Madame la ministre, la réforme du lycée professionnel que vous défendez laisse une drôle d'impression : vous semblez la faire contrainte et forcée, comme une case à cocher pour avoir bonne conscience, et pas davantage !
Drôle d'impression également parce que cette réforme sonne creux. Nous avons une liste de mesures, certaines intéressantes mais, pour finir, aucune ambition globale. Le lycée professionnel est toujours perçu comme un problème au sein de l'Éducation nationale et non pas comme une solution pour notre pays.
Le signe est qu'il aura fallu six ans pour entendre enfin le Gouvernement sur cette question. Or force est de constater que votre réforme ne convainc pas les acteurs sur le terrain, qu'elle est inaudible des parents et donne l'impression d'une véritable méconnaissance du lycée professionnel lui-même ; une méconnaissance scolaire d'abord parce qu'en réalité, les jeunes n'arrivent pas au lycée professionnel par hasard mais par défaut. Le lycée professionnel est le déversoir de l'Éducation nationale, « le dépotoir » a même dit un enseignant en colère. Il y a surtout une méconnaissance sociologique. Il faut arrêter la langue de bois et sortir de cette hypocrisie générale qui règne depuis trop longtemps. La vérité est que le lycée professionnel est le lycée des prolos, tout simplement !
Si Pap Ndiaye veut renforcer la mixité scolaire, commencez déjà par la construire au lycée professionnel. Aujourd'hui, les CSP + fuient le lycée professionnel. La vraie révolution du lycée professionnel ne consiste pas à mettre quelques pansements, ni à organiser son démantèlement, mais à en faire la voie royale, celle où l'on se battra pour aller. Une bonne réforme du lycée professionnel serait celle qui ferait dire à un ministre ou à un député que c'est cela qu'il veut pour son enfant. Est-ce le cas de votre réforme ? Je ne le pense pas.
Rémunérer les stages ne changera absolument rien. Ce n'est pas cela qui attirera les meilleurs dans cette voie. La seule chose qui puisse attirer les meilleurs, et donc tirer toute la filière vers le haut, ce sont l'excellence, la rigueur et l'exigence. Pourquoi, madame la ministre, ne portez-vous pas la même exigence pour nos lycées professionnels que pour nos classes de prépa, pour nos ingénieurs, nos médecins, nos juristes ?