Deux vecteurs ont servi cet objectif.
Le premier est le désarmement fiscal vis-à-vis des plus hauts patrimoines et le report des prélèvements obligatoires vers les classes moyennes et modestes par l'intermédiaire des impôts régressifs. Je rappelle à cet égard que les 500 plus hauts patrimoines ont doublé en quatre ans. Et n'oublions pas non plus que la financiarisation de l'économie s'est accompagnée de mécanismes d'optimisation et de fraude fiscales qui font perdre des centaines de milliards de ressources au niveau européen.
Quant au second vecteur de la domination de la dette, il s'agit de l'abandon par l'État de son rôle de commandement vis-à-vis des marchés financiers, notamment par la suppression du circuit du Trésor. S'agissant de la dette publique, cela se traduit par la normalisation de l'emprunt, avec pour aboutissement l'adjudication des titres de dette et la création d'un marché secondaire de revente. Désormais entre les mains des créanciers privés, la dette publique pouvait enfin devenir l'outil de domination et de gouvernement qu'il avait vocation à devenir pour contraindre l'élaboration des politiques publiques.
Ce bref rappel permet de mettre en exergue un constat toujours ignoré dans le débat public. Qu'il s'agisse des objectifs de dette, de déficit ou de coût de l'endettement, les contraintes induites par la dette publique sont des paradigmes que les libéraux européens, par le biais de différents traités et avec le soutien des gouvernements successifs, ont réussi à imposer aux peuples d'Europe, y compris en piétinant le résultat du référendum de 2005, qui aurait pourtant dû ouvrir une autre voie.
Au même titre que les contraintes que nous nous sommes fixées concernant notre dette publique, l'augmentation de celle-ci depuis de nombreuses années résulte aussi de choix politiques. Outre les cadeaux fiscaux inhérents aux politiques libérales européennes, je m'interroge sur les choix de la BCE qui, avec la hausse des taux directeurs, ont une incidence sur toutes les obligations assimilables du Trésor et vous permettent, monsieur le ministre, de sans cesse nous mettre en garde sur la charge de la dette – même si celle-ci, je l'ai dit, est inférieure à 2 % du PIB et ne pèse pas sur les générations futures.
Je terminerai par deux propositions.
La première est une évidence. Dans la mesure où, en période de crise, la BCE rachète les dettes souveraines par centaines de milliards, pourquoi ne pas instaurer directement un circuit du Trésor européen ?
Quant à la seconde, elle tient particulièrement à cœur au groupe Gauche démocrate et républicaine, qui rassemble les députés communistes et les progressistes ultramarins. Alors que nous faisons face à une urgence écologique et climatique, le Gouvernement ne pourrait-il pas sortir du calcul de la dette au sens de Maastricht les moyens mobilisés pour décarboner l'économie ?