Cette proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics prévoit que toute démarche administrative doit pouvoir être effectuée de manière non dématérialisée si l'usager le souhaite, l'administration devant y garantir un accès physique.
Concernant l'importance de maintenir plusieurs modalités d'accès aux services publics, nous partageons votre constat. C'est d'ailleurs pour cela que nous agissons depuis 2017. Nous ne le découvrons pas avec cette proposition de loi. L'accélération de la transformation numérique de l'administration et de la dématérialisation des services publics représente une révolution pour les mentalités et les pratiques. Ces phénomènes conjoints de la modernisation de l'État entraînent une évolution profonde de la relation à l'usager.
Comme vous le soulignez, une part de nos concitoyennes et de nos concitoyens rencontre des difficultés dans l'utilisation des outils numériques. L'illectronisme concernerait 15 % de la population. Le rapport de la Défenseure des droits, que vous citez une dizaine de fois dans votre proposition de loi, en souligne les risques en matière d'accès aux droits. Nous ne pouvons accepter que certaines personnes entretiennent une relation subie avec le numérique. Aussi continuons-nous à agir contre la fracture numérique et considérons-nous le numérique comme un moyen de simplification pour l'accès aux services publics, qui ne remplace pas un guichet physique, mais va de pair avec lui..
Vous évoquez également les espaces France Services. Afin d'assurer à toutes et à tous un accès aux services publics à moins de trente minutes, avec un accompagnement personnalisé pour les démarches de la vie quotidienne, le Président de la République a annoncé la généralisation de ce dispositif en avril 2019. Vous indiquez que les objectifs fixés sont loin d'être atteints et vous parlez d'une « arnaque de ce service public dégradé ». Pourtant, l'objectif affiché en 2019 était de 2 500 labellisations, avec l'implantation d'une maison France Services par canton d'ici à la fin de 2022. D'après le rapport annuel du Conseil d'État de septembre 2023 consacré à l'usager du premier au dernier kilomètre, que vous ne citez pas dans la proposition de loi, l'objectif est atteint. Avec 2 543 espaces France Services, 99 % des Français se trouvent à moins de trente minutes d'une maison France Services. Le Conseil d'État précise qu'il s'agit d'un succès à consolider, et que les usagers des maisons en sortent satisfaits à 93 %, loin de la déshumanisation du système que vous évoquiez. Ces maisons France Services assurent une proximité et une accessibilité des services publics partout dans le territoire, pour nos concitoyennes et nos concitoyens les plus éloignés. Par ailleurs, des bus France Services constituent une sorte d'administration itinérante au plus près des habitants, dans la logique du « aller vers ».
Vous expliquez, dans l'exposé des motifs, que la numérisation sert une politique de casse du service public. Nous y voyons, au contraire, un progrès vers un meilleur accès aux services publics et pour garantir l'effectivité des droits. C'est le sens de la solidarité à la source que prévoit le versement automatique des prestations sociales. Cette promesse de campagne d'Emmanuel Macron se décline à travers l'expérimentation des Territoires zéro non-recours et par l'affichage, sur la fiche de paie, du montant social net. En outre, le dispositif Dites-le nous une fois s'inscrit dans cette même logique de lutte contre le non-recours aux prestations et de simplification des démarches, pour que les usagers ne soient pas dans l'obligation de donner plusieurs fois les mêmes informations à l'administration. Il facilite l'échange de données entre les différents services. L'an dernier, pourtant, votre groupe a voté contre la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, visant à accélérer ces démarches de simplification pour nos concitoyennes et nos concitoyens.
Enfin, vous observez à juste titre que la couverture numérique des territoires n'est pas homogène. C'est la raison pour laquelle le déploiement de la fibre optique est amplifié et s'accélère grâce au plan France très haut débit, avec un objectif de généralisation en 2025.
La numérisation des services publics n'étant pas synonyme de dématérialisation intégrale, encore moins de cache-misère de la destruction du service public, mais plutôt de simplification d'accès, notre groupe votera contre votre proposition de loi.