La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.
(Présidence de Mme Isabelle Rauch, présidente)
La commission auditionne Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, je suis heureuse de vous accueillir à nouveau, après que notre commission vous a reçue pour la dernière fois à l'automne dernier lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024. L'enseignement supérieur et la recherche nous intéressent au premier chef et, avant de vous céder la parole, je souhaite vous poser trois questions qui font écho à l'actualité.
Dans le cadre du plan d'économies budgétaires de 10 milliards d'euros élaboré par le Gouvernement, le ministère de l'économie et des finances a annulé 904 millions d'euros des crédits pour 2024 de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (Mires). Cette décision suscite de fortes inquiétudes, dans le monde universitaire en particulier. Pourriez-vous détailler précisément sur quelles actions et politiques publiques porteront ces annulations de crédits ?
La précarité dans laquelle vivent de nombreux étudiants nous préoccupe vivement. Le Gouvernement s'est engagé dans une indispensable réforme du système des bourses sur critères sociaux dont la première étape a consisté à revaloriser leur montant et à augmenter les plafonds de ressources conditionnant l'éligibilité. Des évolutions structurelles sont maintenant attendues ; où en est-on ?
Enfin, nos collègues Béatrice Descamps et Estelle Folest travaillent depuis plusieurs mois sur la régulation de l'enseignement supérieur privé à but lucratif. Votre ministère a annoncé la création d'un label. Quel en sera le champ d'application ? Quelles sont les éventuelles autres pistes de régulation envisagées ?
À l'heure de toutes les transitions dans un monde en proie à des crises multiples, les contributions du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sont essentielles. Je reviendrai donc sur les axes du projet que je mène après qu'il m'a été confié par le Président de la République et le Premier ministre.
Il nous faut avant tout continuer de libérer les potentiels en œuvrant pour l'émancipation de nos chercheurs et de nos étudiants selon le cap tracé par le président de la République le 7 décembre dernier dans son discours sur l'avenir de la recherche en France. Son propos se décline en trois points : placer la science au cœur de nos décisions et renforcer l'attractivité des métiers scientifiques, de la recherche en particulier ; clarifier les modalités de pilotage des organismes nationaux de recherche et des universités ainsi que leurs rôles respectifs ; gagner en simplicité pour redonner du temps de recherche aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs.
Dans la réalisation de ces objectifs, les organismes nationaux de recherche, les universités et les écoles ont un rôle majeur à jouer, en complémentarité et non en concurrence, ce qui implique une articulation renforcée. À cette fin, les organismes nationaux de recherche seront transformés en agences de programme. Chacune devra définir des thématiques de recherche prioritaires, organiser la veille scientifique dans son domaine et déployer efficacement les programmes de recherche nationaux. D'autre part, l'acte II de l'autonomie des universités sera mis en œuvre ; elles auront une place centrale en tant que chef de file de l'organisation de la recherche scientifique sur leur territoire. Enfin, un grand choc de confiance doit permettre à nos chercheurs et enseignants-chercheurs de regagner du temps utile à la recherche grâce à des mesures de simplification efficaces. Notre objectif est aussi de construire et de consolider un leadership français dans certains domaines scientifiques prioritaires afin que la France accompagne et soutienne les transformations techniques, sociétales, sanitaires et environnementales en cours. Je forme également le vœu que les travaux de nos chercheurs, qui révolutionnent la médecine, la connaissance de l'univers et celle des sociétés, soient mieux mis en valeur, en particulier dans les media.
Nous devons donc continuer à faire évoluer l'offre de formation pour donner à notre jeunesse les moyens de relever les défis du monde de demain et faire de nos étudiants les acteurs de leur destin et de celui de la Nation. Pour cela, il nous faut adapter l'offre de formation, en particulier celle du premier cycle ; mieux orienter les futurs étudiants dès le lycée sinon plus tôt ; cerner les besoins auxquels nous voulons répondre. Nous avons déjà fait beaucoup avec la réforme des bachelors universitaires de technologie et le développement de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur. Il nous faut poursuivre, et aussi redoubler d'efforts au sein des établissements.
Pour que la formation soit un véritable levier d'émancipation, elle doit être un instrument de lutte contre les fractures sociales, ainsi garante de l'égalité des chances. Être ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est être ministre des étudiants. Je suis consciente des difficultés que connaissent certains d'entre eux et l'une de mes priorités a toujours été d'améliorer leurs conditions de vie et d'études et d'assurer à tous les mêmes chances de réussite dans l'enseignement supérieur. C'est pourquoi nous poursuivons le vaste et nécessaire chantier de la réforme du système de bourses sur critères sociaux, encore imparfait. En 2023, la première étape s'est traduite par l'accroissement du nombre de boursiers et la plus forte augmentation des bourses depuis dix ans. Pour aider davantage ceux qui en ont le plus besoin, la deuxième étape consistera en la modification structurelle du dispositif pour le rendre plus redistributif, plus efficace et plus cohérent avec les autres prestations sociales dès la campagne 2025. Nous demeurons vigilants pour chaque enjeu de la vie étudiante, dont la restauration et le logement, domaines dans lesquels nous appliquons les mesures annoncées dernièrement.
Renforcer l'égalité et œuvrer en faveur de la justice sociale, c'est aussi participer à la construction d'une société soudée et unie contre les violences. Le « vivre ensemble » repose sur des relations saines et bienveillantes, le refus de nuire et de porter atteinte à autrui, le respect de l'altérité. C'est pourquoi j'ai fait une priorité absolue de la lutte contre tout ce qui vient heurter notre cohésion : l'antisémitisme et toute forme de violence ou de discrimination.
J'en viens au plan d'économies et aux 904 millions d'euros de crédits annulés pour la recherche et l'enseignement supérieur. Cette contraction concerne l'ensemble de la Mires. Pour les trois programmes dont j'ai la responsabilité, les annulations de crédits, fixées à 588 millions d'euros, concernent essentiellement trois champs. La plus grosse part s'impute, à hauteur de 434 millions, sur les réserves de précaution. Elles se traduisent aussi par le report de projets pluriannuels immobiliers, d'investissements ou d'équipements de recherche ; nous nous donnons quinze jours pour définir ce qui aura le moins d'impact à court terme cette année et qui pourra être redéployé les années suivantes. L'annulation de crédits se traduira encore par des ajustements sur des accords bilatéraux et sur les appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR), sans revenir en arrière ; nous tenons à conserver le taux de succès augmenté que nous avons obtenu et nous nous attacherons à redéployer ces projets au cours des années à venir.
Même compte tenu de ces annulations de crédits, le budget de mon ministère reste en hausse en 2024 et, de manière générale, les moyens de fonctionnement de l'ensemble des organismes, universités et écoles relevant de mon ministère sont préservés. C'est le cas pour les moyens clés des organismes de recherche, les universités et les écoles pour le volet recherche, et pour les mesures relatives aux ressources humaines contenues dans la loi de programmation de la recherche (LPR) pour l'ensemble des établissements. La LPR et le plan d'investissements d'avenir France 2030 démontrent la confiance que le Gouvernement place dans la recherche française. Ces fonds sont préservés.
Tous les engagements relatifs à la vie étudiante seront tenus, qu'il s'agisse du logement, de la restauration ou du versement des bourses à l'ensemble des bénéficiaires éligibles. En particulier, pour le programme Vie étudiante, le budget des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) n'est pas affecté : les annulations portent uniquement sur la réserve de précaution. Dans le programme Enseignement supérieur et recherche universitaire, seuls les projets immobiliers seront reportés, à l'exclusion des projets de logements étudiants qui ne seront pas touchés.
Nous sommes dans la phase de reprogrammation des dépenses. Des précisions pourront vous être apportées dans les semaines à venir sur la répartition de ces économies par rubriques. Même si leur impact à court terme est contenu, je ne cache pas que ces économies sont difficiles. Elles doivent être envisagées en rapport avec la situation budgétaire globale et avec nos objectifs nationaux.
Le ministre des finances a annoncé un plan de 10 milliards d'euros d'économies pour adapter le pays à un taux de croissance revu à la baisse et poursuivre l'objectif de maîtrise de la dépense publique. La Mires est l'une des missions budgétaires les plus touchées, notamment le programme 172 qui finance les organismes et infrastructures de recherche ; ces crédits avaient pourtant été augmentés à la fin de 2023 pour respecter la LPR, qui vise à ce que la France compte plus de chercheurs et des chercheurs mieux rémunérés et mieux soutenus. Quant à l'annulation de 125 millions d'euros de crédits concernant la vie étudiante, elle a suscité une forte incompréhension et une grande inquiétude au sein des organisations étudiantes. Parce que nos étudiants doivent être davantage et mieux accompagnés, vous réformez le système des bourses. Vous venez d'expliquer comment la réduction des crédits budgétaires se déclinerait tout en continuant à porter nos ambitions pour la recherche rappelées par le Président de la République en décembre dernier. La révision budgétaire menace-t-elle, dans son calendrier ou dans son ampleur, la réforme des bourses annoncée pour la rentrée 2025 ?
Il y a quelques jours, nous avons appris avec effarement que près d'un milliard d'euros seraient supprimés du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette annonce a suscité l'effroi dans le milieu de la recherche, déjà fortement éprouvé. L'action du Gouvernement est proprement destructrice. La recherche et le développement connaissent aujourd'hui une évolution sans pareille. Les États-Unis et la Chine investissent en conséquence mais, en France, on se permet de supprimer des financements, alors même que le Gouvernement s'était engagé à respecter l'objectif fixé dans la stratégie de Lisbonne de consacrer 3 % du PIB aux dépenses de recherche et développement, et que le Président de la République avait juré en décembre dernier de continuer de donner plus de moyens à la recherche. Nous étions déjà en retard ; chaque année qui passe accroît ce retard. Nous le paierons car cela nous contraindra à rester dépendants de pays tiers en matière d'innovation, alors que la fuite des cerveaux ne fera que s'aggraver.
Enfin, quel signal cela donne-t-il à nos jeunes qui peinent tant à poursuivre leurs études supérieures, avec des conditions de vie très difficiles ? Ils vont payer et endurer les conséquences de votre gestion économique désastreuse. Vos choix politiques, ce sont moins de possibilités d'études, et donc moins d'emplois qualifiés. Madame la ministre, laisserez-vous la jeunesse à l'abandon, obligée de s'exiler pour étudier et travailler ? Continuerez-vous de laisser se creuser un fossé de plus en plus profond entre la France et les pays qui misent sur la recherche et leur jeunesse, où allez-vous enfin revoir votre copie pour avancer dans le sens du bien commun pour la France et cesser de mépriser de notre jeunesse ?
Le président Emmanuel Macron n'est plus à une contradiction près. Le 7 décembre 2023, il estimait que « la France est un grand pays de recherche et doit le demeurer » – ce sont les mots. Deux mois plus tard, le Gouvernement publie un décret annulant 10 milliards d'euros de crédits, dont plus de 900 millions d'euros des crédits de la Mires. Votre ministère, madame, est le troisième plus fortement touché par l'austérité – ce sont les actes. Avant ces annonces déjà, la France plongeait. En 1993, notre pays consacrait 2,3 % de son PIB à la recherche et au développement ; nous nous classions à l'époque au quatrième rang des pays de l'OCDE mais nous étions largement au-dessus de la moyenne européenne, qui était de 1,6 %. Trente ans plus tard, la France est passée au 18e rang des pays de l'OCDE, avec un effort de recherche de 2,2 % du PIB, dans la moyenne européenne.
Depuis 2017, votre majorité met en œuvre une politique délibérément défavorable au savoir et au service public de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il y a une certaine cohérence entre les coupes budgétaires et le discours d'Emmanuel Macron en appelant en décembre 2023 à l'Acte II de l'autonomie des universités. Ainsi, les universités ne pourront pas organiser la saignée de leurs réserves sans baisser les salaires réels et les recrutements, puisque les mesures de revalorisation salariale n'étaient déjà compensées par l'État que pour moitié – mais puisqu'elles sont autonomes, elles n'ont qu'à se débrouiller ! Le président de la République préconisait la refondation des missions dévolues aux établissements de recherche tels que le CNRS, avec la volonté à peine cachée de les démanteler progressivement et d'en finir avec le statut de chercheur. C'est cohérent avec les coupes massives dans le programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires qui supporte plus d'un tiers d'économies. Les chercheurs et les universitaires sont fatigués, et nous sommes très loin de l'émancipation des acteurs que vous revendiquez. Jamais le besoin de recherche scientifique et de qualifications pour nos jeunes n'a été aussi important ; peut-être serait-il temps, madame la ministre, que vous démissionniez pour protester contre ces politiques qui nous mènent dans le mur.
Il y a quelques jours, les budgets de l'enseignement supérieur et de la recherche ont été amputés de près d'un milliard d'euros. Ils font partie des domaines les plus touchés par les mesures d'économies demandées par Bercy, avec une réduction de crédits de 328 millions d'euros pour le programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, 160 millions pour le programme Vie étudiante et 100 millions pour le programme Enseignement supérieur et recherche universitaire. En résumé, aucun domaine n'y échappe. Vous nous dites qu'il n'y aura pas de baisse des subventions aux universités, aux organismes de recherche et aux Crous. Mais la razzia sur les réserves interdira désormais toute aide aux universités qui en auront besoin, ces universités déjà en grande difficulté en raison de la non-compensation des mesures salariales que vous avez engagées et du surcoût énergétique.
Face à ces annonces de coupes budgétaires brutales, l'incompréhension domine dans tout le monde universitaire. Depuis des années, le Gouvernement nous explique que l'enseignement supérieur et la recherche sont stratégiques ; c'est parfaitement exact. Il y a trois mois précisément, Emmanuel Macron appelait à y investir plus de moyens. Comment comprendre un tel écart entre les mots et les actes ? À l'Université et plus largement dans le pays, plus personne ne comprend rien à ces injonctions contradictoires. L'enseignement supérieur et la recherche supposent un cadre, de la stabilité et une ambition. Où est votre ambition pour une Université dont le Gouvernement siphonne les moyens ?
En qualité de rapporteur de la LPR et du budget de la recherche pour les deux derniers projets de loi de finances, mais aussi en tant que scientifique, je veux vous dire mon désarroi si ce n'est de ma stupéfaction et ma vive inquiétude après l'annonce de la suppression de plus de 900 millions d'euros des crédits alloués à l'enseignement supérieur et recherche. Quelle est la cohérence entre le discours du président de la République du 7 décembre dernier et ces annulations de crédits ? Alors que le président disait faire de la recherche et de la science une priorité du pays, le portefeuille de l'enseignement supérieur et de la recherche est le troisième plus touché par ces coupes budgétaires et, sur les quatre lois de programmation en cours, la LPR est la plus affectée par ces mesures. Même insuffisante, la LPR était un signal fort pour la communauté scientifique qui n'en avait pas reçu depuis plus de vingt-cinq ans. Mais cette amputation ne permet plus de suivre la trajectoire de la LPR, et elle affecte l'enveloppe de l'ANR.
Alors que le besoin de science est plus nécessaire que jamais, cette suppression est dramatique. Investir dans la recherche, c'est investir dans notre économie de la connaissance. Par comparaison avec ce qui vaut à l'étranger, la recherche française est déjà sous-financée. Cette décision est un non-sens. De plus, elle pourrait constituer les prémices de futures restrictions lors d'un prochain collectif budgétaire. Nous savons les difficultés qui touchent notre pays dans le contexte économique et géopolitique actuel mais c'est une erreur stratégique de cibler le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je ne vois pas d'avancées mais un vrai recul, et toujours une philosophie dépourvue de culture scientifique, si essentielle en ces temps de complotisme et d'extrémisme. Plus encore, les arguments avancés au sujet de la ponction sur la réserve de précaution et du plan France 2030 ne peuvent justifier une directive aussi radicale. Étant donné notre incapacité à assurer l'attractivité de la recherche, étant donné aussi le niveau de financement de notre recherche depuis des décennies, ne serait-il pas temps de repenser notre modèle, par exemple en santé, en suscitant la création d'une grande fondation telle que le Wellcome Trust britannique ?
Nous avons appris le 22 février dernier la réduction de 904 millions d'euros des crédits alloués à l'enseignement supérieur et à la recherche. Cette somme représente pratiquement une année de la trajectoire prévue par la LPR, et 3 % de crédits en moins pour l'enseignement supérieur. En fait, c'est un retour au budget 2023 de la recherche en dépit de l'augmentation annoncée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2024. La suppression de ces 904 millions de crédits signifie notamment la diminution d'un million d'euros du budget de chaque université, bien qu'elles soient déjà en déficit budgétaire chronique, et 125 millions d'euros en moins pour le financement des Crous, des bourses et de la vie étudiante alors que la précarité ne cesse d'augmenter parmi les étudiants.
La recherche en France avance à deux vitesses selon que l'on prend en considération les annonces politiques du Président de la République ou la réalité budgétaire. Il faut donc rappeler les objectifs de la LPR : porter la France à la pointe de la recherche scientifique mondiale, renforcer l'attractivité des carrières scientifiques et diffuser la recherche. La réalité, c'est, en fait d'ambitions affirmées par le président de la République, la casse des perspectives d'une recherche fragilisée par vos dispositions successives. Alors que, selon Campus France, 41 % des étudiants inscrits dans les écoles doctorales françaises sont étrangers, toutes les modifications réglementaires ou législatives vont contre l'attractivité de nos établissements de recherche. Qu'il s'agisse du plan Bienvenue en France de 2019 ou de la récente loi sur l'immigration, entre baisse des crédits et mise en place de règles contraignantes sinon dissuasives, on peut s'interroger sur les ambitions du Gouvernement pour tous ceux qui œuvrent en faveur de notre recherche. Comment comptez-vous maintenir la revalorisation pluriannuelle de la rémunération des doctorants ? Avez-vous une réelle ambition pour la recherche en France ?
Hier, le comité éthique et scientifique de Parcoursup vous a remis son sixième rapport annuel. Il souligne l'amélioration globale de l'image de la plateforme d'admission à l'enseignement supérieur auprès des usagers et de son utilisation. Il pointe également l'importance de l'offre de formation privée dans l'enseignement supérieur et aborde les problèmes inhérents à l'ouverture de la plateforme Parcoursup à ces formations. Comment comptez-vous mettre en valeur ces formations privées ?
En décembre dernier, vous avez lancé la Coordination nationale d'accompagnement des étudiantes et étudiants (Cnae). Cette plateforme gratuite et confidentielle d'écoute, d'accompagnement, d'information et de signalement est opérée par l'association En avant toutes en partenariat avec la Fédération française des associations étudiantes en psychologie et la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers. Nous saluons cette initiative. La santé mentale des étudiants doit être une priorité. Deux mois après l'ouverture de ce service, que pouvez-vous nous en dire ?
La science doit guider toutes nos décisions. Un choc de confiance pour nos chercheurs est nécessaire. Comment le concrétiser, au-delà des crédits nécessaires, qui sont parfois les premières variables d'ajustement dans les discussions budgétaires ? Comment peut-on développer plus vite l'apprentissage et l'alternance, vecteurs d'émancipation pour un grand nombre de jeunes gens ?
Les récentes annonces des coups de rabot donnés aux crédits de l'enseignement supérieur et à la recherche nous ont abasourdis ; les universités, étranglées par le sous-financement, sont en danger. Mais un autre danger, désormais à visage découvert, les menace : l'extrême droite, qui se terrait dans l'ombre et agissait brutalement mais silencieusement, est désormais sortie du bois, sans plus se cacher mais sans rien céder de sa brutalité. Comment pouvons-nous accepter que les universités, lieux des Lumières et de la citoyenneté, soient en proie à l'expression de la haine de l'autre et d'une vision du monde étriquée, alors qu'elles représentent l'ouverture sur autrui ?
Madame la ministre vous êtes, me semble-t-il, restée silencieuse face à la recrudescence des violences dans les facultés. Elles sont le fait des militants de syndicats d'une extrême-droite qui tend à se normaliser, à l'Université aussi. Nous ne pouvons pas nous réveiller quand il sera trop tard, une fois de plus ! Si vous n'avez pas décidé d'agir maintenant, quand comptez-vous le faire contre les insultes racistes, les ratonnades, le cyber-harcèlement, les agressions physiques, les collages racistes, sexistes, homophobes, transphobes ? Cette phase violente traduit l'institutionnalisation de l'extrême-droite par une nouvelle stratégie dangereuse visant à s'intégrer à la démocratie universitaire pour mieux diffuser ces idées nauséabondes et haineuses. Peu à peu, les syndicats d'extrême-droite se faufilent dans les élections universitaires, présentent de plus en plus de listes et obtiennent parfois des élus. Ces signaux sont alarmants. Vous avez condamné les violences antisémites ; vous auriez également pu condamner les pratiques des syndicats d'étudiants d'extrême-droite. Vous qui aviez envisagé de démissionner pour ne pas participer à la normalisation des idées de la droite extrême, quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre fin à l'enracinement de l'extrême-droite dans les facultés ?
Je parlerai à nouveau de Parcoursup, et le ferai jusqu'à ce que j'obtienne une réponse satisfaisante. Dans un rapport de juin 2023, le Sénat regrette l'opacité persistante des critères de sélection pour certaines formations. La Cour des comptes avait noté qu'environ 20 % des établissements d'enseignement supérieur prenaient en compte le lycée des élèves et leur origine avant de procéder à des sélections. Cette pratique, jugée discriminatoire par la défenseure des droits, ne fait à ce jour l'objet d'aucune régulation par le ministère. Pourtant, elle provoque non seulement des exclusions mais aussi des stratégies d'évitement de la carte scolaire qui affaiblissent encore un peu plus l'école de la République et renforcent la ségrégation sociale. En 2022, 83 % des étudiants jugeaient Parcoursup stressant. Sans confiance des jeunes et de leurs familles en la manière dont les dossiers sont examinés, le système ne peut emporter l'adhésion. J'avais le sentiment que vous étiez ouverte à une évolution et je vous pose donc à nouveau la question : êtes-vous prête à instituer l'anonymisation du lycée d'origine qui paraît indispensable pour éviter un déterminisme social liant l'accès à l'enseignement supérieur au territoire d'origine ? Êtes-vous prête à ne pas, ou à ne plus, céder aux parents d'élèves des lycées huppés de Paris et de quelques autres centres de grandes villes de province qui font le siège de votre ministère pour empêcher l'anonymisation et rester dans l'entre-soi qui leur plaît tant ?
En décidant une coupe budgétaire de 900 millions d'euros, le Gouvernement a choisi de pénaliser particulièrement l'enseignement supérieur et la recherche, et cela par un décret d'annulation de crédits décidé sans concertation, sans vote ni même consultation du Parlement. Notre groupe le déplore. J'ajoute que toucher aux réserves de précaution ce n'est pas seulement faire des économies de court terme, c'est renoncer à des investissements d'avenir sans doute essentiels pour des universités et des établissements de recherche qui souffrent d'un sous-investissement chronique, nous le savons tous. C'est, par exemple, renoncer à la création de nouvelles places en master, au détriment des étudiants qui ne peuvent pas poursuivre leurs études comme ils le souhaiteraient – la plupart des organisations étudiantes estiment les besoins à 30 000 places au moins. Quel est le bilan de la nouvelle plateforme d'admission Mon Master ?
Sabrer les réserves de précaution, c'est aussi renoncer à lutter plus efficacement contre la précarité croissante qui frappe les étudiants. Alors que de nombreuses cités universitaires sont insalubres et que les files d'attente ne désemplissent pas devant les distributions d'aide alimentaire sur les campus, l'annonce de la fin du gel des loyers dans les Crous est un signal inacceptable pour notre groupe. Doit-on en outre craindre un nouveau report de la deuxième étape de la réforme des bourses, ou une ambition moindre ? Une réforme structurelle est urgente pour permettre de mieux cibler les étudiants actuellement non éligibles. Enfin, les étudiants d'outre-mer vivent en métropole dans une situation plus difficile encore que les autres en raison de l'éloignement de leurs familles. Des adaptations sont sans doute nécessaires. Ce disant, je pense aux fonctionnaires ultramarins qui bénéficient d'une sur-rémunération pour tenir compte de la cherté de la vie dans les territoires d'outre-mer, si bien que leurs enfants ne sont pas éligibles aux bourses nationales dont ils auraient pourtant grandement besoin.
Les étudiants ultramarins, qu'ils viennent étudier en métropole ou qu'ils étudient outre-mer, ont accès aux bourses sur critères sociaux. Dans la première étape de la réforme du système des bourses, nous avons tenu compte de la cherté de la vie en ajoutant 30 euros aux bourses des étudiants qui étudient outre-mer ; inversement, pour donner accès à de meilleurs niveaux de bourse aux étudiants venant d'outre-mer étudier en métropole, nous leur avons attribué des « points de charge » en fonction de la distance entre leur lieu d'étude et leur lieu d'habitation. Le critère de territorialisation, pour les outre-mer en particulier, sera également pris en compte dans la seconde étape de la réforme à l'étude.
Ce sera une réforme structurelle. Nous remettons le dispositif à plat, et j'ai donné rendez-vous aux organisations étudiantes représentatives au cours de la deuxième quinzaine d'avril pour discuter à nouveau avec eux, puisque nous menons cette réforme en concertation, avec des étapes régulières. Nous travaillons non seulement sur le modèle des bourses, qui demeure redistributif, fondé sur des critères sociaux mais aussi, avec le ministère des solidarités, pour établir un ensemble cohérent avec les autres aides sociales dont peuvent bénéficier les étudiants et tenter ainsi de minimiser le non-recours. Notre engagement demeure. Nous voulons tenir le calendrier que j'ai annoncé, le nouveau dispositif entrant en vigueur à partir de mars 2025 pour que les étudiants boursiers en bénéficient à la rentrée 2025.
Parallèlement, nous avons engagé une réforme du système d'information qui n'était pas prévue initialement, afin de faciliter le dépôt des dossiers et leur traitement par les agents des Crous et, encore une fois, d'éviter le non-recours. Sur le fond, cette réforme vise à faciliter l'accès aux bourses de ceux qui en ont le plus besoin en les aidant mieux. Je vous en dirai davantage au fil de l'avancement des modélisations.
J'en viens au volet « économies ». Elles ont un impact et elles sont préoccupantes, je l'ai dit. C'est pourquoi, plutôt que de lâcher, je continuerai à me battre et à mobiliser. Je ne suis pas contente, mais quand j'ai des raisons de me battre, je continue d'agir. Toutefois, il ne faut pas tout mélanger.
Pour commencer, aucune réserve de précaution n'a jamais permis ni d'investir dans la création de places ni d'aider à réduire la précarité chez les étudiants. Les investissements doivent être fixés au moment de la définition du budget, à l'été. Si des dépenses de guichet imprévues se présentent après la détermination du budget, par exemple parce qu'à ce moment-là nous n'avions pas encore le nombre des boursiers, nous demanderons la réouverture de crédits. S'il s'agit de quelques millions d'euros, nous nous débrouillerons, mais s'il nous faut des crédits importants pour faire face aux conséquences financières de décisions déjà prises, nous demanderons à rouvrir une partie de la réserve de précaution, par exemple pour aider les établissements qui en ont besoin à mettre en œuvre les mesures salariales dites Guerini. Pour 2024, nous avons compensé budgétairement la moitié de cette revalorisation salariale et j'ai obtenu de garder une petite marge financière pour aider, comme nous nous y étions engagés, les établissements les plus en difficulté à ce sujet. Rien de cela n'a à voir avec la réserve de précaution, laquelle permet d'ajuster des financements mais ni des projets d'investissements ni des aides aux étudiants.
La suppression de crédits ne touchera pas, je l'ai dit, les budgets des universités ni des Crous, préservés au niveau prévu dans le budget initial. Des économies semblables ont lieu aux niveaux européen et international ; étant donné le contexte budgétaire global, nous ne sommes pas les seuls dont les budgets sont revus, mais il ne faut pas en rajouter. Remettons les choses en perspective et, en dépit de ce problème budgétaire, rappelons-nous le soutien que nous avons apporté à la recherche. Jamais jusqu'alors une LPR n'avait été définie, assortie d'un investissement de 25 milliards d'euros, et nous ne revenons pas sur les dispositions de cette loi, qu'il s'agisse des ressources humaines, de l'attractivité ou des bourses des doctorants. Jamais, depuis 35 ans que je suis dans le métier, je n'avais vu une telle augmentation de ces bourses, qui atteindront cette année 2 100 euros pour tous les doctorants. De plus, nous ne traiterons pas seulement le flux mais aussi le stock, maintenu. Les bourses de doctorant passeront très bientôt à 2 300 euros – cette mesure n'est pas remise en cause –, au niveau des bourses équivalentes en Europe.
Nous avons aussi ouvert des postes supplémentaires avec les chaires de professeurs juniors, contre lesquelles certains d'entre vous s'étaient prononcés. Cette diversification que l'on observe partout dans le monde universitaire européen et international, cette augmentation des doctorats, leur repyramidage qui permet de promouvoir nos collègues qui donnent beaucoup, toutes ces mesures créées par ce Gouvernement et cette majorité et qui sont maintenues redonnent de l'attractivité à notre enseignement supérieur et à notre recherche qui, effectivement, avait bien baissé, et qui pâtit encore des effets de l'inflation – raison pour laquelle nous n'avons pas encore obtenu que l'État consacre 3 % du PIB à la recherche et au développement. Cependant, je rappelle que dans ces 3 % figurent 2 % de dépense privée et 1 % de dépense publique, et qu'il ne faut pas limiter l'analyse à la dépense – même si, j'en suis d'accord, c'est une donnée pertinente pour l'efficacité de notre recherche – mais prendre aussi en considération l'investissement public. Or, la France est dans le groupe des pays qui en font le plus en ce domaine. Mais il nous faut en effet, tout en gardant un service public de qualité, parvenir à atteindre l'objectif fixé dans la stratégie de Lisbonne de consacrer 3 % du PIB, en financements publics et privés, aux dépenses de recherche et développement.
Je le redis, les économies budgétaires ne touchent pas les ressources humaines. À ce jour, elles ne touchent pas les postes, et nous maintenons les mesures d'attractivité que nous avons mises en œuvre et dont nous voyons commencer d'apparaître les effets bénéfiques sur les doctorants et sur l'attractivité de certains postes. Pour les chaires de professeur junior, on constate que 49 % sont occupées par des docteurs qui reviennent de l'étranger ; auparavant, la moyenne était de seulement 15 % pour les postes équivalents. Nous sommes en train d'évaluer cet effet d'attractivité avant de vous le présenter en détail.
Le discours prononcé par le Président de la République le 7 décembre a été souvent mentionné, mais pas dans son entièreté. Il avait précisé que la LPR était un rattrapage des moyens de la recherche qui n'avait pas eu lieu depuis des années et qui devait être poursuivi pour que la France soit au niveau de l'Europe et du monde, soulignant qu'en parallèle le paysage de la recherche devait se transformer. Cette évolution, et sur ce point nous sommes en désaccord, n'est pas une casse. L'autonomie des universités est un modèle européen et international qui permet aux universités d'être plus responsables et plus performantes. Elle doit s'accomplir sans nuire à leur attractivité ni remettre en cause les financements publics et la subvention pour charges de service public, au bénéfice des personnels et des étudiants. Nous avons besoin d'organismes de recherche ayant une vision nationale ; c'est à quoi concourront les agences de programme. L'évolution demandée par le président de la République s'accompagnera d'un renforcement des moyens globaux de la recherche. Les économies demandées dans un contexte budgétaire difficile en tous lieux peuvent avoir un impact, nous en sommes conscients, mais elles touchent les réserves de précaution, ce qui ne pénalise ni les établissements, ni les aides aux étudiants, ni le budget des Crous, ni les mesures que vous avez citées et qui continueront d'être financées. Les dispositions prises pour renforcer l'attractivité de l'enseignement supérieur et de la recherche et faire cesser la fuite des cerveaux sont maintenues, dans le cadre de la LPR mais aussi par les budgets importants du plan France 2030 pour les projets de recherche et d'innovation.
Monsieur Peu, faire passer les épreuves d'enseignements de spécialité (EDS) en juin visait, en objectivant les dossiers sur Parcoursup au niveau national, à minimiser sinon à gommer « l'effet lycée » auquel vous avez fait allusion, qui peut aussi être bénéfique pour les élèves, puisque Parcoursup n'est pas un algorithme ; ce sont nos collègues de l'enseignement supérieur qui examinent les dossiers avec bienveillance. Peut-être pas tous les dossiers, mais soyons objectifs. Je l'ai fait en qualité de professeur, pour toute une université et toutes les formations. Je peux donc vous dire en détail ce qu'est la réalité de Parcoursup, comment sont traités les dossiers et rappeler qu'avant Parcoursup, les choses, sous une autre appellation, se passaient de la même manière : les critères d'admission sont rentrés par les commissions des vœux, c'est-à-dire par des enseignants et des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur. Il existe bel et bien un outil d'aide à la décision – il est paramétré par les enseignants, ce n'est pas un paramétrage national – ainsi configuré que, par exemple, les étudiants dont le dossier fait état d'une moyenne inférieure à 6 en mathématique ne sont pas pris en licence de mathématiques. Ce paramétrage local a toujours existé, qu'il soit fait manuellement par fichier Excel ou par Parcoursup : c'est une manière de traiter les dossiers. Les fiches de critères doivent être transparentes et tout doit être dit aux étudiants, aux élèves et à leurs familles, mais elles sont légitimes et classiques. Ensuite, les dossiers sont examinés par une commission des vœux, qui réunit des enseignants et des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur. C'est là qu'intervient la référence au lycée d'origine : certains membres de la commission des vœux peuvent y prêter attention et ce peut aussi être avec bienveillance. Mais je ne m'appesantirai pas sur cette question puisque le lycée d'origine n'est pas un critère d'étude de dossier donné globalement.
Les épreuves de spécialités, ayant désormais lieu en mai, elles ne seront plus prises en compte dans le dossier Parcoursup. Avant de travailler à l'anonymisation des lycées d'origine que vous appelez de vos vœux, il faut pouvoir apprécier la réalité des différences de notation du contrôle continu selon les lycées ; nous nous employons donc, avec les recteurs d'académie, à les objectiver pour mesurer si une harmonisation est nécessaire.
J'en viens aux formations privées proposées sur Parcoursup. J'indique en préambule que pour 97 %, l'offre faite aux étudiants est proposée par des établissements publics ou des établissements privés sous contrat, et donc 3 % seulement par des établissements de formation privés hors contrat. En revanche, l'offre privée est plus importante pour l'apprentissage, qui se développe. Aussi, j'annoncerai dans les mois qui viennent le lancement d'un label de qualité. Un étudiant sortant du lycée doit pouvoir choisir parmi ces formations, à condition qu'il y ait transparence dans l'affichage des propositions, que les jeunes fassent un choix éclairé en sachant exactement dans quoi ils s'engagent, qu'il s'agisse du statut, des frais d'inscription ou de la qualité de la formation.
Nous travaillons avec l'école publique, les écoles privées sous contrat et les universités, à établir des critères respectant ces caractéristiques afin que le futur label soit compréhensible par les étudiants et leurs familles et ne complique pas les choses. Nous mettrons en avant le label et ses caractéristiques pour lui donner toute la visibilité utile afin d'expliquer quel impact il aura à l'avenir sur l'affichage des formations sur Parcoursup et les autres plateformes gérées par le ministère. Ce travail devrait aboutir avant l'été. Je recevrai le 12 mars Mmes Descamps et Folest, que je remercie pour leurs travaux.
À ce jour, la nouvelle plateforme Cnae a été saisie plus de 400 fois de questions de santé mentale des étudiants et de violences sexuelles et sexistes et les redirections en vue d'aide sont efficaces. Des sessions de formation de formateurs et formatrices ont été lancées dans les établissements et nous professionnalisons la lutte contre les violences sexuelles et sexistes en créant dans tous les rectorats des postes de personnes ressource spécialisées. Ce maillage territorial est en cours.
De manière générale, pour les types de violences évoquées par M. Raux, il importe de ne pas intervenir en direct quand il y a des élections, aux Crous ou ailleurs. Mais mon cabinet et mon ministère interviennent presque quotidiennement pour faire des signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, demander que les mesures disciplinaires ou juridiques nécessaires soient prises et, plus généralement, donner les outils juridiques permettant qu'aucune violence de caractère antisémite, raciste ou autre perdure sur un campus ni ne reste sans suite et que les victimes soient dûment accompagnées. J'ai écrit des courriers en ce sens, je continuerai de m'exprimer avec force contre ces agissements et d'accompagner les établissements. J'ai demandé aux présidents d'établissements d'utiliser tous les outils à leur disposition sur les campus, dont les débats contradictoires, respectueux de toutes les opinions politiques et religieuses, pour lutter contre les violences de tout type. Je m'exprimerai autant que nécessaire à ce sujet et j'accompagnerai les présidents et les directeurs de nos établissements pour que cessent ces actes inadmissibles.
Il faut favoriser la présence des filles dans les filières scientifiques. On observe une stagnation préoccupante depuis une trentaine d'années : la proportion de 30 % environ de filles dans les classes préparatoires scientifiques n'évolue pas, et elle n'est que de 25 % dans les écoles d'ingénieurs. En mai dernier, vous aviez évoqué l'éventualité de quotas de jeunes femmes en classes préparatoires. Une évolution vers la parité dans les formations scientifiques est indispensable ; comment souhaitez-vous y contribuer ?
Le Gouvernement supprime donc d'un trait de plume 904 millions d'euros de crédits de paiement, suppression parmi les plus importantes du décret de février. Alors que, depuis des années, notre pays consacre environ 2,2 % de son PIB à la recherche, loin derrière nos principaux partenaires et concurrents, est-ce vraiment le moment d'amputer le programme budgétaire consacré à la recherche de 383 millions d'euros ? Depuis sept ans de pouvoir jupitérien, nos étudiants sont paupérisés, quasiment clochardisés. Pour les plus pauvres d'entre eux, cette ponction budgétaire, par sa portée symbolique et politique, est une honte et un scandale. Vous nous avez souvent dit, dans cette enceinte, quelles ambitions vous avez pour la recherche. Or, vous n'avez manifestement pas été capable d'obtenir un arbitrage favorable à votre ministère mais votre silence a été assourdissant alors que, pour la loi « immigration », vous vous êtes allègrement affranchie de la solidarité ministérielle. Quelle est exactement votre valeur ajoutée comme ministre de l'enseignement supérieur et la recherche ?
L'état du patrimoine des universités françaises fait régulièrement l'objet d'interrogations anxieuses. Les universités ont la chance d'être dépositaires de collections patrimoniales – fonds de bibliothèques, ensemble d'instruments et d'œuvres ayant trait à la culture scientifique – d'une qualité remarquable. Certaines sont propriétaires d'un patrimoine immobilier classé au titre des monuments historiques, ce qui leur confère une lourde responsabilité. Mais elles connaissent assez peu leur patrimoine, la multiplicité des formes et les impressionnants volumes rendant les campagnes d'inventaire fastidieuses. De même, les priorités affichées au sujet de l'adaptation du patrimoine immobilier des établissements aux normes de sécurité, aux objectifs de la transition énergétique et écologique ou à la capacité d'accueil des étudiants laissent peu de place à une réflexion sur la conservation et la restauration du patrimoine. Enfin, les budgets consacrés à ces questions semblent jusqu'à présent trop limités. Quelles initiatives prend votre ministère pour favoriser une meilleure connaissance des collections patrimoniales des universités et leur mise en valeur ?
La hausse de 3,5 % du loyer des logements Crous annoncée pour la rentrée prochaine est insupportable. Elle représente dix à vingt euros par mois, à rapporter au reste-à-vivre, qui est aux alentours de 100 euros, des étudiants précaires, ceux-là mêmes qui habitent ces logements Crous. Vous me répondrez, je suppose, que cette augmentation sera couverte par la hausse de l'aide personnalisée au logement (APL). Or, cette hausse ne couvre que partiellement l'augmentation à venir des loyers Crous et tous les étudiants logés dans le parc des Crous ne touchent pas cette aide. Surtout, il y a aussi la hausse des charges d'électricité, du chauffage, de l'eau qui peut être de 40 euros par mois sur, je le redis, un reste-à-vivre de 100 euros. Vous le savez, 30 % des étudiants doivent recourir à l'aide alimentaire. Je crains que si l'annonce que vous avez faite est suivie d'effet, cela n'allonge les files devant les banques alimentaires. Renoncerez-vous à cette augmentation brutale et injuste pour nos étudiants ?
Prévoir près d'un milliard de coupes budgétaires dans un plan d'économies global de 10 milliards, c'est imputer 10 % des économies jugées nécessaires à la recherche et à l'enseignement supérieur, à leur détriment. Vous nous dites que la mesure touchera 430 millions de crédits de réserve qui ne servent pas et que ce n'est pas grave. Mais s'ils ne servent pas, pourquoi les avoir demandés ? Non, votre budget, en euros constants, n'est plus à la hausse. Quel message envoyez-vous, quel cap tenez-vous ? Comment relever les grands défis industriels et économiques, notamment la conversion énergétique et le spatial ? Comment retrouver notre souveraineté et notre compétitivité ? Comment rattraper notre décrochage structurel face à l'objectif fixé dans le traité de Lisbonne de consacrer 3 % du PIB à la recherche, face à l'Allemagne dont la dépense est largement supérieure à 3 %, sans parler des États-Unis, du Japon, de la Corée, d'Israël ou de la moyenne des pays de l'OCDE qui, eux aussi, nous dépassent largement ? Comment soutenir nos organismes publics de recherche ? Que reste-t-il de notre programme spatial, amputé de 190 millions, soit plus de 10 % de son budget, face à la nouvelle et dynamique stratégie spatiale de l'Allemagne, qui vise clairement la première place en Europe ? Comment tenir notre rang avec un budget aussi sévèrement amputé et si mal défendu ?
Lors de la pandémie de covid-19, votre ministère avait lancé le repas à un euro dans les restaurants des Crous. Par la suite, cette mesure a été maintenue pour les étudiants boursiers et précaires. Néanmoins, certains étudiants n'ont pas eu accès à ce tarif, notamment les étudiants en BTS ou IUT de certains lycées de villes moyennes éloignées des grands centres universitaires, qui ne peuvent pas aller se restaurer dans un Crous. Lors d'une précédente audition, il m'avait été indiqué que des conventions en cours de signature permettraient à terme à tous les étudiants éligibles de bénéficier de repas à un euro. Pouvez-vous dresser le bilan du dispositif et nous assurer que désormais chaque étudiant éligible aux repas à un euro peut y avoir accès ?
Ma question porte sur les milliers d'expulsions d'étudiants d'Île-de-France en raison des Jeux olympiques, avec pour seule promesse 100 euros et deux billets pour les Jeux. Certains d'entre eux sont en rupture avec leur famille ; seront-ils relogés en région parisienne ? On peut supposer qu'en raison de la pénurie de logements, il n'en sera rien ; c'est dommage, parce qu'ils ne pourront donc pas utiliser ces deux billets. À quatre mois de l'ouverture de Jeux, que comptez-vous faire pour ceux qui, en perdant leur logement, perdront également l'emploi qui finance leurs études ?
L'article 2 du projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture qui devrait nous être présenté avant l'été demande d'amplifier l'effort de recherche, d'innovation et de diffusion des connaissances. Animés par la volonté de bien faire, les agriculteurs doivent être accompagnés dans l'application de solutions pérennisant le modèle agricole français dans un contexte de réchauffement climatique. La recherche participe aussi à l'amélioration des conditions d'exercice du métier d'agriculteur. Quels moyens seront mis en œuvre pour accompagner les agriculteurs et aussi les pêcheurs, et pour assurer un avenir durable aux futures générations de ces professionnels ? L'enseignement secondaire agricole pourra-t-il intégrer efficacement et progressivement les apports des chercheurs ?
Le pays traverse une grave crise du logement, qui frappe en premier lieu les étudiants. 12 % d'entre eux ne poursuivent pas leurs études faute de trouver à se loger et, globalement, ils consacrent la moitié de leur budget au logement, ce qui affecte leur capacité à se procurer alimentation et soins. La vétusté de certains logements du Crous et le manque d'offres obligent les plus démunis à accepter des logements dégradés et des baux illégaux. L'explosion des factures d'énergie et du montant des loyers rend les conditions d'études difficilement tenables. Pourtant, la nouvelle présidente du Cnous, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires, a prévu une augmentation des loyers de 3,5 % alors que, pour beaucoup d'étudiants, chaque euro compte. Vous nous annoncez que les économies budgétaires voulues par Bruno Le Maire se feront notamment sur le programme immobilier ; de quoi s'agit-il précisément ? Je n'ose croire à un nouveau coup de rabot alors que l'accès à un logement décent doit être au cœur de nos préoccupations et de notre politique en matière d'enseignement supérieur et de recherche. Quelles mesures comptez-vous enfin prendre pour mettre un toit digne, durablement, sur la tête de tous les étudiants ?
Le développement de la formation d'infirmiers en pratique avancée est une excellente chose mais le dispositif demande à être complété. Cette formation dure deux ans. En Vendée, cela signifie que les infirmiers intéressés doivent se rendre pendant deux ans à l'Université de Nantes ; je vous laisse imaginer les contraintes matérielles, financières et familiales que cela implique. Dans la région des Pays de la Loire, seules les grandes métropoles dotées de facultés de médecine proposent cette formation, et avec un nombre de places trop restreint. Il est urgent de créer de nouvelles possibilités de formation de ce type en s'appuyant sur les écoles d'infirmiers, de grande qualité, présentes dans les villes moyennes. Ainsi faciliterait-on la qualification des infirmiers et les maintiendrait-on dans des territoires où, souvent, ces professionnels de santé font défaut. Quel est le calendrier de cette évolution attendue ?
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 a acté l'ajout d'une quatrième année d'internat en médecine générale, suscitant à la fois une profonde inquiétude chez les étudiants et de l'espoir chez les patients des campagnes qui espèrent que ce dispositif incitera à l'installation de jeunes médecins près de chez eux. Pourriez-vous les rassurer tous en précisant les contours de cette réforme ? Le décret d'application paru le 9 août dernier a défini la maquette du diplôme d'études spécialisées de médecine générale mais des interrogations demeurent. Les maîtres de stage universitaires capables de former les étudiants à la médecine de ville seront-ils assez nombreux ? Si ce n'est pas le cas, comment encourager les professionnels de santé à s'engager dans une maîtrise de stage ? Comment donnera-t-on effectivement priorité aux stages en zones de sous-densité médicale ? Enfin, cette réforme est-elle engagée en coordination avec les autres réformes du deuxième cycle des études médicales en cours ? Alors que les territoires manquent cruellement de professionnels de santé et qu'il existe une véritable souffrance chez les internes notamment, nous devons pouvoir évaluer la cohérence et l'efficacité des modifications apportées au cursus des études de médecine.
La nouvelle plateforme Monmaster.gouv.fr est ouverte depuis une semaine et, déjà, des étudiants nous écrivent pour nous dire, par exemple, que la plateforme ne reconnaît pas les doubles licences, ou que les étudiants n'ont aucun moyen d'indiquer s'ils sont partis en échange universitaire pour un seul semestre ou pour toute l'année. Les utilisateurs de la plateforme, déjà surchargés de travail universitaire, doivent passer des heures à réparer ces oublis. Ce temps perdu s'ajoute à celui qu'il leur faut pour rédiger les nombreuses lettres de motivation nécessaires pour espérer ne pas faire partie à la prochaine rentrée des milliers d'étudiants qui, comme ce fut le cas pour cette année universitaire, n'avaient toujours pas reçu de propositions en septembre. Le monde universitaire dénonce unanimement l'inefficacité de votre nouvelle méthode. La disparition du classement des vœux complique la tâche des examinateurs et renforce la part du hasard dans la sélection. À cela s'ajoute que les enseignants de master doivent sélectionner des dossiers jusqu'au mois d'août pour intégrer la liste complémentaire. C'est une bonne chose, mais cela ne peut se faire au détriment des conditions de travail et de salaire des enseignants. Vous engagez-vous à ouvrir le dialogue avec les présidents et professeurs d'universités et les étudiants pour renforcer la transparence de cette plateforme et combler les lacunes qui affectent les étudiants ?
Depuis 2018, les établissements privés hors Parcoursup se sont multipliés et beaucoup échappent à la surveillance du ministère. Près d'un quart des étudiants choisissent d'intégrer des écoles privées ; or, aucune autorisation n'est nécessaire pour ouvrir un établissement privé. Le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) est censé recenser tous les diplômes reconnus en France, mais la certification peut être attribuée pour une durée limitée, et même être louée d'une école à une autre ! Dans ces conditions, quelle est la fiabilité des titres délivrés ?
Que faisons-nous pour que la France reste en pointe en matière d'intelligence artificielle, qu'il s'agisse de la formation ou de l'installation de laboratoires ? Plus largement, donne-t-on à nos chercheurs les moyens leur permettant d'utiliser l'intelligence artificielle pour approfondir leurs recherches dans tous les domaines scientifiques ? Pour développer la vulgarisation scientifique que vous appelez de vos vœux, comment imaginez-vous une plus grande acculturation des Français aux enjeux de l'intelligence artificielle ?
Les universités, n'ayant pas le droit d'emprunter, ont en conséquence l'obligation de constituer un fonds de roulement. Ces réserves sont consacrées aux investissements, à la rénovation énergétique ou à l'achat de gros équipements pédagogiques. Ce sont aussi des réserves de précaution. En 2022 et 2023, les universités ont subi l'inflation, notamment celle du prix de l'énergie. Elles ont financé une partie des mesures de dégel du point d'indice par prélèvements sur leurs fonds de roulement. France Universités estime que l'ensemble des fonds de roulement des universités de France représente quelque 600 millions d'euros, soit moins de 10 millions d'euros par établissement. Je crains que nos universités se trouvent rapidement amputées de leurs réserves, alors que jamais peut-être nous n'avons autant eu besoin d'universités modernes et attractives pour nos étudiants, pour nos enseignants-chercheurs, pour l'innovation et la recherche en France. Quelle analyse faites-vous des besoins de financement et d'investissement de nos universités ?
Le choix a été fait depuis 2017 de geler les droits d'inscription à l'Université alors que l'inflation a progressé de 17 % sur la période. Cette mesure, prise dans un pays où les droits d'inscription sont parmi les plus faibles du monde, a évidemment été favorable aux étudiants. Elle a aussi conduit les universités à développer les formations continues et les apprentissages, qui représentent une part croissante de leur budget et de leurs ressources propres. Elles sont donc conduites à valoriser leur offre de formation sur les plans national et régional, auprès des entreprises, des demandeurs d'emploi et des salariés pour décliner des enseignements de grande qualité. Le développement de l'apprentissage en licence et en master, qui atteint aujourd'hui des records, peut-il encore monter en puissance ? Si c'est le cas, les universités sont-elles suffisamment outillées pour déterminer leurs coûts, inciter leurs enseignants-chercheurs à consacrer une part de leurs enseignements à la formation continue et fixer les marges au bénéfice de l'ensemble des établissements et de leurs étudiants ?
Plus d'un quart des étudiants sont inscrits dans l'enseignement supérieur privé, une proportion en hausse de plus de 5 % depuis 2017. Quatre groupes dominent ce juteux marché : Galileo, Omnes, Eureka et Ionis. Plusieurs enquêtes montrent que ces sociétés à but lucratif sont souvent pilotées par des fonds d'investissement. Dans leurs brochures, la mention « formation reconnue par l'État » rassure les étudiants et leurs familles. Le 8 septembre dernier, vous déclariez, madame la ministre, qu'il fallait renforcer le contrôle de l'État sur ces formations privées et annonciez la création d'un label de qualité applicable dès la rentrée prochaine. L'intention était louable. Seulement, on apprend que Martin Hirsch, ancien patron de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, et Charline Avenel, toujours sous le coup d'une procédure disciplinaire à la suite de ses exploits lorsqu'elle était rectrice de l'académie de Versailles, participent à l'élaboration des critères qui seront retenus pour l'attribution de ce label. Or, Martin Hirsch est vice-président du groupe Galileo et Charline Avenel directrice générale du groupe Ionis. Confirmez-vous que les dirigeants des plus gros groupes du secteur élaborent eux-mêmes les règles de leur contrôle ? Dans l'affirmative, comptez-vous mettre fin à ce scandaleux conflit d'intérêts ?
Le manque de transparence des algorithmes de sélection dans la procédure Parcoursup fait obstacle à une bonne orientation. Si le cœur de l'algorithme est public, les algorithmes locaux restent inconnus du grand public, si bien que les étudiants ignorent sur quels critères ils seront sélectionnés pour la formation de leur choix. Ce flou suscite un légitime sentiment d'injustice. Nous déplorons ce constat depuis les débuts de Parcoursup. Êtes-vous favorable à la publication des critères de sélection des formations et des algorithmes locaux ?
Ma question porte sur l'égalité entre les territoires et l'égalité des chances pour tous les étudiants. À Rodez, un institut universitaire de technologie rattaché à l'Université de Toulouse-Capitole et l'Institut national universitaire Champollion accueillent près de 2 000 étudiants. Ces sites infra-métropolitains sont nécessaires pour pallier les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur dans certaines régions et prévenir l'autolimitation de certains jeunes dans la poursuite des études. Mais dans cette ville dite d'équilibre universitaire il n'y a pas de Crous, en dépit de la mobilisation des collectivités locales. Étant donné le budget contraint qui est le vôtre, comment pouvez-vous répondre à la demande légitime d'implantation de Crous dans les territoires qui n'en sont pas dotés, particulièrement dans l'agglomération de Rodez ?
La montée de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur inquiète. À l'automne dernier, un sondage glaçant de l'Ifop pour l'Union des étudiants juifs de France révélait que 91 % des étudiants sondés avaient été victimes d'actes antisémites dans le cadre de leurs études supérieures. Remarques véhiculant des stéréotypes, blagues sur la Shoah, injures, agressions… Quelle que soit sa forme, l'antisémitisme n'a pas sa place dans nos établissements supérieurs, qui doivent rester des sanctuaires. Depuis les attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre dernier, la situation s'est aggravée ; certains étudiants juifs ont même renoncé à se rendre en cours. Je sais votre engagement à ce sujet. Vous avez eu des paroles fortes et venez de rappeler votre combat : tolérance zéro, saisine des procureurs en vertu de l'article 40, vous avez décidé de ne rien laisser passer. Mais notre arsenal législatif et réglementaire suffit-il pour lutter efficacement contre ce poison ? Quelles mesures supplémentaires pouvez-vous prendre ? Je crains que la parole, aussi forte soit-elle, soit insuffisante.
L'impact des coupes budgétaires sur la recherche, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle, m'inquiète. Ma circonscription accueille la technopôle de Sophia Antipolis et en son sein un Institut interdisciplinaire d'intelligence artificielle (3IA) ainsi qu'une maison de l'intelligence artificielle, qui attirent les meilleurs chercheurs mondiaux. Vous m'avez assuré en mai dernier que le Gouvernement renouvellerait et même amplifierait les crédits aux 3IA ; confirmez-vous cet engagement ?
Il y a un mois, lors d'une table ronde sur le thème de l'école et de l'intelligence artificielle organisée par notre commission, de nombreux usages de l'intelligence artificielle en éducation en été évoqués. La représentante de la direction du numérique pour l'éducation a fait état de plusieurs outils issus de collaborations avec la recherche déjà utilisés par les enseignants. On a aussi souligné les nouvelles questions que soulève l'intelligence artificielle en matière de recherche, à l'interface des sciences du numérique, des sciences cognitives et de l'éducation. En décembre dernier, le président de la République a annoncé la création d'agences de programme confiées aux grands organismes nationaux de recherche, dont l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). Ces agences, et donc l'approche transdisciplinaire qui crée des ponts entre recherche publique, start-up françaises et usage grand public, se généraliseront-elles ?
Je vous demande de mettre fin à l'augmentation de 3,5 % des loyers des Crous, qui frappe les plus précaires des étudiants précaires. On parle d'une augmentation de dix à vingt euros, parfois trente. Vous répondrez qu'il n'y a pas à s'inquiéter car ce sera compensé par l'APL, mais elle ne le sera pas entièrement. Non seulement trois à six euros, quand on a un reste-à-vivre de 100 euros, c'est déjà beaucoup, mais les étudiants subissent aussi l'augmentation des charges et les effets de l'inflation. Le seul fait de savoir que près de sept étudiants sur dix disposent d'un reste-à-vivre de 100 euros est la preuve d'un échec de votre Gouvernement – et pour une fois qu'il s'intéresse à ces étudiants, ce serait pour les sanctionner ! En plus de la violence quotidienne qu'est la vie dans des logements insalubres dont ils n'ont pas à payer la rénovation, il y a dans cette annonce une violence symbolique qui s'ajoute à l'autre violence symbolique qu'est l'expulsion des logements Crous pour la durée des Jeux olympiques. C'est une forme de racket de faire payer aux plus précaires des étudiants précaires la rénovation des cités universitaires après avoir consenti exonérations de cotisations sociales et baisses d'impôts aux ultra-riches.
Dans un entretien donné au journal Le Figaro en mai dernier, interrogée sur l'écriture inclusive dans les établissements d'enseignement supérieur et à l'université, vous indiquiez : « Nous ne remettrons jamais en cause la liberté académique, il faut respecter cette autonomie. Nous ne pouvons avoir que des recommandations. » Pour moi, l'écriture inclusive à l'Université ne relève pas de la liberté académique mais de l'idéologie militante. L'Université de Rennes utilise l'écriture inclusive dans ses supports d'enseignement, et Sciences Po donnait des bonus aux étudiants utilisant l'écriture inclusive, ce qui est une politique totalement inégalitaire. Cette semaine encore, le père d'une élève architecte m'a fait savoir que sa fille se voit contrainte de rédiger son mémoire en écriture inclusive. Son professeur, qui écrit lui-même ainsi, ne lui a évidemment rien dit explicitement mais, évidemment, si elle ne le faisait pas, sa note serait dégradée. Qu'en pensez-vous ?
Vous avez reçu cette semaine les recommandations du comité éthique et scientifique Parcoursup, qui portent notamment sur le contrôle continu. Parcoursup intègre les notes du contrôle continu mais, d'un établissement à l'autre, les modalités de notation et même les exercices diffèrent entièrement. Il en résulte que si l'on est issu d'établissements plutôt élitistes ou qui pratiquent une pédagogie plutôt exigeante, on a moins de chance d'obtenir sa formation dans l'enseignement supérieur que si l'on provient d'un autre établissement. Ce dispositif est source d'une profonde iniquité. Comptez-vous corriger les algorithmes, ou les épreuves du contrôle continu seront-elles standardisées pour mettre tout le monde sur un pied d'égalité ?
Les Jeux olympiques et paralympiques vont accélérer l'innovation, notamment en matière de technologies numériques, dans de très nombreux domaines dans lesquels la recherche est indispensable. Comment votre feuille de route prend-elle en compte le défi de l'héritage ?
L'héritage des Jeux olympiques se matérialisera par des progrès dans la pratique sportive des étudiants. Des conventions ont été conclues visant au développement de la pratique sportive, à la valorisation du sport ou au développement d'équipements sportifs dans les établissements d'enseignement supérieur qui sont, depuis quelques mois, éligibles au programme de financement d'équipements de proximité de l'Agence nationale du sport. Sur un autre plan, le sport a déjà profité de plusieurs programmes de recherche prolongés jusqu'à la fin 2024 et financés à hauteur de 20 millions d'euros sur la très haute performance. Sur le plan opérationnel, l'implication des établissements d'enseignement supérieur est diverse. Ils seront fermés pendant les Jeux olympiques, et l'occasion m'est ainsi donnée de revenir sur la question du logement dans les Crous pendant cette période, qui m'a été posée par plusieurs d'entre vous, dont Mme Blanc. J'observe que pour les orateurs du groupe du Rassemblement national, l'important est visiblement de poser des questions sans écouter la réponse, puisqu'ils ne sont plus là.
Soit. En ce cas, je vous demande de les inviter à ne pas diffuser de fausses informations, comme vous le faites vous-même. Pour rétablir la vérité, j'aurais commencé par rappeler à M. Chudeau, eût-il été présent, que je me suis exprimée indirectement et très largement tant sur les économies budgétaires que sur la loi « immigration ». Et puisque, à ma surprise, vous êtes tous très intéressés aujourd'hui par l'attractivité de la recherche, pourquoi ne pas vous rendre sur les campus pour discuter avec les chercheurs et les enseignants-chercheurs ? Vous auriez ainsi une réponse directe à votre question qui n'en est pas une sur les logements étudiants pendant les Jeux olympiques, et l'on vous dirait que l'on n'a pas seulement promis aux étudiants concernés 100 euros et deux billets pour assister à une épreuve des Jeux.
Chaque été, les Crous dénombrent dans leur parc immobilier 6 000 logements vides dans la seule région parisienne. Parce que 3 000 logements sont nécessaires pour ceux – agents de sécurité, personnel paramédical – qui travailleront pendant l'événement planétaire que sont les Jeux olympiques, nous avons logiquement décidé de prêter main forte en mettant à leur disposition la moitié des logements Crous vides. Mais comme il serait irresponsable de compromettre le bien-être des étudiants en faisant vivre dans une même résidence des étudiants qui travaillent, soit qu'ils soient en stage, soit qu'ils préparent des concours, avec des professionnels aux horaires décalés, qui devront sortir et utiliser des véhicules jour et nuit, nous avons choisi quelques résidences pour loger le personnel des services publics qui participeront pendant l'été au déroulement des Jeux olympiques. Dans le même temps, nous proposons aux étudiants – c'est cela la véritable promesse qui leur a été faite – de nous occuper d'eux individuellement pour les reloger à proximité, au même coût évidemment. Quoi que vous en disiez, il y a énormément de places libres à partir du mois de mai dans les Crous de la région parisienne, comme le sait quiconque s'intéresse à la vie étudiante. Nous allons donc reloger et regrouper les étudiants concernés dans une résidence Crous proche et équivalente à la leur. Nous leur proposerons 100 euros pour les dédommager s'ils ont des frais de déménagement, et ils pourront ensuite retrouver leur chambre s'ils le désirent ou en changer pour se rapprocher de leur lieu de travail si tel est leur choix, parce qu'il est normal que le dérangement subi pendant cette période fasse l'objet de contreparties. J'ajoute que ces informations avaient été données dès le printemps 2023 à tous les étudiants qui postulaient pour une chambre dans les résidences considérées, et qu'un sondage avait eu lieu pour appréhender l'accompagnement qu'ils souhaitaient.
Telle étant la réalité du logement en résidences étudiantes pendant les Jeux olympiques, vous comprendrez que lorsque j'entends la manière dont certains présentent les choses, je constate que l'on n'est pas dans le champ de l'enseignement supérieur et de la recherche mais dans l'antre de la désinformation pure et simple, et je me dois de le dire.
(Applaudissements)
Ensuite, puisqu'il paraît que la pédagogie est l'art de la répétition, je redis que Parcoursup ne peut être qualifié d'algorithme, et que le contrôle continu se traduisant par des notes qui figurent sur les bulletins des étudiants, a existé de tout temps. Le dernier rapport du Comité éthique et scientifique de Parcoursup note l'amélioration, reconnue, de la plateforme. De plus, par quoi Parcoursup pourrait-il être remplacé ? Devrions-nous en revenir aux files devant les bureaux de la scolarité des universités, ou aux tirages au sort que l'on a connus du temps de l'ancienne plateforme APB ? La plateforme Parcoursup est en amélioration continue depuis cinq ans et nous nous attachons à l'améliorer encore en renforçant la transparence des critères et des informations. S'agissant du contrôle continu, nous travaillons, je vous l'ai dit, avec les rectorats et avec le ministère de l'Éducation nationale pour parvenir à harmoniser les notes et ainsi effacer les disparités entre les établissements d'origine. On aurait pu imaginer résoudre la question en avançant les épreuves de spécialités, mais parce qu'il importe d'accompagner les élèves jusqu'à la fin de l'année, nous allons revoir ce point pour continuer d'améliorer la neutralité et la transparence des informations sur Parcoursup.
L'augmentation des loyers du parc des Crous est une question qui mérite d'être débattue, mais les mots que vous avez utilisés, monsieur Boyard, me paraissent très forts au regard de notre politique d'accompagnement des étudiants. Nous partageons le constat qu'ils doivent être aidés et c'est pourquoi nous avons engagé la réforme des bourses sur critères sociaux et alloué 500 millions d'euros, qui sont toujours là, à la vie étudiante. C'est pourquoi, aussi, nous avons prévu la rénovation, qui courra jusqu'en 2027, des 12 000 logements Crous qui doivent être réhabilités – et ce ne sont pas les loyers Crous qui vont permettre cette rénovation, déjà planifiée et financée, comme sont financés les 25 millions d'euros prévus pour la restauration de tous les étudiants. C'est bien ce Gouvernement qui a pris cet ensemble de mesures inédites.
Les logements Crous sont les seuls logements sociaux dont les loyers ont été gelés ces quatre dernières années, pendant lesquelles ont aussi été gelés les droits d'inscription dans les universités et les coûts de la restauration étudiante. Sans ce gel, les loyers Crous auraient augmenté de 6 %, ce qui n'a pas eu lieu alors que l'APL augmentait, elle, de 7 %. Voilà les chiffres qu'il faut mettre en avant. Aujourd'hui, l'inflation tend à décroître et on sort de la période terrible pour les étudiants qu'a été la pandémie de covid-19, pendant laquelle la majorité a mis en place le repas à un euro, mesure que j'ai pérennisée l'année dernière pour tous les étudiants boursiers et pour les étudiants aux conditions de vie précaires.
Mais si ! Si vous avez connaissance de problèmes particuliers, apportez-moi, comme je vous l'ai maintes fois proposé, des dossiers et des preuves. Pour moi, les faits sont que le repas à un euro est pérennisé et financé, de façon automatique pour les boursiers et avec une interface permettant un accès et un dépôt de dossier rapides pour les étudiants vivant dans des conditions précaires. Je n'ai pas dit que tout est parfait et je suis prête à fluidifier la procédure mise au point il y a un an si c'est nécessaire, mais il ne suffit pas de me dire que cela ne va pas sans me donner à voir rien de concret.
Selon la modélisation que nous avons faite, l'augmentation des loyers des Crous correspondra à un surcoût de deux à six euros charges comprises en moyenne, compte tenu de l'augmentation de l'APL qui aura lieu à la rentrée.
Alors que nous avons défini un plan de 30 000 logements étudiants à loyer modéré supplémentaires dans les Crous d'ici la fin de quinquennat – et, comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, le report de projets immobiliers prévu dans le cadre du plan d'économies budgétaires ne touchera pas les projets de logements étudiants – qui s'ajouteront aux 30 000 nouveaux logements déjà réalisés, alors que nous investissons dans la rénovation des logements étudiants, dans une réforme des bourses et dans une restauration à un prix accessible à tous les étudiants, je ne pense pas que le mot « racket » soit de mise. En revanche, je pense que l'on peut continuer d'améliorer le bien-être étudiant.
La loi du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Levi, vise à rendre les repas à un euro ou à 3,30 euros selon les cas accessibles à tous les étudiants sur les campus qui n'ont pas de restaurant universitaire. Le texte prévoit à cet effet des conventionnements avec des structures publiques ou privées. Fin 2023, quelque cinquante conventions avaient été signées sur plus de 170 sites désormais agréés par les Crous, pour une dépense d'environ 5 millions d'euros. Cinquante projets d'agréments sont en cours de négociation, et nous continuons d'identifier les sites où cette démarche est nécessaire et les partenaires possibles pour les campus délocalisés.
Il en sera ainsi à Rodez, par le biais d'une de ces conventions de restauration agréées, le versement au prestataire local d'une subvention de 77 000 euros devant permettre l'accès à l'offre de repas à 3,30 euros ou à un euro en attendant l'ouverture du nouveau site regroupant deux offres de formation. Le Crous travaille avec les établissements et la collectivité à l'ouverture d'un restaurant universitaire. À ma demande, le rectorat a organisé un dialogue territorial sur la vie étudiante et, comme partout en France, tous les acteurs concernés par la vie étudiante doivent définir ensemble des solutions garanties par un engagement partagé. Compte tenu de la saturation du premier site de restauration, la préfecture et le Crous ont demandé aux acteurs locaux de suggérer une offre complémentaire qui pourra aussi faire l'objet d'une convention. Ce cas particulier est un exemple du dispositif en cours de généralisation ; il suppose, pour que l'on puisse compenser le coût de la restauration au prix Crous, que les acteurs locaux soient proactifs.
Je n'ai jamais dit, monsieur Gaultier, que les économies budgétaires sont sans gravité ; j'ai dit, et je redis, qu'elles sont problématiques. Je précise que la tutelle de la recherche spatiale, qui supporte une annulation de 190 millions de crédits, est passée au ministère de l'économie ; je vous suggère donc d'interroger M. Bruno Le Maire sur ce point.
Le financement des pôles de recherche et de formation en intelligence artificielle, les IA clusters, n'est pas remis en cause, étant entendu qu'il est conditionné à l'évaluation des résultats : quand l'évaluation est bonne, l'argent est là. Outre que ces instituts continueront d'être financés, le lancement de nouveaux IA clusters sera annoncé très prochainement. D'autre part, l'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » lancé dans le cadre de France 2030 a déjà financé de nombreuses formations aux niveaux ingénieur et technicien pour le développement de l'intelligence artificielle ; ce programme est également maintenu. Enfin, un « pont » budgétaire est déjà en discussion pour faire le lien entre les anciens 3IA et les nouveaux IA clusters et éviter les interruptions du financement.
Ces appels à manifestation d'intérêt comprennent un volet relatif à la diffusion de la culture scientifique et à l'attractivité. Depuis l'année dernière, une grande partie des financements prévus dans le cadre de l'appel à manifestations d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » vise à renforcer l'attractivité des sciences et des métiers scientifiques pour les jeunes filles. Je rappelle à ce sujet le programme « Tech pour toutes » lancé par la Première ministre en 2023, qui vise à faire progresser la parité dans les métiers de la tech et du numérique, en particulier l'intelligence artificielle, par le mentorat et le tutorat.
Sachant que nous avons engagé une réflexion sur la labellisation des formations proposées par l'enseignement supérieur privé, ce secteur nous envoie des contributions sur la définition des critères à retenir et leur mise en œuvre. Nous discutons avec tous ceux qui prennent contact avec nous à ce sujet et, au terme de ces discussions, nous ferons des propositions de critères de transparence et de qualité pour les formations privées des étudiants en formation initiale, avant de trancher. Nous collaborons aussi avec le ministère du travail, qui établit le RNCP. Nous voulons mieux définir les critères des labels existants : le RNCP qui recense les formations professionnalisantes et le label Qualiopi, marque de certification qualité des prestataires de formation. Mais le label Qualiopi s'adresse aussi aux personnes qui travaillent et qui cherchent une formation continue pour remettre leurs compétences à jour ; il ne s'agit donc ni des mêmes publics ni des mêmes filières. C'est pourquoi nous nous attacherons à différencier expressément le label du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui s'adressera aux étudiants en formation initiale dans un parcours de diplomation ou de formation. Il importe de clarifier ce que recouvre chacun des labels, de faire peut-être un peu de ménage et de décider quel label supplémentaire est nécessaire pour faciliter la compréhension par les parents et les élèves de ce qu'offrent les formations initiales. Les discussions sont très ouvertes et il est bon de ne fermer la porte à personne à ce stade, mais je puis vous assurer que c'est mon ministère qui arbitrera in fine.
J'ignore de quel comité de préfiguration vous parlez car il n'en existe pas. Comme il est de règle quand on veut réguler un secteur, nous discutons avec tous les acteurs. Mais, quels qu'aient été les interlocuteurs et les contributions, l'arbitrage final sur les critères de labellisation sera décidé par le ministère. Telle est ma position et je m'y tiendrai.
Je suis profondément attachée à la lutte contre les violences en général et l'antisémitisme en particulier. Au vu de ce qui se passe et que vous avez décrit, une nouvelle réflexion est nécessaire à ce sujet. Notre arsenal juridique est ce qu'il est ; nous étudierons l'hypothèse que d'autres procédures soient mises au point et veillerons à ce qu'elles soient appliquées. J'y serai attentive, et nous examinerons avec nos établissements les moyens de mieux combattre ces dérives insupportables.
La liberté académique est de règle sur le plan pédagogique. Mais s'agissant de l'écriture inclusive, une distinction s'impose, sur le fondement de la circulaire signée en 2017 par Édouard Philippe, alors Premier ministre. Les règles de féminisation des textes s'appliquent aux actes de nature juridique, pour tous les textes administratifs officiels. Tout établissement d'enseignement supérieur ou toute autre structure doit vérifier qu'elles sont respectées ; si ce n'est pas le cas, nous veillerons à ce qu'elles le soient dans tout établissement public d'enseignement supérieur et de recherche de notre responsabilité.
En revanche, pour les documents autres que des documents administratifs officiels règne une certaine liberté académique qui ne peut être contrôlée. Bien entendu, nous avons fait passer des messages sur le fait que la liberté vaut pour les étudiants aussi et qu'ils ne sauraient être obligés d'écrire en écriture inclusive.
Si c'est le cas, il faut y mettre un terme officiellement. J'ai pris note de l'exemple que vous avez donné. La liberté académique a ses limites, et elle ne doit pas avoir pour conséquence qu'un étudiant soit pénalisé au motif qu'il n'utilise pas l'écriture inclusive dans un mémoire alors que cette obligation ne figure pas dans la circulaire de 2017. Nous serons attentifs à l'application des règles dans les deux sens.
La comptabilité analytique n'existe pas encore partout, mais la notion de coût complet est de plus en plus diffusée et nous nous efforçons de donner à nos établissements les outils leur permettant de le mesurer, en particulier pour développer l'apprentissage et la formation continue à l'Université et ouvrir des directions Europe. Le plan France 2030 a prévu à cette fin un appel à manifestations d'intérêt visant à développer des outils ou des compétences propres à accroître les ressources propres des universités, programme doté de 200 millions d'euros. Dans le cadre des contrats d'objectifs, de moyens et de performance, nous nous attachons au partage des bonnes pratiques, et des financements complémentaires peuvent être alloués aux établissements pour qu'ils se dotent de tels instruments.
S'agissant de la formation en agriculture, l'agence de programmes pilotée par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) réunira les acteurs académiques, les filières et les centres techniques pour traiter d'agriculture et d'alimentation durables. Leurs liens se sont déjà resserrés, je l'ai constaté au Salon de l'agriculture où j'ai longuement discuté avec Acta, qui représente le réseau des instituts techniques agricoles. J'ai appelé à ce que tous ces acteurs et les agriculteurs travaillent main dans la main, le déploiement de ces recherches demandant une approche pratique tenant compte du modèle économique. La recherche se fait au service des agriculteurs et pour accélérer la transition agricole et alimentaire. Les deux objectifs ne sont pas antagonistes et ces évolutions doivent se dérouler de manière parallèle, pratique et cohérente. Dans cette optique, Marc Fesneau et moi-même avons lancé au Salon de l'agriculture le programme prioritaire de recherche sur la sélection végétale avancée, doté de 30 millions d'euros sur huit ans, ainsi qu'un programme visant à stimuler l'innovation dans les domaines des biostimulants et du biocontrôle. Ils complètent d'autres programmes de recherche relatifs à l'agroécologie et au numérique, à la robotique agricole, et encore le programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement » avec, à chaque fois, plusieurs dizaines de millions d'euros à la clé. Enfin, la volonté de développer la science participative a conduit à des initiatives telles que la création du réseau des fermes Dephy, dans lesquelles la recherche s'effectue en lien direct avec les agriculteurs.
La formation d'infirmier en pratique avancée se développe. Si l'universitarisation des instituts de formation en soins infirmiers ne remet pas en cause le maillage territorial de cette formation, les masters doivent être adossés à la recherche sur les campus, mais les étudiants boursiers reçoivent une aide à la mobilité de 1 000 euros. Nous examinerons la pratique au cas par cas.
L'application de la quatrième année d'internat pour le diplôme d'études spécialisées de médecine générale est en cours. Les « docteurs juniors » de médecine générale suivront des stages de six mois en médecine ambulatoire sous la responsabilité de maîtres de stage universitaires, dont nous souhaitons développer le vivier. Deux sujets demeurent en discussion : le mode de rémunération de ces étudiants – on discute en ce moment d'une rémunération mixte, avec une part fixe et une part variable – et la maquette de formation, en particulier pour la pédiatrie.
Il a été question de la sauvegarde du patrimoine des universités, qui est aussi un patrimoine immobilier. Une importante rénovation des bâtiments d'enseignement supérieur et de recherche va avoir lieu. Elle aura trois sources de financement : les contrats de plan État-régions à hauteur d'un milliard d'euros environ ; le plan de relance ; les fonds de roulement des universités, précisément conçus pour investir dans la rénovation des bâtiments ou dans des équipements de recherches. Un groupe de travail a été constitué qui vise à déterminer avec les universités comment elles peuvent mieux utiliser leurs fonds de roulement à cette fin. Le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui n'est pas dû à une mauvaise gestion, je l'ai dit dix fois, mais à ce que l'on a demandé aux établissements d'utiliser leurs fonds de roulement pour compenser exceptionnellement le coût d'une partie des mesures salariales dites Guerini, qui n'avait été ni fléché, ni planifié, ni voté par eux. Nous devons donc mettre au point des outils de gestion plus flexibles, permettant de planifier pluriannuellement l'utilisation éventuelle des fonds de roulement ou de la trésorerie pour acheter un gros équipement ou lancer des opérations de sauvegarde du patrimoine et de rénovation des bâtiments. Nous y travaillons. Enfin, dans les contrats d'objectifs, de moyens et de performance, les établissements peuvent demander un financement supplémentaire pour accompagner des projets de préservation de leurs patrimoines de toutes sortes, bibliothèques et collections par exemple.
L'occasion m'est donnée de dire un mot de la recherche sur le patrimoine, secteur dans lequel nous avons des laboratoires d'excellence et des projets scientifiques financés dans le cadre du plan d'investissements d'avenir. En lien avec le ministère de la culture et les musées, une forte dynamique est à l'œuvre, qui vise à développer des outils de protection et de connaissance du patrimoine.
Enfin, l'Agence nationale de la recherche consacre 1 % de son budget d'intervention à la diffusion de la culture scientifique. Dix projets ont été retenus dans le cadre de l'appel à projets Science avec et pour la société, pour lesquels certains établissements ont reçu des financements visant à préserver leur patrimoine.
Madame la ministre, je vous remercie pour la qualité et l'exhaustivité de vos réponses et la passion qu'elles laissent transparaître.
La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.
Présences en réunion
Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Rodrigo Arenas, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Philippe Berta, Mme Sophie Blanc, M. Idir Boumertit, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Laurent Croizier, M. Hendrik Davi, M. Inaki Echaniz, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Estelle Folest, Mme Martine Froger, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Raphaël Gérard, Mme Catherine Jaouen, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Virginie Lanlo, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Julie Lechanteux, M. Stéphane Lenormand, M. Christophe Marion, M. Stéphane Mazars, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, M. Stéphane Peu, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, M. Bertrand Sorre, M. Paul Vannier, M. Léo Walter
Excusés. – Mme Soumya Bourouaha, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Béatrice Descamps, M. Frantz Gumbs, M. Frédéric Maillot, Mme Claudia Rouaux, M. Boris Vallaud, M. Christopher Weissberg
Assistaient également à la réunion. – Mme Émilie Bonnivard, M. Louis Boyard, M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo, M. Éric Pauget, M. Charles Sitzenstuhl