Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 17h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer.

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Messieurs les ministres, chers collègues, l'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen, en commission d'évaluation des politiques publiques, de la mission Écologie, développement et mobilité durables, du budget annexe Contrôle et exploitation aériens et du compte spécial Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale.

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Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Cette évaluation est l'occasion pour le Gouvernement de vous présenter l'usage que nous avons fait des crédits votés par votre assemblée, même si, pour cette année 2022, l'exercice auquel nous allons nous livrer sera marqué par le fait que nous n'avons pas été aux commandes de l'exécution pendant la totalité de l'année. Néanmoins, nous sommes à votre disposition pour répondre sur toute cette période d'évaluation. Cette année 2022 est particulièrement intense en termes d'exécution, compte tenu des crédits qui ont été ajoutés en cours d'année à la suite de la guerre en Ukraine.

Les crédits que je vais vous commenter ne concernent qu'une partie des crédits de mon ministère. Sur la partie cohésion des territoires, vous avez d'ores et déjà auditionné Olivier Klein, et sur la partie relations avec les collectivités territoriales, Dominique Faure s'est livrée à ce même exercice.

La mission Écologie, développement et mobilité durables regroupe les crédits relatifs aux transports, à la biodiversité, à la prévention des risques, à l'énergie et à la mer. Ces crédits ont fait l'objet d'une analyse fournie de la part de la Cour des comptes dans ses notes d'exécution budgétaire.

2022 est une année rendue exceptionnelle par le point haut qu'atteignent les crédits de la mission et par le contexte de la guerre en Ukraine, qui a entraîné un certain nombre de dépenses. Au stade de la loi de finances initiale, avant le déclenchement de la guerre, les crédits de la mission se sont élevés à 21,6 milliards d'euros en AE et à 21,2 milliards d'euros en CP, en hausse par rapport à l'année précédente. En 2007, les crédits globaux de cette mission s'élevaient à 9 milliards d'euros. Entre 2007 et 2017, les crédits de la mission ne sont passés que de 9 milliards d'euros à 11 milliards d'euros. C'est bien depuis six ans que les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables sont passés de 11 milliards d'euros à 21 milliards d'euros, hors dépenses exceptionnelles. Des effets de périmètre doivent être pris en compte. Par exemple, le Fonds vert est intégralement dédié au financement de la transition écologique. Il ne figure pas dans la mission Écologie, développement et mobilité durables et vient pourtant majorer de 2 milliards d'euros les crédits qui permettent des mesures favorables à la biodiversité et au climat. Ces 21 milliards d'euros de crédits doivent être comparés aux 11 milliards d'euros du début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron.

L'année 2022 a été aussi marquée par 10 milliards d'euros d'ouvertures de crédits exceptionnels, résultat direct de la crise énergétique provoquée par la guerre. Ce volume a atteint un niveau inégalé depuis la création de cette mission. Cependant, la mission Écologie, développement et mobilité durables a porté des dépenses qui n'étaient pas favorables à l'écologie ni au développement durable, au motif qu'elles permettaient de soutenir d'un point de vue social des Français fragilisés par l'augmentation brutale des prix.

L'année 2022 est globalement marquée par une bonne consommation des crédits et des autorisations d'emploi, avec 93 % de taux de réalisation, contre 85 % l'année précédente et 78 % en 2019. Les taux de réalisation sont particulièrement satisfaisants sur certaines lignes, puisque l'essentiel de la sous-consommation résulte d'une opération de recapitalisation de SNCF Réseau à hauteur de 1,2 milliard d'euros et, pour environ 1 milliard d'euros, de crédits liés à des dispositifs de soutien aux familles et aux ménages, qui ont glissé sur le début de l'année 2023. Le volume de crédits annulés au titre de l'exercice 2022 est particulièrement faible, à 34 millions d'euros en AE et 43 millions d'euros en CP.

Nous avons respecté les plafonds d'emplois à 99 % et je tiens à souligner que l'année 2022 marque la dernière année de baisse des effectifs de mon ministère. Le plafond d'emplois du pôle ministériel a diminué d'un tiers depuis 2007 et a été stabilisé au titre de l'année 2023, avec des engagements très clairs pour la totalité de ce quinquennat en termes de créations de postes. Cette inversion est un choix fort.

Je souhaite m'arrêter sur deux points saillants : la rénovation énergétique et le ferroviaire. En ce qui concerne la rénovation énergétique, nous avons en 2021 consommé l'intégralité des crédits prévus dans le cadre du plan de relance, au titre du financement de MaPrimeRénov', alors même que le plan de relance avait été imaginé pour potentiellement produire des effets sur plus d'un exercice budgétaire. En 2022, près de 670 000 logements ont bénéficié d'une aide. À 70 %, les bénéficiaires de MaPrimeRénov' étaient des ménages très modestes ou modestes. Depuis 2020, 1,7 million de dossiers ont été déposés. Il faut à présent améliorer le dispositif, pour que les rénovations soient plus performantes et pour réaliser davantage d'économies d'énergie, tout en prévenant mieux les fraudes et en raccourcissant les délais. Cela n'entache en rien le succès de ce dispositif, en termes d'ampleur, de rapidité de mise en œuvre et de promesses pour l'avenir.

S'agissant du ferroviaire, en 2022, l'État a repris 10 milliards d'euros de dette supplémentaire de SNCF Réseau, conformément à son engagement. Cela traduit le choix du précédent quinquennat d'alléger le fardeau de la dette de la SNCF pour lui permettre d'investir dans la régénération du réseau. Je ne peux que saluer de ce point de vue la cohérence entre les décisions de l'année en cours et les annonces précédentes.

Enfin, je vous dis un mot très rapide de ces 2 milliards d'euros du Fonds verts. Lorsqu'à l'automne dernier, j'avais eu l'occasion de m'exprimer devant vous, je vous avais indiqué qu'il me semblait nécessaire de ne pas seulement compter en euros, mais également en carbone. Au titre de 2022, je vous indique que nos émissions de carbone ont bien respecté l'objectif de 410 millions de tonnes, puisque nous terminons l'année 2,5 millions de tonnes en dessous de cet objectif, comme ces trois dernières années.

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Hervé Berville, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer

Je suis très heureux d'être présent pour ce printemps de l'évaluation, initiative portée par la précédente majorité. Il s'agit d'un moment important pour faire le point sur ce qui a été exécuté et pour préparer aussi les futurs budgets.

Ce budget a été élaboré en 2022, alors que le Président de la République a souhaité faire de l'enjeu maritime un enjeu majeur, notamment dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et de la souveraineté économique. En effet, 80 % du commerce est effectué à travers l'espace maritime. Nous avons la chance en France, grâce notamment à nos territoires ultramarins, de disposer du deuxième espace maritime au monde.

Mon ministère poursuit trois priorités : la protection des océans et de nos espaces littoraux, le développement de l'économie maritime et le soutien à tous nos modèles de pêche et la planification en mer, notamment le développement des énergies marines renouvelables.

Pour cela, vous avez voté en 2022 des crédits en hausse de 15 % par rapport à l'année 2021. Il s'agit d'un effort conséquent qui n'a pas de précédent ni d'équivalent dans l'espace européen, soit 34 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'année précédente, cet effort ayant été maintenu en 2023.

L'année 2022 a été marquée par la création d'une nouvelle administration, la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture, pour améliorer la visibilité et la transversalité des enjeux maritimes au sein de l'État. 314 millions d'euros ont été mobilisés en 2022, avec trois axes principaux : le soutien à l'économie bleue, le renforcement de notre souveraineté alimentaire et la sécurité maritime. 190 millions d'euros ont été consacrés à l'enjeu de l'économie maritime, avec un premier pilier sur l'attractivité et la compétitivité. L'État rembourse les cotisations salariales pour permettre la compétitivité du pavillon français. En 2022, les exonérations de charges ont également été maintenues. En ce qui concerne la formation maritime, 12 lycées professionnels maritimes ont été créés sur nos littoraux. De nouvelles formations ont été créées, avec un BTS mécatronique navale, un travail sur la rénovation des BTS et une montée en charge de l'ENSM (École nationale supérieure maritime) qui permettra de doubler les effectifs de cette école d'ici 2027. En 2022, un fonds d'intervention maritime a été créé pour soutenir les initiatives locales en faveur de la préservation de l'environnement marin et du patrimoine maritime, soit 61 lauréats pour 15 millions d'euros engagés. Il s'agit là d'un élément important pour soutenir la vitalité économique de nos littoraux. Je souhaitais également rappeler la révision de la stratégie nationale pour la mer et le littoral, qui permettra d'intégrer beaucoup plus fortement les conséquences du changement climatique.

Le deuxième axe de ce budget correspond au renforcement de notre souveraineté alimentaire. Nous importons 80 % de nos produits de la mer et nous devons donc continuer à soutenir tous nos modèles de pêche. 74 millions d'euros ont été investis pour la pêche en 2022, contre 26 millions d'euros en 2021. Ceci s'explique notamment par l'aide au carburant, la guerre en Ukraine ayant eu pour conséquence d'augmenter fortement le coût de l'énergie.

La troisième priorité est la sécurité maritime, enjeu essentiel. Près de 50 millions d'euros ont été consacrés à la préservation de la vie humaine en mer et à la protection des intérêts de l'État côtier. Il faut également évoquer la pérennisation de la subvention allouée à la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer). Nous avons investi 25 millions d'euros pour verdir notre flotte, avec un nouveau baliseur océanique, et entamé la modernisation des CROSS (centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage).

Il ne peut pas y avoir de nation écologique sans prise en compte des enjeux maritimes. Il ne peut pas y avoir d'autonomie stratégique sans prise en compte de la puissance maritime. C'est l'objet de ces crédits, qui ont été exécutés à hauteur de 96 %. Pour l'année 2023, nous continuerons à poursuivre ces trois priorités.

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Les chiffres sont toujours intéressants, car ils illustrent le quotidien des Français. La documentation budgétaire, par les indicateurs de performance, fournit des informations très intéressantes sur les conséquences concrètes du sous-investissement de l'État dans les transports à faible impact environnemental.

Je distinguerai les conséquences néfastes pour les voyageurs et celles sur le report modal.

Pour les voyageurs, l'indicateur 4.5 fixe une cible de trains en grand retard supérieur à 30 minutes de 7,7 % pour 2023, soit 1 train sur 13, avec une réalisation en 2022 de 9,6 %. Se satisfaire qu'1 train sur 13 accuse un retard de plus d'une demi-heure apparaît particulièrement peu ambitieux. De plus, 1 train sur 5 de la ligne Bordeaux Marseille a accusé un retard supérieur à 30 minutes. Les trains pour Bordeaux et Marseille sont pourtant en concurrence avec des vols directs proposés à des prix très attractifs, du fait des privilèges fiscaux dont bénéficie le transport aérien. Ces retards sont extrêmement dommageables pour le climat : ils incitent au report vers un mode de transport 1 450 fois plus émetteur de gaz à effet de serre que le train.

Venons-en maintenant aux conséquences néfastes du sous-investissement de l'État pour le report modal. Ni la part modale du transport fluvial dans le transport intérieur terrestre de marchandises ni celle du transport ferroviaire n'ont significativement évolué. Ainsi, les chiffres illustrent tristement l'inaction du Gouvernement en matière de mobilité et de décarbonation du secteur.

En 2022, l'exécution budgétaire du programme 203 a été caractérisée une nouvelle fois par la très forte sur-exécution des crédits par rapport à ceux votés en loi de finances initiale, en raison de l'importance des fonds de concours et de l'opération de recapitalisation de SNCF, qui a conduit à d'importants reports de crédits. Les fonds de concours rattachés au programme 203 sont assez nettement supérieurs à ceux anticipés pour 2022. D'importants reports de gestion ont abondé le programme 203 en 2022. Ils sont notamment liés à la recapitalisation de SNCF d'un montant total de 4,05 milliards d'euros. Le contrat de performance signé entre l'État et SNCF Réseau pour 2021 à 2030 prévoit que les crédits de cette recapitalisation soient versés en 3 fois entre 2021 et 2023. Par ailleurs, 168 millions d'euros issus du fonds de concours versés par SNCF Voyageurs ont été reportés à SNCF Réseau afin d'entretenir le réseau, qui est en très mauvais état en France. Les crédits ont été reportés à 2023, année où les besoins de financement de SNCF Réseau devraient être plus élevés du fait des résultats positifs de cette entreprise en 2022 et de l'inflation encore élevée attendue en 2023.

Des ouvertures de crédits sont intervenues en cours d'année. La première loi de finances rectificative a ainsi ouvert des crédits afin de traduire les engagements issus de la signature de la convention décennale pour les trains d'équilibre du territoire en mars 2022. De plus, le décret du 7 avril 2022 a permis d'ouvrir des crédits afin de financer une aide exceptionnelle en faveur des transporteurs routiers, calculée sur la base du nombre de véhicules exploités. Le financement de cette aide, d'un montant total de 400 millions d'euros, a été complété par des crédits dégelés de la réserve du programme 203. D'après la Cour des comptes, près de 343 millions d'euros d'aides ont été versés en 2022, les versements devant se poursuivre au début de 2023 et le nombre de bénéficiaires s'établissant à 23 000 entreprises.

Tous ces éléments et superpositions d'acteurs conduisent à une réelle opacité de l'action publique et à l'impossibilité de se projeter efficacement dans un projet de long cours en faveur de la décarbonation.

Je serai brève quant à l'exécution du budget annexe Contrôle et exploitation aériens, qui retrace les moyens de la DGAC (direction générale de l'aviation civile) pour mettre en œuvre ses missions de sécurité du transport aérien. L'exécution a été caractérisée en 2022 par sa grande fiabilité par rapport aux prévisions. Tant en AE qu'en CP, les taux s'approchent de 100 %. Ces recettes ont été très supérieures aux prévisions en raison de la reprise plus forte qu'escomptée du trafic aérien. Par conséquent, l'emprunt contracté a été inférieur aux prévisions. L'encours de la dette brute s'établit à la fin de l'année 2022 à 2,71 milliards d'euros, quasiment stable par rapport à 2021. La DGAC espère amorcer une trajectoire de désendettement en 2023.

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Je présenterai le programme 174 Énergie, climat et après-mines, tandis que mon collègue Emmanuel Lacresse présentera nos travaux sur le programme 345 Service public de l'énergie et le compte d'affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale.

Un niveau très important de crédits a été ouvert en cours de gestion 2022 sur le programme 174, aux environs de 10 milliards d'euros. Cela montre le niveau historique de soutien budgétaire apporté à l'aide à la transition écologique des ménages et le caractère massif de la réponse à la crise énergétique que nous avons traversée l'an dernier.

Sur ce premier volet, des dispositifs de soutien à la transition écologique continuent à prendre leur essor et atteignent donc un niveau inédit. En ce qui concerne MaPrimeRénov', les ouvertures de crédits s'élèvent à 2,5 milliards d'euros, ce qui est supérieur à tout ce qui avait été engagé jusque-là. Nous pouvons observer ici une forme de relance écologique permanente, puisque tous les crédits qui avaient été alloués au moment du plan de relance ont été non seulement conservés, mais aussi amplifiés, ce qui a permis d'obtenir un résultat important en termes de rénovation énergétique, avec 670 000 rénovations en 2022. Nous observons également une augmentation très importante sur le bonus automobile.

Ma question portera sur les mesures de l'efficacité de ces dépenses, puisque l'effort continue d'augmenter, et sur ce que l'on peut attendre en la matière dans les prochains mois.

Des dispositifs temporaires de réponse à la crise énergétique ont été également portés par ce programme. Là aussi, ils ont été massifs, afin d'accompagner nos concitoyens face au choc inflationniste lié à la montée des prix de l'énergie. Le total d'ouverture d'engagements au sein du programme 174 s'est élevé à près de 7 milliards d'euros. Nous observons ici une sous-consommation des crédits assez importante, à hauteur de 1,2 milliard d'euros, notamment en ce qui concerne les chèques énergie, avec 700 millions d'euros de crédits non consommés sur le chèque énergie exceptionnel et le « chèque bois ». Ma question porte sur les enseignements que vous pouvez tirer de cette exécution, ainsi que sur les dispositifs de soutien que nous serions amenés à modifier ou à remettre en vigueur si des chocs énergétiques se produisaient à nouveau.

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Pour le programme 345, les mêmes grandes variations ont été enregistrées, avec une exécution tout à fait exceptionnelle permettant de préparer les orientations qui seront celles du Gouvernement au moment de la loi de finances, notamment au regard de l'évolution des prix de l'énergie.

Le programme 345 est fondé sur des prix élevés de l'énergie. En réalité, nous observons ici la création de « boucliers tarifaires » et d'une « remise carburant » en cours de gestion, en plus de la modification profonde du fonctionnement de ce budget. Les crédits ont sensiblement augmenté : 12,14 milliards d'euros de CP ont été consommés sur le programme 345, contre 9,15 milliards d'euros en 2021, avec des dépenses compensées pour partie par les moindres charges du service public de l'énergie (CSPE). En outre, la « remise sur les carburants » a été prise en charge à hauteur de 3,1 milliards d'euros par ce programme 345. Un montant de 4,6 milliards d'euros a été consacré au financement des mesures exceptionnelles de soutien, soit 38 % du montant total des crédits du programme 345. Les montants décaissés en 2022 au titre des deux « boucliers tarifaires » gaz et électricité représentent en réalité le paiement de dispositifs d'avances de CSPE. La majorité des charges au titre de ces deux boucliers seront versées durant l'année 2023. Quels auraient été les effets sur les factures des consommateurs finaux d'une absence de « bouclier tarifaire » sur l'électricité et le gaz en 2022, alors que le Gouvernement a choisi de protéger les consommateurs finaux comme nulle part en Europe contre ces variations de coûts ? Une partie de notre débat portera sur l'évolution de ce programme 345 au regard de ses buts de long terme.

En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale Financement des aides à l'électrification rurale, nous observons 382 millions d'euros de crédits de paiement qui n'ont pas été consommés et reportés de 2022 à 2023.

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Avant d'évoquer les quatre programmes dont nous avons la charge, nous soulignerons à l'instar de la Cour des comptes que la mission Écologie, développement et mobilités durables laisse de plus en plus de place aux dépenses défavorables à l'environnement. Cela doit nous interroger. Pour soutenir les ménages français face à la flambée des coûts de l'énergie en 2022, nous avons utilisé les crédits d'une mission dédiée à la transition écologique, afin de financer des dispositifs de soutien massif aux énergies carbonées. Il serait peut-être plus pertinent de distinguer budgétairement les mesures d'accompagnement de la transition écologique et les mesures de soutien au pouvoir d'achat des ménages.

Concernant les crédits dont nous rapportons l'exécution ici, il s'agit des programmes 113, 159, 181 et 217. Ils représentent environ 20 % des crédits alloués à la grande mission écologie, soit 4,7 milliards d'euros.

Nous relevons deux points d'alerte concernant l'exécution de 2022. D'abord, la non-compensation de la hausse des coûts de l'énergie et de la revalorisation du point d'indice pour les opérateurs. Seuls l'OFB, Météo-France et l'IGN ont bénéficié d'une prise en charge partielle de ces coûts. L'absorption de ces coûts par les opérateurs se fait encore une fois au détriment des missions pourtant urgentes qui sont les leurs.

Par ailleurs, le plafond d'emplois du programme 217 était fixé à 35 224 ETP travaillés et le schéma d'emploi prévoyait une diminution de 226 ETP. Or le plafond d'emplois exécuté en 2022 s'établit à 34 888 ETP travaillés et le schéma d'emploi réalisé, à – 314 ETP. Depuis 2017, le plafond d'emplois est continuellement sous-consommé et le schéma d'emploi surexécuté. Les ministères de la transition écologique et énergétique continuent donc d'être fortement mis à contribution au titre de la politique des effectifs de l'administration de l'État. Nous nous alertons de cette situation. La réduction des effectifs, qui s'est poursuivie au cours de l'année 2022, a été de plus de 12 % au cours des cinq dernières années. La Cour des comptes affirme que ce constat devrait conduire à engager une réflexion sur la capacité à terme de ces ministères à assumer l'ensemble de leurs missions, dans le contexte d'une attrition régulière des effectifs à l'échelon central et dans les services déconcentrés. Selon nous, ce constat doit être étendu aux opérateurs de la mission Écologie, développement et mobilités durables. Il est urgent d'augmenter les effectifs de la mission.

Le programme 113 Paysage, eau, biodiversité était doté en loi de finances initiale (LFI) pour 2022 de 254 millions d'euros en AE et en CP. Il a bénéficié lors de la deuxième loi de finances rectificative pour 2022 d'un abondement de 83,2 millions d'euros en AE et de 79,2 millions d'euros en CP, afin de financer des actions de mise à niveau des réseaux d'eau, le plan tourisme et la compensation des dégâts de gibier. Au total, 316,5 millions d'euros en AE et 310,7 millions d'euros en CP ont été consommés sur le programme 113 en 2022.

Le programme 159 Expertise, information géographique et météorologie était doté en loi de finances initiale pour 2022 de 471 millions d'euros en AE et en CP. Il a bénéficié en cours d'exécution de plusieurs transferts et virements, pour un solde de 9 millions d'euros, afin notamment de financer le plan tourisme, le plan national pour des achats durables et la transformation des opérateurs du programme, grâce aux crédits du fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines. Au total, 480,25 millions d'euros en AE et 479,8 millions d'euros en CP ont été consommés pour le programme 159.

Le programme 181 Prévention des risques, était doté en LFI de 1,73 milliard d'euros en AE et de 1,79 milliard d'euros en CP. Au total, 1,029 milliard d'euros en AE et 1,04 milliard d'euros en CP ont été consommés sur le programme 181.

Enfin, le programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et des mobilités durables, était doté en LFI de 2,887 milliards d'euros en AE et de 2,9 milliards d'euros en CP. Il a bénéficié d'une ouverture nette de crédits de 116 millions d'euros en AE et en CP, afin de financer des mesures indemnitaires et statutaires, dont la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, à hauteur de 97,8 millions d'euros.

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Les crédits consacrés par l'État aux affaires maritimes relèvent de deux programmes. Le programme 205 Affaires maritimes, rassemble les moyens visant, d'une part à prévenir et lutter contre les risques en matière de sécurité maritime et de pollution, d'autre part à former aux métiers de la mer et à soutenir économiquement ces derniers.Ensuite, l'action 43 Ports, du programme 203 Infrastructures et services de transport finance les missions régaliennes exercées par les grands ports maritimes pour le compte de l'État.

J'évoquerai d'abord brièvement l'exécution de ces crédits avant de m'attarder sur une dépense fiscale bien connue, dont le coût est en hausse : la taxation au tonnage.

En 2022, les crédits consommés ont été supérieurs aux crédits adoptés en loi de finances initiale. Les crédits cumulés du programme 205 et de l'action 43 représentent 146 % du total des crédits disponibles, mais cette surconsommation s'explique essentiellement par un facteur conjoncturel, l'aide de 45 millions d'euros octroyée à l'entreprise Brittany ferries, justifiée par les difficultés que cette dernière a rencontrées à la suite du Brexit et de la crise sanitaire. L'action 43 a bénéficié de nombreux fonds de concours versés par l'AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France). Lorsque l'on rapporte les crédits consommés au total des crédits disponibles, on aboutit à un taux d'exécution de 91 %.

Dans mon analyse de l'exécution budgétaire, je me suis intéressé à une dépense fiscale majeure portée par le programme 205 : la taxation au tonnage. En vertu de ce dispositif, les entreprises dans le chiffre d'affaires provient pour au moins 75 % de l'exploitation de navires de commerce peuvent opter pour un mode de taxation spécifique, aux termes duquel leur impôt pour les sociétés est calculé sur la base du tonnage des navires qu'elles exploitent, indépendamment du bénéfice réel réalisé. L'objectif de ce dispositif est de rendre les navires français plus compétitifs, dans un contexte de forte concurrence internationale. Cette dépense fiscale a un coût de 3,8 milliards d'euros en 2022, soit quasiment 10 fois plus qu'en 2021, au bénéfice de 40 armateurs. Son dispositif étant inchangé, l'évolution du chiffrage s'explique par les profits élevés réalisés par le secteur en 2021 et 2022.

Si ces montants et cette dynamique peuvent interroger, je tiens à rappeler les quatre raisons pour lesquelles je soutiens pleinement ce dispositif, absolument indispensable.

La première raison réside dans le caractère facilement délocalisable de l'activité des armateurs, ce qui explique que des dispositifs similaires aient été adoptés par quasiment tous les pays en Europe et que 80 % du commerce international obéit à un mécanisme semblable.

La deuxième raison provient des résultats obtenus par cette dépense fiscale. Depuis sa création en 2003, ils sont significatifs, puisque les trois premiers armateurs mondiaux sont européens et l'un d'entre eux est français.

La troisième raison est que ce dispositif n'est pas toujours avantageux pour les armateurs. En effet, ils doivent faire le choix entre l'IS (impôt sur les sociétés) classique et la taxation au tonnage, mais pour une période de dix ans, sans pouvoir ensuite en changer selon les résultats, et alors même que leur activité est extrêmement cyclique. Autrement dit, ces entreprises ont dû s'acquitter de cette taxe même lors des exercices déficitaires et malgré de profits faibles. Il aurait été plus avantageux pour elles de payer l'IS classique dans ces périodes-là.

Enfin, cette option permet de financer la transition écologique du transport maritime, une très grande majorité des bénéfices réalisés par les armateurs étant réinvestis.

Pour toutes ces raisons, je soutiens pleinement ce dispositif.

Enfin, je profite de cette occasion pour saluer la démarche France Mer 2030, que vous avez récemment lancée, ainsi que la feuille de route établie par les acteurs de la filière pour accélérer la décarbonation du transport maritime. En travaillant ensemble à définir une stratégie ambitieuse et cohérente, nous pourrons atteindre nos objectifs de décarbonation d'ici 2030. J'aimerais ainsi connaître, Monsieur le ministre, les prochaines étapes de cette stratégie et savoir comment elles se refléteront dans les prochains projets de lois de finances.

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Les crédits consommés en 2022 pour les programmes 205 sur le transport maritime et 203 sur les ports se montent à 427 millions d'euros au total. Cependant, 10 millions d'euros de crédits ont été annulés. Cette pratique budgétaire est habituelle et peut toujours être justifiée par la conjoncture. Cette mise en réserve sur le budget des affaires maritimes n'est pas un bon signal, car c'est aussi le budget de la sécurité en mer qui est impacté.

J'avais évoqué à l'automne dernier les difficultés d'action de la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer), qui assure plus de la moitié des opérations de secours en France. Il s'agit dans la majorité des cas de porter secours à des navires de pêche ou de plaisance. Aujourd'hui, la pression des flux migratoires clandestins dans la Manche provoque le détournement de la SNSM de ses missions traditionnelles de secours en mer. J'avais du reste déposé un amendement pour augmenter les crédits alloués aux unités littorales des affaires maritimes, afin de soulager les sauveteurs bénévoles de la SNSM. Pouvez-vous m'indiquer si votre Gouvernement a pris en compte cette demande d'augmentation des crédits ?

De plus, 18 % de crédits maritimes contribuent au financement de la formation, et notamment de l'ENSM (École nationale supérieure maritime). Il est donc indispensable d'augmenter le nombre de ces emplois à temps plein. Avez-vous également pris cette demande en considération ?

Enfin, il est absolument nécessaire d'agir pour répondre au dumping social auquel doivent faire face les lignes de ferry françaises et qui constituent une menace pour l'emploi, l'économie maritime et la souveraineté de la France. Une initiative parlementaire transpartisane a été prise sur ce sujet pour le trafic transmanche, mais qu'en est-il, Monsieur le ministre, sur le dumping social qui affecte aussi les liaisons entre la Méditerranée et la Corse et le continent ? Sur ce point, quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre ?

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La mer est certainement le plus grand gisement d'emplois de notre pays, offrant la plus grande possibilité d'essor économique. Nous disposons en effet de la deuxième surface maritime dans le monde et du plus grand littoral en Europe. Je regrette l'absence d'un grand ministère de la mer. J'estime également qu'il faudrait créer un lycée maritime au sein de chaque département côtier. Je souhaiterais disposer d'un état des lieux sur ce sujet.

Par ailleurs, en matière de construction de bâtiments, nous avons constaté les difficultés pour mobiliser les fonds nécessaires. Or les Allemands, moindre puissance maritime que la France, ont depuis longtemps modernisé leur flotte.

Je ne partage pas l'enthousiasme du rapporteur spécial en ce qui concerne la taxation sur le tonnage. Il pourrait être intéressant, Monsieur le rapporteur spécial, d'examiner ce qui vous a été dit sur la réexploitation de 90 % des 23 milliards d'euros de profits en 2022 de CMA-CGM en matière d'investissement en faveur de la transition écologique. Au titre de 2022, 2 milliards d'euros de dividendes familiaux ont été versés par cette entreprise. Je suis donc surpris par votre chiffre. Je crains ainsi que cette taxation tonnage coûte plus qu'elle ne rapporte à l'État.

Je souhaite aussi revenir sur la question du fret. Je suis inquiet de la situation de Fret SNCF, en lien avec les réclamations de la Commission européenne sur la question de la concurrence. Nous aurions dû sortir le fret du marché de la concurrence depuis longtemps, tant le fret est essentiel. J'aurais souhaité des précisions sur les sommes qui ont été investies sur le fret et la situation de Fret SNCF.

En ce qui concerne les budgets alloués à la prévention des risques et à la météorologie, pouvez-vous me faire part d'une analyse plus précise sur leur contribution aux baisses d'effectifs de la mission ? Je fais référence à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) et au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Cet opérateur me semble absolument indispensable, notamment sur les questions de planification écologique. En ce qui concerne Météo France, les années difficiles traversées par cet établissement ont selon moi un lien avec les difficultés de prévision actuelles.

Enfin, je ne comprends pas comment, dans le domaine de la transition écologique, qui devrait être prioritaire, il est possible de constater des plafonds d'emplois qui baissent chaque année au sein du ministère. Nous observons une baisse de 226 ETP pour le seul programme 217, par exemple. Cette situation me semble totalement paradoxale et inquiétante. La Cour des comptes conclut quant à elle que ce constat devrait conduire à engager une réflexion sur la capacité à terme de ces ministères à assumer l'ensemble des missions qui leur sont confiées, au vu d'une attrition régulière des effectifs à l'échelon central et dans les services déconcentrés.

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Je ne pourrai pas aborder tous les sujets qui ont été évoqués et vous prie de m'en excuser par avance. La mission Écologie, développement et mobilités durables était dotée de 24,3 milliards d'euros dans la loi de finances initiale 2022. Cela illustre l'engagement très fort de notre majorité en faveur de la transition et de l'écologie. Évidemment, il faut augmenter très significativement nos investissements en matière de transition écologique dans les prochaines années, mais il faut aussi constater et admettre que le budget 2022 a permis d'engager un effort inédit en faveur de la rénovation énergétique, notamment avec le dispositif MaPrimeRénov', de la production d'énergies renouvelables, des actions menées en matière de préservation des ressources naturelles, d'adaptation au changement climatique et de prévention des risques naturels, avec un rehaussement des crédits pour la stratégie nationale pour la biodiversité de 2021 à 2030. Dans le domaine des transports, la loi de finances initiale pour 2022 a poursuivi les priorités et trajectoires définies par la loi d'orientation des mobilités, avec une hausse du soutien au fret ferroviaire et le développement de nouvelles lignes ferroviaires, soit un engagement très fort de notre majorité sur ces sujets absolument vitaux.

Les investissements ont été importants en 2022 et se prolongent en 2023, avec notamment le renforcement de MaPrimeRénov', le verdissement du parc automobile pour 1,3 milliard d'euros, le Fonds vert pour les collectivités territoriales à hauteur de 2 milliards d'euros, la poursuite du bouclier tarifaire...

Rappelons que ces investissements ont été consentis dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et par l'inflation, qui a eu des retombées sur la hausse des coûts de l'énergie et à laquelle nous avons répondu de manière massive. Le programme 174 a notamment été renforcé au titre de la remise sur les carburants et des chèques exceptionnels, avec 9 milliards d'euros consommés, soit 4 fois plus qu'en 2021. Effectivement, il s'agit de dépenses brunes, nécessaires cependant pour aider nos concitoyens à lutter contre l'inflation. Le programme 345 Service public de l'énergie, a été marqué par la création des boucliers tarifaires. Ces ouvertures de crédits démontrent la réactivité de notre majorité et la réponse apportée à la crise à laquelle font face nos concitoyens, mais aussi les entreprises et les collectivités territoriales.

Je souhaiterais, Monsieur le ministre, poser trois questions. Le dispositif MaPrimeRénov' a été critiqué, notamment l'incomplétude des rénovations qui lui étaient liées et sa complexité d'accès. J'ai l'impression que ces problèmes sont derrière nous, puisque ce programme est amplifié et prolongé en 2023.

Ma deuxième question porte sur le Fonds vert, qui est un vrai succès. Les collectivités se sont précipitées pour en bénéficier. Sur ce sujet, avez-vous atteint vos objectifs ?

Voici ma troisième question : le budget vert constitue-t-il un outil de pilotage vis-à-vis des autres ministères ? Nous estimons que le budget vert présente des vertus.

Monsieur le secrétaire d'État Hervé Berville, vous avez expliqué que l'une des priorités des crédits 2022 portait sur l'emploi et la formation. À ce sujet, vous avez détaillé le lancement d'un réseau de 12 lycées professionnels maritimes et la création de nouvelles formations. Pourriez-vous faire un bilan à ce sujet ?

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Christophe Béchu, ministre

Je remercie tous les rapporteurs spéciaux pour les questions et le temps passé à examiner l'ensemble de ces crédits.

Christine Arrighi m'a semblé particulièrement sévère avec les gouvernements précédents. Son réquisitoire sur le sous-investissement de la régénération est terrible s'agissant de la baisse des crédits globalement amorcée à la fin des années 1980, avec une stratégie nationale qui a consisté à considérer qu'il valait mieux faire des TGV qu'entretenir les petites lignes du réseau. Cette pente s'est poursuivie dans les années suivantes. En 2005, la régénération de notre réseau ferroviaire ne représentait même pas 1 milliard d'euros. Sous l'effet du quinquennat de Nicolas Sarkozy, ce chiffre a été porté à 2 milliards d'euros. Il a progressé plus modestement lorsque les écologistes étaient aux responsabilité, entre 2012 et 2017, et depuis 2017, il a à nouveau connu une progression : 1 milliard d'euros en 2005, 2 milliards d'euros en 2012, 2,5 milliards d'euros en 2017 et 3 milliards d'euros cette année, avec les annonces d'une augmentation dans la régénération sans commune mesure. Après des décennies de sous-investissement, il n'est pas étonnant que nous fassions face à des retards et des besoins de régénération.

De la même manière, les propos relatifs aux écarts entre les avantages consentis aux avions et ceux consentis aux trains sonnent comme un réquisitoire extrêmement violent pour ceux qui ont été aux responsabilités précédemment. Que n'avez-vous agi par le passé pour mettre fin à ce que vous considérez aujourd'hui comme des scandales : interdictions sur les vols de moins de 2 heures 30 ou évolutions sur la taxation du kérosène ? Ces critiques que vous adressez sont assez hypocrites.

Ensuite, vous évoquez la question de la recapitalisation de SNCF. Vos propos me paraissent exprimer une satisfaction de votre part sur le soutien nouveau à la SNCF permis par cette recapitalisation. La dynamique et la réalité du budget 2022 permettent de mesurer la sincérité de l'engagement et la réalité des investissements dans la décarbonation.

J'ai ensuite entendu les remarques de David Amiel relatives au bonus automobile, à MaPrimeRénov' et à la sous-consommation des dispositifs de soutien. Lorsque l'on vote des mesures à l'occasion de la loi de finances rectificative (LFR) de l'été 2022, qu'on en précise les modalités en septembre et qu'on inscrit la totalité des crédits, il n'est pas étonnant que tous les crédits ne soient pas décaissés sur une période de quatre mois. Si nous avions inscrit moins de CP au titre de l'exécution budgétaire de 2022, nous nous serions exposés à des risques politiques et des critiques de la Cour des comptes. Vous faites état d'une distorsion durable sur une partie de ces aides : chèques-essence non utilisés par une partie de nos concitoyens et niveaux de sous-consommation des dispositifs de chèques énergie. Ces dispositifs ont pourtant été très médiatisés. Devons-nous nous rapprocher des collectivités territoriales et imaginer de nouvelles campagnes de presse ? Nos réflexions se poursuivent.

Le dispositif MaPrimeRénov' a connu un grand succès, mais, s'agissant du bilan climatique, nous pouvons mieux faire, notamment en changeant d'unité de mesure. Ce n'est pas le nombre de rénovations qui compte, mais le nombre de tonnes de CO₂ évitées. Pour ce faire, nous pouvons généraliser le recours à un accompagnateur, faire en sorte qu'un tiers donne le conseil de rénovation et mettre en place une forme de délégation auprès des collectivités territoriales.

Les chiffres relatifs à l'automobile sont bons. Les bonus écologiques augmentent entre 2021 et 2022 et la tendance à l'électrification se poursuit sur les immatriculations en 2023. Ces aides ont été moralisées d'un point de vue écologique, notamment en inscrivant une limite en termes de poids.

J'ai ensuite été interrogé sur le bouclier tarifaire et ses conséquences. Dans un avis rendu en 2022, le régulateur belge a expliqué que les prix en France amenaient l'énergie à être deux à trois fois moins chère qu'en Belgique ou en Allemagne.

J'ai entendu vos propos sur l'électrification rurale. Je pourrais si vous le souhaitez entrer dans le détail sur ce sujet.

En ce qui concerne la biodiversité, je dois vous dire mon étonnement en arrivant aux responsabilités au mois de juillet dernier face à l'ampleur de la baisse des effectifs de ce pôle ministériel. En pourcentage, ce pôle est celui qui, depuis le début des années 2000, a perdu le plus de postes : 33 % de baisse en l'espace de 15 ans, tous périmètres confondus, opérateurs et services ministériels.

Le sous-emploi doit être relativisé. Un écart de 0,3 % entre le plafond et les recrutements correspond à un niveau presque normal. Il est important de rappeler que nous ne prévoyons pas de baisse en 2023, avec des récréations de postes et un engagement sur la durée du quinquennat et des recréations de postes dans plusieurs secteurs.

Des questions précises ont porté sur l'Ineris, le Cerema et Météo-France. En Europe, tous les services météorologiques nationaux ont été équipés de supercalculateurs extrêmement puissants permettant d'améliorer la fiabilité des prévisions. Ces investissements sont indispensables, mais ils ne peuvent pas se passer de l'humain pour être interprétés. Je vous renvoie ainsi aux 17 postes créés pour une météo des forêts et les 6 postes dans le cadre d'emploi global de Météo France pour la seule année 2023.

L'Ineris est l'un des seuls opérateurs dont les emplois n'ont pas baissé en 2022 par rapport à 2021 et a gagné trois postes en 2023.

Le Cerema représente 2 495 agents. Depuis le 1er janvier, 712 collectivités territoriales y ont adhéré, ce qui va lui permettre de doubler ses ressources propres et d'accompagner de manière fléchée une partie des attentes des collectivités territoriales, notamment sur la faisabilité technique de certaines mesures en matière de transition écologique.

Sur le fret ferroviaire, nous avons l'ambition de doubler la part modale, pour nous rapprocher d'une moyenne européenne. En effet, l'Union européenne nous reproche un soutien, alors même que nous devons soutenir plus fortement aujourd'hui un secteur qui en a besoin. L'État paye 70 % des péages du fret ferroviaire pour faire en sorte d'en améliorer la compétitivité et subventionne les wagons isolés, ce qui crée, selon l'Union européenne, une distorsion de concurrence. En y ajoutant les dispositifs de soutien budgétaire direct à hauteur de 26 millions d'euros pour des opérateurs de fret et l'aide à l'exploitation des services de transport combinés, le total de ces aides avoisine les 300 millions d'euros. Nous avons engagé un bras de fer avec l'Union européenne. Il est incohérent de vouloir baisser drastiquement les émissions à l'échelle européenne, tout en voulant taxer les réseaux de transport, comme c'est le cas en France et en Allemagne.

12 000 collectivités ont fait une demande relative au Fonds vert, soit 4 milliards d'euros cumulés de demandes de crédits au total. L'intégralité des 14 portes d'entrée envisagées au titre du climat et de la biodiversité ont trouvé preneurs, avec, pour priorités, la rénovation thermique, l'éclairage et la renaturation (4 000 rénovations thermiques, près de 3 000 rénovations d'éclairage, 1 200 renaturations, 1 000 recyclages de friches et environ autant de dossiers biodiversité). Tous les départements, y compris Saint-Pierre et Miquelon, sont concernés. Le fait d'avoir supprimé un appel à projets et un appel à manifestation d'intérêt pour rendre le dispositif direct est plébiscité par les élus, parce que cela permet un accompagnement direct. Les dossiers ont été déposés dans un contexte où le fonds était annoncé pour une seule année et leurs niveaux de maturité ne sont pas égaux, mais ce dispositif va être pérennisé. Je souhaite que nous prenions le temps du retour d'expérience.

Le budget vert constitue une procédure à la fois budgétaire et non budgétaire. Lorsque j'ai réuni les associations d'élus en septembre dernier, je leur ai dit mon souhait d'ouvrir le chantier du budget vert à l'échelle des collectivités territoriales de manière normée. Je souhaite la création d'un référentiel qui nous permette d'objectiver les situations et de mesurer la réalité. Cela me semble souhaitable, à la fois en termes de pédagogie dans l'exercice budgétaire local, mais aussi dans le cadre du dialogue avec l'État.

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Hervé Berville, secrétaire d'État

Je vous propose de revenir tout d'abord sur les enjeux de taxe au tonnage. Ce dispositif n'est pas propre à la France et s'inscrit dans le contexte, au sortir des années 2000, d'une concurrence très forte d'un certain nombre de pays asiatiques. Il relève donc également d'un enjeu de souveraineté. Tous les autres pays européens proposent une taxe au tonnage. Ce dispositif correspond à un engagement sur dix ans, sans effet d'aubaine, mais avec un effet de lisibilité et de prévisibilité pour l'État et les entreprises. Il faut continuer à défendre cette taxe au tonnage. La France a la chance d'avoir la compagnie CMA-CGM, qui investit dans la décarbonation, notamment des navires de pêche, ainsi que dans des ports et des actifs à l'étranger.

Ensuite, vous m'avez posé la question de l'enjeu de la décarbonation. Il s'agit en l'occurrence d'une magnifique aventure industrielle, technologique et territoriale. Il faut accélérer la propulsion vélique. Des entrepreneurs se penchent sur ce sujet.

Lors des Assises de l'économie de la mer, en novembre 2022, j'ai lancé le programme France Mer 2030, qui correspond à la stratégie du Gouvernement pour accélérer la décarbonation. Ce programme comprend trois piliers, notamment une stratégie de décarbonation, pour faire des entreprises françaises celles qui sont à l'avant-garde sur les carburants alternatifs. Nous avons ainsi prévu 500 millions d'euros d'investissements publics d'ici la fin du quinquennat et entendons créer un fonds d'investissement maritime qui allie financement public et privé, pour mettre en œuvre cette décarbonation du transport maritime. La décarbonation porte des enjeux de plein emploi, de nouveaux métiers, de réindustrialisation, et des enjeux territoriaux. Le Comité interministériel de la mer aura lieu en juillet. Nous prendrons à cette occasion des décisions sur les différents types de propulsions et de carburants alternatifs à privilégier.

Madame Masson, les sauveteurs en mer et la SNSM ont l'honneur de sauver toutes les personnes. Ils considèrent que c'est aussi leur travail que de secourir les migrants, comme tous ceux qui sont dans des situations de péril imminent. Vous posez une question fondamentale : celle de l'accompagnement de l'État. En 2015, les subventions de l'État se sont élevées à 2,5 millions d'euros, contre 10 millions d'euros en 2022. Nous continuerons à porter ces investissements, notamment pour moderniser et adapter les navires de la SNSM. L'engagement du Gouvernement, du Parlement et de la majorité est total vis-à-vis des sauveteurs en mer.

L'action de l'État en mer est très claire. Deux navires ont été affrétés pour la Manche en 2022. 8 millions d'euros supplémentaires ont également été répartis entre la Marine, les affaires maritimes et les douanes, pour intervenir dans la Manche, avec notamment six ETP supplémentaires pour le CROSS Gris-Nez.

En 2022, 5 millions d'euros de subventions supplémentaires ont été consentis à l'ENSM, ainsi que 2,5 millions d'euros d'investissements, pour tenir cet engagement de doubler la formation des élèves de la marine marchande d'ici 2027, avec une diversification des métiers et des formations, afin de prendre en compte les nouveaux enjeux.

Concernant le dumping social, nous avons pris des engagements dès juillet auprès des armateurs et des organisations syndicales. Il faut en effet lutter contre la spirale mortifère du dumping social dans le transport maritime. Un texte de loi a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale qui permet de renforcer la lutte contre le dumping social dans la Méditerranée. Il s'agit également là d'un enjeu de sécurité maritime. Lorsque des marins travaillent 28 semaines d'affilée, cela peut poser des problèmes de sécurité.

Notre ambition est très forte sur ces questions maritimes, qui ne se bornent pas à mon ministère, mais concernent également les outre-mer, l'écologie, la défense, etc. Mon rattachement à Madame la Première ministre me permet dans ce contexte d'envisager avec sérénité l'obtention de crédits supplémentaires pour faire face aux enjeux de souveraineté économique et de lutte contre le changement climatique.

Sur la question des lycées maritimes, notre ambition est forte et concrète, avec 5 millions d'euros de subventions de l'État, plus 1 million d'euros pour des bourses. Depuis six mois, je travaille avec les territoires ultramarins pour renforcer la formation maritime. À La Réunion, avec Huguette Bello, nous portons par exemple une ambition commune de création d'un lycée de la mer, avec 66 millions d'euros que l'État apportera à La Réunion pour ce projet et faire de La Réunion un poste avancé de nos ambitions maritimes dans l'Océan indien.

Enfin, je tenais à rappeler l'importance de la question de l'emploi maritime. Dans le cadre de notre flotte stratégique, nous avons besoin de navires qui battent pavillon français et de marins français. Nous poursuivrons notre engagement en ce sens.

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Je tiens à saluer le travail mené par les différents rapporteurs spéciaux. Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé, une dynamique a été amorcée depuis 2017 en matière de politique de développement durable, de mobilité et plus largement d'écologie. L'année 2022 ne fait pas exception. Vous confirmez d'ailleurs cette dynamique pour 2023, la mission atteignant un budget historiquement haut de 40 milliards d'euros, à la hauteur des ambitions annoncées par le Président de la République à Marseille le 16 avril 2022.

La mission Écologie, développement et mobilités durables couvre un champ extrêmement large. Je vais me concentrer sur deux aspects.

Le premier porte sur les plans ambitieux en matière de mobilité, s'agissant des mesures mises en œuvre par le Gouvernement en faveur des transports individuels comme collectifs, qui doivent permettre à tous de participer à la décarbonation des mobilités. Nous pouvons donc saluer le dynamisme des aides, bonus écologique ou prime à la conversion.

Le plan vélo, qui a été financé par des investissements de près de 900 millions d'euros pour la période 2018-2022, a connu un bilan très positif. Aussi, nous nous réjouissons de l'annonce de Madame la Première ministre de 2 milliards d'euros d'investissements de la part de l'État pour la période 2023 à 2027.

Le second aspect concerne le Fonds vert. Je souhaite aussi souligner l'attention importante accordée à nos territoires, qui jouent un rôle central dans la transition écologique. Le virage écologique ne pourra pas s'opérer sans la transformation de nos territoires. Pour cela, le groupe Renaissance salue la mise en place pour la première fois d'un fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, ce fameux Fonds vert doté de 2 milliards d'euros de crédits nouveaux. Ce fonds permettra aux collectivités de rénover leurs bâtiments, de remettre de la nature dans les centres-villes, de mieux prévenir les risques naturels. Je rappelle la nécessité de continuer à rendre les dispositifs plus lisibles et facilement mobilisables pour les acteurs de terrain.

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Les dépenses en soutien des énergies renouvelables représentent un quart des dépenses de la mission, selon la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes. Ces dépenses, en particulier celles du programme 345 sur le service public de l'énergie, sont en baisse dans le budget 2023, mais elles sont largement compensées par le bouclier sur l'électricité et le gaz. Une réforme rapide et profonde du marché européen de l'électricité soulagerait les finances publiques en France. Il faut regretter qu'après deux ans d'annonces en ce sens par Bruno Le Maire, cette réforme ne soit envisagée qu'à l'horizon 2025.

Ma question va plutôt porter sur l'avenir, et en particulier sur celui du nucléaire. Le Président de la République a annoncé la construction de six nouveaux EPR 2. Or le plan de financement est toujours introuvable, alors même que les besoins de financement sont colossaux. Nous parlons ici de 52 milliards d'euros, voire de 57 milliards d'euros en cas de difficulté de mise en œuvre. Ma question va donc porter sur le financement à venir de ce nouveau parc nucléaire. Y aura-t-il des lignes de crédit à l'avenir au sein de cette mission, tout comme il y a pu en avoir pendant des années pour les énergies renouvelables ? L'épargne réglementée va-t-elle être mobilisée et sous quelle forme ? Des hypothèses de travail ont été formulées pour le livret A, voire le livret de développement durable. J'aimerais savoir où en sont ces réflexions.

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L'action quatre du programme 174 Énergie, climat et après-mine du budget 2022 prévoyait 29,2 millions d'euros, notamment pour la réalisation des travaux de fermeture du site de StocaMine en Alsace. Depuis 2013, l'État subventionne la Société des mines de potasses d'Alsace pour financer les travaux nécessaires à l'enfouissement définitif des déchets industriels ultimes de StocaMine, mais cette question n'est toujours pas tranchée. Depuis lors, la Cour des comptes a chiffré le coût de cette inaction des pouvoirs publics à un minimum de 45 millions d'euros pour dix années d'attentisme sur le traitement du dossier. Monsieur le ministre, quand déciderez-vous de faire cesser ce poids sur nos finances publiques, qu'on peut extrapoler à plus de 100 millions d'euros depuis l'incendie dramatique de 2002, en amorçant le plus rapidement possible les travaux de déstockage ? Le cuvelage du puits Joseph est corrodé à plus de 50 %, alors que StocaMine se trouve sur une faille sismique. Donc, le puits pourrait céder en cas de séisme. Une rupture de ce cuvelage peut ennoyer les galeries en à peine cinq ans, ce qui menacerait l'étanchéité des bouchons de béton que l'on projette d'installer pour sceller les galeries, le ciment ayant besoin de 300 ans pour pouvoir sécher et devenir étanche. 1 000 m³ d'eau contaminés par an remonteraient alors dans la nappe phréatique la plus grande d'Europe, qui serait polluée pour des millénaires, avec 42 000 tonnes d'arsenic, de plomb, de cyanure, d'amiante, de mercure et peut-être même des déchets radioactifs. La nappe couvre 75 % de la consommation en eau potable des Alsaciens. Dans cette hypothèse de plus en plus probable, à combien estimez-vous les coûts de dépollution de la nappe phréatique ? Le cabinet de conseil Anthéa, mandaté par l'État, a chiffré le coût de l'extraction de tous les déchets, à l'exception du bloc 15, à 328 millions euros. Monsieur le ministre, cette somme dépasse-t-elle dans vos calculs le coût acceptable pour respecter le principe constitutionnel de précaution et garantir à nos générations futures une vie saine ? Faut-il penser que vous jouez la montre pour attendre sciemment une détérioration des conditions d'extraction des déchets, afin de nous mettre tous devant le fait accompli pour imposer un enfouissement définitif ?

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Messieurs les ministres, pour 2022, le contrôleur a rendu un avis favorable ou favorable avec réserve concernant six des huit programmes de la mission Écologie, développement et mobilités durables. L'exécution 2022 de la mission montre que le Gouvernement a été au rendez-vous en 2022, comme il l'est en 2023 pour aider nos ménages et nos entreprises dans cette période inflationniste. Ainsi, les crédits ouverts en 2022 de 38,6 milliards d'euros sont très supérieurs aux crédits ouverts en loi de finances initiale. L'écart se monte à 17,4 milliards d'euros et s'explique en grande partie par les mesures exceptionnelles de soutien, à hauteur de 11 milliards d'euros.

Toutefois, la gestion 2022 du programme est marquée par certaines sous-consommations. Ainsi, le taux d'usage des chèques énergie portés par le programme 174 est estimé à 87,5 %. Faut-il y voir une surestimation des besoins ou un déficit de communication sur ce dispositif à l'usage des potentiels bénéficiaires ?

Au total, sur l'ensemble de la mission, 1,2 milliard d'euros en crédits de paiement n'ont pas été consommés et constituent donc des reliquats. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur la manière dont le Gouvernement compte mobiliser ces reliquats ? Est-il envisageable de revenir sur les critères du filet de sécurité afin d'utiliser les restes à réaliser pour venir en aide aux collectivités territoriales ? Je pense notamment aux nombreuses communes de montagne, qui ont vu leurs factures de gaz exploser sans pouvoir prétendre à une aide au titre du filet de sécurité.

Concernant le programme 159, je partage la préoccupation du Président Coquerel concernant Météo France. Il ressort de l'examen budgétaire que l'augmentation du point d'indice s'est traduite par des dépenses nouvelles pour les opérateurs visés par le programme, à savoir Météo France, l'IGN et le Cerema. Si tous ont bénéficié d'une compensation au titre de l'exercice 2022 pour faire face à ces coûts supplémentaires, le rapport indique que, pour 2023, la subvention pour charges de service public serait revalorisée, mais uniquement partiellement pour Météo France, alors que les deux autres opérateurs pourraient être compensés intégralement. Pourriez-vous nous expliquer ce différentiel ?

Le programme 181 Prévention des risques, a fait l'objet d'un avis réservé de la part du contrôleur budgétaire du fait d'un volume important de restes à payer du fonds Barnier, et appelle donc à une vigilance sur la soutenabilité des restes à payer. Un échéancier est en cours de consolidation. Pourriez-vous nous en dire plus sur le sujet, sachant qu'en raison du réchauffement climatique, la prévention des risques devient un sujet majeur ?

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Face à la hausse des prix à la pompe, le Gouvernement a instauré une remise carburant. Cette politique de rustine, qui pèse sur les contribuables et non sur les super profits, a certes atténué le choc à court terme, mais ne règle rien pour l'avenir. Le prix des énergies fossiles continuera d'augmenter. Il est urgent d'engager la transition énergétique. Pourtant, en 2022, le Gouvernement a consacré 700 millions d'euros de moins aux énergies renouvelables. Ce chiffre est symptomatique de son inaction climatique, confirmée par le Conseil d'État le 10 mai dernier. Nos objectifs de développement des énergies renouvelables ne sont pas respectés.

Les mobilités sont le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre, à hauteur de 30 %. Aujourd'hui, les crédits alloués par l'État pour l'achat d'un véhicule propre sont insuffisants et ces aides sont illisibles au niveau national, avec de fortes disparités territoriales. Pourtant, remplacer tout le parc automobile thermique par des véhicules électriques n'est pas réaliste pour répondre à l'urgence climatique. Ces aides doivent être réservées prioritairement aux habitants des territoires sur lesquels l'offre de transport en commun est déficitaire et aux distances longues. Le train doit devenir une alternative crédible aux véhicules individuels. Notre réseau ferré national doit nous permettre de relier tout le territoire, des grandes villes aux territoires ruraux en passant par le péri-urbain. Ce doit être également une alternative au fret routier. Aujourd'hui, concrètement, Fret SNCF va être liquidé. Comment le Gouvernement tiendra-t-il l'objectif de doubler la part du fret ferroviaire d'ici 2030 ?

Enfin, la Cour des comptes alerte sur le manque de visibilité et de lisibilité de la mission et sur les choix conjoncturels du Gouvernement défavorables à l'environnement sur le long terme. Les circonstances nous le rappellent : notre souveraineté énergétique n'est pas acquise. Les Français en paient le prix fort et nous ne pourrons la reconquérir qu'en décarbonant notre énergie. La transition écologique doit être lisible et ses financements fléchés et socialement soutenables par tous. Qu'entendez-vous faire pour atteindre ces objectifs ?

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Monsieur le ministre, le budget inédit accordé à votre ministère pour l'année 2022 illustre à quel point la transition écologique est une priorité de l'action du Gouvernement. Face à l'impératif de cette transformation de notre société, imposer une telle priorité est vitale. Pour réussir cette transition, nous nous devons d'associer tous les acteurs, les collectivités territoriales, les entreprises et nos concitoyens. Les finances publiques sont un outil important pour soutenir cette ambition et la fiscalité revêt un enjeu écologique majeur et mérite toute l'attention de notre commission, mais cet outil de la fiscalité doit également être utilisé habilement. Nous pouvons réadapter la fiscalité à l'exigence de nos ambitions écologiques.

C'est ce que vous appelez de vos vœux, Monsieur le ministre, par une fiscalité plus verte. Cela passe par exemple par une application plus étendue et plus stricte du principe de pollueur-payeur. Notre groupe est attaché à ce principe, qui respecte la liberté des acteurs, permet une justice écologique et valorise les alternatives non polluantes.

Au regard de nos ambitions et en vue des premières discussions autour du projet de loi de finances 2024 en matière de fiscalité, dans quelle mesure l'outil fiscal peut-il apporter un soutien aux politiques menées par votre ministère ?

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Je voudrais d'abord demander à Monsieur le ministre de ne pas réécrire l'histoire. Les écologistes n'étaient pas au pouvoir entre 2012 et 2017 : ils sont sortis du Gouvernement en 2014.

Le budget consacré aujourd'hui à la rénovation thermique est loin d'être un budget record, puisque la dépense fiscale pour le crédit d'impôt au développement durable qui précédait MaPrimeRénov' était de 2,8 milliards d'euros en 2008 et de 2,6 milliards d'euros en 2009. Il faut réorienter les dispositifs vers la rénovation globale, mais vous ne pourrez pas le faire sans augmenter les crédits de MaPrimeRénov' et la formation des artisans.

Ma question porte sur les dépenses fiscales de la mission Écologie, développement et mobilités durables. Leur coût est chiffré à 7,9 milliards d'euros pour 2022, en hausse de plus de 3 milliards d'euros par rapport à 2021. Cette augmentation est due à une unique dépense fiscale : 3,8 milliards d'euros en faveur de 40 armateurs, leur permettant de bénéficier d'une taxation forfaitaire au tonnage en lieu et place de l'impôt sur les sociétés. CMA-CGM a ainsi réalisé en 2021 un bénéfice net record de 23,4 milliards d'euros, soit le plus haut bénéfice publié par une entreprise française pour l'année 2022.

Le coût des autres dépenses fiscales est en légère baisse, mais reste majoritairement défavorable à l'environnement. Il s'agit notamment du tarif réduit pour le gazole des transporteurs routiers (1,25 milliard d'euros) et du tarif réduit pour le gazole non routier, notamment pour les engins de travaux publics (1,15 milliard d'euros). La suppression de cette dernière dépense fiscale, initialement prévue pour le 1er juillet 2020, a été une nouvelle fois reportée, au 1er janvier 2024.

Monsieur le ministre, allez-vous enfin vous attaquer aux 22 milliards d'euros de dépenses fiscales et budgétaires préjudiciables au climat ? Votre programme se résume-t-il à faire travailler les Français deux ans de plus pour financer les réductions d'impôts accordées aux entreprises polluantes ?

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Christophe Béchu, ministre

Mme Nadia Hai, vous m'avez interrogé sur le plan vélo. Nous constatons dans ce domaine une accélération sans précédent. Avant 2017, il n'existait pas la moindre politique vélo nationale. C'est en 2018 que, pour la première fois, un plan vélo a vu le jour. Ce plan vélo était doté de 50 millions d'euros par an et l'estimation qui avait été faite en septembre 2018 correspondait à 350 millions d'euros sur sept ans. Cette somme a été dépensée bien plus rapidement et 250 millions d'euros par an sont prévus, c'est-à-dire une multiplication par cinq du niveau budgétaire. Dans le cadre des CPER, des crédits spécifiques sont fléchés vers les véloroutes et le soutien au cycle, ce qui explique le chiffre de 2 milliards d'euros qui vous a été présenté.

Sur le Fonds vert, la somme initiale de 1,5 milliard d'euros est devenue 2 milliards d'euros dans la dernière ligne droite de l'examen budgétaire. J'ai bien entendu vos recommandations pour faire en sorte de mieux la connecter à la planification écologique. C'est la raison pour laquelle j'ai reçu toutes les associations d'élus il y a quelques jours, toutes sensibilités et toutes structures confondues, pour évoquer avec elles les voies et moyens pour aller à la rencontre de cette planification écologique.

Ensuite, j'ai été interrogé par Monsieur Sabatou sur la clé de financement des centrales nucléaires. Je vous invite à vous tourner vers Agnès Pannier-Runacher sur ce sujet. Heureusement que nous avons en France su résister à la tentation de ceux qui pensaient qu'un avenir sans nucléaire serait plus adapté.

Je veux dire à Emmanuel Fernandes que, sur la question de StocaMine, nous n'avons jamais été aussi proches d'une décision. J'admire l'assurance avec laquelle il assène des éléments qui ne font pas l'objet d'une unanimité scientifique. La question de la corrosion du deuxième puits se pose. Aujourd'hui, les salariés des mines de potasse d'Alsace annoncent qu'ils feront valoir leur droit de retrait s'ils devaient descendre à nouveau dans les mines. Les dernières opérations de ce type conduites dans des pays voisins ont nécessité de faire appel à des mains-d'œuvre étrangères. Avant de prendre une décision de ce type qui aurait potentiellement un impact sur des vies humaines, toute une série d'expertises sont conduites, y compris sous le contrôle de la FNE. Un dialogue a été repris avec les collectivités territoriales. Cette manière de présenter les choses avec un tel détachement me semble légère. Il n'est pas possible de descendre dans une mine dès lors qu'il n'y a plus qu'un seul puits qui fonctionne. De plus, la question du volume et la question du risque doivent aussi être envisagées de manière attentive. Dans les prochains jours, l'Inspection du travail et les experts techniques choisis par le ministère et par des associations environnementales devraient nous livrer les derniers éléments nous permettant de nous doter d'une vision transversale de cette situation et de forger un plan d'action effectif.

Marina Ferrari m'a interrogé sur le fonds Barnier. Les 200 millions d'euros disponibles ne sont que la tranche annuelle à court terme du reste à payer de 600 millions d'euros évalués sur cinq à six ans. Les crédits seront au rendez-vous de ces sommes auxquelles nous sommes attachés.

Sur le chèque énergie, les collectivités ont fourni des efforts de gestion qui les ont conduites à minorer leur perte d'autofinancement et donc à se retrouver dans une situation meilleure que celle qui avait été anticipée. Le montant exact de la sous-consommation n'est pas connu exactement. Un examen par la commission des finances pourra être envisagé dans le futur.

Bertrand Petit a sans doute mal lu l'arrêt du Conseil d'État du 10 mai dernier, qui précise qu'il n'y a pas lieu de prononcer des astreintes, compte tenu des mesures prises par le Gouvernement en matière d'action climatique.

La question de la voiture électrique est particulièrement complexe. La voiture électrique doit être soutenue sur la totalité des territoires, compte tenu de son ampleur en matière de décarbonation. Il faut le faire d'une façon cohérente, avec un plan de déploiement des bornes de recharge ambitieux, notamment sur les parties les plus rurales, là où les alternatives sont les moins nombreuses et où les distances à parcourir peuvent être trop grandes pour d'autres types de mobilité active. Dans le même temps, il faut veiller à ne pas financer des usines chinoises alimentées par du charbon. Cela s'apprécie donc de façon complexe. Si l'on ralentit la courbe vers l'électrification, le climat aura perdu. Si l'on soutient trop l'externe pour afficher un taux élevé, avec, pour contrepartie, des dizaines de milliers de destructions d'emplois, nous aurons sacrifié une partie des enjeux sociaux sur l'autel de l'écologie. Nous devons donc faire preuve de dosage, pour montrer qu'il existe un chemin de croissance écologique, comme l'a montré le rapport Pisani-Ferry.

Sur la politique fiscale, il s'agit du domaine le plus important dans lequel nous devons engager un complément de planification. D'abord, nous pourrions arrêter les remboursements sur la base d'un barème kilométrique qui tient compte de la puissance fiscale des véhicules, plutôt que de faire un appel à la responsabilité et à la sobriété. L'État n'a pas à soutenir les choix privés de motorisation et de poids des véhicules.

Ensuite, si nous ne renchérissons pas le coût de l'artificialisation des terres, nous nous priverions d'une ressource importante.

La question de la contribution des poids lourds étrangers se pose. Des réflexions autour de portiques avaient été portées jusqu'au début de l'année 2020. Des camions étrangers font le plein d'essence à l'extérieur des frontières, détériorent nos routes et finalement ne payent pas pour leur usage. C'est la raison pour laquelle une eurovignette avec une franchise de TICPE serait un excellent moyen de ne pas dégrader la compétitivité des poids lourds français et de permettre à chacun, et notamment à ceux qui sont étrangers, de payer leur juste part. C'est également un exercice que nous sommes en train de faire dans le cadre des 5 % d'évolution de notre périmètre budgétaire pour financer la transition écologique.

Enfin, le chiffrage de l'avantage dont les armateurs ont bénéficié relève du périmètre ministériel d'Hervé Berville. Ce calcul est effectué à la fin de l'année sur la reconstitution de l'avantage fiscal, compte tenu de l'option et du barème.

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Je vous remercie, Monsieur Christophe Béchu, pour vos réponses.

Nous allons maintenant nous intéresser à la première des thématiques d'évaluation retenues par les rapporteurs spéciaux, relative aux modalités de financement des transports en France. Comme il s'agit d'un sujet relatif au transport, c'est Monsieur Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports, qui sera le répondant des rapporteures spéciales.

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Dans le cadre de ce printemps de l'évaluation, nous avons voulu, dans la lignée des travaux que nous avions conduits à l'automne, examiner la question des besoins de financement de certains transports à faible impact environnemental : les transports collectifs en milieu urbain ou péri-urbain et les trains d'équilibre du territoire. À l'heure de l'urgence climatique, les transports, qui représentent 30 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, sont en effet un levier d'action majeur. Un choc d'offres est donc nécessaire, ce qui suppose dans un premier temps des financements importants. Ce choc d'offres créera ensuite un accroissement de la demande en stimulant le report modal.

Je vous propose de présenter notre rapport en quatre temps : le premier sur les autorités organisatrices de la mobilité, le deuxième sur IDFM (Île-de-France Mobilités), le troisième sur les trains d'équilibre du territoire et le quatrième sur les RER métropolitains.

Les recettes tarifaires des AOM en régions ont été fortement affectées par la crise sanitaire. Elles auraient ainsi perdu un total de 484 millions d'euros à ce titre en 2020 par rapport à 2019. Elles sont aussi confrontées à des chocs à la hausse qui engendrent une augmentation de leurs dépenses. L'augmentation des péages ferroviaires et l'inflation liée à la crise énergétique augmentent leurs dépenses de fonctionnement, tandis que les besoins d'investissement importants liés aux ZFE et au nécessaire report modal afin de lutter contre le dérèglement climatique accroissent leurs dépenses d'investissement dans un premier temps, puis, à terme, leurs dépenses de fonctionnement pour financer l'exploitation de l'offre nouvelle de transports.

L'augmentation des péages ferroviaires est une cause majeure et légitime d'inquiétude pour les AOM. Ces péages sont dus à SNCF Réseau pour toute circulation d'un train. Le contrat de performance conclu par l'État avec les gestionnaires d'infrastructures prévoit une augmentation très importante de ces péages dans les prochaines années, afin que les coûts de gestion de l'infrastructure soient assurés par les usagers des trains et non par les contribuables. En 2026, les redevances devraient ainsi être supérieures de 28 % à celles de 2019. De telles hausses de péage entraîneront inévitablement une augmentation des tarifs pour les usagers, nuisant par là même au report modal vers le train.

Il s'agit d'un choix politique que nous contestons et que nous trouvons doublement incompréhensible. Il est incompréhensible que le report modal vers le transport ferroviaire, qui bénéficiera à tous grâce aux externalités positives sur l'environnement, ne soit pas financé par la puissance publique. Il est incompréhensible aussi que l'entretien des infrastructures de transport ferroviaire doive être financé par les usagers, alors que les routes, hors autoroute, qui permettent un transport bien plus nuisible à l'environnement, sont financées par le contribuable et que le transport aérien, dévastateur pour notre planète, est financé indirectement via les nombreux avantages fiscaux dont il bénéficie.

Des solutions de financement alternatives existent pourtant :'augmentation du taux de versement mobilité et l'instauration pour les régions hors Île-de-France de la faculté de le lever, mais aussi la baisse du taux de TVA sur les transports collectifs, ferroviaires et routiers, financée par une TVA à taux normal sur les transports par avion, ou encore la hausse de la taxe de séjour sur les hôtels de luxe.

J'en viens maintenant à notre deuxième partie, centrée sur Île-de-France Mobilités. Le versement mobilités devrait représenter 48 % des recettes de fonctionnement d'IDFM en 2023, devant les recettes tarifaires et les contributions statutaires des collectivités membres. IDFM doit faire face à l'impact de la hausse du coût de l'énergie (750 millions d'euros en 2023), au financement de l'offre supplémentaire des Jeux olympiques et paralympiques (200 millions d'euros) et surtout au coût d'exploitation à venir du Grand Paris Express, estimé entre 900 millions et 1 milliard d'euros par an. IDFM a également lancé un ambitieux programme d'investissement de 28 milliards d'euros sur la période 2024-2031, dont 17 milliards d'euros pour le renouvellement du matériel roulant. Si des investissements sont prévus pour améliorer l'accessibilité du réseau, ils sont encore insuffisants pour l'améliorer significativement.

Nous souhaitons également alerter sur la situation déplorable des transports en Île-de-France actuellement, qui pèse très fortement sur le quotidien des usagers du métro, du RER et du réseau de bus. Celle-ci est liée aux problèmes de recrutements et à la situation financière d'IDFM. IDFM et les AOM locales ont absolument besoin de financements supplémentaires pour leur fonctionnement. Nous en proposons plusieurs à travers ce rapport, à commencer par l'augmentation et la modulation du taux du versement mobilité, indispensable à nos yeux, mais nous suggérons également de relever les tarifs de transports pour les touristes ou de les faire mieux contribuer au travers de la taxe de séjour, de mettre à contribution le secteur aérien et enfin de capter une partie des plus-values foncières générées par les nouvelles gares.

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La troisième partie de notre intervention porte sur la question des TET (trains d'équilibre du territoire). Le réseau des TET comprend douze lignes, dont quatre de trains de nuit. L'État en est l'autorité organisatrice. Il transporte chaque année près de 9 millions de passagers. La demande en la matière est très forte. La relance des trains de nuit nous apparaît donc comme une priorité. Ce sont de véritables alternatives à l'avion. Ils sont aussi un enjeu d'aménagement du territoire et de déplacement instantané. Malgré les discours volontaristes du Gouvernement, les financements restent absents. Un rapport administratif avait estimé le montant nécessaire à 1,45 milliard d'euros. Le Gouvernement a annoncé sa volonté d'investir 800 millions d'euros, mais ni la budgétisation ni le financement de ces crédits ne sont encore connus.

Outre les problèmes financiers, le développement des trains de nuit se heurte aussi à la concurrence avec les travaux de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire, absolument indispensables, qui prennent place principalement la nuit. Leur importance croîtra dans les années à venir, du moins si les annonces du Gouvernement en la matière sont concrétisées.

La qualité de service de ces trains devra aussi être fortement améliorée pour les rendre attractifs, alors qu'en 2022 par exemple, le train reliant Paris à Lourdes n'a été à l'heure que trois fois sur quatre et que seule une rame est équipée de nouvelles cabines.

Je termine cette présentation avec les services express métropolitains. Ce sont des outils d'aménagement du territoire indispensables dans de nombreuses agglomérations, notamment pour renforcer l'acceptabilité sociale des nécessaires ZFE et pour ne pas pénaliser les plus précaires. La Société des grands projets devrait être mobilisée pour apporter son expertise technique, si la proposition de loi présentée hier soir en commission est adoptée.

Le coût de chaque projet est estimé à environ 1 milliard d'euros d'investissement pour la mise en place. Nous appelons cependant à ne pas reproduire l'erreur commise en Île-de-France de ne pas se soucier du financement des coûts d'exploitation au moment de la planification des réseaux. Il faut dès à présent évaluer le coût d'exploitation prévisionnel et les recettes et contributions qui permettront de le prendre en charge.

Pour toutes ces raisons, Monsieur le ministre, les écologistes plaident pour une grande loi de programmation du ferroviaire, permettant à SNCF et aux autorités organisatrices de la mobilité de se projeter résolument dans la lutte contre les émissions de CO₂ et contre le dérèglement climatique. Le ferroviaire est la solution de l'avenir.

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Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports

Il est parfois compliqué de s'y retrouver dans l'effort global de l'État en matière de transports, entre les différents supports budgétaires et extrabudgétaires. Au cœur de cet effort budgétaire public figure le programme 203, qui relève de ma responsabilité directe en tant que ministre chargé des transports. Ses crédits atteignent 4,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 4,4 milliards d'euros en crédits de paiement dans la loi de finances pour 2023, en hausse de 13 % par rapport à l'année 2022.

Il s'agit donc d'un budget important, mais qui ne retrace qu'une partie de l'effort d'ensemble. Il faut y ajouter les crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui atteignent 3,8 milliards d'euros en crédits de paiement cette année, le soutien aux voies navigables de France, à la Société du Grand Paris (1 milliard d'euros), le soutien au CDG Express par le biais d'avances qui représentent 400 millions d'euros par an et le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, qui représente un peu plus de 800 millions d'euros en crédits de paiement. En dehors du budget de mon ministère, des crédits budgétaires sont accordés au verdissement des véhicules, notamment les véhicules électriques (1,3 milliard d'euros). Il faut aussi citer le soutien à la recherche aéronautique, pour près de 400 millions d'euros. Cela représente un total de 12 milliards d'euros de crédits de paiement, hors frais de personnel, consacrés cette année au budget de l'État pour les transports sous ces différents supports. Il s'agit d'un budget en forte hausse et d'un marqueur fort de cette majorité depuis 2017. Le quinquennat précédent a été notamment marqué par deux supports législatifs ou budgétaires majeurs : la loi d'orientation des mobilités et le plan de relance.

Sur le programme 203, qui dépend le plus directement de mon action, 88 % des moyens sont consacrés aux transports hors routier et aérien, et donc au ferroviaire et aux transports collectifs. Il s'agit du premier poste de dépenses de ce programme 203, contribuant à la transition écologique et à l'effort collectif de décarbonation. Ces moyens consacrés au ferroviaire sont en hausse cette année de près de 100 millions d'euros par rapport à l'année 2022. Pour les crédits de l'AFITF, par exemple, ce sont plus de 2 milliards d'euros qui sont en soutien du transport ferroviaire et des transports collectifs.

S'agissant de l'aérien, notre politique ne prévoit pas de soutien public au secteur, hors deux missions : les lignes d'aménagement du territoire, liées au désenclavement de certains territoires qui n'ont pas accès au ferroviaire et le contrôle aérien, pour la sécurité de ce mode de transport.

Pour revenir aux points que vous avez soulevés, Mesdames les rapporteures, il faut en effet porter une grande ambition à nos transports et à leur décarbonation, le ferroviaire en étant la priorité absolue. Il s'agit de l'objectif du plan d'avenir pour les transports qu'a présenté Madame la Première ministre. Celle-ci a évoqué à cette occasion un investissement total de 100 milliards d'euros pour le seul transport ferroviaire de 2023 à 2040.

Je souhaite que, devant cette assemblée et devant le Sénat, nous puissions tenir, dans les semaines ou les mois qui viennent, un débat sur un projet de loi de programmation. Pour cela, il faut une forme de consensus ou de convergence. C'est la raison pour laquelle je consulterai l'ensemble des groupes politiques qui composent l'Assemblée nationale et le Sénat, pour savoir si nous pouvons construire une loi qui pourrait recueillir une majorité parlementaire dans les mois qui viennent. Si cela n'était pas possible, je le regretterais, mais nous n'abandonnerions pas les crédits budgétaires que nous devons renforcer, pour la priorité ferroviaire en particulier.

C'est d'ailleurs dans cette optique que nous lancerons dans les prochains jours les négociations des contrats de plan État région avec l'ensemble des régions, avec là aussi une priorité assumée relative à la décarbonation des transports, une part du ferroviaire bien supérieure à la génération précédente et des crédits réservés aux services express régionaux métropolitains. L'ordre de grandeur dépendra de la négociation entre l'État et les régions, mais la part de l'État sera voisine de 1 milliard d'euros pour le démarrage des études et les premiers projets, soit un effort évidemment très significatif, qui permettra de lancer véritablement les projets de services express régionaux métropolitains.

Je parlerai aussi des trains d'équilibre du territoire, qui sont très importants. Je souhaite que, le 12 juin prochain, dans l'hémicycle, une majorité permette d'adopter la proposition de loi de M. Zulesi, très utile pour déployer les services express régionaux métropolitains dans les grandes métropoles. Il faut de l'argent dans les contrats de plan entre l'État et les régions et un outil juridique pour que ces projets voient le jour. Il s'agit là de transports du quotidien, de la France périphérique. C'est dans ces zones qu'à plus de 85 %, on utilise encore la voiture, non par choix, mais par dépendance ou par absence d'alternatives. Les services express régionaux métropolitains sont une réponse très politique et écologique. Je crois profondément à ce besoin de transport public supplémentaire. C'est l'ambition d'une décennie, mais nous nous donnons les moyens juridiques et budgétaires d'avancer rapidement sur ces projets partout en France.

Cela veut dire aussi que nous renforçons les trains d'équilibre du territoire qui ont été trop souvent négligés dans nos investissements ferroviaires. Nous avons déjà inversé la tendance ces dernières années, mais nous devons aller plus loin. Les financements ne sont pas absents. En 2022, l'État a en effet consacré 850 millions d'euros aux trains d'équilibre du territoire, soit 12 lignes et plus de 10 millions de passagers chaque année. Or la ponctualité de ces lignes est en moyenne beaucoup moins bonne que sur nos lignes à grande vitesse. Au-delà de ces 850 millions d'euros annuels mobilisés par l'État, plus de 2 milliards d'euros sont investis par l'État et SNCF Réseau pour le renouvellement entier des rames, la régénération et la modernisation du réseau. Cet effort était nécessaire et suscite de l'impatience. Ces travaux sont en cours. Je ne peux donc pas laisser dire que l'État ne s'intéresse pas à ces trains d'équilibre du territoire. Au contraire, nous avons inversé une tendance qui était très préoccupante.

Pour revenir sur les péages, la trajectoire de péage ferroviaire est coûteuse et elle est en forte augmentation. Elle a néanmoins été validée par l'Autorité de régulation des transports et communiquée de manière pluriannuelle aux régions. Elle est aussi liée à un contexte d'inflation et de nécessité de financer notre réseau. Il n'est pas exact de dire que ce seraient uniquement les usagers qui paieraient le réseau ferroviaire. Au total, tous les concours publics fournis au service public ferroviaire chaque année sont proches de 20 milliards d'euros. En France, le reste à charge moyen des usagers du train est le plus faible d'Europe après le Luxembourg. Notre priorité doit donc concerner l'offre, l'investissement et le financement de notre réseau. Néanmoins, je pense qu'il faut rediscuter de la trajectoire d'augmentation des péages, même si l'État en prend déjà à sa charge une large partie, y compris pour les TER, puisque ce sont plus de 2 milliards d'euros qui seront pris en charge par l'État cette année et en 2024 au bénéfice des régions et des TER.

L'Île-de-France est la région qui compte le plus de transports publics et d'usagers. Le programme d'investissement d'Île-de-France Mobilités est sous l'autorité de la présidente de région. Pour autant, des pistes de financement complémentaires peuvent être discutées. D'un commun accord avec Valérie Pécresse, le 23 janvier dernier, nous avons lancé des Assises du financement des transports franciliens. De nombreuses pistes issues de tous les groupes politiques ont été envisagées à cette occasion. Un rapport d'inspection a été commandité par l'État, proposant un certain nombre de pistes de financement. Il m'a été remis il y a quelques jours. Je le tiendrai à votre disposition.

Vous avez mentionné « une situation déplorable des transports publics franciliens ». Oui, il faut investir et oui, c'est la région qui porte ces investissements. Il faut se féliciter que l'Île-de-France investisse pour les transports des Franciliens et de tous les Français. L'État finance aussi l'investissement dans le Grand Paris Express. Nous serons la seule métropole d'Europe à ouvrir quatre lignes de métro et à en prolonger massivement une autre, pour les Jeux olympiques et paralympiques. C'est un investissement inédit depuis les années 1970 et porté en partie par l'État dans les transports franciliens, qui en ont besoin.

Nous avons connu un automne et un hiver extrêmement difficiles dans les transports parisiens et franciliens, pour des raisons de recrutement, principalement. Je rappelle que l'État n'était pas obligé d'apporter une aide exceptionnelle de 200 millions d'euros à la région Île-de-France pour l'année 2023, complétée de 100 millions d'euros pour les autres métropoles de France, qui avaient aussi des besoins liés à l'inflation. Je souhaite que nous trouvions une solution de financement commune, pérenne et de haut niveau pour les transports franciliens dans les années qui viennent. Je discuterai de ce sujet dans les prochains jours avec la présidente du conseil régional Valérie Pécresse, afin de définir un consensus au bénéfice des Franciliens et de tous les Français qui utilisent ce réseau, sans tabou sur le financement.

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Je remercie, Monsieur le ministre, pour ses réponses, et nos deux rapporteures pour leur travail. La question du ferroviaire doit être au centre de nos préoccupations, avec la question énergétique. Il s'agit là de la condition de réussite d'une bifurcation écologique absolument indispensable.

D'abord, je considère que la formule de « choc d'offres » est particulièrement bienvenue. Si l'on attend uniquement la question de la demande, nous n'accomplirons pas cette nécessaire bifurcation. Or le train reste encore trop cher et insuffisamment concurrentiel par rapport à la route.

En Île-de-France, le transport en commun est un drame quotidien pour les Franciliens, en raison de la saturation des moyens de transport, des retards techniques, etc. Vous évoquez une contribution du secteur aérien. Pour le transport de manière globale, il faudrait ajouter la question des contributions des bénéfices autoroutiers, ce qui a d'ailleurs été envisagé par le Gouvernement.

L'annonce d'un grand plan de 100 milliards d'euros m'a semblé satisfaisante, correspondant d'ailleurs aux attentes exprimées par Monsieur Farandou devant notre commission. D'importantes interrogations portent cependant sur le financement de ce plan, et notamment sur la part de l'État. Dans le cadre de la loi de programmation ferroviaire, je vous invite également à rencontrer les présidents des différentes commissions intéressés par cette question.

J'ai évoqué tout à l'heure avec Monsieur Béchu la question de Fret SNCF. Ce dernier a fait part d'un état d'esprit offensif concernant les questions d'ouverture à la concurrence, mais je serais intéressé par votre retour sur ce sujet. Il serait regrettable que l'on se prive de cet outil.

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Merci, Mesdames les rapporteures, pour avoir proposé ce focus sur cette thématique des transports, qui nous touche tous dans nos territoires. Force est de saluer l'annonce de Madame la Première ministre pour cet investissement de 100 milliards d'euros d'ici 2040, et également les décisions prises lors du précédent quinquennat : poursuite du projet du Grand Paris Express, malgré les réticences de la de la Cour des comptes, et le désenclavement de la ville de Marseille, avec le plan Marseille en grand.

Je souhaite revenir rapidement sur deux points. La réforme du système ferroviaire a été décidée en 2018, en prévoyant la reprise de la dette de SNCF à hauteur de 35 milliards d'euros, avec 10 milliards d'euros en 2022. Cette reprise de dette devait permettre à la SNCF de dégager des moyens d'investissement. Après cette recapitalisation, quels ont été ces moyens d'investissement engagés ?

Le rapport de nos collègues Mmes Arrighi et Sas met en lumière les difficultés d'IDF Mobilités pour opérer tous les investissements nécessaires dans la région, malgré un soutien très fort de l'État pendant la crise sanitaire. En 2022, les régions ont bénéficié d'une dynamique de recettes de TVA importante. Ces recettes supplémentaires de TVA ont-elles eu des effets en matière d'investissements dans le domaine des transports en région Île-de-France ?

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Mesdames les rapporteures, vous notez dans votre rapport la réalité des augmentations des péages ferroviaires et ses conséquences délétères. Pour rappel, les péages ferroviaires sont des redevances dont doivent s'acquitter les opérateurs ferroviaires. Ces redevances constituent la principale source de financement de SNCF Réseau et sont répercutées sur les prix des billets. À titre d'exemple, ce coût des péages représente entre 35 et 40 % du prix du titre de transport total. L'augmentation des péages ferroviaires est délétère pour plusieurs raisons. D'abord, évidemment pour les usagers, avec des prix des billets qui flambent. La hausse des tarifs du péage ferroviaire s'élèvera en 2024 à 8 % pour les TER et 7,6 % pour les TGV et les lignes Intercités, C'est ce qui a été validé par l'Agence de régulation des transports, sans que l'on sache très bien à quel point cela sera répercuté sur les tarifs de SNCF.

Ensuite, c'est délétère pour les objectifs environnementaux, puisque l'augmentation du prix des billets décourage le report modal vers le train.

Enfin, ce modèle français est à part en Europe. En effet, 100 % de l'entretien et de la rénovation de notre réseau structurant reposent sur ces péages. D'autres pays européens ont fait le choix de subventionner le gestionnaire d'infrastructures pour maintenir des prix de péages faibles.

Ma question, Monsieur le ministre, est double. Avez-vous estimé les augmentations de tarifs des billets vendus par la SNCF en 2024 ? Envisagez-vous de réfléchir à un modèle alternatif au financement actuel de SNCF Réseau ?

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Monsieur le ministre, j'ai deux questions à vous poser. En ce qui concerne les services express régionaux métropolitains, vous venez d'indiquer que la part de l'État se monterait au départ à 1 milliard d'euros, pour une dizaine de projets. Étant données la nécessité d'accélérer et la crise des finances publiques qui frappe les collectivités locales, avec l'explosion des factures d'énergie, nous craignons que l'exigence d'un financement tripartite entre régions, métropoles et État complexifie la mise en place du dispositif. Cette somme de 1 milliard d'euros est insuffisante. Avez-vous des précisions à nous apporter sur ce sujet ?

Ensuite, sur les voitures électriques, Monsieur Béchu a fait part d'une volonté de modifier les critères du bonus écologique et de primes à la conversion pour éviter de subventionner des véhicules qui seraient fabriqués dans des usines à l'autre bout du monde. Il a fait état d'une volonté de trouver le bon équilibre dans ce domaine. Néanmoins, quelles mesures sont envisagées pour avoir une influence sur le prix des véhicules électriques fabriqués en France ? Quelle est la stratégie du Gouvernement pour inciter les constructeurs à réduire les prix, notamment pour les véhicules fabriqués en France ?

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Je tiens d'abord à remercier nos deux collègues co-rapporteures pour leur travail. Des projets de grande envergure ferroviaire qui n'ont pas été abordés dans ce rapport ont aussi une vocation écologique majeure. Le chantier du Lyon-Turin est déjà engagé et a pour but de participer au report modal des quelque 40 millions de tonnes de marchandises qui traversent les Alpes chaque année. Je trouve savoureux, mes chers collègues, que vous dénonciez l'inaction du Gouvernement en matière de fret ferroviaire, alors que votre groupe s'oppose à ce projet.

Nous sommes certes en attente d'engagements financiers supplémentaires de la part de l'État concernant le financement des trains d'équilibre du territoire. Je tiens tout de même à saluer, au nom de mon groupe, la hausse des investissements de l'État dans le ferroviaire en 2022. Ainsi, le programme 203 a bénéficié d'une hausse de crédits de 4,67 %, essentiellement du fait de la hausse des investissements dans la régénération ferroviaire financée sur fonds de concours SNCF Réseau, qui passe à 2,11 milliards d'euros en 2022.

Monsieur le ministre, j'attirer votre attention sur les travaux de modernisation nécessaires pour la ligne Paris-Clermont. Les engagements pris concernant la régénération de la ligne ont comme horizon 2026. Quelles sont les orientations possibles au-delà de cette date pour s'assurer que des travaux de modernisation sont bel et bien engagés afin de faire passer la limite de transport au-dessous des trois heures ?

Enfin, nous ne pouvons que nous satisfaire des annonces du mois de février de Madame la Première ministre, qui a annoncé une nouvelle donne ferroviaire, avec le déblocage de près de 100 milliards d'euros d'ici 2040. Il est prévu que la programmation des infrastructures se fasse en lien avec les collectivités, dans le cadre notamment du volet mobilité des contrats de plan État-Région (CPER). Pourriez-vous nous faire un point d'étape sur l'avancement des négociations entre l'État et les régions sur les projets ?

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Plusieurs projets de lignes à grande vitesse sont en cours, et se pose la question du tracé d'une de ces lignes dans la zone de l'étang de Thau. Le projet actuel passerait par une zone Natura 2000, sur l'ancienne voie Domitia et au sein de l'AOC Piquepoul de Pinet. Or une autre solution ne ferait perdre que 10 minutes sur le trajet, tout en économisant 1 milliard d'euros de construction.

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Deux types de sujets ressortent du rapport d'exécution, et notamment la question du financement des 100 milliards d'euros annoncés pour le plan ferroviaire. Devant notre commission, le président de la SNCF a fait état de réflexions concernant le partage de ce financement entre le budget de l'État et le résultat de la SNCF. Où en sont ces réflexions ?

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Nous sommes favorables à un grand débat sur la loi de programmation du ferroviaire.

Plusieurs questions portent sur le financement. Vous aviez évoqué un financement par le biais des concessions autoroutières. À ce titre, nous vous avons écrit pour vous interroger sur ce qui fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État et attendons votre réponse. Nous demandons également des précisions sur l'articulation de ce financement avec des projets comme celui d'A69 entre Toulouse et Castres. Ce projet semble inutile et son abandon permettrait de financer le ferroviaire.

Il me semble en outre que vous n'avez pas répondu à ma question sur les 800 millions d'euros relatifs aux TET.

Sur la question des péages, il convient de mener une réflexion sur l'inflation des prix des billets.

La concurrence avec l'avion est faussée puisque l'avion bénéficie d'une exonération de taxation sur son carburant, contrairement au train. Ce problème de concurrence devrait être pointé.

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J'ai entendu votre ouverture sur le versement mobilité. Je voudrais vous interroger pour savoir si vous avez le même degré d'ouverture sur la suppression des niches fiscales néfastes au climat. Pourriez-vous envisager une réduction des remboursements de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sur le transport routier de marchandises ?

La TVA est aujourd'hui réduite à 10 % sur les billets d'avion, ce qui ne se justifie pas. Seriez-vous prêt à l'augmenter ?

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Clément Beaune, ministre

Je n'oppose pas l'offre et la demande en matière de transport. Ces deux leviers doivent être activés. Néanmoins, pour dégager des priorités, c'est sur l'offre que nous faisons face à un besoin majeur. Si nous considérons que l'offre est notre priorité, il faut investir, en faisant financer ces investissements par le contribuable, mais aussi par les usagers, en petite partie.

En ce qui concerne les péages ferroviaires, effectivement, en France, ces péages sont élevés. Cependant, le modèle parfait n'existe pas. En France, le contribuable finance le réseau lui-même. D'autres exemples européens peuvent être étudiés. En Italie, la baisse des péages a augmenté l'offre ferroviaire, mais ce n'est pas le cas dans tous les modèles. J'ai proposé à Régions de France de mener une mission commune sur la question des péages ferroviaires à partir de cet été, afin de documenter les modèles. Toutefois, il faudra bien financer SNCF Réseau, par les péages ou par un autre moyen. En effet, l'augmentation des investissements dans le réseau ferroviaire constitue une priorité absolue.

Sur les transports franciliens, le programme évoqué pour la RATP correspond à un effort de 6 500 recrutements, soit un effort totalement inédit. SNCF poursuit également un programme de recrutements ambitieux. Je souhaite évidemment que nous atteignions ces objectifs, pour rendre ces métiers plus attractifs. Nous en avons besoin et je défends nos grands opérateurs publics.

En ce qui concerne le financement de ce grand plan pour les transports et pour l'investissement ferroviaire en particulier, il ne faut pas opposer les modes de transport les uns aux autres, parce que tous contribuent à la décarbonation. Il convient d'ouvrir le débat de la contribution des secteurs carbonés vers les secteurs non carbonés, notamment l'aérien. Je sais qu'il s'agit d'un effort difficile, mais il faudra une contribution du secteur aérien. Nous avons saisi le Conseil d'État, il y a quelques semaines de cela, pour l'interroger sur la durée des contrats de concession et sur l'option juridique d'une taxation spécifique des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Sur la saisine elle-même, je demanderai aux équipes du secrétariat général du Gouvernement de répondre le plus rapidement possible à la demande que vous avez déjà formulée.

Sur les consultations pour une éventuelle loi, je n'oublierai pas la consultation, au-delà des groupes politiques et de leurs représentants, des présidents des commissions intéressées.

Le fret fait l'objet d'un débat extrêmement sensible. Oui, je crois qu'il y a un avenir pour le fret ferroviaire, avec un opérateur public de fret ferroviaire, notamment pour le wagon isolé. Nous réinvestissons massivement, avec au moins 4 milliards d'euros qui seront directement consacrés au fret ferroviaire, sans parler de l'impact de l'investissement dans le réseau. D'ores et déjà, ce sont 330 millions d'euros par an qui sont consacrés au soutien aux entreprises de fret ferroviaire, pour rendre ce mode de transport plus compétitif par rapport à la route. Je souhaite que nous soyons dotés d'un opérateur fort de fret ferroviaire public dans les années qui viennent.

Oui, une revue des projets autoroutiers est en cours. Elle devrait être prête d'ici le milieu de l'été.

Nous travaillons sur les sujets de juste taxation en matière de carburant pour l'aérien au niveau européen. La France soutient par exemple la directive sur la taxation de l'énergie, pour que le kérosène puisse être taxé au niveau européen. Je veux également préciser qu'il n'existe pas de TVA réduite sur les billets d'avion par rapport au train. Le taux de TVA est réduit pour les deux modes de transport.

La reprise de dette a effectivement permis de dégager des capacités d'investissement pour la SNCF. 3 milliards d'euros seront ainsi investis dans le réseau ferroviaire cette année, contre moins de 2 milliards d'euros par an avant 2017. Nous devons aller plus loin, mais nous avons déjà fourni un effort de réinvestissement, notamment permis par la reprise de dette de la SNCF.

L'État apporte un soutien massif à la région Île-de-France. 40 % du CPER francilien est ainsi pris en charge par l'État, qui a également apporté 2 milliards d'euros de soutien pour la crise du covid-19.

Madame la députée Dufour, sur les services express régionaux métropolitains, le montant que j'ai cité est très important. Celui-ci sera ajustable. Sans doute, une phase d'étude sera mise en œuvre dans un premier temps. L'État est prêt à s'engager sur des montants très importants et il faudra ensuite, pour l'investissement et l'exploitation, des recettes supplémentaires. Nous en discuterons et l'État sera au rendez-vous. L'ordre de grandeur de 1 milliard d'euros correspond à cette première phase, sur la période 2023-2027, qui est provisoire et pourra être ajustée en fonction du démarrage des projets. Le Parlement crée l'outil pour que les métropoles puissent s'en saisir et affecter des ressources. Il y aura aussi des contributions budgétaires normales de la part des régions et des métropoles.

Si l'on veut que les véhicules électriques ne soient plus des produits de luxe, des aides sont nécessaires. L'État en apporte et les cible d'ailleurs de plus en plus sur les ménages modestes : 7 000 euros désormais au lieu de 6 000 euros jusqu'à l'an dernier. Ces aides sont soumises à critère environnemental, pour cibler nos ressources publiques sur les modèles produits en France et en Europe. Il faudra aussi produire en France et en Europe des véhicules abordables. Lorsque l'on investit sur les batteries électriques, nous soutenons nos constructeurs pour qu'ils se relocalisent en France et en Europe, afin de produire des véhicules électriques de moyenne gamme beaucoup plus accessibles. Il s'agit d'une transformation essentielle. À partir de 2024, d'autres modèles plus abordables, produits en France et en Europe et soutenus par l'État, arriveront sur le marché.

Le Gouvernement français soutient le projet Lyon-Turin, à la fois la section frontalière, qui est en cours d'avancement, et les accès sur lesquels nous devons définir un scénario. J'ai écrit à Laurent Wauquiez, en précisant explicitement que l'État était favorable au scénario grand gabarit, donc le plus ambitieux en matière de transports de voyageurs et de fret. Sur la part qui restera à la charge de la France, l'État est prêt à prendre lui-même en charge 50 % du coût restant. Ce projet ne saurait être porté à 100 % par l'État. Je demande au président du conseil régional, qui a plusieurs fois réaffirmé son soutien à ce projet, de mobiliser aussi des financements régionaux.

En ce qui concerne les CPER et leur calendrier, nous commencerons la négociation avec les régions à partir de la mi-juin. Les mandats sont prêts et seront bientôt adressés par Madame la Première ministre à chacun des préfets de région pour mener les discussions avec les présidents de conseils régionaux. Je réaffirme que le Paris-Clermont est bien une priorité. Je suis prêt en effet à continuer l'effort pour améliorer le temps de parcours. Je ne crois pas au projet de ligne à grande vitesse, mais à un projet d'amélioration du temps de parcours.

Sur le tracé évoqué par Monsieur Rome, je propose que nous tenions une discussion plus précise sur les avantages et inconvénients respectifs des différents projets, notamment au vu des exigences de protection Natura 2000 que vous avez évoquées.

Enfin, sur le partage des résultats de la SNCF, je suis convaincu que la reprise de l'aide a permis de dégager des moyens qui se retrouvent aujourd'hui dans les résultats du groupe. Ces résultats doivent contribuer en priorité à l'effort dans le réseau. Nous allons augmenter de 50 % d'ici 2026 les crédits annuels consacrés à l'investissement de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire. La France est en retard sur l'investissement dans son réseau, c'est pourquoi j'en fais une priorité.

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Merci, Monsieur le ministre, pour ces réponses précises.

La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de Mmes Christine Arrighi et Eva Sas, rapporteures spéciales.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 17 heures 15

Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Fabien Di Filippo, Mme Alma Dufour, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Emmanuel Lacresse, M. Michel Lauzzana, M. Pascal Lecamp, Mme Mathilde Paris, M. Sébastien Rome, M. Alexandre Sabatou, Mme Eva Sas

Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, Mme Karine Lebon

Assistaient également à la réunion. - M. Mickaël Bouloux, M. Emmanuel Fernandes, Mme Véronique Louwagie, Mme Alexandra Masson, M. Bertrand Petit