Services. Je vous en remercie. C'est peut-être le plus bel hommage que vous rendrez jamais à la majorité.
Entre 2010 et 2020, nous avons connu la situation que vous décrivez, à savoir une numérisation mal conduite. Quand ma belle-mère appelait la préfecture, un répondeur lui disait de taper http//www. La rupture de communication était totale ! Heureusement, les choses se sont largement améliorées avec France Services qui, en plus de permettre la démarche administrative, forme les personnes à l'accès au numérique. C'est un outil remarquable. Je rends hommage aux équipes de ce réseau pour le travail qu'elles effectuent dans les territoires pour l'accès aux services publics. Il faut encore améliorer la communication. Le répondeur de ma préfecture ne renvoie pas vers France Services, mais toujours vers http//www. C'est illisible et incompréhensible. Les services d'État doivent se mettre en mode France Services et informer sur les accès possibles au numérique dans les différents territoires.
Si vous pensez que la proposition de loi est déjà satisfaite, votez-la ! Cela créera un principe pour que toute démarche administrative puisse bénéficier d'un accueil physique. Si vous pensez que les maisons France Services remplissent cette fonction, ce qu'elles font en partie, allez-y !
Notre proposition de loi aborde aussi la démarche dématérialisée du point de vue de l'usager. Personne n'est opposé à ce que l'administration utilise les outils numériques pour obtenir des gains de productivité, supprimer les tâches annexes, pénibles et répétitives que personne n'a envie de faire. Tout comme personne n'est opposé à la dématérialisation en soi. Quand elle fonctionne et quand on arrive à y avoir accès, c'est génial ! J'en suis un consommateur régulier et cela me va très bien. Mais, en matière d'accès aux droits, on ne peut pas avoir ni d'objectif ni de résultat inférieur à 100 %. Il faut atteindre 100 %, point. Pour cela, il faut en faire un droit, car la tentation existe de ne pas prévoir d'accueil physique avec les nouvelles démarches dématérialisées comme l'Anef, l'administration numérique pour les étrangers en France. Au motif que cette plateforme existe, on ne vous reçoit plus en rendez-vous physique. Le problème est la dématérialisation contrainte, pas la dématérialisation choisie. Nous devons à chacun d'avoir accès aux démarches. Tout le monde peut être concerné par des difficultés d'accès. Nous avons l'occasion d'écrire un droit. Faisons-le !
La dématérialisation de nos services publics est un sujet important. Les services d'entreprises privées sont également concernés. Prenons garde à ne pas faire le procès de la modernisation de l'administration et de son adaptation. Il faut vivre avec son temps. Le numérique permet un accès aux services à toute heure et dans tous les territoires. Il ne s'agit pas de revenir en arrière.
Mais, pour une fois, je partage le diagnostic de nos collègues insoumis, même si je ne suis pas entièrement d'accord avec le remède proposé. Combien de nos compatriotes sont empêchés d'accéder aux services publics, en milieu rural, mais pas seulement ? Tous les milieux et tous les âges sont concernés. On estime à environ 8 millions le nombre de nos concitoyens sans accès facile à la dématérialisation et au numérique. Ce n'est pas rien ! Il faut revenir à un terme largement utilisé depuis le covid, le « présentiel », et prévoir un mode d'accès alternatif. Il ne s'agit pas de revenir en arrière et de supprimer le numérique, qui peut être intéressant, mais de systématiquement proposer un mode alternatif, ce qui veut dire un service avec quelqu'un en face à qui l'on peut expliquer ses difficultés. Les maisons France Services se sont bien développées, et c'est très bien. Mais cela ne suffit pas.
Comme le dit le proverbe, « il faut tâter pour voir ». Il faut, en effet, avoir quelqu'un en face de soi pour pouvoir s'exprimer et défendre son dossier.
Je ne comprends pas la nécessité de faire le procès du numérique en 2023. Même s'il est vrai qu'une partie de la population reste éloignée du monde numérique et que le service public privilégie désormais l'ère numérique, on ne peut pas nier que les services publics accessibles par le numérique permettent un gain de temps et sont plus pratiques pour la majorité des Français.
Heureusement, le numérique n'est pas la seule solution offerte aux usagers français. L'alternative que vous préconisez existe déjà avec les maisons France Services, qui ont été créées pour rapprocher le service public des usagers. Partant de ce constat, je voudrais proposer le renforcement de leurs missions. Ces maisons pourraient solliciter des jeunes en emploi civique pour renforcer leur capacité d'accueil physique. L'observation que je viens d'entendre hors micro, selon laquelle les jeunes n'auraient pas de compétences, est ridicule !
Par ailleurs, je regrette la disparition – dont vous ne parlez pas – de certains services de l'État désormais centralisés dans les métropoles, au détriment des villes moyennes. Je pense notamment aux services d'évaluation domaniale, regroupés dans les préfectures au détriment des sous-préfectures et qui travaillent le plus souvent à distance, ce qui est préjudiciable à nos collectivités locales, notamment les villes moyennes et les petites communes.
Merci pour vos interventions, qui confirment l'importance et l'intérêt du sujet.
Il ne s'agit ni de faire le procès du numérique, ni de chanter les louanges d'un passé glorieux. Comme je l'ai indiqué au début de mon propos, la numérisation apporte de nombreux avantages et bénéfices pour une majorité de personnes. L'objet de cette proposition de loi n'est pas d'améliorer l'existant, ce dont nous pourrions discuter lors de l'examen des projets de loi budgétaire ou dans les débats consacrés à la cohésion des territoires. Il est d'aborder un sujet identifié comme structurel dans les travaux d'évaluation conduits durant trois ans par la Défenseure des droits et sur lesquels je m'appuie.
Dans son premier rapport, celle-ci dressait un état de lieux et lançait des alertes, confirmées dans son second rapport publié en 2022. Ces éléments sont donc récents. Par ailleurs, même s'il n'est pas cité dans l'exposé des motifs du texte de loi, nous nous sommes aussi appuyés sur le dernier rapport du Conseil d'État, lequel souligne la nécessité d'assurer l'accès de tous les usagers aux services publics par une diversification des canaux et estime qu'il est « indispensable de sortir du 100 % numérique et de remettre de l'humain au contact des usagers ». Compte tenu des problèmes identifiés, il est nécessaire d'opérer non pas une régression, mais une forme de réparation, et d'assurer une garantie. C'est l'objet de ce texte, qui donne de la force à un principe qui paraît évident, mais qui n'est pas respecté et engendre des difficultés pour de nombreuses personnes.
Il ne s'agit pas d'un problème résiduel qui serait résolu par l'extension du champ du numérique et de l'installation d'internet. Le problème n'est pas conjoncturel et il concerne les publics qui, pour différentes raisons, peinent à accéder au numérique et à effectuer des démarches administratives par ce biais. Ce n'est ni une vision réactionnaire et fantasmée du passé, ni une volonté de revenir à l'âge de pierre et à la bougie, ni de l'impressionnisme. Le constat est objectivé. Dans notre pays, des millions de personnes éprouvent des difficultés qui les incitent à ne plus avoir recours à des droits pourtant essentiels.
Le public le plus vulnérable et le plus précaire est celui pour lequel les démarches sont les plus complexes. Les espaces France Services ne peuvent donc pas répondre à leurs demandes. Constater cela ne signifie pas que les conseillers de ce réseau ne font pas du bon travail. Au contraire, celui-ci est très apprécié et ces espaces ont remis de l'humain. Mais, dans un certain nombre de cas, qui ne sont pas insignifiants, ce n'est pas suffisant. Le principe de ces espaces est de garantir la présence de deux personnes pour aider et accompagner les usagers auprès de neuf services publics et opérateurs. Cela montre la difficulté à embrasser les spécificités de chacun des services publics concernés. Les personnels ne sont pas suffisamment formés et le dispositif sera structurellement sous-dimensionné, puisqu'il ne compense pas les fermetures de postes et de sites. C'est donc une bonne chose que les espaces France Services se développent et soient renforcés, mais cela ne répond que partiellement à la question.
Il ne s'agit pas d'opposer les centres urbains et les campagnes ou les territoires périphériques. La fracture numérique est partout, y compris dans ma circonscription du 18e arrondissement de Paris, où les services publics sont censés être accessibles, mais où des dizaines de personnes n'y ont pas accès. Il ne s'agit pas non plus seulement d'un problème d'alphabétisation au numérique. Les particularités des procédures administratives peuvent poser des difficultés même à des personnes qui se débrouillent bien avec internet. L'accompagnement au numérique ne suffit donc pas.
Mon rapport insiste aussi sur l'autre côté du guichet. Les agents indiquent que la numérisation n'a pas permis d'alléger leur charge de travail. Il faudrait l'évaluer plus précisément, mais la dématérialisation a plutôt augmenté les flux à traiter, en plus des dossiers à suivre. Plusieurs institutions, et non des moindres puisqu'il s'agit de la Défenseure des droits et du Conseil d'État, font le même constat. Une partie de la population interpelle les pouvoirs publics depuis plusieurs années.
Nous avons la possibilité, en tant que législateur, d'entériner un principe qui ne répondra pas à tous les problèmes de l'illectronisme, de la désertification territoriale et des difficultés sociales, mais qui garantira un accès à la fois numérique et physique à toutes les procédures administratives.
Il n'y a là aucune régression technique ou politique, mais l'ouverture d'un nouveau droit dans l'ère du numérique, qui permettra à l'ensemble de nos concitoyens, où qu'ils vivent et quels que soient leurs moyens économiques et leur capital culturel, d'accéder à leurs droits et de bénéficier des services de l'État. C'est notre responsabilité. Cette proposition consolidera ce qui a été déjà fait et ce qui le sera dans des dispositifs comme le réseau France Services. Aussi avons-nous tout intérêt à aller dans ce sens et à voter en faveur de cette proposition de loi.
Je répondrai à la proposition de Mme Ménard lorsque nous examinerons son amendement.
Nous discuterons plus avant de l'accueil des étrangers, y compris dans le débat autour du projet de loi « immigration », parce que c'est dans ce secteur que ces politiques ont été expérimentées avant d'être généralisées aux autres publics.
Je le répète, il convient d'agir dans l'intérêt général de la population et de répondre à des situations qui peuvent s'avérer dramatiques pour nos concitoyens, notamment les plus précaires et les plus vulnérables. C'est le propre de ce type de proposition de loi de se centrer sur les situations difficiles. Il est de notre responsabilité d'y répondre. Tout n'est pas à jeter dans le numérique, au contraire. Mais le tout-numérique ne peut pas être l'horizon que nous défendons. Ce n'est pas notre vision des services publics et, de manière générale, de la société dans laquelle nous vivons. Voilà pourquoi cette proposition de loi peut et devrait être votée par tous et toutes.
Article 1er : Garanties apportées à la possibilité pour l'usager et l'usagère de réaliser ses démarches administratives par voie non dématérialisée
Amendement CL6 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement de précision vise à prendre en compte la problématique du délai dans le traitement des dossiers. Comme cela a été démontré par plusieurs rapports institutionnels et confirmé dans le cadre des auditions avec des représentants et représentantes d'organisations syndicales, la fermeture de guichets et la restriction des horaires d'ouverture ont entraîné un recours accru aux rencontres sur rendez-vous. Dans de nombreux services, le délai d'obtention des rendez-vous est devenu problématique et plonge parfois les personnes dans des situations tragiques. Je ne reviens pas sur la situation des préfectures, de l'assurance maladie ou de l'assurance vieillesse, exemples que j'ai précédemment développés. Cet amendement vise à garantir à l'usager ou l'usagère l'accès à une prise en charge par une personne physique dans un délai d'attente raisonnable, c'est-à-dire qui ne remette pas en question la garantie de ses droits et de ses conditions de vie. Il permettrait de renforcer le dispositif que nous proposons à l'article 1er.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL4 de M. Davy Rimane.
Cet amendement vise à sensibiliser les administrations au plurilinguisme, dans nos territoires ultramarins où des dizaines de langues sont parlées. Il est important de prévoir cette sensibilisation, tout en garantissant que le français est la langue officielle, pour que nos concitoyens qui ne le maîtrisent pas ne soient pas exclus de leurs droits.
Cet amendement, qui se saisit de la situation dans les territoires d'outre-mer, illustre un point que j'ai souhaité mettre en avant dans cette proposition de loi. Lors de toutes nos rencontres avec les acteurs et les actrices de terrain, la question de la maîtrise de la langue a été systématiquement soulevée, car une maîtrise imparfaite engendre des difficultés qui constituent parfois une véritable barrière à l'accès aux droits. Des procédures administratives peuvent être compliquées quand on est très lettré ; elles le sont plus encore en cas de maîtrise imparfaite de la langue. J'émets un avis favorable à cet amendement qui enrichirait le dispositif.
Cet amendement devrait être un principe général. Nous avons énoncé les grandes lois du service public, notamment celles de mutabilité et d'adaptabilité. Il faut aller au bout de la démarche. Quand on se fixe comme objectif et comme résultat 100 % d'accès aux droits, on voit les choses avec un prisme différent et l'on considère qu'il est nécessaire que chaque personne comprenne la démarche qu'elle va effectuer. La barrière linguistique est réelle. Même pour qui parle français correctement, la langue administrative est encore autre chose. Pour ceux qui s'intéressent aux sujets de justice, le vocabulaire et le champ lexical sont hermétiques aux communs des mortels, quand bien même ils maîtrisent la langue de leur pays. Pour toutes ces raisons, l'accueil physique, l'accompagnement et la possibilité d'une procédure dématérialisée ou non sont indispensables.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL5 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement vise à permettre aux personnes chargées de l'accueil physique de bénéficier de formations pour approfondir leurs connaissances et leur capacité à répondre aux multiples demandes. L'une des difficultés, y compris dans des dispositifs comme les espaces France Services, consiste à guider les personnes dans des démarches compliquées. Pour mémoire, ces espaces concernent neuf services ou opérateurs différents. Or, les conseillers et les conseillères ne sont aujourd'hui formés que durant cinq jours, ce qui est largement insuffisant pour maîtriser le système administratif, ses procédures et les spécificités de chaque service. Ajouter une mention selon laquelle il est nécessaire qu'une personne physique bénéficie de parcours de formation convenablement dimensionnés, financés et adaptés aux impératifs et aux périmètres de son exercice enrichirait le dispositif.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL2 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'objet de cet amendement est de rapprocher le service public des usagers en favorisant le recours au service civique, afin de pallier les éventuels manques de personnel physique. Cela rejoindrait l'objet du service civique, qui est de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale et d'offrir à toute personne volontaire l'opportunité de servir les valeurs de la République et de s'engager en faveur d'un projet collectif, en effectuant une mission d'intérêt général auprès d'une personne morale agréée. Si votre proposition de loi avait un petit intérêt, ce pourrait être celui-là.
Votre amendement confirme la nécessité d'un accueil physique, puisque vous évoquez la nécessité de pallier un manque de présence physique. Ainsi, contrairement à ce que vous indiquiez dans votre intervention, il y a bien un problème. En revanche, la solution que vous proposez est précisément ce qu'il ne faut pas faire. C'est l'une des leçons à tirer du déploiement des dispositifs de type France Services. Combler les trous pas des dispositifs comme le service civique est ce qu'il ne faut surtout pas faire. Vous mettrez en difficulté les personnes en service civique, car elles seront encore moins formées que les conseillers et les conseillères de France Services, et ne pourront pas répondre aux demandes. Les usagers ne bénéficieront pas de l'accompagnement dont ils auront besoin. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) considère d'ailleurs qu'il faut doubler le temps de formation de ses agents. Cet amendement est une fausse bonne idée. Avis défavorable.
L'enfer est pavé de bonnes intentions ! J'imagine que Mme Ménard a de bonnes intentions, mais sa proposition est proprement infernale, pour trois raisons. D'abord, si elle était appliquée, elle dégraderait le service public, puisque des jeunes en service civique n'ont pas la formation des agents des services publics. Ensuite, elle organiserait une forme de dumping social : si l'on peut faire appel à des jeunes en service civique, inutile de payer de vrais salariés et de vrais agents. Enfin, elle serait illégale. Quand on est en service civique, on ne peut accomplir des missions exercées par un salarié ou un agent du service public.
D'une part, un certain nombre de jeunes en service civique œuvrent déjà en préfecture. Pourquoi serait-ce autorisé en préfecture et illégal en maisons France Services ? D'autre part, vos propos sont assez méprisants pour les jeunes en service civique, que vous semblez prendre pour des imbéciles incapables de faire du service d'accueil auprès des personnes. (Exclamations.) Puis-je m'exprimer ? Je remercie La France insoumise pour son ouverture d'esprit…
Quant au fait qu'en amendant votre texte, madame Obono, j'acquiescerais à votre idée sous-jacente selon laquelle la présence physique n'est pas suffisante, je répète ce que j'ai dit : je ne suis pas là pour faire le procès du numérique. La numérisation de l'administration apporte énormément d'avantages aux citoyens français.
(Nouvelles exclamations.)
Cela devient insupportable ! On ne peut plus déposer un amendement et défendre une idée contradictoire sans se faire ramasser, voire insulter. Pardon d'exister ! Je suis députée comme vous, et j'ai le grand bonheur de ne pas faire partie de votre groupe.
La commission rejette l'amendement.
Elle rejette l'article 1er.
Après l'article 1er
Amendement CL1 de Mme Marie-France Lorho.
L'accueil physique des Français pour l'opération des tâches administratives est une condition de la bonne marche de notre service public. Or, pour l'année 2021, l'Insee indique que seuls 26,6 % des 75 ans ou plus ont effectué une démarche en ligne au cours de l'année. Ce faible taux laisse penser que nombre de nos compatriotes, notamment âgés, peinent à entreprendre des démarches administratives en ligne. Cet amendement, qui propose la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement visant à mesurer l'état de l'accès des Français aux démarches administratives en ligne, permettra d'évaluer la teneur des dysfonctionnements relatifs à l'accès aux services dématérialisés.
Les difficultés numériques que vous évoquez sont l'un des éléments qui expliquent le non-recours aux démarches administratives en ligne. Je me suis appuyée sur les travaux existants, notamment les deux rapports de la Défenseure des droits, et sur le baromètre annuel du numérique. Je considère donc que votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
L'article 1er de la proposition de loi ayant été rejeté, l'article 2 est sans objet.
La commission ayant supprimé tous les articles de la proposition de loi, l'ensemble de celle-ci est rejeté.
En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte dont l'Assemblée a été saisie.
Puis, la Commission examine la proposition de loi visant à abroger l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure (n° 1553) (M. Thomas Portes, rapporteur).
La peine de mort est abolie en France depuis 1981. Bien que son interdiction figure dans la Constitution depuis 2007, elle existe encore. Jean-Paul, Fadjigui, Boubacar, Rayana, Omar, Adam, Ryan, Amine, Zyed, Inès, Alhoussein, Nahel : ce ne sont pas des personnes condamnées par la justice qui ont perdu la vie, mais des conducteurs ou des passagers de véhicules qui n'auront jamais l'occasion de défendre leurs droits devant un juge. Ils ont été abattus par la police après un refus d'obtempérer.
Certains de ces drames sont hélas inévitables : les forces de l'ordre étant en état de légitime défense dès lors que la voiture fonce sur eux ou sur autrui. Mais la plupart de ces morts tragiques ne se justifient pas au nom de la légitime défense invoquée par les policiers. Elles s'expliquent par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, dite loi Cazeneuve.
Présentée comme une simple harmonisation des règles applicables à l'usage des armes par les gendarmes et par les policiers, cette réforme a créé l'article L. 435-1 du code de sécurité intérieure (CSI). Elle est l'aboutissement de plusieurs mois de surenchère politique, alimentée par la pression constante des syndicats policiers. Il faut se rappeler que le rapport ayant inspiré la loi a été rédigé par la magistrate Hélène Cazaux-Charles. Nous l'avons auditionnée : elle a dénoncé la prise de distance du législateur vis-à-vis de ses conclusions.
Déjà, à l'époque, de nombreux chercheurs, de nombreux sociologues alertaient sur la dangerosité de cette loi. Dans un avis sur le projet de loi rendu le 17 janvier 2017, le Défenseur des Droits s'est opposé à l'évolution de la législation ainsi opérée, dans les termes suivants : « Le projet de loi relatif à la sécurité publique complexifie le régime juridique de l'usage des armes, en donnant le sentiment d'une plus grande liberté pour les forces de l'ordre, au risque d'augmenter leur utilisation, alors que les cas prévus sont couverts par le régime général de la légitime défense et l'état de nécessité, dès lors que l'usage de la force doit être nécessaire et proportionné, conformément aux exigences de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ».
La doctrine juridique a également émis des critiques sévères. Mme Catherine Tzutzuiano, maître de conférences à l'université de Toulon, a estimé qu'une importante marge d'appréciation est laissée à la charge de l'agent, laquelle est de nature à priver les fonctionnaires de la sécurité juridique indispensable en ce domaine.
En tant que rapporteur de la proposition de loi déposée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe La France insoumise, j'ai souhaité auditionner les syndicats de policiers. Je regrette que seule la CGT-Police ait répondu à ma demande d'audition. Cela en dit long sur le mépris flagrant pour le Parlement. C'est inquiétant pour notre démocratie.
En dépit des garanties d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité rappelées par son premier alinéa, l'article L. 435-1 du CSI a considérablement assoupli le recours aux armes à feu, en autorisant les forces de l'ordre à tirer dans des conditions où elles doivent diagnostiquer, en une fraction de seconde, le comportement futur de conducteurs comme un refus d'obtempérer. L'ouverture du feu dépend d'une interprétation prédictive, par essence subjective, d'un danger potentiel et non avéré. Il s'agit d'une forme de légitime défense anticipative, pour laquelle l'existence d'un danger objectif, réel et actuel n'est plus requise.
Cette évolution législative constitue une dérive, qui caractérise l'institution policière. Elle va à l'encontre des valeurs démocratiques et de l'intérêt général que celle-ci est pourtant censée servir. Le bilan humain qui en découle est particulièrement lourd – j'ai rappelé en introduction des noms de victimes.
Si la gendarmerie peut se féliciter de ne dénombrer aucune victime à la suite de tirs réalisés sur des véhicules en mouvement, les chiffres explosent en zone police. Non seulement le nombre de tirs a sensiblement augmenté entre les années 2012-2017 et 2017-2022, mais le nombre de tirs mortels a été multiplié par près de cinq depuis la promulgation de la loi Cazeneuve. En 2022, treize personnes ont été tuées par la police à la suite d'un refus d'obtempérer. Par comparaison, l'Allemagne, souvent citée en exemple dès qu'il s'agit de justifier n'importe quelle réforme néolibérale, ne compte qu'une seule personne décédée pour un refus d'obtempérer au cours de la dernière décennie.
Cette stratégie sécuritaire est aussi inefficace que meurtrière. Elle est inefficace, car elle est impuissante à juguler la hausse du nombre de refus d'obtempérer constatée au cours des dernières années, quand bien même plus de quatre refus d'obtempérer sur cinq ne présentent aucun caractère dangereux, d'après les chiffres de la sécurité routière. Elle est meurtrière, car elle laisse la possibilité à des agents de police, souvent jeunes, insuffisamment formés et entraînés au tir, d'ouvrir le feu dans des conditions qui ne sont pas celles de la légitime défense, prévues par l'article L. 122-5 du code pénal et interprétées strictement par la jurisprudence.
Sacrifier le droit à la vie, protégé par l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne permettra jamais de renforcer la sécurité. C'est une illusion, dont nous devons sortir avant qu'il ne soit trop tard, à l'heure où la fracture entre la police et une partie de la population, notamment les jeunes issus des quartiers populaires, ne cesse de s'accroître chaque jour un peu plus.
La proposition de loi déposée par le groupe La France insoumise vise un objectif simple : abroger l'article L. 435-1 du CSI. Ce texte, contrairement à ce que j'ai entendu dire, ne privera aucunement les forces de l'ordre des moyens de se défendre si elles sont agressées. Elles agiront ainsi dans le respect de la légitime défense, comme elles l'ont toujours fait avant la loi du 28 février 2017, comme chaque citoyenne et chaque citoyen, sous le contrôle de la justice.
Députés de la République, nous devons mettre un terme à cette spirale de violence qui a coûté la vie à de trop nombreuses personnes. En tant que rapporteur de la proposition de loi, j'ai auditionné les familles de victimes des tirs mortels commis par la police. J'ai été frappé par leur dignité, leur courage et leur détermination à porter une parole qui ne trouve pas la place qu'elle mérite dans le traitement médiatique de ces drames. Le texte est aussi l'occasion de leur rendre hommage et de continuer un combat auquel se rallient de nombreux collectifs citoyens et associations de défense des droits de l'Homme.
Il vise aussi à restaurer la fonction première d'une police républicaine, conformément à l'article 12 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, que vous me permettrez de citer : « La force publique est instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » Plus de deux siècles plus tard, nous devons rester fidèles aux idéaux de la Révolution française, à l'heure où les forces réactionnaires sont prêtes à écarter nos libertés publiques pour assouvir des fantasmes sécuritaires et racistes. La proposition de loi est aussi l'occasion de défendre nos principes et les droits fondamentaux que nous devons garantir à chacune et chacun d'entre nous : 65 % des Françaises et des Français sont favorables à l'abrogation de la loi Cazeneuve.
À rebours des caricatures qui en sont faites, notre objectif n'est pas de désarmer la police, ni d'empêcher les policiers d'exercer leur droit à la légitime défense. Il s'agit de dire que la légitime défense, pour les policiers, doit être la même que pour les autres citoyens. Il n'y a pas de justiciables différents les uns des autres. À l'heure où certains groupes politiques veulent étendre la présomption de légitime défense pour donner aux policiers l'occasion de tirer dans toutes circonstances tout en étant protégés par la loi, nous défendons l'idée simple que la légitime défense existe et que les policiers doivent être protégés, mais comme tout citoyen, afin que la légitime défense protège tous les citoyens de ce pays.
Monsieur le rapporteur, il y a quelques mois, votre camarade de groupe Louis Boyard lançait le « blocus challenge » pour encourager les lycéens à bloquer leur établissement, avec peu de succès. Ce que nous ne savions pas, c'est qu'il était un précurseur. S'il fallait résumer la stratégie, ou plutôt la tactique du groupe La France insoumise, je dirais que c'est d'abord celle des coups, des challenges. Nous avons ainsi eu droit, au cours des seize derniers mois, à l'« obstruction challenge » – des milliers d'amendements pour bloquer notre Parlement – puis au « désordre challenge » – à qui perturbera le plus nos séances –, dont vous occupiez la tête du classement.
Celui qui nous occupe aujourd'hui est l'« antiflics challenge ». Sans doute récompensez-vous la personnalité politique qui aura le mot le plus dur et le plus insultant à l'égard de nos forces de l'ordre – les policiers ont « tué » en vertu d'un « permis de tuer », ce qui vaut rétablissement de « la peine de mort » par des policiers dépeints comme des barbares coupables de « dérives meurtrières », d'après votre exposé des motifs. Les mots que vous et certains de vos amis utilisez sont violents, outranciers, inutilement insultants et totalement irrespectueux du travail de milliers de policiers et de gendarmes qui, chaque jour, mettent leur vie en péril pour assurer la sécurité de nos concitoyens, de notre pays, de certains élus – dont certains Insoumis – et de nos institutions.
Cette commission a lancé il y a quelques semaines, à l'initiative du président Houlié, une mission d'information sur la hausse du nombre de refus d'obtempérer et les conditions d'usage de leurs armes par les forces de l'ordre, dont Roger Vicot et moi-même sommes rapporteurs. Vous proposez, avec vos présupposés et vos stéréotypes sur la police, de légiférer sans que le bilan de la loi Cazeneuve n'ait été tiré. À en juger par vos mots et par votre proposition de loi, vous cherchez non à travailler sur le fond, mais à provoquer le conflit et à désigner des cibles. Décidément, votre groupe n'a pas grand-chose à envier au Rassemblement national : leurs cibles sont les migrants, les vôtres les policiers. Il vous faut des boucs émissaires à désigner à la vindicte populaire.
Les travaux de notre mission d'information ont débuté il y a seulement un mois. Votre proposition de loi est une manière peu élégante de vous asseoir une nouvelle fois sur le Parlement. Alors même que vous passez vos journées à donner des leçons de respect de l'Assemblée nationale, vous n'avez même pas celui d'attendre nos conclusions.
Parmi les nombreuses auditions que Roger Vicot et moi-même menons, nous avons auditionné des syndicats de policiers, des gendarmes, des magistrats, des chercheurs, des universitaires, des avocats et des organisations de défense des droits de l'homme. Personne n'a utilisé les mots que vous employez, pas même les plus farouches opposants à la loi Cazeneuve, au sujet de laquelle je n'ouvrirai pas le débat sur le fond, dans l'attente de nos conclusions.
Au nom du groupe Renaissance, j'ai déposé un amendement de suppression de l'article unique de la proposition de loi. Cette démarche ne nous est pas coutumière, car nous avons pour habitude de laisser prospérer les propositions de loi déposées dans le cadre des niches parlementaires, comme l'a rappelé récemment notre président de groupe, Sylvain Maillard ; mais nous n'oublions pas que l'évaluation parlementaire est l'un des piliers du travail parlementaire, et qu'il faut la respecter. Nous sommes totalement opposés à votre texte.
Chers collègues du groupe La France insoumise, vous qui manifestez aux côtés du comité Adama, au milieu de manifestants scandant « Tout le monde déteste la police ! », vous instrumentalisez ici avec une rare malhonnêteté des drames pour faire le procès, uniquement à charge, du travail de nos policiers. Ainsi, le groupe La France insoumise nous rappelle la mort, terrible, des jeunes Nahel Merzouk à Nanterre et Alhoussein Camara en Charente, tous deux décédés à la suite de refus d'obtempérer ayant entraîné des tirs de la police. Pourtant, jamais il n'est précisé qu'à seulement 17 ans, et par nature sans permis, Nahel, qui conduisait de façon très dangereuse en pleine ville, était déjà l'auteur de cinq refus d'obtempérer ayant entraîné deux arrestations. Jamais il n'est rappelé que le policier ayant ouvert le feu sur Alhoussein Camara a été percuté et blessé par le véhicule de ce dernier lors du refus d'obtempérer.
Jamais, ni dans votre texte, ni dans vos discours, vous n'avez un mot pour les forces de l'ordre, ni pour les trois policiers blessés samedi dans l'Essonne, après qu'un délinquant a délibérément foncé sur leur véhicule, ni pour ceux renversés délibérément par le conducteur d'une voiture volée dimanche en Seine-et-Marne, ni pour le policier traîné sur dix mètres mercredi dernier dans les Yvelines par le chauffeur d'un véhicule refusant un contrôle routier, contre lequel son collègue a dû utiliser son arme. Mardi, c'est dans le Val-d'Oise qu'un policier a été percuté et traîné par une voiture. Mais pour eux, vous ne manifestez pas et vous ne faites pas de propositions de loi.
Aucune réaction de votre part au jugement survenu lundi dernier à Nantes : un jeune de 16 ans qui, au volant d'une voiture volée, a projeté un policier au sol et l'a traîné sur une vingtaine de mètres – ce qui a entraîné une perte de connaissance et des séquelles graves – a été condamné à seulement 35 heures de travaux d'intérêt général. Jamais vous ne parlez de la valeur de la vie des policiers. Jamais vous ne parlez de ce trentenaire tué à Paris ou de ces deux femmes de 20 ans tuées en Gironde par les conducteurs de véhicules qui venaient de refuser de s'arrêter pour un contrôle de police.
Si nos policiers en viennent parfois à ouvrir le feu sur des véhicules dont les conducteurs refusent d'obtempérer, c'est parce qu'ils sont un danger mortel pour nos fonctionnaires comme pour les populations. Jamais vous ne rappelez que nos policiers subissent plus de 27 000 refus d'obtempérer par an, ni que c'est cela qui entraîne 161 coups de feu, soit un pour 170 refus d'obtempérer, et malheureusement un mort tous les 6 750 refus d'obtempérer. En dépit de ces réalités, au cours des vingt dernières années, un seul policier a été condamné à de la prison en raison d'un tir mortel injustifié visant un véhicule, celui d'un trafiquant de drogue armé mais ne mettant pas immédiatement en danger les policiers ou les citoyens.
Certes, le nombre de morts suite à des tirs de policiers liés à un refus d'obtempérer augmente, mais c'est la conséquence directe de l'explosion du nombre de refus d'obtempérer auxquels font face nos policiers et nos gendarmes. Face à cette situation alarmante, vous ne proposez pas de lutter contre l'explosion du nombre de refus d'obtempérer, mais de désarmer la police, et pas uniquement pour les refus d'obtempérer. Votre texte supprime l'article L. 435-1 du CSI, qui autorise les policiers à faire usage de leurs armes en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée, notamment si des personnes armées menacent leur vie ou celle d'autrui, si, après deux sommations, ils ne peuvent défendre autrement les lieux qu'ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées et s'ils ne peuvent empêcher autrement la réitération de meurtres ou de tentatives de meurtres.
Votre exposé des motifs le dit clairement : pour vous, les policiers doivent être « soumis, comme tout autre citoyen, au principe de légitime défense prévu à l'article L. 122-5 du code pénal ». Contrairement à vous, nous ne voulons pas aligner le statut des policiers, en matière d'usage des armes, sur celui des citoyens. Au Rassemblement national, nous ne détestons pas la police. Contrairement à ce que vous affirmez, la police ne tue pas ; elle nous protège. Contrairement à vous, nous ne voulons pas interdire à nos policiers d'utiliser leur arme si une personne au volant d'un véhicule menace leur vie ou celle de nos concitoyens. Nous ne voulons pas non plus supprimer les dispositions de l'article L. 435-1 du CSI permettant à nos policiers de faire usage de leur arme si cela est nécessaire pour leur protection et celle d'autrui.
La République peut se prévaloir d'avoir aboli la peine de mort. Dès lors, pourquoi continue-t-elle de fermer les yeux et de cautionner, sinon d'encourager, les exécutions extrajudiciaires commises par ses fonctionnaires dans l'exercice de leur mission ? Les situations se ressemblent presque toutes : une nuit, un véhicule en mouvement, trois agents entreprenant un contrôle d'identité auprès d'un automobiliste arrêté sur le bas-côté ; un refus d'obtempérer identifié par les agents, des tirs non réglementaires par des fonctionnaires mal formés, épuisés, stressés et victimes du syndrome de la citadelle assiégée ; un mort dans des circonstances troubles, que les familles des victimes mettent de longues années à éclaircir dans le cadre de procédures épuisantes et interminables ; une vérité écrasée par un appareil judiciaire qui protège, dès l'enquête et de manière flagrante, les fonctionnaires mis en cause ; un système qui nourrit un sentiment d'impunité et trahit la promesse d'égalité républicaine qui constitue le fondement de notre contrat social.
En cinq ans, le nombre de personnes tuées par des policiers a été multiplié par cinq. D'où vient cette inflation létale que les travaux du chercheur Sebastian Roché documentent minutieusement depuis plusieurs années ? Au début de l'année 2017, le Premier ministre Cazeneuve a tenu à modifier le CSI. Il a aligné le régime d'emploi de la force des agents de la police nationale, supposément sans défense, sur celui de la gendarmerie. Des années plus tard, nous déplorons, tous les deux mois en moyenne, la mort d'un homme, tué par la police à l'occasion d'un refus d'obtempérer.
Les rapports annuels de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) font état d'une certaine stabilité du nombre de tirs chez les gendarmes au cours de la dernière décennie. Dans la police, ce chiffre augmente de 12 % de 2012 à 2021 ; 60 % des usages d'armes individuelles se rapportent à des tirs sur véhicule. En 2022, douze personnes ont trouvé la mort dans des conditions similaires. Et puis il y a eu Nahel, celui dont l'exécution était si évidente, si violemment injuste qu'elle a mis le feu aux poudres de la révolte partout en France. Le Gouvernement a choisi de la réprimer brutalement. Nous, nous choisissons d'apporter la justice pour qu'advienne la paix, et nous voulons rendre leur dignité à Angelo, à Souleimane, à Souheil, à Olivia, à Olivio, Gaye, Bakaré, Amine, Nordine et aux autres, ainsi qu'à leurs proches.
La loi Cazeneuve a provoqué une confusion mortelle dans l'appréciation des conditions de la légitime défense par les personnels disposant de l'exercice de la violence légitime. Elle portait en elle un effet psychologique de désinhibition en matière d'utilisation de l'arme à feu individuelle. En introduisant un dispositif d'usage de la force permissif en contradiction radicale avec le droit international, elle a envoyé un signal à des fonctionnaires de police peu formés, soumis à des biais comportementaux dans l'appréhension d'une clientèle policière – ou d'un « gibier de police », pour reprendre l'expression de sociologues – constituée d'une population racialisée et jugée par essence dangereuse, qui concentre l'essentiel de leur attention en matière de contrôle d'identité et de répression physique, en allant des mutilations aux exécutions.
Cette loi a envoyé un signal mortel aux éléments les plus dangereux qui se cachent parmi nos forces de l'ordre, et qui l'ont comprise comme un permis de tuer. Son abrogation relève de la salubrité publique. Elle est approuvée par deux tiers de la population, selon notre sondage. Elle enverra le signal contraire, en attendant la nécessaire réforme de la doctrine d'emploi de nos forces de l'ordre, dont la formation doit être revue et renforcée pour privilégier la désescalade dans chacune de leurs interventions.
Après plusieurs drames survenus à l'occasion de refus d'obtempérer, la question de l'usage des armes par les forces de l'ordre suscite une nouvelle fois de lourds débats. La loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, qui a modifié les règles d'usage de leur arme de service par les policiers, est spécifiquement visée.
Notre groupe est particulièrement attaché aux valeurs cardinales d'un État de droit, d'une démocratie moderne, donc à la légitimité dont bénéficient les forces de l'ordre pour y concourir. L'article 435-1 du CSI, issu de la loi du 28 février 2017, prévoit que les forces de sécurité intérieure (FSI) sont autorisées à faire usage de leurs armes dans l'exercice de leurs fonctions et dans des situations très précises. Il précise que l'usage de l'arme doit obéir à des critères d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité, appréciées in concreto par le juge.
Les dispositions en vigueur ne sauraient affranchir les FSI de l'absolue nécessité et de la stricte proportionnalité dans l'usage de leurs armes. Le cadre d'utilisation des armes fixé par le CSI prévoit que, dès lors que l'utilisation d'une arme est justifiée par la légitime défense ou par l'autorisation de la loi, son recours est régi par les mêmes principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité, tels qu'ils découlent de la CEDH.
Comme l'indique le rapport du Sénat sur la loi du 28 février 2017, la Cour de cassation a estimé, pour admettre la conventionnalité de l'ancien article L. 23-38-3 du code de la défense – lequel posait, avant l'unification des régimes de 2017, le cadre juridique d'usage des armes par les gendarmes –, que faire usage des armes dans le cadre fixé par la loi ne dispense pas les juges de déterminer si l'usage de la force était absolument nécessaire en l'état des circonstances, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) exigeant un contrôle in concreto.
Si solide que soit ce cadre, il faut bien constater que la recrudescence des refus d'obtempérer a une incidence sur les modalités d'utilisation des armes par les forces de l'ordre. De la même façon, le degré et le volume de formation dont bénéficient les forces de l'ordre ont soulevé des questions au sein de la représentation nationale. C'est pourquoi notre commission a lancé, le mois dernier, une mission d'information sur la hausse du nombre de refus d'obtempérer et les conditions d'usage de leurs armes par les forces de l'ordre. Compte tenu de l'importance du sujet abordé par la proposition de loi, il semble sage d'attendre la publication du rapport de cette mission d'information avant de modifier la législation en vigueur.
Par ailleurs, je déplore que ce texte n'ait d'autre objectif que d'installer l'idée pernicieuse que les forces de l'ordre bénéficieraient d'un permis de tuer. Par l'utilisation d'un champ lexical accusatoire – « permis de tuer », « peine de mort » – aux fins d'établir l'existence d'une présomption d'illégitimité des prérogatives des forces de l'ordre, vous contribuez à asseoir un climat délétère et non apaisé. Or, notre groupe entend veiller à ce que les relations entre nos concitoyens et nos fonctionnaires de police demeurent apaisées.
Le groupe Démocrate ne votera pas le texte.
La temporalité choisie pour la présentation de ce texte m'étonne un peu, dans la mesure où notre commission a décidé de créer en son sein une mission d'information sur la hausse du nombre de refus d'obtempérer et les conditions d'usage de leurs armes par les forces de l'ordre, qui a déjà commencé ses travaux. Nous prévoyons, avec M. Rudigoz, de conduire nos auditions jusqu'à fin janvier ou début février. Nous allons entendre les gens du métier et les spécialistes de ces questions. La pire manière d'évaluer une loi, à mon sens, est de s'envoyer des faits divers à la tête. Il nous faut continuer sereinement nos travaux, afin d'améliorer notre compréhension de ces problématiques.
Monsieur Portes, je voudrais rectifier un propos que vous avez tenu : si l'article L. 435-1 était supprimé, les policiers seraient certes à nouveau soumis au droit commun de la légitime défense, mais pas comme n'importe quel Français. En effet, la loi Cazeneuve a aligné le régime juridique des policiers sur celui des gendarmes et des douaniers, qui présente un caractère dérogatoire.
À ce stade, notre groupe ne juge pas opportun de supprimer cette disposition. Laissons la mission d'information travailler et attendons ses conclusions – peut-être proposera-t-elle de réécrire ou de supprimer l'article en question... Nous ne prendrons pas part au vote.
La proposition de loi que vous présentez dans le cadre de votre niche vise à supprimer les dispositions législatives encadrant l'utilisation des armes à feu par les membres de la police nationale, les gendarmes, les policiers municipaux et les surveillants pénitentiaires, et à soumettre ces derniers au régime de droit commun de la légitime défense. Je me permets de rappeler à toutes fins utiles que les dispositions que vous souhaitez voir abrogées ont été adoptées, sous l'impulsion de Bernard Cazeneuve et de la majorité parlementaire socialiste, à la suite des attentats de 2015 et de l'attaque au cocktail Molotov de policiers à Viry-Châtillon en 2016. À l'époque, le gouvernement Cazeneuve avait considéré que les conditions de la légitime défense étaient inadaptées à l'action des forces de police et notamment à leur mission de sécurité publique. En conséquence, il avait décidé de faire évoluer le cadre juridique de l'usage de leurs armes.
Il résulte des dispositions législatives actuelles que, dans les cas légalement prévus et sous réserve d'une absolue nécessité et du strict respect de la proportionnalité, les forces de sécurité intérieure, « dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité », sont autorisés à recourir à la force armée. Lorsque l'ensemble des conditions sont remplies, et uniquement à ces conditions, les forces de l'ordre bénéficient d'une irresponsabilité pénale. Hors ces cas, l'ensemble des forces de l'ordre retombent dans le régime de droit commun de la légitime défense.
Le régime prévu par la loi n'est pas très éloigné des conditions devant être réunies pour prouver qu'il a été fait usage d'une arme en situation de légitime défense. En outre, ce régime s'inscrit dans le cadre juridique défini par la Cour européenne des droits de l'homme. Cette dernière exige en effet qu'un cadre juridique et administratif strict définisse les conditions dans lesquelles les responsables de l'application de la loi peuvent recourir à la force et faire usage d'armes à feu. Les États doivent instituer des garanties adéquates et effectives contre l'arbitraire et l'abus de la force.
Le groupe Horizons et apparentés est profondément attaché au principe selon lequel il faut protéger ceux qui nous protègent. Il est en effet inconcevable que les forces de l'ordre, lorsqu'elles agissent dans le cadre de leur mission et dans le respect du cadre légal, puissent voir leur honneur et celui de toute leur profession salis par des suspicions et des positions navrantes telles que « la police tue ».
Contrairement à ce que votre proposition de loi sous-entend, l'usage des armes à feu par les forces de sécurité intérieure est strictement encadré et ne conduit en aucun cas à l'impunité, sous quelque forme que ce soit. Au contraire, la loi traite de manière différente des personnes placées dans une situation différente. Les policiers et les gendarmes n'exercent pas une profession normale. Ils constituent le cœur de l'État. Ces femmes et ces hommes s'engagent en faveur de la protection de nos concitoyens et ce, souvent au détriment de leur vie personnelle.
Convaincu de la nécessité et de la proportionnalité des dispositions en cause, le groupe Horizons et apparentés votera contre la proposition de loi.
Comme je le craignais, le débat a commencé sur des bases un peu dévoyées et factices, qui conduisent à se demander qui serait pro ou anti-police. Telle n'est pas la question, car nous partageons tous, ici, me semble-t-il, quelle que soit la façon dont on l'exprime, un même objectif : assurer la sécurité de chacune et de chacun, comme nos textes fondamentaux nous l'imposent, et offrir un égal accès au droit sur l'ensemble du territoire.
Vous êtes nombreux, chers collègues, à vouloir rejeter le texte. Les écologistes, pour leur part, souhaitent l'amender, en partant du principe que nous voulons toutes et tous un cadre cohérent et partagé, facile d'accès pour les agents chargés de l'appliquer comme pour la population, et offrant une complète sécurité.
Or, force est de constater que la rédaction retenue par la loi Cazeneuve sur le refus d'obtempérer reste floue. Il semble urgent de la clarifier, pour les agents comme pour les citoyens. La vie de nos agents et de nos militaires ne doit plus être mise en danger par les refus d'obtempérer.
Les politiques actuelles ne marchent pas. Les refus d'obtempérer, comme le nombre de personnes blessées et de victimes de tir ne diminuent pas. Il faut donc réfléchir autrement, comme y invite la proposition de loi. Ces drames endeuillent trop de familles. Sabrina Sebaihi, élue à Nanterre, peut témoigner de la douleur ressentie par la mère de Nahel d'avoir vu son fils mourir ainsi. On compte, hélas, beaucoup trop de mères dans la même situation. Cela abîme aussi, il faut le rappeler, la vie des agents qui ont tiré. Aucun d'entre eux ou d'entre elles ne se lève le matin, je pense, en se disant : je vais tuer quelqu'un. Cela ne fait pas partie de ce pour quoi ils ont signé, et ça devient pourtant une réalité qu'ils ont à assumer.
Les effets de ces drames dépassent très largement le cadre de la loi et de l'organisation de la police. Ils s'étendent à l'ensemble de la société, provoquant parfois manifestations et émeutes. Ce sujet, qui nous préoccupe toutes et tous, a partie liée à la démocratie.
Enfin, il faut changer parce qu'on peut faire autrement, comme le montrent ceux qui assurent la sécurité de 52 % de la population française sur 80 % du territoire, à savoir les gendarmes. Ceux-ci suivent en effet des formations pour apprendre à agir d'une manière différente et disposent de kits pour les aider à atteindre cet objectif. Les chiffres indiquent – et l'IGGN l'a démontré lors d'une audition – que l'on ne déplore aucun décès à la suite d'un refus d'obtempérer dans les rangs de la gendarmerie ou des personnes contrôlées. On sait donc faire autrement ; nous avons des textes et des formations adaptés. Des agents et des militaires, qui font correctement leur travail, bénéficient en retour de la reconnaissance de la population. Dès lors, pourquoi n'est-on pas capable de généraliser ces modalités d'intervention, d'offrir le même cadre de travail, d'emploi et de sécurité aux agents et aux citoyens ?
Cela implique un entraînement adapté et permanent, objet de l'amendement CL12 qui, je l'espère, pourra être examiné. Cela passe aussi par la définition d'un cadre cohérent et partagé, deux conditions qui sécurisent les militaires aujourd'hui et qui pourraient sécuriser les agents de police demain, deux principes qui sont de nature à réparer le lien entre police et population. L'amendement CL11 vise ainsi à supprimer le 4° de l'article L. 435-1 du CSI. Cette évolution nous rendrait fiers de nos institutions, que l'on porte ou non l'uniforme. Il me semble que c'est une proposition pragmatique et de droit.
La mort de Nahel, le 27 juin à Nanterre, la vision des images, presque en direct, de la mort d'un jeune homme de 17 ans à la suite d'un refus d'obtempérer a créé, me semble-t-il, une onde de choc dans le pays. On a constaté, immédiatement, une grande émotion dans la population, et on a vu des villes populaires, en milieu urbain comme en zone rurale, s'enflammer dans les jours qui ont suivi. Nahel, c'est évidemment un mort de trop, mais c'est aussi un mort de plus. Ce drame devrait toutes et tous nous alerter et nous inviter à agir. Il est important que nous puissions débattre de la proposition de loi de La France insoumise car le sentiment assez général – et justifié – dans le pays, c'est que rien n'a été fait en la matière depuis le décès de ce jeune homme.
La loi relative à la sécurité publique, votée en 2017, a modifié l'article L. 435-1 du CSI afin d'élargir les conditions d'usage, par les policiers, de leur arme à feu, les faisant ainsi bénéficier d'un régime assez semblable à celui des gendarmes. Toutefois, on constate que des changements doivent être effectués en termes de culture, de pratique et de formation. Le texte présenté par Thomas Portes pourrait être une occasion de le faire.
La rédaction introduite en 2017 a pour effet de délivrer un permis d'ouvrir le feu lorsque le refus d'obtempérer d'un automobiliste est susceptible de menacer physiquement les policiers ou des passants dans sa fuite. Dès lors, un chauffard qui refuse de s'arrêter ou démarre en trombe peut être neutralisé dans sa fuite, sans que le policier auteur du tir ne soit mis en cause. Cela amène des députés d'extrême droite à nous proposer d'instaurer un permis de tuer par le biais de la reconnaissance d'office de la légitime défense pour les policiers. Voyez dans quoi nous sombrerions si nous glissions vers cela.
L'évolution de 2017 a gravement fragilisé les deux conditions légales d'ouverture du feu, à savoir l'absolue nécessité et la stricte proportionnalité. Pis, cette loi a ouvert la voie à la multiplication des tirs mortels pour refus d'obtempérer. Depuis la réforme, les tirs sur des véhicules en mouvement, qui représentent environ 60 % du total des tirs effectués par la police française chaque année, ont augmenté. En 2017, leur nombre a même bondi de 47 % par rapport à 2016, et en 2022, en moins de sept mois, dix personnes âgées de 20 à 35 ans sont mortes, tuées par balles par des policiers à la suite d'un refus d'obtempérer. Et nous ne devrions rien faire, nous, en notre qualité de législateurs, face au décès de jeunes ou de moins jeunes, la plupart du temps issus de milieux populaires et, disons-le, racisés – Noirs, Arabes ou identifiés comme tels.
Ces chiffres, d'ailleurs, ont inquiété jusqu'au cœur de la police. Un haut fonctionnaire de cette institution a affirmé : « Le nombre de personnes décédées depuis le début de l'année ne peut pas nous laisser indifférents. » Voilà le message que mon groupe souhaite faire passer : nous ne pouvons pas rester indifférents. La mort de Nahel comme celles qui l'ont précédée, et les mots prononcés au lendemain du drame par sa mère, nous invitent à agir. Il ne s'agit pas que d'un fait divers, mais, plus largement, d'un fait de société.
Je commencerai par un retour en arrière. Il y a un an, notre assemblée discutait d'une proposition de loi du groupe Rassemblement national qui visait à instituer une présomption de légitime défense pour les membres des forces de l'ordre. Aujourd'hui, voilà une proposition de loi qui, à l'inverse, vise à supprimer le cadre légal du recours aux armes de ces mêmes forces de l'ordre. Ces deux textes, bien qu'opposés, pèchent par leur excès, alors que nous avons besoin d'un peu d'apaisement et de stabilité. Notre groupe ne soutiendra donc pas cette proposition de loi.
Le droit actuel repose sur un équilibre. Le modifier sous le coup de l'émotion n'aurait que des effets négatifs. Notre groupe réfute l'idée selon laquelle les policiers seraient détenteurs d'un permis de tuer. Contrairement à ce que prétendent les auteurs de la proposition de loi, les forces de l'ordre ne peuvent utiliser leurs armes à feu que dans un cadre très strict. La loi Cazeneuve n'a pas remis en cause ce cadre. Policiers et gendarmes ne peuvent utiliser leurs armes qu'en cas d'absolue nécessité, en respectant le principe de proportionnalité. L'article L. 435-1 du CSI énumère limitativement les cas d'usage des armes : je mentionnerai en particulier la défense face à une atteinte à la vie, ou l'action menée dans le but exclusif d'éviter la réitération d'un meurtre. Qui pourrait considérer que ces cas ne justifient pas le recours par les forces de l'ordre à leurs armes ? Supprimer cet article du code de la sécurité intérieure, ce serait effacer ce cadre.
L'actualité, aussi difficile soit-elle, ne doit pas guider la plume du législateur, même si les chiffres nous interpellent. En 2022, treize personnes seraient mortes après un tir de police lié à un refus d'obtempérer, contre deux en 2020 et une en 2021. Or, cette proposition de loi, déposée juste après la mort de Nahel, a été écrite sous le coup de l'émotion, comme en témoigne le fait qu'elle n'entend pas seulement supprimer les cas de recours aux armes face à un refus d'obtempérer, mais vise également à abroger l'article dans son intégralité.
En tout état de cause, lorsqu'un agent des forces de l'ordre fait usage de son arme en l'absence de nécessité et de légitime défense, et sans respecter le principe de proportionnalité, il doit être sanctionné. À la suite de la mort du jeune Nahel, le policier auteur du tir a d'ailleurs été placé en détention, et une information judiciaire pour homicide volontaire a été ouverte. Il faut laisser notre justice apprécier ces affaires au cas par cas, pour éviter tout abus. Si un débat doit avoir lieu sur l'évolution du cadre de la légitime défense, il doit être guidé par la raison et non par l'émotion.
En conclusion, chers collègues, je crains que le remède que vous nous proposiez soit pire que le mal.
Après avoir affirmé que « la police tue », La France insoumise ose l'amalgame entre la peine de mort et les décès de personnes consécutifs à des refus d'obtempérer, induisant ainsi que la police serait détentrice d'un « permis de tuer » – ce sont vos mots. Selon vous, ce permis de tuer pour refus d'obtempérer aurait pour fondement l'article L. 435-1 du CSI, créé par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique. Votre proposition de loi demande donc, selon vos propres termes, l'abrogation de ce « permis de tuer ». Or, laisser croire que la police tue, c'est nier qu'un distinguo doive être fait entre une éventuelle faute d'un policier – cela arrive, personne ne le nie ici, et chaque fois que cela se produit, les agents concernés sont poursuivis – et un pouvoir général de tuer.
Cette absence de distinction est non seulement fausse, mais aussi dangereuse car, faut-il le rappeler, les forces de l'ordre assurent notre sécurité au quotidien avec courage et dévouement. Lorsqu'on sait qu'un refus d'obtempérer se produit toutes les trente minutes en moyenne en France, je suis plutôt étonnée qu'il n'y ait pas plus d'accidents, et je tire mon chapeau au sang-froid de nos forces de sécurité. Cette proposition de loi est une véritable insulte au travail de nos forces de l'ordre. Je pense au contraire qu'il serait urgent de rétablir l'autorité morale de nos forces de sécurité en leur manifestant clairement le soutien plein et entier de l'État dès lors qu'elles agissent pour assurer la sécurité des Français mais aussi leur propre sécurité comme celle de leurs équipiers. C'est pourquoi je voterai évidemment contre ce texte de La France insoumise.
La question des refus d'obtempérer, de la manière dont les policiers traitent ces cas tient tout entier dans nos textes constitutionnels. L'article 66 de la Constitution dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu ». À plus forte raison, nul ne peut être arbitrairement tué. Aux termes de l'article 66-1 de la Constitution, « nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Or c'est ce qui se passe quand une personne refuse d'obtempérer et qu'elle en meurt. Une telle infraction est punie de deux ans d'emprisonnement, ce qui est tout de même un petit peu moins que la peine de mort.
L'article 2 de notre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». Parmi ces droits figurent la sûreté et la résistance à l'oppression. La sûreté signifie, par exemple, ne pas se faire tuer par les forces de police.
L'article 7 de la même Déclaration est finalement le seul que vous souhaiteriez conserver. Il dispose, je cite : « […] tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance. » En effet, normalement, on ne doit pas refuser d'obtempérer lorsqu'on est arrêté.
Vous ne voulez pas non plus de l'article 8 de ce même texte, aux termes duquel « […] nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit […] ». Expliquez-moi en quoi la peine de mort est une punition qui serait appliquée en fonction d'une loi promulguée antérieurement au délit… Ça n'est pas possible, puisque la peine de mort a été abolie dans notre pays.
L'article 9 de la même Déclaration dispose que « tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il faudrait donc sévèrement réprimer ces actes par la loi à chaque fois qu'ils se produisent, et non pas faire preuve d'indulgence parce que, lorsqu'on porte un uniforme, on est responsable.
Enfin, aux termes de l'article 12 du même texte, « La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Si vous voulez appliquer cette Déclaration et notre Constitution, il vous faut accepter la proposition de loi présentée par Thomas Portes.
Monsieur Rudigoz, vous avez évoqué la mission d'information qui est en cours. Vous entendre parler de démocratie et de respect du débat, quand vous soutenez un Gouvernement qui utilise le 49.3 tous les quatre jours pour nous empêcher de débattre, me fait doucement sourire. Nous n'avons pas besoin d'une mission d'information, car les chiffres sont déjà sur la table : quinze décès ont eu lieu depuis le 1er janvier 2022. Par ailleurs, on a compté 596 tirs sur des véhicules en mouvement entre 2012 et 2016, soit 119 par an, contre 967 entre 2017 et 2022, ce qui en fait désormais 161 par an. Et ce ne sont pas mes chiffres, mais ceux de l'IGPN, selon qui la hausse est de 35 %. En ce qui concerne la police, l'augmentation a même été de 47 % entre 2016 et 2017. Autre chiffre, le nombre mensuel de décès après des tirs sur des véhicules en mouvement est passé de 0,06 de 2011 à 2017 à 0,32 entre 2017 et 2022. Voilà la réalité de la loi adoptée en 2017 à la demande de Bernard Cazeneuve.
Ce n'est pas la foire à celui qui aura la proposition la plus radicale : ce que je souhaite, c'est que plus aucun jeune ou aucune jeune, plus aucun passager ou aucune passagère ne décède après un refus d'obtempérer et que plus aucun policier ou aucune policière, plus aucun gendarme ou aucune gendarme ne soit blessé après un refus d'obtempérer. La loi de 2017 n'a rien réglé. Elle entraîne simplement la mort de davantage de personnes. Trop de familles sont endeuillées, trop de gens ont perdu la vie pour un refus d'obtempérer : c'est absolument inacceptable.
Les amendements de suppression qui ont été déposés montrent qu'il existe une coalition entre la droite, l'extrême droite et la Macronie pour faire tomber cette proposition de loi et, partant, faire en sorte que des policiers continuent à faire usage de leur arme dans un cadre qui n'est pas celui de la légitime défense et qui entraîne des morts. Car oui, des gens sont tués par des policiers, c'est une réalité que les chiffres établissent d'une manière incontestable.
Le collègue qui s'est exprimé au nom du Rassemblement national a rappelé des faits absolument dramatiques, dans lesquels on a attenté à la vie de policiers ou de gendarmes, mais je ne vois pas en quoi la légitime défense, telle qu'elle est prévue par le code pénal, n'aurait pas permis à des policiers ou à des gendarmes d'intervenir.
Vous dites, par ailleurs, que nous sommes anti-police et que nous ne proposons rien pour elle. Je rappelle pourtant que mon collègue Alexis Corbière a demandé, durant la précédente législature, la création d'une commission d'enquête sur les suicides dans la police. Aujourd'hui, la principale cause de décès des fonctionnaires de police est en effet le suicide par arme à feu. Le nombre de policiers qui décèdent dans l'exercice de leurs fonctions est, en revanche, plus faible qu'il y a vingt ans, ce qui est tout à fait heureux et il faut continuer à faire baisser ce chiffre. Évitez de caricaturer nos positions. Personne n'a dit, s'agissant de ce texte, qu'il fallait désarmer la police. Si nous posons cette question, c'est dans le cadre du schéma national du maintien de l'ordre, qui est un sujet différent. Nous constatons en l'occurrence, selon les chiffres de l'IGPN, je le répète, une hausse du nombre de tirs et de décès.
Je ne reviendrai pas, en réponse à notre collègue socialiste, sur la question de la mission d'information, sinon pour redire que les chiffres sont là. Il faut abroger la loi de 2017 : on ne peut plus accepter que des gens décèdent dans ces conditions. Si un nouveau décès a lieu, malheureusement, dans les prochaines semaines après un refus d'obtempérer, vous expliquerez sans doute à la famille qu'il existait une mission d'information mais qu'on attendait ses conclusions. Ce n'est pas sérieux ! Je comprends que vous soyez mal à l'aise, car la majorité qui était la vôtre, à l'époque, a voté le texte dont nous parlons, mais vous devez faire face à vos choix politiques.
Vous avez également parlé de faits divers : je m'inscris en faux contre l'usage de ces termes. Les décès en cause ne sont pas des faits divers, ce sont des familles endeuillées et des jeunes qui sont morts à la suite de tirs de policiers. Cela nous impose de mener une réflexion politique sur la manière d'éviter que des jeunes continuent à être tués après un refus d'obtempérer. Les statistiques le montrent, et ce ne sont pas, encore une fois, les chiffres de La France insoumise ou d'organisations syndicales, mais ceux d'instances qui dépendent du ministère de l'intérieur : l'usage des armes à feu a augmenté après l'adoption de la loi de 2017.
Il s'agit aussi, pour nous, de sécuriser les fonctionnaires de police. Un avocat qui n'est pas connu pour avoir des accointances avec la gauche, et encore moins avec La France insoumise, Thibault de Montbrial, a dénoncé cette loi dès 2017, en expliquant qu'elle placerait le policier dans une forme d'insécurité parce qu'il ne saurait pas s'il peut réellement utiliser son arme. Ce qui nous pose un problème dans cette loi, c'est qu'il s'agit, comme plusieurs organisations syndicales le soulignent, d'une légitime défense anticipative : il est question de situations dans lesquelles les policiers font face à des personnes « susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui ». On demande ainsi aux fonctionnaires de police d'imaginer ce qui pourrait ensuite se passer, ce qui diffère de la légitime défense, laquelle prévoit une concomitance, une riposte proportionnée et nécessaire. C'est précisément l'anticipation de ce qui pourrait ensuite se passer qui a occasionné une augmentation du nombre de tirs.
L'orateur du groupe LIOT a dit que cette proposition de loi pourrait conduire à une situation plus grave que celle d'aujourd'hui. Je suis évidemment en désaccord avec cette idée. Par ailleurs, nous ne cédons pas à l'émotion : nous partons des quinze décès qui se sont produits depuis le 1er janvier 2022. Quand on regarde ce qui se passe en Allemagne, il y a aussi de quoi s'interroger : en dix ans, un seul décès s'est produit à la suite d'un refus d'obtempérer.
Nous souhaitons, nous aussi, une amélioration de la relation entre la police et la population, car il y a eu une dégradation en la matière, notamment dans un certain nombre de quartiers populaires. C'est un sujet qui va néanmoins au-delà de la disposition du code de la sécurité intérieure dont nous demandons l'abrogation : il est lié à la question de la police de proximité, que nous défendons depuis des années, à la question du schéma national du maintien de l'ordre, que nous souhaiterions différent – notamment en ce qui concerne le commandement – et à la question de la défiance qui existe aujourd'hui, en particulier dans les quartiers populaires.
Comme Elsa Faucillon l'a dit, il faut regarder le profil – le nom, la couleur de peau – des jeunes décédés : ce sont des personnes racisées, noires ou arabes. Il y a un biais lors des refus d'obtempérer. Quand il s'agit de personnes à la peau blanche qui ont deux grammes d'alcool dans le sang, il n'y a jamais de tirs – c'est très concret.
Madame Ménard, vous avez évoqué un refus d'obtempérer toutes les trente minutes, mais on peut tout mettre derrière cette expression. Quand on vous demande vos papiers devant la gare du Nord et que vous partez en courant, c'est un refus d'obtempérer. Un policier est-il alors en danger ? Certainement pas. Vous englobez dans une seule statistique des refus d'obtempérer qui ne mettent pas en danger des policiers ou des gendarmes. C'est vrai, je l'ai dit dans mon propos liminaire, pour quatre refus d'obtempérer sur cinq.
Les gendarmes avaient effectivement, avant 2017, un système qui différait de celui de la légitime défense prévue par le code pénal, mais ils bénéficiaient d'une formation différente – et elle le reste –, et la culture n'était pas la même. Les ordres et le commandement sont différents. On a donné aux policiers le même droit qu'aux gendarmes, mais sans l'assortir de formations, et les ordres ne sont pas à la hauteur. Les directives sont extrêmement floues en ce qui concerne l'utilisation de cette disposition.
Nous ne demandons pas son abrogation, j'insiste sur ce point, pour désarmer la police ou l'empêcher de faire son travail. L'article du code pénal relatif à la légitime défense, si on veut bien le lire dans son intégralité, permettra toujours à un policier ou à un gendarme d'utiliser son arme lorsque sa vie, ou celle d'un tiers, est en danger. En revanche, je le répète, des faits sont là. J'ai une pensée pour les familles qui ont perdu un enfant, un proche, un de leurs membres, et qui ne sont pas entendues. La question du traitement judiciaire de ces affaires a été évoquée, mais il faudrait aussi parler de leur dépaysement. Les refus d'obtempérer et les décès consécutifs aux tirs des policiers font l'objet d'une omerta.
Cette proposition de loi a pour objectifs, tout à la fois, de sécuriser les forces de l'ordre lors de l'utilisation de leurs armes, comme c'était le cas avant 2017, et d'éviter d'avoir à débattre au sein de cette commission, dans les prochaines semaines ou les prochains mois, d'un nouveau décès à la suite d'un refus d'obtempérer. Il est urgent d'abroger cet article, qui a endeuillé trop de familles.
Article unique (Art. L. 435-1 et L. 511-5-11 [abrogés] du code de la sécurité intérieure, art. L. 227-1 du code pénitentiaire) : Suppression du cadre régissant les conditions dans lesquelles les forces de l'ordre peuvent faire usage de leurs armes
Amendements de suppression CL5 de M. Sacha Houlié, CL1 de Mme Emmanuelle Ménard, CL2 de M. Antoine Villedieu, CL3 de M. Fabien Di Filippo, CL4 de M. Timothée Houssin et CL10 de M. Thomas Rudigoz.
J'aurais pu déposer mon amendement de suppression parce que je trouvais profondément choquants l'exposé des motifs de la proposition de loi et vos propos, qui participent, monsieur le rapporteur, à une fragmentation de la société en opposant les jeunes, que vous décrivez comme racisés, et le reste du pays, alors que vous dénoncez parfois de tels discours dans cette commission ou dans l'hémicycle.
J'aurais également pu déposer mon amendement de suppression parce que vous avez fait une présentation des refus d'obtempérer très minimaliste par rapport à la réalité – ils se multiplient, du fait de jeunes des quartiers populaires, comme vous l'avez dit, mais aussi et surtout de la population générale. Un très grand nombre de personnes âgées, violant les lois de notre pays, renversent et blessent des policiers ou des gendarmes, ce qui justifie l'attention que l'Assemblée nationale porte à cette question.
J'aurais pu déposer mon amendement de suppression parce que vous évoquez l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) sans être allé voir ce qu'elle fait, contrairement à M. Rudigoz ou à moi-même. Je rappelle en outre que nous avons convoqué l'IGPN pour qu'elle rende compte de son action.
J'aurais pu déposer mon amendement de suppression pour encore bien des raisons mais, si je l'ai fait, c'est parce qu'une mission d'information relative à la hausse du nombre de refus d'obtempérer et aux conditions d'usage de leurs armes par les forces de l'ordre a été confiée à deux collègues, MM. Vicot et Rudigoz, comme vous aviez été nombreux à le demander au sein du bureau de la commission, lequel s'est prononcé à l'unanimité. C'est quelque part faire offense au bureau de la commission des lois que de vouloir légiférer avant même que la mission d'information ait pu présenter ses conclusions, et c'est même quasiment un procès en défiance à l'égard de vos représentants au sein du bureau, qui ont avalisé cette décision.
Sans revenir sur ce que j'ai dit lors de la discussion générale, je trouve que cette proposition dénote une vraie fracture dans notre société : il n'y a pas seulement une différence d'approche, mais presque un conflit de civilisation.
Avant la loi adoptée en 2017, l'usage des armes par les policiers n'était régi par aucun texte particulier : cela relevait uniquement du droit commun. En cas d'usage de son arme, un agent de police devait démontrer qu'il était en situation de légitime défense. L'article L. 435-1 du CSI permet désormais aux agents de la police nationale, comme aux militaires de la gendarmerie nationale – je ne comprends donc pas très bien l'opposition qui est faite – d'utiliser leurs armes dans différentes situations, au-delà de la dispersion des attroupements.
Je rappelle par ailleurs qu'une enquête est ouverte, de manière générale, en cas de tir par un agent de police et qu'une investigation est également menée par la police des polices. Vous ne pouvez donc pas prétexter, me semble-t-il, une pseudo-impunité des forces de l'ordre.
Cette proposition de loi est une offense à nos forces de sécurité qui, dans leur grande majorité, font évidemment leur travail en faisant preuve, au quotidien, d'un courage exceptionnel.
Je veux tout d'abord rendre hommage – puisque vous avez oublié de le faire, je m'en charge – aux hommes et aux femmes qui, dans une société où la violence est devenue endémique, risquent leur vie à chaque intervention.
« La police tue », voilà le message qu'envoie aux Français votre proposition de loi. On vous entend beaucoup moins lorsqu'il s'agit de condamner les morts causés par les règlements de comptes ou les refus d'obtempérer. Soyons clairs : je ne connais personne qui se soit engagé dans la police ou la gendarmerie pour tuer. Le seul objectif des policiers et des gendarmes est de protéger et de servir. Tout comme une majorité de Français, j'ai confiance en nos forces de l'ordre, que je remercie de veiller sur nous.
Mais que pouvons-nous attendre d'un parti qui a fait de la haine de la police son fonds de commerce ? Chers collègues de la NUPES, je vous invite à aller explorer le monde. Cela vous permettra de sortir de votre enfermement idéologique et de constater, aisément, une série de réalités qui vous échappent. Dans votre ignorance en béton des dossiers qui concernent la sécurité intérieure – et cette ignorance, croyez-moi, me fait de la peine – vous ignorez sans doute que les forces de l'ordre exercent leur métier dans des conditions de plus en plus difficiles. C'est une réalité qui ne s'apprend visiblement pas dans les manifestations où l'on sème le chaos.
Happés par votre aveuglement idéologique, vous demeurez imperméables et aphones à l'égard des inquiétudes des Français. Il est pourtant difficile de faire l'impasse sur la progression de l'insécurité dans notre pays. Ces considérations, hélas, ne trouveront probablement pas grâce aux yeux de ceux qui appliquent avec rigueur la doctrine de la bordélisation permanente.
J'invite l'ensemble de nos collègues à repousser ce texte purement idéologique, dogmatique et clientéliste du premier parti anti-flics de France.
Par cette proposition de loi, nos collègues Insoumis veulent priver d'armement les policiers, les gendarmes et les surveillants pénitentiaires. Nos collègues vont même jusqu'à qualifier de « peine de mort sans jugement » l'usage qui pourrait être fait de ces armes.
C'est faire fi de la violence et de l'armement croissants auxquels ont à faire face en toute situation les forces de l'ordre qui nous protègent, y compris les surveillants pénitentiaires. Elles sont confrontées à une complexité de fait, notamment une criminalité endémique qui se développe dans certaines parties du territoire.
La statistique que vous avez citée est très intéressante : vous nous dites que quatre refus d'obtempérer sur cinq ne donnent pas lieu à une mise en danger de la vie des policiers. Quand on sait qu'il y en a un toutes les vingt minutes, cela fait quand même un refus d'obtempérer mettant en péril la vie des forces de l'ordre chaque heure quarante. Je rappelle aussi que les policiers n'utilisent leurs armes que dans un but de légitime défense, pour sauver leur vie ou celle d'un citoyen qui pourrait être mis en danger.
Le 14 novembre, il y a donc à peine huit jours, nous avons eu à déplorer un mort et deux blessés graves suite à un refus d'obtempérer. Le 3 septembre, un piéton avait été mortellement renversé, là aussi suite à un refus d'obtempérer. Le 12 novembre, à Dunkerque, un policier était grièvement blessé par un automobiliste suite à un refus d'obtempérer. Toutes les semaines, ce scénario se répète. Vous nous demandez ce que nous dirons à la famille lorsqu'un jeune sera abattu dans de telles circonstances, mais que dites-vous aux familles des victimes de délinquants qui ont commis des refus d'obtempérer et n'ont pas été stoppés suffisamment tôt ? Ce sont aussi des vies volées, et c'est sans doute beaucoup grave.
Les forces de l'ordre sont confrontées à 27 000 refus d'obtempérer par an, soit un toutes les vingt minutes. Le nombre de refus d'obtempérer explose, de même que celui des personnes et des policiers blessés ou tués par des fuyards, ce qui entraîne une hausse de l'utilisation par les policiers, dans ce type de situation, de leur arme.
La loi que les Insoumis veulent supprimer autorise simplement les policiers en uniforme à utiliser leur arme en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée, lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement des véhicules dont les conducteurs n'obtempèrent pas à un ordre d'arrêt et dont les occupants sont susceptibles d'atteindre à leur vie, à leur intégrité physique ou à celles d'autrui.
En vingt ans, un seul policier a été condamné à une peine de prison ferme pour un tir mortel injustifié sur un véhicule. La police tue uniquement dans les discours de l'extrême gauche. Plutôt que de lutter contre la délinquance, la récidive et l'explosion des refus d'obtempérer, LFI propose d'interdire à nos policiers d'utiliser leur arme en cas de refus d'obtempérer et dans d'autres situations menaçant leur vie ou celle de nos concitoyens. Tous les groupes politiques doivent refuser clairement et dès à présent cette proposition de loi en adoptant l'amendement de suppression que nous proposons.
Chers collègues, rappelons aux forces de l'ordre, qui nous regardent, que seuls Mélenchon et Panot détestent la police. Nous qui appartenons aux autres groupes de l'Assemblée, nous disons unanimement aux députés de La France insoumise, au nom des Français, que tout le monde déteste leurs propositions pour la police.
Vous l'avez très bien dit, monsieur le président, cette façon de procéder de La France insoumise est un camouflet pour le travail parlementaire en cours. Nous sommes en train de mener assidûment, Roger Vicot et moi, une mission d'information qui se déroule en toute sérénité. Cette proposition de loi n'est donc absolument pas appropriée.
Je tiens aussi rappeler au rapporteur, qui fait des rapprochements entre la droite, l'extrême droite et la Macronie, qu'il devrait aller plus loin : le groupe LIOT est également opposé à ce texte. Ne le citez donc pas uniquement lorsque cela vous arrange. J'ajoute que vous n'avez pas fait preuve de pudeurs de gazelle quand vous avez accepté les voix du RN en faveur de la proposition de loi de Mme Obono. Gardez donc vos leçons pour vous, monsieur le rapporteur.
L'objectif de cette proposition de loi est d'empêcher que des personnes refusant d'obtempérer soient tuées ; une telle politique contribuerait à retisser les liens entre la police et la population, puisque trop de tirs et trop de décès ont suivi l'entrée en vigueur de la loi de 2017. Quant à la fragmentation de la société, monsieur le président, vous allez défendre dans quelques jours un texte sur l'immigration qui y contribuera grandement.
Monsieur Villedieu, vous dites que la proposition de loi serait « anti-flics », qu'elle désarmerait la police et qu'elle empêcherait policiers et gendarmes d'intervenir face à des refus d'obtempérer, mais rien, dans le texte, ne mérite ce jugement. Nous souhaitons simplement revenir au cadre de la légitime défense des policiers, fixé par le code pénal jusqu'en 2017. Vous exprimez-vous en tant que parlementaire, ou en tant que porte-parole d'un syndicat dans lequel vous avez exercé des responsabilités, la Fédération professionnelle indépendante de la police (FPIP), qui avait écrit une chanson, dont les paroles étaient les suivantes « Alignés en phalange entière / Forts et virils, raides et trapus / Tant trahis par Gaston Defferre / Les policiers sont tous déçus » ? Quand on parle de phalange, on sait où on est : hors du champ de la République.
La très grande majorité des surveillants pénitentiaires ne sont pas armés : l'exposé sommaire de votre amendement, monsieur M. Di Filippo, indique qu'il est difficile de recruter des gardiens de prison et que les personnels manquent, mais il ne me semble pas que la question de l'usage des armes en soit la cause ; le salaire et les conditions de travail dissuadent bien davantage ceux qui envisagent de rejoindre l'administration pénitentiaire.
Vous nous accusez de n'avoir jamais de mots de compassion lorsque des drames humains se produisent, mais rien n'est plus faux. La circonscription de mon collègue des Bouches-du-Rhône Sébastien Delogu est endeuillée chaque semaine par des décès violents liés au trafic de stupéfiants ; il ne cesse d'interpeller le ministre de l'intérieur et prononce à chaque fois des mots de condoléances pour les proches de ces personnes, mortes, souvent jeunes, à cause du trafic de drogue.
Vous nous voyez déconnectés de la société, mais 65 % des Françaises et des Français sont favorables à l'abrogation de la loi de Bernard Cazeneuve de 2017, dont 69 % des électeurs du Rassemblement national.
Je suis évidemment défavorable aux amendements de suppression.
L'argument selon lequel nous ne pourrions pas légiférer avant la fin des travaux de la mission d'information sur la hausse du nombre de refus d'obtempérer et les conditions d'usage de leurs armes par les forces de l'ordre est spécieux, car il laisse à penser que votre majorité a augmenté la peine d'un an à deux ans de prison en cas de refus d'obtempérer sans avoir effectué d'étude d'impact ni analysé le phénomène, qu'elle a simplement réagi à des tracts syndicaux. Je ne peux vous soupçonner d'avoir légiféré à l'aveugle, je pense au contraire que vous savez ce que vous faites et que vous menez une politique de fermeté – de virilité, comme le disent apparemment certaines organisations syndicales auxquelles appartiennent des députés –, mais que celle-ci est un échec.
En effet, vous avez justifié l'augmentation du quantum de la peine par la crainte des gens d'aller en prison, cette peur les conduisant à obtempérer, mais cette conviction s'est révélée fausse. La justification de l'article L. 435-1 du CSI était d'encadrer l'usage des armes, mais les policiers utilisent davantage leurs armes et davantage de personnes meurent. L'échec est accablant, qu'est-ce qu'il vous faut de plus ?
Les gendarmes refusent d'utiliser l'amplitude du droit, que leur donne la loi, à se servir de leur arme ; ils pourraient utiliser davantage leur arme à feu, mais ils y renoncent car ils connaissent les conséquences d'un usage trop répandu, notamment pour leurs relations avec la population – il faut dire qu'eux habitent là où ils travaillent. Néanmoins, il faudrait peut-être réduire le cadre d'usage de leur arme par les gendarmes, parce que celui-ci est lié à leur statut militaire ; or lorsqu'ils effectuent des opérations de police, ils n'exercent pas de compétences militaires, donc une révision du cadre est peut-être nécessaire.
J'avais qualifié un amendement du Sénat au projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, devenu la Lopmi du 24 janvier 2023, sur le refus d'obtempérer, de cavalier législatif ; le Conseil constitutionnel a estimé que l'aggravation des peines en cas de refus d'obtempérer constituait bien un cavalier législatif. Voilà qui éclairera la commission sur vos intentions lors de l'examen de volumineux projets de loi, comme celui sur lequel nous aurons à nous prononcer dans les prochains jours.
Monsieur le rapporteur, la priorité est de désarmer les délinquants. Des personnes possèdent, dans certains territoires, des arsenaux et des armes de guerre, et vous voudriez laisser les policiers sans moyens d'intervention ou de défense… Cela nuirait à leur crédibilité et laisserait la place à une autre loi que celle de la République. Force doit rester à la loi. La violence légitime n'appartient qu'aux forces de l'ordre, que nous ne devons surtout pas désarmer.
Quel est le lien entre l'armement des délinquants et la légitime défense en cas de refus d'obtempérer ? Je n'en vois pas. Les personnes mortes dans leur véhicule après avoir refusé d'obtempérer n'étaient pas armées. Je suppose que nous sommes en revanche tous favorables au désarmement des délinquants et à la lutte contre la circulation des armes, qui est un fléau.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article unique est supprimé et l'amendement CL11 de Mme Sandra Regol tombe.
Après l'article unique
Amendement CL12 de Mme Sandra Regol
L'objet de cet amendement de repli est d'alerter sur le défaut de formation au tir des policiers, et de proposer une solution. Si les agents doivent suivre trois sessions de formation au tir par an, cette obligation réglementaire est rarement remplie. D'après un rapport d'information sénatorial sur la formation initiale et continue des forces de l'ordre, 37 % des agents n'ont suivi aucune session en 2021.
Les syndicats de police défendent l'amélioration de la formation et souhaitent s'inspirer du système qui existe dans la gendarmerie ; nous vous proposons d'imposer quatre sessions de formation au tir par an, ainsi qu'un moratoire sur l'utilisation de leur arme par les agents n'étant pas formés – une arme à feu n'est pas un jouet, son maniement requiert beaucoup d'entraînement. Les policiers souhaitent se former, comme les gendarmes, avec des stress tests et pas uniquement avec des tirs sur cibles fixes : je ne comprends pas qu'il n'y ait pas de diffusion des meilleures pratiques entre les deux institutions sœurs qui se partagent la responsabilité d'assurer la sécurité dans le territoire national.
L'avis est favorable, car l'amendement répond à une préoccupation des policiers. Lors de leur audition, les représentants de la CGT-Police ont regretté la disparition presque totale des stands de tir pour la police à Paris. Nous soutenons le renforcement de la formation des policiers à l'usage des armes, car il réduira le nombre de tirs mortels.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL6 de Mme Emmanuelle Ménard
Je suis favorable à la présomption de légitime défense des forces de l'ordre. En effet, les policiers et les gendarmes ne sont pas des citoyens comme les autres : ils ont plus de devoirs et plus de responsabilités, et ils sont assermentés : nous devons leur assurer une protection plus large. Mon objectif n'est pas de favoriser leur impunité, puisque la présomption de légitime défense n'empêcherait évidemment pas leur mise en examen ; elle leur épargnerait en revanche la garde à vue, qui est, aux yeux du grand public, synonyme de culpabilité.
Ce serait un mauvais signal envoyé à la société, surtout aux voyous, que de faire peser sur le policier qui fait usage de son arme une présomption de culpabilité.
L'avis est défavorable. Vous assumez votre orientation politique, qui est de permettre aux policiers de tirer tout le temps et partout. Nous sommes au contraire favorables à l'encadrement de l'autorisation d'usage de leur arme par les forces de l'ordre et nous défendons la notion de légitime défense. Les policiers, dites-vous, ont un statut particulier, mais ils ont également une responsabilité particulière. La légitime défense, notion présente dans le code pénal, doit s'appliquer de la même façon à tous, car il ne saurait y avoir de hiérarchie entre les citoyens ; or les policiers ont des droits et des devoirs comme tout le monde.
Madame Ménard, le port de l'uniforme peut être une circonstance atténuante mais aussi aggravante d'un incident. Le fait de s'en prendre à une personne dépositaire de l'autorité publique est une circonstance aggravante d'une agression, pour laquelle est prévue une peine particulière ; à l'inverse, un policier ou un gendarme a une responsabilité spéciale, qui découle du port d'un uniforme sur lequel figure le drapeau tricolore : l'article 222-13 du code pénal dispose que s'en prendre à un membre des forces de l'ordre est une circonstance aggravante, comme l'est le fait qu'un policier ou un gendarme violente un citoyen.
Votre amendement vise à rompre cet équilibre, puisque la seule qualité d'être un membre des forces de l'ordre délivrerait son titulaire de toute responsabilité en matière de violence – l'amendement étend même cette dispense au port ou non de l'uniforme, puisqu'on y lit les mots : « […] qu'il soit habillé en civil ou revêtu d'un uniforme […]. » Un policier ou un gendarme qui descend ses poubelles en t-shirt serait considéré en état de légitime défense s'il tuait quelqu'un, sous prétexte qu'il est membre des forces de l'ordre. Nous dénonçons ce type d'amendement, qui s'apparente à un permis de tuer général.
Monsieur Léaument, lisez bien mon amendement, qui dispose que la présomption de légitime défense d'un policier ou d'un gendarme ne s'applique que « dans l'exercice de ses fonctions ». Il me semble que descendre des poubelles n'entre pas dans les fonctions des forces de l'ordre. En revanche, j'ai précisé que le principe s'appliquait qu'il soit « habillé en civil ou revêtu d'un uniforme », parce qu'un policier de la brigade anticriminalité (BAC), par exemple, ne porte pas d'uniforme.
La commission rejette l'amendement.
L'ensemble de la proposition de loi est ainsi rejeté.
En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte dont l'Assemblée a été saisie.
La séance est levée à 12 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Christine Arrighi, M. Erwan Balanant, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, M. Emmanuel Fernandes, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, Mme Nicole Le Peih, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Aurélien Saintoul, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, M. Aurélien Pradié
Assistaient également à la réunion. - M. Ugo Bernalicis, M. Fabien Di Filippo, Mme Annie Genevard, Mme Géraldine Grangier, M. Paul Molac, M. Antoine Villedieu