La séance est ouverte à dix-sept heures.
(Mme Isabelle Rauch, Présidente)
La commission auditionne Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la formation professionnels, sur la réforme du lycée professionnel.
Madame la ministre, je vous remercie d'avoir répondu favorablement à notre invitation, qui fait suite à de nouvelles annonces au sujet de la réforme du lycée professionnel. Nous prendrons d'ailleurs l'avis des syndicats d'enseignants sur cette réforme le 7 juin.
Le 4 mai dernier, le Président de la République présentait les dispositifs de la réforme devant permettre de faire de la voie professionnelle une voie d'excellence, après un large processus de concertation engagé depuis l'automne. Refonte de la carte de formation, lutte contre le décrochage des élèves et renforcement des liens entre les lycées et les entreprises devront ainsi assurer un enseignement plus adapté aux besoins des élèves et une insertion professionnelle facilitée pour ces jeunes.
Je souhaiterais, pour ma part, vous interroger sur deux points.
Tout d'abord, la volonté du Gouvernement de moderniser l'offre de formation afin de la rendre plus cohérente avec les besoins et les débouchés suppose, à terme, la fermeture des formations ne menant pas suffisamment à l'emploi. Dès lors, comment, et par qui, sera évaluée puis actée la suppression de certaines filières professionnelles, et quelles perspectives seront offertes aux professeurs des formations concernées ?
Par ailleurs, la réforme entend renforcer les périodes de stage pour les élèves des lycées professionnels. Ces stages seront désormais indemnisés afin de valoriser l'investissement des élèves et pourront représenter, selon les projets professionnels, jusqu'à douze semaines pendant l'année de terminale. Cette avancée suppose d'identifier les entreprises les plus à même d'encadrer, de former et de préparer à l'emploi les lycéens concernés. Selon quelles modalités les entreprises partenaires seront-elles sélectionnées ? Par quels moyens les établissements pourront-ils s'assurer que l'allongement des périodes de stage n'entraîne pas un amoindrissement de la qualité de prise en charge des stagiaires ?
Madame la ministre, je vous donne la parole pour une intervention liminaire.
Je suis ravie d'intervenir à nouveau devant votre commission pour présenter la réforme du lycée professionnel.
Le Président de la République a positionné publiquement, le jeudi 4 mai, la réforme du lycée professionnel comme une « cause nationale » et comme l'un des grands rendez-vous de la nation avec elle-même.
Cette réforme ambitieuse et décisive pour l'avenir des jeunes des lycées professionnels de notre pays se décline en trois grands leviers. Le premier vise à mieux accompagner chaque lycéen dans son parcours, y compris en cas de décrochage pendant le lycée ou après. Le deuxième levier permettra un meilleur taux d'insertion des élèves et tend à faire du lycée professionnel un véritable outil de formation au service de notre économie et de la réussite des élèves. Le troisième et dernier levier est essentiel, puisqu'il s'agit de donner aux équipes éducatives les moyens d'agir.
J'ai déjà pu partager avec vous le constat préoccupant qui s'est imposé à nous à propos des lycées professionnels et qui nous oblige à réagir. Vous connaissez sans doute les chiffres qui caractérisent la voie professionnelle et dont nous ne pouvons nous satisfaire.
Les lycées professionnels accueillent chaque année un tiers des lycéens : un lycéen sur trois est en lycée professionnel, soit 621 000 élèves et 64 000 apprentis. Pourtant, cette voie concentre davantage de jeunes en difficulté qui la subissent plus qu'ils ne la choisissent.
Plus alarmant encore, aujourd'hui, moins d'un bachelier professionnel sur deux parvient à s'insérer dans l'emploi dans les six mois suivant l'obtention de son diplôme. Nous ne pouvons pas fermer les yeux devant cette injustice, cette réalité qui est source de frustrations pour les jeunes, leurs familles et les enseignants et l'ensemble des équipes éducatives. Elle est dommageable pour le pays dans son ensemble, car les filières de la voie professionnelle permettent aux lycéens de se former dans des secteurs essentiels pour notre économie, tels que l'énergie, la restauration, les métiers du BTP et du soin.
Pour toutes ces raisons, dès sa campagne présidentielle, le Président de la République s'était engagé à réformer les lycées professionnels. Trois indicateurs pour atteindre cet objectif de meilleure réussite des élèves et cette volonté de valoriser la voie professionnelle en tant que filière et voie de formation d'excellence ont été établis : l'amélioration du taux d'insertion professionnelle des lycéens, l'amélioration de la réussite des poursuites d'études, et la lutte contre le décrochage scolaire.
Vous le savez, la réforme découle d'une large consultation de l'ensemble des parties prenantes de l'écosystème des lycées professionnels, avec qui des échanges ont fait évoluer considérablement le projet initial.
Dès la rentrée 2022, un travail de concertation de terrain a été mené pour bâtir collectivement cette réforme. J'ai installé quatre groupes de travail, constitués des représentants des élèves et de leurs parents, des représentants d'établissements et des académies, des partenaires sociaux, des représentants des régions, qui se sont réunis pendant plus de trois mois pour imaginer le lycée professionnel de demain et répondre aux difficultés qu'il rencontre aujourd'hui. Nous avons eu l'occasion de faire des points d'étape réguliers sur l'avancement des travaux de cette réforme, le 9 janvier dernier, à l'Assemblée nationale, dans le cadre d'un débat sur la voie professionnelle, puis ici en audition devant votre commission, le 28 février dernier.
Cette réforme entrera en vigueur de manière progressive, échelonnée, et laissera la place aux initiatives locales des lycées professionnels pour ajuster au mieux les projets des établissements aux profils des élèves et aux réalités du terrain.
C'est une réforme globale, qui vient du terrain et s'appliquera différemment d'un lycée à un autre, avec autant de projets d'établissement qui seront autant de traductions concrètes de la réforme que je conduis.
Cet objectif de réussite des élèves au travers des indicateurs que je citais se traduira par de mesures qui s'installeront dès la rentrée 2023 et sera plus pleinement atteint à la rentrée 2024.
Je le rappelle, des moyens considérables ont été consentis en faveur de cette réforme du lycée professionnel. Plus d'un milliard d'euros par an sera investi dans le lycée professionnel et ce sont 2 100 établissements qui, dès la rentrée 2023, disposeront d'un chargé des relations avec les entreprises. C'est inédit ! En outre, et comme je l'ai déjà annoncé, les effectifs de professeurs seront maintenus et nous prévoyons un renfort d'effectif en personnels pédagogiques et d'accompagnement, notamment sur les questions sociales. Je pense aux conseillers principaux d'éducation (CPE), aux infirmiers et assistants sociaux.
Ce sont également 2,5 milliards d'euros qui sont mobilisables via France 2030 pour accompagner le financement des plateaux techniques, la formation des enseignants et travailler à l'attractivité et la mise en lumière de certaines filières d'avenir pour participer à l'effort d'orientation et d'attractivité de ces filières.
Je l'ai dit, cette réforme est ambitieuse et son contenu est dense. Elle permettra au personnel pédagogique de mobiliser les leviers correspondant aux enjeux qui sont les leurs pour favoriser la réussite des élèves.
Trois leviers nous permettront de faire de la voie professionnelle une filière d'excellence.
Le premier vise à renforcer l'accompagnement des élèves de lycée professionnel et à lutter contre le décrochage. Ce premier levier est fondamental et se déploie autour de six mesures.
Premièrement, comme le Président de la République s'y était engagé, les stages des élèves de la voie professionnelle seront gratifiés par l'État dès la rentrée prochaine. Il s'agira à la fois de motiver et de valoriser ces élèves avec une gratification allant de cinquante euros à cent euros selon les années. Un élève de lycée professionnel pourra ainsi recevoir de l'État jusqu'à 2 100 euros pendant ses trois années de formation en bac professionnel. Il s'agit de responsabiliser l'élève sur ce temps en entreprise qui concourt à sa formation, de responsabiliser l'établissement pour que l'élève suive un stage de PFMP (période de formation en milieu professionnel) en entreprise qui soit de qualité et cohérent avec sa formation, et de responsabiliser l'entreprise qui accueille un jeune dont la gratification est financée par l'État qui doit concourir, en lien avec l'établissement, à la formation de ce jeune.
La deuxième mesure que je souhaite mettre en lumière est l'intensification de l'accompagnement des élèves, afin qu'ils réussissent mieux scolairement. À partir de la rentrée 2024, le soutien en petits groupes pour les élèves les plus fragiles sera généralisé en français et en mathématiques dans tous les établissements. Les lycées volontaires pourront mettre en place cette mesure dès la rentrée prochaine, quelle que soit la discipline.
Au-delà des savoirs fondamentaux, les élèves de la voie professionnelle pourront, comme leurs camarades des voies générale et technologique, choisir des matières optionnelles. Cela se fera dès la rentrée prochaine, dès lors que des professeurs volontaires s'engageront pour les enseigner. C'est notre troisième mesure.
Notre quatrième mesure concerne l'année de terminale. Celle-ci sera adaptée au projet de l'élève. Certaines épreuves nationales du bac seront ainsi passées plus tôt dans l'année, à compter du bac 2025.
Certains élèves souhaitent s'insérer professionnellement dès l'obtention de leur diplôme. Pour leur assurer une insertion professionnelle plus efficace, la durée des stages sera augmentée de 50 %. Les autres, qui souhaitent poursuivre leurs études après l'obtention du bac, suivront quatre semaines supplémentaires de cours intensifs afin de leur donner les moyens de mieux réussir cette étape dans leur parcours qui est, à ce jour, souvent un échec puisqu'un élève sur deux ne réussit pas à obtenir son diplôme et renonce avant son obtention lorsqu'il poursuit des études.
Avec cette organisation, l'année de terminale poursuivra deux objectifs : permettre aux élèves de passer leur bac dans de meilleures conditions et leur offrir une rampe de lancement pour la suite de leur parcours – celle qu'ils auront choisie et que nous organiserons pour les accompagner au mieux.
C'était un chaînon manquant. Or, pouvoir mieux accompagner des jeunes dans leur projet et faire en sorte que, quel que soit celui-ci, nous soyons en mesure de les faire réussir, est un enjeu majeur de valorisation de la voie professionnelle. C'est indispensable car si le jeune ne sait pas, en entrant au lycée professionnel, qu'il peut poursuivre des études s'il le souhaite, nous nous heurterons à une dévalorisation de la voie professionnelle, tout comme s'il n'est pas convaincu que tout sera mis en œuvre pour favoriser son insertion professionnelle si tel est son choix.
Une autre mesure porte sur la création de trois nouveaux dispositifs pour prévenir les risques de décrochage, pendant et après le lycée. Je pense d'abord au dispositif « Tous droits ouverts », qui ambitionne de prévenir et d'éviter les situations de décrochage en proposant très rapidement aux jeunes concernés une palette de solutions adaptées à leur situation.
En la matière, la détection des premiers signaux de décrochage par les équipes éducatives sera essentielle, tout autant que la mobilisation de l'ensemble des acteurs territoriaux susceptibles d'aider ces jeunes à retrouver une motivation. Je pense ici aux établissements pour l'insertion dans l'emploi (Épide), aux écoles de la deuxième chance, à l'Agence du service civique, aux microlycées et à tous les dispositifs qui savent accompagner des élèves en situation de décrochages. Expérimenté depuis quelques semaines dans huit académies, « Tous droits ouverts » sera généralisé à la rentrée scolaire 2023.
Un deuxième dispositif de prévention des risques de décrochage, « Ambition emploi », sera également mis en place à cette date pour aider les jeunes qui se retrouvent sans solution après leurs années de lycée. Tout en conservant leur statut d'élève pendant quatre mois, jusqu'au 31 décembre, ils bénéficieront, pendant cette période, de stages, d'immersions dans des classes de terminale, d'un appui à la recherche d'un emploi ou d'un contrat d'apprentissage, de rencontres avec des recruteurs. Notre objectif est de ne pas laisser ces jeunes sans solution à la rentrée suivant l'obtention de son bac. À l'issue de ces quatre mois, les jeunes qui demeureraient sans solution se verront proposer un contrat d'engagement jeune.
Enfin, un parcours de consolidation sera proposé, dès le mois de décembre, aux étudiants en première année de BTS (brevet de technicien supérieur), dès lors qu'ils rencontrent des difficultés. Ce parcours, proposé dès cette année dans les lycées volontaires, leur permettra de consolider des savoirs académiques et méthodologiques durant quelques mois. Pour cela, des professeurs de lycée professionnel engagés viendront renforcer l'équipe pédagogique de BTS. À l'issue du conseil de classe de juin, les jeunes les plus en difficultés pourront préparer leur BTS en trois ans. Ceux qui auront su bénéficier de cette consolidation passeront directement en seconde année.
Notre dernière mesure concernant ce premier grand levier est la construction de partenariats extérieurs, qui nous permettront également de mieux préparer l'insertion professionnelle des élèves.
Comme vous le savez, l'expérimentation AvenirPro se déploie actuellement auprès de 8 000 élèves. Des conseillers de Pôle emploi les aident à rechercher des opportunités d'emploi, à apprendre à identifier et à valoriser leurs compétences, et à mieux comprendre les attentes des employeurs. AvenirPro sera étendue progressivement à tous les élèves en dernière année de lycée professionnel qui souhaitent s'insérer dans l'emploi après leur diplôme : la moitié d'entre eux dès la prochaine rentrée scolaire, et tous à compter de la suivante.
Des partenariats avec les principales associations d'accompagnement des jeunes permettront par ailleurs de déployer le dispositif « 1 jeune, 1 mentor » dans les lycées professionnels, à partir de la prochaine rentrée scolaire. Véritable levier d'émancipation, ce dispositif permettra à tous les élèves d'être accompagnés et soutenus par un mentor, s'ils le souhaitent, dans tous les lycées professionnels.
Le deuxième levier vise à faire du lycée professionnel une solution aux grands défis de notre économie.
La souveraineté industrielle, numérique ou énergétique ne se concrétisera pas sans souveraineté des compétences. Nous devons donc adapter le lycée professionnel pour que, dès aujourd'hui, il propose une offre de formation qui prépare aux grands défis de demain et ces jeunes à leur avenir professionnel.
À cette fin, il est proposé de rénover en profondeur un quart des diplômes d'ici à la rentrée 2025. Certains diplômes ont, en effet, été conçus il y a plus de vingt ans et seulement 30 sur 550 sont rénovés en profondeur chaque année. C'est donc une accélération de cette révision que nous visons pour mieux nous adapter à la transformation des métiers, en tenant compte des grandes transitions en cours, notamment écologique, numérique et démographique.
Il conviendra de changer l'offre de formation des lycées professionnels. Nous souhaitons accélérer l'évolution des formations proposées, en les adaptant aux enjeux de l'économie et en fermant les formations qui mènent insuffisamment à l'emploi et à la poursuite d'études. L'objectif ici est clair, le Président de la République l'a rappelé lors de l'annonce de la réforme : fermer, d'ici à la rentrée 2026, toutes les formations n'offrant ni perspectives d'emploi ni possibilités suffisantes de poursuites d'études réussies. C'est un engagement que nous devons prendre vis-à-vis de ces jeunes.
Transformer la carte des formations est une opération certes difficile, même lorsque l'on constate une insertion professionnelle objectivement médiocre après l'obtention du diplôme. Afin d'accompagner cette réforme, des moyens seront mobilisés via le plan France 2030 pour cofinancer avec les régions, dont c'est la compétence, le renouvellement des plateaux techniques, mais aussi la formation des professeurs. Ce sont 2,5 milliards d'euros qui seront mobilisés à cet effet. Aujourd'hui déjà, des formations ouvrent et ferment chaque année ; il s'agit d'accélérer ce processus. Des outils de pilotage seront déployés pour mieux mesurer les taux d'insertion et les taux de poursuite d'études, formation par formation, pour soutenir les établissements dans leur prise de décision et les propositions qu'ils pourront présenter en matière d'évolution de leur offre de formation.
Bien sûr, nous sommes tous sensibles aux interrogations que ces transformations peuvent susciter, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle. Dès lors que nous savons que des formations n'ouvrent pas de perspectives de réussite – ni en insertion professionnelle ni en poursuite d'études réussies –, nous ne pouvons accepter le statu quo. Nous organiserons donc, dans une philosophie de respect de la promesse républicaine, des propositions de formations de qualité offrant la possibilité d'une insertion professionnelle mais aussi d'une poursuite des études – j'insiste sur ces deux options.
Nous créerons des formations de spécialisation post bac pro, en cohérence avec les entreprises locales et les enjeux économiques. Cette modalité est très attendue des entreprises et permettra aux lycéens de parfaire leur formation dans un domaine pour multiplier leurs chances d'y être embauchés. Nous constatons, sur les spécialités déjà développées, une augmentation de vingt points du taux d'insertion. Le plus souvent en apprentissage, ces formations permettent de préparer l'insertion et de débuter sa vie professionnelle avec une expérience en entreprise. Le nombre de places en formation de spécialisation passera de 4 500 à l'heure actuelle à 20 000 d'ici à la rentrée 2026.
Enfin, bien que les élèves de lycée professionnel alternent cours et stages en entreprise, il ne leur est pas toujours facile de trouver un stage, souvent faute de réseau professionnel. Un bureau des entreprises sera donc créé dans chaque lycée professionnel dès la rentrée prochaine. Il permettra aux entreprises de vos territoires de venir facilement présenter des stages aux jeunes et, à votre lycée, de les prospecter davantage pour proposer des stages de qualité aux élèves. Il s'agira donc de créer un bureau des entreprises dans chaque lycée professionnel dans le but de mettre en place des partenariats avec les acteurs du territoire, d'organiser les temps de stage et d'alternance ou de contribuer aux démarches d'orientation-information–insertion des publics accueillis.
Le troisième levier vise à donner aux personnels éducatifs des moyens inédits pour se saisir de la réforme.
Aujourd'hui, le professeur de lycée professionnel n'est pas valorisé à la hauteur de son engagement auprès de ses élèves, souvent plus fragiles qu'ailleurs. Demain, il sera mieux formé et davantage reconnu pour la diversité des missions qu'il exerce et pour son engagement au service de la réussite des élèves.
Ainsi, dès la rentrée prochaine, les professeurs en lycée professionnel volontaires pourront exercer de nouvelles missions rémunérées, favorisant la réussite et un meilleur accompagnement des élèves. Ils pourront, par exemple, aider les élèves en difficulté et soutenir leur projet par du tutorat, participant ainsi à la lutte contre le décrochage, dispenser des matières optionnelles et de spécialisation, assurer des remplacements de courte durée, soutenir le lien qu'entretient le lycée avec son tissu économique via des actions de découverte des métiers ou autres. Chaque professeur engagé pourra prétendre à une valorisation salariale, allant jusqu'à 7 500 euros bruts par an, soit 560 euros nets mensuels.
Je souhaite également que les nouveaux chefs d'établissement de lycée professionnel soient mieux accompagnés lors de leur prise de fonction. À cet effet, la formation des personnels éducatifs sera repensée, par la création d'une formation pour les nouveaux chefs d'établissement, en vue d'une prise de fonction rapide mais adaptée à la réalité des lycées professionnels. Une autre formation sera dispensée pour ceux déjà en poste ainsi que pour les professeurs qui bénéficieront davantage de formation continue.
Mesdames et messieurs les députés, j'ai souhaité prendre le temps de vous détailler toutes les mesures d'une réforme globale, multidimensionnelle, à la hauteur de cette cause nationale, qui consiste à faire du lycée professionnel de demain un véritable tremplin vers la réussite, une fierté pour ses élèves et ses professeurs ainsi que pour les équipes pédagogiques qui y enseignent, une voie choisie, une voie de réussite et d'excellence.
Madame la ministre, je tiens à vous remercier, au nom du groupe Renaissance, de votre présence à nos côtés alors même que les annonces concernant la réforme des lycées professionnels continuent à susciter des interrogations. C'est bien normal, même si j'ai pu constater à l'occasion de débats ou de rencontres avec des enseignants qu'elles ont déjà répondu à certaines inquiétudes qui avaient pu naître tout au long du travail de concertation engagé depuis l'été dernier.
À mesure de vos déplacements, comme ce fut le cas en région Centre-Val de Loire la semaine dernière, à la suite de vos annonces comme de celles du Président de la République, le contenu de cette réforme attendue des lycées professionnels s'est affiné. Nombreux sont ceux qui saluent l'importance de l'effort financier annoncé, donnant ainsi corps à cette ambition affichée de faire de la voie professionnelle une voie d'excellence. Nous savons désormais qu'un milliard d'euros sera investi chaque année dans les lycées professionnels pour un meilleur accompagnement et une meilleure insertion les lycéens.
Ce milliard d'euros permettra de financer les gratifications de stage des lycéens – jusqu'à 2 100 euros de gratification par élève sur trois ans –, les 80 nouvelles formations d'avenir annoncées pour la rentrée 2023 ou encore le pacte pour les professeurs des lycées professionnels.
Cette enveloppe aidera à la création des 2 100 bureaux des entreprises, à l'ouverture de 20 000 places de spécialisation et la création des nouveaux dispositifs pour prévenir le décrochage scolaire : « Tous droits ouverts », « Ambition emploi », « Parcours de consolidation ».
Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser la manière dont ce financement a été estimé ? Par exemple, avez-vous une idée du nombre d'enseignants qui seraient prêts à s'investir dans les nouvelles missions prévues par le pacte ? Dit autrement, ce milliard sera-t-il suffisant pour couvrir les différentes dépenses envisagées par la mise en place de la réforme ?
Vous avez également annoncé qu'un financement de 2,5 milliards d'euros était prévu dans le cadre de France 2030 pour accélérer la transformation des formations proposées par les lycées professionnels. Pouvez-vous nous préciser selon quelles modalités et avec quels partenaires ces fonds pourront être mobilisés ?
La réforme du lycée professionnel ne manque ni d'ambition ni de moyens. Le groupe Rassemblement national sait reconnaître ce qui relève d'une volonté réelle d'améliorer les choses. À cet égard, sa ligne de conduite est constante. Mais si votre réforme est acceptable, vous devriez la consolider dans au moins trois domaines qui sont le corps même de votre entreprise.
Premièrement, la maîtrise des fondamentaux. Vous parlez à ce sujet d'anticiper mais, en l'occurrence, l'anticipation eût été de s'assurer au collège qu'aucun élève n'entre en seconde sans maîtriser les fondamentaux. Vous indiquez qu'à la rentrée 2023, les cours de remise à niveau en petits groupes seront assurés par les établissements volontaires. Si cela est urgent et nécessaire, cela doit être obligatoire. Surtout, il semblerait que ces cours doivent être assurés dans le cadre du pacte par des professeurs rémunérés en heures supplémentaires ; là encore, si c'est urgent et nécessaire, ce devrait être prévu dans les obligations réglementaires de service des professeurs.
Deuxièmement, le bureau des entreprises, le mentorat et le bac + 1 : tout cale semble très bien. Nous estimons cependant qu'en matière d'insertion professionnelle, les lycées professionnels doivent passer d'une obligation de moyens à une véritable obligation de résultat, car l'insertion est, selon nous, leur mission première.
Troisièmement, le renforcement durant quatre semaines pour les futurs étudiants en BTS et les cours optionnels. L'insertion professionnelle ou la poursuite d'études supérieures pour les bacheliers professionnels ne sont envisageables avec succès que si ces jeunes disposent d'une solide culture générale. Il convient donc de renforcer l'enseignement général du cycle terminal par la maîtrise de l'anglais, par des cours de philosophie et d'épistémologie des arts et métiers, d'histoire et d'économie, par exemple.
Cette réforme souffre d'une imperfection qui n'a rien d'un simple détail : elle repose pour l'essentiel sur des actes professionnels qui doivent être assurés en sus du service par des professeurs volontaires, invités à gagner jusqu'à 7 500 euros par an supplémentaires. Cela rend votre projet très fragile au regard des enjeux qui s'attachent à une réforme d'ampleur du lycée professionnel.
Suppression de postes, reconversion forcée des PLP (professeurs des lycées professionnels), fermeture de sections sous statut scolaire au profit de l'apprentissage, vous ne proposez pas de réformer le lycée professionnel, vous préparez son démantèlement.
Après Jean-Michel Blanquer qui a déprofessionnalisé l'année de seconde, vous amputez et désorganisez celle de terminale. En quinze ans, la droite que vous incarnez aura fait passer le bac pro de quatre à une année de spécialisation professionnelle. Cette entreprise de déqualification n'a pas de précédent. Elle annonce une perte de savoir irréparable, dont nous paierons le prix collectivement. Elle fragilisera les futurs salariés en diminuant leur niveau de maîtrise professionnelle.
Votre politique est ainsi doublement coupable.
Coupable vis-à-vis de la jeunesse populaire de notre pays : à l'assignation sociale, vous ajoutez le déterminisme territorial, en soumettant son avenir aux seuls besoins immédiats des patronats locaux. Vous projetez ainsi d'ouvrir des bureaux des entreprises au sein même des lycées, en contravention complète avec le principe de neutralité du service public, qui interdit tout prosélytisme marchand au sein des établissements scolaires.
Coupable, votre politique l'est également vis-à-vis de notre avenir commun. La crise climatique est là. Elle exige de faire bifurquer nos modes de production dans l'industrie, l'énergie, le bâtiment et les métiers de la mer. Le lycée professionnel pourrait être un formidable levier de transition, mais en soumettant l'offre de formation aux intérêts privés, vous empêchez tout pilotage planifié tourné vers la satisfaction de nos besoins d'intérêt général. En cela, votre projet s'encastre dans la politique d'un Gouvernement qui a annoncé il y a quelques jours se résoudre à accompagner une hausse de quatre degrés du climat d'ici à 2100.
Je ne vous interrogerai donc pas sur les détails de votre projet de destruction. Après onze 49.3 en onze mois, je n'ai qu'une question : laisserez-vous notre assemblée légiférer ou entendez-vous, à nouveau, imposer au pays votre politique, sans la soumettre au vote des députés ?
Madame la ministre, la réforme du lycée professionnel que vous défendez laisse une drôle d'impression : vous semblez la faire contrainte et forcée, comme une case à cocher pour avoir bonne conscience, et pas davantage !
Drôle d'impression également parce que cette réforme sonne creux. Nous avons une liste de mesures, certaines intéressantes mais, pour finir, aucune ambition globale. Le lycée professionnel est toujours perçu comme un problème au sein de l'Éducation nationale et non pas comme une solution pour notre pays.
Le signe est qu'il aura fallu six ans pour entendre enfin le Gouvernement sur cette question. Or force est de constater que votre réforme ne convainc pas les acteurs sur le terrain, qu'elle est inaudible des parents et donne l'impression d'une véritable méconnaissance du lycée professionnel lui-même ; une méconnaissance scolaire d'abord parce qu'en réalité, les jeunes n'arrivent pas au lycée professionnel par hasard mais par défaut. Le lycée professionnel est le déversoir de l'Éducation nationale, « le dépotoir » a même dit un enseignant en colère. Il y a surtout une méconnaissance sociologique. Il faut arrêter la langue de bois et sortir de cette hypocrisie générale qui règne depuis trop longtemps. La vérité est que le lycée professionnel est le lycée des prolos, tout simplement !
Si Pap Ndiaye veut renforcer la mixité scolaire, commencez déjà par la construire au lycée professionnel. Aujourd'hui, les CSP + fuient le lycée professionnel. La vraie révolution du lycée professionnel ne consiste pas à mettre quelques pansements, ni à organiser son démantèlement, mais à en faire la voie royale, celle où l'on se battra pour aller. Une bonne réforme du lycée professionnel serait celle qui ferait dire à un ministre ou à un député que c'est cela qu'il veut pour son enfant. Est-ce le cas de votre réforme ? Je ne le pense pas.
Rémunérer les stages ne changera absolument rien. Ce n'est pas cela qui attirera les meilleurs dans cette voie. La seule chose qui puisse attirer les meilleurs, et donc tirer toute la filière vers le haut, ce sont l'excellence, la rigueur et l'exigence. Pourquoi, madame la ministre, ne portez-vous pas la même exigence pour nos lycées professionnels que pour nos classes de prépa, pour nos ingénieurs, nos médecins, nos juristes ?
Lors de son déplacement à Saintes le 4 mai dernier, le Président de la République a donné une traduction concrète à son engagement de faire de l'enseignement professionnel une cause nationale.
Cet objectif est vital non seulement pour nos 180 000 élèves qui obtiennent le bac professionnel chaque année, mais aussi pour la France et ses objectifs de réindustrialisation, de transition numérique et énergétique, pour citer trois défis majeurs que notre pays doit relever.
Dans cette perspective, le budget d'un milliard d'euros par an annoncé est porteur d'espoir. On ne peut que se féliciter également qu'une gratification soit mise en œuvre dès septembre ; elle permettra de valoriser et de récompenser le travail des élèves, de les aider financièrement et de contribuer à leur donner davantage confiance en eux et en leurs capacités.
Au-delà des douze mesures annoncées pour donner un nouveau souffle au bac professionnel, je vous poserai deux questions. D'abord, la réforme annoncée touche le lycée professionnel, mais elle ne comprend pas les autres filières de la voie professionnelle. Par exemple, qu'envisagez-vous pour élever le niveau de compétences des 160 000 élèves qui obtiennent un CAP chaque année, notamment pour faciliter leur insertion dans l'entreprise ? Ensuite, aucune mesure visant à augmenter l'attractivité des filières professionnelles n'a vraiment produit d'effet jusqu'à présent. Ne pensez-vous pas que faire de la filière professionnelle une voie complète, allant jusqu'au master professionnel, serait la solution pour la rendre vraiment attractive et ne plus entendre qu'elle est une voie de garage, voire de relégation ?
Cette audition nous permet, contrairement aux précédentes, de connaître les mesures qui composeront votre réforme du lycée professionnel. Il est clair que notre vision de l'enseignement professionnel diffère de la vôtre.
Les élèves en lycée professionnel sont avant tout des élèves, et non des salariés très bon marché. Nous nous demandons d'ailleurs pourquoi ils seraient désormais rémunérés par l'État et non par les entreprises employeuses.
Selon nous, ce sont les temps en classe, et non pas en entreprise, qui doivent être augmentés. À la fin de son cursus, chaque élève doit pouvoir faire le choix entre l'entrée dans le monde professionnel et la poursuite des études. Plus le temps de classe est diminué au profit du temps en entreprise, plus la poursuite d'études devient compliquée.
Je vous interrogerai sur la carte des formations que vous souhaitez revisiter. Le ministre Pap Ndiaye a annoncé la fermeture de 80 filières. Pouvez-vous nous préciser quels seront les critères précis retenus pour décider de la fermeture de telle ou telle filière ? Pouvez-vous nous rassurer quant au fait que cette décision ne sera pas prise uniquement sur la base du taux d'emploi constaté qui serait inférieur au taux d'emploi attendu, comme sur la plateforme InserJeunes ?
Les départements où les taux d'emploi sont les plus faibles, comme en Seine-Saint-Denis, verront-ils la suppression de la quasi-totalité des filières tertiaires ?
Enfin, avez-vous évalué avec votre administration le nombre d'enseignants concernés par la suppression de filières, qui devront se réorienter à la suite de cette réforme ? Quel sort sera réservé aux enseignants contractuels et aux enseignants des matières professionnelles à long terme ?
Madame la ministre, au nom des députés du groupe Horizons, je tiens à dire l'importance que nous accordons à l'enseignement professionnel qui constitue une voie d'excellence pour nos jeunes.
La semaine dernière, en faisant visiter l'Assemblée nationale à une classe de terminale de lycée professionnel de ma circonscription, je constatais à nouveau qu'une partie des élèves avait choisi cette voie par défaut alors même que cette formation comporte de nombreux débouchés et offre des horizons enthousiasmants. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation qui entraîne de trop nombreux décrochages. La voie professionnelle doit être une voie choisie – vous l'avez rappelé au cours de votre propos liminaire.
Votre réforme est ambitieuse, elle comprend plusieurs actes. Je voudrais insister sur la nécessité de renforcer l'image de cet enseignement aux yeux de nos jeunes et de leurs familles.
Pour revaloriser ces filières, pour favoriser leur attractivité, pour répondre à l'évolution des besoins de l'économie, nous devons faire du lycée professionnel un acteur central de notre système éducatif. Dès maintenant, nous devons penser à adapter l'offre aux grandes mutations de notre temps. Je pense à la transition écologique et aux défis posés par les nouvelles technologies, telle l'intelligence artificielle.
Pour faire évoluer cette offre de formation, vous prévoyez de rénover en profondeur un quart des diplômes existants et de démultiplier le nombre annuel d'ouvertures et de fermetures de formation. Pouvez-vous nous expliquer en détail comment s'opéreront ces choix stratégiques d'ouverture et de fermeture de cursus ? Combien de temps à l'avance les futurs élèves et leurs familles en seront-ils informés ? Comment choisirez-vous les filières à ouvrir et à fermer ? Pouvez-vous nous assurer que, dans les territoires ruraux comme le mien, les fermetures de formation n'auront pas pour conséquence des fermetures de classes, mais conduiront bien à l'ouverture d'un nombre équivalent de classes sur le même territoire ? Il est, en effet, primordial de maintenir l'offre dans nos territoires ruraux pour leur permettre de rester ou de redevenir des bassins d'emploi.
Enfin, j'aimerais vous alerter sur la situation des personnels de direction. Vous avez indiqué qu'aucun poste d'enseignant ne serait supprimé. En sera-t-il de même pour les personnels de direction ? Ce n'est pas le cas dans un lycée professionnel de ma circonscription.
Madame la ministre, je m'adresse à vous, mais les réponses appartiennent en partie au Président Macron qui a repris la main sur la réforme avec la méthode et l'empathie que nous lui connaissons…
Cette réforme va au-delà de nos craintes. Le milliard d'euros annoncé comme la preuve irréfutable de votre volonté d'engager des moyens inédits n'est qu'une part des sommes colossales dont la voie professionnelle a été spoliée, littéralement dépossédée, pendant des années. Cette sous-exécution scandaleuse et systématique des budgets votés dans le programme 141, Enseignement scolaire public du second degré, servait tous les ans à renflouer la voie générale, de près de 550 millions en 2018 à plus de 700 millions d'euros en 2022. J'attends d'ailleurs les explications de M. le ministre de l'Éducation nationale à ce sujet.
Pour revenir à l'actualité, malgré le mirobolant pacte proposé, les syndicats répondent unanimement « non ». Les professeurs ne sont pas dupes et voient bien que vous tentez d'acheter leur adhésion à cette réforme dont l'idée majeure consiste à trouver l'adéquation entre les besoins de main-d'œuvre des entreprises et la manne que représente le tiers des lycéens et lycéennes de France. Les bureaux des entreprises au sein des lycées professionnels seront de simples bureaux de placement. Les choix d'orientation se feront en fonction plus des besoins du tissu économique local que des envies et aspirations des élèves. Personne n'est dupe. La ficelle est tellement grosse qu'au lycée professionnel Théodore Monod de Noisy-le-Sec, des parents d'élève me disaient qu'il était évident que l'on privait un peu plus leurs enfants d'un avenir ouvert et désirable, car leur horizon sera restreint à leur lieu de vie : pour quelques filières certes attractives, combien de perspectives et de débouchés très limités ailleurs ?
À quel moment le besoin des entreprises prime-t-il sur celui de nos enfants qui auront encore moins d'école, encore moins d'égalité et d'émancipation ? À quel moment avez-vous choisi de revenir à une société où l'élève – et, par extension, le travailleur – ne serait perçu que comme une machine à produire ne répondant qu'à un besoin productiviste sur un tableau Excel ? À quel moment avez-vous décidé de détruire le lycée professionnel et de creuser ainsi encore plus les injustices sociales ?
Même si je partage pour une large part votre constat, à savoir qu'une réforme est nécessaire pour viser l'excellence en lycée professionnel, celle que vous proposez ne me convient absolument pas : les lycées professionnels n'ont pas vocation à devenir des agences d'intérim !
Comme celle intervenue en 2022, la réforme du lycée professionnel présentée par Emmanuel Macron en mai dernier signe l'abandon de l'ambition d'avoir une jeunesse bien formée professionnellement et dotée d'un bagage culturel lui permettant d'exercer pleinement sa citoyenneté. Cette réforme est un renoncement, la mission éducative disparaissant au profit d'une complète soumission aux logiques du marché, fournissant une main-d'œuvre gratuite pour le patronat avec une formation réduite à des tâches précises dictées par les entreprises.
En Seine-Saint-Denis, plus de 18 000 élèves sont scolarisés en lycées professionnels. Ceux-ci comptent 3 % d'enfants de cadres, contre 26 % en lycée général et technologique. À votre avis, pourquoi ? Les élèves des classes populaires seront donc les premiers touchés par cette réforme qui, dans les faits, les poussera à choisir leur filière en fonction des besoins locaux et non de leurs ambitions ou projets professionnels, et ce sans compter toutes les difficultés que rencontrent ces élèves, encore mineurs, à trouver des stages dont les missions sont souvent bien éloignées de leur formation.
Cette réforme plonge également la communauté éducative dans l'incertitude. Ainsi, les lycées Jean Moulin au Blanc-Mesnil et Arthur Rimbaud à La Courneuve se sont mobilisés pour protester contre la fermeture des filières dites « à faible insertion », obligeant le corps enseignant à se reconvertir. Le lycée professionnel est pourtant un lieu essentiel pour former à des métiers capables de répondre aux nouveaux enjeux liés à la transition environnementale et énergétique et à la réindustrialisation, ou encore à tous les métiers du service à la personne.
Madame la ministre, que comptez-vous mettre en œuvre pour garantir aux lycéens un avenir choisi, et pas seulement dicté par le marché du travail ?
Sans reprendre les inquiétudes exposées par mes collègues, je reviendrai sur la prise en charge de quatre mois d'accompagnement pour les bacheliers qui poursuivraient leurs études, assorties d'un dispositif de consolidation en première année de BTS. Ces mesures montrent qu'il conviendrait d'engager des moyens en amont afin d'éviter d'en arriver là.
Pour ma part, je me contenterai d'aborder la dimension ultramarine de la réforme.
Nos territoires ultramarins offrent, en effet, une diversité de situations, une insularité et des statuts différents. Vous entendez renforcer la place de l'entreprise dans la formation. Cela peut se concevoir, mais vous n'êtes pas sans savoir que le tissu économique des outre-mer, composé de nombreuses petites entreprises, diffère de celui de l'Hexagone. Avez-vous étudié la capacité de tous les marchés à assimiler cette évolution, notamment en augmentant le nombre d'heures de formation, l'objectif étant d'assurer le même encadrement qu'en métropole ?
La modification des cartes des formations doit s'opérer en lien avec les métiers d'avenir économique et sera précisée dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt sur les compétences et métiers d'avenir de France 2030. Une carte des métiers d'avenir et des formations est-elle spécifiquement étudiée pour les territoires ultramarins dont les stades de développement et les besoins sont extrêmement variés ?
De même, en termes d'emploi du temps des élèves, la mobilité peut représenter une réelle préoccupation dans certains territoires. Or cette nouvelle organisation apportera de la complexité entre les temps scolaires et les temps de formation et cela nous préoccupe. Avez-vous eu un retour des différents outre-mer à ce sujet ?
Enfin, cette nouvelle carte conduira à des suppressions de postes. Que se passera-t-il pour les enseignants ultramarins qui ne trouveront pas forcément des opportunités d'emploi dans les territoires d'à-côté ?
L'État consacre 4,9 milliards d'euros à l'enseignement professionnel. En dépit de la baisse démographique, un effort considérable a été maintenu pour augmenter le taux d'encadrement et donc mieux accompagner les jeunes.
À compter de 2024, l'État investira un milliard d'euros de plus par an pour mener à bien la transformation du lycée professionnel. De manière inédite, ces moyens supplémentaires s'inscrivent dans la durée. Prévus à hauteur de 20 % du budget, ils sont donc très significatifs et reflètent l'importance que nous accordons au lycée professionnel et notre volonté de faire de la voie professionnelle une voie de choix.
Ces crédits financeront le versement des allocations de stage, la rémunération des missions complémentaires effectuées par les professeurs volontaires ainsi que l'ouverture des lycées professionnels à des partenariats extérieurs. Je pense notamment au dispositif « Avenir Pro », au déploiement du dispositif « 1 jeune, 1 mentor », car je souhaite que chaque jeune puisse bénéficier d'un mentor d'ici à 2025, mais également à la rénovation d'un quart des diplômes dont les contenus, trop souvent, n'ont fait l'objet d'aucune révision.
Ces crédits permettront aussi de développer les compétences sociales et comportementales. Je pense à cet égard aux formations ProFan qui, selon des modalités pédagogiques plus adaptées, visent à mieux accompagner les jeunes dans leur diversité, et donc dans la diversité de leurs besoins.
Cet effort inédit se traduit également par la revalorisation socle des enseignants, la même pour tous. Ainsi, 700 ETP (équivalents temps plein) issus de la non-saturation du plafond d'emplois de 2022 seront affectés à la voie professionnelle. Un soutien massif et dans la durée participera à la transformation des cartes des formations professionnelles, via l'appel à manifestation d'intérêt Compétences et métiers d'avenir du plan France 2030. Doté de 2,5 milliards d'euros, il permettra de rénover les plateaux techniques des lycées professionnels, de former les professeurs et de promouvoir de nouvelles filières, souvent méconnues par les jeunes car nouvelles et éloignées de leur champ de connaissance.
Dès la rentrée prochaine, nous aurons une estimation du nombre d'enseignants volontaires dans le cadre du pacte. Nous souhaitons qu'ils soient nombreux car nous avons besoin de leur mobilisation pour déployer l'ensemble de ces missions éducatives : soutien scolaire, lutte contre le décrochage, établissement d'un lien avec l'enseignement supérieur, connexion avec les enjeux économiques. Nous espérons donc qu'ils s'engageront pleinement dans l'ensemble de ces missions qui seront adaptées en fonction du lycée, des élèves et du territoire.
Monsieur Chudeau, je vous remercie pour vos propos positifs. S'agissant des précisions que vous souhaitez, la maîtrise des apprentissages fondamentaux doit, vous avez raison, être améliorée en amont. C'est un aspect que nous avons déjà développé lors du précédent quinquennat. On le sait, certains enfants entament leur scolarité avec une connaissance de 300 mots, contre 2 500 pour d'autres. Les inégalités débutent donc très tôt et il convient de les lisser dès le plus jeune âge. C'est le sens de l'obligation de scolarisation dès 3 ans ainsi que du dédoublement des classes de grande section de maternelle et des CP-CE1 en réseau d'éducation prioritaire (REP) et en REP renforcé (REP+), visant au rattrapage des inégalités dans les territoires les plus fragiles. C'est également le sens du plafonnement à vingt-quatre élèves dans les plus petites classes mis en place par le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse. C'est le sens du projet de réforme autour du collège porté par le ministre Pap Ndiaye pour soutenir le franchissement, parfois difficile, de la marche vers la sixième.
Les difficultés des élèves ne sont pas le fait des professeurs de lycée professionnel et des équipes éducatives. Il convient, certes, d'apporter une réponse systémique, mais il revient aussi au lycée professionnel de prendre sa part. Rappelons simplement que la moyenne au brevet pour les élèves en lycée professionnel était de 7 sur 20, contre 11,7 pour les élèves des établissements d'enseignement général et technologique. Nous souhaitons donc renforcer les moyens pour parvenir à lisser les fragilités. Les savoirs fondamentaux doivent être assurés partout en tenant compte des différentes réalités. Nous considérons que les équipes éducatives savent mieux ce qui peut être engagé dans leur lycée. Nous souhaitons donc leur donner les moyens pour ajuster les modalités pédagogiques nouvelles et renforcées. À la rentrée 2024, il faudra être en mesure de déployer dans tous les lycées professionnels un renfort en matière de savoirs fondamentaux car, effectivement, il convient de rattraper l'écart de niveau existant.
Le bureau des entreprises est soumis à une obligation de résultat car des moyens considérables sont mis en œuvre : les élèves doivent mieux réussir leur insertion et trouver un sens à leurs études. Ceux-ci disent d'ailleurs aimer aller en stage car ils comprennent mieux, alors, l'intérêt des savoirs dispensés en cours. Il importe donc de davantage lier les établissements à la réalité économique des formations sur lesquelles ils dispensent leur savoir. Cela passera par des indicateurs de taux d'insertion, de taux de poursuites d'études réussies et de taux de décrochage. Notre volonté de résultat est forte.
L'enseignement de la culture générale passera par la mise en place d'options par les équipes. Il s'agira d'apprendre ici une langue, là le codage et, ailleurs, de travailler sur l'entrepreneuriat car de nombreux jeunes souhaitent être entrepreneurs. Il s'agit finalement de permettre aux acteurs des lycées de répondre à toutes ces demandes et d'accompagner les jeunes dans leur citoyenneté. Ce sera un enjeu d'attractivité pour le lycée professionnel.
Je le répète, des moyens inédits sont mis en œuvre. Au-delà du milliard d'euros supplémentaire par an, soit 20 % d'augmentation du budget, des moyens considérables seront accordés au lycée professionnel par le biais de France 2030, par le maintien des effectifs d'enseignants à la rentrée prochaine et par le renforcement des équipes pédagogiques – infirmiers, assistants sociaux, CPE.
Tout se fera dans le giron de l'Éducation nationale, en respectant le caractère national des diplômes – je le précise à ceux qui cherchaient à semer le doute en la matière. Nous souhaitons renforcer les savoirs fondamentaux et assurer la préparation aux enjeux économiques de demain. Allier les deux, c'est la promesse républicaine de la voie professionnelle.
C'est là tout l'enjeu de cette réforme du lycée professionnel. Il s'agit d'armer des jeunes pour leur permettre de réussir leur parcours personnel comme professionnel. Vous appelez au statu quo, monsieur Vannier. Je pense au contraire qu'il faut leur donner la capacité de se différencier sur le marché du travail en étant préparés aux grandes transitions de demain – numérique, écologique, démographique. Faire évoluer le lycée professionnel est un devoir alors que sur 621 000 élèves, un quart décroche, un élève diplômé sur deux s'insère dans l'emploi et seul un élève sur deux poursuit des études supérieures et parvient à obtenir son diplôme.
Monsieur le député Portier, vous avez souligné à juste titre que c'était la première fois qu'une réforme du lycée professionnel était portée au niveau présidentiel. Emmanuel Macron l'avait annoncée pendant sa campagne présidentielle, il l'engage aujourd'hui en tant que Président. Il y consacre des moyens inédits et assume parfaitement de dire que, trop longtemps, ces lycéens professionnels ont été invisibilisés, qu'ils n'ont pas fait l'objet des priorités nationales ni des uns ni des autres et que nous les avons donc laissés décrocher plus que les autres, être orientés plus que d'autres de manière subie, ne pas réussir à s'insérer professionnellement ou à poursuivre les études qu'ils engageaient après l'obtention du bac. Tout l'enjeu est de faire de cette voie professionnelle une voix d'excellence, une voie choisie par les élèves, une offre de formation qui leur permettent d'être préparés aux enjeux de demain. Tout l'enjeu est de faire du lycée professionnel un lycée de choix, reconnu, dont l'image aura évolué et qui soit la fierté des enseignants, des élèves, des familles et des entreprises. Je pense que nous partageons tous cet objectif.
Vous avez souhaité rappeler cet engagement présidentiel. Je souhaite quant à moi insister sur le fait que c'est la première fois que l'on affirme à ce point une volonté de lutter contre le décrochage scolaire et de favoriser l'insertion professionnelle ou la poursuite d'études réussie de ces élèves car il ne suffit pas de commencer un cursus encore faut-il le mener à bien.
Madame Folest, je rappellerai tout d'abord que les élèves de CAP des lycées professionnels sont bien concernés par la réforme. Celle-ci permettra de donner plus de temps, et de rénover fortement les contenus des CAP. De nombreux campus des métiers et des qualifications se sont créés ces dernières années, ouvrant des perspectives allant de bac – 3 à bac + 5. C'est donc un élément de valorisation du lycée professionnel extrêmement fort.
France 2030 accompagnera les ouvertures de formations, dont certaines succèderont à des fermetures. Des travaux de prospective seront engagés afin de mettre en lumière les possibilités d'ouverture de formations sur les territoires. Sur les dix formations présentées au niveau national comme des formations d'avenir, nous en retrouvons généralement sept sur les territoires de manière assez constante. Des axes communs peuvent donc se dégager, mais il est très important également que les territoires, parce que la réalité territoriale le nécessite, proposent la création de formations répondant aux enjeux économiques locaux.
Le régime de l'internat est relativement fréquent dans l'enseignement professionnel puisque plus de 15 % des lycéens professionnels sont internes. Les capacités d'accueil des élèves plus éloignés sont importantes : 56 % des lycéens professionnels disposent d'un internat, dont le taux d'occupation est loin d'atteindre les 100 %, étant, en moyenne, de 77 %. Cela peut également être une réponse pour ces campus des métiers et des qualifications et l'attractivité de ces formations.
Mme Fatiha Keloua Hachi appelle à une augmentation du temps de classe. Ce sera le cas grâce à l'instauration de sous-groupes, d'options et d'un accompagnement plus individualisé des élèves. Cette individualisation est essentielle pour mieux soutenir les élèves en difficulté, les classes en lycée professionnel étant sans doute plus hétérogènes que celles de l'enseignement général et technologique. Cela ne s'oppose pas à une augmentation du temps en entreprise que nous avons ciblée sur la terminale, classe où les élèves sont plus prêts, où ils sont dans un projet de poursuite d'études ou d'insertion professionnelle.
C'est dans cette logique que nous proposons douze semaines consécutives si le jeune souhaite s'insérer dans l'emploi, au lieu de deux fois quatre semaines comme c'est le cas à l'heure actuelle. Cela lui permettra de se faire une expérience qui pourra être valorisée dans son parcours et lui donnera une capacité d'employabilité accrue.
S'agissant de l'évolution des formations, des décisions ont été prises depuis plusieurs mois déjà. Le processus s'accélèrera dès la rentrée 2024. Certaines formations ont des taux d'insertion ou de poursuite d'études très faibles pouvant descendre jusqu'à 10 %, alors que d'autres offrent de véritables perspectives. Ces fermetures et ouvertures s'inscriront dans un projet d'établissement, en concertation entre les régions et les rectorats qui en ont la compétence. Elles s'inscriront dans le cadre d'un plan mis en place par les établissements pour pallier les fragilités des élèves et favoriser leur réussite. Je tiens à souligner que le nombre d'ouvertures est supérieur à celui des fermetures. Nous accompagnerons les enseignants par un investissement massif en formation pour qu'ils transforment avec nous le lycée professionnel. Je souhaite mener la réforme avec eux. Chaque année, les enseignants procèdent d'ailleurs déjà à des ouvertures et des fermetures de formations et savent s'ajuster. Nous continuerons à le faire avec eux.
Ainsi, la réforme mettra en œuvre un plan de formation continu plus soutenu et plus agile pour les enseignants, conforme à leurs compétences et leur permettant d'accompagner leurs élèves selon des modalités pédagogiques différenciées, car enseigner en lycée professionnel, c'est enseigner à des groupes plus hétérogènes.
Monsieur le député Patrier-Leitus, vous souhaitez que le lycée professionnel soit une voie choisie et que son image change. Nous partageons cet objectif. Nous y sommes parvenus pour l'apprentissage, je suis convaincue que ce sera également le cas pour la voie professionnelle. Cela se fera dans un dialogue avec les régions puisque la carte des formations professionnelles sous statut scolaire est, chaque année, fixée par la région en accord avec le recteur.
Pour la rentrée 2023, sur les 17 000 formations existantes, 146 seront fermées et 230 ouvertes. La réforme des lycées professionnels apportera une lisibilité accrue sur les transformations des filières à venir. Elle engagera les acteurs dans un dialogue et des décisions pluriannuels. À partir de mars 2024, une carte dynamique des ouvertures et des fermetures de formations à venir sur les trois prochaines années sera disponible pour l'ensemble des territoires. Cette réforme est très clairement une réponse aux enjeux d'urgence écologique, de vieillissement de la société, de transition numérique et de souveraineté industrielle. Il est également de notre responsabilité de fermer des formations qui n'ouvrent pas de perspectives pour ces jeunes. Dans Affelnet, dès cette année, les taux d'insertion et de poursuite d'études sont affichés et connus des familles et des élèves pour délivrer une information plus transparente et un éclairage sur les choix d'orientation opérés.
Des données statistiques sont également mises à disposition des régions, des rectorats et des chefs d'établissement afin de les aider à examiner leur offre de formations au regard des besoins des territoires et à décider ensemble de révisions pertinentes, ouvertures comme fermetures, dans une vision ambitieuse et pluriannuelle. Cela doit se faire avec les personnels de direction. Nous prévoyons dès la rentrée prochaine, un renfort de formation pour les nouveaux chefs d'établissement et, par la suite, pour l'ensemble des chefs d'établissement.
Monsieur le député Jean-Claude Raux, je sais votre connaissance du milieu des lycées professionnels. Le pacte est très clairement une valorisation des professeurs en lycée professionnel. C'est sur la base du volontariat qu'ils pourront assumer des missions supplémentaires pour répondre aux besoins spécifiques de leurs élèves. Ils m'ont souvent fait savoir qu'ils avaient besoin de moyens supplémentaires pour mieux accompagner ces fragilités. C'est ce que permet la réforme.
Il faut en finir avec le déterminisme social que nous avons invisibilisé, que nous avons trop longtemps accepté en taisant cette réalité et en n'agissant pas davantage et de façon plus soutenue.
Je l'ai dit, le lycée professionnel doit préparer aux enjeux stratégiques, ceux de l'écologie, du numérique et de la transition démographique. Cette réforme est une des manières de le placer comme un acteur déterminant qui répond aux enjeux de préparation des compétences de la nation et dont nous ne pouvons nous passer. Il permettra aux entreprises d'aller chercher des compétences et à ces jeunes de trouver le chemin de la réussite. C'est fondamental pour moi.
Madame la députée Bourouaha, vous défendez le statu quo. Je rappelle pourtant les chiffres : six mois après l'obtention de son diplôme, un élève sur deux ne parvient pas à s'insérer professionnellement, et un élève sur deux n'arrive pas à obtenir un diplôme alors qu'il a entrepris de poursuivre ses études. Vous acceptez qu'un quart d'entre eux décroche. Nous, nous ne l'acceptons pas. Nous avons donc décidé d'engager des moyens considérables pour les accompagner dans leurs fragilités, dans leur citoyenneté, pour qu'ils préparent leur avenir professionnel, dans le cadre de diplômes à caractère national, dans une orientation choisie et valorisée par la société. C'est la raison pour laquelle nous adapterons l'offre de formation afin de lui permettre de répondre au mieux aux défis de demain et d'ouvrir de véritables perspectives aux jeunes et aux enseignants, qui pourront mobiliser tout leur savoir-faire.
Enfin, Monsieur le député Lenormand, cette réforme doit bien évidemment s'appliquer aux outre-mer. Nous travaillons en étroite collaboration avec les recteurs d'outre-mer. Un plan pour la Guyane permet d'expérimenter toutes nos mesures et nous apporte un regard particulier sur ces territoires qui orientent vers la voie professionnelle plus massivement encore qu'ailleurs. C'est donc par le biais de ces projets d'établissement et de territoire que nous souhaitons piloter la réforme. Je souhaite une réforme non pas uniforme, venue de Paris, mais à l'échelle des établissements et des territoires dont les spécificités doivent être prises en compte tout en maintenant le caractère national des diplômes. Un lycée de la mer, par exemple, fera plus sens en outre-mer qu'à Nancy d'où je viens. C'est une réalité tangible, même si cela ne signifie pas qu'il ne serait pas intéressant d'avoir un lycée de la mer à Nancy.
Nous souhaitons concilier à la fois un temps scolaire et de formation et un temps d'entreprise dans la réalité économique du territoire, avec des acteurs territoriaux qui soient force de proposition pour l'évolution de l'offre de formation et l'organisation des temps en entreprise et au lycée. Aucun poste n'est supprimé, j'y insiste. Nous souhaitons réaliser avec les enseignants ces transformations qui seront portées par les territoires et eux-mêmes afin de donner les moyens aux équipes éducatives et aux territoires de mieux préparer les compétences dont ils ont besoin.
Merci, madame la ministre. Cette très importante réforme permettra aux élèves des lycées professionnels de trouver ou de retrouver du sens pour leur avenir et de se réaliser en tant que jeunes adultes.
Nous poursuivons avec les questions des autres députés.
Le renforcement du mentorat est un levier essentiel pour atteindre l'objectif d'une meilleure insertion professionnelle, celle-ci étant, non pas un gros mot ni une marchandisation, mais une source d'épanouissement surtout lorsque l'on sait qu'un an après la sortie de ses études, un jeune sur deux est sans emploi.
Des conseils, de la confiance, des réseaux : j'ai pu mesurer tout le bénéfice que des lycéens pouvaient tirer d'une marraine ou d'un parrain professionnel à travers le dispositif « Tandem Pro » que j'ai lancé dans ma circonscription voilà cinq ans. Je m'interroge néanmoins sur les modalités concrètes d'application de ce volet de la réforme afin que les 620 000 lycéens des établissements d'enseignement professionnel puissent bénéficier d'un mentor. Combien sont-ils précisément à ce jour ? Des dispositifs comme « Les cordées de la réussite », « 1 jeune, 1 mentor » ou encore les P-TECH permettront-ils d'avoir un nombre suffisant de mentors ? Allez-vous mobiliser d'autres réseaux, développer des stratégies de labellisation d'associations locales ? Comment procéderez-vous pour déployer ces mentors sur l'ensemble du territoire et pour tous les lycéens ?
Pour soutenir le projet de chaque jeune, les lycéens de terminale passeront certaines épreuves plus tôt dans l'année scolaire. Je m'interroge sur le bien-fondé de cette mesure. Cette restructuration modifie, en effet, toute l'organisation et dégrade la formation intellectuelle des élèves de terminale. Ils ne pourront donc plus approfondir l'intégralité des notions clés et acquérir des méthodes rigoureuses de réflexion et de rédaction. Il est pourtant essentiel qu'ils continuent de suivre une formation intellectuelle digne de ce nom, qu'ils accèdent à l'emploi directement après leur diplôme ou qu'ils poursuivent leurs études. Ils ont besoin de se former pour avoir un métier. De nombreuses entreprises n'ont ni le temps ni la patience de former réellement nos jeunes.
Par ailleurs, pour ceux qui envisagent une insertion dans l'emploi dès l'obtention du diplôme, la durée des stages sera augmentée de 50 %. Qu'allez-vous faire pour que les lycéens ne soient pas de la chair à patron ou de la main-d'œuvre à bas prix ?
En France, 2,5 millions de personnes sont en situation d'illettrisme. Vous avez annoncé vouloir lutter plus efficacement contre ce fléau en rendant universel le droit de savoir lire, écrire et compter. Pour cela, vous travaillez avec l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, l'ANLCI. En tant que coprésidente du groupe d'études de l'Assemblée nationale sur l'illettrisme et l'illectronisme, je vous en remercie.
Vous menez des actions afin de renforcer les savoirs fondamentaux dans les lycées professionnels. Ainsi, la réforme de la voie professionnelle propose la mise en place d'heures de français ou de mathématiques en effectifs réduits en seconde professionnelle. Serait-il possible d'utiliser des outils numériques à l'instar de Tacit, solution issue d'un projet de recherche mené par l'université de Rennes 2, destinée aux collèges et aux lycées, qui aide à apprendre et à mieux comprendre ? Cette plateforme accessible en ligne aide les élèves qui rencontrent des difficultés de lecture – soit malheureusement 28 % des élèves entrant en CAP – et leur permet de prolonger leurs efforts en dehors des heures de classe sans peser de façon significative sur le temps enseignant.
Une généralisation de tels dispositifs – Tacit, Projet Voltaire ou autre – serait-elle envisageable ? Quels autres outils envisagez-vous de mettre en place ?
Madame la ministre, je commencerai par vous vous reposer la question de mon collègue Paul Vannier, à laquelle vous n'avez pas répondu : allez-vous soumettre ou non votre réforme au Parlement et donc à notre Assemblée ?
Cette réforme est un mélange de mesures que je qualifierai d'inquiétantes et cocasses. Cocasses, car vous annoncez la création du bureau d'entreprises afin « de créer un réseau et un partenariat avec des entreprises du bassin économique ». Mais connaissez-vous l'existence des directeurs délégués des formations professionnelles et technologiques (DDFPT) qui assument à l'heure actuelle exactement la même mission ? Avec votre mesure, et c'est curieux et inquiétant, les entreprises auront un bureau au sein des lycées professionnels. La mission relèvera donc, non plus d'un enseignant, d'un pédagogue ayant une formation en mesure de porter éventuellement un regard critique sur l'entreprise, mais d'un acteur du marché de l'emploi. C'est là que réside le problème.
Alors que nous savons tous le piètre encadrement que connaissent souvent les élèves des lycées professionnels durant les périodes d'accueil en entreprise, pensez-vous sincèrement que supprimer tout regard des enseignants pour le limiter à celui d'un ancien professionnel sera bénéfique à nos élèves ? Pouvez-vous dire que nos enseignants effectuaient un mauvais travail et qu'il sera meilleur demain avec des personnes issues de l'entreprise ? C'est tout le contraire. Nous allons assister à une forme d'alignement des lycées professionnels sur les centres de formation des apprentis.
Lors de la présentation de sa réforme du lycée professionnel, le Président de la République a fixé pour objectif de réduire le décrochage des élèves. Or nous ne voyons pas très bien l'efficacité des moyens qui sont mis en œuvre au service de cet objectif.
La solution présentée consiste à généraliser le soutien par petits groupes, là où les enseignants voudront bien s'engager. Seront concernés les cours sur les fondamentaux ainsi que ceux relatifs aux options – seconde langue vivante ou entrepreneuriat.
Dans le même temps, l'allongement de la durée des stages induit une perte de temps scolaire pour l'apprentissage des fondamentaux de l'enseignement général. Ces petits groupes permettraient uniquement de compenser cette évolution. Surtout, il n'est pas dit que tous les élèves en bénéficieront puisque leur mise en place reposera sur l'acceptation par les enseignants du pacte qui leur est proposé. En outre, il y a un risque de rupture du service public.
Dans ces conditions, comment pouvez-vous nous assurer que vous parviendrez à lutter contre le décrochage ?
Cette réforme des lycées professionnels vise à s'adapter davantage aux situations particulières des élèves et a pour ambition de mieux lutter contre le décrochage scolaire et de mieux préparer l'insertion professionnelle des jeunes. Ainsi trois initiatives sont-elles présentées dans votre réforme à la mesure 5 : « Ambition emploi », « Parcours de conciliation » et « Tous droits ouverts ».
Ces dispositifs ont pour but de prévenir le risque de décrochage pendant et après le lycée. Ils apparaissent comme des opportunités pour découvrir d'autres voies de professionnalisation et donner aux jeunes un élan de motivation dans l'accomplissement de leurs études.
Comment ces initiatives s'appliqueront-elles concrètement ? Comment les relations avec les structures d'accompagnement – par exemple, les missions locales – se consolideront-elles dans la durée ?
Ma question porte sur l'ouverture de 15 500 places en formation de spécialisation d'ici à 2026. Je rappelle que moins de 2 % des élèves en terminale professionnelle en bénéficient actuellement alors qu'il existe déjà une trentaine de spécialisations. La plupart des acteurs et des syndicats concernés pensent que cette instrumentalisation des lycées professionnels au service des branches professionnelles fait passer l'école de la République au second plan, derrière les intérêts économiques à court terme.
N'existe-t-il pas là un risque réel de créer des sections insérantes spécifiques et assignées à résidence qui ne formeraient que des exécutants territoriaux qui seraient coincés le jour où l'entreprise en question n'aurait plus besoin d'eux ?
Sur le plan opérationnel, quelles aides seront apportées aux chefs d'établissement déjà sur-sollicités pour la mise en place de ces sections ? Sur le fond, ne pensez-vous pas que généraliser une année de spécialisation après le bac risque de dévaloriser le bac professionnel lui-même en le déprofessionnalisant ?
Il suffit de questionner les lycéens professionnels pour constater que leurs paroles sont très éloignées des propos caricaturaux de lutte des classes portés par nos collègues députés de la NUPES. C'est à se demander si certains ont véritablement déjà mis un pied dans un lycée professionnel !
Les lycéens apprécient les stages en entreprise car ils sont l'occasion d'appliquer concrètement ce qu'ils apprennent auprès de leurs professeurs et les stages sont leur bouffée d'oxygène. Moderniser l'offre de formation en créant 150 nouvelles filières porteuses d'emploi, c'est non seulement leur porter de la considération, mais surtout faire du lycée professionnel un parcours de réussite.
Le lycée professionnel n'a pas vocation à former à des métiers sans débouché ou qui seront très prochainement balayés par l'intelligence artificielle. S'il est bienvenu et légitime de placer en priorité l'intérêt et l'insertion professionnelle des lycéens, ce changement suscite à juste titre une grande inquiétude chez les enseignants des formations supprimées, à laquelle il s'agira de répondre avec beaucoup de considération et en proposant des solutions acceptables.
Notre industrie nécessitera 159 000 emplois supplémentaires d'ici à 2030. Pourtant, 67 % des entreprises industrielles déclaraient l'an passé éprouver des difficultés de recrutement.
Madame la ministre, lors de votre venue au lycée Adrienne Bolland à Poissy, vous avez exprimé auprès des acteurs de terrain votre souci de développer ou créer de nouvelles filières pour répondre aux enjeux de notre économie et surtout à ceux de demain, car cette question du recrutement est lancinante pour de nombreux industriels. Je l'ai constaté au cours de mes visites auprès des différents acteurs industriels de ma circonscription dans les Yvelines, Stellantis à Poissy, JCDecaux à Plaisir ou encore Storengy à Beynes.
Alors que le Président de la République souhaite refaire de la France un pays industriel et renforcer notre indépendance et nos compétences, votre réforme du lycée professionnel devra apporter des réponses claires et concrètes aux entreprises et aux élèves. Je sais toute votre mobilisation sur ce point. Aussi, quel message voulez-vous adresser aux acteurs industriels implantés sur le territoire ou à ceux qui seraient amenés à s'installer et rencontrent des difficultés de recrutement ?
Mon collègue Paul Vannier a pu vous dire tout le mal que nous pensons de la réforme du lycée professionnel portée par votre Gouvernement, et avec nous l'ensemble des organisations syndicales, des associations de parents d'élèves, des organisations lycéennes et des spécialistes de l'enseignement professionnel. Outre sa philosophie inique et dangereuse, elle est si mal ficelée que des responsables académiques ont été obligés de reconnaître la semaine dernière devant les représentants du personnel qu'elle entraînerait la fermeture de filières pleines et la création de filières qui resteraient sans doute vides.
Mais je voudrais revenir sur les propos du ministre de l'Éducation nationale qui déclarait sur Franceinfo, le 5 mai dernier, que les enseignants des filières qui seraient fermées pouvaient « se diriger vers le professorat des écoles ou les collèges ». Confirmez-vous cette annonce ahurissante qui dénote, comme souvent chez son auteur, une méconnaissance totale du métier, ou allez-vous travailler sérieusement sur les carrières de ces professeurs sacrifiés ?
Question subsidiaire qui vous permettrait de ne pas répondre à la précédente : allez-vous écouter l'ensemble des acteurs du lycée professionnel et renoncer à cette réforme inepte et destructrice ?
Ma question porte sur la fermeture prochaine de 146 filières. L'annonce a surpris et suscité de l'angoisse chez les élèves de ces secteurs mais aussi chez les professeurs qui, en plus de se sentir méprisés, se demandent à quelle sauce ils seront mangés.
Pouvez-vous revenir explicitement sur les réponses apportées aux orateurs de groupe car, personnellement, je n'ai pas été rassuré. Quelles mesures compensatrices apporterez-vous précisément ?
Madame la ministre, il faut arrêter de nous dire que nous sommes dans le statu quo parce que nous ne partageons pas l'orientation politique de votre réforme. L'élément de langage utilisé est un peu facile. Vous pouvez faire mieux ! Nous pensons que c'est vous qui êtes dans le statu quo, parce que rien n'est fait pour faire évoluer le recrutement dans les lycées professionnels, c'est-à-dire pour résoudre le problème majeur : les lycées professionnels sont pleins d'enfants issus des classes populaires. Tel est le vrai sujet... sur lequel vous ne faites rien ! Votre réforme est donc une forme de statu quo, si ce n'est qu'elle est très favorable aux entreprises. Pourquoi l'État paye-t-il les indemnités de stage des élèves ? Qu'est-ce qui le justifie, sans même qu'il ne soit demandé aux entreprises de s'engager à assurer une meilleure qualité des stages ? Pourquoi l'évolution des formations s'inscrit-elle sur le court terme, c'est-à-dire les besoins immédiats des entreprises, et non sur le moyen terme, c'est-à-dire les besoins du tissu économique de notre pays ?
Présents dans tous les lycées professionnels, les directrices et directeurs délégués à la formation professionnelle et technologique sont considérés comme étant les personnes référentes pour l'insertion professionnelle. En effet, parmi leurs missions, ils doivent développer les relations avec les entreprises et fidéliser celles qui accueillent des jeunes en stage ou en apprentissage. Pourtant, la réforme des lycées professionnels prévoit, dès la rentrée 2023, la création de bureaux des entreprises dont l'objectif sera d'assurer la liaison entre l'école et le monde du travail, tâche dévolue jusqu'à présent à ces directeurs.
Dans ce contexte, quel sera le devenir des directrices et directeurs délégués à la formation professionnelle et technologique ?
Mes deux questions seront très concrètes. La première porte sur les postes de recrutement. S'agissant des 2 100 bureaux des entreprises, les professeurs actuellement relais écoles-entreprises s'interrogent sur la possibilité d'intégrer les nouveaux postes. Le temps de travail de 35 heures prévu est-il annualisé ? Quid de la prise en compte de leur ancienneté, de leur progression de carrière ? Seront-ils mieux payés ?
S'agissant des échecs en apprentissage, quelles solutions pour cette catégorie d'élèves, notamment en direction des sortants d'Ulis (unités localisées pour l'inclusion scolaire), pour qui le passage en entreprise est parfois bien difficile ?
Je souhaite aborder la question des moyens liés à la création des 2 100 bureaux des entreprises, un dans chaque lycée professionnel. Une campagne de recrutement est en cours. Fera-t-on appel notamment à des agents actuellement en poste à l'Éducation nationale ou recrutera-t-on 2 100 personnes qui y seraient extérieures ? La rentrée de septembre approchant, pouvez-vous nous indiquer où nous en sommes ?
Je tiens à mettre en lumière les inégalités d'opportunité observées entre les territoires ruraux et urbains. Les jeunes des espaces ruraux sont davantage éloignés de leur établissement scolaire que les jeunes urbains, car ils sont moins souvent scolarisés dans leur commune de résidence. Cette distance entre le domicile et le lieu d'étude croît fortement lors du passage au lycée. Ainsi, l'éloignement de l'offre de formation et des opportunités de poursuite d'études ou d'emploi tendent à décourager les ambitions des élèves issus de la ruralité.
En outre, après leur baccalauréat les jeunes adultes qui souhaitent poursuivre des études dans le cadre d'un cycle long sont nombreux à se déplacer vers des espaces urbains, l'offre y étant plus large. Le nombre de bacheliers des territoires ruraux qui choisissent pour leur part de s'orienter vers l'apprentissage est plus important que dans les grandes villes. Ils privilégient davantage les études courtes.
Si cette réforme vise notamment à permettre aux territoires de développer des filières professionnelles porteuses pour les jeunes, que prévoyez-vous pour enrichir l'offre de formation dans l'enseignement supérieur au sein des territoires ruraux ?
Madame la ministre, merci pour votre présence et ces éclairages qui nous sont essentiels.
Si j'ai la chance d'avoir sur ma circonscription le lycée des métiers d'art, du bois et de l'ameublement de Revel, très demandé et facteur d'excellence, qui a réalisé le futur trophée de la Coupe du monde de rugby, le plus souvent, le lycée professionnel concentre des élèves plus fragiles socialement et scolairement que le lycée général ou technologique. En classe de seconde, seulement 58 % des élèves présentent une maîtrise satisfaisante du français et 33 % des mathématiques.
Si les mesures du premier pilier de cette réforme, celui de l'insertion professionnelle, ont été amplement détaillées, le second pilier, celui de l'amélioration des savoirs fondamentaux, dépendra davantage des modalités d'application, notamment du taux d'enseignants volontaires. Cette réforme « zéro décrocheur » m'apparaît essentielle, et j'ai entendu vos précisions quant au soutien que vous déploierez à l'égard des formations professionnelles permettant la poursuite des études et pas seulement une insertion professionnelle directe. Il convient, en effet, d'être attentif à l'écart sans cesse croissant entre le lycée général et l'enseignement professionnel où toutes les ambitions culturelles sont délaissées.
Monsieur Le Vigoureux, je sais votre engagement de longue date dans le mentorat, au travers notamment du dispositif « Tandem Pro » que vous avez lancé dans votre circonscription et qui a rencontré un grand succès. Nous souhaitons le déployer dans l'ensemble des lycées professionnels. Le Président de la République avait annoncé en mars 2021 le lancement du plan « 1 jeune, 1 mentor », première initiative gouvernementale en faveur du mentorat en France. En 2022, 150 000 jeunes en ont bénéficié. Notre objectif est d'aller plus loin et d'atteindre les quelque 620 000 lycéens professionnels en 2025. Ce sera un vrai « plus » pour ces jeunes qui sont très ùajoritairement issus d'un environnement social plus fragile. Beaucoup n'ont pas de réseaux et ne bénéficient pas de cet accompagnement par un adulte qui les aide à cheminer et à construire leur parcours.
Il convient donc de mettre en œuvre une mobilisation toute particulière. Ainsi, 20 millions d'euros supplémentaires seront chaque année affectés au mentorat en lycée professionnel. Au-delà, nous construirons une organisation territoriale avec l'engagement de tous – associations, entreprises et fédérations. Nous répondrons de la sorte à l'impérieux enjeu d'égalité des chances : des adultes feront partager à tous la richesse de leur expérience et dispenseront des conseils de vie et d'orientation des carrières.
Cette mobilisation est déjà au rendez-vous. Nous l'espérons plus forte demain. Je m'y emploie.
Madame Pollet, une réorganisation et un allongement de la durée de stage des élèves qui souhaitent s'insérer professionnellement sont prévus en classe de terminale. Demain, ceux qui souhaitent s'insérer dans l'emploi effectueront un stage de douze semaines en fin de parcours de formation, contre deux stages de quatre semaines aujourd'hui. Cette mesure semble assez logique : il s'agit à la fois de donner un temps assez long qui permette au jeune de déployer des compétences dans le cadre d'une mission, de faire ses preuves et, éventuellement, d'être embauché puisque ce stage s'effectuera désormais à la fin de leur parcours. C'est d'ailleurs le même principe qui vaut par exemple pour le master 2. Le lien entre l'école et l'entreprise, intervient au moment où le jeune a bénéficié de l'entièreté de son temps d'enseignement, où il est en mesure de déployer les compétences qu'il a acquises dans l'environnement professionnel et d'y faire ses preuves. En outre, ce stage ne s'opère pas au détriment des enseignements fondamentaux et correspond, en fait, à la reconquête du mois de juin, souvent évoquée mais rarement mise en œuvre. Si le jeune le souhaite, cette période pourra être consacrée à la préparation de la poursuite des études. Nous souhaitons en effet mettre en place tous les moyens pour lui permettre de réussir sa poursuite d'études si tel est son choix.
Madame la députée Piron, votre engagement pour lutter contre l'illettrisme est fort et absolument nécessaire. Je l'ai dit, le niveau de maîtrise des savoirs fondamentaux – lecture, écriture et calcul – est plus faible dans les lycées professionnels que dans les lycées de l'enseignement général et technologiques. Cela tient aux difficultés d'ordre social et parfois liées au handicap qu'ont rencontrées ces élèves dans le cadre de leur parcours scolaire et dans l'acquisition de ces savoirs.
En France, 2,5 millions de personnes âgées de 18 à 65 ans sont en situation d'illettrisme, soit 7 % des personnes ayant été scolarisées. Cet enjeu est majeur. Lors des journées défense et citoyenneté, on identifie 9,6 % de personnes en difficulté de lecture, dont 4,1 % en grande difficulté. Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire de ce constat : il nous faut agir. Cette réforme prévoit précisément un accompagnement renforcé des élèves par leurs professeurs, des classes à effectif réduit plus nombreuses, et des professeurs plus nombreux à intervenir. Nous doterons également les équipes enseignantes d'outils plus performants pour mieux accompagner ces jeunes. C'est un travail que nous réalisons avec l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme. Il s'agira d'identifier plus tôt et plus systématiquement les situations d'illettrisme des jeunes et de créer un observatoire de l'illettrisme qui permettra de suivre plus précisément les effets de nos politiques publiques dans et hors les établissements scolaires.
Monsieur le député Corbière, cette réforme du lycée professionnel a été engagée dans le dialogue avec l'ensemble des parties prenantes : plus de trois mois de concertation avec les 160 participants des groupes de travail. Elle se fera par la voie réglementaire, toujours dans le cadre de la concertation – c'est la troisième fois que je viens en discuter avec vous –, et se construira également avec les DDFPT, l'objectif étant d'organiser un réseau. Les DDFPT animeront un réseau des chargés de relations avec les entreprises au sein des établissements sur lesquels ils s'appuieront pour remplir leurs missions, nombreuses et ambitieuses. Il s'agit de valoriser le lien avec les entreprises et de mieux organiser la réponse des établissements aux enjeux de partenariat, d'actualisation des compétences, de mise en lien des élèves avec les entreprises pour les aider à trouver des stages et être le bureau des élèves qui n'en ont pas.
Madame la député Anthoine, la lutte contre le décrochage est une des priorités de cette réforme. Malgré le travail de qualité accompli par le service public de l'éducation, sur 100 élèves entrant en seconde professionnelle, un tiers seulement décrochera un bac ou un diplôme équivalent. Il est essentiel de viser ce zéro décrochage identifié par le Président de la République. Cela se fera avant tout en améliorant l'orientation car, pour faire de la voie professionnelle une voie choisie, il faut susciter des vocations. La décision de M. Pap Ndiaye d'intensifier, dès la rentrée prochaine, la découverte des métiers pour les collégiens à partir de la cinquième, vise à les aide à mieux identifier les formations de la voie professionnelle. Cela passera également par l'amélioration de l'accompagnement des élèves lycéens pendant leur scolarité et leur valorisation. Cela se fera enfin en mettant en place des filets de sécurité anti-décrochage à toutes les étapes du parcours, pendant et après le lycée professionnel, au travers des dispositifs que j'évoquais, « Tous droits ouverts », « Ambition Emploi » et « Parcours de consolidation ». Lutter contre le décrochage des jeunes est clairement un objectif à toutes les étapes du parcours d'enseignement pour ces lycéens professionnels.
Madame la députée Colboc, « Tous droits ouverts » sera mis en place dans tous les lycées professionnels dès la rentrée 2023. Ce dispositif permettra aux équipes éducatives de présenter rapidement une palette de propositions aux élèves en fort risque de décrochage. Il repose sur une mobilisation des acteurs susceptibles de les aider tant au sein du lycée qu'en dehors. Le principe est simple : pendant une période de quelques semaines pouvant aller jusqu'à un trimestre, tous les droits sont ouverts afin de trouver la solution la plus adaptée. Les jeunes conservent ainsi la possibilité de retourner dans leur lycée, leur statut scolaire et les droits qui y sont associés. Ils peuvent cumuler avec ces droits associés des solutions externes qu'ils testent, y compris en termes de rémunération si la solution testée y ouvre droit.
Pour les lycéens de moins de 16 ans, « Tous droits ouverts » s'appuient sur le Parcours aménagé de formation initiale, le Pafi, qui existe depuis 2015 au sein de l'Éducation nationale et qui est ouvert aux jeunes dès 15 ans.
Madame la députée Ranc, le caractère national des diplômes est pleinement respecté par la réforme. Pour répondre aux besoins des entreprises et permettre une meilleure insertion des élèves, 10 000 places de spécialisation-formation après un bac pro seront créées dès 2024, et 20 000 en 2025, car les chances d'insertion dans l'emploi de ceux ayant suivi une spécialisation à bac + 1 sont accrues de 20 points. Cette spécialisation est une demande forte des élèves comme des entreprises. Aujourd'hui, une trentaine de formations complémentaires permettant une spécialisation des élèves après leur baccalauréat professionnel bénéficient à plus de 4 500 élèves ; en 2025, plus de 20 000 places seront créées.
Monsieur le député Croizier, les stages sont effectivement appréciés des élèves qui sont parfois « peu scolaires » et qui ont envie de donner du sens à leur parcours de scolarisation. Je partage avec vous l'idée que l'on ne peut se satisfaire de la situation actuelle. L'offre de formation doit être repensée pour mieux accompagner ces jeunes en profondeur, dans un parcours de réussite. Ils devront pouvoir valoriser leur expérience lorsqu'ils seront en recherche d'insertions professionnelle. Telle est notre conception du stage, notamment en terminale, lorsque le projet et l'insertion professionnelle post bac ou post CAP se mettent en place.
Il est important d'accompagner le projet de l'élève et de répondre à ses aspirations, il est important aussi de valoriser ce temps en entreprise. Dès la rentrée prochaine, cela passera par une gratification de 50 à 100 euros par semaine de stage, soit jusqu'à 2 100 euros pour un élève de baccalauréat professionnel qui aura effectué tous les stages et vise une insertion professionnelle. C'est une reconnaissance, c'est aussi une responsabilité que de considérer ces temps en entreprise comme des temps d'appropriation des enseignements fondamentaux qui leur sont dispensés.
Monsieur le député Olive, le message aux acteurs économiques est clair : nous voulons faire le lien entre enjeu économique, réalité et besoins des territoires. De nombreux défis sont à relever, dont l'urgence écologique, le vieillissement de la société, les transitions du numérique et l'indispensable réindustrialisation de notre pays. Le lycée professionnel doit être au cœur de ces enjeux, et apporter à la nation les compétences dont elle a besoin.
C'est tout le travail qui sera engagé autour de la transformation de la carte des formations initiales de manière cohérente entre l'État, les préfectures, les académies, les collectivités, les régions, et les établissements. Chacun à son niveau doit être acteur de façon à proposer des formations qui mènent à l'emploi au sein des territoires. Ce travail est conduit selon une stratégie d'évolution dessinée à l'échelle académique en concertation avec les régions mais en tenant compte également de la réalité territoriale à l'échelle des bassins d'emploi et en lien avec les acteurs économiques et les entreprises.
Monsieur le député Walter, les fermetures toucheront 146 formations, les ouvertures 212, dont plus de 80 via France 2030, et 2 600 places seront créées. C'est dire si le lycée professionnel verra, demain, sa place renforcée ! Nous considérons qu'il a toute sa place pour préparer les compétences de la nation, mais qu'il n'y parviendra que s'il forme les jeunes en leur ouvrant des perspectives. Ce serait mentir à ces jeunes que de les laisser entrer dans des formations dont on sait pertinemment qu'elles ne débouchent ni sur des perspectives de poursuite d'études ni sur une insertion professionnelle réussie.
Monsieur le député Minot, je le répète, les ouvertures – 212 – seront plus nombreuses que les fermetures –146 sur les 17 000 existantes. Le dialogue engagé entre les régions et les rectorats vise à objectiver le besoin en évolution des formations. Le but est d'accompagner les transitions professionnelles, écologique, numérique et démographique. Préparés à ces enjeux, les jeunes des lycées professionnels auront toute leur place dans la société de demain.
Nous serons, bien évidemment, aux côtés des professeurs des lycées professionnels qui connaissent déjà des ouvertures et des fermetures de filières. Chaque année, un certain nombre d'entre eux sont accompagnés lors des créations de nouvelles filières. Nous améliorerons encore les moyens en formation. Par le biais notamment du plan France 2030, nous travaillerons à un vaste plan de formation continue.
Madame la députée Taillé-Polian, c'est bien la valorisation de la voie professionnelle que nous visons grâce au renforcement des moyens au travers du pacte, de la gratification des stages, du lien avec France Travail, de l'engagement sur le mentorat, mais également du nombre d'enseignants de la voie professionnelle et des personnels qui les accompagnent. Je pense aux CPE, infirmiers et assistants sociaux. Cela se traduit aussi par un investissement sur le choix de l'orientation. Pour que les jeunes s'engagent et donnent du sens à leur parcours, il était essentiel en effet de se pencher sur cette question. La découverte des métiers dès le collège leur permettra d'opérer un choix d'orientation éclairé le moment venu. C'est tout le sens du projet porté par Pap Ndiaye sur la découverte des métiers dès la cinquième, qui se poursuit en quatrième et troisième.
Monsieur le député Pellerin, les DDFPT sont les conseillers du chef d'établissement sur l'ensemble des sujets liés aux enseignements technologiques et professionnel. Leurs missions sont vastes : organisation des enseignements professionnels, coordination et animation des équipes enseignantes, conseil aux chefs des établissements en matière d'offres de formation de l'établissement aux évolutions techniques et technologiques mais également budgétaires, formation des personnels, relation avec les partenaires. Demain, le DDFPT jouera un rôle pivot encore plus important puisqu'il viendra soutenir des chargés de relation entreprises et organisera l'animation de ce réseau.
Une enquête Ipsos réalisée en 2013 à la demande de la direction interministérielle de la transformation publique auprès d'un échantillon significatif d'élèves de la voie professionnelle a révélé que 72 % des périodes de formation en milieu professionnel sont trouvées par le propre réseau de l'élève ou de ses parents. Quand on sait les fragilités sociales et les difficultés de réseau que ces jeunes connaissent souvent, on comprend à quel point disposer d'un bureau des entreprises et d'une personne pour les accompagner dans cette recherche de périodes de formation en milieu professionnel est essentiel pour eux. Cette réforme organise donc un véritable pôle d'appui auprès du DDFPT pour suivre ces jeunes, l'évolution des formations au sein de l'établissement et les relations avec les entreprises.
Monsieur le député Belkhir Belhaddad, ce bureau des entreprises a donc pour missions le développement de la relation de partenariat avec le tissu économique, l'organisation des enseignements professionnels, la coordination et l'animation des équipes enseignantes ainsi que le conseil au chef d'établissement en matière d'offre de formation de l'établissement. Une campagne de recrutement est lancée, qui permettra à des personnes en interne de l'Éducation nationale comme en externe, de se porter candidates à ces fonctions. Il s'agit de fonctions administratives de trente-cinq heures par semaine qui assureront, dans chaque établissement, un contact avec les entreprises partenaires tout au long de la semaine, améliorant ainsi le lien entre les entreprises et l'établissement.
Madame la députée Mette, s'agissant de la capacité à apporter une réponse territoriale aux besoins de formation et aux familles issues de la ruralité, je rappelle que l'offre de formation doit se déployer sur tous les territoires. Pour les jeunes qui feraient toutefois le choix de suivre un parcours de formation qui n'existerait pas à proximité de leur domicile, l'internat peut être une solution sécurisée pour y accéder. Le régime de l'internat est en effet relativement fréquent en lycée professionnel, puisque près de 15 % des lycéens professionnels sont internes, et les capacités d'accueil sont importantes, 56 % des lycées professionnels disposant d'un internat, dont le taux d'occupation est en moyenne de 77 %.
Madame la députée Bannier, s'agissant de l'échec en apprentissage, je rappelle qu'un jeune sur quatre rompt son contrat d'apprentissage avant son terme. Ce chiffre n'est pas acceptable et nous ne savons pas ce que devient le jeune par la suite, s'il retrouve une autre entreprise ou pas. Nous avons besoin de mieux identifier le phénomène ; c'est un véritable sujet sur lequel il nous faut travailler. C'est pourquoi j'ai fait de la prévention du décrochage une priorité.
Trop de collégiens confrontés à des difficultés scolaires se retrouvent orientés vers la voie professionnelle et trop de jeunes décrochent du lycée professionnel pour ces raisons. Nous souhaitons sécuriser leurs parcours : la rupture du contrat d'apprentissage, qu'elle soit du fait de l'employeur ou du jeune, ne doit plus être synonyme d'arrêt du parcours de formation. Nous souhaitons également encourager la mixité des publics dans les lycées professionnels, qui permet d'accueillir dans les mêmes classes des élèves et des apprentis et, par conséquent, de rapprocher les deux voies de formation, scolaire et par l'apprentissage. Les jeunes pourront ainsi évoluer dans leurs projets : en cas de rupture du contrat d'apprentissage, ils pourront revenir dans la voie scolaire ; à l'inverse, des jeunes scolaires pourront se diriger vers l'apprentissage s'ils le désirent.
Plus largement, cette dynamique est poursuivie dans une volonté de travailler sur la qualité de l'apprentissage. Ce sujet fera l'objet d'une concertation que j'engagerai avec les différents acteurs afin de travailler à un meilleur accompagnement des apprentis et à une très nette diminution du taux de rupture des contrats d'apprentissage.
Enfin, monsieur le député Esquenet-Goxes, votre témoignage me conforte dans l'idée que le fait de travailler en filière est essentiel pour l'attractivité des lycées professionnels. Être pris dans un consortium d'acteurs de la formation dans des filières qui permettent d'évoluer de bac – 3 à bac + 5, mais également avec des partenaires économiques qui reconnaissent la qualité de la préparation est un facteur essentiel d'attractivité. Le lycée professionnel doit être perçu comme un acteur à part entière et de qualité pour préparer les compétences de la nation.
La séance est levée à dix-neuf heures.
Information relative à la commission
La commission a désigné Mme Fabienne Colboc rapporteure sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 (n° 1269).
Présences en réunion
Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. Laurent Croizier, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Estelle Folest, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Fabrice Le Vigoureux, M. Stéphane Lenormand, M. Christophe Marion, M. Stéphane Mazars, Mme Sophie Mette, M. Maxime Minot, M. Karl Olive, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Angélique Ranc, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Paul Vannier, M. Léo Walter
Excusés. – Mme Aurore Bergé, Mme Martine Froger, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Alexandre Loubet, M. Frédéric Maillot, Mme Francesca Pasquini, Mme Claudia Rouaux, M. Bertrand Sorre
Assistait également à la réunion. – M. Julien Odoul