La mort de Nahel, le 27 juin à Nanterre, la vision des images, presque en direct, de la mort d'un jeune homme de 17 ans à la suite d'un refus d'obtempérer a créé, me semble-t-il, une onde de choc dans le pays. On a constaté, immédiatement, une grande émotion dans la population, et on a vu des villes populaires, en milieu urbain comme en zone rurale, s'enflammer dans les jours qui ont suivi. Nahel, c'est évidemment un mort de trop, mais c'est aussi un mort de plus. Ce drame devrait toutes et tous nous alerter et nous inviter à agir. Il est important que nous puissions débattre de la proposition de loi de La France insoumise car le sentiment assez général – et justifié – dans le pays, c'est que rien n'a été fait en la matière depuis le décès de ce jeune homme.
La loi relative à la sécurité publique, votée en 2017, a modifié l'article L. 435-1 du CSI afin d'élargir les conditions d'usage, par les policiers, de leur arme à feu, les faisant ainsi bénéficier d'un régime assez semblable à celui des gendarmes. Toutefois, on constate que des changements doivent être effectués en termes de culture, de pratique et de formation. Le texte présenté par Thomas Portes pourrait être une occasion de le faire.
La rédaction introduite en 2017 a pour effet de délivrer un permis d'ouvrir le feu lorsque le refus d'obtempérer d'un automobiliste est susceptible de menacer physiquement les policiers ou des passants dans sa fuite. Dès lors, un chauffard qui refuse de s'arrêter ou démarre en trombe peut être neutralisé dans sa fuite, sans que le policier auteur du tir ne soit mis en cause. Cela amène des députés d'extrême droite à nous proposer d'instaurer un permis de tuer par le biais de la reconnaissance d'office de la légitime défense pour les policiers. Voyez dans quoi nous sombrerions si nous glissions vers cela.
L'évolution de 2017 a gravement fragilisé les deux conditions légales d'ouverture du feu, à savoir l'absolue nécessité et la stricte proportionnalité. Pis, cette loi a ouvert la voie à la multiplication des tirs mortels pour refus d'obtempérer. Depuis la réforme, les tirs sur des véhicules en mouvement, qui représentent environ 60 % du total des tirs effectués par la police française chaque année, ont augmenté. En 2017, leur nombre a même bondi de 47 % par rapport à 2016, et en 2022, en moins de sept mois, dix personnes âgées de 20 à 35 ans sont mortes, tuées par balles par des policiers à la suite d'un refus d'obtempérer. Et nous ne devrions rien faire, nous, en notre qualité de législateurs, face au décès de jeunes ou de moins jeunes, la plupart du temps issus de milieux populaires et, disons-le, racisés – Noirs, Arabes ou identifiés comme tels.
Ces chiffres, d'ailleurs, ont inquiété jusqu'au cœur de la police. Un haut fonctionnaire de cette institution a affirmé : « Le nombre de personnes décédées depuis le début de l'année ne peut pas nous laisser indifférents. » Voilà le message que mon groupe souhaite faire passer : nous ne pouvons pas rester indifférents. La mort de Nahel comme celles qui l'ont précédée, et les mots prononcés au lendemain du drame par sa mère, nous invitent à agir. Il ne s'agit pas que d'un fait divers, mais, plus largement, d'un fait de société.