Adrien Quatennens, qui a eu la gentillesse de rappeler mon parcours, aurait pu mentionner que je m'étais aussi intéressé à ces sujets en tant que professeur d'université.
Au fond, les différents points de vue que nous exprimons ici sont réconciliables. Nous souhaitons tous améliorer le niveau de vie de nos concitoyens, en particulier des moins diplômés, des moins qualifiés et de ceux qui vivent dans la précarité. Nous divergeons sur les moyens pour y parvenir.
L'augmentation des salaires doit se faire en prenant en compte la productivité. Premièrement, je le redis, le chômage a commencé à croître très fortement au tournant des années 1970 et 1980 parce que les salaires augmentaient plus vite que la productivité – personne de sérieux ne le conteste. D'où le problème que nous avons à traiter aujourd'hui : le chômage de masse. Deuxièmement, lorsqu'il y a des gains de productivité, il faut que les salariés puissent se les approprier. Cela soulève la question du pouvoir de négociation des salariés, sur laquelle nous divergeons.
Les économistes libéraux et les économistes marxistes sont d'accord sur un point : le meilleur déterminant des salaires est le niveau du chômage. Sans doute vous souvenez-vous de « l'armée de réserve industrielle » de Marx ? Les économistes libéraux intègrent ce paramètre dans leurs modèles.
Notre stratégie consiste à créer des emplois, pour aller vers le plein-emploi, car cela donnera aux salariés un pouvoir de négociation accru, soit directement avec leur patron, soit à l'occasion de la négociation annuelle obligatoire. Ce n'est pas une stratégie définie en chambre, et nous constatons qu'elle est payante : dans les métiers de l'hôtellerie-restauration, en raison du dynamisme et des tensions sur le marché du travail, les salariés ont obtenu des augmentations de salaires de 16 %, voire de 30 % pour certaines qualifications.