Intervention de Michel Lauzzana

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Lauzzana, rapporteur spécial (Affaires maritimes) :

Les crédits consacrés par l'État aux affaires maritimes relèvent de deux programmes. Le programme 205 Affaires maritimes, rassemble les moyens visant, d'une part à prévenir et lutter contre les risques en matière de sécurité maritime et de pollution, d'autre part à former aux métiers de la mer et à soutenir économiquement ces derniers.Ensuite, l'action 43 Ports, du programme 203 Infrastructures et services de transport finance les missions régaliennes exercées par les grands ports maritimes pour le compte de l'État.

J'évoquerai d'abord brièvement l'exécution de ces crédits avant de m'attarder sur une dépense fiscale bien connue, dont le coût est en hausse : la taxation au tonnage.

En 2022, les crédits consommés ont été supérieurs aux crédits adoptés en loi de finances initiale. Les crédits cumulés du programme 205 et de l'action 43 représentent 146 % du total des crédits disponibles, mais cette surconsommation s'explique essentiellement par un facteur conjoncturel, l'aide de 45 millions d'euros octroyée à l'entreprise Brittany ferries, justifiée par les difficultés que cette dernière a rencontrées à la suite du Brexit et de la crise sanitaire. L'action 43 a bénéficié de nombreux fonds de concours versés par l'AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France). Lorsque l'on rapporte les crédits consommés au total des crédits disponibles, on aboutit à un taux d'exécution de 91 %.

Dans mon analyse de l'exécution budgétaire, je me suis intéressé à une dépense fiscale majeure portée par le programme 205 : la taxation au tonnage. En vertu de ce dispositif, les entreprises dans le chiffre d'affaires provient pour au moins 75 % de l'exploitation de navires de commerce peuvent opter pour un mode de taxation spécifique, aux termes duquel leur impôt pour les sociétés est calculé sur la base du tonnage des navires qu'elles exploitent, indépendamment du bénéfice réel réalisé. L'objectif de ce dispositif est de rendre les navires français plus compétitifs, dans un contexte de forte concurrence internationale. Cette dépense fiscale a un coût de 3,8 milliards d'euros en 2022, soit quasiment 10 fois plus qu'en 2021, au bénéfice de 40 armateurs. Son dispositif étant inchangé, l'évolution du chiffrage s'explique par les profits élevés réalisés par le secteur en 2021 et 2022.

Si ces montants et cette dynamique peuvent interroger, je tiens à rappeler les quatre raisons pour lesquelles je soutiens pleinement ce dispositif, absolument indispensable.

La première raison réside dans le caractère facilement délocalisable de l'activité des armateurs, ce qui explique que des dispositifs similaires aient été adoptés par quasiment tous les pays en Europe et que 80 % du commerce international obéit à un mécanisme semblable.

La deuxième raison provient des résultats obtenus par cette dépense fiscale. Depuis sa création en 2003, ils sont significatifs, puisque les trois premiers armateurs mondiaux sont européens et l'un d'entre eux est français.

La troisième raison est que ce dispositif n'est pas toujours avantageux pour les armateurs. En effet, ils doivent faire le choix entre l'IS (impôt sur les sociétés) classique et la taxation au tonnage, mais pour une période de dix ans, sans pouvoir ensuite en changer selon les résultats, et alors même que leur activité est extrêmement cyclique. Autrement dit, ces entreprises ont dû s'acquitter de cette taxe même lors des exercices déficitaires et malgré de profits faibles. Il aurait été plus avantageux pour elles de payer l'IS classique dans ces périodes-là.

Enfin, cette option permet de financer la transition écologique du transport maritime, une très grande majorité des bénéfices réalisés par les armateurs étant réinvestis.

Pour toutes ces raisons, je soutiens pleinement ce dispositif.

Enfin, je profite de cette occasion pour saluer la démarche France Mer 2030, que vous avez récemment lancée, ainsi que la feuille de route établie par les acteurs de la filière pour accélérer la décarbonation du transport maritime. En travaillant ensemble à définir une stratégie ambitieuse et cohérente, nous pourrons atteindre nos objectifs de décarbonation d'ici 2030. J'aimerais ainsi connaître, Monsieur le ministre, les prochaines étapes de cette stratégie et savoir comment elles se refléteront dans les prochains projets de lois de finances.

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