La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt-deux heures cinq.
Suite de la discussion d'une proposition de loi organique
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi organique de M. Nicolas Sansu, Mme Karine Lebon, M. Jean-Marc Tellier et plusieurs de leurs collègues visant à indexer la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation (n° 957, 1087).
La conférence des présidents a décidé que la discussion, interrompue le jeudi 4 mai après l'intervention du Gouvernement, reprendrait pour une durée d'une heure. La séance sera donc levée à vingt-trois heures cinq.
Vous vous rappelez sans doute pourquoi la séance du 4 mai a été interrompue. La fonctionnaire qui avait fait un arrêt cardiaque va beaucoup mieux.
Avant d'entamer mon intervention, permettez-moi d'avoir une pensée particulière pour Mme Élisa Révah qui nous accompagne jour et nuit dans cet hémicycle, comme elle le faisait le 4 mai au soir. Nous espérons tous la retrouver rapidement parmi nous.
Applaudissements sur tous les bancs.
Le 4 mai dernier, se tenait la niche du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES. Dans le cadre de notre unique journée dédiée aux initiatives parlementaires, nous avions inscrit une proposition de loi organique visant à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation. Ce texte avait été adopté sans les voix de la majorité par la commission des lois, sans surprise d'ailleurs, puisque tous les députés qui mesurent l'importance du rôle joué par les collectivités locales, notamment dans les territoires les plus reculés ou les plus en difficulté, mesurent aussi l'urgence à agir et à soutenir ces dernières dans un contexte d'inflation grandissante. De l'avis de tous les élus, l'indexation de la dotation globale de fonctionnement est le meilleur levier financier pour soutenir nos collectivités.
Pourtant, la majorité et le Gouvernement n'en voulaient pas, au prétexte de l'efficacité de la dépense publique. Quelle ignorance du rôle clé joué par les collectivités locales dans l'investissement et la croissance !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
L'enjeu de la petite heure dont vous êtes obligés de nous faire l'aumône n'est plus d'achever l'examen du texte et de pouvoir le voter – nous n'en aurons matériellement pas le temps.
En effet, le 4 mai, vous nous avez empêchés de voter en éternisant les débats ! Demain, une autre raison empêchera la majorité des députés de voter ! Hier, aujourd'hui, demain, les entraves à l'expression des votes des représentants du peuple varient dans leur forme, mais, sur le fond, elles ont toutes le même objectif : la confiscation du pouvoir législatif par l'exécutif.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
C'est désormais un fait : le pouvoir législatif n'appartient plus à cet hémicycle. Depuis le début de la législature, qui a vu entrer une majorité toute relative dans l'hémicycle, tous les artifices de procédures ont été déployés, tant par la majorité relative que par le Gouvernement, pour confisquer ce pouvoir. Quand il s'agit de projets de loi présentés par le Gouvernement, mais rejetés par la majorité des députés, vous utilisez l'article 49.3 de la Constitution – une véritable addiction puisque ce fut le cas onze fois en six mois. Vous avez également sorti l'article 44, alinéa 1, du chapeau, quand ce n'est pas l'article 47-1 qui est extrait du formol par des apprentis sorciers pour discuter de la réforme des retraites.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Quand il s'agit de propositions de loi présentées par l'opposition, et dont le Gouvernement ne veut pas, d'autres tours de passe-passe sont déployés pour empêcher les votes, avec la complicité de députés digéreurs de la parole présidentielle, parfois avec subtilité – mais rarement…
… et, le plus souvent, de manière grossière.
Toutefois, cela ne change rien, la violence symbolique est la même. Ce qui s'est passé le 4 mai dernier dans cet hémicycle était une violence exercée contre notre groupe et, plus largement, contre la majorité des députés qui voulaient voter ce texte ! C'était aussi une violence exercée contre les élus locaux, qui espéraient le vote de cette proposition de loi, contre les citoyens, notamment les plus fragiles, qui auraient bénéficié de la réforme, ainsi que contre notre assemblée, et donc contre notre démocratie. Cette violence illégitime a été exercée, le sourire aux lèvres, par deux ministres – M. Bruno Le Maire, puis M. Gabriel Attal, ici présent. Ce soir-là, ils se sont livrés au jeu d'une obstruction grossière pour empêcher l'examen et le vote du moindre article de notre proposition de loi.
Le seul membre de cette assemblée ayant pu s'exprimer a été notre rapporteur, M. Jean-Marc Tellier. En palabrant pendant plus d'une heure dans le cadre de la discussion générale, MM. Le Maire et Attal se sont donnés en spectacle avec une impudeur sans égale. Ils s'imaginaient grands orateurs : ils n'étaient en réalité que les piètres interprètes d'un spectacle de music-hall au rabais, donné dans le seul et unique but d'entraver l'expression et le vote de la représentation nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Cette comédie pathétique et cette malheureuse mise en scène en disent long non seulement sur l'irrespect de ce gouvernement envers notre institution mais, aussi et surtout, sur son mépris de la démocratie. Quoi qu'il en coûte, ce gouvernement refuse la moindre contradiction ; il refuse le verdict des votes. Quoi qu'il en coûte, ce gouvernement refuse que notre assemblée exerce son pouvoir de légiférer. Quoi qu'il en coûte, ce gouvernement bafoue le principe de la séparation des pouvoirs. Quoi qu'il en coûte, jour après jour, il abîme toujours un peu plus notre démocratie. Il la déshonore !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Demain matin, le Gouvernement a décidé, cette fois-ci, de ne pas se salir les mains. C'est à la présidente de notre assemblée qu'a été confiée la basse besogne : elle a décidé, aujourd'hui, d'empêcher le vote dans l'hémicycle d'un simple article, en usant de l'article 40 de la Constitution – pratique inédite dans le cadre d'une niche – qui lui permet de déclarer irrecevable un amendement malgré son gage. Jusqu'à cette décision funeste, prise contre l'avis du président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, …
… une vieille tolérance consistait en effet à accepter de tels amendements dans le cadre de l'examen, lors d'une niche parlementaire, de propositions de loi quand un gage, générant des recettes supplémentaires, compense des dépenses supplémentaires.
Pourquoi une telle tolérance ? Tout simplement pour respecter le droit d'initiative des oppositions parlementaires, qui serait sinon réduit à une peau de chagrin !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Ce passage en force illustre votre mépris des initiatives des oppositions.
« Oh » sur quelques bancs du groupe RE.
Pourtant, tout comme les élus réclament dans leur immense majorité une indexation de la DGF sur l'inflation, les Français réclament, dans leur immense majorité, l'abrogation de la loi qui reporte l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
Dès la semaine dernière, la majorité, minoritaire sur ce texte, n'a pas hésité à mettre en charpie l'exercice du droit constitutionnel des députés, en refusant de soumettre à la discussion et au vote des amendements pourtant recevables !
Elle n'hésitera pas, demain, à déposer des centaines d'amendements pour empêcher les votes sur l'essentiel, et pour donner l'illusion que notre assemblée délibère malgré tout. Mais ce ne sont que des pantalonnades et nos concitoyens ne sont pas dupes ! Le pouvoir législatif n'existe plus dans notre République ! Le plus intime des droits, qui appartenait encore aux députés dans le cadre de leur niche parlementaire, vient d'être envoyé dans les poubelles de notre assemblée ! Mes chers collègues, écoutez-moi bien, c'est un précédent dont vous allez porter la lourde responsabilité durant les mois et les années à venir.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Aujourd'hui, vous vous imaginez invincibles mais, demain, votre politique de la terre brûlée va nous entraîner – et vous avec – dans le pire : un pouvoir encore plus autoritaire que le vôtre pourra s'appuyer sur la prétendue légitimité de vos décisions, avec la plus grande décontraction. Vous en serez responsables !
Mêmes mouvements.
Si nous nous étions retrouvés dans votre situation, celle d'une majorité relative au sein de notre hémicycle, nous en aurions fait une force !
Nous aurions sauté sur cette opportunité pour revigorer notre démocratie et rééquilibrer les pouvoirs, car cette dernière est malade de son hypertrophie présidentielle. Vous n'avez pas saisi cette chance parce que ce n'est pas l'intérêt de notre pays qui vous anime. Ce qui vous préoccupe, c'est au contraire de satisfaire les désirs obsessionnels du président absolu et ceux des puissants et des puissances financières.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Le constat est clair : le néolibéralisme autoritaire du pouvoir s'appuie désormais sur une monarchie républicaine qui tend à devenir de plus en plus absolue pour imposer, contre le peuple et contre ses représentants, les politiques les plus dévastatrices, qui creusent toujours davantage les inégalités.
Ce soir, nous ne pourrons pas voter ce texte, qui aurait pourtant amélioré concrètement la vie de milliers de nos concitoyens. Demain, nous ne pourrons pas voter un texte qui vise à abroger la réforme des retraites, ce qu'une majorité de Français appellent de leurs vœux depuis des mois. Dans les deux cas, tous les artifices de procédure auront été usés jusqu'à la corde, pour ne pas affronter le résultat des votes. Ce manque de courage, conjugué à une dérive autoritaire, nous entraîne sur un terrain dangereux, ce dont vous porterez l'entière responsabilité.
Les conséquences de la disparition du pouvoir législatif au profit d'un pouvoir exécutif absolu sont incommensurables. Mes chers collègues, j'en appelle solennellement à un sursaut démocratique. Ayez ce sursaut démocratique !
Les députés des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Tout d'abord, j'adresse un message de prompt rétablissement à la fonctionnaire du service des comptes rendus qui a été victime d'un malaise le 4 mai dernier. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires rend hommage à l'engagement de tous les fonctionnaires de notre assemblée, engagement qui permet la bonne tenue de nos débats.
Applaudissements sur tous les bancs.
Après avoir occupé nombre de nos nuits lors de l'examen du dernier budget, la dotation globale de fonctionnement revient dans nos débats, à la demande d'un groupe d'opposition, le groupe GDR – NUPES, que je remercie.
En dépit de l'opposition de la minorité présidentielle, cette proposition de loi visant à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation a été adoptée lors de son examen en commission des lois. Elle aurait dû l'être en séance également. Le Gouvernement en a décidé autrement, en jouant, une fois de plus, la carte de l'obstruction. Notre groupe déplore l'usage de cette technique, surtout à l'occasion d'une niche d'un groupe d'opposition. Une nouvelle fois, cette attitude traduit le mépris de l'exécutif pour le Parlement et les droits des oppositions. En réalité, depuis 2017, ce gouvernement n'a cessé de s'attaquer à l'autonomie financière et fiscale des collectivités. Avec quel bilan ? Les réformes successives de la fiscalité locale ont conduit à désagréger le lien qui unit les contribuables locaux et leurs élus. Les collectivités doivent désormais affronter la hausse de leurs charges avec un budget composé de dotations désindexées de l'inflation et de fractions d'impôts sur lesquels elles n'ont plus aucune marge de manœuvre.
Nous le voyons quotidiennement dans nos circonscriptions : toutes les collectivités ont été affectées par la hausse des prix de l'énergie et de l'alimentation. La situation est difficile, en particulier pour les collectivités les plus modestes, notamment les communes situées en zone rurale et en outre-mer. Il n'est plus possible de nier la réalité : le niveau actuel de la DGF ne correspond plus à la réalité du terrain, aux coûts que les élus locaux doivent assumer alors que le niveau de l'inflation grève sensiblement leurs budgets. Or nous sommes loin d'avoir dépassé ces difficultés. Les membres de notre groupe estiment qu'il n'est pas possible de laisser les élus dans une situation budgétaire difficile qui favorise l'inaction, faute de moyens.
La dotation globale de fonctionnement est avant tout un lien qui oblige l'État : elle doit permettre au département et au bloc communal de disposer de ressources prévisibles. Or, depuis 2017, la DGF est figée à quelque 27 milliards d'euros. Le groupe LIOT déplore la stagnation du principal concours de l'État aux collectivités. À cause de l'inflation, cette stabilité n'est en réalité qu'un trompe-l'œil budgétaire qui dissimule une érosion continue. Face à ces difficultés, quelle est la stratégie du Gouvernement ? Comme toujours, l'exécutif a privilégié les aides d'urgences au détriment de mesures pérennes. Nous ne remettons pas en cause l'opportunité des filets de sécurité, votés par l'ensemble des parlementaires sous forme d'aides temporaires. Cependant, force est de constater que ces dispositifs ne suffisent pas et qu'ils sont souvent mal calibrés. Longtemps après leur adoption et la publication des décrets d'application, on découvre encore de nombreuses failles. Nous souhaiterions que le Gouvernement cesse d'agir en réaction, au dernier moment, et qu'il favorise de véritables réformes structurelles.
Lors de l'examen du PLF pour 2023, plusieurs amendements, notamment de notre groupe, tendaient ainsi à indexer certaines dotations sur l'inflation. La minorité présidentielle les a rejetés. Tant le Comité des finances locales (CFL) que les associations d'élus, l'AMF – Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité –, et l'ADF – Assemblée des départements de France – ont regretté la non-indexation de la DGF en 2023. En réalité, seule une concertation de qualité permettra de trouver une solution pérenne. Nous constatons que le Gouvernement a fait un autre choix, celui d'empêcher les débats ; de manière plus inquiétante, il a surtout décidé d'empêcher, une fois de plus, le Parlement de voter sur un texte, de peur de perdre !
En une heure, nous n'irons pas au bout de l'examen de cette proposition de loi, mais le groupe LIOT tient à rappeler son soutien indéfectible aux élus locaux et aux collectivités territoriales.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Sourires.
…je veux à mon tour exprimer le plaisir que nous avons eu à recevoir de bonnes nouvelles de la santé de la fonctionnaire du compte rendu de la séance.
Applaudissements sur tous les bancs.
Je lui adresse tous nos vœux de bon et prompt rétablissement. Je salue les personnels de notre assemblée et leur exprime notre reconnaissance.
Mêmes mouvements.
S'agissant de la proposition de loi, le groupe Renaissance n'est pas favorable à indexer mécaniquement la dotation globale de fonctionnement. Je redis notre attachement aux communes, au travail des maires et des élus locaux,…
…pour offrir à nos concitoyens des services publics adaptés et pour satisfaire les besoins de proximité. Je salue également le travail qu'ils accomplissent dans le cadre intercommunal pour bâtir l'avenir des territoires et de leurs habitants. La DGF se monte à 27 milliards d'euros : elle représente 15 % des recettes réelles de fonctionnement des communes, 20 % de celles des intercommunalités à fiscalité propre et 12 % de celles des départements. Pour évoquer quelques souvenirs, je rappelle que de 2012 à 2017, la DGF a baissé de 11 milliards d'euros, au nom du rétablissement des comptes publics.
C'était pendant le mandat de François Hollande. Les comptes de l'État n'ont d'ailleurs pas fait l'objet d'une semblable rigueur.
Avec notre arrivée, la DGF a été stabilisée puis sanctuarisée. Mieux : ces deux dernières années, si nous nous étions contentés d'une indexation, les collectivités auraient reçu 1,1 milliard d'euros supplémentaire.
Or les concours de l'État pendant la même période ont progressé de 2,8 milliards – près de trois fois plus.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Les associations d'élus le confirment : l'important, c'est que les concours de l'État soient au rendez-vous dans la tempête, pour surmonter les crises.
M. Julien Rancoule s'exclame.
Elles demandent du dialogue et des mesures adaptées. En la circonstance, ce furent le filet de sécurité et l'amortisseur sur les prix de l'énergie. En 2022, l'ensemble des concours de l'État ont été portés à 47 milliards : heureusement qu'il ne s'est pas contenté d'une simple indexation ! Elle n'aurait pas du tout suffi.
Ajoutons que l'indexation mécanique – c'est son défaut – risque d'entraîner une aide proportionnellement plus importante à ceux qui n'en ont pas le plus besoin. Le cousu main est gage d'efficacité. L'amortisseur a permis à certaines collectivités, selon leurs contrats, d'éviter des augmentations du coût des énergies qui auraient atteint 20 à 30 %. En 2023, les 320 millions supplémentaires alloués à la DGF ont permis de neutraliser les effets de la péréquation, là encore pour nous adapter à la situation réelle.
Si nous devions réfléchir de nouveau à la DGF et, plus largement, aux finances locales, ce serait plutôt pour améliorer la lisibilité du calcul, donc du montant de dotation attribué à chaque collectivité, afin que les élus territoriaux puissent mieux se projeter, anticiper et construire plus sereinement leur plan pluriannuel d'investissement (PPI). Le calcul du montant de la DGF repose sur plus de quarante critères, car ceux-ci se sont accumulés au fil du temps : les collègues ont parfois du mal à comprendre les évolutions, en particulier au regard de l'enveloppe normée globale. Il en va de même de la dotation de solidarité rurale (DSR) : maintenant que le territoire est couvert d'intercommunalités, elle devrait retrouver une véritable spécificité.
Tous les rapports relatifs aux finances publiques – ils sont particulièrement nombreux – insistent sur la nécessité d'améliorer la lisibilité du soutien que l'État apporte aux collectivités territoriales. Le dossier est sur la table : dans les mois et années à venir, nous mènerons la réflexion en ce sens. Nos responsables gouvernementaux sont particulièrement sensibles à cette question : je les en remercie. Oui, nous avons besoin de lisibilité, oui nous avons besoin de soutiens adaptés, oui, nous avons besoin du travail que mène le Gouvernement !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
J'appelle M. Julien Rancoule, non pour un massage cardiaque, mais pour son intervention.
La dotation globale de fonctionnement constitue la principale subvention d'État aux collectivités territoriales. Elle a pris une importance encore plus grande ces dernières années avec la suppression de certains impôts locaux. En résumé, les collectivités territoriales, et au premier chef les communes, échelon le plus proche des citoyens, dépendent de la DGF pour satisfaire leurs besoins de financement. Créée en 1979, la DGF a été indexée sur l'inflation jusqu'en 2011. Elle ne l'est donc désormais plus, alors même que l'inflation n'a jamais été aussi forte. Exceptionnelle, celle-ci rogne les budgets des collectivités territoriales dans des proportions très importantes, mais le Gouvernement reste sans réaction. Beaucoup de communes souffrent : je salue tous les maires qui se battent chaque jour pour payer leurs factures.
Pour vous donner un exemple concret, à Espéraza, dans ma circonscription de l'Aude, la facture de gaz est passée de 373 euros en mars 2022, à 2 036 euros en mars 2023, pour une consommation similaire. Pour l'électricité, le montant est passé de 5 954 à 10 568 euros, sur la même période – factures à l'appui, monsieur le ministre délégué !
L'orateur montre quelques feuillets.
Il est inutile de vous dire que l'augmentation de 1,2 % de l'enveloppe nationale de la DGF allouée à l'ensemble des collectivités en 2023 n'est pas du tout à la hauteur des attentes. Par ailleurs, ce sont les plus petites communes des zones rurales que l'inflation affecte le plus.
En 2022, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité et La Banque postale ont publié une étude, « Territoires et finances », montrant que les charges à caractère général, notamment les achats de matières et fournitures énergétiques, varient de 45 % pour les communes de plus de 100 000 habitants, à 52 % pour la strate des communes de 500 à 2 000 habitants. On le comprend, les petites communes rurales ont moins de marges de manœuvre et souffrent davantage de l'inflation que les autres. Le but, bien sûr, n'est pas d'opposer les communes entre elles, il est de mettre en lumière celles où les besoins sont les plus criants, afin d'améliorer cette proposition de loi, dans une logique transpartisane. C'est pourquoi le groupe Rassemblement national vous proposera également d'indexer sur l'inflation la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) qui constitue, pour les petites communes, une ressource indispensable à leurs investissements.
Nous assumons ce choix car nous croyons aux collectivités locales, aux communes, notamment aux plus petites d'entre elles. Nous pensons que celles-ci font la richesse de nos territoires, que nous devons les chérir et les soutenir. C'est une vision à long terme et un choix de société. Nous pourrions même aller plus loin, en créant un grand fonds national de revitalisation des petites communes, tant la situation est critique. Trop d'entre elles n'ont même plus les moyens d'entretenir leur voirie ou de rénover leurs canalisations d'eau. Je connais d'innombrables exemples dans mon département de l'Aude. Oui, nous devons revoir l'aménagement du territoire. Dans la France de demain, il faudra dynamiser les zones rurales, car nous ne pourrons pas tous vivre dans les villes. Nos campagnes sont des territoires d'avenir. Pour y parvenir, nous devons donner des marges de manœuvre aux 35 000 communes présentes partout dans le territoire national.
La métropolisation, héritage d'une mondialisation débridée, ne pourra rester ad vitam æternam notre seul horizon. Cela n'est viable ni économiquement, ni socialement, ni sur le plan écologique. Défendre nos communes, nos maires, nos élus locaux ne doit pas être uniquement des mots ! Défendre nos communes, nos maires, nos élus locaux, ce n'est pas réduire la DGF pendant des années, comme l'a fait la gauche au pouvoir de 2012 à 2017 !
Défendre nos communes, nos maires et nos élus locaux, c'est leur donner des moyens financiers pour investir. Au siècle dernier, François Mauriac écrivait : « Paris est une solitude peuplée ; une ville de province est un désert sans solitude. » Faisons en sorte que nos villes et nos villages soient tout sauf des déserts économiques dépourvus de moyens et qu'ils deviennent au contraire l'avant-garde d'une redynamisation des territoires au service des Français et de la France de demain.
Le groupe Rassemblement national soutient cette proposition de loi, qui n'aura malheureusement pas le temps d'être votée. Le mépris du Gouvernement et le déni de démocratie de la majorité auront encore frappé. Comme pour la réforme des retraites, le PLF et la réintégration des soignants suspendus, en novembre dernier, vous empêchez cette assemblée de délibérer en faisant de l'obstruction parlementaire.
Ce texte, d'une haute importance, a pourtant été adopté en commission. Les maires sauront se rappeler votre trahison.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Parce que tous les chemins mènent à lui, la parole est à M. Sébastien Rome.
J'associe le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale aux pensées qui accompagnent Élisa, rédactrice du compte rendu, et tout le personnel de l'Assemblée.
Midi Libre titrait : « C'est le maire qui se fait engueuler en premier ». Cette formule simple de Frédéric Roig, président de la section de l'Hérault de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), résume les difficultés quotidiennes des maires : des situations qui peuvent être extrêmes, voire extrémistes – nous l'avons vu ces dernières semaines. Les citoyens se tournent toujours vers l'élu le plus à même de faire vivre notre démocratie au quotidien. C'est l'histoire de la République française, qui s'est d'abord ancrée dans les territoires par les communes.
L'indexation de la DGF sur l'inflation n'est pas une question simplement technique, mais hautement politique. Elle incarne ce rapport entre la République et le peuple, par la médiation des communes auxquelles l'État se doit de faire confiance. Quelle autonomie de gestion voulons-nous pour les collectivités ? Quelle considération portons-nous aux élus ? Dans ce cadre communal, comment donner aux habitants les moyens qui leur font ressentir, mieux qu'aucun autre, qu'ils sont pleinement citoyens ? Tout ce qui augmente l'autonomie des communes a notre faveur : c'est précisément le cas de l'indexation de la DGF sur l'inflation. Le groupe La France insoumise soutient donc la proposition de loi du groupe communiste.
Or l'autonomie des communes est mise à mal. La suppression d'impôts locaux, sans qu'ils aient été remis à plat et sans recours à la fameuse coconstruction qui caractérise si bien ce Gouvernement au quotidien, marque une rupture de confiance entre les maires et l'exécutif. En supprimant tout débat sur les finances des collectivités à l'automne dernier, avec dix recours à l'article 49.3, le Gouvernement, croyant supprimer les oppositions quand il était minoritaire, a envoyé aux élus locaux ce message : circulez, il n'y a rien à voir. Aujourd'hui comme demain, c'est le peuple et ses représentants que vous chassez ainsi.
Il ne fallait surtout pas découvrir les conséquences de la suppression d'une recette visant à faire un nouveau cadeau aux entreprises – qui n'en demandaient pas tant ! Tout en jurant que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) serait compensée, on créait le fonds Vert. La CVAE n'est pas entièrement compensée et on détourne un demi-milliard d'euros du fonds Vert pour combler les trous. La circulaire du 14 décembre 2022 demande aux préfets de s'assurer que les collectivités bénéficient du fonds au moins à hauteur de la compensation de la CVAE prévue. Non seulement la compensation s'évapore, mais on force la main des maires, brimant leur libre administration, puisqu'ils ne pourront pas procéder à des investissements de fonctionnement : une cantine de qualité, un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem) de plus à l'école, des associations sportives ou caritatives mieux soutenues, c'est aussi investir dans la commune.
Mais le Gouvernement n'est pas le seul fautif : la mise à mal a commencé par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite Notre, signée par Manuel Valls, Bernard Cazeneuve et Emmanuel Macron. Cette loi a été largement décriée par les élus locaux, tout comme les baisses régulières des dotations voulues par François Hollande : après une baisse de 11,2 milliards entre 2013 et 2017, la DGF est désormais tombée à 27 milliards. La stabilité affichée depuis 2017 est un trompe-l'œil, qui masque la hausse des coûts des projets et des charges, l'inflation et la remontée des taux d'intérêt. Si la DGF avait été indexée sur l'inflation telle qu'elle est calculée par la Banque de France, elle s'établirait à 31 milliards d'euros.
Il manque donc 4 milliards d'euros, qui auraient pu être utiles aux territoires et à leurs habitants ; 4 milliards manquants, comme une laisse que l'on tire par secousses régulières et que vous tirez à nouveau cette année. Votre objectif de 0,5 % de baisse des dépenses par an est injuste ; il est également infondé puisqu'il ne repose sur aucune base juridique, le projet de loi de programmation des finances publiques ayant été rejeté à plusieurs reprises. Les élus locaux sont nombreux à jeter l'écharpe à terre. Il serait cynique d'en conclure qu'il faut supprimer les communes parce qu'être maire serait trop compliqué.
Qui dit cela ?
Il est nécessaire de redonner aux citoyens confiance dans la capacité des élus à changer leur vie, même modestement et cela passera par l'échelon communal.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Avant toute chose, nous avons nous aussi une pensée pour la rédactrice des comptes rendus, à laquelle nous souhaitons un bon rétablissement. Nous saluons le dévouement de l'ensemble des fonctionnaires de l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur tous les bancs.
Cette proposition de loi organique vise à ajouter un alinéa à l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) de 2001, garantissant que le montant des prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales ne puisse être inférieur, à périmètre constant, au montant de l'année précédente majoré de l'inflation.
Dans un premier temps, le groupe Démocrate tient à rappeler que le budget voté pour 2023 est un budget de soutien et de protection des collectivités territoriales, élaboré en concertation avec les associations nationales d'élus. Dans un contexte inédit de crise énergétique, le Gouvernement a fait le choix d'un soutien massif de toutes les strates des collectivités locales, afin de les protéger au mieux des conséquences de cette crise. Cet accompagnement gouvernemental s'est manifesté selon différents axes : tout d'abord par la sanctuarisation de l'enveloppe de la DGF, qui constitue la principale dotation de fonctionnement de l'État aux collectivités territoriales.
Force est de constater qu'après une période de stabilité, pour la première fois depuis plus de treize ans, l'enveloppe globale de la DGF a progressé en 2023. Cette hausse de 320 millions d'euros est d'ailleurs plus élevée que celle initialement prévue en septembre – le montant attendu était de 210 millions d'euros. Ce levier n'est pas sans conséquence, puisqu'il assure le maintien ou l'augmentation de la dotation pour une large majorité des communes. Plus encore, ce soutien leur permet, de fait, de protéger leurs missions de service public, ce à quoi nous exhortent nos concitoyens.
En y regardant de plus près, il apparaît que les territoires ruraux bénéficieront largement de cette hausse, avec une dotation de solidarité à hauteur de 200 millions d'euros. La dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), quant à elle, augmente de 90 millions d'euros. Enfin, la dotation d'intercommunalité s'élève à 30 millions d'euros. Ces chiffres sont sans appel et ne peuvent être passés sous silence.
Au-delà de la hausse de la DGF, le second levier réside dans l'accompagnement massif du Gouvernement à la réalisation des investissements des collectivités grâce à de nombreuses mesures : le filet de sécurité pour faire face à la hausse des coûts de l'énergie, la suppression de la CVAE, la création du fonds Vert, l'augmentation de la dotation de biodiversité et l'augmentation de crédits. Par ailleurs, les aides à destination des communes en grande difficulté sont quintuplées pour atteindre 10 millions d'euros : elles permettront de soutenir les communes dans lesquelles des circonstances anormales ont entraîné un déséquilibre budgétaire particulier.
Enfin, à l'instar de l'exercice 2021, les marges de manœuvre financières des collectivités territoriales ont continué d'augmenter en 2022. La capacité d'autofinancement des collectivités est largement supérieure à son niveau d'avant la crise covid. Nous constatons une hausse des recettes réelles de fonctionnement, soutenue par des recettes fiscales dynamiques de 10,2 milliards d'euros en 2022. Il s'agit d'une hausse supérieure à ce qui était attendu pour cet exercice ; les recettes fiscales dépassent ainsi de 8,3 % leur niveau d'avant la crise covid. Nous remarquons aussi des dépenses maîtrisées et un investissement en hausse. La croissance des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités atteint ainsi 4,5 % en 2022, soit une augmentation de 8 milliards d'euros. L'investissement a continué sa progression par rapport à 2021 – 5,6 % –, particulièrement stimulée par la hausse de 10,3 % des dépenses d'équipement. Les investissements restent dynamiques malgré les difficultés rencontrées par les territoires.
L'ambition du groupe Démocrate est avant tout de permettre aux collectivités territoriales de tenir et de franchir cette crise, pour continuer ensuite à investir. Une indexation de la DGF sur l'inflation serait une forme de saupoudrage ; nous aiderions peut-être davantage des collectivités ayant moins besoin d'accompagnement, et nous aiderions moins celles qui en auraient le plus besoin. En définitive, la DGF est une ressource dynamique et les collectivités ont bénéficié de nombreuses mesures de soutien. Son indexation sur l'inflation serait contre-productive puisqu'elle ne représenterait qu'un apport de 1,7 milliard d'euros. Surtout, quid de la déflation ? À partir du moment où une garantie fixe des montants uniquement à la hausse, l'indexation est tronquée et ne peut être qualifiée comme telle. Ainsi, bien que le texte ait été adopté en commission des lois, le groupe Démocrate maintient sa position ; les collectivités méritent des solutions probantes qui répondent à de véritables enjeux. Pour toutes ces raisons, il ne votera pas ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE et sur quelques bancs du groupe HOR.
À mon tour de m'associer aux bons vœux de rétablissement adressés à la rédactrice des comptes rendus en convalescence.
Cette proposition de loi nous renvoie à une question importante : celle du modèle de décentralisation que nous souhaitons.
Voulons-nous une puissance publique à deux vitesses, dont l'extension locale est désarmée, avec un État central qui délègue ses compétences sans être à la hauteur lorsqu'il s'agit de fournir les moyens de les exercer ? Voulons-nous au contraire des services publics de proximité à la mesure des attentes de nos concitoyens, avec des collectivités capables d'y répondre et d'être au plus près de leurs besoins, tout en ayant les ressources correspondant à leurs ambitions ?
C'est vous qui avez baissé la DGF !
Il n'est pas possible de rappeler à longueur de discours à quel point les collectivités territoriales sont essentielles, tout en les privant de leurs moyens, au point de parfois les laisser exsangues, en tout cas en difficulté pour faire face à leurs attributions.
Je parle bien sûr de la chute de la DGF : elle s'élevait à 41,5 milliards d'euros il y a dix ans, à 31 milliards il y a cinq ans et à 27 milliards aujourd'hui. Il faut aussi mentionner un effet ciseaux : une extension des compétences, associée à l'inexorable augmentation des dépenses de fonctionnement liées à l'inflation galopante et, dans le même temps, une diminution des ressources consécutives à la perte d'autonomie fiscale, après la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et de celle, plus récente, de la CVAE – toutes deux imposées par le Gouvernement.
Chers collègues du groupe présidentiel, vous avez déclaré en commission que vous préserviez la DGF et que vous faisiez du cousu main. Permettez-moi deux remarques : tout d'abord, préserver la DGF ne suffit pas. Une DGF qui stagne, c'est de l'austérité : lorsque le montant stagne, il recule en part de PIB ; parallèlement, les prix augmentent, ce qui grignote plus encore les budgets. D'après l'AMF, le taux d'inflation du panier des collectivités en 2022 est de 7,2 %.
Ensuite, je le répète : la DGF est passée de 31 milliards d'euros, il y a cinq ans, à 27 milliards aujourd'hui. Comment pouvez-vous nous dire qu'elle stagne ? Quelles en sont les conséquences ? Sans surprise, les dépenses d'investissement des collectivités s'amenuisent, ce qui est de mauvais augure pour l'avenir lorsqu'on sait qu'elles constituent plus des deux tiers de l'investissement public et qu'elles s'appuient le plus souvent sur des entreprises locales, dont les emplois ne sont pas délocalisables.
Nous le savons tous, la disparition des activités économiques locales et des services publics de proximité qui en résultent sont un facteur déterminant de l'abstention et du vote contestataire. Or comment ne pas comprendre ces Français qui ressentent un sentiment d'abandon – c'est particulièrement vrai en milieu rural. C'est pourquoi, dans l'immédiat, il faut redonner à nos collectivités les ressources, pour qu'elles puissent faire face à l'explosion des factures, et, plus largement, exercer pleinement leurs missions.
C'est le sens des propositions que nous avions imposées au Gouvernement dans le dernier budget rectificatif : compensation aux collectivités de la hausse des dépenses du RSA, de la revalorisation du point d'indice, et des augmentations des frais résultant de l'inflation – belles victoires des groupes Socialistes et apparentés et LIOT.
Alors, ce soir, dans la continuité de nos combats communs, nous soutiendrons la proposition de loi organique, qui vise simplement à ce que la DGF ne soit pas grignotée par l'inflation. Cela ne doit pas nous empêcher d'aller plus loin et de poursuivre ce travail, en lançant une vraie réforme de la DGF, afin qu'elle soit plus adaptée aux réalités actuelles.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Je m'associe, bien entendu, aux propos rassurants concernant la santé de la rédactrice des comptes rendus, dont le malaise nous avait beaucoup impressionnés le soir du 4 mai. J'en profite pour saluer tous les fonctionnaires de l'Assemblée qui nous permettent de bénéficier de conditions de travail exceptionnelles, grâce à leur engagement, leur bonne humeur, et leur bienveillance permanente, surtout à l'égard des nouveaux députés dont je fais partie. Qu'ils en soient remerciés.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, Dem, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Au nom du groupe Horizons et apparentés, je remercie nos collègues du groupe GDR – NUPES d'avoir inscrit à l'ordre du jour de leur journée d'initiative parlementaire cette proposition de loi organique. Vous connaissez l'attachement des députés de notre groupe aux collectivités territoriales, premiers relais des politiques publiques dans nos territoires et actrices du « premier et dernier kilomètre », selon la terminologie de l'AMF ou du Conseil d'État.
Je le rappelle avec force : jamais une majorité n'a autant soutenu les collectivités territoriales. Pour faire face à la crise sanitaire d'abord, puis à la crise énergétique et inflationniste, l'État a mobilisé des moyens très importants pour préserver leur situation financière. Durant les années 2020 et 2021, les mesures de soutien de l'État aux collectivités territoriales ont représenté 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement et 7,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement. DSIL exceptionnelle, divers filets de sécurité – auxquels le groupe Horizons et apparentés a contribué –, majoration du fonds de stabilisation des départements, plusieurs mesures du plan de relance spécifiquement à destination des collectivités : tous ces dispositifs ont porté leurs fruits puisque, de façon globale, les collectivités ont retrouvé, en 2021, un niveau d'épargne supérieur à celui d'avant-crise. Bien entendu, ces observations sont à mettre en perspective avec les difficultés réelles rencontrées par de nombreuses collectivités qui connaissent une situation financière dégradée.
Face au choc énergétique et inflationniste, le Gouvernement et la majorité ont également réagi promptement. Dès l'été 2022, nous adoptions un projet de loi de finances rectificative qui instaurait un filet de sécurité contre les conséquences de l'inflation, à destination du bloc communal, doté de 430 millions d'euros. En outre, 120 millions d'euros étaient alloués aux départements, tandis que les régions se voyaient octroyer 18 millions d'euros supplémentaires, au titre de la revalorisation des rémunérations des stagiaires de la formation professionnelle.
Ce soutien, apporté dès l'été 2022, s'est poursuivi et amplifié à l'automne, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2023. Pour faire face à la hausse des coûts de l'énergie, le bouclier tarifaire a été prolongé pour l'année 2023, au bénéfice des plus petites communes, soit environ 28 000 collectivités. Par ailleurs, à l'initiative de notre groupe, le filet de sécurité a été reconduit. Ses critères ont été simplifiés et mieux ciblés, afin de le transformer en un filet de soutien à l'investissement. Ce dispositif et l'amortisseur électricité représentent une aide de 2,5 milliards d'euros. Je pourrais également citer l'instauration du fonds Vert, doté de 2 milliards d'euros ; l'absence de plafonnement de l'indexation des bases fiscales ; le quintuplement de l'enveloppe à destination des communes en grande difficulté. Vous l'aurez compris, nous sommes fiers du soutien sans faille apporté aux collectivités.
Surtout, la loi de finances pour 2023 a augmenté la DGF de 320 millions d'euros, un effort inédit depuis treize ans, alors qu'une baisse sans précédent avait eu lieu sous le quinquennat socialiste.
La proposition de loi organique que nous examinons aujourd'hui vise à indexer le montant de la DGF sur l'inflation. Si l'idée est à première vue séduisante et paraît de bon sens, elle se heurte à plusieurs difficultés. La première tient à la nature même de la DGF. Comme son nom l'indique, c'est une dotation globale, composée, en réalité, d'un ensemble de dotations qui ne tiennent pas nécessairement compte des mêmes enjeux. Elle comporte d'un côté, une part forfaitaire et, de l'autre, une ou plusieurs parts de péréquation. Par ailleurs, chaque dotation est calculée selon une trentaine de critères de répartition de nature variée.
Ces différentes caractéristiques font de la DGF un outil d'une grande complexité. Il nous paraît dès lors beaucoup plus efficace, lorsque les collectivités sont confrontées à une forte inflation, de prendre des mesures ponctuelles, ciblées et lisibles. C'est ce que nous nous sommes attaché à faire par le biais du PLFR et du PLF, comme je l'ai rappelé. Le montant des crédits que nous avons débloqués dans le PLF pour 2023, qui correspond au coût des différentes mesures de soutien à destination des collectivités, est bien supérieur à celui qui aurait résulté d'une indexation sur l'inflation.
L'enjeu essentiel de la DGF – et, plus généralement, en matière de transferts de l'État au profit des collectivités territoriales – est de donner une visibilité pour plusieurs années. Les collectivités ont besoin de savoir quel sera le montant des dotations qui leur seront versées à l'horizon de trois ou de cinq ans, pour pouvoir anticiper et prendre des décisions en matière de gestion.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Je m'associe aux vœux de prompt rétablissement, adressés à la rédactrice des comptes rendus, victime d'un malaise cardiaque lors de la séance du 4 mai.
Le 4 mai, j'avais prévu de vous parler de la dotation globale de fonctionnement, d'évoquer son rôle essentiel pour les collectivités locales qui, au cœur du pacte républicain, forment le premier espace de la démocratie et des solidarités, un bouclier social et environnemental contre les mauvaises politiques du Gouvernement et de sa majorité. À cette occasion, j'aurais dénoncé les tartuffes que vous êtes qui, main sur le cœur, de commémorations en marchés ou en manifestations diverses, rendent hommage aux élus locaux. Alors que vous les faites régulièrement applaudir ici, vous leur imposez ensuite, dans ce même hémicycle et dans les ministères, de se serrer la ceinture et par là les empêchez d'assumer leurs missions essentielles, au service de nos concitoyens.
M. Jean-Paul Mattei s'exclame.
Nous sommes aujourd'hui réunis pour une bien mauvaise pièce de théâtre car n'est pas Molière qui veut. Le 4 mai, nous n'avons pu aller au bout de ce texte car le Gouvernement s'est livré à une obstruction clownesque et indigne d'un pouvoir qui, sans cesse, donne des leçons de maintien à ses oppositions. Ma question est simple et s'adresse à MM. les ministres délégués – je vois que le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement nous a rejoints. Sommes-nous encore dans une assemblée nationale ? Sommes-nous encore dans le temple de la démocratie – cet hémicycle ne devrait jamais cesser de l'être ?
« Oh ! » sur les bancs du groupe RE.
Vous avez des pulsions mortifères très dangereuses à l'égard de tous les pouvoirs et de tous les contre-pouvoirs. On l'a vu avec les collectivités locales et, pendant des mois, avec les organisations syndicales. On l'a vu, on le voit et nous le verrons demain matin avec l'Assemblée nationale. Vous confondez la niche parlementaire avec votre volonté de mettre le Parlement à la niche, afin qu'il n'exprime surtout pas la volonté du peuple français.
J'allais m'adresser à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mais il est parti. Il est vrai que sa présence est toujours éphémère car pour qu'il y ait un ministre des relations avec le Parlement, encore faut-il qu'il existe des relations avec le Parlement.
Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Plusieurs points qui se suivent forment une ligne. Lorsqu'on décide de recourir, de façon compulsive et répétée, au 49.3, de supprimer délibération démocratique, c'est qu'on ne veut pas entretenir de relations avec le Parlement. Il y aurait matière à se demander si M. Riester n'occuperait pas un emploi fictif !
Mêmes mouvements.
Je le dis avec gravité : demain, pour la première fois dans l'histoire récente, nous assisterons à un coup d'État institutionnel contre l'Assemblée nationale, représentante du peuple français.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
On peut reconnaître à Benjamin Lucas qu'il est un très grand acteur ! Mais le festival de Cannes, c'était la semaine dernière !
En effet, sur ordre de l'exécutif, la présidente de l'Assemblée nationale…
…a choisi de s'affranchir des règles de la démocratie, de nos règles internes, de la Constitution, pour fouler aux pieds notre responsabilité de parlementaires et nous empêcher de délibérer sur la retraite à 64 ans.
Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'entends vos cris et vos injures mais j'en appelle à notre dignité collective de parlementaires. Ce qui se joue demain ,
Mêmes mouvements
ce n'est même plus la question de l'âge de départ à la retraite – que nos concitoyens ne souhaitent pas voir repoussé à 64 ans –, mais la dignité du Parlement et la survie de notre démocratie parlementaire.
Brouhaha.
Dans un moment où la démocratie est malade, où monte l'extrême droite – comme partout sur le continent –,…
…où tant de nos concitoyens se détournent des urnes et de la chose publique, insulter ainsi le Parlement, c'est injurier les Français et fouler aux pieds la démocratie.
Plusieurs points qui se suivent, je le répète, forment une ligne : recours au 49.3, volonté de museler le Parlement, pression sur la présidente de l'Assemblée nationale. La ligne que vous tracez pour le pays est autoritaire, illibérale, dangereuse, et constitue un accélérateur au lepénisme.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Je conjure nos collègues de la majorité de se dresser avec nous demain, pour qu'on respecte le droit des parlementaires et pour que nous puissions accomplir le travail pour lequel les Françaises et les Français nous ont élus il y a bientôt un an. Tant notre dignité démocratique que l'état dans lequel nous laisserons la démocratie – car nous ne sommes que de passage – sont en jeu.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Chers collègues, il nous reste huit minutes avant la levée de la séance, dont cinq minutes que nous allons passer avec Emmanuelle Ménard. Je vous demande donc de l'écouter en silence.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Je tiens tout d'abord à adresser à mon tour mes vœux de prompt rétablissement à la rédactrice du service des comptes rendus, actuellement en convalescence.
Maillon de proximité, les collectivités locales souffrent. Ce phénomène n'est pas nouveau mais il s'est accentué depuis la crise sanitaire du covid-19, durant laquelle les communes ont assumé plus que jamais leur rôle de relais de l'État, au plus près de nos concitoyens. Disons-le clairement, les perspectives pour 2023 ne sont guère réjouissantes.
De façon globale, les collectivités subissent une hausse significative de leurs dépenses contraintes, en raison notamment de l'accélération de l'inflation, qui a conduit le Gouvernement à revaloriser le point d'indice dans la fonction publique et certaines prestations sociales, comme le RSA, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2022.
Si des compensations ont été prévues en 2022, il en va autrement pour 2023 puisque les collectivités devront assumer une année pleine de ces surcoûts, évalués à 2,3 milliards d'euros pour la revalorisation du point d'indice et entre 350 et 400 millions d'euros pour le RSA.
Notons par ailleurs que les collectivités n'échappent pas à l'inflation de certaines charges telles que les dépenses d'énergie et d'alimentation. Les communes sont malheureusement les plus touchées : elles doivent supporter le poids de ces coûts dans leurs dépenses de fonctionnement à hauteur d'environ 6 %.
La proposition de loi que nous examinons traite de la dotation globale de fonctionnement, plus précisément de son indexation sur l'inflation. Créé en 1979, le mécanisme de cette dotation reposait alors sur la densité des communes et des implantations commerciales sur leur territoire. Un de ses objectifs était de garantir aux communes des ressources à la fois stables et évolutives.
Depuis, des changements ont été opérés, comme en 1985, où ont été intégrés des concours particuliers liés à des contraintes spécifiques supportées de manière inégale par les différents territoires : enfants à scolariser, importance de la voirie, parcs de logements sociaux, concours aux villes-centres, concours aux communes touristiques, etc.
En 1991-1992, la création de la dotation de solidarité urbaine, destinée aux villes défavorisées au regard de la faiblesse de leurs bases fiscales et des conditions de vie de leur population, puis la montée en puissance de la DGF d'intercommunalité ont bousculé le système. En 2005, une nouvelle réforme a été mise en œuvre dans un souci d'harmonisation.
À chaque réforme, les modalités d'indexation ont été revues. Entre 2007 et 2016, le rythme de croissance de la DGF a d'abord été infléchi, avant d'être inversé avec la mise en place de la contribution au redressement des finances publiques qui, pendant quatre années consécutives, a fortement réduit la DGF des communes et des intercommunalités.
L'idée qui nous intéresse aujourd'hui – celle d'une indexation de la DGF sur l'inflation – n'est pas sortie du chapeau : elle s'inspire de la règle appliquée jusqu'en 2011. Entre 2011 et 2013, la prise en compte de l'inflation a cessé au regard de la stagnation de la monnaie courante. Puis, entre 2014 et 2017, les collectivités se sont serré la ceinture, en partie à cause d'une baisse drastique de la DGF.
Au regard de la conjoncture actuelle – une inflation à 5,2 % en 2022, qui s'est établie à 5,6 % sur un an en mars 2023 –, il semble légitime de souhaiter une indexation de la DGF puisque les dépenses augmentent indépendamment même des choix politiques. Le filet de sécurité mis en place en 2022 avait pour fonction d'aider, sous conditions, à financer les effets de la hausse du point d'indice décidée durant l'été et la croissance des dépenses d'approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et d'achat de produits alimentaires. Il s'agissait d'une aide exceptionnelle dont l'objectif essentiel était d'aider les collectivités ayant un faible niveau d'épargne brute.
Le dispositif de 2023 est différent : il cible les collectivités qui, confrontées à une véritable explosion de leurs dépenses d'approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain, ne disposeraient pas d'une hausse des recettes suffisamment soutenue pour y faire face. Face aux perspectives de croissance des ressources en 2023, il est possible que le nombre de bénéficiaires fortement dotés soit faible.
Pour conclure, j'oserai une proposition. Sur le principe, votre texte semble aller dans le bon sens, mais ne faudrait-il pas prendre en compte un pourcentage garanti d'évolution de l'inflation, de sorte que la DGF n'évolue pas en deçà d'un plancher ? Cela permettrait de ne pas baisser les ressources des collectivités territoriales et de maintenir la dynamique de cette ressource en corrélation avec la progression naturelle…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Jean-Marc Tellier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je m'associe à mon tour aux souhaits de bon rétablissement adressés à la rédactrice du service des comptes rendus et saluer l'ensemble du personnel de l'Assemblée nationale pour le bon travail qu'ils accomplissent.
Applaudissements.
Je tiens à remercier l'ensemble des orateurs, notamment ceux qui ont exprimé leur colère et leur indignation face à l'attitude de la majorité et du Gouvernement, représenté, le soir du 4 mai, par deux ministres qui ont tout fait pour éviter que l'on puisse voter pour cette proposition de loi…
…très attendue par nos collectivités territoriales, nos maires. Nos maires qui, chaque jour, sont au service de la population, à son contact, en première ligne,…
…nos collectivités, qui, chaque année, se demandent comment boucler leur budget, attendaient beaucoup de ce texte.
Suspension de séance, interventions sans fin des ministres Attal et Le Maire, dépôt de sous-amendements à la dernière minute :…
…vous avez tout fait pour éviter l'adoption d'un texte qui avait recueilli la majorité en commission des lois. On pourrait presque en rire si l'attitude de la majorité relative et du Gouvernement ne démontrait pas le mépris qu'ils ont pour notre démocratie.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Oui, par votre comportement, vous avez piétiné notre démocratie et créé un précédent qui laissera des traces. D'ailleurs, dès demain, vous userez de nouveaux stratagèmes, notamment de l'article 40, pour faire obstruction à la proposition de loi du groupe LIOT sur les retraites.
Les députés des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES se lèvent et applaudissent.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Discussion de la proposition de loi abrogeant le recul de l'âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d'une conférence de financement du système de retraite ;
Discussion de la proposition de loi visant à élargir l'assiette de la taxe sur les transactions financières ;
Discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique ;
Discussion de la proposition de loi visant à renforcer le principe de la continuité territoriale en outre-mer ;
Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement » ;
Discussion de la proposition de loi relative à la consultation des habitants d'un département sur le choix de leur région d'appartenance ;
Discussion de la proposition de loi visant à limiter la contamination par les substances polyfluoroalkyles et perfluoroalkyles.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra