La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle, en application de l'article 48 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un débat sur la trajectoire, les conditions de financement et la soutenabilité de la dette publique.
La parole est à M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics.
La dette a atteint 3 047 milliards d'euros à la fin du premier semestre 2023 :…
…il est naturel qu'elle soit au cœur du débat public.
Je me félicite que nous tenions aujourd'hui un débat sur le sujet. Cela constitue l'une des avancées importantes de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances engagée par Éric Woerth et Laurent Saint-Martin. Un tel débat offre au Gouvernement l'occasion de présenter, devant la représentation nationale, sa vision, sa stratégie…
…et ses objectifs de politique publique sur cette question centrale.
Je tiens à le rappeler en préambule : entre 2017 et 2019, la majorité présidentielle a diminué le niveau de la dette en proportion du PIB. Au milieu de l'année 2017, notre dette était supérieure à 100 % du PIB. Grâce à nos bonnes performances économiques et à la maîtrise des finances publiques, la dette a été ramenée à 97,4 % du PIB à la fin de l'année 2019.
Si notre dette a augmenté depuis, c'est en raison de choix qui ont permis de protéger les Français dans un contexte exceptionnel. Ils visaient, face aux crises que nous traversions, à assurer la santé de tous, à préserver les emplois et à sauver notre modèle social. Nous assumons d'avoir mis en œuvre le « quoi qu'il en coûte », qui a augmenté significativement le poids de la dette : celle-ci a atteint près de 118 % du PIB au début de l'année 2021 et représentait 112 % à la fin du premier semestre 2023.
Si notre dette a augmenté, c'est aussi parce que nous avons fait le choix de protéger le pouvoir d'achat des Français face à l'inflation, afin de limiter la hausse des coûts de l'énergie et de revaloriser les pensions, les bourses des étudiants et les traitements des fonctionnaires.
En somme, la dette n'est pas une faute. Elle ne doit pas servir à menacer ou à culpabiliser nos concitoyens ; elle résulte des choix que nous avons faits et des moyens que nous avons mis en œuvre pour faire face aux crises. Si nous n'avions pas pris les décisions que nous avons prises, le débat actuel porterait moins sur la dette que sur la survie de notre modèle économique et social.
L'augmentation de la dette doit également être regardée à la lumière d'une économie forte et d'une croissance bien plus dynamique que celle de nos voisins européens. Alors que l'Allemagne est entrée en récession en 2023, la croissance française est supérieure à la moyenne européenne. Ce résultat s'explique par les choix que nous avons faits et par les mesures que nous avons prises pendant les crises.
En 2024, notre croissance continuera d'être supérieure à celles de nos principaux partenaires économiques. Nous prévoyons désormais une croissance de 1,4 % en 2024 – nous avons revu cette prévision à la baisse depuis l'an dernier : à l'époque, nous envisagions une croissance de 1,6 %. Cette prévision est plus élevée que celle de la Banque de France – qui est de 0,9 % – ou que celle de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économique – de 0,8 % –, mais elle est en ligne avec celles des grands organismes internationaux : 1,2 % selon la Commission européenne, 1,2 % également selon l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, 1,3 % selon le FMI, le Fonds monétaire international, dans sa dernière prévision, en date du 10 octobre. Avec cette croissance, la France fera mieux que ses principaux partenaires économiques, puisque les prévisions de croissance sont de 0,9 % pour l'Allemagne, de 0,7 % pour l'Italie et de 0,6 % pour le Royaume-Uni.
Si notre stratégie a porté ses fruits, elle appelle aujourd'hui une réduction progressive du déficit. La trajectoire des finances publiques que nous souhaitons pour la période 2023-2027 est la maîtrise des dépenses. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le reconnaît : « hors charges d'intérêts, [les dépenses publiques] seraient quasi stables en volume sur la période […], ce qui représente une trajectoire bien plus ambitieuse que celle réalisée par le passé ». Rappelons que les dépenses publiques ont augmenté en moyenne de 1,8 % par an entre 2005 et 2008 et de 1 % par an entre 2010 et 2019. Il s'agit donc bien d'un objectif ambitieux de maîtrise des dépenses publiques.
Grâce aux efforts consentis en matière de dépenses et au dynamisme de notre activité, la dette sera stabilisée entre 2023 et 2025, puis diminuera pour atteindre 108,1 % du PIB en 2027. Le choc d'inflation a eu pour conséquence une forte augmentation des taux d'emprunt de la France, comparable à celle subie par nos voisins et par nos partenaires. Le taux des OAT – obligations assimilables du Trésor – à dix ans a atteint entre 3,3 % et 3,5 % au cours des derniers jours alors qu'il était négatif il y a trois ans. Toutefois, si ce taux a augmenté, les écarts de taux souverains entre la France et l'Allemagne sont restés relativement stables : entre 50 et 60 points de base depuis le printemps 2022. En 2023, la charge de la dette s'élèvera ainsi à plus de 38 milliards d'euros. Elle sera de 48 milliards en 2024 et atteindra près de 75 milliards en 2027.
La maîtrise de la dette est une priorité de notre action. Elle n'est pas la poursuite obstinée d'un objectif de rigueur, elle est la condition de notre indépendance et de notre souveraineté. Je serai clair : si la dette et le déficit continuent de croître, nous ne parviendrons pas à relever les défis auxquels notre pays doit faire face. Sans maîtrise des comptes, il n'y aura plus de financement pérenne pour notre modèle social, plus de service public à la hauteur des besoins des Français.
Il n'y aura ni adaptation ni atténuation face au changement climatique.
Je veux, à cet égard, m'arrêter un instant sur les autres solutions qui nous sont proposées. À chaque fois que le Parlement examine un texte financier, les oppositions déposent des amendements qui se traduisent par des dizaines de milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires.
Certains nous disent pouvoir financer leur projet par les taxes, mais l'augmentation des impôts irait à l'encontre de l'objectif du plein emploi, donc du redressement des finances publiques. D'autres nous proposent des réductions massives des dépenses, sans jamais être capables de les identifier. C'est normal : réduire l'activité de l'État dans de telles proportions nuirait aux besoins des services publics et de la transition écologique. En vérité, le seul choix possible serait d'augmenter la dette, qui atteindrait alors un niveau record et enrichirait nos créanciers au détriment des contribuables, lesquels payeraient le prix fort pour ces dépenses inconsidérées.
Pour maîtriser la dette, nous pouvons compter sur une stratégie solide de financement, qui repose sur la diversification des produits, l'optimisation des émissions et la maîtrise de la maturité moyenne de notre dette en fonction des besoins de l'État, sur le professionnalisme de l'Agence France Trésor, sur la qualité de notre signature, la clarté de notre stratégie financière et la transparence des données que nous publions, enfin sur l'historique de notre dette et la stabilité qu'inspirent nos institutions à court et à moyen terme. Tous ces éléments expliquent qu'à chaque émission, de nombreux investisseurs français et étrangers achètent notre dette, y compris pour des maturités très longues, jusqu'à cinquante ans.
Au-delà de la stratégie de financement, l'ambition du Gouvernement s'inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Nous prévoyons de réduire notre déficit et avons fixé un objectif de 2,7 % en 2027, cohérent avec le programme de stabilité présenté en avril dernier. Cet objectif est ambitieux, mais réaliste compte tenu des différents indicateurs à notre disposition.
Je l'ai dit, notre croissance est solide, ce que confirment les prévisions pour l'avenir. L'année prochaine, le reflux de l'inflation, estimée à 2,6 %, nous permettra de réduire les dépenses engagées pour y faire face. Enfin, la France est – et restera – le pays le plus attractif pour les investissements étrangers, lesquels assurent la bonne santé de notre économie.
Pour réduire la dette, nous devrons procéder à une nouvelle revue des dépenses de l'État et limiter le coût de l'enchevêtrement des compétences et des responsabilités au sein des administrations centrales, déconcentrées et décentralisées. Ces dépenses grèvent nos finances publiques sans bénéficier aux Français. Les réduire est notre priorité. Nous le ferons non pas seuls, mais dans une démarche transparente et ouverte, parce que la dette est l'affaire de tous et que la maîtrise des dépenses est plus efficace quand elle est comprise par tous.
Il s'agit d'une trajectoire non pas – contrairement à ce qui a été dit – d'austérité, mais de maîtrise responsable, qui respecte les engagements de l'État afin de préserver notre modèle et de soutenir nos services publics. Elle affirme notre ambition pour les armées, dans un contexte international d'instabilité, et permet d'augmenter le budget du ministère de la justice conformément aux mesures adoptées par l'Assemblée à une large majorité. Elle intègre notre stratégie énergétique, pour que la France soit précurseur dans les énergies renouvelables et reste un fleuron dans le domaine du nucléaire.
Cette trajectoire est aussi celle de la protection des classes moyennes, avec la garantie d'un taux de prélèvement obligatoire stable. Les impôts n'augmenteront pas au cours des prochaines années : ils baisseront, conformément à notre engagement.
Enfin, cette trajectoire intègre le soutien aux services publics les plus essentiels. Nous augmentons le budget du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, car investir dans la jeunesse est la politique la plus rentable qui soit.
Nous sommes tous comptables de la dette. C'est pourquoi cet effort national doit associer l'ensemble des acteurs : l'État, les collectivités territoriales et les administrations sociales doivent y participer en fonction de leurs capacités. C'est en travaillant tous ensemble que nous parviendrons à réduire la dette financière de la France.
Nous avons en réalité deux dettes : une dette financière et une dette climatique, dont les résorptions doivent être simultanées, car il serait contre-productif de les opposer. C'est la raison pour laquelle la réduction de la dette financière inclut un effort historique en faveur de la transition écologique.
Le climat est un usurier. Chaque dépense néfaste à la transition écologique que nous prolongeons, chaque investissement en faveur du climat que nous reportons coûtera plus cher demain. Parce que, bien sûr, je partage le constat de l'urgence, je pense que ce débat doit porter sur les deux dettes de la France : la dette financière, dont j'ai rappelé l'impératif, et la dette climatique.
Nous devons défendre un projet de réduction de la dette climatique juste, qui bénéficiera à tous : un projet permettant de rénover son logement et de baisser sa facture énergétique ; un projet permettant de se déplacer tout en réduisant les émissions de dioxyde de carbone ; un projet, enfin, permettant de préserver la biodiversité et de nous adapter aux conséquences concrètes du changement climatique. Notre vision est celle d'une transformation responsable, qui ne laissera personne de côté.
En outre, réduire nos dépenses brunes aidera à maîtriser nos comptes ; investir dans la transition écologique permettra de réduire nos dépenses ; entraîner le secteur privé dans une transformation de ses activités contribuera pleinement à l'objectif de plein emploi. Nous devons soutenir notre économie, maîtriser notre dépense et la concentrer dans ce qui est nécessaire pour garantir notre avenir.
Notre ambition en matière de transition écologique se traduit également dans notre politique financière. Par l'émission d'obligations vertes, nous avons levé des fonds alloués aux dépenses favorables à l'environnement. Ces obligations sont destinées à la réduction de la dette climatique, à la lutte contre la pollution et à la préservation de la biodiversité. La France a été pionnière en la matière et elle reste le premier émetteur souverain de titres verts.
Vous l'avez compris : nous devons réduire notre dette, et cela sans compromettre notre modèle social et en développant nos services publics, à la hauteur des attentes des Français.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Notre dette publique s'élevait à 3 047 milliards d'euros au deuxième trimestre 2023.
Alors que son poids ne cesse de croître ces dernières décennies, pour la deuxième année consécutive, un débat sur la dette publique est organisé dans notre hémicycle. Je me félicite que ce temps parlementaire entre dans les usages de notre assemblée et qu'il s'appuie sur le rapport remis par le Gouvernement début octobre.
Si la dette de l'État en constitue la plus grande part, il faut garder à l'esprit que la dette des administrations de la sécurité sociale et celle des collectivités territoriales représentent respectivement 9 % et 8 % de notre dette publique. Je suis d'ailleurs favorable à la création d'une dette verte pour ces dernières, leur permettant d'accroître leur endettement pour soutenir la transition écologique.
Il est de notre devoir de veiller collectivement à assurer la soutenabilité de la dette, dans un environnement économique international plus difficile, marqué par la fin de « l'argent gratuit ». La dette n'est ni un gros mot, ni un ennemi, ni un tabou. Y faire appel nous a permis de soutenir notre pays face aux conséquences de la crise économique. Je le réaffirme : ce choix était le bon. Il nous a permis de protéger, comme aucun autre pays, nos concitoyens, nos entreprises et les collectivités territoriales. Toutefois, pendant cette période si particulière, notre endettement a augmenté, atteignant plus de 114 % du PIB, et nous devons désormais agir avec responsabilité.
Depuis la crise sanitaire, nous avons amorcé la réduction de notre taux d'endettement. C'est le résultat de notre effort de maîtrise des dépenses et du rebond de l'activité économique en 2021 et en 2022, grâce aux politiques que nous avons menées. Nous poursuivrons cet effort pour atteindre un ratio d'endettement de 108,1 % du PIB en 2027.
Un tel effort est indispensable eu égard aux perspectives macroéconomiques et aux incertitudes internationales, encore ravivées par les événements tragiques de ces dernières semaines. Si l'inflation ralentit, elle reste supérieure aux niveaux d'avant-crise. La progression des taux d'intérêt qui lui répond entraînera, avec retard, un alourdissement considérable de la charge d'intérêt de notre dette.
L'inflation a eu un effet direct sur le stock de dette par le biais des titres indexés. La charge de la dette a été alourdie d'une quinzaine de milliards d'euros en 2022, et du même montant ou presque en 2023. Dès 2024, cet effet s'estompera de moitié grâce au ralentissement de l'inflation.
Ces titres sont pourtant utiles parce qu'ils permettent une diversification qui améliore les conditions de financement. Ils ont aussi un effet contracyclique qui a permis d'économiser une quinzaine de milliards d'euros entre 2012 et 2021, alors que l'inflation était inférieure aux anticipations et que les recettes fiscales étaient moins dynamiques.
À ceux qui répètent à l'envi qu'il faut emprunter exclusivement à taux fixe, je réponds : faut-il vraiment le faire alors qu'on sait que l'inflation va baisser ? Cette dernière a aussi conduit les banques centrales à mettre un terme à leurs programmes d'achats d'actifs et à remonter leurs taux d'intérêt, ce qui se répercute sur le marché des obligations souveraines. Nous empruntons désormais à un taux supérieur à 3 % et nous anticipons un taux d'emprunt stabilisé à 3,5 % en fin d'année prochaine. Cette hausse a déjà un impact sur notre charge d'intérêt de la dette. Surtout, cet impact ira en s'amplifiant. La charge d'intérêt de la dette publique s'établit à 1,7 % du PIB et s'élèvera, selon les prévisions, à 2,6 % du PIB en 2027. La seule charge de la dette de l'État coûtera alors 74 milliards d'euros.
C'est un niveau inédit, qui réduit d'autant les marges de manœuvre de l'État pour financer d'autres politiques publiques, alors que d'importants efforts d'investissement sont indispensables, notamment pour mener à bien la transition écologique.
C'est pourquoi, à quelques jours de l'actualisation de la notation de la France, nous devons impérativement tenir la trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, car une dégradation de cette notation aurait des conséquences négatives pour notre pays, et des effets délétères sur les taux auxquels empruntent les entreprises, les collectivités territoriales et les particuliers.
La France reste particulièrement attractive pour les investisseurs du fait de la liquidité de ses souches d'émission de dette et de la qualité de sa signature – je salue d'ailleurs le travail de l'Agence France Trésor. Veillons à ce qu'il en soit de même à l'avenir !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Le Parlement n'exerce qu'un contrôle limité sur la dette publique : en tant que rapporteur spécial de la mission "Engagements financiers de l'État" , je me prononce sur des crédits évaluatifs, pour lesquels les dépenses peuvent excéder l'autorisation budgétaire. Ce débat sur la dette, prévu par la nouvelle rédaction de l'article 48 de la Lolf, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, a l'intérêt d'appeler notre attention sur la situation de la dette publique dans son ensemble – et cette situation est très préoccupante. La crise financière de 2009 et la crise sanitaire de 2020 ont conduit à des chocs d'endettement considérables, venant s'ajouter à des décennies de gestion calamiteuse, quels que soient les partis qui se sont succédé au pouvoir.
La dette joue classiquement un rôle d'amortisseur ou de stabilisateur lorsque la conjoncture se retourne, afin de protéger nos concitoyens et notre économie, mais lorsque la conjoncture redevient favorable, il faut se désendetter. C'est précisément ce que vous n'avez pas fait entre les deux crises que j'ai évoquées, contrairement à nos principaux voisins européens, et que nous ne faisons toujours pas assez vite.
Alors que notre endettement avoisinait 64 % en 2007, comme l'Allemagne, nous avons atteint en 2020 un taux record : 114,6 % du PIB. L'Allemagne a pour sa part conservé un endettement inférieur à 70 %, même au plus fort de la crise du covid. Notre dette atteint désormais le niveau inédit de 3 050 milliards d'euros.
Votre trajectoire – relativement timide – de réduction du déficit et de diminution de la part de la dette dans le PIB n'empêchera pas le décrochement de la France par rapport à ses partenaires européens. Qui plus est, cette trajectoire est fondée sur des hypothèses optimistes, en particulier en ce qui concerne la croissance. Alors que le Gouvernement prévoit 1,4 % de croissance en 2024 – et 1,7 % les années suivantes –, le consensus des économistes n'anticipe qu'une hausse en volume de 0,8 % du PIB l'année prochaine.
Or une croissance moins élevée que prévu a pour conséquence directe un ratio d'endettement plus élevé. Ce stock de dette inédit coûte cher à la France, en particulier à l'État. En 2022 et en 2023, l'inflation a conduit à une hausse considérable de sa charge de la dette par le biais des OAT indexées sur l'inflation (OATI). Plus de 30 milliards d'euros supplémentaires ont ainsi été dépensés en deux ans, soit plus que tous les gains réalisés depuis 1999. En 2023, les titres indexés auront représenté un coût net cumulé pour l'État de 10 milliards d'euros depuis leur création. Et pourtant, vous continuez à utiliser cet outil dangereux et toxique pour nos finances, puisque près de 265 milliards d'euros de notre dette sont indexés sur l'inflation.
Les OAT indexées n'ont pas, comme on peut parfois l'entendre et comme vous l'avez encore répété, des effets parfaitement contracycliques.
Elles sont majoritairement indexées sur l'inflation européenne, à hauteur de 75 %, alors que cette dernière a été plus élevée que l'inflation française en 2022 et en 2023, ce qui explique le coût pour l'État, supérieur en proportion à la hausse des recettes fiscales, alors que d'importantes dépenses de soutien étaient nécessaires.
Dans un contexte où une inflation plus volatile est anticipée dans les années qui viennent, du fait de la transition écologique et des multiples contraintes pesant sur les chaînes d'approvisionnement, nous devons envisager une baisse des émissions d'OATI et, à terme, leur extinction – c'est l'objet d'une de mes propositions de loi.
D'autre part, la hausse des taux d'intérêt, consécutive au resserrement des politiques monétaires, constitue un défi d'ampleur pour nos finances publiques. Elle entraînera un accroissement majeur de la charge de la dette de l'État. En droits constatés et selon les hypothèses du Gouvernement, celle-ci s'établira à près de 75 milliards d'euros en 2027 alors qu'elle n'était que de 25,6 milliards en 2020. Elle deviendra alors le premier poste de dépense de l'État.
En économie, le taux d'intérêt est normalement corrélé au risque de défaut de l'emprunteur. En réalité, l'évolution des taux est davantage due aux politiques des banques centrales et aux errements des marchés financiers qu'au risque objectif lié à la dette de l'État – vous avez d'ailleurs souligné la qualité de notre signature, monsieur le rapporteur général. En démocratie, il n'est pas tolérable que les impôts des citoyens servent à payer des taux d'intérêt élevés sans fondement économique et uniquement liés à un motif spéculatif.
En outre, le mandat de la Banque centrale européenne (BCE) n'est pas gravé dans le marbre. Toutes les démocraties débattent de la politique de leur banque centrale ; toutes, sauf les démocraties européennes, et en particulier la France ! Refuser ce débat au motif de prétextes politiciens fumeux, c'est faire marcher la république sociale et la responsabilité démocratique sur un seul pied, le budget, et paralyser le deuxième, la politique monétaire.
Rappelons que ce sont les contribuables et les citoyens français qui sont, en ultime ressort, les cautions de fait de la politique des banques centrales. C'est pourquoi il est scandaleux d'interdire aux élus du peuple d'exiger des comptes sur les choix de ces dernières. Ne laissons pas les atouts de la France s'éroder et anticipons les chocs à venir !
Dans un contexte macroéconomique difficile, il faut préserver la soutenabilité de notre dette – c'est un enjeu de souveraineté. Cela passe par un désendettement crédible, des politiques d'économies structurelles, ainsi que par une réduction de la prise de risque que constituent les OATI.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Changeons un peu de discours. La dette publique est un faux problème ; en tout cas, ce n'est pas le principal problème.
En disant cela, je ne nie ni sa réalité, ni son ampleur, ni la nécessité de la prendre en considération dans nos choix financiers, mais doit-on pour autant en faire l'alpha et l'omega de notre politique, comme le propose le Gouvernement ? Je ne le crois pas.
Considérer la dette comme le problème central de nos finances est à la fois une erreur et un mauvais prétexte à l'austérité. En outre, cela contribue à l'affaiblissement de nos services publics au profit du privé.
S'il y a une dette dont il faut tenir compte en priorité, c'est la dette écologique, et celle-ci n'est ni négociable, ni repoussable, ni renouvelable. Elle pose la question de la survie de l'espèce humaine, question qui est infiniment plus grave, concrète et urgente que n'importe quelle dette financière. C'est donc elle qui doit dicter nos choix politiques, au service desquels la dette financière n'est qu'un outil, à manier du mieux que l'on peut.
Pourtant, nous sommes bien loin des 37 milliards d'investissements annuels que, dans leur rapport sur les incidences économiques de l'action pour le climat, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz estiment nécessaires au financement de la transition écologique. Et que dire d'autres besoins essentiels, dont l'importance doit prévaloir sur les coûts, comme l'investissement dans les services publics de santé et d'éducation ?
Nous pouvons utiliser deux outils complémentaires : l'endettement et les recettes fiscales. Nous vous avons déjà suggéré de nombreuses pistes pour augmenter ces recettes lors de l'examen en commission des finances du projet de loi de finances pour 2024. Beaucoup ont réuni une majorité de voix, comme l'instauration d'une taxe sur les rachats d'actions, sur les transactions financières ou sur les superdividendes. Je regrette que le Gouvernement ne s'en saisisse pas – il compte même supprimer la contribution temporaire de solidarité, taxe exceptionnelle sur les activités de production et de raffinage des entreprises pétrolières, adoptée l'an dernier.
Cependant, même avec ces dizaines de milliards de recettes supplémentaires potentielles, l'endettement reste inévitable, ne serait-ce que pour étaler dans le temps le coût des investissements qui ne peuvent pas être financés en une seule fois.
J'entends que les taux d'intérêt, donc la charge d'intérêt de la dette, augmentent, passant de 1,9 % à 2,6 % du PIB en 2027. S'il ne faut pas le négliger, il faut relativiser, à deux titres.
D'abord, si les taux augmentent, ils restent inférieurs à l'inflation, et sont donc en réalité négatifs. C'est ce qui a conduit M. Pisani-Ferry et Mme Mahfouz à qualifier d'« excessives » les alarmes sur la remontée des taux, et à suggérer d'accroître l'endettement pour la transition écologique de 250 à 300 milliards d'euros d'ici à 2030.
La seconde raison de relativiser la hausse de la charge de la dette est la suivante : cette charge, ainsi que le prix que nous coûtent les emprunts, parce qu'ils permettent à l'État d'investir, n'est pas de l'argent jeté par les fenêtres, contrairement à ce qu'on laisse parfois entendre. La hausse de la charge de la dette est évidemment nécessaire dans le système actuel pour répondre aux besoins des Français, en plus d'être créatrice de richesses.
Plutôt que d'agiter sans cesse les chiffres de la dette et de sa charge comme un épouvantail, mieux vaudrait nous interroger sur ce que nous ferions et sur ce que nous serions sans cette précieuse marge de manœuvre : aurions-nous pu faire face au covid ? Pourrions-nous faire face aux crises écologiques et sociales, en cours et à venir, sans les moyens massifs auxquels seul l'endettement donne accès ? Non, évidemment.
Nous devons tenir compte de tout ce à quoi la dette et sa charge nous donnent accès, pour déterminer démocratiquement quel niveau et quelle nature d'endettement sont acceptables ou non. Raisonner en fonction du ratio entre le montant total de la dette et le PIB est particulièrement trompeur puisque cet indicateur compare un stock – le montant cumulé de la dette sur plusieurs années – à un flux – le PIB mesuré à un moment T. Je me souviens d'ailleurs, lors de l'examen d'un projet de loi de finances rectificative pendant la crise du covid, du cri du cœur d'Éric Woerth : « on ne rembourse jamais la dette ». C'était légitime ; il voulait dire par là qu'on ne rembourse jamais le stock de la dette, puisqu'il se renouvelle : les créditeurs sont toujours partants pour de nouvelles souscriptions car la France est un excellent placement.
Elle est aussi un excellent placement si l'on compare la dette au patrimoine, estimé à 20 000 milliards, dont 864 milliards pour la seule administration publique. Ce patrimoine est donc bien supérieur à quelque dette que ce soit. On peut alors considérer, comme l'ont montré en 2020 les Économistes atterrés, qu'un Français ne naît pas avec 29 000 euros de dette, mais plutôt avec 4 259 euros de patrimoine net.
Ce constat n'empêche pas de s'interroger sur la légitimité de la dette ni d'imaginer une émancipation vis-à-vis des marchés financiers. Les inquiétudes relatives à la remontée des taux d'intérêt doivent s'orienter sur le sujet de notre dépendance à leur égard, plutôt que servir à faire du chantage à la baisse des dépenses publiques. D'autres pistes existent, que nous devrions examiner à l'avenir ; elles ont été explorées pendant la crise du covid, lorsque les banques centrales ont racheté directement la dette, à hauteur de 20 %, faisant en sorte que les marchés privés n'en soient pas les propriétaires. En tout état de cause, nous aurions mieux fait d'annuler cette dette exceptionnelle, plutôt que d'en traîner le fardeau pendant des années.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Chers collègues : 45 000 euros par Français ; 53,4 milliards d'euros d'intérêts dus à nos créanciers majoritairement étrangers, soit l'équivalent du budget des ministères de l'intérieur et de la recherche réunis ; 1 milliard de dette à lever, chaque jour ouvré, sur les marchés financiers. Pendant des années, ces chiffres – qui n'étaient alors pas aussi marquants – ont été brandis comme le signal d'alarme d'une politique économique et budgétaire en surchauffe. Pourtant, malgré le rapport Pébereau de 2006 et la crise des dettes souveraines en 2011, notre pays a poursuivi sa lente addiction à l'endettement avant que la majorité n'y mette un terme en 2017, sous l'autorité de Bruno Le Maire et de Gérald Darmanin, grâce auxquels la France est sortie de la procédure pour déficit excessif.
Merci !
Dans un premier temps, la dette a agi comme une drogue douce, sans que l'on y prenne garde : au milieu des années 2010, le coût de nos engagements financiers était équivalent à celui prévalant dix ans auparavant. Après tout, à quoi bon réduire nos déficits puisque s'endetter ne coûte rien, voire rapporte de l'argent grâce aux taux d'intérêt négatifs ?
Compte tenu de notre niveau d'endettement, des taux d'intérêt et de l'inflation, notre souveraineté elle-même est menacée. Pourtant, force est de constater que ce discours est réfuté par une grande partie de la classe politique. À l'extrême gauche comme à l'extrême droite, « sky is the limit » ! Ce nouvel adage semble avoir remplacé la notion pourtant essentielle de bonne gestion des deniers publics.
Protestations sur les bancs du groupe RN. – M. Arnaud Le Gall s'exclame également.
Lors de la dernière campagne présidentielle, madame Le Pen, votre programme ne proposait aucune mesure visant à revenir sur les dispositifs de protection instaurés au cours de la crise sanitaire. Il est très facile de dire que la France s'est endettée, mais encore faut-il préciser à quelles mesures vous auriez renoncé pendant la crise ! Ne fallait-il pas protéger les restaurateurs, les artisans et les commerçants ?
Mme Marine Le Pen s'exclame
Je sais lire, monsieur Tanguy ! La différence entre vous et nous, c'est que nous respectons la classe politique.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Dans le programme présidentiel de Mme Le Pen, vous opposez le « choix de l'endettement » à celui de la « consolidation des fonds propres ». Allez comprendre ce que cela signifie !
Vous nous l'expliquerez, monsieur Tanguy. À l'extrême gauche, le président Coquerel a été suffisamment explicite : la dette n'est pas un problème – autrement dit, la réalité n'existe pas.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La dette n'est pas un outil de politique publique à blâmer en soi ; là, je vous rejoins, monsieur le président Coquerel. Mais s'endetter pour financer un réseau de RER métropolitains est une chose ; s'endetter pour financer les dépenses de fonctionnement, ou des dépenses que, par incurie, nous sommes incapables de réduire, en est une autre.
Nous sommes réunis aujourd'hui parce que nous partageons la volonté de ne pas dépenser plus que ce que l'on gagne ; la volonté de ne pas avoir, en 2027, à dépenser plus au titre des intérêts de la dette qu'en investissements.
En ne réduisant pas les dépenses comme vous le proposez, en créant des dépenses supplémentaires chaque jour, vous contrecarrez cet objectif et proposez une politique publique conduisant à accepter, sans aucune vergogne, de dépenser plus en 2027 pour rembourser les fonds de pensions auxquels nous empruntons, que pour investir dans l'éducation nationale et dans la transition écologique. Allez comprendre ! En tout état de cause, ce n'est pas la politique que nous soutenons.
Pour casser la spirale de l'endettement, vous avez oublié deux moyens essentiels, monsieur le président de la commission : la maîtrise de la dépense publique et l'accroissement de l'activité par le travail.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La majorité présidentielle, autour d'Emmanuel Macron, s'y emploie précisément depuis 2017, avec des résultats probants : la baisse inédite des impôts, lancée en 2017 a permis à la France de retrouver la compétitivité qu'elle n'aurait jamais dû perdre au début des années 2000. En retour, celle-ci a provoqué un accroissement des recettes publiques, alors même que la pression fiscale est significativement moindre.
Comme le rapporteur général l'a parfaitement exprimé, la hausse des taux d'intérêt n'a pas seulement des conséquences sur l'endettement et sur la gestion des finances publiques, mais aussi sur le monde réel,…
…sur les taux auxquels empruntent les particuliers et les entreprises.
Pour toutes ces raisons, le désendettement n'est pas une option. Nous continuerons donc à soutenir une politique qui refuse le « taxer plus pour dépenser plus ».
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Mme Marine Le Pen éclate de rire.
Membres de la représentation nationale, halte ! Avant de commettre dans quelques heures un nouvel excès de 49.3, nous vous informons que vous êtes positifs au contrôle d'ivresse à la dette publique. Vous êtes accros à la dette et ce sont les Français qui en pâtissent, avec 45 000 euros de dette sur la tête de chacun d'entre eux, sans compter les 265 milliards supplémentaires l'année prochaine ! Comme d'habitude, vous serez tentés par l'excuse de l'événement extérieur : les gilets jaunes, la covid, l'Ukraine.
Non ! Cette dette est en réalité l'aboutissement de décennies de mauvaise gestion, de mauvais choix et de soumission à l'Union européenne, dont le dernier exemple flagrant est le bouclier tarifaire : 110 milliards – que nous n'avons pas – pour financer un marché de l'énergie qui n'est pas le nôtre. Les Français doivent le savoir : le bouclier tarifaire pouvait être évité. Les députés du Rassemblement national ont dit et répété qu'il fallait sortir du système européen de fixation des prix de l'énergie pour protéger les factures des Français. Sans aucun coût pour l'État puisque c'est précisément ce mécanisme qui a fait flamber les factures. Le coût de cette folie européenne aurait permis de financer dix ans de baisse de TVA sur les carburants, comme le propose Marine Le Pen pour faire gagner aux Français 10 euros par plein de carburant !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cette dette abyssale est bien le résultat de votre politique, pas de la nôtre. Lorsque nous parlons de 3 000 milliards de dette, il faut avoir à l'esprit que près d'un tiers de cette somme a été accumulé par la Macronie mélenchonisée, qui dépense sans compter.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Mais attention, chers amis macronistes ! Vous risquez de vous embrouiller avec vos amis de LFI au sujet du gavage de la finance, avec l'argent des Français ! Près de 265 milliards de dette sont indexés sur l'inflation : si celle-ci augmente, la dette enchérit d'autant.
Rendez-vous compte : en deux ans, cette petite part de la dette nous a coûté 30 milliards – même quand l'inflation diminue, nous sommes perdants de 10 milliards –, soit près de trois fois la baisse de TVA que propose Marine Le Pen sur les carburants !
Ces obligations indexées posent un réel problème : c'est précisément lorsqu'une crise inflationniste survient que nos finances sont pénalisées, alors même que la conjoncture nous oblige à soutenir les ménages et les entreprises. Les OATI mangent donc nos marges de manœuvre au moment même où nous en avons besoin.
De plus, non contents de prendre des risques avec les OATI, vous les indexez à 75 % sur l'inflation européenne, que vous ne maîtrisez pas du tout. Pourquoi avoir créé ces OATI et pourquoi les maintenir ? Certains répondent qu'il s'agit de diversifier notre offre de titres pour pouvoir continuer à lever des fonds sur les marchés financiers. Les chiffres contredisent cette explication : le ratio de couverture des bons du Trésor à taux fixe est de 2,76 et de 2,29 pour les OAT classiques. Autrement dit, lorsque la France cherche à emprunter 1 milliard sur les marchés en titres classiques, les investisseurs proposent plus du double, voire près du triple ! Nul besoin de se diversifier.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
D'autres expliquent que ces titres répondent à une demande du secteur financier, notamment des banques, pour couvrir le livret A, dont le taux d'intérêt est censé évoluer avec l'inflation – bien que ça n'ait pas été le cas ces derniers mois. Depuis quand considère-t-on qu'il est normal que l'argent public soit utilisé pour perfuser le secteur privé, en particulier celui de la finance ? Les banques ne font-elles pas suffisamment de profits, voire de surprofits, pour financer elles-mêmes les produits qu'elles gèrent ? Cette explication ne tient donc pas non plus. En réalité, cette part de dette indexée ne fait que gaver la finance sur le dos des Français et élève encore davantage le niveau de la dette, qui se situe à un seuil critique.
Enfin, à chaque erreur politique, vous dépensez trois à dix fois plus que la soi-disant dépense exorbitante proposée par Marine Le Pen avec la baisse de la TVA sur les carburants.
Cette mesure profiterait au porte-monnaie des Français plutôt qu'à la finance.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
André Duval disait qu'« une dette n'est rien si elle ne vous prive de rien ». Malheureusement, à cause de la NUPES qui a lancé la course à l'endettement dans les années 1980 et instauré le système des OATI – avec MM. Jospin et Strauss-Kahn en 1998…
À cause de l'UMP et de LR, qui ont poursuivi cette course à la dette et maintenu l'usage des OATI ; à cause de la Macronie accro à la dette qui explose tous les records, notre dette n'est pas « rien », car elle nous prive de tout ! Seuls le Rassemblement national et Marine Le Pen remettront de l'ordre dans nos finances…
…en introduisant de la justice fiscale et sociale, et en mettant fin à cette hémorragie de la dette dont vous êtes responsables. Alors, s'il vous plaît, plus de leçons !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je commencerai en citant Gabriel Attal, qui n'est pas un ami. Il a déclaré que « la dette publique me fait plus peur que la dette écologique ». Penser une bêtise pareille est très grave pour l'avenir de notre pays. J'ignore si vous vous en rendez compte, mes chers collègues, mais le réchauffement climatique a commencé. L'été dernier, cinquante départements ont été confrontés à des pénuries d'eau potable ; chaque été sera pire que le précédent. Des forêts de la taille du Portugal ont totalement brûlé ; en France aussi, des forêts brûlent. En Libye, il y a un mois, plus 10 000 personnes sont mortes en raison d'inondations dramatiques qui ont causé 20 milliards de dollars de dégâts. Selon les prévisions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), de telles inondations se produiront dans le sud de la France en raison du réchauffement climatique.
Cette dette-là, nous la payerons pour toujours. Mes enfants, leurs petits-enfants
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN
et les générations suivantes, pendant des siècles et des millénaires, continueront à payer la dette écologique. Et voilà qu'en ce moment, à l'Assemblée nationale, nous dissertons sur une dette publique, que nous ne rembourserons jamais ;
Mme Marina Ferrari s'exclame
une dette publique qui nous coûte chaque année 53 milliards d'euros, ce qui représente presque le troisième budget de l'État. Vous êtes atteints par la psychose de Gabriel Attal !
Le pire, c'est que le remboursement de cette dette n'est même pas un souhait des Français ; il vous est imposé par la Commission européenne ,
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RE
qui vous oblige à respecter la règle selon laquelle le déficit public doit être inférieur à 3 % du PIB, qui n'a aucune valeur scientifique.
Elle a été inventée en 1981 sur un coin de table par un inspecteur des finances français. Les Allemands avaient proposé 5 % mais les Français, pour faire les malins, ont demandé 3 %. Voilà où vous en êtes maintenant.
Tous les pays du monde seront obligés de continuer à s'endetter. Ainsi, les États-Unis viennent d'emprunter 1 200 milliards de dollars pour financer leurs investissements écologiques ; et tous les pays du monde devront en faire autant.
Pour arrêter de polluer et réparer les dégâts causés par le réchauffement climatique, il faudra investir des milliards d'euros.
Du reste, cette dette, que vous ne paierez jamais, vous la financez sur le dos des Français.
M. Mathieu Lefèvre s'exclame.
Vous fermez des classes dans les écoles, nos professeurs sont parmi les moins bien payés de l'OCDE, les prix de l'essence et des transports ont augmenté et nous sommes dramatiquement en retard dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Pourtant, pendant que les Français paient, vous faites des cadeaux fiscaux aux multinationales et aux multimilliardaires, qui eux, sont en capacité de payer.
Et ça fait vingt ans que ça dure : 52 milliards de cadeaux fiscaux faits chaque année par M. Chirac, 23 milliards par M. Sarkozy, 20 milliards par M. Hollande et 80 milliards par M. Macron. Cette somme couvrirait trois fois le déficit public annuel ; on comprend mal pourquoi les Français paient, et non les gens responsables de l'inflation.
Vous êtes dans une impasse, alors nous vous proposons une solution. La Banque centrale européenne possède 16 % de la dette souveraine française. Elle est en mesure de l'annuler.
Nous ne sommes pas le seul pays à y avoir intérêt, puisque la BCE détient 26 % de la dette de l'Allemagne, qui rencontre le même problème que nous. Vous me répondrez que ce mécanisme conduira à augmenter l'inflation et vous avez raison. Si la Banque centrale européenne annulait les dettes souveraines de tous les États européens, on estime que l'inflation augmenterait de 5 à 6 %.
Dès lors, nous devons faire un choix, sur lequel nous ne sommes pas d'accord. À cause de votre austérité, vous êtes déjà embourbés dans la spirale inflationniste, qui ne s'arrêtera pas. Le Fonds monétaire international a démontré que la hausse des prix était, dans 45 % des cas, due à la hausse des profits, ce qui ne vous empêche pas de continuer à faire des cadeaux fiscaux aux entreprises. En effet, vous prévoyez de réaliser 60 milliards d'économies d'ici à 2027, en réduisant de 30 milliards les crédits alloués aux services publics – on se demande bien combien d'écoles et d'hôpitaux vous fermerez après tout ceux que vous avez déjà détruits – et en offrant 30 milliards de cadeaux fiscaux.
À cet instant, le prix de l'essence, des transports, de l'hôpital ou des écoles lamine le pouvoir d'achat des Français. Alors, ils arrêtent de consommer. Le volume de la consommation alimentaire a diminué de 11 % : les Français peinent à se nourrir, c'est la déconsommation. Votre augmentation des prix, cumulée à la politique d'austérité que vous menez, conduira la France à la même situation que la Grèce : chômage, pauvreté et destruction des services publics. D'ailleurs, pour l'anecdote, après que la Grèce a mené la même politique que vous, sa dette publique a encore augmenté et 400 000 Grecs ont dû fuir leur pays. Pourtant, vous persévérez à conduire cette politique, car la banque est plus forte que vous. Aussi menez-vous le pays à l'impréparation et à la pénurie.
Nous, nous comptons relancer l'activité économique en stimulant la demande. Il faut soutenir la consommation et le pouvoir d'achat des Français, ce qui passe notamment par l'annulation de la dette publique détenue par la Banque centrale européenne.
Mes chers collègues, vous avez souvent dit que la dette était le fardeau des générations futures. Vous avez raison. Chaque euro que vous ajoutez à cette dette que vous ne rembourserez jamais est un euro que vous n'investirez pas dans la dette écologique que les générations futures paieront toujours. La dette écologique est prioritaire sur la dette publique, c'est le sens de l'histoire. Annulez ces deux dettes !
M. Manuel Bompard et Mme Christine Arrighi applaudissent.
Il existe pour les ménages un encadrement précis du ratio d'endettement. Quant aux collectivités territoriales, il leur est strictement interdit de voter un budget qui ne serait pas à l'équilibre. Pendant ce temps, l'État a décidé de se soustraire à toutes les règles en matière d'endettement et de déficit publics – cela ne date pas d'aujourd'hui.
La dette atteint 3 047 milliards d'euros ; le chiffre est tellement énorme qu'il ne parle plus. En 2024, 285 milliards d'euros seront empruntés sur les marchés financiers et les intérêts s'élèveront à 57 milliards d'euros. Voilà, monsieur le ministre, le bilan catastrophique de votre gestion budgétaire. L'année 2024 sera de nouveau celle de tous les records et celle d'un bien triste anniversaire puisque, pour la cinquantième année consécutive, la France affichera un budget toujours plus en déficit. Le cadeau sera empoisonné : près de 45 000 euros de dette par Français.
Monsieur le ministre, vous semblez entretenir un rapport complexe avec la réalité. Vous continuez à vous arc-bouter sur des éléments de langage dépassés, consistant à nous faire croire que le redressement des comptes publics est votre seule priorité. Or, qu'en est-il de la situation budgétaire de la France ? La réalité, c'est que tous nos indicateurs décrochent pendant que vous tentez maladroitement de maquiller la vérité par des prévisions macroéconomiques grossièrement surestimées. Sur ce point, l'avis du Haut Conseil des finances publiques est implacable puisqu'il qualifie d'« élevée » votre prévision de croissance et estime, dès lors, « optimiste » la prévision de déficit et « incertaine » celle de la dette – vous noterez toutes les précautions lexicales prises.
La réalité, c'est que derrière toutes vos belles promesses se cachent un effort budgétaire quasi nul et des objectifs impossibles à atteindre. La réalité, c'est que la progression des dépenses publiques sera plus importante que celle recommandée par l'Union européenne. En effet, la hausse nominale des dépenses primaires nettes s'élèvera à 2,6 %, alors que le plafond demandé est de 2,3 %.
La réalité, c'est que sur les 16 milliards d'euros d'économies annoncées à plusieurs reprises, 14,4 milliards reposent exclusivement sur l'extinction des dépenses exceptionnelles : ce n'est pas un effort. La réalité, c'est donc que la France conservera bien en 2024 un niveau d'endettement élevé à hauteur de 109,7 % du PIB. Monsieur le ministre, à ce rythme et en dépit de vos gesticulations, il nous faudra plus d'un demi-siècle pour repasser sous la barre des 60 % d'endettement.
Quelles en seront les conséquences ? Sur le plan national, la soutenabilité de nos finances publiques à moyen terme inspire la plus grande inquiétude, la capacité d'investissement structurel est entravée, nos services publics reculent, notre marge de manœuvre est quasi nulle en cas de nouveau choc macroéconomique – financier ou sanitaire –, et les générations futures seront sacrifiées. Tel sera votre bilan.
Sur le plan européen, nous continuons d'accumuler les mauvais points. En 2024, la France sera le troisième pays le plus endetté d'Europe. En 2017, lorsqu'Emmanuel Macron a été élu, sept pays européens avaient un ratio de dette plus élevé que le nôtre. Désormais il n'en reste plus que deux : la Grèce et l'Italie. Pour 2024, notre déficit, pourtant sous-évalué, est estimé à 4,4 % du PIB contre 2,4 % pour la moyenne de la zone euro – 3 % en Espagne et 1,7 % en Allemagne. Tous les pays de l'Union européenne, à l'exception de la France, auront un déficit public inférieur à 3 % du PIB à l'horizon 2025. En bref, nous serons le dernier pays de la zone euro à repasser sous la barre des 3 %.
Monsieur le ministre, le redressement de la trajectoire est une absolue nécessité, et demande une détermination et un courage politique dont, jusqu'à ce jour, vous n'avez jamais fait preuve. En 2017, le candidat Macron promettait de réaliser 60 milliards d'économies en cinq ans, de ramener les comptes publics à l'équilibre et de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires. Six ans plus tard, il a fait exactement le contraire. En résumé, en dix ans de pilotage des finances publiques par Emmanuel Macron, la dette de la France, dont la charge devrait atteindre 84 milliards d'euros en 2027, a augmenté de 1 000 milliards. C'est votre bilan, votre responsabilité. La note de la France a été dégradée par l'agence Fitch et nous devrions faire l'objet d'une procédure de surveillance pour déficit excessif de l'Union européenne. D'ailleurs, vendredi, la note rendue par l'agence Moody's sera scrutée par les marchés financiers.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Qui peut ici prétendre que nier la réalité la ferait disparaître ? Alors même que la dette atteint un niveau monstrueux, cinquante années de déficits publics accumulés nous obligent à assumer une charge de la dette qui est désormais de l'ordre de 55,5 milliards d'euros. À ce rythme, la charge de la dette sera en 2027 le premier poste de l'État, correspondant aujourd'hui à l'éducation, c'est-à-dire à nos enfants et à l'avenir de notre pays.
Alors, face à cette progression incontrôlée, deux choix s'offrent à nous. Je commencerai par celui des oppositions, le moins responsable. Nous aussi, nous pourrions faire croire aux Français que tout se finance à coups de dépenses, et leur dire que l'État, contrairement aux ménages et aux entreprises, n'est pas tenu de rembourser ses créanciers. Tels sont les propos du président Coquerel.
Nous choisissons, quant à nous, de tenir un discours de vérité, en rappelant que chaque euro dépensé à payer les intérêts de la dette est un euro de moins pour améliorer les conditions de vie des Français et pour envisager l'avenir avec sérénité. Notre pays se doit de retrouver rapidement des marges de manœuvre pour faire face à une liste toujours plus fournie de dépenses indispensables – transition écologique, santé, éducation, justice, défense, sécurité – et pour se préparer à d'autres éventuelles crises, afin d'y répondre aussi efficacement qu'en 2020.
Nous devons dire aux Français que maîtriser notre dette, c'est préserver notre souveraineté et assurer notre crédibilité auprès de nos voisins européens. Ce décalage par rapport à eux affaiblit considérablement notre leadership et notre capacité à peser dans les débats qui auront lieu prochainement. Collègues de l'opposition, comment voulez-vous être crédibles si nous sommes les mauvais élèves ? En effet, si nous n'opérons pas un changement profond de méthode, notre note pourrait, dès le mois de décembre prochain, être dégradée par les agences de notation.
Une telle décision de leur part affecterait lourdement notre souveraineté, en augmentant considérablement la charge de la dette.
Sans grande surprise, le groupe Démocrate, faisant preuve d'un esprit de responsabilité, propose d'appliquer une méthode,…
…aussi rigoureuse que réaliste pour mettre en œuvre le désendettement de la France. Elle repose sur trois grands piliers : prévision, évaluation, sincérité.
D'abord, s'agissant de la prévision, les députés du groupe Démocrate sont convaincus que la stratégie de désendettement doit s'inscrire dans le temps long. C'est tout l'objet de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, dont nous saluons l'adoption, ô combien nécessaire, en nouvelle lecture. En effet, ce texte prévoit que nous passions sous la barre des 3 % de déficit en 2026.
Ensuite, depuis plusieurs années, nous appelons de nos vœux la conduite systématique d'une évaluation annuelle. Qu'il s'agisse de dépenses fiscales inefficientes ou encore d'opérateurs de l'État à rationaliser, seule une évaluation rigoureuse et systématique nous permettra, en toute objectivité, de maîtriser notre niveau de dépenses publiques en supprimant les dépenses superflues.
Enfin, le troisième pilier est essentiel pour un élu. Mentir aux Français ne résoudra pas leur problème.
Nous devons faire preuve de responsabilité, sans culpabiliser les Français, mais en étant sincères. Oui depuis trois ans, nous avons mis en œuvre des mesures exceptionnelles pour les protéger face aux différentes crises. Mais il est temps de faire preuve de responsabilité budgétaire. Nous n'avons tout simplement pas d'autre choix pour conforter notre crédibilité et préserver notre souveraineté, et envisager l'avenir avec sérénité.
Collègues de l'opposition, sortez de votre rêve éveillé : il n'y a malheureusement pas d'argent magique. Voilà la vérité que nous devons aux Français. Nous devons nous libérer du fardeau de l'endettement et redonner à notre avenir des ailes pour s'envoler vers la liberté financière.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Le débat qui nous occupe ne porte pas uniquement sur la dette publique ; il s'agit également de savoir ce que nous voulons faire du pays. Il n'est pas question, ici, de discuter, comme nous le faisons lors d'un examen budgétaire, des recettes – que, pour notre part, nous souhaiterions voir augmenter – ou des dépenses publiques, qu'une partie de cet hémicycle souhaiterait voir diminuer. Aussi concentrerai-je mon propos sur la question, centrale, du financement de nos services publics.
En 2023, la charge de la dette s'est élevée à plus de 50 milliards d'euros, soit le quintuple du budget de la justice ! Quant à son coût, il a augmenté de plus de 12 milliards en deux ans, ce qui est absolument inédit dans l'histoire de notre pays. Pourquoi une telle hausse ? Celle-ci est due, non pas tant à l'augmentation des taux d'intérêt, qui n'a pas été si importante, qu'au choix suicidaire et répété de poursuivre l'indexation d'une partie très importante de notre dette publique sur l'inflation.
La France est ainsi le troisième pays du monde dont l'encours de dette indexée sur l'inflation – il se monte, pour notre pays, à 267 milliards – est le plus élevé. Seuls la devancent les États-Unis et le Royaume-Uni. Pourtant, seulement 6 % de la dette américaine est indexée sur l'inflation, contre 11,5 % de la dette française. Quant au coût correspondant, il représente 30 % du coût de notre dette totale. C'est dire à quel point ce choix est dangereux pour nos finances publiques.
Je connais le discours du Gouvernement à ce sujet, car nous avons débattu de cette question à de nombreuses reprises : le choix d'émettre des OAT indexées sur l'inflation est contracyclique. Lorsque l'inflation est faible, il est plus facile de rembourser la dette ; lorsqu'elle est forte, la charge de la dette devient plus lourde. Cet argument est démenti très directement par le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances.
Je vous invite, messieurs les ministres, mes chers collègues, à ouvrir ce rapport à la page 34 ; vous pourrez y consulter le schéma qui retrace le bilan budgétaire du programme d'émissions indexées depuis 1998, schéma dont il ressort que ce bilan est négatif de 10 milliards. Autrement dit, le choix, opéré à la fin des années 1990, d'émettre des obligations indexées sur l'inflation a coûté, au total, 10 milliards aux finances publiques.
Ce choix – cela a été indiqué par les orateurs qui m'ont précédé –…
…est incompréhensible. En effet, selon le même rapport, le ratio de couverture de notre dette est, pour ce qui est des obligations classiques, de 2,76, ce qui prouve que la demande des marchés est très forte pour les obligations françaises, et pour cause : elles sont émises par un pays qui rembourse sa dette et qui est donc crédible dans le concert des nations.
Un tel ratio de couverture démontre, là encore, combien il est nécessaire de mettre fin au recours à des obligations indexées sur l'inflation. C'est pourquoi je me permets, monsieur le ministre de l'économie, d'appeler à un moratoire en la matière. Je regrette donc que, le 19 octobre, demain, l'Agence France Trésor émette de nouvelles obligations de ce type, à hauteur de 1,8 milliard : ce sont autant de dettes qu'il nous sera difficile de rembourser.
Disons-le clairement : un tel choix, dont j'ai rappelé le bilan depuis 1998, est inacceptable au regard de nos finances publiques.
Il est également inacceptable socialement. Comment, en effet, expliquer que ni les salaires, ni les ressources des collectivités territoriales, notamment la dotation globale de fonctionnement, ni un grand nombre de prestations sociales ne soient indexés sur l'inflation quand la charge de la dette française payée aux investisseurs l'est ?
Il est enfin inacceptable sur le plan démocratique, car le directeur général de l'Agence France Trésor ne peut décider seul de la structure de notre dette et de son financement. Accepterait-on que le garde des sceaux décide seul de l'emploi du budget de son ministère ?
Pour ces différentes raisons, nous vous invitons à envisager une diminution structurelle de la part de notre dette indexée sur l'inflation.
M. Mickaël Bouloux, Mme Sophie Taillé-Polian ainsi que M. le président de la commission des finances applaudissent.
« Maîtriser la dépense » : c'est par ces mots que nous a été présenté le projet de loi de finances pour 2024. Ce projet de budget est ambitieux, que ce soit du point de vue des investissements d'avenir ou des choix de réduction de nos dépenses, puisque plus de 16 milliards d'euros d'économies sont prévus. Ces économies sont nécessaires : tous les rapports le soulignent, et le contexte international ne fait que renforcer cette nécessité.
La dette de notre pays a dépassé les 3 000 milliards d'euros. En 2027, la charge de la dette sera le premier poste de dépense de l'État. Enfin, le récent rapport sur la dette des administrations publiques est inquiétant quant à notre capacité à poursuivre, dans les années à venir, les investissements nécessaires.
Face à ce constat alarmant, le rôle des parlementaires est évidemment essentiel. Nous avons la possibilité de proposer des pistes d'économies, mais nous devons également assumer notre part de responsabilité dans l'aggravation de la dette car, chaque année, les parlementaires se font les relais de propositions qui, bien souvent, augmentent la dépense publique. C'est pourquoi groupe Horizons et apparentés s'est fixé un principe simple : chaque mesure que nous proposons lors des discussions budgétaires est systématiquement financée par une économie. Ce principe, nous devrions tous nous l'appliquer, pour le bien de nos finances publiques.
Comme chaque année, les discours sur les finances de l'État divergent. Les uns nous reprochent de ne pas aller assez loin dans la réduction des dépenses, mais déposent des amendements qui coûteraient plusieurs milliards d'euros à l'État ; les autres, partisans de la dette infinie, pensent que nous pouvons effacer nos dettes d'un coup de gomme.
Le budget de notre pays mérite mieux que ces postures de principe. Il nécessite du sérieux et un cap. Celui-ci est clair : « Il nous faut remettre nos comptes publics dans le bon ordre ».
Tout à fait !
Ces mots ne sont pas les miens ; ce sont ceux du ministre de l'économie et des finances, qui les a prononcés hier à cette tribune.
Comme quoi !
Sourires.
Nous devrions tous partager ce constat : nous devons retrouver une trajectoire soutenable de réduction de la dette ainsi que la maîtrise de nos dépenses, et remettre de l'ordre dans les comptes. Nous le savons, les agences de notation veillent et, dans le contexte actuel, la hausse des taux d'emprunt pour les États devrait tous nous inquiéter.
Le « quoi qu'il en coûte » a été nécessaire. Durant les crises, il a permis d'accompagner nos entreprises, de préserver nos emplois et à notre pays de faire face. Mais il faut être lucide : ces politiques ont évidemment aggravé l'état de nos finances publiques, lesquelles commençaient à peine à se rétablir.
Face à ces constats, le cap doit être clair ; il ne peut souffrir aucune inflexion, aucun compromis : nous devons baisser la dépense publique et retomber sous les 3 % de déficit d'ici à 2027.
Nous le devons aux Français, car c'est de leur argent que nous parlons.
Nous le devons à nos créanciers, qui ont investi dans la France et attendent de nous du sérieux dans le remboursement de nos dettes.
Nous le devons enfin à nos enfants et aux générations futures, qui paieront le coût de notre inactivité.
Mes chers collègues, soyons honnêtes : aucune démocratie n'est réellement libre si elle n'est pas financièrement indépendante. C'est une question de sérieux budgétaire et de souveraineté politique. Une dépense publique non maîtrisée et une dette abyssale mettraient notre avenir en grand danger.
Alors, prenons nos responsabilités pour que jamais la France ne se trouve dans une situation dans laquelle elle ne pourrait plus faire face à ses dettes.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Après le débat qui s'est tenu le 11 octobre 2022 dans le cadre de l'examen de la loi de finances en cours d'application, nous voici réunis pour le deuxième débat sur la dette publique de la XVI
Cinq minutes : tel est mon temps de parole sur un sujet si important, qui souffre d'ailleurs d'une absence totale de débat démocratique et d'appropriation citoyenne. J'irai donc à l'essentiel.
Quelle est la situation actuelle de l'endettement public français ? À la fin du premier quinquennat Macron, les finances publiques françaises étaient parmi les plus dégradées de la zone euro. Monsieur le ministre de l'économie, chers collègues du camp présidentiel, le premier quinquennat de votre président fut celui du doublement du déficit public – 6,4 points de PIB en 2021, contre 3,2 points de PIB en 2017 –…
C'est vrai qu'il ne s'est rien passé !
…et de l'explosion de la dette publique, supérieure à 110 points de PIB en 2021 contre 87,7 points de PIB en 2017.
Vous me répondrez : « Covid-19, covid-19, covid-19 ! » Eh bien, non !
Dans les faits, la part des aides publiques – qui font partie des dépenses publiques – versées aux entreprises, essentiellement sous la forme de dépenses fiscales et sociales, est passée d'environ 2,6 % du PIB en 1979 à 8,5 % du PIB en 2022, soit plus de 200 milliards d'euros répartis comme suit : 109 milliards de niches fiscales, 64 milliards d'allégements de cotisations sociales et 32 milliards de dépenses budgétaires directes.
Les chiffres montrent donc que l'État dépense énormément pour les entreprises privées et pratique une politique d'austérité en matière de services publics et d'investissements publics, sur lesquels il devrait pourtant se concentrer. C'est l'âge d'or du capitalisme sous perfusion !
Avant la crise de la covid-19, les intérêts d'emprunt, c'est-à-dire la charge de la dette, étaient faibles, du fait des taux bas, voire négatifs ; ils compensaient l'augmentation de l'encours de la dette et permettaient de stabiliser son service à moins de 36 milliards en 2020, contre 46 milliards en 2011. Depuis, la situation a changé : crise de la covid-19, situation en Ukraine, contexte inflationniste élevé et remontée des taux d'intérêt. Ainsi, en 2022, la France a payé environ 38 milliards d'intérêts, sur ses 2 088 milliards de dette à moyen et long terme, soit une nette progression au regard des 24 milliards de 2021.
Le coût de l'emprunt aurait été nettement moins élevé si 10 % de la dette publique n'avaient pas été contractés à un taux variable, indexé pour près du tiers sur le taux d'inflation français, et pour les deux tiers restant sur l'inflation européenne. À la fin de l'année 2022, le taux d'inflation de référence français atteignait 6 % et celui de la zone euro 9,3 %.
Monsieur le ministre de l'économie, votre décision a donc entraîné un coût supplémentaire de près de 16 milliards, soit 3,5 milliards pour les titres de dette indexés sur l'inflation française et 12,4 milliards pour ceux indexés sur l'inflation européenne. Si ces emprunts s'étaient vus appliquer le taux moyen pratiqué, comme pour les 90 % restants de la dette publique, le coût n'aurait été que de 2,5 milliards, soit une économie de 13,5 milliards par rapport à la situation actuelle.
Sans même prendre en compte la dette hors bilan, nul ne peut nier le niveau élevé de notre dette publique et de son coût lorsqu'on la compare à celles de l'Allemagne, des Pays-Bas, de l'Autriche et même à la moyenne de la zone euro – 91,2 % – ou encore au Brésil, à la Chine et à l'Inde si l'on étend notre grille de comparaison aux pays du G20.
Toutefois, il est important d'analyser nos choix en matière de politique monétaire et budgétaire chaque fois que nous avons été confrontés à des crises, et d'évaluer leur impact sur le niveau d'endettement public. Chocs pétroliers en 1973 et 1979, krach boursier de 2000 à 2002, crise des subprimes en 2008, crise des dettes souveraines en 2011, pandémie de covid-19 en 2020 : chaque crise économique a conduit à des politiques de relance qui ont elles-mêmes entraîné l'expansion de la dette publique, à laquelle vous tentez de remédier par de nouvelles politiques d'austérité, malgré l'échec de toutes les précédentes.
Que de persévérance dans l'échec ! De fait, monsieur Le Maire, vous vous entêtez. Après le « quoi qu'il en coûte » et l'activation de la clause dérogatoire du pacte de stabilité jusqu'à la fin de cette année, place au discours sur le retour à l'équilibre budgétaire avec pour objectif de revenir sous la barre des 3 % de déficit public en 2027, objectif qui implique de faire, dans un contexte de faible croissance, des économies de 9 milliards d'euros par an jusqu'en 2027.
Nous, écologistes, sommes convaincus de l'urgence d'en finir avec ce capitalisme sous perfusion permanente qui est nuisible pour les comptes publics et de mener une politique axée sur les besoins écologiques et sociaux, qui prévoie des dépenses publiques à la hauteur de ces enjeux, car c'est le seul moyen de nous prémunir contre les crises qui plongent régulièrement notre pays…
…dans la spirale de la dette et les Françaises et les Français les plus démunis – car ce sont eux qui souffrent –…
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Au nom de la dette, vous justifiez tous les renoncements : le renoncement aux investissements dans la transition écologique, le renoncement aux conquis sociaux du passé comme la retraite à 60 ans, le renoncement à des services publics modernisés et confortés, comme le montre l'état de l'hôpital public ou de l'éducation nationale.
Le présent débat n'a donc qu'un unique but : celui de contraindre, de corseter, de désespérer. Pour cela, vous usez de tous les artifices, en comparant des navets et des carottes, ou plutôt des stocks et des flux. Est donc répété le sempiternel ratio de dette sur PIB, qui s'élève à 112 %, soit, à gros traits, 3 000 milliards d'euros de dette contre 2 700 milliards de PIB. Il n'en demeure pas moins que la durée de remboursement de la dette est proche des neuf ans, si bien que, pour être logiques, nous devrions la comparer à neuf années de PIB, c'est-à-dire à plus de 24 000 milliards d'euros.
Ce que nous payons vraiment chaque année, ce sont les intérêts de la dette. Voilà son véritable coût ! Or celui-ci s'élèvera à 48 milliards d'euros en 2024, soit moins de 2 % du total des richesses créées dans notre pays.
C'est très peu en comparaison des choix collectifs opérés par notre peuple, tels que l'instauration de la sécurité sociale, des grands services publics ou encore des services de proximité, soutenus par les collectivités locales.
Je ne puis d'ailleurs m'empêcher de souligner que l'endettement des États-Unis ou du Japon est bien supérieur au nôtre, sans que cela ne les fasse sourciller le moins du monde.
Cela étant rappelé, la sidération de la dette, la domination de la dette, y compris comme instrument d'asservissement dans le débat public, n'est pas un fait naturel. Elle est le fruit d'une lente évolution, concomitante à celle du néolibéralisme, dont l'objectif politique est de réduire la place de l'État, ce qui s'est vérifié dans tous les pays développés ayant accepté le capitalisme financier.
Deux vecteurs ont servi cet objectif.
Le premier est le désarmement fiscal vis-à-vis des plus hauts patrimoines et le report des prélèvements obligatoires vers les classes moyennes et modestes par l'intermédiaire des impôts régressifs. Je rappelle à cet égard que les 500 plus hauts patrimoines ont doublé en quatre ans. Et n'oublions pas non plus que la financiarisation de l'économie s'est accompagnée de mécanismes d'optimisation et de fraude fiscales qui font perdre des centaines de milliards de ressources au niveau européen.
Quant au second vecteur de la domination de la dette, il s'agit de l'abandon par l'État de son rôle de commandement vis-à-vis des marchés financiers, notamment par la suppression du circuit du Trésor. S'agissant de la dette publique, cela se traduit par la normalisation de l'emprunt, avec pour aboutissement l'adjudication des titres de dette et la création d'un marché secondaire de revente. Désormais entre les mains des créanciers privés, la dette publique pouvait enfin devenir l'outil de domination et de gouvernement qu'il avait vocation à devenir pour contraindre l'élaboration des politiques publiques.
Ce bref rappel permet de mettre en exergue un constat toujours ignoré dans le débat public. Qu'il s'agisse des objectifs de dette, de déficit ou de coût de l'endettement, les contraintes induites par la dette publique sont des paradigmes que les libéraux européens, par le biais de différents traités et avec le soutien des gouvernements successifs, ont réussi à imposer aux peuples d'Europe, y compris en piétinant le résultat du référendum de 2005, qui aurait pourtant dû ouvrir une autre voie.
Au même titre que les contraintes que nous nous sommes fixées concernant notre dette publique, l'augmentation de celle-ci depuis de nombreuses années résulte aussi de choix politiques. Outre les cadeaux fiscaux inhérents aux politiques libérales européennes, je m'interroge sur les choix de la BCE qui, avec la hausse des taux directeurs, ont une incidence sur toutes les obligations assimilables du Trésor et vous permettent, monsieur le ministre, de sans cesse nous mettre en garde sur la charge de la dette – même si celle-ci, je l'ai dit, est inférieure à 2 % du PIB et ne pèse pas sur les générations futures.
Je terminerai par deux propositions.
La première est une évidence. Dans la mesure où, en période de crise, la BCE rachète les dettes souveraines par centaines de milliards, pourquoi ne pas instaurer directement un circuit du Trésor européen ?
Quant à la seconde, elle tient particulièrement à cœur au groupe Gauche démocrate et républicaine, qui rassemble les députés communistes et les progressistes ultramarins. Alors que nous faisons face à une urgence écologique et climatique, le Gouvernement ne pourrait-il pas sortir du calcul de la dette au sens de Maastricht les moyens mobilisés pour décarboner l'économie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.
Il est grand temps de sortir de la phase de sidération de la dette – celle-là même qui conduirait à penser que la seule option valable et soutenable serait la réduction des dépenses publiques. C'est ce à quoi nous nous emploierons lors de l'examen de ce projet de loi de finances (PLF) pour 2024, pourvu que le Gouvernement nous laisse la possibilité de montrer qu'un autre modèle est possible. Il se pourrait en effet que notre hémicycle connaisse d'ici peu une dette de débat qui, elle, sera bien réelle.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
En 2024, nous rembourserons 160 milliards d'euros de capital emprunté, tandis que l'État émettra 285 milliards de dette. L'endettement s'accumule année après année. La charge des intérêts atteindra ainsi 52 milliards d'euros fin 2024, soit le montant du budget des armées, sachant que la hausse s'annonce importante dans les années à venir. En effet, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoit plus de 300 milliards d'euros de remboursement d'intérêts d'ici à 2027.
Ces chiffres soulignent clairement la difficulté des choses, le contexte conjoncturel contribuant à cette complexité. Déficit commercial abyssal, augmentation des taux, inflation soutenue, faiblesse du rythme de croissance, coût de l'énergie : au-delà des chiffres, c'est au fond l'autonomie même de la France qui est en jeu.
À cet égard, la dette n'est pas qu'un simple chiffre dans le PLF : c'est un boulet de 83 000 euros qui pèse sur chaque foyer et qui s'alourdira de 9 500 euros pour la seule année 2024, soit plus de la moitié d'un Smic annuel net.
Nous faisons face à quatre problèmes.
Premièrement, notre endettement finance peu d'investissements. Seuls 7 % du total y sont consacrés, ce qui indique que nous ne préparons manifestement pas l'avenir.
Deuxièmement, les taux d'intérêt remontent, si bien que nous risquons de subir un effet boule de neige. Pour rappel, une hausse des taux de 1 point augmente la charge de la dette de 2,5 milliards d'euros l'année suivante et de 160 milliards sur une décennie. Le risque est donc, demain, de ne plus pouvoir ni investir ni gérer les déficits, car les marges de manœuvre seront épuisées.
Autre remarque en passant : ce niveau d'endettement, qui devrait rester supérieur à 108 % du PIB en 2027, nous éloigne des autres pays européens.
Enfin, quatrième élément, la moitié de notre dette est détenue par des acteurs financiers étrangers. Or nous ne faisons rien pour que les Français s'approprient leur dette, comme c'est le cas au Japon ou en Italie. J'avais fait des propositions en ce sens lors d'un PLF antérieur, sans recevoir d'autre suite que des réponses polies : cette piste demeure néanmoins plus que jamais d'actualité.
Par ailleurs, vous permettrez au député insulaire que je suis d'évoquer deux sujets.
Le premier est celui de la taxe relative aux infrastructures de transport, prévue à l'article 15 du PLF. Pour ce qui est des autoroutes, en Corse, nous sommes à l'abri ! Mais vous comprendrez par contre qu'il serait particulièrement malvenu que cette taxation s'applique sur notre île aux aérodromes, qui constituent des instruments indispensables de continuité territoriale.
Cela reviendrait à taxer d'un côté ce que l'on subventionne de l'autre – mais vous me répondrez peut-être que nous n'en sommes plus à une incohérence près.
Ma seconde remarque concerne la dotation de continuité territoriale allouée à la Corse. On ne peut en effet ignorer que, depuis 2009, les textes financiers ne prévoient plus de revalorisation la concernant et que son montant demeure bloqué à 187 millions d'euros. L'indexation de cette dotation aurait conduit, ou plutôt aurait dû conduire à une revalorisation d'au moins 30 millions, et bien davantage encore si la disposition que nous avions soutenue par voie d'amendement lors de l'examen du PLF pour 2018 et qui visait à remplacer la dotation par une fraction de TVA avait été approuvée. Il convient de suivre notre recommandation, messieurs les membres du Gouvernement, et de revaloriser la dotation de continuité territoriale : ce ne serait qu'une mesure de justice à l'égard de la Corse. Nous le demandons chaque année et réitérons donc notre requête.
Je reviens à la question générale de la dette. Que nous enseignent les données ? Qu'il faut augmenter les recettes et réduire les dépenses, du moins en principe. Cela doit-il nous conduire à sacrifier notre modèle social ? Assurément non. S'agissant des dépenses, nous ne proposons pas de mesures d'austérité. Nous tenons à l'éducation, à la santé ou encore à la politique du logement. Nous demandons en revanche de réduire les dépenses fiscales et budgétaires coûteuses, pas toujours efficaces et souvent défavorables à l'environnement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
S'agissant des recettes, notre système fiscal n'est pas non plus le plus juste ni le plus efficace. La pression fiscale est réelle, mais des pistes pour davantage imposer les entreprises et les ménages les plus privilégiés ont été identifiées. À de nombreuses reprises, nous avons soutenu des amendements visant à solliciter l'économie purement spéculative et les géants du numérique : nous regrettons qu'ils n'aient pas été retenus.
Le débat, si j'ai bien compris, sera bientôt suspendu par l'activation de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution. Cela marquera la fin du débat parlementaire, et donc malheureusement le moment où les propositions du Parlement cesseront d'être écoutées alors qu'elles constituent pourtant la base de la vie démocratique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
En 2023, la dette publique française dépasse les 3 000 milliards d'euros et le déficit public les 4 % du PIB, soit deux points de plus que la moyenne des pays de la zone euro. Il faut d'ailleurs le signaler : à l'exception de la France et de l'Italie, tous les autres pays de la zone euro ont réussi à réduire leur déficit et leur dette ces deux dernières années.
La dette française demeure donc largement supérieure au seuil de 60 % du PIB, fixé par le traité de Maastricht de 1992. Ce seuil a été dépassé par la France dès la fin de l'année 2002 et nous ne sommes ensuite jamais revenus dans les limites autorisées. Or si cette règle des 60 % ainsi que celle d'un déficit public inférieur à 3 % du PIB ont été suspendues en raison de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine, elles devraient être réactivées en 2024.
Pour tenter de redresser nos comptes publics, votre loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, adoptée il y a quelques jours grâce à un 49.3, prévoit un désendettement graduel et une réduction du déficit de 4,9 % du PIB cette année à 2,7 % en 2027. Mais pas de chance : le Haut Conseil des finances publiques, organe indépendant rattaché à la Cour des comptes, a rendu son verdict et estimé que vos prévisions économiques étaient trop optimistes et que votre trajectoire manquait singulièrement d'ambition si on les comparait avec celles d'autres pays de l'Union européenne.
Voilà qui n'aidera certainement pas à améliorer notre note financière ! Nous n'aurons d'ailleurs pas longtemps à attendre pour être fixés sur ce point, puisque l'agence de notation Moody's doit se prononcer dès ce vendredi 20 octobre. En avril dernier, c'est l'agence Fitch qui avait abaissé d'un cran la note française, ce qui fut un véritable coup de semonce pour notre économie. Cette mauvaise note avait été justifiée par « des déficits budgétaires importants et des progrès modestes » concernant leur réduction, après trois années d'abondantes dépenses publiques liées au quoi qu'il en coûte et aux mesures destinées à amortir le choc du covid-19 et celui de l'inflation. Et, pourquoi le cacher, Fitch s'était aussi inquiété de l'impasse politique dans laquelle se trouvait le Gouvernement français à la suite des fortes tensions sociales liées à la réforme des retraites.
Afin de rassurer les marchés, vous avez annoncé, monsieur le ministre, vouloir donner des gages de sérieux, prévoyant ainsi 16 milliards d'économies dans votre projet de loi de finances pour 2024, lesquels résultent pour leur plus grande partie de la fin de mesures exceptionnelles, comme le bouclier tarifaire pour l'électricité. Et c'est bien là que le bât blesse, car vous ne faites donc pas de réel effort d'économies. La France est le pays ayant le moins réduit son déficit depuis trois ans. La dette publique est à peine stabilisée chez nous, alors qu'elle décroît dans les autres pays. Et vous prévoyez, monsieur le ministre, de creuser encore la dette en empruntant 285 milliards d'euros sur les marchés financiers en 2024, ce qui est un record jamais atteint.
Les choses ne sont pourtant pas toujours allées de la sorte : il y a dix ans, à la sortie de la crise des dettes souveraines, la France figurait en effet en milieu de tableau, avec une dette qui se montait à 90,6 % du PIB. Fin 2022, ce taux a atteint 111,8 %, soit vingt points de plus que la moyenne des États de la zone euro, qui se situait à 91,6 %.
À quoi est due cette dégradation ? La France n'a jamais pris les choses à bras-le-corps pour tenter de rationaliser ses dépenses publiques, alors que ses voisins, eux, prenaient le taureau par les cornes. Résultat : en 2026, selon vos propres projections, la France devrait être le seul grand pays européen à ne pas afficher un déficit inférieur à 3 % du PIB.
Pour redresser la barre, il n'y a pas trente-six solutions ! Le problème de notre dette publique est qu'elle n'est pas efficace. Chaque année depuis 2017, elle progresse plus vite que le PIB, si bien que la croissance ne suffit pas à payer les intérêts. L'unique solution est donc de diminuer nos dépenses et de nous atteler enfin à de grandes réformes. De plus, quand près de la moitié de nos créances se trouvent dans des mains étrangères, c'est que nous ne sommes plus tout à fait souverains. En définitive, la tâche est immense, mais pas insurmontable.
Nous ne pouvons plus dépenser sans compter et emprunter pour boucler nos fins de mois : c'est une stratégie bien trop risquée à l'heure de la remontée des taux.
Nous devons donc nous atteler de toute urgence à réduire les dépenses. Des choix devront être faits et j'ai quelques propositions à vous soumettre…
Avec plaisir !
…si vous nous en laissez l'opportunité durant l'examen du projet de loi de finances, bien entendu !
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Marc Le Fur applaudit également.
Chaque groupe s'est exprimé, ainsi qu'une députée non inscrite. Je donne maintenant la parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Je propose d'écarter d'emblée les solutions originales qui ont été présentées par certains, notamment par M. Louis Boyard, qui proposait que je me rende avec canne et chapeau, bras dessus bras dessous avec Christian Lindner, à Francfort pour demander à la présidente de la BCE d'annuler la dette française. J'ai peur de n'obtenir qu'un succès d'estime mais surtout, mon homologue allemand refusant de m'accompagner, de me retrouver tout seul dans le train.
Sourires sur les bancs du groupe RE.
Ces solutions ont le mérite de l'originalité mais sans doute pas celui de l'efficacité. Laissons-les donc de côté pour privilégier la raison…
…afin d'éclairer la représentation nationale, ainsi que ceux de nos concitoyens qui ont le courage d'écouter un débat fondamental sur la dette.
Dépêchez-vous de nous éclairer ! La lumière va bientôt s'éteindre sur le projet de loi de finances.
Je vous invite d'abord à comparer l'historique de la dette française avec celui de la dette allemande afin de mieux comprendre le décrochage de la dette française et les leçons que nous pouvons en tirer.
En 2008, les dettes publiques allemande et française se trouvaient quasiment au même niveau : elles étaient respectivement à 65 % et à 68 % du PIB. En 2015, au lendemain de la crise des dettes souveraines de 2010, l'écart était de trente points : la dette française représentait 96 % du PIB alors que l'Allemagne avait réussi à consolider sa dette et à revenir à un ratio de 65 %.
La France n'a donc pas réussi à consolider sa dette au lendemain de la crise financière de 2010.
Nous ne nous sommes jamais remis de ce décalage. Voilà la stricte réalité de l'historique des dettes française et allemande.
Pour faire face aux crises du covid et de l'inflation, la France, ainsi que tous les pays d'Europe, en particulier dans la zone euro, ont dû augmenter leur niveau de dette de dix à quinze points alors que l'écart avec l'Allemagne demeurait inchangé.
Nous sommes aujourd'hui sortis de la crise du covid et je ne regrette d'ailleurs aucun des euros dépensés pour y parvenir : ces euros ont sauvé des entreprises, des emplois et des technologies.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Soyez honnêtes et reconnaissez-le : ces dépenses ont été utiles et elles ont sauvé l'économie française. Je me souviens que, lorsque nous gérions la crise du covid avec le Président de la République et le Premier ministre de l'époque, vous étiez nombreux à venir frapper à ma porte ou à m'envoyer des lettres pour demander que nous dépensions plus pour les entreprises, les salariés, les laboratoires, les boulangeries de vos circonscriptions.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Nous avons relancé l'économie avant de devoir faire face à la plus grave crise inflationniste depuis les années soixante-dix, poussée par l'explosion des prix de l'énergie, liée notamment à la guerre en Ukraine et aux difficultés d'approvisionnement en gaz et en pétrole.
Pour y répondre, nous avons fait le choix, que je revendique, de protéger nos compatriotes contre la flambée des prix de l'énergie, principalement de l'électricité et du gaz, par la mise en place d'un bouclier tarifaire. Nous pouvons être fiers du résultat, puisque la France connaît depuis deux ans le plus faible taux d'inflation de la zone euro.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Nous sommes sortis de l'inflation de masse et nous reviendrons en 2024 à un taux raisonnable d'inflation, puisqu'il devrait se situer légèrement au-dessus de 2 %. Nous n'avons connu ni récession, puisque notre économie a continué à croître, ni brutalité inflationniste, comme d'autres pays européens. Nous revenons à la normale et c'est donc maintenant qu'il faut avoir le courage de réduire les dépenses publiques pour réduire la dette. Ne commettons pas en 2023 l'erreur que nous avons commise en 2010,…
Vous allez d'erreur en erreur et vous vous apprêtez à en commettre d'autres !
…celle de retarder la consolidation de notre dette. C'est maintenant qu'il faut commencer à nous placer sur une trajectoire accélérée de désendettement et de réduction des dépenses publiques.
Nous vous avons proposé de créer de nouvelles recettes ; vous avez refusé.
Cette majorité est la seule à avoir réussi à réduire les dépenses publiques :
Exclamations sur les bancs du groupe RN
je rappelle que c'est grâce à la majorité…
…que la France a vu son déficit public passer sous la barre des 3 % du PIB en 2018 et qu'elle a pu sortir de la procédure de déficit excessif (PDE), en prenant des décisions difficiles, notamment sur les emplois aidés.
Courage ! Il vous reste encore vingt minutes à meubler avant l'arrivée de la Première ministre !
Dans l'immédiat, nous devons financer notre dette et, cela a été rappelé sur tous les bancs, lever 285 milliards l'année prochaine. Je rappelle que 90 % des émissions de dette française se font à taux fixe, mais la France émet également des obligations indexées sur l'inflation, pour un montant correspondant à environ 10 % de la dette publique.
J'ai entendu des critiques, de tous les bords, sur ces obligations indexées, mais s'il s'agissait vraiment d'un mauvais choix, pourquoi les autres pays du G7 – États-Unis, Allemagne, Royaume Uni, Italie – le font-ils aussi ?
Je sais bien que le Rassemblement national est plus intelligent que tous ces pays ,
Exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Thomas Rudigoz applaudit
mais quand ceux-ci indexent une partie de leurs obligations sur l'inflation, c'est, me semble-t-il, pour de bonnes raisons. La première d'entre elles est que les investisseurs, qui achètent ces obligations, comme les banques, sont exposés à des produits indexés sur l'inflation, comme le livret A.
Pour acheter de nouvelles obligations à l'État français, les investisseurs, qui ont déjà acheté beaucoup d'obligations à taux fixe, demandent des obligations à un taux supérieur qui, si elles n'étaient pas indexées sur l'inflation, nous reviendraient beaucoup plus cher.
Offrir des produits répondant à la demande des investisseurs nous donne l'assurance de ne pas payer un prix exorbitant pour leur imposer des produits dont ils ne veulent pas. C'est simple à comprendre et c'est la raison pour laquelle la France et les autres pays du G7 émettent des obligations indexées sur l'inflation.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Ces obligations représenteraient selon certains un surcoût de 9 milliards, mais il n'est pas très honnête d'avancer ce chiffre, car il représente une provision faite en 2023, à un moment où le taux d'inflation était élevé. Pourquoi ne pas citer aussi la provision négative de 15 milliards faite en 2021 lorsque l'inflation était faible ? Au bout du compte, l'État français s'y retrouve et, je le répète, ces obligations représentent une dépense moins élevée que celle de produits imposés aux investisseurs.
Quelle est notre stratégie à long terme après avoir levé 285 milliards de dettes ? Je souligne d'abord que si notre situation d'endettement était mauvaise, l'écart de taux d'intérêt avec l'Allemagne – qui reste stable, aux alentours de soixante points de base – la refléterait. L'émission de dettes et la politique économique de la France sont crédibles.
Madame Le Pen, je ne suis pas sûr que si le Rassemblement national était au pouvoir, le spread entre la France et l'Allemagne serait ce qu'il est aujourd'hui !
Avec l'absence de réforme des retraites, la baisse de la TVA et les dépenses supplémentaires que vous prônez, je suis convaincu que le spread exploserait.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Nous devons donc adopter une stratégie de long terme, préoccupation qui fait défaut à certains d'entre vous. Notre stratégie est d'abord celle de la croissance, qui est la meilleure façon de réduire le ratio entre la dette et le PIB, puisque ce dernier augmente. Ceux qui ont exprimé des doutes sur les prévisions de croissance dans notre pays sont les mêmes qui annonçaient, il y a un an, la récession.
Ils prévoyaient une récession de 0,5 % en 2023 alors que notre économie a crû de 1 %, taux sur lequel le Gouvernement et la majorité s'étaient engagés.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Certains reprochent à nos hypothèses d'être trop généreuses, mais, puisqu'elles se vérifient, ce sont de bonnes hypothèses.
Celle que nous avançons pour la croissance en 2024 est de 1,4 %, alors que le FMI avance un taux de 1,3 % et l'OCDE de 1,2 %.
Je ne pense donc pas que nous surévaluions le potentiel de croissance de notre économie. Certains croient moins dans le potentiel des salariés et des entrepreneurs français que cette majorité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Rires sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Madame Garrido, s'il vous plaît ! Le Gouvernement répond aux orateurs dans le cadre de l'organisation de ce débat.
Madame la députée, je vous ai écoutée longuement ; ayez la patience de m'écouter quelques instants. Vous êtes plus dissipée que nos compatriotes qui nous écoutent attentivement depuis les tribunes…
Évidemment, ils n'ont pas le droit de parler ! S'ils pouvaient le faire, on les entendrait ; seulement, ils n'ont pas envie de payer une amende !
…et qui doivent être une nouvelle fois affligés par le comportement des députés de La France insoumise.
Le deuxième volet de notre stratégie de long terme concerne les réformes de structure. La réforme des retraites rapportera 12,5 milliards en 2027, tout comme celle de l'assurance chômage. Ceux qui n'ont pas voté ces réformes n'ont aucune leçon à donner à cette majorité qui a eu le courage de les faire. Concrètement, elles permettent à l'État français de réaliser d'importantes économies.
Si elle était bien organisée, elle arriverait à seize heures quarante-neuf.
Le troisième volet concerne les économies : sortie du bouclier tarifaire et réduction de la portée des dispositifs de la politique de l'emploi.
Si, comme certains le disent, ces économies sont simples à réaliser, pourquoi ne pas les voter ? Pourquoi ceux qui prônent une réduction des dépenses ne nous soutiennent pas ?
Je rappelle que nous avons engagé une revue des dépenses publiques, grâce à laquelle nous examinerons chaque année quinze à vingt programmes de dépenses publiques afin de réduire celles qui sont inefficaces et qui ne répondent pas aux attentes de nos compatriotes.
Au-delà de cette stratégie en trois volets, je me permets de partager avec vous une réflexion plus globale sur le modèle social français. Je rappelle qu'il a été construit en 1945,…
…alors que notre démographie était beaucoup plus dynamique, que l'industrie représentait 35 % du PIB et que notre pays comptait des millions d'exploitations agricoles.
Il ose nous dire qu'en 1945, la situation était plus favorable qu'aujourd'hui ?
Depuis, nous n'avons cessé d'ajouter des dépenses pour rendre ce modèle plus généreux et plus protecteur, alors que, dans le même temps, la part de l'industrie dans le PIB est passée de 35 % à 10 % et le nombre d'exploitations agricoles a été divisé par dix.
Moins de production, plus de dépenses publiques : ne cherchez pas ailleurs la cause des problèmes du modèle social français. Si nous voulons vraiment répondre à ces problèmes et à ceux de la dette, il nous faudra remettre en question le périmètre de l'État et celui de notre modèle social. Nous devons regarder cette vérité en face pour répondre aux attentes de nos compatriotes. À défaut, nous devrons – comme on l'a fait pendant les décennies précédentes – ponctionner toujours plus d'argent sur le travail des Français et compenser des charges par la dépense publique.
Ces deux solutions sont des impasses : nous devons inventer un nouveau modèle pour financer nos dépenses publiques et notre dette.
En conclusion,…
…je souligne que le désendettement est un impératif absolu car l'intérêt national et notre indépendance sont en jeu. La situation géopolitique, notamment au Proche-Orient, exige de reconstituer des réserves financières pour faire face à toute nouvelle forme de crise économique. Nos obligations vis-à-vis de nos partenaires européens tout comme la garantie que nous devons donner à nos compatriotes de l'indépendance financière de la nation française exigent que nous réduisions notre dette.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Yaël Braun-Pivet.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi de finances pour 2024.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, dont plusieurs députés se lèvent.
Je vous demande de vous taire, monsieur Boyard. Si vous connaissez la procédure, vous savez que seule Mme la Première ministre a la parole
Le projet de loi de finances est un texte fondamental.
Il est la clé de voûte de nos politiques publiques,…
…la réponse aux préoccupations des Françaises et des Français
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.
Il permet d'engager des moyens pour le pouvoir d'achat, le plein emploi, la transition écologique, les services publics et l'ordre républicain.
Sur tous ces points, le présent texte permettra des avancées majeures.
C'est un projet de budget pour notre armée, notre sécurité intérieure, notre justice, auxquelles nous consacrons des moyens inédits dont le contexte actuel nous rappelle combien ils sont nécessaires. Nous en avons besoin pour protéger les Français.
C'est un budget vert.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Il permettra d'accélérer la transition écologique, en y consacrant des moyens sans précédent : 41 milliards d'euros l'année prochaine, soit 7 milliards d'euros de plus que cette année. C'est un budget pour notre école, marqué par une revalorisation historique du salaire des enseignants ; celui-ci augmentera de 125 euros minimum par mois. J'ajoute que c'est un budget de cohérence.
Il maintient le cap de notre politique économique…
…et applique notre engagement de ne pas augmenter les impôts.
Nous continuons même à diminuer les impôts de production, à travers une nouvelle baisse de 1 milliard d'euros.
Notre objectif est inchangé : supprimer totalement la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – d'ici à la fin du quinquennat.
C'est enfin un budget de responsabilité, qui respecte la trajectoire prévue de réduction des déficits publics,…
…avec 16 milliards d'euros d'économies l'an prochain.
Mesdames et messieurs les députés, pour ce budget comme pour les précédents, nous avons tendu la main et cherché des points d'accord.
Rires et exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Nous avons discuté avec tous les groupes ,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
notamment dans le cadre des dialogues de Bercy.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Enfin, nous avons accepté de faire évoluer le texte, en reprenant des amendements de la majorité comme des oppositions.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Nous assouplirons les conditions d'accès du prêt à taux zéro ; celui-ci sera désormais ouvert à 6 millions de Français. Nous instaurerons un abattement exceptionnel pour les plus-values foncières, afin de libérer des terrains à bâtir. Nous lutterons mieux contre la fraude et renforcerons les dispositifs d'aide au carburant pour les travailleurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Cependant, le constat est clair : actuellement, aucun groupe d'opposition n'est prêt à voter ce projet de loi de finances.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Or notre pays a besoin de ce budget. Nous avons besoin de la première partie du projet de loi de finances pour financer nos projets et les réponses aux défis auxquels nous faisons face.
Vives protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
S'il vous plaît ! Cela n'a rien de drôle. Je vous demande de respecter Mme la Première ministre. C'est un minimum dans cet hémicycle.
« Elle ne nous respecte pas ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Tanguy, je ne sais pas si vous prenez modèle sur les travées les plus à gauche de l'hémicycle, mais en tout cas, cela fait assez peu progresser le débat.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Un peu de silence ! Je vous demande, de part et d'autre de cet hémicycle, de laisser Mme la Première ministre s'exprimer.
Comme à chaque fois que ce sera nécessaire, j'agirai en conscience et dans l'intérêt…
…du pays et des Français. Aussi, sur le fondement de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, j'engage la responsabilité du Gouvernement sur la première partie du projet de loi de finances pour 2024.
Mmes et MM. les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent. – Mmes et MM. les députés des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et quittent l'hémicycle.
Merci beaucoup, madame la Première ministre.
L'Assemblée nationale prend acte de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement conformément aux dispositions de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Plusieurs membres du Gouvernement ont quitté leur banc, pour s'entretenir avec Mme la Première ministre.
Madame la Première ministre, messieurs les ministres, je n'ai pas fini. La séance n'est pas encore levée.
MM. les ministres reprennent place au banc du Gouvernement. – Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR.
Le texte sur lequel la Première ministre engage la responsabilité du Gouvernement sera inséré en annexe au compte rendu de la présente séance.
En application de l'article 155, alinéa 1er , du règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu. Ce texte sera considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée avant demain, seize heures cinquante-neuf, est votée dans les conditions prévues à l'article 49 de la Constitution.
Dans l'hypothèse où une motion de censure serait déposée, la conférence des présidents fixera la date et les modalités de sa discussion.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra