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Intervention de Carole Grandjean

Réunion du mardi 30 mai 2023 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Carole Grandjean, ministre déléguée :

L'État consacre 4,9 milliards d'euros à l'enseignement professionnel. En dépit de la baisse démographique, un effort considérable a été maintenu pour augmenter le taux d'encadrement et donc mieux accompagner les jeunes.

À compter de 2024, l'État investira un milliard d'euros de plus par an pour mener à bien la transformation du lycée professionnel. De manière inédite, ces moyens supplémentaires s'inscrivent dans la durée. Prévus à hauteur de 20 % du budget, ils sont donc très significatifs et reflètent l'importance que nous accordons au lycée professionnel et notre volonté de faire de la voie professionnelle une voie de choix.

Ces crédits financeront le versement des allocations de stage, la rémunération des missions complémentaires effectuées par les professeurs volontaires ainsi que l'ouverture des lycées professionnels à des partenariats extérieurs. Je pense notamment au dispositif « Avenir Pro », au déploiement du dispositif « 1 jeune, 1 mentor », car je souhaite que chaque jeune puisse bénéficier d'un mentor d'ici à 2025, mais également à la rénovation d'un quart des diplômes dont les contenus, trop souvent, n'ont fait l'objet d'aucune révision.

Ces crédits permettront aussi de développer les compétences sociales et comportementales. Je pense à cet égard aux formations ProFan qui, selon des modalités pédagogiques plus adaptées, visent à mieux accompagner les jeunes dans leur diversité, et donc dans la diversité de leurs besoins.

Cet effort inédit se traduit également par la revalorisation socle des enseignants, la même pour tous. Ainsi, 700 ETP (équivalents temps plein) issus de la non-saturation du plafond d'emplois de 2022 seront affectés à la voie professionnelle. Un soutien massif et dans la durée participera à la transformation des cartes des formations professionnelles, via l'appel à manifestation d'intérêt Compétences et métiers d'avenir du plan France 2030. Doté de 2,5 milliards d'euros, il permettra de rénover les plateaux techniques des lycées professionnels, de former les professeurs et de promouvoir de nouvelles filières, souvent méconnues par les jeunes car nouvelles et éloignées de leur champ de connaissance.

Dès la rentrée prochaine, nous aurons une estimation du nombre d'enseignants volontaires dans le cadre du pacte. Nous souhaitons qu'ils soient nombreux car nous avons besoin de leur mobilisation pour déployer l'ensemble de ces missions éducatives : soutien scolaire, lutte contre le décrochage, établissement d'un lien avec l'enseignement supérieur, connexion avec les enjeux économiques. Nous espérons donc qu'ils s'engageront pleinement dans l'ensemble de ces missions qui seront adaptées en fonction du lycée, des élèves et du territoire.

Monsieur Chudeau, je vous remercie pour vos propos positifs. S'agissant des précisions que vous souhaitez, la maîtrise des apprentissages fondamentaux doit, vous avez raison, être améliorée en amont. C'est un aspect que nous avons déjà développé lors du précédent quinquennat. On le sait, certains enfants entament leur scolarité avec une connaissance de 300 mots, contre 2 500 pour d'autres. Les inégalités débutent donc très tôt et il convient de les lisser dès le plus jeune âge. C'est le sens de l'obligation de scolarisation dès 3 ans ainsi que du dédoublement des classes de grande section de maternelle et des CP-CE1 en réseau d'éducation prioritaire (REP) et en REP renforcé (REP+), visant au rattrapage des inégalités dans les territoires les plus fragiles. C'est également le sens du plafonnement à vingt-quatre élèves dans les plus petites classes mis en place par le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse. C'est le sens du projet de réforme autour du collège porté par le ministre Pap Ndiaye pour soutenir le franchissement, parfois difficile, de la marche vers la sixième.

Les difficultés des élèves ne sont pas le fait des professeurs de lycée professionnel et des équipes éducatives. Il convient, certes, d'apporter une réponse systémique, mais il revient aussi au lycée professionnel de prendre sa part. Rappelons simplement que la moyenne au brevet pour les élèves en lycée professionnel était de 7 sur 20, contre 11,7 pour les élèves des établissements d'enseignement général et technologique. Nous souhaitons donc renforcer les moyens pour parvenir à lisser les fragilités. Les savoirs fondamentaux doivent être assurés partout en tenant compte des différentes réalités. Nous considérons que les équipes éducatives savent mieux ce qui peut être engagé dans leur lycée. Nous souhaitons donc leur donner les moyens pour ajuster les modalités pédagogiques nouvelles et renforcées. À la rentrée 2024, il faudra être en mesure de déployer dans tous les lycées professionnels un renfort en matière de savoirs fondamentaux car, effectivement, il convient de rattraper l'écart de niveau existant.

Le bureau des entreprises est soumis à une obligation de résultat car des moyens considérables sont mis en œuvre : les élèves doivent mieux réussir leur insertion et trouver un sens à leurs études. Ceux-ci disent d'ailleurs aimer aller en stage car ils comprennent mieux, alors, l'intérêt des savoirs dispensés en cours. Il importe donc de davantage lier les établissements à la réalité économique des formations sur lesquelles ils dispensent leur savoir. Cela passera par des indicateurs de taux d'insertion, de taux de poursuites d'études réussies et de taux de décrochage. Notre volonté de résultat est forte.

L'enseignement de la culture générale passera par la mise en place d'options par les équipes. Il s'agira d'apprendre ici une langue, là le codage et, ailleurs, de travailler sur l'entrepreneuriat car de nombreux jeunes souhaitent être entrepreneurs. Il s'agit finalement de permettre aux acteurs des lycées de répondre à toutes ces demandes et d'accompagner les jeunes dans leur citoyenneté. Ce sera un enjeu d'attractivité pour le lycée professionnel.

Je le répète, des moyens inédits sont mis en œuvre. Au-delà du milliard d'euros supplémentaire par an, soit 20 % d'augmentation du budget, des moyens considérables seront accordés au lycée professionnel par le biais de France 2030, par le maintien des effectifs d'enseignants à la rentrée prochaine et par le renforcement des équipes pédagogiques – infirmiers, assistants sociaux, CPE.

Tout se fera dans le giron de l'Éducation nationale, en respectant le caractère national des diplômes – je le précise à ceux qui cherchaient à semer le doute en la matière. Nous souhaitons renforcer les savoirs fondamentaux et assurer la préparation aux enjeux économiques de demain. Allier les deux, c'est la promesse républicaine de la voie professionnelle.

C'est là tout l'enjeu de cette réforme du lycée professionnel. Il s'agit d'armer des jeunes pour leur permettre de réussir leur parcours personnel comme professionnel. Vous appelez au statu quo, monsieur Vannier. Je pense au contraire qu'il faut leur donner la capacité de se différencier sur le marché du travail en étant préparés aux grandes transitions de demain – numérique, écologique, démographique. Faire évoluer le lycée professionnel est un devoir alors que sur 621 000 élèves, un quart décroche, un élève diplômé sur deux s'insère dans l'emploi et seul un élève sur deux poursuit des études supérieures et parvient à obtenir son diplôme.

Monsieur le député Portier, vous avez souligné à juste titre que c'était la première fois qu'une réforme du lycée professionnel était portée au niveau présidentiel. Emmanuel Macron l'avait annoncée pendant sa campagne présidentielle, il l'engage aujourd'hui en tant que Président. Il y consacre des moyens inédits et assume parfaitement de dire que, trop longtemps, ces lycéens professionnels ont été invisibilisés, qu'ils n'ont pas fait l'objet des priorités nationales ni des uns ni des autres et que nous les avons donc laissés décrocher plus que les autres, être orientés plus que d'autres de manière subie, ne pas réussir à s'insérer professionnellement ou à poursuivre les études qu'ils engageaient après l'obtention du bac. Tout l'enjeu est de faire de cette voie professionnelle une voix d'excellence, une voie choisie par les élèves, une offre de formation qui leur permettent d'être préparés aux enjeux de demain. Tout l'enjeu est de faire du lycée professionnel un lycée de choix, reconnu, dont l'image aura évolué et qui soit la fierté des enseignants, des élèves, des familles et des entreprises. Je pense que nous partageons tous cet objectif.

Vous avez souhaité rappeler cet engagement présidentiel. Je souhaite quant à moi insister sur le fait que c'est la première fois que l'on affirme à ce point une volonté de lutter contre le décrochage scolaire et de favoriser l'insertion professionnelle ou la poursuite d'études réussie de ces élèves car il ne suffit pas de commencer un cursus encore faut-il le mener à bien.

Madame Folest, je rappellerai tout d'abord que les élèves de CAP des lycées professionnels sont bien concernés par la réforme. Celle-ci permettra de donner plus de temps, et de rénover fortement les contenus des CAP. De nombreux campus des métiers et des qualifications se sont créés ces dernières années, ouvrant des perspectives allant de bac – 3 à bac + 5. C'est donc un élément de valorisation du lycée professionnel extrêmement fort.

France 2030 accompagnera les ouvertures de formations, dont certaines succèderont à des fermetures. Des travaux de prospective seront engagés afin de mettre en lumière les possibilités d'ouverture de formations sur les territoires. Sur les dix formations présentées au niveau national comme des formations d'avenir, nous en retrouvons généralement sept sur les territoires de manière assez constante. Des axes communs peuvent donc se dégager, mais il est très important également que les territoires, parce que la réalité territoriale le nécessite, proposent la création de formations répondant aux enjeux économiques locaux.

Le régime de l'internat est relativement fréquent dans l'enseignement professionnel puisque plus de 15 % des lycéens professionnels sont internes. Les capacités d'accueil des élèves plus éloignés sont importantes : 56 % des lycéens professionnels disposent d'un internat, dont le taux d'occupation est loin d'atteindre les 100 %, étant, en moyenne, de 77 %. Cela peut également être une réponse pour ces campus des métiers et des qualifications et l'attractivité de ces formations.

Mme Fatiha Keloua Hachi appelle à une augmentation du temps de classe. Ce sera le cas grâce à l'instauration de sous-groupes, d'options et d'un accompagnement plus individualisé des élèves. Cette individualisation est essentielle pour mieux soutenir les élèves en difficulté, les classes en lycée professionnel étant sans doute plus hétérogènes que celles de l'enseignement général et technologique. Cela ne s'oppose pas à une augmentation du temps en entreprise que nous avons ciblée sur la terminale, classe où les élèves sont plus prêts, où ils sont dans un projet de poursuite d'études ou d'insertion professionnelle.

C'est dans cette logique que nous proposons douze semaines consécutives si le jeune souhaite s'insérer dans l'emploi, au lieu de deux fois quatre semaines comme c'est le cas à l'heure actuelle. Cela lui permettra de se faire une expérience qui pourra être valorisée dans son parcours et lui donnera une capacité d'employabilité accrue.

S'agissant de l'évolution des formations, des décisions ont été prises depuis plusieurs mois déjà. Le processus s'accélèrera dès la rentrée 2024. Certaines formations ont des taux d'insertion ou de poursuite d'études très faibles pouvant descendre jusqu'à 10 %, alors que d'autres offrent de véritables perspectives. Ces fermetures et ouvertures s'inscriront dans un projet d'établissement, en concertation entre les régions et les rectorats qui en ont la compétence. Elles s'inscriront dans le cadre d'un plan mis en place par les établissements pour pallier les fragilités des élèves et favoriser leur réussite. Je tiens à souligner que le nombre d'ouvertures est supérieur à celui des fermetures. Nous accompagnerons les enseignants par un investissement massif en formation pour qu'ils transforment avec nous le lycée professionnel. Je souhaite mener la réforme avec eux. Chaque année, les enseignants procèdent d'ailleurs déjà à des ouvertures et des fermetures de formations et savent s'ajuster. Nous continuerons à le faire avec eux.

Ainsi, la réforme mettra en œuvre un plan de formation continu plus soutenu et plus agile pour les enseignants, conforme à leurs compétences et leur permettant d'accompagner leurs élèves selon des modalités pédagogiques différenciées, car enseigner en lycée professionnel, c'est enseigner à des groupes plus hétérogènes.

Monsieur le député Patrier-Leitus, vous souhaitez que le lycée professionnel soit une voie choisie et que son image change. Nous partageons cet objectif. Nous y sommes parvenus pour l'apprentissage, je suis convaincue que ce sera également le cas pour la voie professionnelle. Cela se fera dans un dialogue avec les régions puisque la carte des formations professionnelles sous statut scolaire est, chaque année, fixée par la région en accord avec le recteur.

Pour la rentrée 2023, sur les 17 000 formations existantes, 146 seront fermées et 230 ouvertes. La réforme des lycées professionnels apportera une lisibilité accrue sur les transformations des filières à venir. Elle engagera les acteurs dans un dialogue et des décisions pluriannuels. À partir de mars 2024, une carte dynamique des ouvertures et des fermetures de formations à venir sur les trois prochaines années sera disponible pour l'ensemble des territoires. Cette réforme est très clairement une réponse aux enjeux d'urgence écologique, de vieillissement de la société, de transition numérique et de souveraineté industrielle. Il est également de notre responsabilité de fermer des formations qui n'ouvrent pas de perspectives pour ces jeunes. Dans Affelnet, dès cette année, les taux d'insertion et de poursuite d'études sont affichés et connus des familles et des élèves pour délivrer une information plus transparente et un éclairage sur les choix d'orientation opérés.

Des données statistiques sont également mises à disposition des régions, des rectorats et des chefs d'établissement afin de les aider à examiner leur offre de formations au regard des besoins des territoires et à décider ensemble de révisions pertinentes, ouvertures comme fermetures, dans une vision ambitieuse et pluriannuelle. Cela doit se faire avec les personnels de direction. Nous prévoyons dès la rentrée prochaine, un renfort de formation pour les nouveaux chefs d'établissement et, par la suite, pour l'ensemble des chefs d'établissement.

Monsieur le député Jean-Claude Raux, je sais votre connaissance du milieu des lycées professionnels. Le pacte est très clairement une valorisation des professeurs en lycée professionnel. C'est sur la base du volontariat qu'ils pourront assumer des missions supplémentaires pour répondre aux besoins spécifiques de leurs élèves. Ils m'ont souvent fait savoir qu'ils avaient besoin de moyens supplémentaires pour mieux accompagner ces fragilités. C'est ce que permet la réforme.

Il faut en finir avec le déterminisme social que nous avons invisibilisé, que nous avons trop longtemps accepté en taisant cette réalité et en n'agissant pas davantage et de façon plus soutenue.

Je l'ai dit, le lycée professionnel doit préparer aux enjeux stratégiques, ceux de l'écologie, du numérique et de la transition démographique. Cette réforme est une des manières de le placer comme un acteur déterminant qui répond aux enjeux de préparation des compétences de la nation et dont nous ne pouvons nous passer. Il permettra aux entreprises d'aller chercher des compétences et à ces jeunes de trouver le chemin de la réussite. C'est fondamental pour moi.

Madame la députée Bourouaha, vous défendez le statu quo. Je rappelle pourtant les chiffres : six mois après l'obtention de son diplôme, un élève sur deux ne parvient pas à s'insérer professionnellement, et un élève sur deux n'arrive pas à obtenir un diplôme alors qu'il a entrepris de poursuivre ses études. Vous acceptez qu'un quart d'entre eux décroche. Nous, nous ne l'acceptons pas. Nous avons donc décidé d'engager des moyens considérables pour les accompagner dans leurs fragilités, dans leur citoyenneté, pour qu'ils préparent leur avenir professionnel, dans le cadre de diplômes à caractère national, dans une orientation choisie et valorisée par la société. C'est la raison pour laquelle nous adapterons l'offre de formation afin de lui permettre de répondre au mieux aux défis de demain et d'ouvrir de véritables perspectives aux jeunes et aux enseignants, qui pourront mobiliser tout leur savoir-faire.

Enfin, Monsieur le député Lenormand, cette réforme doit bien évidemment s'appliquer aux outre-mer. Nous travaillons en étroite collaboration avec les recteurs d'outre-mer. Un plan pour la Guyane permet d'expérimenter toutes nos mesures et nous apporte un regard particulier sur ces territoires qui orientent vers la voie professionnelle plus massivement encore qu'ailleurs. C'est donc par le biais de ces projets d'établissement et de territoire que nous souhaitons piloter la réforme. Je souhaite une réforme non pas uniforme, venue de Paris, mais à l'échelle des établissements et des territoires dont les spécificités doivent être prises en compte tout en maintenant le caractère national des diplômes. Un lycée de la mer, par exemple, fera plus sens en outre-mer qu'à Nancy d'où je viens. C'est une réalité tangible, même si cela ne signifie pas qu'il ne serait pas intéressant d'avoir un lycée de la mer à Nancy.

Nous souhaitons concilier à la fois un temps scolaire et de formation et un temps d'entreprise dans la réalité économique du territoire, avec des acteurs territoriaux qui soient force de proposition pour l'évolution de l'offre de formation et l'organisation des temps en entreprise et au lycée. Aucun poste n'est supprimé, j'y insiste. Nous souhaitons réaliser avec les enseignants ces transformations qui seront portées par les territoires et eux-mêmes afin de donner les moyens aux équipes éducatives et aux territoires de mieux préparer les compétences dont ils ont besoin.

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