La commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde.
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président
La séance est ouverte à 11 h 00
Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle à présent l'audition de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde depuis septembre 2012, que l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a reconduite en début d'année pour un mandat de cinq ans à compter du 23 avril prochain.
Je vous remercie infiniment d'avoir accepté de venir devant nous afin notamment de nous exposer vos projets, ainsi que votre feuille de route pour France Médias Monde. Je saisis l'occasion de votre venue pour vous exprimer la gratitude de notre commission pour avoir reçu une délégation d'entre nous au siège de France Médias Monde, à Issy-les-Moulineaux, jeudi 30 mars dernier. Vous avez eu l'amabilité d'accompagner nos collègues tout au long de leur visite et ils ont beaucoup apprécié cet égard.
France Médias Monde est la société en charge de l'audiovisuel extérieur créée par la loi du 5 mars 2009. Elle regroupe trois médias : la chaîne de télévision France 24, ainsi que les radios Radio France Internationale (RFI) et Monte-Carlo Doualiya (MCD).
La commission des affaires étrangères s'intéresse de très près à cette entité qui contribue fortement au rayonnement francophone, en touchant près de 260 millions de personnes, les deux-tiers via la diffusion télé et radio et le tiers restant sur les environnements numériques.
En effet, non seulement notre commission est appelée à se prononcer sur le contrat d'objectifs et de moyens (COM) qui lie France Médias Monde à l'État mais elle émet également chaque année un avis budgétaire qui se penche avec attention sur les dotations qui lui sont attribuées.
Le dernier contrat d'objectifs et de moyens, dont notre collègue Alain David fut le rapporteur devant cette commission, portait sur la période 2020-2022. Un avenant y a récemment été porté pour assurer la transition, en 2023, avec celui qui doit en prendre le relais. Vous ne serez néanmoins pas surprise, madame la présidente-directrice générale, que nous souhaitions vous entendre au sujet du futur COM, ne serait-ce que pour apprécier les ambitions assignées à France Médias Monde dans les années à venir, vos équipes ayant certainement été étroitement associées à la préparation de ce projet en amont.
Pour ce qui concerne les moyens de France Média Monde, le dernier avis budgétaire qui s'est penché sur la question, présenté lui aussi par notre collègue Alain David, a souligné que les dotations étaient en baisse tendancielle de 3,5 millions d'euros depuis 2018. En 2022, elles s'élèvent ainsi à 254,2 millions d'euros, dans un contexte marqué à la fois par une forte concurrence internationale et par une hausse des ressources allouées à vos principaux concurrents, telle la Deutsche Welle dont le budget s'élève à 391 millions d'euros.
À ces contraintes budgétaires « prévisibles », s'ajoute à présent l'incertitude liée à la suppression progressive de la taxe d'habitation, à laquelle était adossée la contribution à l'audiovisuel public. Vous nous avez adressé des messages d'inquiétude à ce sujet car vous craigniez que la réputation d'indépendance de votre maison soit remise en cause par des acteurs internationaux en raison des dotations budgétaires que vous recevez.
Madame la présidente-directrice générale, l'Arcom, en vous renouvelant sa confiance, a fait le choix de l'expérience et de la reconnaissance de vos indéniables résultats à la tête de France Médias Monde. Les défis qui s'adressent à vous ne sont pas minces et vos éminentes qualités vous seront assurément utiles pour y faire face.
Je tiens à vous faire part de la question existentielle que pose France Médias Monde à nos yeux. Si j'étais brutal et méchant, ce que je ne suis pas, je serais tenté de demander à quoi vous servez. Nous avons besoin de clarifier le type de missions que France Médias Monde estime devoir remplir. Servez-vous les intérêts de la France, la francophonie, une diplomatie d'influence ? Servez-vous le développement des sociétés auxquelles vous vous adressez, le respect de principes auxquels la France est attachée en matière d'État de droit, de libertés publiques, de droit d'expression et d'émancipation des femmes ?
Quelle est exactement la mission que vous vous assignez ? Quelle est la finalité fondamentale de votre action ? Cette réflexion préalable à l'adoption du futur COM nous paraît essentielle. Mais ceci ne vous concerne pas uniquement. Nous voyons bien que la diplomatie française, de manière générale, s'interroge sur ses moyens et sur son rôle, compte tenu de la redéfinition de la politique africaine, de l'évolution de l'Asie après le départ des Occidentaux d'Afghanistan, de l'avenir très complexe de l'océan indien et des différences d'approche entre les Américains et les Européens face au problème chinois. Dans un environnement complexe et mouvant qui appelle un examen de conscience par les autorités publiques françaises des motifs de leur engagement, un outil comme celui que vous dirigez constitue un élément très important.
Nous allons aborder aujourd'hui l'avenir du futur COM et définir ensemble la mission qui est la vôtre. De fait, nous ne pouvons pas nous dispenser de poser des questions fondamentales sur notre avenir collectif. Je vous laisse le soin de réaliser la présentation que vous estimez devoir faire, les groupes et les députés vous interrogeront par la suite.
Je vous remercie de votre accueil et je remercie également ceux d'entre vous qui sont venus à Issy-les-Moulineaux. Nous vivons les mêmes réalités et nos discussions avec vous permettent de clarifier nos propres analyses. Mon exposé introductif va tenter de répondre à vos interrogations existentielles.
Dans le cadre de ce propos liminaire, je souhaite revenir sur quatre grands points :
– le contexte géopolitique ;
– nos résultats ;
– nos grands axes stratégiques qui nous permettent ces succès et que nous approfondissons pour changer d'échelle ;
– les enjeux financiers.
Le contexte géopolitique dans lequel nous évoluons est difficile. Notre groupe parle le français et vingt autres langues ; il est présent dans le monde entier. Son cahier des charges répond à la question existentielle évoquée par le président Bourlanges.
Ce contexte est compliqué, pour quatre raisons essentielles. Tout d'abord, ce contexte géopolitique est de plus en plus tendu, les perceptions anti-occidentales ayant des impacts sur nos médias. La semaine dernière, la diffusion de France 24 a été coupée par le gouvernement au Burkina Faso, après l'avoir été au Mali. On peut donc constater que ces coupures sont à chaque fois survenues après l'arrivée de Wagner dans ces pays.
En outre, le week-end dernier, des journalistes du Monde et de Libération ont été expulsés. On serait tenté de dire que seule la France est visée mais, en réalité, il s'agit d'une remise en cause du modèle démocratique occidental et, au-delà, de la liberté de la presse, qui touche également nos amis journalistes burkinabè et maliens. À cet égard, le rapport de Reporters sans frontières publié avant-hier parle de la bande sahélienne comme d'un « trou noir » de l'information. Certains de nos collègues vivent dans la terreur et leur vie est en danger. Ce qui se joue ici, c'est la liberté d'informer et d'être informé de manière professionnelle et équilibrée. Quand nous, médias internationaux, intervenons dans ces pays, nos collègues locaux nous considèrent comme des boucliers protecteurs.
Ensuite, le deuxième point porte sur une exacerbation de la concurrence internationale entre les médias. Il s'agit d'abord des médias amis, comme la Deutsche Welle ou la BBC World (radio internationale, télévision en arabe et en persan), dont le budget doit être distingué de BBC World News. Cependant, ce budget est équivalent à celui de la Deutsche Welle, c'est-à-dire un budget 50 % supérieur au nôtre.
Du côté des médias hostiles, les moyens déployés sont également massifs même si nous ignorons leur montant exact. Au-delà de la Chine et de la Russie, il convient de mentionner la Turquie, qui va lancer une nouvelle chaîne en français à destination de l'Afrique. Le budget de Russia Today (RT) et de Sputnik s'élève ainsi environ à 450 millions d'euros. Je rappelle qu'en 2021, notre budget était de 254 millions d'euros de dotation publique, soit uniquement 7 % du budget de l'audiovisuel public français. Ce budget n'est cependant pas négligeable, compte tenu notamment de l'effort fourni en 2023, puisque l'inflation a été plus que compensée. Mais, malgré tout, le risque d'un décrochage en termes de moyens est évident par rapport à nos concurrents.
La troisième tendance concerne la montée très alarmante de la désinformation et des infox. On constate une sémantique inversée où les champions de la propagande accusent des médias professionnels, libres et indépendants d'être des relais de propagande. Nous ne restons pas immobiles dans ce domaine mais les régulateurs doivent jouer ici un rôle particulier, notamment pour responsabiliser les plateformes. Des avancées ont vu le jour, grâce aux réglementations européennes, mais l'enjeu est encore plus marqué en Afrique. Nous avons reçu vendredi dernier le président de l'autorité de régulation de la République démocratique du Congo (RDC), qui a fait part de son inquiétude à l'approche des élections dans son pays. Nous subissons aussi des campagnes de décrédibilisation menées à l'encontre de nos médias.
Enfin, la dernière tendance concerne le risque sécuritaire auquel nos journalistes font face ; ils peuvent être menacés ou expulsés. Nous sommes parfois obligés de les extraire des zones dans lesquelles ils travaillent, comme cela a été le cas au Mali et nous y réfléchissons aujourd'hui au Burkina Faso. De même, le risque porte sur les univers numériques, à la fois avec les cyberattaques de plus en violentes, mais aussi la haine en ligne qui touche nos journalistes.
Dans ce contexte qu'il paraît essentiel de rappeler, et pour répondre à votre question, nos médias doivent être, plus que jamais, des médias de résistance et de résilience démocratiques à l'échelle planétaire. Plus qu'un enjeu sociétal, c'est un enjeu civilisationnel. Plus que jamais, ces médias sont absolument nécessaires. J'en profite pour saluer nos journalistes, issus de soixante nationalités, qui travaillent ensemble autour de valeurs et d'une déontologie affirmées.
Malgré ce contexte difficile, nos résultats traduisent une réussite importante, notamment en termes d'audience. Près de 260 millions de personnes nous écoutent, nous regardent ou nous suivent chaque semaine : 170 millions en radio ou télévision « classiques », soit les deux-tiers, et le solde dans nos environnements numériques (sites ou applications propriétaires et réseaux sociaux). Les réseaux sociaux sont particulièrement importants puisqu'ils rassemblent les jeunes mais sont également le lieu de propagation de l'infox. En outre, face à la censure, nous devons jouer sur toute une panoplie de moyens, qu'il s'agisse de l'onde courte, des satellites en réception directe, mais également des réseaux sociaux : YouTube est rarement coupé.
Le numérique enregistre d'ailleurs des performances remarquables : nous avons totalisé 3,4 milliards de vidéos et de sons vus en 2022. Désormais, la majorité de nos contacts se font en langues étrangères ; le groupe diffuse en vingt langues. Mais, dans le même temps, cela n'empêche pas le français de continuer à progresser, certes moins vite que les langues étrangères. Il pèse moins dans l'empreinte globale mais les sujets qui sont évoqués dans les langues étrangères sont malgré tout proches de la France et de la francophonie. J'ai parfois la tentation de dire que l'on parle français même en langue étrangère à France Médias Monde.
Sur le numérique, 55 % des visites sont réalisées en langues étrangères et 45 % en français. En broadcast, la proportion est de 58 % en langues étrangères et 42 % en français. Le français continue à croître, mais un peu moins vite.
Ces bons résultats ne sont pas le fruit du hasard mais d'une stratégie que nous mettons en œuvre depuis plusieurs années et que nous voulons renforcer pour changer d'échelle. J'ai présenté à l'Arcom nos grands axes de développement dans le cadre du projet stratégique « Cultiver la confiance dans un monde de défiance » et nous sommes en train de les approfondir avec les tutelles dans le cadre des travaux du prochain COM.
Cette stratégie s'articule autour de plusieurs axes, dont le premier porte sur une information internationale indépendante, libre, vérifiée, équilibrée, honnête et responsable. Notre professionnalisme et notre cadre déontologique créent notre crédibilité et nous sommes actuellement en train de travailler à l'obtention du Journalism Trust Initiative (JTI), qui est un label de certification déontologique.
Pour conforter cette dimension professionnelle, nous menons aussi sur nos antennes des opérations transparentes pour montrer les coulisses de la fabrication de l'information à nos auditeurs et téléspectateurs. Nous sommes également très mobilisés en matière de lutte contre les infox, en nous adressant notamment aux élèves en France et dans les établissements français à l'étranger.
Nous portons en outre de grands engagements sociétaux : l'égalité femmes-hommes, la lutte contre toutes les discriminations, la laïcité et la diversité, le développement durable et l'environnement. Notre engagement porte aussi sur l'Europe, en dédiant 30 heures chaque semaine à ces sujets. Il porte en outre sur la francophonie et notamment l'apprentissage de notre langue. À ce titre, nous venons de lancer des outils d'apprentissage du français innovants, comme « le français facile » avec RFI. Nous travaillons enfin sur les Jeux olympiques, un événement majeur qui constitue, au-delà du sport, une formidable occasion de raconter notre pays.
Le deuxième axe de notre stratégie concerne la proximité. Nous sommes mondiaux mais nous devons cultiver la proximité, à travers deux leviers.
Le premier levier porte sur la proximité linguistique : parler la langue de l'autre. Comme le disait Nelson Mandela : « Si vous parlez à un homme dans une langue qu'il comprend, vous parlez à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, vous parlez à son cœur ».
Le deuxième levier concerne la proximité géographique, à travers l'enracinement dans les bassins de diffusion. Nous sommes implantés à Dakar où nous produisons une offre en deux langues sahéliennes : le mandenkan et le fulfulde. Nous nous adressons ainsi un peu plus aux femmes et aux jeunes moins scolarisés. Nous espérons que l'Agence française de développement (AFD), qui finance ce projet avec nous, renouvellera son aide. Ces programmes, qui recueillent 80 % d'avis favorables, nous permettent particulièrement de lutter contre les infox.
En Europe centrale et orientale, à Bucarest, nous avons lancé une offre en ukrainien avec une rédaction ukrainienne adossée à celle de RFI en roumain. L'offre recueille un grand succès avec, à fin mars, 536 000 visites sur le site depuis le 1er janvier 2023. Nous cherchons à pérenniser le projet, à le développer dans de nouvelles langues et en premier lieu le turc, qui me paraît prioritaire.
Enfin, je forme le vœu de concrétiser une implantation locale à Beyrouth car elle est essentielle pour lutter contre les infox et former les gens à la sécurité, dans la mesure où de nombreux journalistes meurent au Levant. Nous travaillons ici sur ce projet avec l'école supérieure des affaires (ESA), une école franco-libanaise formidable.
Parallèlement à cette stratégie d'enracinement, nous continuons à cultiver notre présence en espagnol en Amérique latine avec France 24 et RFI, qui touche 16 millions d'auditeurs hebdomadaires sur la zone grâce au réseau des radios partenaires dans cette zone très francophile. Dans la zone indopacifique, France 24 en anglais rencontre un grand succès en Inde – le premier pays en audience dans cette langue –, avec une audience hebdomadaire croissante de 16 millions de téléspectateurs. Grâce à la diffusion en langues dari, pachtoune et persan, nous sommes également aux côtés des femmes afghanes et iraniennes.
Notre troisième axe porte sur le numérique. Nous y pratiquons une hyperdistribution raisonnée. Nous sommes à la fois sur toutes les plateformes et les réseaux sociaux de ces environnements, qui nous permettent souvent de contourner la censure, et nous cultivons simultanément nos sites et environnements propres. Nous manions une forme de grand écart entre des pays qui n'ont pas toujours d'électricité et des pays hyper connectés. Nous y travaillons avec nos équipes, et notamment Serge Schick, le directeur du développement international, et Thomas Legrand, directeur de la communication et des relations institutionnelles.
Nous travaillons sur les nouveaux formats et nouvelles plateformes, et notamment l'intelligence artificielle autour des outils de transcription et de traduction automatisée – toujours sous contrôle éditorial –, qui permettent d'enrichir les contenus sur le numérique. Par exemple, l'offre numérique de RFI en ukrainien reprend des vidéos de France 24 sous-titrées grâce à ces outils et selon cette méthode de contrôle.
Nous y avons beaucoup travaillé et tout est vérifié avant diffusion. Pour le moment, nous ne parvenons pas encore à sous-titrer en direct.
Enfin, notre dernier axe stratégique est le collectif. Vous savez que nous sommes une société fusionnée, avec des rédactions distinctes entre une chaîne dédiée à l'information continue – France 24 –, une chaîne généraliste d'actualité – RFI – et une chaîne généraliste – Monte-Carlo Doualiya. Nous travaillons néanmoins en commun sur certains sujets transverses, comme les Jeux olympiques par exemple. Nous « fusionnons » quand c'est utile et nous travaillons en complémentarité quand cela est possible. Nous travaillons en outre avec les autres sociétés de l'audiovisuel public où il existe des synergies très avancées : France info, Culture prime, Lumni.
Ces grands axes constituent les principaux vecteurs de notre stratégie et sur lesquels nous travaillons dans le cadre de la préparation du COM. Leur développement est aussi lié à la trajectoire financière.
France Médias Monde est confrontée à un double enjeu. Tout d'abord, la nature de la recette n'est pas neutre à l'international. Pour nous, un financement affecté est la garantie visible de notre indépendance à l'international. Nous avons ressenti cette réalité de manière très concrète. En effet, selon la loi allemande, l'attribution d'une recette affectée est gage d'un éloignement suffisant de l'État, ce qui a un impact direct sur l'attribution des fréquences. Ainsi, à Berlin, l'autorité de régulation locale a considéré qu'avec la suppression de la contribution à l'audiovisuel public, la staatesferne – règle de l'« éloignement de l'État » – n'était plus respectée. L'autorité en a conclu que cela constituait un obstacle à la reconduction de la fréquence FM de RFI à Berlin, que nous avons depuis de nombreuses années. Nous avons malgré tout candidaté et nous attendons le résultat de l'appel d'offres.
Oui. Les Allemands y sont très attachés. Par ailleurs, sur YouTube, la recette affectée permet d'être qualifiée de chaîne publique. Si tel n'est pas le cas, les médias financés par un État se voient qualifiés de « médias gouvernementaux ». La nature du financement est donc un signe objectif pour les réseaux sociaux et pour l'attribution dans certains pays.
Ensuite, il est important de pouvoir disposer d'un financement dynamique. Le budget 2023 est positif. Il est en hausse pour la première fois, en tenant compte des économies réalisées les années précédentes. Cette hausse est malgré tout limitée et il nous semble nécessaire de changer d'échelle. La plupart des projets de développement se font aujourd'hui grâce à des financements externes, de l'Union européenne (UE) ou encore de l'AFD. Mais il s'agit de « projets CDD », à durée déterminée et qui ont vocation à s'arrêter un jour.
Nous avons donc besoin d'une certaine visibilité. Je fais remarquer que lorsque la France calcule les dépenses françaises d'aide publique au développement, elle intègre 22 millions d'euros relatifs aux dépenses de France Médias Monde. Il suffirait ainsi que face à ces dépenses, une recette issue de l'aide publique au développement équivalente soit ajoutée pour que la plupart des développements nouveaux – implantations locales et renfort numérique – soient couverts.
Pouvez-vous préciser ? La recette telle que vous l'envisagez est-elle indexée sur l'aide générale au développement ?
Pas tout à fait. J'appelle de mes vœux une recette affectée dans sa nature comme aujourd'hui, qui évolue en fonction de l'inflation. Pour financer les financements locaux et la montée en puissance du numérique, il suffirait que face aux dépenses qualifiées par l'État français de « dépenses d'aide au développement » – 22 millions d'euros –, nous ayons une recette d'aide publique au développement équivalente – imputée par exemple sur le programme budgétaire n° 209.
Il s'agirait de dépenses fléchées : la BBC reçoit plus de 100 millions de livres du Foreign Office et elle ne s'en porte pas plus mal ; elle conserve la redevance. Ces dépenses contribuent à la création d'écosystèmes démocratiques locaux, à l'image des projets que nous développons déjà au Sahel ou à destination de l'Ukraine, avec notre filiale Canal France International (CFI).
J'interviens en tant que député mais également en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur la diplomatie d'influence. Votre outil assez ancien doit désormais passer au XXIe siècle. Par ailleurs, je m'oppose à la définition d'un audiovisuel extérieur : je pense qu'il y a un seul audiovisuel, un audiovisuel d'action. Enfin, j'ai été frappé par l'expérience que vous menez à Bucarest, qui fait partie de ma circonscription, où vous salariez et formez des journalistes ukrainiens en fuite.
Je souhaite vous interroger sur la feuille de route de l'influence, un outil construit lors du dernier mandat. Aujourd'hui, vous avez parlé de notre action dans le monde, dont France Médias Monde fait partie. Intégrez-vous dans votre communication la nouvelle feuille de route de l'influence mise en place en décembre 2021 ?
Nous ne sommes pas un opérateur diplomatique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Nous sommes des médias, des outils de résistance et de résilience démocratique. Notre but n'est pas de construire une opinion mais de donner les clefs de compréhension du monde pour permettre aux citoyens libres de définir leurs opinions. À cet égard, nous sommes différents des outils de propagande, qui mènent des campagnes de dénigrement contre notre action. Si nous sommes influents, c'est grâce à notre indépendance.
Tout d'abord, je vous félicite pour votre renouvellement pour cinq ans à la tête de France Médias Monde, qui fait de vous une recordwoman de l'audiovisuel en durée de mandat. Votre expérience et vos compétences ont joué un rôle essentiel dans votre désignation. Quelle place fait la France à son audiovisuel extérieur ? La faiblesse des budgets m'inquiète, notamment en comparaison avec l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine, le Japon et la Russie. Ces pays déploient dans le monde entier leurs propres médias, qui disposent d'une puissance de feu sans commune mesure avec les investissements que nous réalisons.
Même si l'augmentation dont vous allez disposer n'est pas au niveau, j'espère qu'il s'agira là du déclenchement d'un processus permettant enfin à notre audiovisuel de se développer dans de bonnes conditions, dans un contexte par ailleurs très difficile. En Afrique, nous sommes en train de perdre pied et il convient de trouver des solutions.
Ma première question porte sur les conséquences de ces instabilités politiques sur vos audiences dans différents pays africains. Ensuite, je m'interroge sur la suppression de la redevance audiovisuelle et ses conséquences sur votre indépendance dans les années à venir. La conditionner à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) la rend annuelle et cette décision peut être revue selon les objectifs des gouvernements. Pour assurer une véritable indépendance, je suis favorable à un système de redevance.
Je ne dirais pas que nous perdons pied en Afrique, au-delà de l'impression que peuvent donner les réseaux sociaux. Néanmoins, quand nous sommes coupés, nous perdons naturellement des audiences. En 2022, nous avons ainsi perdu 3,2 millions de téléspectateurs et d'auditeurs en Russie et au Mali, après de telles coupures. Cependant, en 2022, nous avons enregistré 260 millions de contacts hebdomadaires. Si nous sommes coupés au Burkina Faso, nous allons perdre environ un million de téléspectateurs pour France 24 et 1,7 million d'auditeurs pour RFI.
Face à cela, nous progressons fortement sur le numérique. Quand RFI a été coupée en décembre, elle a augmenté de 195 % sur YouTube. Mais, malgré tout, YouTube n'a pas l'impact de la FM, qui est incontournable en Afrique. Par ailleurs, nous ne pouvons pas mesurer la réception en ondes courtes. Pourtant, globalement, nous continuons à augmenter notre audience.
Il convient malgré tout de mentionner quelques interrogations concernant le monde arabe. Nous avons enregistré une baisse au Maroc et en Libye, que nous sommes en train de documenter. Nous allons effectuer des panels qualitatifs pour savoir s'il s'agit seulement d'une erreur de mesure ou s'il s'agit d'une baisse réelle qui devrait attirer notre attention pour en connaître les déterminants.
Enfin, si la fraction de TVA affectée était maintenue en l'état, je m'en contenterais aisément. Il m'importe surtout que nous ne soyons pas budgétisés.
France Médias Monde participe au rayonnement culturel français à l'étranger. En novembre 2013, deux envoyés spéciaux de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, ont été enlevés et assassinés au Mali, ce double meurtre ayant été revendiqué par Al Qaeda au Maghreb islamique. Je souhaite aujourd'hui leur rendre hommage et rappeler que la liberté d'informer est consubstantielle aux débats démocratiques.
Le 31 mars 2023, le Burkina Faso a expulsé des journalistes français. Cela interroge car cette expulsion fait suite à la suspension immédiate de RFI, ordonnée par les autorités burkinabè au lendemain du coup d'État le 30 septembre 2022. Force est de constater que les journalistes évoluent dans un monde où les tensions géopolitiques sont de plus en prégnantes, bien souvent alimentées par des fake news. On pense notamment à celles conçues de toutes pièces par le régime de Vladimir Poutine et la milice Wagner pour accuser l'armée française d'exactions au Mali. Quel regard portez-vous sur l'évolution de votre capacité à informer ? À quelles difficultés peut-elle se heurter et comment mieux l'accompagner dans ce contexte de manipulation de l'information par certaines puissances non démocratiques ?
Nous célébrons effectivement le douloureux anniversaire des dix ans de l'assassinat de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon. Après leur disparition, nous avons créé une bourse pour aider des jeunes journalistes et techniciens. Chaque année, nous avons formé dix journalistes et dix techniciens. Nous allons réunir vingt jeunes journalistes et vingt jeunes techniciens à Dakar pour commémorer cet horrible anniversaire, qui marque en réalité le début de la dégradation de la situation.
Nous ne nous battons pas pour les médias français mais pour la liberté de la presse. Je veux m'appuyer sur tous ceux, et particulièrement les journalistes africains, qui se dressent pour lutter contre le muselage de l'information et ce concept d'« information patriotique ». Cet anniversaire sera l'occasion de mener des débats mais également de réaliser un documentaire pour raconter cette réalité. Il importe également de saisir les institutions africaines, comme l'Union africaine ou la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest. Tout le monde doit se mobiliser. Le travail des journalistes sur le terrain est devenu particulièrement difficile.
J'ai commencé à entendre parler de France Médias Monde à l'occasion du Printemps arabe. Tous les Tunisiens que j'ai rencontrés considéraient ainsi que France 24 était le seul média libre qui parlait de cette révolution. Que s'est-il passé depuis pour que cette chaîne soit aujourd'hui perçue comme un média d'influence ou d'accompagnement de la politique française ?
Vous avez évoqué la démocratie. Mais les médias étrangers qui ont couvert les manifestations contre la réforme des retraites ont mis en exergue les violences. L'image de la France démocratique en a été considérablement affectée. Beaucoup pensent ainsi que nous ne sommes pas un pays démocratique.
Il doit donc être compliqué pour un média d'origine française d'apparaître comme un vecteur démocratique. Les principales questions qui vous concernent portent sur les moyens et la liberté de la presse.
Nous demeurons la première chaîne en Tunisie et nous suscitons l'adhésion des Tunisiens. Parfois, il arrive que la perception de la chaîne soit liée aux relations diplomatiques qui existent à un instant « t » entre la France et certains pays, par exemple le Maroc ou l'Algérie.
Nous faisons l'objet de campagnes de dénigrement. On peut penser notamment au dessin animé diffusé par Wagner en Afrique. Nous sommes également victimes de manipulations. Mais nous ne devons pas donner prise à ces représentations en ne faisant pas suffisamment attention au vocabulaire que nous employons. C'est la raison pour laquelle je suis attachée à notre positionnement de chaîne de résistance et de résilience démocratiques : nous ne sommes ni un outil diplomatique, ni une chaîne d'influence.
En Allemagne, la décision est liée à leur loi : l'autorité de régulation estime que nous allons être budgétisés. Pour notre part, nous lui expliquons qu'une partie de la TVA est sur le même compte affecté qu'auparavant. Pour le moment, nous sommes en suspens et nous attendons les résultats. Plus globalement, tout le monde doit protéger les médias internationaux que nous sommes en veillant au vocabulaire utilisé. Nos journalistes sont indépendants.
Quant à la couverture des manifestations, il existe toujours une certaine vision de la démocratie à la française. Mais je reste en dehors des débats de politique intérieure, nous sommes en quelque sorte l'équipe de France et nous jouons à l'étranger en représentant toute la France. Enfin, je signale que le premier des accusateurs de la France est Vladimir Poutine, selon lequel la France ne serait pas un pays démocratique.
Je tiens également à vous féliciter pour votre reconduction à la tête de ce média dont l'action est essentielle pour l'action audiovisuelle de la France. Votre tâche en tant que média de résistance et de résilience démocratique, de lutte contre l'infox et de promotion de la francophonie est difficile à l'heure où la communication, la propagande et les narratifs alternatifs prennent le pas sur le journalisme et l'information, notamment en Afrique.
Les difficultés rencontrées par les journalistes au Sahel sont de plus en plus importantes, comme en témoignent l'expulsion des journalistes du Monde et de Libération du Burkina Faso mais aussi l'arrêt de la diffusion de RFI et de France 24, plus récemment.
Malheureusement, les pressions sur les journalistes qui ne composent pas avec le pouvoir sont de plus en plus importantes et s'ajoutent aux difficultés posées à la liberté de l'information par les groupes djihadistes, par l'arrivée de la milice Wagner ou la campagne de désinformation menée par RT contre France 24 et RFI. Songeons également à Olivier Dubois, resté trop longtemps en captivité en raison de son métier. La situation est tellement critique que Reporters sans frontières souligne dans son dernier rapport que la bande sahélienne menace de devenir la plus grande zone de non-information en Afrique.
France Médias Monde est également, avec sa filiale CFI, engagée dans plusieurs projets originaux dans la région, comme Media Sahel ou Afri'Kibaaru, qui sont soutenus par l'AFD. Ces projets offrent notamment une offre éditoriale en langue locale s'appuyant sur l'ancrage de RFI et ils luttent contre la désinformation. Face à la situation dégradée que nous connaissons, comment ces projets peuvent-ils encore être menés dans la région, notamment au Mali et au Burkina Faso ?
Par ailleurs, lors de notre visite à votre siège la semaine dernière, vous avez évoqué des engagements financiers de l'AFD auprès de France Médias Monde qui ne seraient pas garantis dans la durée. Quelle est la situation ? Ces financements concernent-ils les projets que je viens d'évoquer ? Quelles seraient selon vous les solutions ?
Je vous remercie d'avoir évoqué le nom d'Olivier Dubois. Pendant toute sa captivité, nous le saluions chaque semaine et nous faisions venir sa famille à l'antenne tous les mois. J'ai d'ailleurs été très touchée qu'il ait évoqué cet élément lors de sa libération. Nous nous sommes sentis très utiles à cette occasion.
Nous sommes confrontés à une propagande et une déstabilisation des journalistes professionnels, notamment les journalistes locaux. Il faut que les institutions africaines s'en saisissent. Les programmes réalisés par CFI avec Média Sahel et Afri'Kibaaru doivent être poursuivis. J'espère que l'AFD continuera mais comme je l'ai indiqué, il s'agit de projets à durée déterminée qui ont une très longue instruction et un cadre de redevabilité très lourd. Cela me semble donc être en décalage par rapport à nos modes de fonctionnement, qui doivent s'inscrire dans le temps et être très réactifs. C'est la raison pour laquelle il nous faudrait être contributaires directs d'aide publique au développement. Les 22 millions d'euros de dépenses évoqués sont considérés comme de l'aide publique au développement par la direction du Trésor et l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), tout en n'étant pas directement financés par l'aide publique au développement.
Enfin, nous avons perdu quatre-vingt radios partenaires au Burkina Faso ou au Mali car elles voient leurs locaux saccagés si elles continuent à reprendre nos programmes. Puisque les FM sont arrêtées, nous ne pouvons plus diffuser en mandenkan ou en fulfulde. En revanche, sur YouTube, nous avons mis l'intégralité de nos productions en langue sahélienne, qui sont produites à Dakar. Nous émettons également en onde courte.
Nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'un média français francophone à l'international et nous saluons votre travail. En revanche, je souhaite que vous éclaircissiez le lien de votre média avec le site d'information InfoMigrants. En effet, ce site conforte les dynamiques de migration, alors que les flux migratoires suscitent de grandes difficultés, notamment pour nos administrations chargées de les réguler. Quel est le but de ce partenariat ? Qui le gère ? Qui finance le site et pour quel montant ? S'il s'agit d'un choix éditorial, pouvons-nous savoir par quelles nécessités il est dicté ? En effet, vous avez indiqué que France Médias Monde n'avait pas vocation à construire l'opinion.
Je comprends votre question, à laquelle j'ai déjà répondu dans d'autres instances. Pourquoi avons-nous fait ce site ? En 2016, la photo du jeune Aylan, cet enfant syrien de trois ans retrouvé sans vie sur une plage turque, avait bouleversé le monde. À cette époque, de nombreuses femmes et des enfants se noyaient dans la Méditerranée, qui devenait une forme de cimetière. Nous savions que ces gens étaient manipulés par des passeurs sans scrupule, qui les saignaient à blanc en termes de financement. Nous savions également que l'esclavage sexuel existait en Libye.
J'en ai parlé avec mes collègues de la Deutsche Welle et de l'Agenzia nationale Stampa Assiociata (ANSA) en Italie, qui constataient avec moi que les infox étaient monnaie courante. Nous nous sommes dit que nous devions délivrer une information professionnelle digne de ce nom pour évoquer les risques et les difficultés de l'arrivée et les différences de repères civilisationnels. Nous voulions également souligner le principe de l'égalité entre hommes et femmes dans nos sociétés occidentales.
Nous nous sommes donc demandé s'il ne fallait pas dédier une information professionnelle à ces migrants, pour éviter un certain nombre de manipulations. Nous avons abordé cette question avec la Commission européenne, qui a trouvé l'idée excellente et nous a financé l'intégralité du projet, via sa direction générale de la migration et des affaires intérieures (DG Home). Le financement s'élève à 2,7 millions d'euros par an désormais. Le site, initialement rédigé en français, anglais et arabe, s'est ensuite élargi au pachtoune, au dari et au bengali.
Nous avons construit cet outil pour essayer d'effectuer proprement notre travail d'information. Lorsque nous avons lancé le site, le pape François a d'ailleurs salué cette initiative, qu'il a qualifiée d'humaniste et qui permettait d'épargner des vies. En revanche, nous ne dissuadons ni ne promouvons l'immigration. Nous empêchons que des gens déjà en situation de fragilité ne soient manipulés par des fake news.
Je note néanmoins que le site présente des exemples comme « Comment se passe la demande d'asile pour excision ? » ou « À quoi ont droit les migrants en matière de retraite ? ». Ces articles sont en ligne au moment où nous parlons.
Il ne s'agit pas de dissuader ou d'inciter mais de présenter des faits face à des manipulations et des mensonges racontés à des personnes vulnérables. Nous donnons des faits, certifiés. Il ne s'agit que d'informations, pas de politique. Je pense par ailleurs qu'il est bien d'expliquer que l'on peut recueillir des personnes victimes d'excision. Personnellement, je mène un combat contre l'excision, en tant que femme.
Pour ma part, je vous félicite pour la création du site InfoMigrants, qui a effectué un travail remarquable. Je sais que le respect de la déontologie vous est cher, condition sine qua non pour maintenir la confiance des populations étrangères à l'égard de nos médias internationaux. Pourtant, lorsque le président Macron souhaite faire de France Médias Monde un outil d'influence diplomatique pour « combattre les narratifs mensongers de la Russie, de la Chine et le Turquie », ne porte-t-il pas atteinte à la crédibilité de cette institution ?
Or les choix du Gouvernement vont également dans le sens d'une perte d'indépendance pour France Médias Monde. La suppression de la redevance audiovisuelle dont vous avez parlé, laisse craindre des contraintes budgétaires supplémentaires. Le budget de France Médias Monde s'élève à 280 millions d'euros en 2023, dont 266 millions relèvent de dotations de l'État.
Ce budget est inférieur à celui de vos concurrents européens tels que la BBC World Service ou de la Deutsche Welle et près de trois fois inférieur du budget américain du soft power. Ce faible budget permet-il vraiment à France Médias Monde d'accomplir l'intégralité de ses missions ? De plus, le maintien d'un financement public est un garde-fou contre les dérives autocratiques, contrairement aux chaînes gouvernementales telles que RT. J'y tiens tout particulièrement, dans ce contexte de répression des manifestations et de criminalisation des opposants politiques. Une perte d'indépendance à un moment charnière des tensions internationales n'aurait pour effet que de continuer à nous éloigner des populations et de leurs gouvernements, qui considèrent France Médias Monde comme la voix de l'Élysée. Enfin, la France n'a-t-elle pas une part de responsabilité quand le 27 mars dernier, le gouvernement du Burkina Faso a décidé d'interrompre la chaîne France 24 en dehors des procédures prévues par la convention de diffusion ? Comme vous l'avez dit, Berlin elle-même remet en cause l'existence d'une fréquence pour France Médias Monde à la suite de la suppression de la redevance. C'est dire en effet si cette mesure n'est pas sans conséquence. Berlin ne veut pas que la voix de l'Élysée élise domicile en son sein, et on peut le comprendre.
Madame la présidente-directrice générale, dans ces conditions, quel est l'avenir de France Médias Monde ? Ne risquez-vous pas de n'avoir de service public que le nom ? Votre objectif louable de résistance démocratique n'est-il pas mis à mal ?
Je regrette que les sociétés de journalistes de France Médias Monde ne soient pas à mes côtés pour vous répondre. Leurs membres ne seraient pas ravis des accusations de dépendance que vous formulez contre eux. Les journalistes ne se soumettent pas, ils ne sont la voix de personne.
Quand vous citez le président de la République, je pense que vous faites référence à un discours précis dans lequel il a indiqué que notre chaîne devait être le contraire de la propagande, c'est-à-dire une chaîne indépendante défendant la liberté d'informer.
Tout le monde peut entendre ce qu'il veut en fonction de ce qu'il veut démontrer, mais gardons-nous de ces radicalisations qui fragiliseraient nos médias. Nous sommes indépendants, nos médias ne sont pas la voix de l'Élysée, nos journalistes ont une éthique et nous ne serons jamais « France Today ». Nous devrions tous nous en réjouir ici et le célébrer. Nos médias sont indépendants, ont une charte de déontologie et sont financés par une recette affectée, leur présidente-directrice générale est nommée par une autorité indépendante. Il faut cesser de se faire peur avec des choses totalement infondées. Nos équipes ne le méritent pas.
Je pense que tout le monde est ici d'accord pour saluer la pleine indépendance professionnelle de vos journalistes.
Il est important pour notre pays de pouvoir bénéficier d'un outil comme le vôtre, afin de défendre la langue française et notre influence, pour lutter contre les stratégies d'influence d'autres États.
Nous constatons qu'une part de plus en plus importante de la population s'informe uniquement sur les réseaux sociaux, où des médias d'autres pays sont très présents. Quels sont vos objectifs en termes de réseaux sociaux pour ne pas être distancés par les médias étrangers ?
Ma deuxième question concerne votre coopération avec les médias d'autres pays européens. En effet, les principaux médias qui diffusent des messages contre nos intérêts sont extraeuropéens, qu'ils soient russes, chinois ou turcs. Ne serait-il pas pertinent d'unir nos efforts avec certains médias voisins comme la Deutsche Welle, afin d'être efficaces dans certains pays où nous sommes moins présents ? Je pense notamment à certains pays en Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie.
Comme je l'ai indiqué précédemment, nous avons totalisé 3,4 milliards de vues ou d'écoutes de vidéos et de sons en 2022. Nous avons une centaine de millions d'abonnés et France 24 est le premier média français sur YouTube.
Ensuite, tout est question d'échelle. Si nous disposons de plus de moyens, nous aurons besoin de plus nombreux effectifs, notamment sur les réseaux sociaux. En effet, nos équipes sont probablement plus restreintes que d'autres médias nationaux. Cette année, grâce au budget en augmentation, nous avons pu recruter des spécialistes du référencement naturel (SEO) pour améliorer notre visibilité. Si nous étions pourvus de sommes supplémentaires, nous serions naturellement ravis de faire du référencement payant ou SEA. Pour le moment, nous y consacrons 100 000 euros pour l'ensemble du groupe, toutes langues confondues.
Nous voulons par ailleurs augmenter l'expérience positive du parcours utilisateur pour générer plus d'engagement. Nous allons ainsi lancer une nouvelle application pure radio pour RFI, qui permettra d'acculturer nos auditeurs très nombreux en Afrique et qui n'ont pas nécessairement l'habitude des pratiques délinéarisées, c'est-à-dire hors direct. Même en numérique, RFI est surtout écoutée en direct.
S'agissant de France 24, nous remettons à plat le site pour permettre un meilleur référencement des magazines : nous « plateformisons » nos offres, en gardant néanmoins des offres vidéo et radio séparées, puisque les usages sont différents. Nous conduisons une grande enquête sur la consommation de l'information à l'échelle du monde, en rassemblant les pratiques des différents pays. Il nous faut enfin monter en volume sur la production de formats dédiés – podcasts natifs et vidéos mobiles –, en plus de la délinéarisation de nos antennes broadcast. Mais encore une fois, les moyens financiers et humains disponibles dicteront notre approche.
Nous conduisons déjà de nombreuses coopérations. Au-delà d'InfoMigrants déjà évoqué, nous proposons ENTR, une offre en six langues à destination des jeunes proposée en collaboration avec Deutsche Welle et la télévision portugaise, mais avec des relais en Pologne, en Roumanie et en Irlande. Cette offre disponible uniquement sur les réseaux sociaux monte en puissance. Je souhaiterais créer un équivalent d'ENTR en Afrique.
Je salue l'ensemble des journalistes qui travaillent dans votre groupe, notamment compte tenu des terribles contradictions auxquelles vous êtes confrontés. La première est d'ordre politique. Je rappelle que le président de la République a demandé aux ambassadeurs d'utiliser France Médias Monde. La société des journalistes avait d'ailleurs réagi vigoureusement à l'époque.
La deuxième contradiction est d'ordre financier. Les moyens dont vous disposez sont très en deçà du défi qui vous est proposé, quand on voit les sommes investies par les autres pays. Notre pays doit prendre conscience de la nécessité de presque doubler votre budget, ne serait-ce que pour résister. Quand je vois l'argent déversé sur France Inter ou sur d'autres médias publics par rapport aux sommes qui vous sont allouées, je redoute véritablement un déclassement de la France. Tous ces présidents successifs qui se disent ouverts sur le monde sont en réalité les premiers à désarmer le pays face aux enjeux de la mondialisation, qui est un rapport de forces. Je souhaiterais donc que votre budget soit musclé.
Ensuite, vous avez indiqué que vous n'étiez pas là pour construire une opinion. Mais j'ai parfois le sentiment que vous êtes malgré tout tentés de construire une opinion. Vous indiquez par exemple vouloir faire de la pédagogie en faveur de l'Union européenne, mais on a encore le droit de ne pas être favorable à cette Union technocratique et dangereuse. Vous n'êtes pas là pour faire la propagande de cette institution. De même, M. Chenu a parlé d'InfoMigrants.
Cette attitude agace peut-être les partenaires et les opinions étrangères. Nous assistons à un basculement du monde ; les gens refusent le double langage, qui consiste à donner des leçons aux autres sans se les appliquer à soi-même. Naturellement, il faut lutter contre les infox mais il ne faut pas non plus transformer cela en une forme d'influence et de vision du monde.
Pourquoi émettez-vous en anglais dans les pays francophones ? Comment défendre la francophonie et quels sont vos rapports avec TV5 Monde ?
Nous ne voulons pas forger une opinion favorable sur l'Europe. Simplement, un citoyen qui veut s'éclairer pour définir librement son opinion ne peut pas ignorer la réalité internationale, ni la réalité de l'Europe. Nous consacrons trente heures à cette information, ce qui ne veut pas dire que nous délivrons un message spécifique sur l'Europe.
Ensuite, le site InfoMigrants traite d'informations et correspond visiblement à un besoin de la Commission européenne, qui était débordée face aux flux. Sincèrement, je ne crois pas que nous suscitions les migrations de populations, qui me semblent plus liées aux tensions politiques voire au réchauffement climatique. Nous ne faisons que limiter humainement le désastre pour ces personnes.
La francophonie est chère à nos cœurs. Notre chaîne est toujours en français dans les pays francophones. Quand nous arrivons quelque part, nous diffusons en français. Mais nous sommes également tributaires d'opérateurs commerciaux ; il n'y a pas un must-carry comme en France. Ces câblo-opérateurs ou opérateurs satellitaires fonctionnent selon des logiques commerciales. En Amérique latine par exemple, nous proposons d'abord la chaîne en français avant l'espagnol mais les câblo-opérateurs le refusent pour des impératifs de business ; ils préfèrent prendre notre chaîne en anglais. Désormais, nous proposons l'espagnol et ils nous référencent dans cette langue. Mais nous demandons toujours le français en même temps, en arguant que les téléspectateurs qui aiment le français s'abonneront dans notre langue.
En télévision, nous sous-titrons. Mais en radio, c'est très compliqué.
Est-il possible de proposer des émissions en français et certaines autres dans une langue différente ?
Nous agissons de la sorte pour RFI, qui a deux signaux : un signal international en français et un signal Afrique. Toutes les langues de RFI, au nombre de quinze ou seize, décrochent de ce signal, pour des durées variables selon les langues. Mais le français est le ciment de notre offre.
Nous devons également mener un travail pour aller chercher des non-francophones. Il y a quelques années, j'ai amené des journalistes anglophones au Maghreb, qui connaissaient peu cette zone. Nous avons réalisé, à cette occasion, des reportages qui ont rencontré un grand succès puisque ces pays n'étaient pas couverts en anglais. Nous avons donc fait découvert un morceau de francophonie, même en langue anglaise.
Je vous félicite pour votre réélection et vous remercie pour la qualité de votre accueil jeudi dernier. J'ai bien compris que votre indépendance et votre déontologie vous mettent à l'abri du soupçon d'influence. Visiblement, cela mérite d'être réaffirmé.
Si nous avions eu suffisamment de temps, je vous aurais invitée à développer vos propos sur votre action en matière de lutte contre les infox et l'éducation aux médias. Je signale plutôt l'opération Collateral freedom, qui a permis de remettre en ligne les sites de France 24 au Mali et en Russie, moyennant un dispositif fondé sur la technique du miroir, en lien avec Reporters sans frontières. Cette opération vous a-t-elle permis de regagner les audiences perdues ?
Cette opération n'a pas permis de compenser la perte de notre signal. Très sincèrement, nous ne pouvons récupérer qu'une partie de notre audience. Lorsque nous sommes coupés du bouquet Canal Plus au Mali ou au Burkina Faso, de la FM et que nos radios partenaires ne peuvent pas reprendre le signal, nous ne pouvons tout rattraper, au-delà de 15 à 20 %.
Le 27 mars dernier, le gouvernement du Burkina Faso a annoncé la suspension de la diffusion des programmes de la chaîne France 24, suite à une interview du chef d'Al Qaeda au Maghreb islamique. Le 2 avril, deux journalistes du Monde et de Libération étaient sommés de quitter le pays sous vingt-quatre heures, après la diffusion de vidéos montrant l'exécution d'enfants dans une caserne de l'armée burkinabè.
Cette escalade de la répression de l'information est symptomatique d'une défiance de plus en plus grande des pays du Sahel à l'égard de la France, où la Russie mène une campagne de désinformation féroce à notre encontre, mais également d'un recul flagrant de la francophonie dans les pays d'Afrique. Je regrette que les populations délaissent de plus en plus le français. Compte tenu de ces éléments, ne craignez-vous pas une contagion de cette répression des médias français à d'autres pays d'Afrique ? Si tel est le cas, quelle est votre stratégie pour y remédier ?
Je ne me risquerais pas à évoquer les questions de diplomatie. Je suis néanmoins moins pessimiste en matière de francophonie. Le français n'est pas toujours une langue maternelle en Afrique mais j'ai remarqué qu'à la suite des décrochages en langue locale que nous réalisons, nous enregistrons une hausse de l'écoute des émissions en français qui y succèdent.
À chaque fois que nous utilisons une langue, nous créons la méthode bilingue. Chaque nouvelle langue fait ainsi l'objet d'un apprentissage bilingue dans la langue maternelle, ce qui réduit la marge de départ. Je ne ressens pas une baisse des locuteurs francophones. Les Turcs lancent par exemple une chaîne en français en Afrique. Russia Today essaye aussi d'être présent en français en Afrique.
J'ai récemment effectué un déplacement en Moldavie, un pays dont les dirigeants sont particulièrement courageux, se battent contre la corruption et s'efforcent de répondre aux critères d'adhésion à l'Union européenne. Ces derniers ont un besoin d'Europe et de France : 30 % de la population apprend le français à un moment ou un autre dans son cursus scolaire. Mais ils ne disposent que d'une seule chaîne de télévision, qui est soumise à de nombreuses infox de la part de la Russie. France Médias Monde est-elle prête à répondre à la demande d'émissions françaises pour soutenir l'ancrage de la Moldavie en Occident ?
Nous disposons d'un émetteur en Moldavie, qui diffuse en moldave et en français. À ma connaissance, la chaîne France 24 en français y est accessible, mais elle n'est pas gratuite.
L'idéologie progressiste avance ses pions dans toute la société. Les délires wokistes sont de plus en plus nombreux, à l'image de l'usage de l'écriture inclusive. Quelle est votre position sur cet usage ? En consultant votre site internet, je me suis en effet aperçu que vous utilisiez l'écriture inclusive. Or je vous rappelle que son utilisation est combattue par l'Académie française et un certain nombre de responsables politiques.
Figurez-vous que j'ai appris à féminiser mon propre titre. Il y a quelques années, je n'osais pas dire « directrice générale ». Il a fallu que je m'apprivoise moi-même. Symboliquement, il est important que les femmes elles-mêmes se disent qu'elles ont le droit d'occuper le titre au féminin. Ensuite, nous n'utilisons pas l'écriture inclusive à titre systématique. Mais quand il s'agit d'un enjeu d'égalité des chances, des sexes et des genres, nous menons une politique assez engagée. D'ailleurs, notre groupe bénéficie d'un indice de parité de carrière de 99 sur 100, soit l'un des plus élevés. De même, nos temps d'antennes respectent une parité parfaite. Je pense qu'il s'agit d'un bien pour l'humanité.
Il n'y a pas de genre englobant en grammaire française. Des hommes peuvent être définis de façon féminine et des femmes peuvent l'être par des mots masculins : il y a des femmes qui sont des « individus » et des hommes qui sont des « personnes ». Je n'ai pas besoin que l'on m'appelle « person ».
Mais vous êtes un homme.
On peut être favorable à la parité, mais respecter la langue française. Je suis donc étonné que France Médias Monde soit en contradiction avec la position officielle de l'Académie française et du gouvernement français.
En France, il a toujours été reconnu que certaines professions donnaient lieu à une différenciation : il existe des instituteurs et des institutrices, des aviateurs et des aviatrices. Il faut distinguer la question de l'égalité de la question de l'écriture inclusive.
À l'appui des propos de mon collègue Alexis Jolly, je note que votre site indique par exemple : « Les trois médias du groupe rassemblent 83,3 millions d'abonné.e.s sur Facebook, Twitter et Instagram. »
La chaîne France 24 se définit comme une chaîne d'équilibre et non partisane. Pourtant, quatre correspondants de cette chaîne au Liban, à Jérusalem ou à Genève ont tenu sur les réseaux sociaux des propos antisémites ayant conduit le centre Simon Wiesenthal à interpeller la chaîne. Ces propos en appelaient ainsi au meurtre de Juifs, souhaitaient le retour de l'Holocauste, comparaient l'État d'Israël avec Hitler et se réjouissaient des tirs de roquettes du Hamas contre des civils israéliens.
De tels propos sont inacceptables. Mes collègues du Rassemblement national se réjouissent du limogeage, par la direction de France 24, de la journaliste ayant souhaité le retour de l'Holocauste. Toutefois, trois correspondants ou journalistes n'ont écopé que d'un rappel à l'ordre pour avoir « seulement » comparé l'État d'Israël avec Hitler ou encore soutenu une organisation terroriste. Comment expliquez-vous la faible sanction contre ces journalistes ? Comment comptez-vous empêcher la tenue de ce type de propos par vos journalistes ? Comment comptez-vous empêcher l'embauche de ce genre de personnes ?
Je précise que le site du centre Simon Wiesenthal nous a félicités pour notre prompte réaction. Une journaliste a été licenciée et je vais faire un signalement auprès du procureur de la République car ses propos étaient absolument intolérables. En droit français, un employeur ne peut pas surveiller en permanence les propos employés par ses journalistes sur les réseaux sociaux. Nous avons clairement identifié des propos intolérables relevant de la loi pénale.
Les propos ont été tenus sur des comptes privés, antérieurement à notre recrutement. Nous avons traduit notre charte déontologique en arabe et nous l'avons fait redistribuer aux trois personnes en question. On peut toujours placer des têtes sur des pics mais je pense que ces personnes n'étaient pas antisémites. En revanche, elles avaient des passés douloureux, des trajectoires singulières et un besoin de comprendre plus intimement ce qu'est un média français et ce à quoi nous sommes tenus.
Nous travaillons aujourd'hui avec les sociétés de journalistes et notamment avec l'une de ces correspondantes qui est très reconnue dans le monde arabe comme journaliste référente. Nous faisons en sorte que même les propos tenus sur les réseaux privés, qui bénéficient d'une grande liberté d'expression en France, soient parfaitement conformes avec notre charte. Nous faisons de la maïeutique.
J'insiste à mon tour sur la question de la redevance audiovisuelle. Celle-ci a été supprimée et le financement du groupe est désormais adossé à la TVA. Un mécanisme plus pérenne devra être trouvé à l'horizon 2025. Je souhaite connaître votre avis sur la suppression de cette redevance et ses conséquences sur les activités du groupe.
Je me suis exprimée dès l'été dernier pour demander de conserver une recette affectée. La redevance a effectivement été supprimée, puis remplacée par une fraction de la TVA, toujours sur ce compte d'affectation spéciale. Nous bénéficions donc d'une affectation de recette spécifique. Je voudrais qu'une recette affectée soit maintenue, mais je laisse le législateur choisir les modalités. Cette réflexion doit prendre en compte le fait qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question de financement.
Nous comprenons votre position : vous souhaitez que la recette qui vous est affectée soit à la fois indépendante des choix gouvernementaux et marquée par un dynamisme propre et objectif. Je pense que, dans cette Assemblée, tous les groupes seront attentifs à ce que ces deux conditions soient réunies.
Il me reste à vous remercier, Madame la présidente-directrice générale. Nous vous avons accueillie avec beaucoup d'intérêt et sommes conscients que vous assumez une mission fondamentale. Nous sommes également conscients des difficultés que l'ensemble des variations géopolitiques crée pour un groupe comme le vôtre. Vous vous êtes prêtée à ce jeu et nous vous accueillerons à nouveau avec plaisir.
La séance est levée à 13 h 05
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Damien Abad, Mme Nadège Abomangoli, Mme Clémentine Autain, Mme Véronique Besse, M. Carlos Martens Bilongo, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, M. Sébastien Chenu, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, Mme Julie Delpech, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Frédéric Falcon, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Thibaut François, M. Guillaume Garot, Mme Maud Gatel, M. Hadrien Ghomi, Mme Olga Givernet, M. Philippe Guillemard, M. Michel Guiniot, Mme Marine Hamelet, M. Joris Hébrard, M. Alexis Jolly, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, M. Sylvain Maillard, Mme Emmanuelle Ménard, M. Nicolas Metzdorf, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, M. Adrien Quatennens, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, Mme Michèle Tabarot, M. Patrick Vignal, M. Stéphane Vojetta, M. Lionel Vuibert, M. Frédéric Zgainski
Excusés. - M. Louis Boyard, M. Moetai Brotherson, M. Bruno Fuchs, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Tematai Le Gayic, Mme Marine Le Pen, M. Vincent Ledoux, M. Laurent Marcangeli, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Barbara Pompili, Mme Sabrina Sebaihi, M. Aurélien Taché, Mme Liliana Tanguy, Mme Laurence Vichnievsky, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa