Intervention de Mathilde Desjonquères

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Desjonquères :

Après plusieurs drames survenus à l'occasion de refus d'obtempérer, la question de l'usage des armes par les forces de l'ordre suscite une nouvelle fois de lourds débats. La loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, qui a modifié les règles d'usage de leur arme de service par les policiers, est spécifiquement visée.

Notre groupe est particulièrement attaché aux valeurs cardinales d'un État de droit, d'une démocratie moderne, donc à la légitimité dont bénéficient les forces de l'ordre pour y concourir. L'article 435-1 du CSI, issu de la loi du 28 février 2017, prévoit que les forces de sécurité intérieure (FSI) sont autorisées à faire usage de leurs armes dans l'exercice de leurs fonctions et dans des situations très précises. Il précise que l'usage de l'arme doit obéir à des critères d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité, appréciées in concreto par le juge.

Les dispositions en vigueur ne sauraient affranchir les FSI de l'absolue nécessité et de la stricte proportionnalité dans l'usage de leurs armes. Le cadre d'utilisation des armes fixé par le CSI prévoit que, dès lors que l'utilisation d'une arme est justifiée par la légitime défense ou par l'autorisation de la loi, son recours est régi par les mêmes principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité, tels qu'ils découlent de la CEDH.

Comme l'indique le rapport du Sénat sur la loi du 28 février 2017, la Cour de cassation a estimé, pour admettre la conventionnalité de l'ancien article L. 23-38-3 du code de la défense – lequel posait, avant l'unification des régimes de 2017, le cadre juridique d'usage des armes par les gendarmes –, que faire usage des armes dans le cadre fixé par la loi ne dispense pas les juges de déterminer si l'usage de la force était absolument nécessaire en l'état des circonstances, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) exigeant un contrôle in concreto.

Si solide que soit ce cadre, il faut bien constater que la recrudescence des refus d'obtempérer a une incidence sur les modalités d'utilisation des armes par les forces de l'ordre. De la même façon, le degré et le volume de formation dont bénéficient les forces de l'ordre ont soulevé des questions au sein de la représentation nationale. C'est pourquoi notre commission a lancé, le mois dernier, une mission d'information sur la hausse du nombre de refus d'obtempérer et les conditions d'usage de leurs armes par les forces de l'ordre. Compte tenu de l'importance du sujet abordé par la proposition de loi, il semble sage d'attendre la publication du rapport de cette mission d'information avant de modifier la législation en vigueur.

Par ailleurs, je déplore que ce texte n'ait d'autre objectif que d'installer l'idée pernicieuse que les forces de l'ordre bénéficieraient d'un permis de tuer. Par l'utilisation d'un champ lexical accusatoire – « permis de tuer », « peine de mort » – aux fins d'établir l'existence d'une présomption d'illégitimité des prérogatives des forces de l'ordre, vous contribuez à asseoir un climat délétère et non apaisé. Or, notre groupe entend veiller à ce que les relations entre nos concitoyens et nos fonctionnaires de police demeurent apaisées.

Le groupe Démocrate ne votera pas le texte.

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