La séance est ouverte à neuf heures.
Nous continuons aujourd'hui notre cycle d'auditions sur la défense globale en accueillant un représentant de l'Association des maires de France, M. Jacques Grandchamp, maire de Publier en Haute-Savoie. Vous êtes sans doute, Monsieur le maire, l'une des personnes les plus qualifiées pour nous parler de défense globale, en raison du mandat qui est aujourd'hui le vôtre, mais aussi de la singularité de votre carrière au sein de la gendarmerie, force armée dont vous êtes encore aujourd'hui officier général au titre de la deuxième section.
Vous avez alterné, au sein de la gendarmerie, des expériences opérationnelles et en administration centrale. Au titre de vos premiers postes, vous avez notamment commandé la gendarmerie de Haute-Savoie, puis celle de Polynésie française. Vous avez aussi dirigé la région Rhône-Alpes, ainsi que la zone de défense sud-est au titre de la gendarmerie. En administration centrale, vous avez été chef de mission au bureau des officiers généraux, au cabinet de la ministre de la défense Michèle Alliot-Marie, puis sous-directeur de l'accompagnement du personnel à la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).
Au 1er janvier 2024, la France compte près de 35 000 communes, qui constituent un relais primordial pour développer l'esprit de défense au sein de la population. Le maire et les élus locaux sont au plus proche de nos concitoyens. En conséquence, ils sont conduits à jouer un rôle fondamental en cas de crise majeure et dans la planification de l'organisation de la résilience. En effet, chacun ici en est convaincu : la résilience de la nation passe tout autant par la mobilisation de l'ensemble de ses forces vives que par sa force armée. Il existe d'ailleurs, au sein des conseillers municipaux, des correspondants défense.
Vous aurez peut-être à cœur de souligner les enjeux que représente pour vous l'existence de ces correspondants défense et le bilan que vous tirez de leurs actions. La création de la mission d'information « défense et territoires » de notre commission, avec nos collègues Patricia Lemoine et Mélanie Thomin a été justifiée par la volonté de remettre les territoires au sein des problématiques de la défense nationale et de mieux percevoir les nombreux liens qui les unissent.
Monsieur le président, vous avez rappelé ma singularité dans le dispositif des élus locaux. J'ai travaillé dans quatre cabinets ministériels, avec Pierre Joxe, François Léotard, Michèle Alliot-Marie et Hervé Morin. Je me suis présenté aux élections municipales en 2020, considérant que j'agissais là dans la continuité de mon engagement militaire, même si la proximité avec le monde politique est bien moins acceptée en France que dans les pays anglo-saxons, en dépit des progrès réalisés depuis une trentaine d'années.
La commune de Publier, située entre Thonon-les-Bains et Évian-les-Bains est peuplée de 8 000 habitants. Compte tenu de l'attractivité de ce territoire, la commune change peu à peu de physionomie, passant du statut de gros bourg à celui de petite ville. Nous sommes également distants de treize kilomètres de la Suisse, pays avec lequel nos relations disposent encore d'une marge de progrès intéressante. Un grand nombre de travailleurs frontaliers habitent ou plutôt logent dans notre commune, sans véritablement participer à la vie communale.
Notre municipalité est particulièrement attachée à la cause militaire : je suis général de corps d'armée ; mon premier adjoint référent défense est réserviste de l'arme du train et ma directrice générale des services a servi huit ans comme officier à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Les expériences de notre trinôme nous permettent de partager la même sensibilité et la même implication, notamment en matière de défense civile.
Lors des premières années de notre mandat, nous avons dû assurer la gestion opérationnelle de la pandémie de la Covid, dans un contexte particulièrement anxiogène et face à une grande fragilité psychologique de nos concitoyens, résultat de nombreuses années de relâchement collectif de la conscience d'appartenir à une collectivité, un territoire, une nation. Aujourd'hui, il faut réinculquer l'esprit de défense et de nation à presque deux générations qui l'ont oublié. Il faut reprendre l'ensemble des fondamentaux qui n'existent plus aujourd'hui. Pour le dire un peu crûment, peut-être devrions-nous plutôt enseigner l'éducation civique que l'éducation sexuelle à l'école.
La population attend tout d'un maire. Pendant la pandémie, comme j'étais démuni pour faire respecter les contraintes sanitaires, ne disposant pas à l'époque de police municipale, j'ai décidé de recourir au concours de réservistes de la gendarmerie, en tant que contributeurs occasionnels du service public, dans le droit fil de la réserve de sécurité civile. Malheureusement, le contrôle de légalité s'y est opposé, prétextant que j'allais établir une milice.
Nous avons réactualisé notre plan communal de sauvegarde et je rappelle que les intercommunalités ne sont pas compétentes en la matière, étant des établissements publics et non des collectivités territoriales : le maire reste évidemment le responsable. Dans mon plan communal de sauvegarde, j'ai défini mon seuil de capacité : je sais que je peux gérer jusqu'à 300 personnes. Les analyses de risque sont bien établies, dans la mesure où les services de l'État produisent un bon travail dans ce domaine. Depuis le début de ma mandature, le seul risque auquel j'ai été confronté est le risque incendie. Par exemple, à la suite d'un incendie, il nous a fallu évacuer trente familles dans une résidence, un soir à 23 heures. De même, une usine d'embouteillage des eaux d'Évian est située sur ma commune et lors d'un incident, les capteurs se sont déclenchés lorsqu'ils ont perçu des risques de pollution. À cette occasion, je me suis aperçu que notre plan communal de sauvegarde n'avait pas intégré les plans des entreprises. Nous sommes actuellement en train d'y remédier.
Nous disposons d'un correspondant défense. Mais comme les militaires sont situés à une heure et demie de route de notre commune, il ne rencontre le délégué militaire départemental (DMD) qu'une seule fois dans l'année, à Annecy. Il me semble d'ailleurs nécessaire de redéfinir la mission du DMD, qui ne peut pas se contenter d'être le conseiller défense du préfet, mais devrait également être celui des collectivités territoriales. Le DMD doit donc être replacé au cœur du dispositif et lui redonner sa responsabilité.
La Haute-Savoie héberge le 27e bataillon de chasseurs alpins (BCA) et l'École militaire de haute montagne (EMHM), et ces deux unités sont employées, pour les opérations extérieures (Opex) ou l'opération Sentinelle par exemple. En conséquence, les militaires que je rencontre le plus souvent sont ceux du pays voisin, la Suisse, qui présentent l'avantage de bénéficier d'une stabilité importante dans leur poste. A contrario, en six ans, j'ai connu trois préfets et trois DMD. En l'espèce, ce renouvellement régulier n'est pas très productif, ni incitatif.
S'agissant de la relation entre les civils et les militaires, beaucoup reste à faire. Je relève cependant que les entreprises ont été sensibilisées à la sécurité et que certaines font partie d'un organisme de défense qui identifie les entreprises à risque. En revanche, en tant que maire, j'ignore si les deux principales entreprises de ma commune appartiennent à ce groupe. Je déplore donc un réel déficit de communication.
Je vous remercie pour cette introduction. Au cours de nos échanges, nous pourrons revenir sur le rôle des correspondants défense, les questions de planification, dont les documents d'information communale sur les risques majeurs (Dicrim). Sur le plan humain, il sera également possible de creuser le sujet des réserves communales de sécurité civile qui demeurent méconnues bien que mentionnées dans le code général des collectivités territoriales ; mais également celui de la jeunesse. Enfin, vous avez mentionné la distinction entre la culture civile et la culture militaire existant en France, quand elles sont bien plus communes aux États-Unis. Je rappelle ainsi qu'en tant que députés, il nous est interdit d'être réservistes opérationnels. Notre culture de la segmentation, issue de l'histoire, doit peut-être désormais être réinterrogée.
Je cède à présent la parole aux représentants de groupes.
Je partage vos propos concernant les délégués militaires départementaux, qui doivent être bien plus proches des maires. À l'heure actuelle, ils manquent fréquemment de moyens et le doublement de la réserve évoqué dans la loi de programmation militaire vise à renforcer ces derniers.
De quelle manière l'AMF souhaite-t-elle s'organiser pour favoriser le lien entre les entreprises et les armées, notamment pour les aider à aller vers le secteur militaire, qui est porteur ? Ensuite, comment l'AMF peut-elle aussi aider les familles des militaires que les communes accueillent ? Ce sujet important a été porté dans la loi de programmation militaire (LPM), à hauteur de 750 millions d'euros, mais cette action doit être menée de manière intelligente avec les territoires. À ce titre, je pense que l'AMF doit également jouer un rôle.
Enfin, les communes sont essentielles pour faire vivre la dimension mémorielle, dans la mesure où les maires et les correspondants défense représentent un maillon important dans la chaîne de ce lien entre la nation et les armées, entre nos collectivités et les armées.
Je précise que si l'AMF n'est pas donneur d'ordre, elle prend des initiatives. Je suis aujourd'hui accompagné de M. Denis Mottier, colonel de gendarmerie et qui représente la gendarmerie à l'AMF ; ainsi que de Mme Fontaine. J'ajoute que l'organisation de l'AMF est également déclinée dans chaque département. L'AMF joue un rôle de facilitateur, afin d'accompagner les collectivités, et naturellement les mairies en particulier. Nous avons également constitué un groupe de travail, mais il serait bien que l'AMF ait un élu correspondant du ministre des armées. J'ajoute que le général Lizurey, président du Haut conseil pour la résilience nationale, est également élu et que David Lisnard est particulièrement impliqué dans ces questions.
Je suis colonel de gendarmerie, issu de la marine nationale puisque j'ai fait l'école navale.
L'AMF traite principalement des questions de défense par le biais de la résilience. La première résilience est celle liée aux risques naturels. Je salue à ce titre les élus des Alpes-Maritimes qui connaissent très bien ce sujet. Le maire de Mandelieu-la-Napoule, M. Leroy, est d'ailleurs co-président du groupe de travail de l'AMF sur la gestion des risques, qui est désormais devenu une commission à part entière.
Cette résilience est traitée dans le cadre de la stratégie nationale de résilience, dont neuf des soixante-neuf points concernent des collectivités territoriales. Cette stratégie nationale de résilience introduit deux éléments spécifiques. Le premier concerne la résilience physique de la nation face une menace extérieure – c'est ici que la question de défense nationale prend tout son sens – et la participation des maires à cette défense. La seconde porte sur la lutte contre une menace plus diffuse – la menace cyber et de déstabilisation – à laquelle les maires doivent également contribuer. La question de la résilience cyber sera d'ailleurs débattue au Parlement lors de la transposition de la directive NIS 2.
L'AMF a travaillé sur trois points, dont le premier a trait à la résilience humaine. Au moment de la crise, les maires doivent alerter, rassurer et mobiliser. Au préalable, la question de la préparation des réserves communales et militaires est essentielle et pourrait aussi être déclinée chez les cadets de la défense et les classes défense. Enfin, par nature, les maires sont des bâtisseurs, ce qui prend tout son sens dans l'après-crise, non seulement pour reconstruire les infrastructures, mais surtout le facteur moral. Cependant, créer de la cohésion au niveau communal n'est pas aisé. M. le maire a bien évoqué la problématique de ses concitoyens travailleurs frontaliers, qui ne sont plus totalement ancrés dans le territoire.
Le deuxième point porte sur la résilience matérielle, c'est-à-dire la manière dont les maires se préparent aux crises, mais aussi assurent les besoins vitaux de la population durant leur survenue, notamment à travers le plan communal de sauvegarde. En outre, en cas de crise majeure, l'articulation avec les niveaux départementaux et régionaux est essentielle. En cas de mobilisation armée, l'enjeu principal concerne la manière d'assurer les besoins vitaux en eau, en nourriture, en matière de transport et, si possible, la continuité éducative. Enfin, le dernier point a trait à la résilience cyber, enjeu particulièrement prégnant pour les petites communes rurales, qui n'ont pas les moyens de l'assurer.
L'AMF agit, même s'il est toujours nécessaire d'en faire plus. Néanmoins, je pense qu'il est important de passer d'une vision très nationale de la résilience à une déclinaison locale, d'un ordre d'armée ou de corps d'armée à un ordre tactique, c'est-à-dire une sujétion donnée aux maires qui leur permettra de s'inscrire dans cette stratégie globale. Aujourd'hui, cette idée maîtresse, cet objectif de résilience « dans la profondeur des territoires » selon les termes de la stratégie nationale de résilience, me semblent majeurs, pour parvenir à une déclinaison opérationnelle et tactique.
Dans une commune, les moyens humains sont vite comptés. Dans ma commune, je peux citer les sapeurs-pompiers et nous avons également la chance d'avoir un centre de préparation militaire marine dans le Chablais. Simultanément, le bénévolat a globalement disparu du spectre, même si les petites communes résistent mieux : dans les petites communes de montagne, la population est sur le terrain. Dans notre commune de Publier, il existe ainsi quatre-vingt-trois associations, qui bénéficient toutes de subventions communales. Néanmoins, nous avons dû leur rappeler d'une part que les subventions ne peuvent être utilisées que pour l'objet pour lequel elles ont été accordées ; et d'autre part, qu'elles ne sont pas à sens unique : nous attendons un engagement bénévole des associations, au moins pour les événements communaux.
Ensuite, la démarche des cadets de la gendarmerie, initiée en Isère, est particulièrement noble. En revanche, nous ignorons ce qu'ils deviennent après avoir été formés, témoignage du manque d'informations croisées. Dans le même ordre d'idée, il n'existe pas d'annuaire des anciens militaires aujourd'hui élus.
Les communes ont un rôle primordial à jouer au niveau de notre sécurité. Les municipalités sont ainsi informées et consultées pour concevoir le dispositif de sécurité globale et la complémentarité entre militaires et forces de l'ordre lors des missions de sécurité intérieure. Dans certaines villes, les bases militaires contribuent à l'identité et au dynamisme local, à Istres, par exemple. Dans mon département, plus de 5 000 personnes travaillent dans le secteur militaire et plus de 5 000 transitent annuellement par les hôtels, commerces et restaurants de la commune, ce qui souligne l'importance économique et sociale de cette présence militaire.
Les exécutifs locaux ont donc, dans ce cas, un rôle crucial à jouer dans la facilitation de la vie des militaires et de leurs familles, notamment en ce qui concerne l'accès aux crèches, écoles, logements et transports. Quelles sont les marges de manœuvre des communes pour faciliter la fidélisation et parfois les mutations de nos militaires ? Je rappelle en effet que vous jouez également un rôle dans la diffusion de l'esprit de défense.
Les maires, par l'intermédiaire des correspondants défense, effectuent un travail remarquable pour attirer et sensibiliser les jeunes, mais aussi pour respecter la mémoire de nos anciens. Cependant, la disparition progressive des anciens combattants et de leurs associations, et le manque d'attractivité ne constituent-ils pas les marqueurs d'un besoin d'évolution ?
En premier lieu, ce rôle de correspondant défense est-il assez connu et pris au sérieux par les municipalités ? Les élus et a fortiori les correspondants défense sont-ils assez formés à ces enjeux ? De manière plus technique, ne pensez-vous pas que les communes devraient accentuer, avec les services de l'État, la promotion des métiers militaires auprès des demandeurs d'emploi ? Ne devraient-elles pas également jouer un rôle dans la valorisation du service militaire volontaire auprès des entités privées, pour l'embauche par exemple, mais aussi la valorisation de la réserve ?
Enfin, le devoir de mémoire est indispensable à l'esprit de défense. Ne pensez-vous pas que nous devrions repenser notre modèle, faire savoir à nos « jeunes » anciens militaires qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un âge avancé pour adhérer et participer aux associations ? Les communes ne devraient-elles pas commémorer également d'autres conflits plus récents, notamment les Opex, et mettre en valeur nos jeunes soldats qui y ont participé ?
Nous conduisons un certain nombre d'actions au profit des militaires et de leurs familles. Je connais bien le sujet, pour avoir été responsable de la reconversion des gendarmes, avant de m'occuper de celle des généraux. À l'occasion d'un forum des métiers organisé à Thonon-les-Bains, nous avons par exemple fait participer la gendarmerie.
Un travail de communication auprès des entreprises est également en cours et j'ai notamment créé un poste d'adjoint à l'économie, à l'emploi et aux frontaliers pour gérer ces sujets. Nous nous efforçons de densifier nos liens avec les entreprises de la commune, dont certaines sont importantes, à l'image de la première usine d'embouteillage au monde des eaux d'Évian, déjà mentionnée, ou de PME très pointues. En revanche, l'enclavement du Chablais dans le département de Haute-Savoie pose problème, car hormis les gendarmes, les militaires en service se concentrent sur la périphérie. Par exemple, il est impensable de venir travailler dans le Chablais depuis Annecy, compte tenu des délais de trajet. Par conséquent, chaque échelon administratif doit jouer son rôle, à la fois les communes, notamment les agglomérations – qui concentrent les grands bassins d'emplois –, davantage que les petites intercommunalités.
Ensuite, vous avez évoqué le lien nécessaire à tisser entre la jeunesse et le devoir de mémoire. À l'occasion des commémorations nationales, nous associons évidemment les militaires tombés en Opex. Dans notre commune, je me réjouis que trois jeunes soient porte-drapeaux lors de ces événements. J'ajoute que, lors de ces cérémonies, nous invitons systématiquement une à deux classes et que les parents se joignent aux élèves, apportant une dimension supplémentaire à ces commémorations.
Par ailleurs, je considère que la résilience constitue la première étape de la résistance, qui doit être travaillée à l'aide de tous les leviers disponibles en faveur de l'emploi pour les conjoints de militaires. Malheureusement, dans le Chablais, le coût du logement est prohibitif, engendrant de graves problèmes de logement. Nous aimerions donc que l'État agisse le plus possible en matière de loyer usufruit d'entreprise, afin que les entreprises puissent acquérir des logements, pour y loger leurs employés et leurs familles, selon la maxime « un travail, un logement ». Aujourd'hui, les entreprises sont elles aussi confrontées à une problématique de fidélisation de leurs employés. Dans mon territoire, les entreprises forment des jeunes qui, au bout de quelques mois, partent travailler en Suisse.
Je tiens tout d'abord à vous assurer, au nom du groupe parlementaire de la France insoumise, que nous sommes très préoccupés par l'asphyxie budgétaire qui touche nos communes et nos collectivités locales depuis des décennies.
Dans un contexte où les crises et les menaces se succèdent et s'intensifient, les communes sont sur le pont pour faire face à la pandémie de la Covid 19, la guerre en Ukraine, l'inflation et le réchauffement climatique. Malgré le sentiment d'abandon exprimé par les maires de ma circonscription, les collectivités locales garantissent la protection et la sécurité de l'État en tenant compte de l'ensemble des défis, qu'ils soient d'ordre militaire, économique, sanitaire, environnemental ou social, en Haute-Garonne.
Nous sommes victimes de sécheresses, les catastrophes climatiques s'accélèrent. Cette année, les inondations ont fait plusieurs victimes et des millions d'euros de dégâts matériels. Les moyens employés par le gouvernement restent insatisfaisants et nos infrastructures ne sont pas prêtes aux défis futurs. Il me semble qu'il est nécessaire de mettre en œuvre un plan d'urgence aux niveaux national et local pour préparer la population et nos institutions à cette bifurcation écologique que nous portons depuis 2012.
Dans une logique de défense globale, comment les communes se préparent-t-elles à produire une meilleure résistance ? Comment évaluez-vous les besoins matériels de vos structures actuelles, comme le plan communal de sauvegarde et la réserve communale de sécurité civile, face aux récentes inondations ? Enfin, comment évaluez-vous le rôle du correspondant défense ? Nous constatons en effet que les engagements restent très hétérogènes entre les communes. Le statut d'élu local du correspondant défense, tout en étant en liaison avec le ministère des armées, semble nécessiter une clarification.
Je souscris à vos préoccupations budgétaires. En effet, si ma commune dispose d'un plan pluriannuel d'investissement, un nombre croissant de communes ne sont plus en mesure d'investir aujourd'hui. Je souligne également que le découragement tend à se développer, diminuant constamment le nombre de candidats à la fonction de maire.
Le statut de correspondant défense demeure méconnu, ce qui nécessite d'entreprendre un profond travail. Je constate à ce titre que cette préoccupation est seconde pour la plupart des vingt-et-un maires de notre intercommunalité, à l'exception de Mme la maire d'Évian et du maire de Châtel, qui s'inscrivent dans la même logique que la mienne. Pour ma part, je considère qu'en période de crise, le conseiller défense joue un rôle de « vice-maire », sur le terrain.
J'ai évoqué un peu plus tôt le rôle du DMD. Cependant, je regrette que la présence militaire soit aujourd'hui très éloignée des territoires et j'estime que le DMD devrait disposer d'un correspondant militaire au niveau des arrondissements, des sous-préfectures, qui puisse effectuer la tournée des communes. En la matière, nous devrions prendre exemple sur nos voisins suisses, qui sont plus avancés que nous.
Ensuite, vous avez évoqué les risques climatiques. Je souligne à nouveau que les ressources financières des collectivités sont limitées. Les maires agissent dans l'urgence pour accompagner les citoyens, les reloger, leur fournir un soutien moral et physique immédiat, mais dans la durée, nous ne savons pas répondre. La question des reconstructions nécessite à chaque fois l'établissement de mini plans Marshall. Dans notre région, nous sommes soumis aux risques sismiques et aux inondations, au-delà des risques avalancheux, qui sont globalement maîtrisés. Cet automne, nous avons été confrontés à un certain nombre de glissements de terrain, qui nécessitent l'intervention du département, lequel est très proactif.
Dans de telles circonstances, nous faisons appel aux autres collectivités et à l'État, car en tant que communes, nous sommes démunies, faute de moyens financiers. Au sein de notre communauté de communes, je suis vice-président, chargé de l'économie et de la mutualisation. Le plan intercommunal de sauvegarde permet de faire appel aux moyens environnants pendant l'urgence de la crise, notamment grâce au travail remarquable des sapeurs-pompiers. En revanche, dans la durée, les difficultés sont plus compliquées à traiter et nécessitent l'acheminement de ressources. Ces ressources doivent être bien identifiées et répertoriées, dans le cadre d'une planification de qualité.
Depuis la circulaire du 26 octobre 2001, chaque commune doit désigner parmi ses conseillers municipaux un correspondant à la défense. Ce correspondant a pour rôle de faire le lien entre nos forces armées et a vocation de renforcer et d'étendre le réseau local de la défense sur notre territoire. Pour avoir été maire d'une petite commune rurale, j'ai pu constater que les élus investis de ces missions disposent en réalité de peu de légitimité et sont sans moyens réels pour accomplir leurs fonctions.
À titre d'exemple, à la commune de Rimplas, entre 2014 et 2024, nous n'avons eu aucun contact de quelque nature que ce soit avec le délégué militaire départemental, ni aucun appel du ministère des armées. En conséquence, l'élu en charge n'a reçu, pour seule formation et information, que quelques documents fournis par la délégation à l'information et à la communication de la défense (Dicod).
À l'heure où la guerre est à nos portes, à l'heure où l'avenir semble incertain, ne serait-il pas opportun de nous appuyer réellement sur ces élus locaux engagés, sur ces correspondants défense, qui peuvent constituer un véritable relais permettant de rendre efficient ce lien armée-nation si important ? Quelles actions pouvons-nous entreprendre afin de dynamiser cette fonction, lui donner une vraie reconnaissance et la sortir de son rôle périphérique et accessoire ?
Les derniers termes que vous avez formulés résument bien la situation. Dans notre commune, nous sommes structurés de manière quasiment militaire. Notre correspondant de défense tient parfaitement son rôle, mais il n'est pas forcément identifié au sein de notre commune ; rien ne le distingue des autres élus. Il faudrait donc le doter d'un véritable statut, mieux reconnu.
Ensuite, faute d'avoir un représentant au niveau de l'arrondissement, le DMD n'est pas en mesure de faire la tournée de toutes les communes. Je le redis : les missions du DMD devraient être accrues, il ne peut pas se contenter de n'être que le conseiller défense du préfet. Ce poste de DMD a longtemps été considéré comme un poste de seconde zone, mais il est en réalité incontournable pour répondre à la multiplication des crises, qu'elles soient civiles, climatiques ou sociales dans une société aujourd'hui confrontée à des difficultés majeures. Les correspondants défense doivent être clairement identifiés, au moins dans les villes. Peut-être faudrait-il également imaginer un correspondant défense intercommunal ou au niveau de l'arrondissement, pour prendre en compte les petites communes.
Madame la députée, un guide des correspondants défense a été créé en 2023 par le ministère des armées. Si un travail demeure à accomplir pour passer de l'intention à la réalisation, il convient de relever cet effort. Ensuite, le ministère des armées conduit également un travail sur l'emploi des conjoints de militaires mutés, notamment sur la manière dont les collectivités territoriales pourraient favoriser l'accès à certains emplois territoriaux dans le cadre des mutations, en fonction des besoins locaux.
Je rappelle avoir envoyé aux députés le guide des correspondants défense réalisé sous l'impulsion du ministère des armées. En outre, à son échelle, notre commission a peut-être un rôle à jouer dans l'animation de ces correspondants défense. Nous avons rassemblé hier 500 d'entre eux en visioconférence. Ils étaient particulièrement satisfaits de cette interaction.
Vous avez évoqué les correspondants défense, mais je souligne qu'il est également possible d'aller chercher l'information auprès de la Dicod. Cependant, la défense globale passe aussi par la reconnaissance de l'engagement au niveau des mairies, selon plusieurs niveaux. Pouvez-vous nous nous indiquer le nombre de mairies qui ont signé une convention avec la garde nationale pour permettre à leur personnel de participer à une réserve ? Il serait intéressant de connaître l'implication des maires dans ce domaine, afin de permettre aussi cet engagement et cette défense globale.
L'engagement et la reconnaissance sont également illustrés par les jeunes qui suivent le SNU. De quelle manière assurez-vous sa promotion ? Comment accompagnez-vous ces jeunes, comment leur témoignez-vous votre reconnaissance lors des cérémonies patriotiques ou des cérémonies des vœux ? Cet engagement peut également intervenir à travers les classes de défense. Comment les accompagnez-vous ? À ce titre, vous avez indiqué que deux générations de jeunes devaient être « réinculquées ». Pour ma part, je préfère employer le terme « d'accompagnement » et leur faire confiance, sans chercher à les réinculquer.
En dernier lieu, la défense globale passe également par la transmission, la nécessité de raconter l'histoire pour faciliter la mémoire. Je pense notamment à la journée patriotique fériée du 8 mai. Initialement, ce jour était férié pour permettre aux citoyens de se rendre aux cérémonies patriotiques. Mais force est de constater que nous sommes de moins en moins nombreux à assister à ces cérémonies. De quelle manière le quatre-vingtième anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale sera-t-il célébré en 2025 ? Comment repenser éventuellement ces cérémonies ? Historiquement, le président Giscard d'Estaing avait supprimé le caractère férié du 8 mai, avant que celui-ci ne soit réintroduit par le président Mitterrand en 1980. Chers collègues, peut-être devons-nous réinventer ce nouveau modèle.
La reconnaissance de l'engagement doit être matérialisée, par exemple par la remise de récompenses, de décorations comme les médailles de service volontaire, les médailles de réserviste, qui existent déjà. Pour ma part, je veux une réserve communale, mais immédiatement, pas uniquement pour le plan Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile). J'estime que les fonctionnaires territoriaux qui partent à la retraite devraient, pendant cinq ans, être intégrés d'office dans une réserve communale, comme cela est le cas pour les anciens militaires. Cette réserve, aujourd'hui appelée « réserve de sécurité civile », devrait être permanente, tant les besoins des maires sont quotidiens. Il nous faut, dès maintenant, créer une réserve communale. J'ajoute que certaines personnes demeurent malgré tout disponibles pour le volontariat et que le service national universel pourrait également devenir un vivier. De leur côté, les cadets de la gendarmerie ont été créés pour intervenir dans des territoires particulièrement sensibles.
Le SNU doit désormais prendre toute sa dimension universelle et son volet extramilitaire doit devenir une réalité, pour assurer une mission d'intérêt général, le plus rapidement possible. Nous avons besoin de cette ressource et je regrette n'avoir pas vu à ce jour de jeunes du SNU sur ma commune. Il en va de même pour les autres maires de mon intercommunalité. De la même manière, ils ne sont pas suffisamment informés des actions de la Dicod. Enfin, j'indique que l'épouse du général Lecointre a réalisé un opuscule remarquable sur la cérémonie militaire, que je vous recommande. J'ai commandé plusieurs milliers d'exemplaires de ce document, que je ferai distribuer aux enfants de mon territoire.
L'Association des maires de France a rencontré Mme la préfète Corinne Orzechowski, responsable de la préfiguration de la délégation générale du SNU. Il est question d'utiliser les quatre-vingt-quatre heures de mission d'intérêt général (MIG) au profit des communes. À cet effet, a été créé un logiciel permettant de cibler les jeunes qui seraient disponibles. Concrètement, une commune ou une intercommunalité effectuerait une demande de MIG. Les jeunes qui ont déjà réalisé la première phase du SNU pourraient effectuer leur MIG en s'associant à la démarche, par exemple dans le domaine de la lutte contre les atteintes à l'environnement. Pour le moment, le SNU n'a pas atteint sa vitesse de croisière et les communes attendent des éclaircissements sur ses modalités, qu'elles espèrent simples. Tel a été le message que l'AMF a porté auprès de Mme la préfète lors de notre entrevue.
La question de l'implication des communes et, plus largement, celle des différents acteurs locaux dans notre défense, est primordiale. Le groupe socialiste s'inscrit dans une tradition décentralisatrice, avec la volonté d'associer plus largement les territoires et les acteurs locaux dans la conduite de la politique de la nation.
Élue d'un territoire riche en activités et implantations militaires, il me semble nécessaire de repenser l'implication de nos communes dans notre appareil de défense nationale. Durant la tempête Ciarán, les maires se sont ainsi retrouvés en première ligne. Plus largement, en cas de crise majeure, les maires ont un rôle stratégique à jouer, y compris lorsque les services de l'État sont eux-mêmes en difficulté.
La revue nationale stratégique, qui vise à préparer notre pays à de potentielles crises majeures, n'aborde pas le rôle des communes au sein de notre défense nationale. Le volet territorial de notre défense semble délaissé, de même que les acteurs locaux concourant à celle-ci. Selon vous, que cela traduit-il ? Aussi, pouvez-vous nous communiquer quelques pistes de réflexion quant aux prérogatives nouvelles que les maires et élus municipaux pourraient se voir conférer dans le cadre de notre défense globale ?
Par ailleurs, je souhaite évoquer la résilience des réseaux, notamment les réseaux de télécommunications et les réseaux électriques. Comment ce sujet peut-il être abordé dans l'optique d'une meilleure gestion des crises ?
Enfin, vous avez rappelé la situation géographique de votre commune frontalière avec la Suisse. Pouvez-vous nous détailler davantage les différences que vous observez entre vos prérogatives en matière de défense et celles de vos homologues helvétiques ? Observez-vous des différences structurelles fondamentales entre le modèle suisse de défense territoriale et le modèle français ?
Je vous remercie pour votre question sur l'implication des communes dans la défense nationale. Je dispose d'une police municipale de sept agents, mais je considère que la défense opérationnelle du territoire (DOT) est essentiellement assurée par la gendarmerie, qui est impliquée territorialement. Naturellement, le maire reste le représentant de la France et du drapeau dans sa commune ; il doit être debout et présent. Lors de la pandémie, que le Président de la République avait caractérisée comme une situation de guerre, tous mes administrés se tournaient vers moi. Encore une fois, un immense travail doit être réalisé en lien avec l'État, qui doit assumer l'entièreté de sa responsabilité régalienne. De son côté, le maire assume la sienne, à son niveau, c'est-à-dire la protection et la défense de ses administrés et, dans les opérations de sécurité civile, le renforcement des communes voisines.
Ensuite, vous avez évoqué les problèmes concernant les réseaux. Dans le cas d'une coupure de réseau, le pouvoir du maire est limité ; il ne fait que la constater avant de faire intervenir les services. En cas de coupures d'électricité pendant plusieurs jours, le maire agit de son mieux pour porter secours à la population, en accueillant les sinistrés dans les centres d'hébergement, dans des salles collectives, voire en les relogeant provisoirement à l'hôtel. En revanche, il ne peut régler à lui seul le problème des coupures. Lors de sa présidence, François Roussely a mis en place un service de réservistes d'EDF, qui fonctionne relativement bien.
Les problèmes relatifs aux réseaux informatiques et au risque cyber sont plus inquiétants et, désormais, toutes les communes sont menacées. Dans la nôtre, nous avons consenti un très grand effort, mon correspondant défense étant particulièrement sensibilisé à cette question. Nous avons remis à niveau notre organisation informatique, avons créé une chambre sécurisée, avec des réseaux consolidés et des mesures de sécurité spécifiques. Cependant, le risque zéro n'existe pas et il nous est déjà arrivé d'être infectés par un virus qui provenait de la préfecture.
Je souhaite d'abord saluer vos engagements, Monsieur le maire, et avoir une pensée pour les élus et maires de ma circonscription, qui sont des anciens militaires, et pour l'ensemble de nos correspondants défense. Le groupe Horizon a choisi d'inscrire dans sa niche un texte sur la réserve communale qui, malheureusement, n'a pas pu aller au bout, compte tenu de la lenteur des débats sur d'autres textes. Ce texte visait d'abord à accroître la connaissance de cette réserve et à faciliter la mobilisation.
Mon département, le Cher, est une terre de défense à plusieurs titres : la base aérienne 702 d'Avord, les écoles militaires du train et du matériel et l'industrie de l'armement. Notre réseau de correspondants défense se réunit régulièrement lors de séminaires où ils sont conviés.
Jeudi dernier, à l'occasion de la visite de Sébastien Lecornu sur la base aérienne d'Avord, certaines collectivités ont signé une lettre d'intention en vue de l'établissement d'une convention entre les armées et les collectivités locales, notamment pour accompagner les familles de militaires. Quel est le rôle de l'AMF dans le déploiement de ces conventions sur l'ensemble du territoire français ? Combien de communes sont-elles concernées ?
Ce sujet est évidemment pris à bras-le-corps par l'AMF et il sera traité de manière prioritaire, en fonction des installations existantes. Les efforts en direction des familles de militaires sont menés dans le cadre d'une périphérie raisonnable, celle des bases de défense qui sont essentiellement implantées dans les grandes agglomérations. De notre côté, nous ne pouvons qu'accompagner le mouvement, faire œuvre de facilitation et de sensibilisation.
De mon côté, j'agis également en sens inverse, pour mettre le monde civil – en particulier les entreprises – en contact avec le monde militaire. Dans ma commune est implantée une entreprise de matériel médical spécialisée dans les aiguilles et les seringues, qui a conçu un bistouri innovant, dont elle a déposé le brevet. J'ai mis le dirigeant de cette entreprise en contact avec le service de santé des armées, afin qu'il teste ce bistouri en campagne.
En résumé, l'aide aux familles de militaires a toujours constitué une préoccupation de l'AMF, mais elle ne peut intervenir que dans un périmètre bien identifié, celui de l'implantation des bases de défense.
Je cède la parole aux membres de la commission qui souhaitent poser des questions complémentaires.
Il a été beaucoup question ce matin du lien entre la nation et la jeunesse, et notamment du dispositif des classes défense, des cadets de la défense ; sujets qui me mobilisent particulièrement. Les émeutes de juin 2023 ont mis en évidence une nette dégradation du respect de la loi et des valeurs sur lesquelles est fondé le civisme, compromettant au niveau de différentes communes, le lien social et les perspectives d'avenir, dégradant l'image de la France en obérant sa capacité à relever de multiples défis, dont le défi démocratique.
Notre pays souffre actuellement d'une grave crise civique. Le repli individualiste et le creusement des inégalités éducatives et sociales ont affaibli les valeurs de solidarité et de fraternité qui fondaient la grandeur de notre pays. Le sens du projet collectif est à reconstruire. Compte tenu de sa légitimité historique, la commune, en tant que creuset de la citoyenneté, ne constituerait-elle pas un des leviers possibles face aux maux contemporains de notre société ?
En parallèle des cadets de la défense et des cadets de la gendarmerie, et en tenant compte naturellement des spécificités de l'échelon communal et de la complexité de la mission fondamentale de sécurité de proximité que remplit pleinement l'institution de la police municipale, la création d'un dispositif des cadets de la police municipale dans les communes volontaires n'apparaîtrait-il pas comme un instrument privilégié pour relever le défi de la sécurité locale et de la formation à la citoyenneté des plus jeunes ?
J'ai eu la chance d'être maire d'une commune pendant vingt-trois ans et d'avoir été pendant plusieurs années membre du conseil d'administration de l'AMF, où j'ai connu Mme Fontaine. Je suis donc très heureux de vous recevoir aujourd'hui dans le cadre de cette audition sur le rôle que les communes peuvent jouer en matière de défense globale.
Comme bon nombre de mes collègues, je suis élu dans une circonscription très rurale, intégralement située dans une zone gendarmerie. Mon territoire est principalement composé de petites communes au sein desquelles il peut parfois être difficile de promouvoir l'esprit de défense auprès des administrés et de développer le lien nation-armée. À ce titre, les correspondants dont vous avez parlé doivent constituer un relais d'information sur les questions de défense auprès du conseil municipal et des habitants.
Si, à ce jour, la quasi-totalité des communes françaises se sont dotées d'un correspondant défense, traduisant un réel engagement des élus, l'implication des correspondants eux-mêmes semble parfois être trop éloignée des ambitions affichées par le ministère des armées. Le dispositif des correspondants défense est intéressant dans l'optique de renforcer le lien entre les communes et la défense nationale, mais également en vue d'impliquer davantage les citoyens.
Qu'envisagez-vous néanmoins pour améliorer l'efficacité et l'effectivité d'un tel dispositif et quels autres dispositifs les communes peuvent-elles développer pour accroître leur rôle au sein de la défense ?
Monsieur le maire, mon général, je partage évidemment vos propos. La défense globale suppose une profondeur du territoire et la perte de culture générale DOT affecte la prise de conscience des enjeux.
Je tiens à vous faire part d'une expérience personnelle. J'ai été maire d'une petite commune et demeure conseiller départemental après avoir été président de mon département. La Seine-et-Marne compte 506 correspondants défense, mais ne dispose malheureusement plus d'aucune emprise militaire, en dehors de l'École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN), de la dissuasion nucléaire à Sainte-Assise et d'un petit service de l'énergie opérationnelle à Varennes. Grâce à un délégué militaire départemental très actif, nous avons pris la décision d'organiser tous les six mois un séminaire des correspondants défense. À ma grande surprise, sur 500 communes, 250 se sont déplacées. Il existe donc une appétence. L'AMF pourrait peut-être militer en faveur de la généralisation d'une réunion avec les correspondants défense.
Ensuite, nous avons choisi de signer un certain nombre de contrats avec les communes de mon département, pour réserver des places de crèche pour les familles des cadres de l'EOGN. Comment encourager l'ensemble des maires à porter de telles initiatives ? La défense globale et nos communes sont évidemment en première ligne.
Je vous remercie pour le temps que vous nous consacrez ce matin et je note avec intérêt vos remarques, notamment sur le rôle des DMD, leur implantation et leur maillage territorial. En effet, je pense que les grandes ambitions, en matière de défense globale comme dans d'autres domaines, s'accommodent assez mal des grandes obsessions pour la réduction des dépenses publiques.
Ensuite, la problématique cyber monte singulièrement en puissance et en intensité, notamment pour les collectivités territoriales. L'aspect curatif de la cybersécurité est bien connu. En revanche, l'aspect préventif peut sembler beaucoup plus délicat à aborder en raison d'un manque de moyens, mais aussi d'éléments de posture et d'éléments d'ambiance un peu plus difficiles à appréhender. Pouvez-vous évoquer plus en détail ces sujets, particulièrement le volet préventif ? L'AMF dispose-t-elle de revendications et de propositions en la matière ? Pensez-vous que les maires se sentent aujourd'hui plus concernés qu'hier par ces questions ?
Permettez-moi à mon tour de vous dire à quel point nous sommes heureux de vous recevoir aujourd'hui en tant que représentants de l'Association des maires de France. Je me sens d'autant plus concerné, car ma circonscription comprend la belle ville de Castelnaudary, où est stationné le 4ème régiment étranger de la légion étrangère, ainsi que l'incontournable cité de Carcassonne, dont la ville abrite le 3ème régiment de parachutistes d'infanterie de marine.
Monsieur le maire, malgré un contexte international lourd et pesant, j'aimerais vous interroger sur un sujet assez spécifique, celui des conjoints – le plus souvent les conjointes – de militaires. Soyons honnêtes, elles sont souvent les grandes oubliées des débats. La réforme des retraites de l'an dernier, imposée par le gouvernement, a d'ailleurs mis en lumière cet oubli flagrant des conjoints de militaires dans le calcul de leur retraite, malgré des carrières marquées par les interruptions dues à l'engagement de leurs maris au service de la France.
L'AMF formule-t-elle des conseils pour les maires dont les communes abritent une emprise militaire, pour aider les familles de militaires, en particulier les conjoints, à s'installer, trouver un travail ou une crèche pour leurs enfants ? Nous savons que les maires fournissent souvent des efforts importants pour intégrer les familles, mais quelles améliorations spécifiques le législateur pourrait-il apporter pour faciliter l'intégration des conjoints ?
Je ne peux que partager le constat sur la grave crise civique que nous traversons. Je laisse M. Denis Mottier vous répondre au sujet des cadets de la police municipale.
Madame la députée, l'AMF a été saisie très récemment du projet de cadets de la police municipale. Elle a instruit le dossier et émis un avis favorable à son expérimentation, qui devrait avoir lieu en fin d'année sur la commune de Cannes. L'idée consiste à transposer le dispositif existant pour les cadets de la police nationale et de la gendarmerie nationale, au niveau municipal.
Le premier avantage que nous y voyons concerne le recentrage du service citoyen du jeune sur la commune d'appartenance ou les communes environnantes. Le projet est ainsi fondé sur la création d'une association, ce qui permettra, notamment en milieu rural, à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de porter le projet et de le raccrocher à une commune du territoire dotée d'une police municipale.
Un second avantage consiste à créer grâce à ce dispositif un vivier de recrutement pour la police municipale, les concours de la police nationale et de la gendarmerie nationale, voire des armées. Les jeunes pourront ainsi expérimenter sur le terrain ces actions, dont ils ont souvent une image assez lointaine et se faire une idée de ces métiers. J'ajoute que le dispositif pourra être mutualisé avec le service localisé SNU à la main du maire. Notre objectif consiste à faire de ces cadets de la police municipale des acteurs auprès des maires, dans les domaines de la sécurité, de la prévention de la délinquance et de la sécurité publique.
Vous nous avez également interrogés sur les correspondants défense, un dispositif intéressant, mais qui doit être complètement identifié, reconnu et intensifié. Ensuite, il est impératif que les DMD voient leur rôle élargi et plus structuré. Je suis également favorable à la tenue d'au moins une réunion des correspondants défense par trimestre, de manière tournante et non uniquement au chef-lieu du département. Ce correspondant défense doit être reconnu, y compris visuellement et nous devons mieux expliquer son rôle à nos concitoyens, qui sont naturellement plus préoccupés par les problématiques scolaires ou les sujets du quotidien.
Je laisse M. Mottier évoquer plus en détail les actions de l'AMF en matière de cyber, en soulignant néanmoins que les attaques ne cessent de se multiplier et que la tendance ne fera que se renforcer, sans parler des développements de l'intelligence artificielle. À ce sujet, je pense qu'il sera nécessaire d'établir un commandement de l'intelligence artificielle dans les armées.
Le travail de l'AMF sur le cyber est porté par deux commissions : la commission numérique et la commission de la prévention de la délinquance et de la sécurité. Ces deux commissions ont travaillé de manière privilégiée ces dernières années en matière de prévention. L'AMF fait ainsi partie du groupement d'intérêt public « Action contre la cybermalveillance » (GIP Acyma). À ce titre, elle participe aux remontées d'alertes.
La gendarmerie travaille également avec le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace, notamment par la diffusion auprès des maires des petites communes d'un dispositif « Immunité cyber », devenu « Diagonal », un questionnaire d'attention porté aux maires. Le diagnostic établit ensuite des couleurs en fonction de la situation, allant du vert au rouge. Selon les données de la gendarmerie, de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et de l'AMF, un certain nombre de communes ont été victimes d'attaques cyber et leur niveau de protection n'est pas adapté.
De manière pratique, lorsque les collectivités sont conscientes de l'enjeu, elles sont confrontées à deux questions. La première concerne le budget qu'il leur possible d'y consacrer, compte tenu des contraintes financières bien connues ; la seconde a trait aux solutions adaptées qu'elles peuvent mettre en œuvre. Dans le cadre de la transposition de la directive NIS 2, l'AMF travaille pour rapprocher la capacité des communes de l'exigence réglementaire et de l'exigence de résilience, en fonction d'une capacité industrielle et commerciale, qui doit être souveraine. À ce sujet, des questionnements voient le jour en matière de stockage et de diffusion des données, des obligations. En résumé, les questions essentielles sont les suivantes : comment le fait-on et combien cela coûte-t-il ?
Je considère que des actions ont été menées en faveur de l'accompagnement des conjoints de militaires, à commencer par le plan Famille.
La question des conjoints et des conjointes constitue effectivement un sujet de taille dans les armées et la gendarmerie. Il est pris en compte, mais nécessite d'effectuer un travail de dentelle, comme tout sujet de ressources humaines. Les solutions sont naturellement plus simples à trouver autour des grandes agglomérations plutôt que dans les déserts industriels. L'AMF a rencontré le ministère des armées à ce sujet et s'efforce de faire correspondre certains emplois de la fonction publique territoriale à la mobilité des conjoints. Malheureusement, dans certains cas, les difficultés sont parfois insurmontables, en raison de situations familiales extrêmement difficiles.
En guise de conclusion, je tiens à vous dire à quel point j'ai eu plaisir à échanger avec la représentation nationale sur des sujets de cette nature, aujourd'hui plus prégnants que jamais.
Je vous remercie pour ces contributions, qui nous permettent d'enrichir nos réflexions sur la défense globale. J'en profite pour saluer l'engagement des maires, des correspondants en défense, mais également des militaires de l'organisation territoriale interarmées de défense, les officiers généraux de zone de défense et de sécurité et les délégués militaires départementaux. À l'issue de notre cycle d'auditions, il nous faudra sans doute effectuer des recommandations à ce propos si nous voulons vivifier la défense dans nos territoires.
Pour ma part, je suis prêt à expérimenter la réserve communale, dès demain.
La séance est levée à dix heures trente-cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Denis Bernaert, M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, M. Hubert Brigand, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Christelle D'Intorni, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Olivier Dussopt, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Jean-Michel Jacques, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Gisèle Lelouis, Mme Jacqueline Maquet, Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes), Mme Pascale Martin, Mme Michèle Martinez, M. Frédéric Mathieu, M. Christophe Naegelen, Mme Anna Pic, M. François Piquemal, Mme Valérie Rabault, M. Julien Rancoule, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Aurélien Saintoul, M. Philippe Sorez, M. Bruno Studer, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Mélanie Thomin, Mme Corinne Vignon
Excusés. - M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, Mme Anne Genetet, Mme Murielle Lepvraud, M. Olivier Marleix, Mme Lysiane Métayer, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Fabien Roussel, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, Mme Nathalie Serre, Mme Sabine Thillaye
Assistait également à la réunion. - M. Mickaël Bouloux