Intervention de Paul Molac

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Je commencerai par un retour en arrière. Il y a un an, notre assemblée discutait d'une proposition de loi du groupe Rassemblement national qui visait à instituer une présomption de légitime défense pour les membres des forces de l'ordre. Aujourd'hui, voilà une proposition de loi qui, à l'inverse, vise à supprimer le cadre légal du recours aux armes de ces mêmes forces de l'ordre. Ces deux textes, bien qu'opposés, pèchent par leur excès, alors que nous avons besoin d'un peu d'apaisement et de stabilité. Notre groupe ne soutiendra donc pas cette proposition de loi.

Le droit actuel repose sur un équilibre. Le modifier sous le coup de l'émotion n'aurait que des effets négatifs. Notre groupe réfute l'idée selon laquelle les policiers seraient détenteurs d'un permis de tuer. Contrairement à ce que prétendent les auteurs de la proposition de loi, les forces de l'ordre ne peuvent utiliser leurs armes à feu que dans un cadre très strict. La loi Cazeneuve n'a pas remis en cause ce cadre. Policiers et gendarmes ne peuvent utiliser leurs armes qu'en cas d'absolue nécessité, en respectant le principe de proportionnalité. L'article L. 435-1 du CSI énumère limitativement les cas d'usage des armes : je mentionnerai en particulier la défense face à une atteinte à la vie, ou l'action menée dans le but exclusif d'éviter la réitération d'un meurtre. Qui pourrait considérer que ces cas ne justifient pas le recours par les forces de l'ordre à leurs armes ? Supprimer cet article du code de la sécurité intérieure, ce serait effacer ce cadre.

L'actualité, aussi difficile soit-elle, ne doit pas guider la plume du législateur, même si les chiffres nous interpellent. En 2022, treize personnes seraient mortes après un tir de police lié à un refus d'obtempérer, contre deux en 2020 et une en 2021. Or, cette proposition de loi, déposée juste après la mort de Nahel, a été écrite sous le coup de l'émotion, comme en témoigne le fait qu'elle n'entend pas seulement supprimer les cas de recours aux armes face à un refus d'obtempérer, mais vise également à abroger l'article dans son intégralité.

En tout état de cause, lorsqu'un agent des forces de l'ordre fait usage de son arme en l'absence de nécessité et de légitime défense, et sans respecter le principe de proportionnalité, il doit être sanctionné. À la suite de la mort du jeune Nahel, le policier auteur du tir a d'ailleurs été placé en détention, et une information judiciaire pour homicide volontaire a été ouverte. Il faut laisser notre justice apprécier ces affaires au cas par cas, pour éviter tout abus. Si un débat doit avoir lieu sur l'évolution du cadre de la légitime défense, il doit être guidé par la raison et non par l'émotion.

En conclusion, chers collègues, je crains que le remède que vous nous proposiez soit pire que le mal.

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