France Insoumise (NUPES) PCF & ultramarins (NUPES)
PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES) Radicaux, centristes, régionalistes...
LREM et proches (Majorité gouv.) MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.)
LR et UDI RN et patriotes Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La réunion commence à neuf heures trente-cinq.
La commission procède à l'examen des articles 6 à 19 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (n° 19), pour lesquels elle a sollicité l'avis de la commission des affaires économiques (Mme Charlotte Parmentier Lecocq, rapporteure ; Mmes Sandra Marsaud et Maud Bregeon, rapporteures pour avis).
Nous poursuivons l'examen des articles du projet de loi portant mesures d'urgences pour la protection du pouvoir d'achat. Il nous reste 134 amendements à examiner, en incluant ceux déposés par la commission des affaires économiques sur les quatorze articles que notre commission lui a délégués, et qui sont relatifs à la consommation, au logement et à l'énergie. Je souhaite la bienvenue aux deux rapporteures de la commission des affaires économiques, Mme Sandra Marsaud et Mme Maud Bregeon. Je rappelle que, conformément à l'usage observé depuis que cette procédure a été instituée, il nous appartient de reprendre sans modification les amendements adoptés par la commission des affaires économiques sur les articles qui lui ont été délégués.
Avant que vous ne votiez sur les dispositions qui relèvent du champ de compétence de la commission des affaires économiques, je tiens à vous apporter les précisions suivantes quant au résultat de nos travaux.
Comme vous le savez, l'article 6 comporte deux mesures principales. Premièrement, afin de prendre en compte le niveau élevé d'inflation déjà constaté et de limiter la hausse des dépenses de logement pour les locataires, il prévoit d'indexer par anticipation les aides personnalisées au logement (APL) à compter du 1er juillet 2022, sans attendre le 1er octobre, comme le prévoit le droit en vigueur. Le taux de revalorisation anticipée est fixé à 3,5 %, soit à un niveau proche de l'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL) attendue au deuxième trimestre 2022.
Deuxièmement, il plafonne la variation de l'IRL pendant un an à compter de juillet 2022, afin de limiter l'impact de l'inflation sur les loyers et de rendre plus prévisibles les dépenses que les ménages consacrent au logement. À mon initiative, la commission des affaires économiques n'a adopté que des corrections d'ordre rédactionnel afin d'assurer la bonne application de la loi. Après des débats riches et animés, elle a ainsi adopté l'article 6 modifié par six amendements rédactionnels.
L'article 7 comporte deux dispositions essentielles : en premier lieu, il affirme le principe suivant lequel tout contrat souscrit par voie électronique peut être résilié selon la même modalité ; en second lieu, il fait obligation aux professionnels de mettre à la disposition des consommateurs une fonctionnalité – le « bouton résiliation » – leur permettant d'accomplir à distance les formalités nécessaires à la rupture du contrat. En l'occurrence, l'article s'inspire d'un dispositif développé en Allemagne sur le fondement d'une loi de 2021.
Outre des corrections légistiques, la commission, par l'amendement AS390, a procédé à mon initiative à la réécriture de l'alinéa 5, pour préciser la finalité du dispositif du « bouton résiliation » et expliciter les mesures réglementaires d'application, afin d'assurer la pleine efficacité du mécanisme.
À l'initiative de Julien Dive, la commission a adopté deux amendements : l'un réduit de 25 % les frais dus en cas de résiliation d'un contrat d'abonnement téléphonique ou internet de plus de douze mois, au-delà de la première année ; l'autre exonère les consommateurs inscrits en procédure de surendettement des frais de résiliation d'un contrat téléphonique ou internet.
L'article 8 applique des règles similaires à celles prévues par l'article 7 aux contrats d'assurance souscrits par voie électronique. Il s'agit des contrats électroniques souscrits auprès des assureurs, des mutuelles et des instituts de prévoyance. Le projet de loi prévoit que ces deux articles doivent entrer en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard avant le 1er février 2023. La commission a procédé, sur la base de mes propositions, à une réécriture analogue à celle de l'article 7 de la définition de la finalité du « bouton de résiliation ».
L'article 9 poursuit deux objectifs. Premièrement, il alourdit les sanctions pénales encourues en cas de pratique commerciale déloyale, c'est-à-dire trompeuse ou agressive. À cette fin, il relève le quantum des peines, en particulier au titre de la circonstance aggravante de la pratique en bande organisée. La commission des affaires économiques a adopté le dispositif proposé sans changement.
Deuxièmement, il habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin d'alléger les procédures d'enquête et les procédures administratives de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). La commission a supprimé ces dispositions Il s'agissait en l'occurrence d'accroître la portée dissuasive de l'action de la DGCCRF, suivant le principe du « name and shame ». Comme je l'ai dit hier, le recours à cette procédure nous a semblé regrettable.
En dernier lieu, la commission a voté en faveur de trois amendements identiques visant à appliquer des intérêts légaux majorés à l'encontre d'un établissement bancaire ou d'un service de paiement, soit en cas de non-remboursement des opérations de paiement non autorisées et signalées, soit dans l'hypothèse de l'absence de rétablissement d'un compte bancaire dans son état antérieur à l'opération litigieuse. J'avais émis un avis de sagesse.
TITRE IER PROTECTION DU NIVEAU DE VIE DES FRANÇAIS
Chapitre II Revalorisation anticipée de prestations sociales
Article 6 : Bouclier loyers et anticipation des aides personnalisées au logement (examen délégué)
La commission adopte successivement les amendements AS382, AS383, AS384, AS385, AS386 et AS387 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
TITRE II PROTECTION DU CONSOMMATEUR
Chapitre Ier Résiliation de contrats
Article 7 : Modalités de résiliation des contrats conclus par voie électronique (examen délégué)
La commission adopte successivement les amendements AS388, AS389, AS390, AS394, AS391, AS392 et AS393 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 7 modifié.
Article 8 : Résiliation en trois clics des contrats d'assurance, couvrant les consommateurs, souscrits par voie électronique (examen délégué)
La commission adopte l'amendement AS405 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 8 modifié.
Chapitre II Lutte contre les pratiques commerciales illicites
Article 9 : Validation du rehaussement du volume de l'ARENH cédé (article 5 du décret n° 2022‑342 du 11 mars 2022) (examen délégué)
La commission adopte l'amendement AS406 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 9 modifié.
Article 9 bis (nouveau) (examen délégué) : Taux d'intérêt légaux pour non‑remboursement ou non‑rétablissement d'un compte bancaire objet d'une opération de paiement non autorisée et signalée
La commission adopte l'amendement AS407 rectifié de la commission des affaires économiques portant article additionnel après l'article 9.
Le titre III est consacré à la souveraineté énergétique. Il est constitué des articles 10 à 19, qui ont trait à trois domaines. S'agissant tout d'abord de la sécurité d'approvisionnement en gaz, qui prend une acuité particulière dans le contexte international, le texte comporte des mesures relatives au renforcement des obligations de stockage, à la réquisition des centrales à gaz et à la création d'un terminal méthanier flottant au Havre pour diversifier nos capacités d'approvisionnement. En ce qui concerne, ensuite, la sécurité d'approvisionnement en électricité, le projet de loi contient des dispositions permettant la reprise ponctuelle d'activité de certaines centrales à charbon, mesures d'urgences contrebalancées par une obligation de compensation renforcée de leurs émissions de gaz à effet de serre. Enfin, pour ce qui est de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), le texte propose des mesures visant essentiellement à préserver les droits des consommateurs, qu'ils soient clients de fournisseurs défaillants ou bénéficiaires du supplément d'ARENH accordé au printemps pour contenir l'emballement des prix de l'électricité. Ces dernières dispositions visent, plus généralement, à protéger le pouvoir d'achat des Français en sécurisant le bouclier tarifaire.
Notre commission a adopté un certain nombre d'amendements sur ces articles, parmi lesquels quatre de l'opposition, déposés par le groupe Socialistes et apparentés, dont trois auxquels j'ai donné un avis favorable.
S'agissant des dispositions relatives à la sécurité d'approvisionnement en gaz, outre des amendements rédactionnels, nous avons adopté, à l'article 10, mon amendement AS409, qui définit plus précisément la trajectoire de remplissage des stocks de gaz en y adossant des objectifs intermédiaires, ainsi qu'un amendement qui a trait aux modalités techniques de constitution des stocks.
À l'article 12, nous avons adopté deux amendements de Mme Battistel, l'un qui exclut les installations de cogénération des moyens de production d'électricité – car elles ont pour vocation, notamment, d'alimenter le chauffage urbain – et l'autre qui prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur le bilan des réquisitions de centrales à gaz.
À l'article 13, un amendement de Mme Battistel demande des précisions réglementaires sur les obligations assignées à l'opérateur d'un terminal méthanier flottant en matière de démantèlement des installations et de renaturalisation des espaces artificialisés.
Enfin, nous avons adopté un amendement de Mme Battistel, à l'article 14 qui limite la durée d'exploitation du nouveau terminal méthanier flottant du Havre à cinq ans. Nous avons en effet insisté sur le fait qu'il s'agit d'une installation transitoire. Cette durée ne pourra être prolongée que par la loi.
Les amendements adoptés sur les cinq articles suivants – 15 à 19 –, sont tous rédactionnels, hormis mon amendement AS446 qui vise à clarifier les principes introduits par l'article 16 et à préciser les exigences de qualité des mesures de surcompensation visées.
TITRE III SOUVERAINETÉ ENERGÉTIQUE
Chapitre Ier Dispositions relatives à la sécurité d'approvisionnement en gaz
Article 10 : Renforcement des obligations de stockage de gaz naturel (examen délégué)
La commission adopte successivement les amendements AS409, AS410, AS411 et AS412 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 10 modifié.
Article 11 (examen délégué) : Renforcement des capacités d'interruptibilité sur les réseaux de gaz naturel
La commission adopte l'article 11 non modifié.
Article 12 (examen délégué) : Contrôle de la production des installations produisant de l'électricité à partir de gaz naturel
La commission adopte successivement les amendements AS413, AS414, AS415, AS416, AS417 et AS418 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 12 modifié.
Article 13 (examen délégué) : Possibilité de maintenir en exploitation un terminal méthanier flottant pour garantir la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel
La commission adopte successivement les amendements AS423, AS424, AS425, AS426, AS427, AS428, AS429, AS430 et AS431 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 13 modifié.
Article 14 (examen délégué) : Régime procédural dérogatoire applicable à la construction des infrastructures nécessaires au raccordement d'un terminal méthanier flottant dans le port du Havre
La commission adopte successivement les amendements AS432, AS433, AS434, AS435, AS436, AS437, AS438, AS439, AS440, AS441 et AS442 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 14 modifié.
Chapitre II Dispositions relatives à la sécurité d'approvisionnement en électricité
Article 15 : Permettre l'embauche et la réembauche de salariés pour faire face à la reprise temporaire d'activité de centrales à charbon (examen délégué)
La commission adopte successivement les amendements AS443, AS444 et AS445 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 15 modifié.
Article 16 : Permettre la reprise d'activité des centrales à charbon en cas de menace sur l'approvisionnement en électricité et imposer la compensation des émissions de gaz à effet de serre en résultant (examen délégué)
La commission adopte successivement les amendements AS446, AS447 et AS448 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 16 modifié.
Chapitre III Dispositions relatives à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique
Article 17 : Permettre le transfert des droits ARENH au fournisseur de secours (examen délégué)
La commission adopte l'amendement AS449 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 17 modifié.
Article 18 (examen délégué) : Supprimer le guichet ARENH de mi‑année
La commission adopte l'article 18 non modifié.
Article 19 (examen délégué) : Validation législative du rehaussement du volume de l'ARENH cédé
La commission adopte l'amendement AS450 de la commission des affaires économiques.
Puis elle adopte l'article 19 modifié.
Merci, mesdames les rapporteures de la commission des affaires économiques. Nous en revenons aux articles du texte dont nous sommes saisis au fond.
La commission poursuit l'examen des articles 1er à 5 et 20 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (n° 19) (Mme Charlotte Parmentier Lecocq, rapporteure).
TITRE IER PROTECTION DU NIVEAU DE VIE DES FRANÇAIS
Chapitre Ier Valorisation du travail et partage de la valeur
Article 4 : Incitation des branches à négocier régulièrement sur les salaires en facilitant l'engagement d'une procédure de fusion à défaut d'accord
Amendement de suppression AS259 de M. Pierre Dharréville.
À l'heure actuelle, 112 des 171 branches du régime général affichent encore une grille comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC en vigueur, ce qui affecte près de 7,5 millions de salariés. Ces grilles débutant à des minima inférieurs au SMIC dévalorisent les travailleurs, amenuisent leurs perspectives d'évolution de carrière et, in fine, font perdre son sens au travail. Comment s'étonner, ensuite, de ce que le Gouvernement appelle une « pénurie de main-d'œuvre » ?
Pour mettre fin à cette situation intolérable, le Gouvernement propose dans cet article d'imposer une restructuration aux branches ayant une faible activité conventionnelle en matière de minima de branche. Cette disposition est non seulement susceptible de porter atteinte à la liberté syndicale, mais semble également être d'une efficacité limitée, puisqu'elle n'est apparemment pas d'application immédiate, et pourrait de surcroît pousser certaines branches à engager une restructuration non souhaitée par les salariés et leurs représentants. Aussi proposons-nous de supprimer cet article, non pas parce que nous ne souhaiterions pas remédier à cette difficulté mais, à l'inverse, parce que nous entendons faire des propositions alternatives, à notre sens plus réalistes, plus justes et plus efficaces, que nous défendrons après l'article 4.
Avis défavorable.
L'objet de l'article est précisément de donner les moyens au Gouvernement d'inciter plus fortement les branches à négocier, en particulier celles qui ont encore des minima sociaux inférieurs au SMIC.
Le Gouvernement s'inquiète là d'un problème qui n'est pas nouveau. Sur les 171 branches du régime général, 120 – soit 71 % – affichent une grille salariale inférieure au SMIC en vigueur. Votre article en reste à un effet d'affichage puisque vous entendez éviter l'essentiel, c'est-à-dire des augmentations de salaire dignes de ce nom. Nous sommes d'autant moins dupes que nous avons entendu M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) affirmer que « l'État a un double discours en la matière : officiellement, il faut augmenter les salaires mais, en coulisses, on nous dit de faire attention à ne pas nourrir l'inflation avec trop de hausses de salaires ». Quelle est votre véritable intention ? La nôtre est claire : augmenter les salaires.
Nous doutons fortement de l'efficacité de cette disposition, qui sera sans doute essentiellement une mesure d'affichage mais qui ne sera pas dépourvue de risques pour un certain nombre de branches, dont on ne sait pas très bien comment elles pourraient être regroupées. Par ailleurs, nous ne sommes pas certains que les salariés en retireront un bénéfice réel.
Lors de l'audition des organisations syndicales de salariés que vous avez conduite, madame la rapporteure, je n'ai pas souvenir qu'une seule ait validé le dispositif de fusion. Celui‑ci a été unanimement critiqué, avant tout pour son manque d'efficacité et les risques qu'il soulève. Des propositions alternatives ont été faites, consistant, par exemple, à conditionner les aides par une révision de la grille salariale des branches concernées, dans un délai de six mois. Je m'étonne donc que vous ayez maintenu ce dispositif en l'état.
Pour ma part, je suis surpris que vous refusiez cet article, qui va plutôt dans le sens de vos revendications. Chaque branche a ses spécificités et est le produit d'une histoire. Ainsi, dans certaines, une partie de la rémunération est extra-salariale. Des progrès restent à accomplir et peut‑être l'article ne va-t-il pas assez loin pour vous, mais c'est un premier pas.
La réflexion de nos collègues ne me laisse pas indifférent. Je ne sais pas comment on peut permettre qu'une branche applique des minima inférieurs au SMIC. Je trouve donc qu'on devrait aller plus loin en la matière et prévoir une échelle, adaptée à chaque branche, mais qui commence au moins au SMIC. On a constaté l'année dernière à quel point il était difficile de revaloriser la grille des aides à domicile, qui commençait en dessous du SMIC – ces professionnels devaient attendre neuf ans pour atteindre le salaire minimum.
Je suis également sensible aux propos qui ont été tenus. Nous avons appelé l'attention du ministre du travail sur le tassement d'un certain nombre de branches vers les bas salaires et sur l'existence de salariés payés en dessous du SMIC. La compensation qui leur est octroyée pour leur permettre d'atteindre une rémunération théorique au SMIC prend souvent la forme de chèques-restaurant ou d'une aide au logement, lesquels sont insuffisants pour leur assurer un reste à vivre correct. Nous devons engager une réflexion sur les grilles salariales et les effets de seuil qui coincent les salariés dans les trappes à bas salaire. Le texte ne va sans doute pas assez loin face à l'urgence des mesures à adopter dans certaines branches.
Je voudrais insister sur l'interaction entre le SMIC et les minima conventionnels. La France présente une forte spécificité, pour deux raisons. D'une part, nous sommes le pays dans lequel les salariés sont les plus couverts – à hauteur de près de 95 % – par des accords de branche, du fait de l'extension quasi automatique des accords par le ministère du travail. Même s'il y a un temps de latence entre la revalorisation du SMIC et la renégociation des minima de branche, ces derniers finissent généralement par être réévalués – même si certaines branches restent en dessous –, ce qui profite à un nombre très significatif de salariés. D'autre part, dans notre pays, le SMIC est indexé sur les prix, mais aussi sur les salaires.
Par conséquent, le risque d'une circularité entre la hausse des minima et l'accroissement du SMIC est important. Je ne dis pas qu'il ne faut rien faire, mais il faut en avoir conscience. La circularité a non seulement des effets sur l'inflation, mais aussi sur l'emploi. En effet, lorsqu'on augmente le SMIC ou les minima, on embarque un grand nombre d'entreprises. Certaines, souvent les plus grandes, ont les moyens d'augmenter les salaires – elles le font en règle générale spontanément, surtout lorsqu'il y a des tensions dans les recrutements. Mais d'autres entreprises, souvent les plus petites ou les plus jeunes, n'ont pas les mêmes capacités. Il faut bien avoir en tête les effets sur l'emploi liés à la spécificité de notre système.
Les branches dans lesquelles les minima sont inférieurs au SMIC sont celles dans lesquelles les salariés ont le moins de pouvoir de négociation. Puisque nous discutons d'un texte consacré au pouvoir d'achat, qui vise à renforcer la capacité de négociation – étant rappelé que vous avez préféré cette voie à celle de la loi pour accroître les primes – je considère qu'il faut supprimer cet article, qui n'accorde qu'un minimum de pouvoir aux salariés de ces branches.
Il faut augmenter les salaires, car les petites entreprises sous‑traitantes ne paient pas correctement. Même si le SMIC augmente, on se retrouve toujours, à la fin du moins, avec 700, 800 ou 900 euros. On ne peut pas vivre avec des chèques et des primes.
Nous avions proposé, par un amendement qui a été jugé irrecevable, la tenue d'une négociation, au sein des branches, sur l'échelle des salaires, ce qui aurait pu avoir un effet sur le pouvoir d'achat.
J'ai souvenir que la fusion des branches avait été évoquée, il y a quelque temps déjà, mais pour d'autres objectifs. Je ne voudrais pas que l'on se serve de la question du pouvoir d'achat pour réorganiser les branches contre l'avis des acteurs sociaux.
On sait bien que les négociations avancent peu – c'est un euphémisme – dans certains domaines : je pense aux négociations sur les tableaux des maladies professionnelles, où les blocages ne sont quasiment jamais le fait des syndicats de salariés. Nous devons engager une réflexion sur la discussion sociale dans notre pays, qui appelle des mesures législatives fortes. Ce n'est pas ce que nous sommes en train de faire.
Le SMIC est censé être un salaire « minimum ». Si certaines branches pratiquent des salaires inférieurs, il faut bien trouver une autre dénomination ! Peut-être « salaire intermédiaire » ? Quoi qu'il en soit, il faut un peu de cohérence. Il doit y avoir un salaire minimum pour tous, même s'il peut y avoir des effets de bord dans certaines entreprises. Je tiens à préciser que la majorité des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) n'accordent pas de chèques cadeaux, de chèques‑vacances ou de chèques‑repas.
Rappelons que le SMIC est le salaire minimum interprofessionnel de croissance. M. Ferracci évoquait le risque qu'une augmentation des salaires entraîne une hausse du SMIC : pour ma part, je perçois plutôt cela comme une chance ! Je me félicite de constater que même certains députés de la majorité sont ouverts à l'idée d'augmenter les salaires. C'est bien, en effet, la meilleure manière d'accroître le pouvoir d'achat. Il est heureux que l'on reconnaisse – Mme la rapporteure a dit un mot à ce sujet – que le projet de loi présente certaines limites, notamment quant à l'augmentation des salaires.
Je rappelle qu'une loi de 1950 a créé le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), qui était indexé sur les prix, avant que ne lui succède le SMIC, indexé sur les salaires, en 1970. À cette date, on ne connaissait pas encore le ralentissement des gains de productivité, qui est apparu au début des années 1970. De nombreux travaux ont montré que l'augmentation continue des salaires par les mécanismes que j'ai évoqués précédemment, combinée au ralentissement des gains de productivité, est à l'origine de l'émergence du chômage de masse. Je ne dis pas qu'il faut mettre fin à l'indexation du SMIC sur les salaires, mais il me paraît nécessaire d'engager une réflexion globale sur les mécanismes d'indexation et de revalorisation des minima.
La commission rejette l'amendement AS259.
Amendements identiques AS90 de M. Paul-André Colombani et AS214 de M. Stéphane Viry.
Cet amendement vise à créer un mécanisme plus opérationnel pour les branches professionnelles qui ne respectent pas l'obligation de garantir des salaires d'un montant au moins égal au SMIC. Pour ce faire, il vise à réduire à quarante‑cinq jours le délai dont dispose la partie patronale pour ouvrir des négociations salariales de branche. Cela permettrait une revalorisation plus rapide des minima sans altérer la qualité de la négociation.
À travers ces amendements, nous souhaitons rappeler l'importance du dialogue social et de la confiance que l'on doit accorder aux branches, notamment pour mener à bien les négociations salariales. Il faut cependant constater un manque de dynamisme dans certaines branches, qui est préjudiciable aux salariés. Ce texte manque l'occasion d'inciter à la négociation et d'offrir des perspectives d'évolution aux salariés. C'est pourquoi je propose de raccourcir le délai laissé à la partie patronale pour ouvrir des négociations, ce qui permettrait une revalorisation des minima dès que possible. On ne peut pas admettre qu'un grand nombre de branches aient encore des minima conventionnels inférieurs au SMIC.
Avis défavorable.
Le rythme imposé est déjà dérogatoire par rapport aux autres domaines de négociation, ce serait mettre trop de pression. Cet article constitue déjà une forte incitation pour les branches à faire confiance aux partenaires sociaux et aboutir dans le délai très court de trois mois. Au demeurant, il apparaît que 25 % des branches ont finalisé leurs négociations en deux mois.
Je soutiens ces amendements. Même s'il est question d'incitation, l'article pose bel et bien une contrainte et nous nous félicitons d'avoir convaincu nos collègues d'opposer ce genre de politique aux fédérations d'employeurs. Les arguments avancés sont de bon sens. Obliger les partenaires à ouvrir une négociation permet l'expression des différents rapports de force. C'est une exigence minimale pour un texte qui veut réorganiser la négociation au niveau des branches, même si le fait de devoir user de la contrainte est un aveu d'échec pour les lois El Khomri et Pénicaud, qui ont inversé la hiérarchie des normes et ont conduit, en dépossédant les branches d'une partie de leur pouvoir de régulation, à diminuer l'intérêt et la force des négociations.
Nous voterons ces amendements, pour prendre nos responsabilités. Lorsqu'on renvoie quelque chose aux branches, on se décharge de sa responsabilité.
Le rapport de Mme Christine Erhel confirme que les 4,6 millions de salariés de la deuxième ligne – cela concerne l'industrie agroalimentaire, le bâtiment, les auxiliaires de vie sociale, les agents d'entretien – sont à la fois sous-payés et maltraités. Il recommande des revalorisations salariales et la refonte de l'organisation du travail. Que répond Mme Borne, alors ministre du travail, après avoir reçu ce travail remarquable ? « Nous faisons le pari avec confiance que le dialogue social aboutira à quelque chose d'intéressant. » En d'autres termes, on n'impose aucune règle et l'harmonie va descendre du ciel par la vertu du dialogue social.
Vous croyez en la main invisible du marché, avec des aménagements venant des luttes ou du dialogue. Pour ma part, je ne crois pas à l'autorégulation. La régulation est nécessaire, et elle doit prendre forme à la commission des affaires sociales – mais le projet de loi que nous devons examiner choisit de ne pas réguler ! Vous refusez d'imposer des règles qui obligeraient à relever les salaires dans toutes les branches essentielles.
En nous déchargeant de notre responsabilité sur les branches, nous laissons tout simplement 4 millions de salariés dans la merde.
Nous soutenons l'amendement qui vise à améliorer le processus de la négociation obligatoire.
Au vu des débats et dans le souci partagé d'inciter les partenaires sociaux à négocier, je revois ma position et donne un avis favorable.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS110 de M. Thibault Bazin.
L'amendement vise à accompagner les branches tout en ciblant davantage celles qui n'ont pas conclu durablement des accords assurant un salaire minimum au moins égal au SMIC.
Si la négociation périodique est obligatoire, la conclusion d'un accord ne l'est pas. La menace d'une fusion des branches est-elle crédible, et adaptée ?
Le véritable problème est que si le SMIC augmente plusieurs fois dans l'année, un rendez-vous de négociation annuel devient insuffisant. La difficulté s'accroît si plusieurs niveaux de la grille de rémunération sont inférieurs au SMIC, avec le risque d'un écrasement des premiers niveaux qui pénaliserait les salariés qui ont réussi à progresser.
Je ne suis pas très attaché à cet amendement mais j'insiste sur l'importance de la conclusion d'un accord, sur laquelle le texte est muet puisque ce n'est pas une question de pouvoir d'achat.
La fusion est une menace en peau de lapin. Il semble que, dans des discussions officielles, certains l'aient agitée comme un chiffon rouge tout en assurant qu'elle ne serait pas mise à exécution. Il est étonnant que les auteurs de la mesure tiennent un tel discours.
Retrait, ou avis défavorable. L'amendement aurait pour effet de rigidifier le système alors que le renforcement de l'incitation à négocier est plébiscité dans nos débats.
L'amendement est retiré.
Amendement AS163 de M. Gérard Leseul.
La menace de fusion doit être crédible. Or la constatation de la carence par le ministre qui ouvre la voie à la fusion ne fait l'objet d'aucune limite de temps. L'amendement fixe à deux ans le délai laissé aux partenaires sociaux pour engager la négociation.
Même avis : le bornage dans le temps peut au contraire affaiblir la capacité du ministre à inciter plus fortement les partenaires sociaux. L'article donne au ministre un pouvoir d'appréciation selon un faisceau d'indices, sans doute plus efficace que des critères trop rigides.
Le ministre s'appuie sur un faisceau d'indices. Il pourra tenir compte de l'historique ou des progrès effectués dans une branche par rapport à une autre. Des critères trop rigides risquent d'empêcher certaines branches d'avancer plus vite et plus loin. Il s'agit de doter le ministre d'un outil supplémentaire d'incitation.
La notion de faisceau d'indices n'existe pas dans le droit du travail. Par ailleurs, si les ministres faisaient des appréciations sur la base de faisceaux d'indices, certains auraient déjà quitté le Gouvernement. Il est préférable de fixer des critères dans la loi.
Je suis surpris de l'argumentation de la rapporteure. Le délai de deux ans est un bon point d'équilibre. C'est un laps de temps raisonnable pour permettre au chef d'entreprise de négocier et au ministre d'accompagner les branches et de réagir en cas de carence.
Le délai de deux ans serait cohérent dans une situation normale, mais dans une période d'inflation où plusieurs revalorisations ont lieu dans l'année, est‑il toujours pertinent ?
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 4 modifié.
Après l'article 4
Amendement AS260 de M. Pierre Dharréville.
Je n'entre pas dans le débat sur l'augmentation de la productivité dans notre pays, qui est constante ces dernières années.
L'amendement vise à ramener le délai légal entre deux négociations de branche de quatre à deux ans pour coller davantage à la réalité en matière de salaires.
L'amendement concerne toutes les négociations obligatoires, pas seulement celles sur les rémunérations. Est-ce vraiment l'objet du texte ? En outre, les branches pourraient avoir des difficultés à suivre un tel rythme. Enfin, le délai de quatre ans peut être réduit dans le cadre d'un accord d'adaptation – si ce dernier n'est pas respecté, les négociations deviennent obligatoires tous les ans.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS268 de Mme Clémence Guetté et amendements identiques AS144 de M. Gérard Leseul et AS239 de M. Pierre Dharréville (discussion commune).
Mon amendement vise à porter le SMIC à 1 500 euros nets. Chez nos voisins européens, le salaire minimum a augmenté ces dernières années et, contrairement à ce qu'on nous raconte, le chômage n'a pas nécessairement suivi le même mouvement.
Le projet de loi a pour but de redonner du pouvoir d'achat aux gens. Or, à nos yeux, le salaire est le premier moteur du pouvoir d'achat. Les salariés ne peuvent pas se contenter des primes temporaires, nous en avons déjà débattu. Quand le président‑directeur général (PDG) de Total touche de son côté 380 SMIC, on peut penser que 1 500 euros, c'est un minimum.
L'amendement prévoit également une caisse de péréquation entre les entreprises afin que les grandes entreprises puissent aider les plus petites à financer la hausse.
Si vous souhaitez protéger le pouvoir d'achat, vous ne pouvez pas faire l'économie d'une juste rémunération du travail et donc d'une revalorisation des salaires, à commencer par le SMIC. En janvier dernier, le groupe Socialistes et apparentés avait déposé une proposition de loi visant à augmenter le SMIC et à ouvrir une conférence nationale sur les salaires. À l'époque, la plupart des groupes s'y étaient opposés. Pourtant, la branche de l'hôtellerie-restauration a revalorisé de 16,33 % ses minima ! Les augmentations de 15 % que nous proposions correspondent donc aux demandes de la plupart des branches aujourd'hui.
La revalorisation du SMIC est aussi dictée par l'absence de coup de pouce depuis plus de dix ans. Le groupe d'experts s'y refuse catégoriquement. Pourtant, à l'heure où les dividendes explosent, il est légitime de revaloriser l'ensemble des salaires, à commencer par le SMIC, en le portant à 1 923 euros bruts mensuels.
La comparaison des hausses du salaire minimum d'un pays à l'autre n'a pas de sens parce que les points de départ sont différents. La comparaison en valeur absolue en euros n'a pas davantage de sens. Le bon indicateur, c'est le pourcentage du salaire moyen ou médian que représente le SMIC. Les statistiques de l'OCDE montrent qu'en 2020, celui-ci était de 61 % en France et de 51 % en Allemagne. Les comparaisons doivent être assises sur ces données et non sur les hausses. Si l'on part de plus bas, il est normal d'augmenter plus vite.
Je souscris aux arguments développés. Nous sommes favorables à une augmentation du SMIC, qui n'en a pas connu de substantielle ces dernières années.
Il ne s'agit pas de comparaisons internationales, mais de savoir comment vivent les gens. Or on vit mal avec le SMIC, on vit mal de son travail. Il faut donc augmenter le SMIC ! La logique est assez élémentaire, mais implacable. Il s'agit d'une mesure de justice. Nous souhaitons également une meilleure répartition des richesses : les hauts salaires sont très élevés et augmentent fortement, alors que le SMIC ne croît certainement pas au même rythme. Il est indispensable de limiter l'échelle des salaires. Les mesures que nous préconisons permettraient de réduire les inégalités et de mieux rémunérer le travail.
Dans ce débat récurrent, nos avis divergent ; vous ne serez donc pas étonnés de mon avis défavorable.
Nous sommes convaincus qu'il faut s'appuyer sur les partenaires sociaux. Nous avons confiance en eux et dans le dialogue social pour parvenir à une hausse des rémunérations – la branche hôtellerie-restauration en est un bon exemple. Il est donc à nos yeux plus important de stimuler la négociation comme nous le faisons dans l'article 4.
S'agissant des rémunérations au niveau du SMIC, elles ont connu une hausse de plus de 6 % depuis un an – ce n'est évidemment pas à la hauteur de ce que vous proposez – à laquelle s'ajoutent d'autres mesures, parmi lesquelles l'augmentation de la prime d'activité évoquée à l'article 5.
Le SMIC peut progresser sans pour autant prendre le risque de mettre à mal certaines entreprises, en laissant aux partenaires sociaux, branche par branche, le soin de définir les niveaux de rémunération. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de rouvrir rapidement des négociations pour que les rémunérations et les grilles de classification évoluent.
Puisque, depuis le début de la législature, vous êtes favorables à la concertation et aux grandes coalitions, je reviens sur le cas de l'Allemagne. La hausse du SMIC, qui va être porté à 12 euros brut par heure, a été l'un des sujets autour desquels s'est bâtie la grande coalition allemande. J'en conviens, les effets de structure rendent les comparaisons difficiles mais le SMIC a progressé en Allemagne de 22 % sur l'année – et il ne s'agit que de compenser la hausse des prix. Ce qui doit guider nos choix politiques, ce n'est pas la compétitivité à l'exportation mais exclusivement la capacité à vivre de son travail.
M. Ferracci a raison, pour comparer la France et l'Allemagne, il faut considérer le salaire médian : or l'écart est de 20 %. Le SMIC agricole en Allemagne était bien plus faible il y a cinq ans, ce qui en faisait un élément de concurrence déloyale ; depuis, il a un peu augmenté.
Pour alimenter la caisse de péréquation, vous soumettez à une contribution les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros. Comment avez-vous déterminé ce seuil ? Les entreprises dont le chiffre d'affaires est plus faible mais qui réalisent d'immenses profits échapperaient donc à la contribution ? Savez-vous de quelle somme le fonds disposera et comment elle sera redistribuée ? Il ne suffit pas de mettre un produit d'appel en vitrine sans réfléchir sur son fonctionnement ! J'ai quelques doutes sur la faisabilité de votre projet.
Je ne renonce pas au plaisir de débattre avec Marc Ferracci, qui est désormais sur nos bancs après avoir été conseiller économique d'Emmanuel Macron, puis conseiller spécial auprès de la ministre Muriel Pénicaud. Il ne peut pas ignorer que la productivité a fortement augmenté au cours de ces trente dernières années sans que les salaires augmentent dans les mêmes proportions, ni que le temps de travail diminue. Donc à qui profite le crime ? Ces dix dernières années, les dividendes versés aux actionnaires ont crû de 70 % quand les salaires, eux, n'ont progressé en moyenne que de 12 % et que l'investissement productif a reculé de 5 %. La question est donc bien celle du partage de la valeur.
J'en ai assez d'entendre, comme c'est souvent le cas dans la bouche de Bruno Le Maire notamment, qu'avant de partager des richesses, il faut les produire. Le meilleur vaccin contre cette affirmation, c'est le classement du magazine Challenges sur les fortunes de France : il en ressort que les cinq cents premières possèdent 1 000 milliards d'euros ; que la fortune des milliardaires pendant le covid a augmenté de 236 milliards et que cinq milliardaires détiennent autant que 27 millions de Français ! Oui, il faut partager la valeur, et la meilleure manière de le faire est d'augmenter les salaires.
Vous ne cessez de dire qu'il faut pouvoir vivre de son travail. Je ne sais pas, monsieur Ferracci, si vous avez déjà fait l'expérience de vivre au SMIC mais pour de nombreuses personnes, cela relève davantage de la survie. Oui il faut partager la valeur et augmenter les salaires, et c'est précisément ce que vous acharnez à ne pas vouloir faire .
Nous vous soumettons une idée absolument révolutionnaire : faire en sorte que les Français vivent de leur travail, de leur salaire ! Nous ne voulons pas de prime, pas d'aide, pas d'aumône que leur accorderait l'État ou leur entreprise. J'ai fait la liste des primes sous la présidence d'Emmanuel Macron : prime d'activité, « prime Macron », aide pour les plus précaires, prime pour les agents hospitaliers, « prime Grenelle », chèque énergie, remise carburant, indemnité inflation... On ne sort pas de la logique de chèque.
Je suis choqué que nous discutions aujourd'hui d'un projet de loi sur le pouvoir d'achat sans avoir auditionné une seule personne qui souffre parce que le sien est trop faible. Sur nos bancs, nous ne souffrons pas. J'ai discuté avec des caristes qui gagnent 1 280 euros par mois après dix‑sept ans d'ancienneté. Qui ici accepterait de faire le boulot de cariste pendant un mois pour ce salaire‑là ?
Les considérations internationales sont donc secondaires. Ce qui importe, c'est de savoir si les gens peuvent vivre de leur travail. Comment répartir les richesses dont notre pays ne manque pas ? Il faut peut‑être prendre à des gens comme nous pour donner à ceux qui font un boulot au moins aussi essentiel, si ce n'est plus que le nôtre, et qui doivent voir leurs salaires nettement réévalués. Mais ce n'est pas cela qui est à l'ordre du jour.
Les grandes entreprises peuvent aider les petites. Lorsque les salariés se mettent en grève, les entreprises sous‑traitantes prétendent qu'elles ne peuvent pas augmenter les salaires parce que le donneur d'ordre ne leur en donne pas les moyens. Si la lutte dure, le donneur d'ordre finit par lâcher de l'argent pour mettre fin au conflit.
À l'hôtel Ibis des Batignolles, il a fallu vingt‑deux mois de lutte pour obtenir de meilleurs salaires. Le groupe Accor a mis de l'argent sur la table pour satisfaire nos revendications. Quand les salariés se défendent, les entreprises trouvent l'argent. Sans rapport de forces, elles prétendent qu'il n'y en a pas.
Il faut augmenter les salaires car il est impossible de vivre avec 800 ou 900 euros.
Ces amendements sont au cœur des engagements que nous avons pris pendant la campagne des élections législatives. Nous devons nous saisir de notre pouvoir de législateur s'agissant du SMIC.
Jusqu'à présent, l'évolution du SMIC procédait de décisions automatiques ou quasi automatiques, qui s'inscrivaient dans une logique de modération salariale. Celle‑ci a prévalu pendant quinze ans mais elle vient aujourd'hui se fracasser sur le retour de l'inflation.
L'inflation rend encore plus indispensable l'augmentation des salaires, à commencer par celle du SMIC. Il faut aussi envisager de tourner le dos à une politique de modération salariale dont l'efficacité peut être mise en doute dans bien des domaines.
Mais le sujet qui doit nous préoccuper – quelle que soit leur sensibilité politique, tous les parlementaires en entendent parler dans leurs permanences depuis des années – c'est l'impossibilité pour le plus grand nombre de nos concitoyens de vivre dignement à partir du 15 du mois. Le fait que le législateur s'empare à nouveau de son pouvoir souverain pour changer la vie des gens – ce n'est pas une formule tribunitienne – est une sorte de jalon pour la suite de la législature. Jusqu'alors, le législateur ne s'intéressait pas au niveau du SMIC. Nos amendements proclament que nous ne sommes plus dans une logique mécanique, d'expertise – car nous crevons de la vision économiciste, partagée à droite et à gauche pendant des années, selon laquelle la question salariale est de nature technique, réservée aux experts. Ils affirment haut et fort qu'il s'agit avant tout d'une question politique.
Selon moi, qui ne suis pas ultralibéral, le salaire minimum est nécessaire pour éviter les abus. Du point de vue de l'efficacité, la modération salariale bute sur des limites, mais il en va probablement de même d'une très forte revalorisation du SMIC. Quels seraient les effets, positifs ou négatifs, de celle que vous proposez ? Serait-elle efficace pour améliorer les conditions de vie de toutes les personnes aux revenus modestes ? En cas de très forte augmentation du SMIC, on le sait, le coût du travail augmente, ce qui peut entraîner une destruction d'emplois. L'autre risque, c'est l'écrasement des premiers niveaux hiérarchiques. Certains employeurs pourraient avoir tendance, à salaire égal, à écarter les personnes moins qualifiées, qui seraient dès lors pénalisées. Il faut mesurer ces deux risques.
Je souscris à ce qui vient d'être dit. Tout l'enjeu du texte est de répondre au problème de pouvoir d'achat sans relancer la spirale prix-salaires. J'ai entendu parler de « changer la vie des gens » mais en 1982, François Mitterrand et Jacques Delors ont bien dit qu'il fallait absolument endiguer cette spirale – on augmente les salaires, les entreprises relèvent leurs prix pour reconstituer leurs marges, ce qui appelle une nouvelle augmentation des salaires... Ce n'est pas un jeu de NUPES, c'est un jeu de dupes ! L'inflation devient alors l'exutoire des conflits sociaux. Et l'augmentation des prix domestiques a des conséquences, qui ont probablement déterminé le choix de MM. Mitterrand et Delors : elle réduit nécessairement les exportations et accroît les importations. C'est sans doute pourquoi la désindustrialisation de la France s'est accélérée à ce moment-là.
Il faut donc savoir ce que l'on veut. Il faut effectivement redonner du pouvoir d'achat, mais sans relancer ce mécanisme que nous connaissons parfaitement, car il pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l'emploi et sur les structures économiques et industrielles de notre pays.
Adrien Quatennens, qui a eu la gentillesse de rappeler mon parcours, aurait pu mentionner que je m'étais aussi intéressé à ces sujets en tant que professeur d'université.
Au fond, les différents points de vue que nous exprimons ici sont réconciliables. Nous souhaitons tous améliorer le niveau de vie de nos concitoyens, en particulier des moins diplômés, des moins qualifiés et de ceux qui vivent dans la précarité. Nous divergeons sur les moyens pour y parvenir.
L'augmentation des salaires doit se faire en prenant en compte la productivité. Premièrement, je le redis, le chômage a commencé à croître très fortement au tournant des années 1970 et 1980 parce que les salaires augmentaient plus vite que la productivité – personne de sérieux ne le conteste. D'où le problème que nous avons à traiter aujourd'hui : le chômage de masse. Deuxièmement, lorsqu'il y a des gains de productivité, il faut que les salariés puissent se les approprier. Cela soulève la question du pouvoir de négociation des salariés, sur laquelle nous divergeons.
Les économistes libéraux et les économistes marxistes sont d'accord sur un point : le meilleur déterminant des salaires est le niveau du chômage. Sans doute vous souvenez-vous de « l'armée de réserve industrielle » de Marx ? Les économistes libéraux intègrent ce paramètre dans leurs modèles.
Notre stratégie consiste à créer des emplois, pour aller vers le plein-emploi, car cela donnera aux salariés un pouvoir de négociation accru, soit directement avec leur patron, soit à l'occasion de la négociation annuelle obligatoire. Ce n'est pas une stratégie définie en chambre, et nous constatons qu'elle est payante : dans les métiers de l'hôtellerie-restauration, en raison du dynamisme et des tensions sur le marché du travail, les salariés ont obtenu des augmentations de salaires de 16 %, voire de 30 % pour certaines qualifications.
Je suis heureux de prendre la parole après cette leçon d'économie du professeur Ferracci. Si j'ai bien compris, il y a, d'un côté, les gens sérieux et, de l'autre, les dupes. Nous avons un débat philosophique, une discussion centrale, où deux visions totalement différentes s'expriment. Je ne veux pas que l'on nous dise que nous sommes dupes ou que nous ne sommes pas sérieux.
Nous aimons nous comparer à nos voisins européens. Or nous n'avons pas augmenté le SMIC au même niveau en France que dans les autres pays européens – Royaume‑Uni, Allemagne, Portugal, Espagne. Certes, tous les pays ne partent pas du même point, mais la France est le seul pays où le niveau du SMIC a baissé, de manière continue, par rapport à celui du salaire médian. Autrement dit, alors que tous nos voisins augmentent le SMIC, nous le baissons, par rapport à l'évolution du coût de la vie. C'est une situation tangible, et je veux que nous en soyons conscients.
Il faut donc agir. Nos amendements sont essentiels, car ils concentrent toute notre philosophie, notamment sur la question de la valeur du travail. Nous voulons augmenter le SMIC ; c'est la seule solution pour améliorer durablement le pouvoir d'achat.
Pour redistribuer la richesse, il faut la créer. Parmi les pays riches, la France est celui où les inégalités sociales sont les moins importantes, car elle est championne de la redistribution, qui représente une proportion importante du produit intérieur brut. Pour redistribuer par des mesures sociales, il faut préserver le plein emploi et la capacité de nos entreprises à créer de la richesse.
J'entends les arguments de nos collègues de l'opposition. Néanmoins, en Allemagne, où le salaire minimum a été créé il y a moins de dix ans, le taux de chômage est de 3,2 %. Il faut réduire le chômage en France, car le chômage de masse a eu, dans la durée, des effets collatéraux dramatiques : pauvreté, mal‑logement, absence d'intégration, violence dans certains territoires.
Je ne méconnais pas le fait qu'il soit extrêmement dur de vivre, ou plutôt de survivre avec un SMIC, notamment en milieu urbain. Toutefois, que se passera-t-il si l'on porte le SMIC brut mensuel à 1 923 euros ? Cette augmentation brutale et quelque peu dogmatique de 300 euros provoquera un effet de sidération et un arrêt total de notre économie : une interruption complète des investissements extérieurs, un blocage des PME – même si les patrons de PME anticiperont peut-être une compensation de la part des grandes entreprises –, un écrasement de l'échelle des salaires. Ne peut-on envisager une augmentation régulière, mais progressive ?
Il faut s'attaquer au chômage et, en parallèle, augmenter régulièrement mais progressivement les salaires. C'est ainsi que l'on parviendra selon moi à résoudre l'équation.
Je tiens à vous rassurer, le doublement de la fortune des Français les plus riches pendant le covid n'a pas provoqué d'effet de sidération ni d'arrêt total de l'économie ! En outre, les visions libérale et keynésienne s'accordent sur ce point, l'augmentation du SMIC stimulerait la consommation, ce qui permettrait d'atteindre les buts que vous visez. En revanche, l'augmentation de la fortune des plus riches conduit à un accroissement de l'épargne, non à la création de richesse que vous appelez de vos vœux. Par ailleurs, dans ce que vous appelez « création de richesse », il y a de nombreuses activités qui détruisent la planète, donc notre avenir, et qu'on ne peut donc pas raisonnablement qualifier ainsi.
À la fin des Trente Glorieuses, avez-vous dit, le partage de la valeur ajoutée s'est fait davantage en faveur du capital. Si tel a été le cas, c'est en raison de la libéralisation des marchés financiers. Si vous voulez que le travail regagne une partie de la valeur ajoutée, alors régulons les marchés financiers ! Or vous n'avez rien fait en ce sens.
L'enjeu est de donner du pouvoir de négociation aux salariés au sein des entreprises. Les amendements présentés ont une seule vocation : permettre à toutes les PME d'augmenter les salaires, particulièrement les bas salaires. Ce ne sera pas possible avec le dispositif que vous soutenez, à savoir une prime accordée au bon vouloir des chefs d'entreprise. La réalité devrait nous inciter à adopter l'un de ces amendements.
On a comparé tout à l'heure le salaire médian en Allemagne et en France. S'il y a un tassement des salaires autour du SMIC en France, c'est précisément à cause des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires appliquées au cours des dix dernières années.
Notre discussion révèle un choc entre deux visions de la société, deux modèles. Je souhaite en tout cas démystifier l'idée selon laquelle la modération salariale serait une bonne chose pour lutter contre le chômage : depuis les années 1970, nous avons eu en même temps la modération salariale et le chômage de masse ! C'est le résultat des politiques qui ont été menées et que vous proposez de poursuivre.
Il y a en réalité une spirale négative de course à la compétitivité, où on s'applique à ne pas rémunérer le travail au niveau où il devrait l'être : c'est toujours le travail qui trinque et le capital qui en profite. Cette contradiction existe, et vous ne pouvez pas l'évacuer ; désolé d'être le communiste qui vous la rappelle.
Nous proposons d'engager une dynamique vertueuse, pour donner les moyens à celles et ceux qui travaillent de vivre bien, tout simplement. Cela aurait des effets très bénéfiques sur le développement de notre société, sur notre capacité à relever les défis de la planète et sur notre aptitude à vivre ensemble. Nous en avons besoin ; on ne peut pas accepter plus longtemps que les richesses soient captées par un très petit nombre et que notre système économique soit dominé à ce point par les forces de la finance, auxquelles il faut s'attaquer.
Au 1er janvier 2021, plus de 2 millions de personnes étaient payées au SMIC, et 7,6 millions d'actifs, soit un tiers d'entre eux, percevaient moins de 1,3 SMIC. On a organisé en permanence des trappes à bas salaires, et vous continuez à le faire avec les mesures que vous nous proposez. Il faut mettre fin à ces politiques et rémunérer le travail correctement.
M. Turquois estime qu'une augmentation de 300 euros est trop violente et qu'il faudrait de la régularité. Engageons ce débat ! Si vous voulez des mesures progressives, proposez-les ! Or vous n'avez rien suggéré en la matière.
J'ai entendu quelques contrevérités au cours de ce débat, qui mériterait d'ailleurs d'être poursuivi. Certains estiment que le SMIC a détruit notre compétitivité. Or le SMIC est utilisé très majoritairement dans les services, bien plus que dans l'industrie. Dès lors, les arguments relatifs à la compétitivité, à la concurrence internationale ou au déficit de la balance commerciale ne tiennent pas la route.
Quelques bonnes volontés s'étant exprimées, j'appelle les différentes composantes de la majorité et de l'opposition à proposer des sous-amendements, afin que nous ayons une véritable discussion dans l'hémicycle. Il faut, davantage qu'un coup de pouce – il n'y en a d'ailleurs pas eu depuis que le groupe d'experts a été créé, il y a quinze ans – une vraie revalorisation du SMIC. Vous n'êtes pas d'accord avec l'augmentation de 15 % que nous souhaitons. Je rappelle que Mme Pécresse proposait 10 %. Faites des contre-propositions, mais travaillez dans le sens d'une saine revalorisation du travail.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS89 de M. Paul-André Colombani.
L'amendement vise à créer un mécanisme plus incitatif pour les branches professionnelles qui ne respectent pas l'obligation de garantir des salaires au moins au niveau du SMIC. Nous proposons de conditionner les exonérations de cotisations à la revalorisation des minima de branche. Dans le cas où ces minima resteraient inférieurs au SMIC pendant plus de six mois, les entreprises ne pourraient plus bénéficier des exonérations de cotisations sociales actuellement applicables. En revanche, si des négociations de branche débouchaient dans ce délai sur une revalorisation des minima à un niveau au moins égal au SMIC, le bénéfice des exonérations serait maintenu.
J'émets un avis défavorable, car il serait fâcheux de pénaliser des entreprises en raison d'une insuffisance ou d'un manque de dynamique dans leur branche, alors même qu'elles peuvent avoir une politique de rémunération relativement favorable. Vous prévoyez qu'elles puissent se prémunir contre ce risque grâce à un accord d'entreprise, mais il est complexe, notamment pour les plus petites d'entre elles, d'engager de telles négociations, qui peuvent être longues.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS262 de M. Pierre Dharréville.
Si le Gouvernement en est venu à nous soumettre ce projet de loi, c'est que vous êtes bien obligés d'admettre que la situation est urgente et grave. Cependant, vous ne nous proposez que des rustines.
J'ai relevé dans vos propos une tendance à vous en remettre au marché, une confiance, voire une foi dans celui-ci. Nous savons sur quoi cela débouche : un modèle de société qui repose sur des emplois low cost, résultant de la suppression des droits et de la modération salariale. Créons de l'emploi, dites-vous, et la situation s'améliorera. On ne peut pas croire cela ; il faut inscrire à l'ordre du jour le progrès social, immédiatement.
Le présent amendement, couplé avec l'amendement AS260 de tout à l'heure, vise à favoriser la conclusion d'accords de branche favorables aux salariés dans les six mois suivant le début des négociations. Le versement des aides publiques aux grandes entreprises de la branche serait conditionné à leur réussite. La conditionnalité des aides est pour nous un point central ; elle a été largement réclamée par les organisations syndicales que nous avons rencontrées.
J'insiste sur la nécessité d'augmenter l'ensemble des grilles salariales, de discuter des écarts de salaire dans une même entreprise et d'augmenter le SMIC. Je le redis avec une colère froide, on vit mal aujourd'hui avec le SMIC, et cela concerne des millions de salariés dans notre pays.
Je partage la colère que vous exprimez. Toutefois, je ne vois pas le lien avec la solution que vous proposez ici. Là encore, on sanctionnerait des entreprises en raison d'un manque de dynamique dans leur branche. Un dispositif similaire avait été adopté par le Parlement en 2008, mais il n'a jamais été appliqué du fait de sa complexité, de son caractère peu opérant et du risque constitutionnel qui s'y attachait.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS300 de M. Hadrien Clouet, AS257 de M. Pierre Dharréville et AS145 de M. Gérard Leseul (discussion commune).
Par l'amendement AS300, nous proposons l'ouverture, dès la rentrée prochaine, de négociations de branche pour augmenter les salaires, pour protéger ainsi les salariés de la hausse des prix et pour réaliser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Nous en revenons à ce que nous disons depuis le début : les travailleurs réclament non pas des primes aléatoires ou des petits chèques, mais de véritables augmentations de salaire. Non seulement il est nécessaire de revaloriser le SMIC, ce qui aura un effet sur les salaires légèrement supérieurs, mais il faut aussi engager des négociations visant à augmenter durablement les salaires dans l'ensemble des branches.
L'amendement AS257 relève du même esprit que mon amendement précédent.
En fin de compte, madame la rapporteure, une partie de nos problèmes se sont aggravés à cause des ordonnances travail adoptées dès le début de la précédente législature, que nous avons combattues et qui ont inversé la hiérarchie des normes. Vous nous avez expliqué à l'époque combien vous croyiez au dialogue social. Ici, nous proposons que la puissance publique cesse d'être une simple spectatrice et intervienne en fixant un cadre un peu plus incitatif et contraignant pour que les négociations débouchent sur des résultats intéressants pour les salariés.
L'amendement AS145 reprend l'article 2 de la proposition de loi visant à augmenter le SMIC déposée par le groupe Socialistes et apparentés en décembre dernier. Si nous voulons faire bouger les lignes, puisque vous refusez de passer par le présent projet de loi pour revaloriser le SMIC, vous devez au minimum accepter que l'État organise une conférence nationale sur les salaires. Il convient de favoriser le dialogue social national sur les augmentations de salaires dans l'ensemble des entreprises.
Avis défavorable sur les trois amendements.
Vous proposez d'imposer à toutes les branches un même calendrier de négociation – débutant soit le 1er septembre prochain, soit le lendemain de la promulgation du présent texte. Or des négociations de cette nature ont été engagées dans la grande majorité des branches et ont porté leurs fruits dans 25 % d'entre elles. De plus, nous venons de renforcer la logique d'incitation à la négociation en adoptant l'article 4.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS299 de M. Hadrien Clouet
Par cet amendement, nous proposons de systématiser les négociations de branche chaque fois que le SMIC est revalorisé. Sur 171 branches, je le rappelle, 120 affichent dans leur grille salariale au moins un coefficient inférieur au SMIC. Grâce à cet amendement, chaque fois que le SMIC augmente, fût-ce de manière mécanique, cette augmentation serait diffusée aux autres salaires, notamment à ceux qui sont immédiatement supérieurs.
Je vous suggère de retirer votre amendement, sans quoi j'émettrai un avis défavorable. Il est satisfait par le mécanisme prévu à l'article L. 2241‑10 du code du travail, selon lequel les partenaires sociaux se réunissent dans un délai de trois mois – que nous venons d'abaisser à quarante‑cinq jours – pour négocier sur les salaires minima devenus inférieurs au SMIC.
Les manquements que j'évoquais, dans 120 branches sur 171, ont été constatés précisément après la revalorisation du SMIC intervenue en mai dernier. Il importe donc de signifier dans la loi que les branches concernées doivent systématiquement ouvrir des négociations après chaque augmentation du SMIC.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS258 de M. Pierre Dharréville.
Les hausses obligatoires du SMIC et l'absence de négociations de branche ont écrasé les grilles salariales. Il en résulte des progressions de salaires particulièrement lentes, d'autant plus lorsque les minima de branche sont inférieurs au SMIC.
L'amendement vise à réintroduire l'échelle mobile des salaires, laquelle consiste à augmenter les salaires en fonction de l'augmentation des prix, afin de garantir le pouvoir d'achat des salariés face à l'inflation et de leur assurer à tous une évolution de carrière.
Cet amendement vise à indexer les salaires sur l'inflation. Vous proposez donc de revenir sur un principe ancien de notre droit du travail qui prohibe l'indexation automatique des salaires sur le niveau général des prix ou sur le SMIC. L'échelle mobile des salaires a été supprimée dans les années 1980 précisément pour éviter d'entretenir la spirale inflationniste. Nous en revenons au débat que nous avons eu précédemment sur l'augmentation du SMIC.
Avis défavorable.
Cette logique, nous en connaissons le résultat : comme les prix augmentent vite, nous sommes amenés à légiférer pour essayer d'apporter des solutions. Or, manifestement, vous ne les trouvez pas.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS138 de M. François Ruffin.
Par cet amendement, nous proposons que les salaires du secteur privé soient indexés sur l'inflation. Celle‑ci est non pas conjoncturelle, mais structurelle. Elle est installée dans la durée, liée à la crise écologique qui entraîne un relèvement des prix des matières premières et des denrées alimentaires. Il faut donc une réponse structurelle, non pas un laborieux bricolage de mesures et d'incessants pansements.
Qui paie l'inflation ? Pas les grandes entreprises : en pleine supposée crise, elles battent cette année un record de bénéfices. Pas les actionnaires : jamais leurs dividendes n'ont été aussi gigantesques. Pas les PDG : leurs rémunérations ont doublé l'an dernier – en la matière, c'est une hyperinflation.
Ce sont les salariés qui paient l'inflation : leurs revenus n'augmentent pas au même rythme que les prix, et c'est leur pouvoir de vie qui est rogné. J'énonce ce qui est pour nous une évidence : les travailleurs, sur qui « le pays repose tout entier », qui le font tourner, doivent vivre de leur travail, pas seulement en survivre. Le revenu tiré de leurs efforts ne doit pas s'éroder.
L'inflation n'est pas un mal inconnu. D'ailleurs, tant qu'elle ne galope pas, sans doute n'est-elle même pas un mal tout court ; l'expansion d'après-guerre s'est faite avec l'inflation. Pour que les salariés n'en pâtissent pas, une solution a longtemps existé : l'indexation des salaires sur l'inflation, autrement appelée échelle mobile des salaires. Quand les prix augmentent de 5 %, tous les salaires – et pas seulement le salaire minimum – augmentent de 5 %.
En 1982, le Gouvernement a procédé à la « désindexation ». L'effet a été quasi immédiat : en moins d'une décennie, près de 10 % de la valeur ajoutée a glissé du travail vers le capital. En d'autres termes, des salaires ont été convertis en dividendes.
Cet amendement vise lui aussi à indexer les salaires sur l'inflation. Autrement dit, les salaires seraient revalorisés automatiquement, sans passer par le dialogue social. J'y suis opposée, car nous privilégions la logique de négociation collective, qui permet de s'adapter aux spécificités de chaque branche. En outre, ce mécanisme pourrait relancer la spirale inflationniste.
La commission rejette l'amendement.
Chapitre II Revalorisation anticipée de prestations sociales
Article 5 : Prise en compte anticipée de l'inflation sur les pensions et les prestations sociales
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS376, AS377, AS378, AS379 et AS380 de la rapporteure.
Amendements AS219 de Mme Marie-Charlotte Garin, AS114 de M. Paul-André Colombani et AS166 de M. Gérard Leseul.
Il convient de proposer plus que des miettes et d'accompagner les plus précaires de manière juste et prolongée, vu que l'inflation sera durable et que cette période va fragiliser le pouvoir d'achat de nos concitoyens et concitoyennes.
Mon amendement vise à instaurer une clause de revoyure concernant les prestations, allocations ou aides visées par l'article. On verra alors s'il est nécessaire de les rehausser encore, dans la mesure où la revalorisation anticipée prévue pour juillet ne compense pas totalement la perte de pouvoir d'achat qu'ont connu nos concitoyens et concitoyennes au cours de l'année écoulée.
Nous souhaitons instaurer une clause de revoyure au 1er octobre afin d'examiner s'il est nécessaire de revaloriser davantage les pensions de retraite et prestations sociales.
En effet, si la revalorisation anticipée de 4 % des retraites et des prestations sociales est bienvenue, elle est en deçà du niveau d'inflation attendu, qui devrait s'élever à 7 % à la fin de l'année.
Par conséquent, il est proposé de procéder à une réévaluation du coefficient appliqué par le présent article en vue de le corriger éventuellement à la hausse dans le cas où l'inflation progresserait encore fortement.
Revaloriser de 4 %, c'est bien, ; le problème, c'est que l'inflation est de 5,5 %, et qu'elle atteindra peut-être 7 % d'ici à la fin de l'année. On risque un effet ciseaux sur les prestations concernées par la revalorisation – on parle beaucoup, et à juste titre, des pensions de retraite, mais cela concerne aussi les prestations familiales, dont on sait combien elles sont déterminantes pour sortir une partie de nos concitoyens de situations de pauvreté. C'est pourquoi nous proposons par l'amendement AS166 que dans un délai de trois mois à compter de la promulgation du présent texte, le Gouvernement remette au Parlement un rapport permettant de mesurer l'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat de leurs bénéficiaires.
Avis défavorable sur les trois amendements.
D'abord, une clause de revoyure à l'automne laisserait un délai bien trop court, d'autant que la prochaine revalorisation n'interviendrait qu'en janvier.
Ensuite, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) prévoit une inflation d'environ 5 % pour 2022. Or les pensions de retraite ont déjà été revalorisées cette année, de 1,1 %, et les minima sociaux de 1,8 %. En ajoutant les 4 % prévus dans cet article, on aboutit à une hausse de 5,1 % pour les pensions de retraite et de 5,8 % pour les autres prestations.
Enfin, en principe, une revalorisation se fonde sur l'année écoulée. En l'occurrence, nous avons anticipé pour atteindre l'inflation prévisionnelle. Notre coefficient de 4 % est en réalité plus généreux qu'une revalorisation habituelle. Il s'agit d'un effort budgétaire majeur et de revalorisations d'une ampleur jamais vue depuis très longtemps.
Avec cet article 5, on réalise pleinement dans quelle impasse nous met votre projet de loi. Bien loin de protéger le pouvoir d'achat, comme vous le prétendez, il entérine sa baisse, puisque les revalorisations proposées sont inférieures à la hausse des prix, qui devrait être de l'ordre de 7 % à 8 %. Surtout, il ne faudrait pas donner l'impression que M. Macron offrirait quelque chose aux Français : il ne fait qu'anticiper des revalorisations qui, de toute façon, étaient prévues.
Avant 2015, les prestations sociales étaient indexées sur les prévisions d'inflation pour l'année à venir. Depuis, elles sont revalorisées sur la base de l'inflation moyenne enregistrée au cours de l'année passée. Quand l'inflation s'accroît, il faut désormais attendre plusieurs mois avant que les prestations suivent. Vous ne faites qu'anticiper cette revalorisation.
Le pire, c'est que M. Macron fait en réalité de nombreuses économies sur certaines des prestations qu'il prétend revaloriser. Ainsi, les pensions n'ont pas été revalorisées en 2018, ce qui représente une perte de pouvoir d'achat de 1,4 % ; les prestations sociales ont été sous‑indexées en 2019 et 2020, pour une économie d'environ 10 milliards d'euros. Ces revalorisations entérinent une perte de pouvoir d'achat. Pour les retraites, par exemple, la perte subie depuis janvier, de 1,5 % au moins, ne sera pas rattrapée.
Cet article confirme que le projet de loi entérine une baisse du pouvoir d'achat, et que c'est la grande masse des Français qui paiera l'inflation, et non les profiteurs de crise, qui pourront continuer à faire des profits.
Je pense pour ma part que nos concitoyens seront extrêmement heureux de ces revalorisations. C'est vrai, c'est dur de vivre avec un SMIC, et c'est plus dur encore de vivre avec des prestations sociales. C'est bien la raison pour laquelle la majorité et le Président de la République ont deux grands projets : d'une part le plein emploi, qui fera monter les salaires, d'autre part le revenu de base, ou du moins la solidarité à la source. Ce sera bien plus utile pour nos concitoyens. C'est bien beau d'essayer de gratter 1 % ou 2 %, mais quand on a très peu, cela ne représente pas grand‑chose. En revanche, permettre à des dizaines de milliers de nos concitoyens de toucher des prestations sociales qu'ils ne réclamaient pas, voilà qui devrait être un objectif commun, bien plus fort que toutes ces discussions sur des pouillèmes de pourcentage. J'aimerais que nous essayions de l'atteindre ensemble, dans une volonté commune d'améliorer la situation de nos concitoyens les plus malheureux et les plus défavorisés. Voilà ce que j'attends de vous, monsieur Quatennens, plutôt que de la polémique permanente.
De ces « pouillèmes de pourcentage » dépend la vie des gens. Je rappelle que ce sont les bénéficiaires de minima sociaux qui ont le plus de dépenses contraintes par rapport à leur revenu, en particulier l'énergie et le loyer. Ce sont les premiers touchés par l'inflation, qui ne pèse pas d'un même poids sur tous les Français. Indexer les minima sociaux sur l'inflation est le minimum que l'on puisse faire.
Il ne s'agit pas de polémiquer, monsieur Alauzet, mais de regarder la réalité en face : il y a d'un côté l'inflation, et de l'autre des minima sociaux et des prestations qui ne suivent pas. Pourquoi leur revalorisation est‑elle inférieure à l'inflation ? Le ministre n'a pas répondu quand je lui ai posé la question. L'enjeu n'est même pas d'anticiper les choses, comme c'était le cas avant 2015, mais simplement de revaloriser les pensions et prestations au niveau d'inflation constatée à ce jour, à savoir près de 6 %. Si on ne le fait pas, c'est qu'on baisse les prestations.
Pardon, mais 7 ou 8 % de hausse des prix, taux que nous aurons sans doute bientôt, ce ne sont pas des « pouillèmes de pourcentage » ! Pour des millions de Français, cela signifie des arbitrages à faire entre des dépenses contraintes, des vacances annulées, des loisirs que l'on ne peut plus payer à ses gamins, des consommations auxquelles on renonce – par exemple pour bien manger.
Pardon donc de ne pas nous satisfaire de revalorisations qui ne sont qu'un peu anticipées, et de surcroît inférieures à l'inflation. En faisant ce choix, vous faites payer aux Français le prix de l'inflation, alors que depuis 2010 les 500 plus grandes fortunes de ce pays ont accru leur fortune de 315 %. Même des économistes qui ne sont pas du tout de notre bord, comme M. Artus, de la banque Natixis, disent que votre politique consistant à reverser un maximum de capital aux plus riches et aux grandes entreprises n'a eu aucun effet. Pour ces gens‑là, ce ne sont pas « pouillèmes de pourcentage », c'est le pactole – mais à ceux qui souffrent, vous n'avez rien à donner !
On nous dit que nous ne nous préoccupons pas des bénéficiaires des minima sociaux, que nous ne leur donnons que des miettes. C'est inadmissible, et c'est mensonger. Regardez le montant que représentent ces revalorisations ! Nous n'attendons pas janvier, nous retenons des taux très élevés, pour coller aux prévisions d'inflation de l'INSEE ! Et à ces augmentations s'ajoutent toutes les autres mesures du paquet pour le pouvoir d'achat, le bouclier tarifaire, les remises sur le carburant et la suppression de la redevance audiovisuelle !
Ce texte permettra non seulement d'accroître les revenus, donc le pouvoir d'achat, mais aussi de réduire les dépenses et de limiter l'inflation, qui est en France plus basse que chez nos voisins européens – en Allemagne, par exemple, on prévoit une inflation de 8,7 %. Ce ne sont pas des miettes, c'est un effort important, fondé de surcroît sur une anticipation de manière à protéger au plus vite le pouvoir d'achat des Français, dans la lignée des mesures prises ces derniers mois.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS116 de M. Olivier Serva.
L'amendement a pour objectif d'alerter sur l'aggravation des inégalités sociales et territoriales du fait de l'inflation, qui ne touche pas tout le monde de la même façon. La hausse des prix est vécue plus fortement par les personnes âgées et retraitées, et celles vivant en milieu rural ou dans les territoires insulaires et ultramarins. Aussi proposons-nous de procéder à une revalorisation différenciée des prestations sociales et pensions, plus importante dans les territoires où l'inflation est la plus forte et liée à la cherté de la vie structurelle, comme c'est le cas en Corse et en outre-mer.
Je partage votre souci. Cependant, le dispositif que vous proposez comporte un risque de rupture d'égalité entre les Français, ce qui poserait des problèmes de constitutionnalité. Des mesures spécifiques sont déjà en vigueur ou à l'étude afin de répondre à la situation particulière des Français qui vivent en dehors de l'Hexagone. Les ministres Darmanin et Carenco ont ainsi annoncé vouloir étendre à tous les départements et régions d'outre‑mer le bouclier qualité‑prix qui existe à La Réunion. D'autres mesures pourront résulter des négociations qui seront menées à l'occasion d'un Oudinot de la vie chère, sous l'autorité du ministre délégué chargé des outre‑mer.
En restant dans la constitutionnalité, on reste aussi dans l'inégalité.
D'autre part, si vous répondez sur la question des outre-mer, la Corse, qui est une île, est confrontée aux mêmes problèmes. Or vous ne prévoyez rien pour les retraités corses.
Je soutiens l'amendement. Peut-être y a-t-il un risque de constitutionnalité mais l'inégalité est réelle. Les boucliers, cela ne fonctionne pas – on l'a vu en 2009. Il faut prendre en considération les différences de situation territoriale – la Corse, la Guadeloupe, la Martinique. En matière de pouvoir d'achat, aucun véritable effort n'est réalisé en faveur de ces territoires. C'est à eux de se débrouiller pour obtenir une réduction de l'octroi de mer, une baisse de la TVA pour un certain temps, un revenu supplémentaire temporaire d'activité – qui a duré deux ans... La loi pour l'égalité réelle en outre‑mer ? Elle doit bien n'avoir eu qu'un décret d'application... Il faut remettre les outre‑mer dans le chemin de l'égalité. Ce n'est pas accidentellement que tout l'outre‑mer s'est vautré dans le vote RN lors des dernières élections. Il serait grand temps que l'État et le Gouvernement s'occupent de la réalité ultramarine.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS167 de M. Gérard Leseul.
Nous demandons un rapport sur l'absence de revalorisation de la prestation de compensation du handicap depuis 2005 et les effets de la conjugalisation du mode de calcul des montants des fonds départementaux de compensation du handicap. Un grand nombre de personnes sont en souffrance et considèrent que ces montants sont nettement insuffisants. Il faut agir.
Il s'agit d'une question qui relève du périmètre réglementaire. Je suggère que vous retiriez l'amendement et que vous le déposiez en séance afin d'examiner la question directement avec le Gouvernement.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5
Amendement AS169 de M. Gérard Leseul.
Le projet de loi prévoit une sous-indexation des prestations sociales – notamment des pensions de retraite – avec une revalorisation de 4 % alors que, selon l'INSEE, l'inflation devrait dépasser 5 % en 2022. Cela va faire des malheureux. Nous proposons donc de donner aux retraités pénalisés par les sous-indexations chroniques la faculté d'aller devant le juge des référés pour faire cesser rapidement cet état de fait et obtenir un montant de pension actualisé de l'évolution des prix. Nous demandons ainsi à la puissance publique de faire preuve de réactivité.
L'application du coefficient de revalorisation constitue un acte administratif, contre lequel peut naturellement déjà saisir tout justiciable qui y a intérêt, y compris contre sa carence. Le juge des référés aura à sa main, s'il paraît pertinent de s'en saisir, l'ensemble des outils pour ordonner des mesures utiles, bien que, dans tous les cas, l'acte administratif doive respecter les dispositions législatives qui auront été prises.
L'amendement est retiré.
Amendements identiques AS359 de la rapporteure, AS330 de M. Philippe Vigier, AS344 de M. Laurent Marcangeli, AS354 de Mme Caroline Janvier et AS355 de M. Christophe Naegelen, amendements identiques AS269 de M. Stéphane Peu et AS301 de M. Hadrien Clouet, amendements identiques AS88 de M. Julien Bayou et AS255 de Mme Clémence Guetté, amendements AS168 de M. Gérard Leseul et AS236 de M. Aurélien Taché (discussion commune).
Nous en venons à la question de la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui a fait l'objet d'âpres débats dans notre assemblée, dans lesquels se sont impliqués des collègues de différents groupes dont Stéphane Viry, Pierre Dharréville ou encore notre ancienne collègue Jeanine Dubié.
La majorité s'y était montrée défavorable, pour plusieurs raisons. En premier lieu, cette mesure, si elle aurait un effet financier favorable pour la plupart des intéressés, aurait aussi des conséquences négatives pour 45 000 personnes. Ensuite, l'AAH s'assimile à une compensation de l'absence de revenus liés au travail : comme d'autres prestations sociales, elle est rattachée au foyer. Déconjugaliser l'AAH conduirait donc à remettre en cause le fonctionnement de l'ensemble de notre système de protection sociale. Traiter cette question à part serait discutable, puisque cela reviendrait à appliquer un traitement particulier aux personnes en situation de handicap.
Néanmoins, après tous ces débats, je crois que nous avons la possibilité d'aller vers un changement de mode de fonctionnement, en engageant la coconstruction que, d'une certaine manière, les Français ont appelée de leurs vœux. Nous pourrions tous faire un pas les uns vers les autres pour aboutir à un compromis qui satisfasse la grande majorité d'entre nous. De son côté, le Président de la République a infléchi sa position et s'est engagé à aller vers la déconjugalisation. Lors de son discours de politique générale, la Première ministre l'a confirmé et nous a autorisés à intégrer cette question dans le présent texte, en annonçant qu'elle lèverait le gage.
Tous les groupes politiques ont donc déposé un amendement visant à déconjugaliser l'AAH. Ont été déclarés irrecevables ceux qui essayaient de régler le problème des perdants de la réforme, ce gage‑là n'ayant pas été levé par la Première ministre – il l'a été, mais trop tardivement, après la date limite de dépôt des amendements, par le ministre Olivier Dussopt lors de son audition. Nous sommes donc saisis de plusieurs propositions de déconjugalisation « sèche » de l'AAH. En déposant moi‑même un tel amendement, je veux réaffirmer l'engagement de la majorité à aller dans cette direction. Toutefois, il nous faut continuer à travailler afin de régler la question des perdants, à savoir les personnes en situation de handicap qui sont le seul membre du couple à travailler.
Après de nombreuses discussions, le consensus qui se dégage est que s'il faut procéder à la déconjugalisation, il ne faut pas qu'elle se fasse de manière brutale, sans un système d'accompagnement et de gestion des perdants. Je pense aussi qu'un tel sujet mérite autre chose qu'une discussion en commission. Je propose donc que nous ne votions rien aujourd'hui et que nous continuions à travailler en coconstruction d'ici à la séance – je me tiens à la disposition des groupes pour ce faire – pour aboutir à une solution qui conviendrait à la grande majorité de l'Assemblée. Le dispositif doit assurer à la fois la déconjugalisation et la gestion des perdants. C'est pourquoi je vous propose de retirer l'ensemble des amendements de déconjugalisation sèche pour discuter en séance d'un amendement plus solide qui couvre l'ensemble des enjeux que je viens d'évoquer.
Ces cinq dernières années sont en effet marquées par cet échec. Nous nous n'avons pas su régler cette question, alors que la déconjugalisation de l'AAH avait été défendue par de nombreux députés sur tous les bancs, à commencer par Jeanine Dubié. C'est un moment important que nous vivons, et je suis heureux que nous nous engagions dans une démarche de coconstruction et que le Parlement, enfin de retour, prenne le problème à bras‑le‑corps.
Je ferai néanmoins deux remarques. D'abord, s'il ne doit pas y avoir de perdants, cela signifie, comme il s'agit d'une charge nouvelle pour les finances publiques, que le ministre doit s'engager à régler la situation de ces 45 000 personnes.
Il faut donc qu'un amendement soit proposé à l'ensemble des groupes politiques. Nous aurons ainsi fait notre boulot de façon efficace, solidaire et transversale, dans le seul objectif de répondre à l'injustice actuelle.
Ensuite, vous indiquez dans votre amendement, madame la rapporteure, que la réforme doit entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2024. On ne peut pas en rester là. Vu le contexte, un délai de six mois semblerait préférable – c'est en tout cas la proposition que j'émets au nom du groupe Dem.
Porter un tel amendement de façon transversale, comme cela s'est déjà fait par le passé, serait un acte fort.
C'est en effet un sujet important pour nombre d'entre nous. Si des avancées importantes, notamment la revalorisation de l'AAH, ont été obtenues au cours des cinq dernières années, il restait cette pierre d'achoppement. Nous avons été nombreux, sur divers bancs, à soutenir la déconjugalisation. Cependant, la rapporteure a raison : une déconjugalisation sèche ne serait pas satisfaisante, parce qu'elle aurait un effet pervers pour 45 000 personnes. Je suis donc d'accord pour retirer notre amendement AS344 et travailler à un amendement collectif en vue de la séance, mais à condition que l'ensemble des groupes soient associés, car c'est une question qui concerne tout le monde. J'appelle aussi votre attention sur le fait que déposer un amendement de manière collégiale dans les délais impartis demandera beaucoup d'agilité. Nous comptons sur vous, madame la rapporteure.
Il est utile, en effet, de rappeler ce qui a été fait au cours des cinq dernières années pour ne pas rester sur une impression d'échec du fait du non-vote de la déconjugalisation.
Nous avons revalorisé de 12 % le montant de l'AAH, le portant de 810 à 910 euros, ce qui est substantiel – cela a d'ailleurs représenté un coût important pour nos finances publiques, mais c'était nécessaire. Nous avons instauré le droit à vie à l'AAH, suivant les préconisations du rapport d'Adrien Taquet, pour 150 000 personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer. Enfin, nous avons réformé le système d'abattement sur les ressources du conjoint de sorte que les bénéficiaires de l'AAH dont le conjoint est rémunéré au SMIC restent allocataires à taux plein.
L'avancée qui nous est proposée répond à une demande légitime et unanime du secteur du handicap. Il est heureux que nous ayons la perspective d'aboutir en séance à un amendement identiquement défendu par tous les groupes et qui puisse concerner l'ensemble des bénéficiaires, y compris les 45 000 personnes pour qui les amendements en discussion auraient un effet négatif.
Avec notre amendement AS355, je veux rappeler le travail acharné de Jeanine Dubié pendant la précédente législature : c'est grâce à elle que la disposition avait été adoptée en première lecture dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Libertés et Territoires. La navette avec le Sénat avait alors permis de combler un angle mort qui faisait des perdants – malheureusement, la majorité avait choisi de ne pas nous suivre. Je suis heureux que tout le monde ait retrouvé la raison et je suis entièrement d'accord pour une coconstruction, ainsi que pour avancer la date d'application au 1er janvier 2023.
Dès sa création en 1974 par le secrétaire d'État auprès de Simone Veil qui en était chargé, l'AAH a été conçue comme une allocation d'autonomie. C'est au fil du temps qu'elle est devenue une prestation sociale. En la déconjugalisant, on revient ainsi à sa fonction originelle.
J'avais présenté la proposition dans l'hémicycle à trois reprises avec Jeanine Dubié : je pourrais en dire beaucoup sur les cinq années passées...
Nous soutenons l'idée d'une coconstruction, mais qui permette à chaque groupe de déposer son amendement, même identique aux autres, afin de pouvoir livrer sa propre interprétation dans son exposé sommaire.
Enfin, le délai d'application doit effectivement être beaucoup plus court. On a beaucoup trop traîné, l'attente est immense, les associations sont unanimes : il faut aller vite.
Sans vouloir briser le consensus général – nous soutiendrons évidemment la déconjugalisation de l'AAH, nous avons déposé les amendements AS301 et AS255 en ce sens – je tiens à dire la surprise que nous a inspiré l'épiphanie de Mme Borne dans son discours de politique générale. Pendant cinq ans, alors qu'il y avait déjà urgence, nous avons proposé cette mesure. En mars 2019, vous avez refusé. En décembre 2019, vous avez refusé. En juin 2021, en octobre 2021, en décembre 2021, vous avez refusé ! Je le rappelle, même si cela vous gêne !
Tant mieux si vous vous rangez à notre avis, mais les gens ont déjà trop attendu. Selon une enquête APF France handicap menée auprès de femmes en situation de handicap – celles qui pâtissent le plus de la situation – le revenu de près de 45 % des répondantes est affecté par le dispositif actuel. Ce n'est peut-être pas le dernier sujet sur lequel vous vous rangerez à notre point de vue après coup...
L'inflation s'ajoutant à l'urgence, il faut absolument agir vite. Je suis également d'accord pour que chaque groupe rédige l'amendement à sa manière.
Nous nous réjouissons de parvenir à un consensus. Par notre amendement AS88, nous sommes favorables à une déconjugalisation effective en 2023 : la dignité n'attend pas et nous sommes déjà en retard. La succession de refus lors du précédent quinquennat a été particulièrement choquante. L'enjeu est l'indépendance économique, principalement des femmes. Si une femme sur trois est victime de violences sexistes et sexuelles au cours de sa vie, ce chiffre est triplé pour les femmes en situation de handicap, et le lien entre cette situation et la dépendance économique est très marqué dans leur cas.
La mesure a été demandée de manière répétée par les associations et par les premières concernées. S'il y a un enseignement à en tirer, c'est une leçon de méthode : on pourrait travailler de manière plus constructive avec les unes et les autres !
Nous sommes donc favorables à une coconstruction ambitieuse. Nous jugerons sur les actes, puisque c'est ainsi que nous serons tous jugés.
Je défends l'amendement AS255. Ce consensus est bienvenu. Clémence Guetté a eu raison de pointer les manquements successifs à l'exigence de justice sociale. Enfin, nous allons rendre justice à beaucoup de familles. Cette situation touche énormément les femmes, brise des couples, rompt la cohésion sociale et complique souvent la recherche d'un emploi. Elle pose des problèmes de pouvoir d'achat et crée des situations dramatiques dans l'Hexagone, mais aussi dans les outre-mer.
Merci de m'accueillir au sein de votre commission.
Je salue le travail accompli pendant les cinq dernières années, en particulier par Jeanine Dubié. À plusieurs reprises au cours du quinquennat, nous – c'est-à-dire des députés siégeant sur presque tous les bancs – avons tenté de faire adopter la déconjugalisation, hélas sans succès. Chargée de suivre cette mesure au nom du groupe Socialistes et apparentés dans différentes propositions de loi, j'avais parlé à l'époque de procrastination. Il nous paraissait tellement injuste de laisser toutes les personnes concernées dans cette situation !
Dans son discours de politique générale, la Première ministre s'est dite favorable à la déconjugalisation et a levé le gage. Nous allons enfin faire cesser cette humiliation selon laquelle une personne subissant un handicap doit dépendre des revenus de son conjoint ou de sa conjointe. Le handicap ne se partage pas ! C'est la solidarité nationale qui doit permettre l'autonomie des personnes handicapées, non la solidarité familiale.
Notre amendement AS168, qui vise à corriger cette situation, fait malheureusement, tel qu'il est rédigé, des perdants. Nous suivrons les autres groupes en le retirant et en saisissant la main que vous nous tendez pour rédiger ensemble un amendement qui parvienne au même but sans présenter cet inconvénient. Plus exactement, il faudra un amendement par groupe, identique aux autres mais ayant son exposé sommaire spécifique.
Quant à la date, l'effectivité au 1er janvier 2024 n'est tout simplement pas possible : nous attendons, ils attendent depuis trop longtemps ! Il faut que le Gouvernement nous entende sur ce point.
Enfin, il faudra prévoir la possibilité de changer de système pour tenir compte des événements de la vie et du caractère évolutif des situations.
Il y a donc consensus sur les points suivants : un amendement par groupe, une date d'entrée en vigueur en 2023, ne pas faire de perdants.
Merci à tous de vous joindre à cette démarche collective. L'objectif est bien de s'accorder sur le texte de l'amendement tout en permettant à chacun de défendre ses propres positions dans l'exposé sommaire. Je suis également tout à fait d'accord pour avancer la date d'entrée en vigueur.
Les amendements sont retirés.
Je souhaite exprimer la position du groupe Les Républicains sur le sujet.
Le moment que nous vivons est important pour notre fonctionnement démocratique et pour la vie du Parlement. Depuis plus de cinq ans, les uns et les autres bataillent – ou prêchent dans le désert ; et alors que nous avons parfois eu le sentiment que nous n'y arriverions pas, nous sommes en passe de réussir. Le fait que nous soyons désormais tous d'accord montre que la répétition des débats est utile, dans une démocratie parlementaire.
Une autre bonne nouvelle est que la vie de plus de 270 000 de nos concitoyens va changer. De tels changements sont la raison première pour laquelle nous faisons de la politique et sommes députés.
Nous soutiendrons la méthode consistant à déposer des amendements identiques aux exposés sommaires différents, car nous avons chacun nos histoires politiques, nos combats, notre façon de les mener ; il serait absurde et insultant d'effacer les débats que nous avons eus ces cinq dernières années et dont l'âpreté nous a permis d'aboutir.
La mesure doit être appliquée le plus rapidement possible : pas question de traîner davantage.
Le traitement des perdants n'est pas un détail. Près de 50 000 de nos concitoyens sont concernés, plus peut-être demain. Mais de toute façon, une mesure de justice ne saurait créer une nouvelle injustice.
Enfin, il serait utile que nous adoptions la mesure dans une version déjà travaillée par le Sénat, qui avait étudié le sujet de près ; ainsi, la navette ne prendra pas trop de temps. En effet, nous voulons tous que cette mesure vivement attendue entre en vigueur au plus tôt.
Un dernier mot : en l'occurrence, une matière très technique, ne concernant pas un si grand nombre de nos concitoyens, a beaucoup marqué les débats politiques au cours du quinquennat passé. C'est une leçon : il n'y a pas de petit sujet technique, il y a des sujets qui révèlent une vision de la société – ici, de la solidarité, de l'autonomie et de la dignité.
Amendement AS234 de M. Paul-André Colombani.
En Corse, le taux de pauvreté des retraités est plus élevé de 9 points qu'en France métropolitaine et la part des retraités percevant le minimum vieillesse y était de 8,6 % en 2018, contre 3,3 % au niveau national. Cet état de fait explique que le taux de personnes retraitées dans les dossiers de surendettement soit de 22,4 % en Corse, contre 16,2 % en France métropolitaine.
Aussi demandons-nous un rapport évaluant l'opportunité de tenir compte de cette exposition particulière des retraités corses aux difficultés financières en majorant pour eux l'augmentation des retraites afin de la porter à 10 %, conformément à ce qu'a demandé le président de l'Assemblée de Corse.
Vous avez raison, mais compte tenu de la portée de votre questionnement, je vous propose de retirer votre amendement pour interpeller le Gouvernement en séance à ce sujet.
Malheureusement, ce ne serait pas la première fois : j'ai déjà interpelé le Gouvernement au moins deux fois par des questions orales au cours de la précédente législature, et cette demande de rapport est le seul moyen qui nous reste, tous nos autres amendements ayant été jugés irrecevables.
Des discussions vont s'ouvrir avec le Gouvernement, qui devraient aboutir à l'évolution du statut institutionnel de la Corse afin de mieux tenir compte de ses spécificités, mais il y a urgence : on ne peut attendre une hypothétique réforme constitutionnelle dans les années qui viennent. J'ai besoin de ce rapport, comme de celui que j'ai demandé sur la constitution du prix de l'essence. Les outils sont sur la table, mais on n'avance pas ! Il me faut des réponses concrètes, sur ces deux points.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS334 de M. Benjamin Lucas.
Il s'agit de demander un rapport sur l'extension du revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes dès l'âge de 18 ans. En effet, les jeunes de 18 à 25 ans jouissent des droits civiques, mais pas des droits sociaux.
Demande de retrait, car il existe déjà plusieurs rapports sur le sujet, dont celui de M. Ruffin.
Je soutiens l'amendement. J'ai entendu un de nos collègues s'exclamer : « Mon Dieu, mon Dieu, le RSA à 18 ans ! » On devrait plutôt dire : « Mon Dieu, mon Dieu, des jeunes de 18 ans qui font la queue pour chercher à manger ! » Personne ici ne dit ni ne dira jamais que le RSA est la panacée. Mais la précarité absolue de la jeunesse que nous avons observée récemment, et qui perdure, doit être soulagée. Pour cela, le RSA serait un minimum. Nous avions déposé un amendement créant une allocation d'autonomie jeunesse pour qu'aucun jeune indépendant du foyer fiscal de ses parents ne vive sous le seuil de pauvreté, mais il a été déclaré irrecevable. Il nous semble essentiel que cette question soit traitée, surtout dans un texte sur la protection du pouvoir d'achat.
Nous n'allons pas relancer un débat que nous avons déjà eu et que nous aurons certainement à nouveau. Je ne sais pas sur quelles bases scientifiques vous fondez vos dires, mais votre amendement est mal rédigé : le RSA jeune existe déjà pour trois catégories de jeunes, ceux qui ont travaillé deux ans au cours des trois ans écoulés, et ceux qui sont parents ou en passe de l'être.
Il faudra surtout suivre de près la mise en œuvre par les missions locales et Pôle emploi du contrat d'engagement jeune lancé le 1er mars et s'assurer de sa plus-value pour l'insertion sociale et professionnelle de nos jeunes.
Si, vous dites qu'il faudra regarder l'impact du RSA sur la capacité d'insertion des jeunes !
Les jeunes ont été les premières victimes de la crise du covid, notamment du fait de la disparition des emplois saisonniers, puisque, contrairement à ce que vous pensez, un tiers d'entre eux travaille régulièrement pour pouvoir financer ses études. Il s'agit d'empêcher qu'ils ne tombent dès 18 ans dans des trappes à pauvreté et de les soutenir dès l'âge où ils devraient bénéficier des droits sociaux puisqu'ils sont majeurs.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS338 de M. Benjamin Lucas
C'est une demande de rapport sur le revenu universel – proposition des écologistes depuis bien longtemps – et ses effets sur le pouvoir d'achat.
Sur ce sujet aussi, il existe de récents travaux, notamment ceux commandés par le Gouvernement au Conseil d'État sur les modalités concrètes de rapprochement des bases ressources des aides sociales.
Demande de retrait.
Le rapprochement des bases ressources des aides sociales n'est pas le revenu universel. Je maintiens l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS350 de M. Gérard Leseul
Les jeunes et les étudiants sont complètement absents du texte, pourtant censé traiter du pouvoir d'achat de l'ensemble de nos concitoyens. En outre, le Gouvernement a annoncé une sous-indexation des bourses étudiantes, puisque leur revalorisation sera de 4 % alors que l'inflation doit dépasser 5,2 % à la fin de l'année. Nous aimerions donc bien savoir comment les étudiants vont faire pour vivre.
Nous demandons par conséquent un rapport pour faire toute la lumière sur les pertes réelles de pouvoir d'achat subies par les étudiants boursiers.
Je ne peux pas vous laisser dire que les bourses sont sous‑indexées par rapport à l'inflation. Non seulement elles font partie du paquet de revalorisations, d'où les 4 % qui ont été évoqués, mais en outre, depuis 2019, le Gouvernement a revalorisé de 3,3 % les bourses sur critères sociaux, ce qui est supérieur à l'inflation sur la période, et les a même revalorisées du double de l'inflation au cours de l'année universitaire 2021-2022.
Avis défavorable.
Il ne vous a peut-être pas échappé que, selon une enquête de La Mutuelle des étudiants parue cette semaine, 70 % des étudiants sont en situation de précarité psychique, ce qui s'explique largement par des conditions de vie elles-mêmes très précaires. La pauvreté chez les jeunes est une réalité qu'il faut regarder en face. Ce n'est pas parce que vous revalorisez les prestations à un niveau inférieur à l'inflation, contrairement à ce que vous dites – que vous remédiez à la précarité de la jeunesse, à laquelle il serait bon que notre commission s'intéresse. Cette demande de rapport est de bon sens.
La commission rejette l'amendement.
Article 20 : Transport routier de marchandises – Extension du mécanisme d'indexation gazole à l'ensemble des produits énergétiques
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS419, AS421 et AS420 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 20 modifié.
Titre
Amendement AS139 de Mme Christine Pires Beaune
Dès lors que le projet de loi ne traite pas complètement du pouvoir d'achat ni de la revalorisation des salaires, mais aborde l'approvisionnement énergétique – nous avons adopté les amendements de la commission des affaires économiques à ce sujet – nous proposons de substituer, dans le titre, aux mots « protection du pouvoir d'achat » les mots « sécurisation de notre approvisionnement énergétique et diverses mesures d'ordre économique ». Ce sera plus conforme à ce qu'est – malheureusement – le texte.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Enfin, la commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La réunion s'achève à douze heures vingt.
Présences en réunion
Réunion du mercredi 13 juillet 2022 à 9 heures 30
Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Bénédicte Auzanot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Blanchet, Mme Danielle Brulebois, M. Elie Califer, M. Victor Catteau, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, Mme Christine Decodts, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Marie Lebec, M. Gérard Leseul, Mme Katiana Levavasseur, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, M. Thomas Mesnier, Mme Sophie Mette, M. Yannick Monnet, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Michèle Peyron, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. François Ruffin, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry
Excusés. – Mme Caroline Fiat, M. Jean-Carles Grelier, M. Jean-Philippe Nilor, M. Sébastien Peytavie, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. – Mme Maud Bregeon, Mme Clémence Guetté, Mme Sandra Marsaud, M. Stéphane Peu, Mme Christine Pires Beaune, M. Aurélien Pradié