Madame la ministre, je m'adresse à vous, mais les réponses appartiennent en partie au Président Macron qui a repris la main sur la réforme avec la méthode et l'empathie que nous lui connaissons…
Cette réforme va au-delà de nos craintes. Le milliard d'euros annoncé comme la preuve irréfutable de votre volonté d'engager des moyens inédits n'est qu'une part des sommes colossales dont la voie professionnelle a été spoliée, littéralement dépossédée, pendant des années. Cette sous-exécution scandaleuse et systématique des budgets votés dans le programme 141, Enseignement scolaire public du second degré, servait tous les ans à renflouer la voie générale, de près de 550 millions en 2018 à plus de 700 millions d'euros en 2022. J'attends d'ailleurs les explications de M. le ministre de l'Éducation nationale à ce sujet.
Pour revenir à l'actualité, malgré le mirobolant pacte proposé, les syndicats répondent unanimement « non ». Les professeurs ne sont pas dupes et voient bien que vous tentez d'acheter leur adhésion à cette réforme dont l'idée majeure consiste à trouver l'adéquation entre les besoins de main-d'œuvre des entreprises et la manne que représente le tiers des lycéens et lycéennes de France. Les bureaux des entreprises au sein des lycées professionnels seront de simples bureaux de placement. Les choix d'orientation se feront en fonction plus des besoins du tissu économique local que des envies et aspirations des élèves. Personne n'est dupe. La ficelle est tellement grosse qu'au lycée professionnel Théodore Monod de Noisy-le-Sec, des parents d'élève me disaient qu'il était évident que l'on privait un peu plus leurs enfants d'un avenir ouvert et désirable, car leur horizon sera restreint à leur lieu de vie : pour quelques filières certes attractives, combien de perspectives et de débouchés très limités ailleurs ?
À quel moment le besoin des entreprises prime-t-il sur celui de nos enfants qui auront encore moins d'école, encore moins d'égalité et d'émancipation ? À quel moment avez-vous choisi de revenir à une société où l'élève – et, par extension, le travailleur – ne serait perçu que comme une machine à produire ne répondant qu'à un besoin productiviste sur un tableau Excel ? À quel moment avez-vous décidé de détruire le lycée professionnel et de creuser ainsi encore plus les injustices sociales ?