Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 20 décembre 2023 à 10h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CPO
  • fiscalité
  • foncière
  • immobilier
  • location
  • logement
  • ménages
  • propriétaire
  • taxe

La réunion

Source

La commission entend M. Pierre Moscovici, président du Conseil des prélèvements obligatoires, sur le rapport du Conseil relatif à la fiscalité du logement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous recevons aujourd'hui M. Pierre Moscovici qui, en sa qualité de président du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), va nous présenter le rapport du Conseil sur la fiscalité du logement, rendu public le lundi 18 décembre. Nous avions déjà auditionné le président du Conseil des prélèvements obligatoires en mars, à propos du rapport relatif à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

L'acuité des questions de logement dans la période actuelle est particulièrement forte. Nous avons pu mesurer cet automne l'importance des questions fiscales portant sur ce secteur. Le rapport du CPO est donc bienvenu, et il s'avère particulièrement riche puisque, en complément du rapport général, sont présentés cinq rapports particuliers, ainsi qu'une évaluation de la réforme de la taxe d'habitation menée par l'Institut des politiques publiques (IPP), et une étude des propriétés redistributives de la taxe foncière sur les propriétés bâties menée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Permalien
Pierre Moscovici, président du Conseil des prélèvements obligatoires

Le Conseil des prélèvements obligatoires est une institution associée à la Cour des comptes qui réunit des élus locaux, des magistrats, des fonctionnaires, des universitaires et des représentants du monde de l'entreprise. À mes côtés se trouvent le vice-président du CPO, M. Patrick Lefas, et son secrétaire général, M. Guilhem Blondy. Je souhaite avant tout saluer le travail remarquable de l'ensemble des artisans de ce rapport intitulé « Pour une fiscalité du logement plus cohérente », rédigé sous la coordination du rapporteur général, M. Vincent Dedrie.

Le rapport s'est nourri de la diversité de points de vue de la dizaine de rapporteurs y ayant œuvré, ainsi que d'auditions de parties prenantes des secteurs du logement social et de la construction, d'élus locaux, d'économistes et de représentants d'institutions internationales. Il a bénéficié de deux études inédites, l'une conduite sur la taxe foncière par l'Insee, l'autre sur la taxe d'habitation par l'IPP.

Avant de vous dévoiler les principaux messages de ce rapport, je souhaite faire quelques rappels sur le secteur du logement, les défis structurels auxquels il est confronté et la conjoncture à laquelle il fait face.

Le logement est un bien particulier, au cœur du quotidien des citoyens comme de la vie économique du pays. En 2022, on décomptait près de 38 millions de logements en France, un chiffre en croissance de 320 000 unités par rapport à l'année précédente. La dépense courante des agents économiques pour le logement en France s'élevait en 2022 à environ 581 milliards d'euros, soit 22 % du produit intérieur brut (PIB).

Le logement est aujourd'hui confronté à deux défis devant être pris en compte par la fiscalité. Le premier concerne les enjeux environnementaux. Pour atténuer les effets du changement climatique et lutter contre l'artificialisation des sols, il est nécessaire de donner la priorité à la mobilisation du parc existant et à la rénovation énergétique, en rupture avec les dispositifs fiscaux existants qui favorisent principalement la construction neuve. Le second défi est la concentration du patrimoine immobilier chez les ménages les plus aisés et dans les centres des grandes aires urbaines. Cette double concentration pose la question des effets de la fiscalité du logement sur la répartition des patrimoines.

Au-delà de ces nouveaux défis, le marché de l'immobilier se caractérise par un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements. La conjoncture économique actuelle, marquée par une hausse des taux d'intérêt et la contraction corrélative des crédits, accentue les difficultés rencontrées par les ménages et par le secteur de la construction neuve. Le rapport du CPO s'attache à proposer une révision de la structure de la fiscalité du logement, afin de répondre aux défis de long terme du bâti tout en maintenant globalement inchangé le niveau des prélèvements obligatoires, compte tenu de la situation des finances publiques. Le CPO estime en effet qu'il est très difficile d'augmenter le niveau des prélèvements obligatoires, mais tout autant de le baisser, eu égard au niveau du déficit public.

Le rapport du CPO n'a pas vocation à proposer des remèdes de court terme aux difficultés rencontrées en 2023 par le marché immobilier, lesquelles sont d'ailleurs susceptibles de se prolonger voire de s'aggraver. Ses recommandations permettraient néanmoins, si elles étaient mises en œuvre, de rendre le marché du logement plus résilient face aux variations conjoncturelles, en réduisant la rigidité des prix. Autrement dit, s'il n'est pas un rapport de conjoncture, ce rapport, par ses préconisations, peut protéger des effets de la conjoncture.

La fiscalité du logement a représenté 92 milliards d'euros en 2022, prélevés tout au long du cycle de vie du logement, de sa construction à sa cession. Les principaux impôts qui la composent sont les droits de mutation prélevés lors de l'acquisition d'un bien par achat, don ou héritage, qui représentent 28 milliards d'euros, et la taxe foncière qui frappe la détention des biens immobiliers à hauteur de 26 milliards d'euros.

La part de la fiscalité du logement dans le PIB en France compte parmi les plus élevées de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Toutefois, cette singularité reflète davantage le niveau général des prélèvements obligatoires dans notre pays qu'une structure de la fiscalité défavorable au secteur. Ainsi, et à titre d'exemple, le poids de ces impôts dans le total des prélèvements est aussi important au Royaume-Uni ou aux États-Unis qu'en France.

Il convient également de souligner que de nombreuses dépenses fiscales, dont le nombre s'élève à soixante-dix en 2022, réduisent le rendement de la fiscalité du logement. Ces dépenses représentent une perte de recettes de près de 15 milliards d'euros pour l'État et les collectivités territoriales. Le rapport rappelle que ces dépenses fiscales devraient être bornées dans le temps et systématiquement évaluées, comme la Cour des comptes l'avait d'ailleurs préconisé dans une note structurelle parue en 2022. De manière générale, un inventaire systématique des dépenses fiscales est nécessaire dans la mesure où la pertinence de ces dépenses peut varier dans le temps.

En conclusion de ce panorama préliminaire, je voudrais rappeler qui paie les impôts sur le logement, et qui les perçoit. Depuis la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, la fiscalité du logement dépend du régime d'occupation et repose de façon prédominante sur les propriétaires. Elle est globalement progressive, puisque les locataires, notamment ceux du parc social, sont dans l'ensemble moins aisés que les propriétaires. Elle est en revanche dégressive, en fonction du revenu, pour les propriétaires. Le poids de la fiscalité du logement dans leurs dépenses de logement doit toutefois être relativisé. Pour le quart des propriétaires accédants les plus modestes, la fiscalité du logement représente environ 6 % de leurs revenus. Cela peut paraître important, mais il convient de noter que les ménages entrant dans cette catégorie consacrent plus de la moitié de leurs revenus à leur logement, notamment pour rembourser leur emprunt immobilier. L'enjeu du crédit immobilier pèse donc bien davantage que celui de la fiscalité en matière d'accès à la propriété. Par conséquent, toute tentative de relance de l'accès à la propriété devra passer par une réflexion portant davantage sur le crédit immobilier que sur la fiscalité.

Malgré la réforme de la taxe d'habitation, les collectivités locales restent bénéficiaires de près de la moitié des impôts et taxes sur le logement. Les communes reçoivent la taxe foncière et les départements les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), c'est-à-dire, en langage courant, les frais de notaire sur les achats de biens. De ce fait, la mise en œuvre de certaines des recommandations du rapport du CPO impliquerait des pertes de recettes pour certaines collectivités et des gains pour d'autres, ces effets redistributifs entre collectivités devant être évidemment neutralisés.

Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires porte principalement trois messages.

En premier lieu, les dispositifs fiscaux doivent être mis en cohérence avec la valeur économique des biens. L'étude de l'Insee démontre que la taxe foncière présente un profil régressif en fonction du niveau de vie des propriétaires. Cela s'explique principalement par une assiette archaïque, qui sous-évalue la valeur de l'immobilier dans les communes les plus aisées. Les coefficients déterminés en 1970 pour caractériser les biens survalorisent les constructions neuves de cette époque, qui sont parfois dégradées aujourd'hui, et sous-évaluent les immeubles anciens de centre-ville, aujourd'hui souvent très cotés. En outre, les communes n'ayant pas d'activité économique importante sur leur territoire ont tendance à appliquer à ces assiettes surestimées des taux plus élevés que dans les communes plus dynamiques. Le cumul de ces deux effets est particulièrement visible à Paris et dans sa petite couronne. Par exemple, dans les années 1970, de nombreux immeubles de Seine-Saint-Denis étaient neufs et souvent mieux équipés qu'à Paris, conduisant à les imposer davantage au titre des modes de calcul de l'assiette de la taxe foncière. Or ce mode de calcul est identique en 2023, alors que l'état du bâti a bien entendu évolué, ce qui conduit à une taxe foncière qui pèse deux à trois fois plus dans le revenu disponible en Seine-Saint-Denis qu'à Paris. Une telle situation est absurde.

La révision de l'assiette de la taxe foncière est par conséquent une réforme majeure et nécessaire. Elle a malheureusement été régulièrement repoussée au motif des difficultés techniques et des forts enjeux redistributifs qu'elle présente. Selon le Gouvernement, elle devrait désormais intervenir en 2028. Ces reports successifs conduisent à une divergence devenue considérable entre la fiscalité foncière et les capacités contributives des ménages. Ces reports induisent également un affaiblissement du consentement à cet impôt, mais ils laissent néanmoins le temps pour réfléchir sur la méthodologie de cette révision.

Le CPO recommande de tirer parti de l'amélioration des statistiques disponibles sur les prix des biens et les loyers pour fonder plus directement la taxe foncière sur la valeur locative de marché ou sur la valeur vénale des logements. Cela permettrait à la taxe de refléter les réalités économiques locales, tout en permettant pour l'avenir une actualisation régulière, et à moindre coût pour l'administration.

En dehors de la taxe foncière, les communes continuent de percevoir la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et les logements vacants, tandis que les communes situées en zones tendues peuvent aussi instituer une taxe sur les logements vacants (TLV). L'un des objectifs de ces impôts est de limiter le nombre de logements inoccupés et de faciliter l'accès aux logements dans les zones tendues comme les grandes villes ou les zones touristiques.

Malgré son actualisation en 2023, le zonage défini au niveau national peine cependant, là encore, à suivre les dynamiques locales du marché du logement. Le CPO propose dès lors d'inverser la logique actuelle en généralisant la taxe sur les logements vacants, sauf pour les territoires en déprise. Cette mesure accroîtrait l'offre sur le marché locatif et limiterait la consommation d'espaces naturels pour des constructions neuves. Elle simplifierait en outre la fiscalité sur les logements vacants, puisqu'il n'y aurait plus de taxe d'habitation pesant sur eux.

En second lieu, les incitations fiscales sont rarement les meilleurs instruments pour faire face aux nouveaux défis auxquels est confronté le bâti, à l'image des incitations visant à atténuer les effets de la conjoncture économique, ainsi que des incitations pour atteindre les objectifs plus structurels, sociaux ou environnementaux, de la politique du logement.

S'agissant de la conjoncture économique, après des années de forte expansion du secteur permise par l'aubaine fournie par des taux historiquement bas, la hausse des taux s'est traduite par une baisse limitée des prix. En revanche, elle a mené à une baisse très marquée des crédits accordés et des transactions. L'emploi dans le bâtiment résiste, pour l'instant, grâce au dynamisme des rénovations. Cependant, la baisse des acquisitions et des constructions neuves crée des tensions sur le marché locatif.

Cette situation rappelle le rôle décisif, pour le marché immobilier, de l'accès au crédit et de son coût. Elle révèle également l'incidence limitée de la fiscalité, ainsi que je l'ai indiqué. Le principal blocage réside sur ce point. L'utilisation de la fiscalité à des fins de relance ou pour favoriser l'accès à la propriété pourrait même s'avérer contre-productive, en augmentant encore les prix du logement.

L'étude commandée par le CPO à l'IPP montre que la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales n'a pas échappé complètement à cet écueil. Une partie, certes limitée, du gain de pouvoir d'achat a été captée par une augmentation des prix immobiliers et des loyers. Cette incidence contre-productive a été mise en évidence de façon beaucoup plus nette pour les aides à l'investissement locatif. La suppression du dispositif Borloo-Robien en 2009 aurait ainsi, toutes choses égales par ailleurs, conduit à une baisse des prix de 1 % et à une réduction de la vacance de 1,6 % dans les zones ne bénéficiant plus de ces dispositifs. Par conséquent, le CPO recommande de ne pas proroger le dispositif d'investissement locatif dit dispositif Pinel qui présente des caractéristiques analogues.

En matière environnementale, l'utilisation de la fiscalité à des fins incitatives doit être sélective. Certains dispositifs fiscaux pourraient être mobilisés pour limiter l'artificialisation des sols, notamment la taxe sur les plus-values de cession des terrains nus rendus constructibles, ou la taxe sur les logements vacants. De même, les dispositifs de solvabilisation de la demande, comme les prêts à taux zéro, peuvent présenter un certain attrait dans un contexte de hausse des taux d'intérêt. Ils devraient néanmoins être orientés vers l'acquisition et la rénovation des logements anciens, qui permettent une forme de sobriété foncière. En revanche, et je le dis très clairement, recourir à l'outil fiscal pour la rénovation énergétique ne permet pas de répondre aux enjeux de ciblage et d'efficience de cette politique publique.

Alors que de très nombreux logements demeurent à rénover d'ici 2050, notamment pour aider les plus modestes à réduire leur facture énergétique, le rapport démontre que les taux réduits de TVA ne sont pas les outils les plus efficients. En effet, ils peuvent difficilement être ciblés, et ne concernent d'ailleurs pas toujours des logements énergivores.

Le CPO formule donc sur ce sujet une proposition analogue à celle formulée sur la TVA en général dans son dernier rapport, à savoir un alignement du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique sur le taux intermédiaire de 10 % pour les travaux de rénovation dans l'ancien. Cela doit s'effectuer à la condition de redéployer le gain budgétaire de ces réformes vers les aides budgétaires directes.

Par ailleurs, un tel alignement ne doit pas empêcher de poursuivre un meilleur ciblage des dispositifs budgétaires, par exemple le dispositif MaPrimRénov', comme l'a rappelé un rapport de la Cour des comptes réalisé pour le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, rendu public en octobre 2023.

En troisième lieu, le CPO recommande, en tenant compte du bilan peu convaincant de ces dispositifs fiscaux incitatifs, de renforcer la neutralité de la fiscalité afin de favoriser la résilience du marché du logement. Il s'agit tout d'abord de taxer davantage la détention que l'acquisition, c'est-à-dire davantage la rente immobilière que l'effort d'accès à la propriété. Sont visés en particulier les droits de mutation à titre onéreux, collectés par les notaires pour les départements au moment de l'acquisition d'un logement, qui produisent un effet négatif sur le nombre de transactions, la mobilité résidentielle et l'accès à la propriété. Dès lors, le CPO réitère la recommandation déjà formulée en 2018 de basculer progressivement les DMTO vers la taxe foncière.

Ce transfert nécessiterait une réflexion globale sur les circuits de financement des collectivités, afin de fournir aux départements des recettes plus stables et moins liées au cycle immobilier. J'ai pu, à ce sujet, m'entretenir avec des présidents de conseils départementaux qui m'ont signalé la baisse conjoncturelle des DMTO. Davantage de stabilité paraît donc nécessaire dans ce domaine.

La réforme ne peut être mise en œuvre tant que la fiscalité foncière apparaît décorrélée des réalités économiques locales, et tant que ses effets régressifs ne sont pas davantage pris en compte. Une telle bascule ne doit pas être conçue comme une mesure pour relancer les transactions à court terme, mais comme une réforme de moyen terme, c'est-à-dire à mettre en place après 2028. Elle doit être couplée avec la réforme de l'assiette de la taxe foncière.

Ces préconisations visent à renforcer la flexibilité et la résilience du marché de l'immobilier de façon durable. Le CPO considère également qu'une plus grande neutralité devrait être recherchée dans la taxation à l'impôt sur le revenu. Le projet de loi de finances pour 2024 procède à une première rationalisation du régime très favorable d'imposition des revenus tirés des meublés de tourisme, en ramenant l'abattement dont ils bénéficient de 71 % à 30 % dans les zones tendues.

Le CPO invite à aller au-delà, et à supprimer progressivement la distinction entre location meublée et location non meublée, et la distinction entre location meublée professionnelle et location meublée non professionnelle. Un régime microfoncier serait applicable en dessous d'un seuil de chiffre d'affaires, mais le niveau des abattements serait ramené à 30 ou 40 %, tandis que les règles de déduction et d'amortissement de droit commun s'appliqueraient.

Cette réforme permettrait notamment de remettre sur le marché de la location durable des biens réservés aujourd'hui par leurs propriétaires à la location touristique, pour des raisons d'optimisation fiscale, notamment à Paris et dans les communes touristiques.

Tels sont les messages que le CPO souhaite porter à l'attention de votre commission. Renforcer la cohérence de la fiscalité du logement nécessite de la reconnecter aux réalités économiques locales, de mettre en extinction les dépenses fiscales inefficaces ou insuffisamment ciblées, et de mieux répartir l'imposition tout au long du cycle de vie du logement, à pression fiscale constante.

Une telle réforme est très ambitieuse et ne peut être que progressive. Il sera nécessaire de neutraliser ses effets sur les finances locales, mais aussi de lisser dans le temps ses conséquences pour les ménages et de tenir compte de la situation de particuliers ayant effectué un investissement sous l'empire d'un précédent régime fiscal.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

De l'avis général, et si j'en crois le diagnostic consensuel des dialogues de Bercy, la question du logement est une véritable bombe sociale. Dès lors, je regrette que, contrairement à ma demande, nous n'ayons pu débattre en séance de la mission Cohésion des territoires qui porte les crédits du logement, alors même que chacun, y compris le Gouvernement, y voyait une question essentielle. Je veux croire, conformément aux annonces faites au moment des dialogues de Bercy, qu'une grande loi sur le logement nous permettra d'y revenir dans les mois à venir.

Avant de passer aux questions adressées au président du CPO, je souhaite dresser deux constats. Le premier est que les prix du logement sont trop élevés. D'après la Fondation Abbé Pierre, la part du logement dans le budget des ménages est passée de 20 % en moyenne en 1990 à 27,8 % en moyenne aujourd'hui, et atteint 45 % pour les ménages les plus pauvres. Une autre étude récente, menée par Oxfam, montre que le logement est le premier poste de dépense contrainte des Français, à hauteur de 23 % du revenu brut contre 9,5 % en 1960. Cette étude relève également de très fortes disparités. En effet, les 25 % des ménages les plus modestes dépensent 32 % de leurs revenus pour se loger, contre 14,1 % pour les 25 % des ménages les plus aisés. Enfin, le prix de l'immobilier a augmenté de 125,6 % entre 2001 et 2020, alors que, sur la même période, le revenu disponible n'a progressé que de 29 %.

Le deuxième constat a trait à la baisse continue des dépenses publiques pour le logement, qui n'est pas sans rapport avec cette hausse des prix. En effet, ces dépenses publiques, qui permettent à l'État d'intervenir sur le marché du logement, sont passées de 2,2 % du PIB en 2010 à 1,5 % du PIB aujourd'hui. Entre 2016 et 2021, elles ont diminué de 10,8 %, de 42 milliards d'euros à 38 milliards d'euros. La baisse de production de logements sociaux suit naturellement cette diminution des dépenses publiques. Cette production est passée de 126 000 logements sociaux financés en 2016 à 96 000 en 2022 et, d'après les chiffres des fédérations des logements sociaux, atteindra environ 82 000 en 2023, soit le chiffre le plus bas depuis 2005. En outre, la hausse des taux d'intérêt bloque le système, puisque les classes intermédiaires rencontrent des difficultés pour acquérir des logements neufs.

Le rapport du CPO relève le nombre élevé de dépenses fiscales en faveur du logement, à savoir soixante-dix dépenses fiscales pour un coût estimé à 15,5 milliards en 2022, soit un sixième du rendement de la fiscalité du logement. Il évoque surtout la difficulté de les évaluer et la fragilité des bases de données sur le logement, notamment sur sa fiscalité. Le rapport évoque ainsi la suppression du dispositif Borloo-Robien en 2009, qui aurait conduit à une baisse des prix de 1 % et une réduction de la vacance de 1,6 % dans les zones ne bénéficiant plus de ces dispositifs. De même, le rapport souligne le coût élevé et les doutes sur l'efficacité du dispositif Pinel. Enfin, un rapport publié par Oxfam ce mois-ci chiffre le coût de trois de ces niches fiscales à près de 11 milliards d'euros en douze ans. Ces pertes de recettes représentent le financement de 70 000 logements sociaux.

Compte tenu du coût et de la durée des dispositifs fiscaux en faveur de l'investissement locatif, ne faudrait-il pas inverser la logique habituelle qui consiste à les évaluer ex post, pour exiger au contraire une évaluation ex ante, précise et exigeante, avant toute instauration par le législateur d'un nouveau dispositif fiscal en faveur de l'investissement locatif ?

Le rapport du CPO confirme le constat de la déconnexion des valeurs locatives cadastrales (VLC) de la valeur de marché, qui conduit à sous-évaluer la valeur de l'immobilier dans les communes les plus aisées. Le taux d'imposition du logement décroissant fortement avec sa valeur de marché, il arrive que des logements en Seine-Saint-Denis détiennent une valeur locative cadastrale supérieure à des logements situés à Paris. Le rapport souligne également que la révision devant intervenir prochainement ne semble, je cite, « pas en mesure d'assurer la cohérence fine de l'assiette de la fiscalité du logement avec la valeur économique des biens ». Le CPO suggère de s'orienter vers une taxation à la valeur vénale pour mieux refléter la valeur du marché. Or cette modalité a été exclue par la Direction générale des finances publiques (DGFIP), qui y a opposé des obstacles techniques. Dès lors que la révision des valeurs locatives cadastrales, qui devait intervenir en 2026, a été reportée à 2028, ne faudrait-il pas se saisir de ce délai supplémentaire pour mettre en œuvre une réforme en profondeur, plutôt qu'un simple ajustement ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons, il est vrai, une certaine tendance à tenter de régler tous nos problèmes par le biais de nouveaux dispositifs fiscaux. Or le rapport du CPO souligne que les dispositifs fiscaux portant sur le logement ne produisent pas toujours les effets escomptés. Je considère pour ma part que le marché immobilier doit s'ajuster et qu'il convient d'éviter de multiplier les dispositifs de soutien.

Je voudrais souligner que les logements dont le diagnostic de performance énergétique (DPE) est classé G font l'objet du marché le plus dynamique, contrairement à ce qui est affirmé parfois. Autrement dit, les contraintes en matière de transformation énergétique provoquent des mouvements très importants sur ce type de logement, soit parce que leurs propriétaires n'ont pas la volonté d'entreprendre des travaux de rénovation, soit parce qu'ils constatent qu'une passoire thermique vaudra, à l'avenir, moins cher qu'un logement ayant atteint ses objectifs en termes de DPE.

Ma première question concerne le basculement des DMTO sur la taxe foncière. L'intérêt de cette bascule est perceptible pour les collectivités territoriales et pour la fluidité du marché. Cependant, elle suppose une augmentation très significative, de l'ordre de 60 %, de la taxe foncière, et un transfert de la pression fiscale des nouveaux acquéreurs vers les propriétaires. Ce transfert me semble très important, et je ne sais pas comment il pourrait être justifié, même en lissant ses effets sur une période très longue.

Nous partageons le constat établi par le CPO sur les valeurs locatives. Cependant la question reste ouverte sur le type de réforme à entreprendre, sachant qu'elles sont difficiles à assumer politiquement.

Sur le régime des plus-values immobilières, qui est un point significatif de la fiscalité du logement et représente des recettes importantes, il convient de trouver un équilibre entre la lutte contre la rétention foncière et immobilière, et la lutte contre la spéculation. Au regard de ces impératifs, pourriez-vous, monsieur Moscovici, revenir sur la réforme fiscale préconisée par le CPO, qui invite à tenir compte de l'érosion monétaire et des travaux d'amélioration des logements plutôt que de leur durée de détention ?

Pourriez-vous nous indiquer les raisons pour lesquelles le CPO a conclu à l'inefficacité du taux réduit de TVA sur la rénovation énergétique ?

Enfin, quelles sont les raisons pour lesquelles le CPO estime que le dispositif de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) est insuffisamment contrôlé ?

Permalien
Pierre Moscovici, président du Conseil des prélèvements obligatoires

En ce qui concerne les dépenses fiscales, je ne vois pas de contradiction entre une évaluation ex post et une évaluation ex ante. Parmi les soixante-dix dépenses fiscales que j'ai évoquées, certaines représentent des montants considérables. À titre d'exemple, la réduction d'impôt en faveur de l'investissement locatif représente 1,852 milliard d'euros, la déductibilité à l'impôt sur le revenu des charges de rénovation représente 1,65 milliard d'euros, le taux de TVA à 10 % sur les dépenses d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien représente 4,3 milliards d'euros, le taux de TVA à 5,5 % sur les travaux de rénovation énergétique représente 1,98 milliard d'euros, etc. Toutes ces dispositions, relativement récentes, doivent faire l'objet d'une évaluation et être plafonnées dans la durée. Dès lors, une évaluation ex post est nécessaire afin de revenir sur des dépenses fiscales existantes. S'il s'agit de créer une nouvelle dépense fiscale, alors l'évaluation ex ante me semble en effet relever d'une approche intelligente.

Le CPO estime que la réforme des valeurs cadastrales est aussi nécessaire que complexe, tant pour des raisons d'acceptabilité par les citoyens que pour des raisons administratives. Ces difficultés ne sont pas spécifiques à la France, l'Allemagne ayant dû elle aussi reporter une réforme de cette nature. Cependant, elle n'est pas impossible, comme le prouve la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Plusieurs conditions sont requises pour faire aboutir une telle réforme. D'abord elle devra être aménagée et voir ses effets étalés dans le temps. Ensuite, il conviendra de s'appuyer sur de nouvelles techniques, par exemple des modèles de valorisation des biens immobiliers, afin d'alléger la charge administrative qu'elle représente. Enfin, elle ne doit pas empêcher de nouvelles modalités de réforme. Ainsi, l'option de la taxation à la valeur vénale pourrait être envisagée, sauf si les travaux techniques approfondis conduisent à une trop grande volatilité. J'ajouterai, pour conclure sur ce point, que plus cette réforme sera retardée, plus elle sera difficile voire impossible à mettre en œuvre.

J'en viens aux questions de monsieur le rapporteur général. Les effets de l'interdiction progressive des passoires thermiques à l'horizon 2034 devront être étudiés attentivement. Cependant, cette mesure peut s'avérer efficace pour déclencher l'acte de rénovation, sous réserve que les propriétaires soient accompagnés techniquement et financièrement.

La suppression des DMTO est une mesure complexe et le CPO n'en sous-estime pas les difficultés. Cette réforme doit s'effectuer à niveau de prélèvement obligatoire constant et doit être neutre pour les collectivités territoriales. Elle aura mécaniquement pour effet de faciliter les transactions immobilières en fluidifiant le marché, et bénéficiera principalement aux ménages n'ayant pas aujourd'hui les moyens d'accéder à la propriété. Le parti pris assumé du CPO est de favoriser l'acquisition par rapport à la rente et à la détention. L'ampleur et la nature des effets redistributifs dépendront de plusieurs variables, parmi lesquelles, et en particulier, les taux de crédit immobilier.

En ce qui concerne les effets redistributifs entre contribuables, le CPO préconise de mettre à profit la période qui nous sépare de 2028 pour préparer cette bascule en procédant à la révision de l'assiette de la taxe foncière qui, de l'avis général, est obsolète. Cette réforme ne se fera donc pas de manière soudaine. Elle exigera de compenser son impact pour les collectivités, mais aussi de lisser ses conséquences pour les contribuables afin d'éviter tout effet redistributif trop abrupt. Au regard des études menées par l'Insee, cette première phase bénéficiera principalement aux contribuables des zones périurbaines des grandes agglomérations et aux habitants des espaces peu denses, qui subissent aujourd'hui un taux d'imposition très élevé en lien avec des bases obsolètes.

Sur les plus-values immobilières, le CPO propose, dans la continuité du rapport d'information relatif à la fiscalité du patrimoine présenté en septembre 2023 par MM. Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu, de remplacer les abattements pour durée de détention par une prise en compte plus progressive de l'érosion monétaire. Le CPO y ajoute la prise en compte des travaux d'amélioration réalisés par le vendeur. L'objectif est d'éviter les comportements de rétention foncière que favorise le système actuel, tout en encourageant la rénovation, notamment énergétique, des logements avant leur vente. Une telle réforme modifiant sensiblement le rendement d'un investissement immobilier, elle devrait être mise en œuvre progressivement et contenir une clause dite du grand-père pour les investisseurs ayant acquis leur bien avant son entrée en vigueur.

L'existence de deux taux réduits de TVA sur les travaux effectués dans un logement pose doublement question. D'abord, il est peu aisé de distinguer une rénovation énergétique, bénéficiant d'un taux de TVA à 5,5 %, et une simple amélioration, bénéficiant d'un taux de TVA à 10 %. Ensuite, le risque que les entreprises du bâtiment, par facilité, assimilent tout type d'intervention à une rénovation énergétique, afin de bénéficier du taux de TVA à 5,5 %, n'est pas négligeable et représente un manque à gagner supplémentaire pour l'État. Il convient également de rappeler que ces taux réduits ne sont pas ciblés. Ainsi, des ménages aisés recourent au taux de TVA à 5,5 %, y compris pour des rénovations très partielles, profitant d'un effet d'aubaine qui traduit une utilisation peu efficace des deniers publics.

Pour ces différentes raisons, le CPO propose de supprimer le taux de TVA à 5,5 % et de l'aligner sur le taux à 10 %. Un taux de TVA pour la rénovation et l'amélioration à 10 % serait beaucoup plus simple et lisible, et fournirait un moyen de lutter contre la fraude. Par souci de cohérence, des travaux préjudiciables à l'environnement, tels que la mise en place de chaudières fonctionnant avec de l'énergie carbonée, pourraient en être exclus. Le gain pour les finances publiques serait significatif, à hauteur d'au moins 1,9 milliard d'euros, et serait redirigé vers les aides budgétaires à la rénovation énergétique, telles que MaPrimRénov'.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La nécessaire mise en cohérence de la fiscalité du logement nous interroge sur le niveau élevé des prélèvements et des aides concernant le logement. Cette lourde fiscalité repose beaucoup sur les propriétaires et les nombreuses aides profitent davantage aux acteurs concernés qu'aux ménages qui peinent à se loger, malgré 92 milliards d'euros d'argent public prélevé.

Je souscris à deux orientations formulées dans le rapport du CPO, la préférence accordée aux aides ciblées au détriment des incitations fiscales, et la mise en cohérence des dispositifs fiscaux avec la valeur économique des logements. En revanche, je suis très réservé sur la recommandation d'un transfert de la fiscalité de l'acquisition vers la détention du logement. J'en saisis l'objectif, qui est de faire baisser le prix de l'immobilier, en particulier pour les primo-accédants. Cependant, une baisse des DMTO en échange d'une forte augmentation de la taxe foncière me semble être une solution anachronique. Selon l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), les propriétaires ont vu leur taxe foncière progresser de 26 % en moyenne sur dix ans. Pour la seule année 2023, la taxe foncière a progressé en moyenne de 9 %, et chacun garde en mémoire l'augmentation de plus de 60 % de la taxe foncière à Paris. Compenser une taxation des DMTO, unique, prévisible et assise sur un prix d'achat négociable, par une hausse de la taxe foncière, nécessairement imprévisible, risque de décourager les Français de devenir propriétaires.

Monsieur Moscovici, pensez-vous qu'un propriétaire doit être davantage taxé qu'un locataire, même si, de toute évidence, celui-ci subira une hausse de son loyer en conséquence ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les conclusions du rapport du CPO évoquent l'épineuse question de la part réduite des recettes fiscales liées au logement revenant aux collectivités territoriales. La réduction des ressources locales engendre une réduction des services à la population, et constitue un frein aux politiques de production et de rénovation des logements. Après avoir supprimé la taxe d'habitation puis la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, le Gouvernement remet en cause par différentes exonérations la taxe foncière, qui représente la dernière source de fiscalité locale dynamique pour les communes.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit que les travaux de rénovation lourde des logements sociaux dans le parc ancien ouvriront droit à de nouvelles exonérations de taxe foncière de longue durée. Il transforme par ailleurs un crédit d'impôt national, le crédit d'impôt pour la transition énergétique, en un crédit d'impôt local ouvrant la possibilité aux propriétaires de disposer de nouvelles exonérations de taxe foncière de courte durée.

L'objet du rapport du CPO étant de proposer au Gouvernement une fiscalité du logement plus cohérente, pourquoi ne pas avoir développé une réflexion sur cette question pourtant cardinale ? L'État ne peut pas continuer de financer sa politique du logement avec l'argent des collectivités territoriales.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le logement est un bien essentiel pour construire sa vie. Il est également un facteur d'aménagement du territoire, un facteur de lien social, un facteur culturel, mais aussi un droit opposable. Toutes ces fonctions du logement sont hors du marché et impliquent que l'intervention fiscale se porte au-delà de la concentration, de la spéculation, de la déconnexion des prix de l'immobilier par rapport à l'inflation et aux revenus.

Certes, les propositions de notre groupe parlementaire, telles que le blocage des loyers, la taxation ou la réquisition des logements vacants, ont toujours été repoussées. Néanmoins, j'aimerais vous soumettre trois suggestions.

D'abord, des barèmes pourraient être mis en place, afin d'opérer des distinctions entre les niveaux de revenus et entre les types de contribuables, selon qu'il s'agisse de sociétés, de propriétaires occupants, de propriétaires d'un seul logement ou de propriétaires de plusieurs logements. De telles distinctions introduiraient un peu de justice fiscale. Ensuite, le logement étant le secteur ayant le plus d'impact du point de vue écologique, la neutralité fiscale du logement pourrait être remise en cause. Enfin, une partie du foncier pourrait être socialisée avec des systèmes de foncières et de démembrement afin que l'argent public ne soit pas capté par quelques-uns et que la valeur foncière reste dans le domaine public.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le rapport du CPO ne fait pas état des différences entre la fiscalité mobilière et la fiscalité immobilière, qui ont pu déséquilibrer le marché. Pourriez-vous, monsieur Moscovici, nous en parler ?

Le rapport évoque des dispositifs fiscaux spécifiques visant la rénovation dans d'autres pays. Pourriez-vous en donner des exemples ?

Par ailleurs, la suppression des DMTO compensée par l'augmentation de la taxe foncière me semble être une très mauvaise idée, qui se traduirait nécessairement par une augmentation des loyers. J'aimerais donc savoir de quelle manière vous pensez que la collectivité tirerait profit d'une telle mesure, et si vous avez évalué l'augmentation de la taxe foncière en France depuis la suppression la taxe d'habitation. Enfin, une partie de l'hébergement touristique, notamment en montagne, est basée sur les meublés de tourisme et les résidences secondaires. En cas de baisse drastique des abattements fiscaux sur ce type de logement, comment éviter la sortie de ces lits du marché locatif et, par conséquent, l'attrition de notre économie touristique ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement a souhaité recentrer le prêt à taux zéro vers les logements neufs dans les zones tendues et au sein d'immeubles collectifs. Avez-vous, à la lumière de vos travaux, des éléments permettant d'appréhender les conséquences de cette mesure sur l'offre de logement ?

Pourriez-vous expliquer en quoi la révision des valeurs locatives cadastrales peut encourager la construction de nouveaux logements et stimuler l'investissement immobilier ?

Notre groupe parlementaire partage le constat établi par le CPO que les abattements pour durée de détention n'incitent pas à la circulation du capital immobilier. Nous avons proposé, dans le cadre du projet de loi de finances, une mesure similaire à l'une de vos recommandations, à savoir remplacer ce système par une prise en compte de l'érosion monétaire, tout en soumettant les plus-values au prélèvement forfaitaire unique.

Par ailleurs, quelle réflexion vous a conduit à inclure parmi vos préconisations le rehaussement de la taxe forfaitaire pour les terrains nus rendus constructibles ? Avez-vous évalué l'impact financier de la mise en place de la mesure que vous proposez sur nos finances publiques ? Enfin, n'est-il pas judicieux de mettre en place cette réforme progressivement, afin de ne pas déstabiliser le marché ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le rapport particulier n° 2 du CPO dénonce, comme le fait notre groupe parlementaire, l'effet de distorsion de la fiscalité des revenus locatifs en faveur des locations meublée de courte durée, au détriment des locations de longue durée et de l'achat. Les parties 2.3.4 et 2.3.5 du rapport sont si proches de nos propositions qu'elles semblent extraites du rapport sur notre proposition de loi visant à réduire les déséquilibres du marché locatif dont l'examen s'achèvera le 29 janvier. Vous y proposez de supprimer l'abattement fiscal de 71 %, qui n'est plus justifié, ainsi que d'abaisser le plafond de déductibilité.

Cependant, vous ne réinterrogez pas le plafond de 77 700 euros, tout en soulignant la nécessité de réduire l'écart de rentabilité entre la location nue, dont le plafond est fixé à seulement 15 000 euros, et la location meublée. Dans l'optique d'un alignement souhaitable des plafonds, à quel niveau celui-ci devrait selon vous se situer ?

Vous proposez également d'unifier les régimes fiscaux de la location meublée et de la location nue autour du régime foncier. Si nous partageons l'intention d'une telle mesure, j'aimerais que vous développiez votre vision des amortissements dans ce nouveau régime. En effet, si nous avons déjà engagé la logique de suppression de la double déductibilité de ces amortissements, la question de l'assiette de celle-ci et des modalités de réintégration de ces montants au moment de la cession est posée.

Enfin, pourriez-vous préciser le dispositif de réforme que vous proposez dans le tableau 11 du rapport ? Comment jugez-vous à cet égard les dispositions de l'article 3 de la proposition de loi que je porte avec mes collègues, Mme Annaïg Le Meur et M. Guillaume Kasbarian ? Pensez-vous que la location nue de longue durée devrait bénéficier d'un régime plus favorable, ou bien que des exceptions devraient être conservées pour les communes concernées par la problématique des lits froids ?

Enfin, alors que vous évoquez dans votre rapport la difficulté à mener une politique fiscale eu égard à la diversité des marchés locatifs locaux, que pensez-vous du renforcement des outils fiscaux à la main des maires, tels que la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) et la taxe sur les logements vacants (TLV) ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le rapport du CPO indique que les deux défis nouveaux du secteur du logement sont les enjeux environnementaux et la concentration du patrimoine. Je comprends bien les objectifs découlant de ces défis. Néanmoins, si la révision de la fiscalité de notre pays doit être menée au nom d'objectifs, je ne vous ai pas entendu parler de la satisfaction des besoins des demandeurs de logement ni de mixité sociale.

Le CPO préconise de réviser les valeurs locatives. Cette volonté n'est pas nouvelle puisque la Cour des comptes et le CPO avaient déjà évoqué cette possibilité. D'ailleurs, les collectivités locales sont déjà en mesure de procéder à de telles révisions. Elles ne s'y engagent toutefois pas, sans doute par manque de courage et, parfois, par paresse, comme en témoigne l'augmentation de 50 % du taux de taxe foncière à Paris. L'alignement des valeurs locatives cadastrales sur la valeur véritable des biens pourrait amener des ménages peu aisés à quitter leur quartier, par exemple quand une station de métro est construite. Qu'avez-vous envisagé afin de contrer cet effet de gentrification ?

Notre groupe parlementaire s'accorde avec vos préconisations quant à la suppression des niches fiscales, en particulier du dispositif Pinel. Il convient de remarquer que, de manière très paradoxale, le dispositif Pinel a permis aux collectivités locales d'éviter d'investir dans le logement social. En effet, dans les opérations mixtes, cela permettait de valider la vente à perte du patrimoine construit aux organismes HLM et d'équilibrer l'opération avec une niche fiscale dont l'État devait supporter les conséquences.

Enfin, je souhaite réagir aux propos de monsieur Echaniz concernant la taxation des locations de court terme en vous demandant pourquoi vous n'avez pas envisagé la facturation pour ces occupations temporaires d'un patrimoine.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La proposition de relever le taux de TVA sur la rénovation thermique à 10 % paraît particulièrement contre-productive, alors que le nombre de rénovations demeure très insuffisant au regard des enjeux climatiques. La Fédération française du bâtiment (FFB) propose de mettre en place un dégrèvement des DMTO sur l'acquisition des biens dont le DPE est F ou G, afin de permettre aux acquéreurs de financer la rénovation des passoires thermiques. J'aimerais recueillir votre avis sur cette intéressante proposition.

Concernant l'artificialisation des sols, l'extension de la taxe sur les logements vacants est nécessaire pour répondre à la demande de logement tout en maîtrisant l'artificialisation des terres. À ce titre, près de 3 690 communes seront concernées à compter du 1er janvier 2024 par le décret du 26 août 2023 étendant la liste des communes pouvant instaurer la TLV et une majoration de la THRS. Considérez-vous cette mesure comme suffisante ?

Enfin, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les évolutions de la fiscalité du logement pouvant contribuer à répondre à la grave crise du logement que traverse la France ? La Fondation Abbé Pierre estime que 4,1 millions de personnes sont mal logées dans notre pays.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le CPO suggère d'étendre la TLV à de nouvelles communes et j'aimerais savoir si vous avez pu mesurer l'efficacité actuelle de cette taxe. Je m'interroge également sur le passage du taux de TVA pour la rénovation énergétique de 5,5 % à 10 %. Par ailleurs, que pensez-vous de la règle de non-répercussion de la taxe foncière sur le locataire d'un logement, alors que cette même taxe foncière peut être répercutée sur la location d'un bien professionnel ? Enfin, le CPO constate que la proportion de logements dont le DPE est E, F ou G n'est pas très différente selon le niveau de revenus. Dès lors, qu'entendez-vous par une politique visant à lever les obstacles à la rénovation énergétique ?

Permalien
Pierre Moscovici, président du Conseil des prélèvements obligatoires

J'aimerais, avant de répondre à vos questions, rappeler que le Conseil des prélèvements obligatoires est une institution indépendante et pluraliste, et que ses rapports, fruits d'un travail collectif et de consultations, font l'objet d'un consensus interne avant d'être rendus publics.

Parmi les questions et les commentaires formulés, j'ai perçu une question transversale qui revient à poser une alternative entre la pénalisation des locataires et la pénalisation des propriétaires. Je ne formulerais pas les choses de la sorte. Toutefois, le tableau final de la conclusion du rapport témoigne de notre souhait de voir la détention beaucoup plus taxée qu'aujourd'hui. Nous souhaitons que l'acquisition le soit moins, que la rénovation le soit davantage et donc que la location le soit légèrement plus. Tels sont les effets redistributifs que nous visons, et auxquels aboutirait notre système. Nous pensons, en effet, qu'il faut privilégier l'acquisition plutôt que la détention, et la mobilité et la rénovation plutôt que la rente. Telle est la logique économique, sociale, politique et écologique qui sous-tend notre rapport.

Vous m'avez interrogé sur l'absence de réflexion sur le financement de la politique du logement par les collectivités. Ce sujet est pourtant pris en compte par le CPO, ce que traduit son souci de travailler à niveau de prélèvement constant afin de ne pas fragiliser le financement des collectivités.

La rénovation du parc social et le dispositif seconde vie représentent un défi majeur pour lequel il convient de trouver des solutions de financement à long terme. D'après les estimations de l'Union sociale de l'habitat (USH), il représente environ 9 milliards d'euros pour 150 000 logements habités rénovés par an. Toutefois, il est permis de nourrir quelques doutes sur la pertinence du dispositif seconde vie, qui prévoit son financement par de nouvelles exonérations de taxe foncière, eu égard au coût qu'il représente pour les communes. En effet, ce coût s'ajoute à des dégrèvements préexistants à hauteur d'environ 25 % du coût des rénovations. La Cour des comptes avait d'ailleurs invité à remplacer ces dégrèvements par des aides budgétaires ciblées.

L'hypothèse d'un élargissement du taux de TVA à 5,5 % à l'ensemble des opérations de livraison de logements sociaux neufs ne nous paraît pas opportune. Alors que le coût des différents taux réduits de TVA sur ces opérations dépasse 2 milliards d'euros en 2022, le CPO démontre l'absence de causalité entre les modifications de ce taux et l'évolution du parc de logements sociaux. En outre, les difficultés liées à la hausse des taux sont amoindries pour le logement social par le maintien du taux du livret A à 3 % jusqu'en janvier 2025. Par ailleurs, le secteur bénéficie en 2023 d'un engagement de cotisation à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), dont le coût s'élève à 300 millions d'euros.

Il m'a été suggéré de soumettre les revenus fonciers au barème de l'impôt sur le revenu. Sur ce sujet, le CPO propose d'aligner au sein des revenus fonciers la location meublée et la location nue. Il ne nous paraît pas souhaitable de les soumettre au barème alors que les revenus des capitaux sont soumis au prélèvement forfaitaire unique, lequel est plus favorable que le taux applicable aux revenus fonciers.

La différence d'imposition entre le régime des bénéfices industriels et commerciaux (micro BIC) et le régime du microfoncier est une particularité française. Elle encourage la location meublée de courte durée et réduit ainsi le parc de logements disponibles dans les zones tendues et, de manière plus saisonnière, dans les communes touristiques. Nous considérons que cette réforme est nécessaire afin de faciliter la mobilité résidentielle et d'encourager la location de plus longue durée au profit des ménages les plus modestes. Il est entendu que cette réforme, comme toutes celles que nous préconisons, ne peut être appliquée que de manière progressive afin d'éviter des effets de redistribution trop abrupts. C'est pourquoi nous proposons de procéder à une unification des deux régimes en deux étapes. Dans un premier temps, il s'agit de corriger les avantages accordés aux meublés de tourisme par rapport aux autres meublés relevant du régime micro BIC en ramenant l'abattement de 71 % à 50 %, et le seuil à 77 700 euros. Dans un second temps, après une étude d'impact ou une évaluation, il sera procédé à l'unification complète des deux régimes, avec un abattement ramené à 30 % et un seuil à 15 000 euros pour l'ensemble du régime microfoncier, en adossant ce processus à une clause dite du grand-père.

Le CPO estime que la rationalisation territoriale du prêt à taux zéro est nécessaire au vu de ses effets ambigus. En effet, il génère d'importants effets d'aubaine. D'après l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), ce type de prêt déclenche réellement une acquisition dans seulement 15 % des cas. De plus, il ne permet pas aux plus modestes d'accéder au crédit, puisque les banques apprécient la solvabilité des emprunteurs de la même façon, quel que soit le prêt. Enfin, il produit d'importants effets d'artificialisation dans les zones détendues. L'article 6 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit de proroger le prêt à taux zéro jusqu'en 2027, alors qu'il devait s'arrêter fin 2023. Cet article prévoit de le recentrer dans les zones tendues sur les immeubles neufs collectifs, et dans les zones non tendues sur les immeubles anciens sous condition de rénovation. Le rapport du CPO se félicite de ce recentrage.

L'objectif de révision des bases n'est pas de stimuler l'investissement immobilier mais de rétablir une équité entre les contribuables. La révision des bases locatives profitera, comme je l'ai indiqué, aux habitants des banlieues et des départements ruraux.

Le rapport du CPO est favorable à une extension géographique de la TLV. Les évolutions récentes du zonage de TLV intervenues dans le cadre du décret d'août 2023 représentent une avancée dans cette direction. Cette extension réduit le champ de la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV), puisque les deux taxes sont alternatives, et permet aux communes concernées d'instituer une majoration de THRS. Le CPO n'a pas instruit la possibilité d'une fusion entre ces trois taxes, en raison des difficultés qu'une telle mesure soulève, et qui justifieraient au préalable une étude approfondie.

Le dispositif Pinel a été introduit par la loi de finances initiale pour 2015 dans le but de favoriser la construction de logements intermédiaires privés. Il a été modifié et recentré à quatre reprises, et nous pensons qu'il ne doit désormais ne plus être reconduit au-delà de son extinction prévue en 2024. En effet, ce dispositif se révèle coûteux et inefficace. Parmi les dispositifs de remplacement, on peut citer le statut du propriétaire bailleur, consistant en l'octroi d'aides en contrepartie d'un plafonnement de loyer ou de conditions de ressources, qui engagerait les finances publiques sur le long terme.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le pouvoir d'achat immobilier n'a cessé de baisser depuis une dizaine d'années, y compris lorsque les taux d'intérêt étaient bas. Monsieur le président du CPO, comment expliquez-vous que les prix de l'immobilier ne fléchissent pas, alors même que la demande chute et que les taux d'intérêt augmentent ? Dans la plupart des pays européens, l'augmentation des taux d'intérêt entraîne la baisse des prix des actifs mobiliers et immobiliers. Cette tendance ne s'applique pas en France. N'y a-t-il pas fondamentalement un facteur inflationniste dans la fiscalité du logement ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'immobilier est maltraité par notre fiscalité. Le débat oppose, me semble-t-il, la taxation des stocks et la taxation des flux. Remplacer les droits de mutation par une taxe foncière augmentée va à l'encontre de ce qu'il convient de faire. Je rappelle que les droits de mutation sont payés par les acquéreurs et financés dans le cadre d'un plan de financement qui s'étale dans le temps. Mettre en place une taxe va pénaliser le pouvoir d'achat des ménages qui n'auront pas recouru à l'emprunt pour se financer.

Par ailleurs, il convient, de manière impérative, de remplacer la taxation des plus-values immobilières, payée par le vendeur, par la taxe sur les droits d'enregistrement, payée par l'acquéreur.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans un rapport publié en 2018, le CPO s'étonnait de deux particularités de la fiscalité française des revenus, qui est la seule en Europe à distinguer la location nue et la location meublée, et la seule, avec le Luxembourg, à permettre dans le régime de la location meublée l'imposition de la plus-value sans réintégration des amortissements pratiqués en cours de détention. Le CPO évaluait à cette époque que la perte de recettes était comprise entre 330 et 380 millions d'euros par an, et préconisait l'unification des régimes fiscaux des locations meublées et des locations nues. Six ans plus tard, rien n'a été entrepris en ce sens. Lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, le rapporteur général et moi-même avons déposé des amendements à ce sujet. Je ne peux que constater une forme de procrastination de la majorité sur ce point.

Par ailleurs, j'aimerais connaître la raison pour laquelle l'exonération d'impôt sur le revenu pour les personnes louant en meublé n'est pas chiffrée dans le rapport du CPO que vous nous présentez aujourd'hui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite connaître l'avis du CPO à propos de la taxation des loyers imputés, c'est-à-dire les loyers que les propriétaires auraient à payer s'ils étaient locataires du logement qu'ils occupent.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je regrette que l'évolution de la fiscalité ait réduit les ressources des collectivités, comme je regrette que le logement serve de variable d'ajustement. La recommandation n° 8 du rapport du CPO, visant à favoriser les mutations et taxer davantage la détention, me semble discutable. Les mutations correspondent à des couples qui s'installent, bien sûr, mais elles concernent également de nombreuses résidences d'été. À ce titre, je rappelle que le taux de résidences secondaires s'élève à 39 % en Corse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je m'interroge sur la possibilité de mettre en œuvre à court terme cette recommandation n° 8 du rapport du CPO puisque, comme le souligne très justement le rapport, il convient d'abord de mettre en cohérence la fiscalité avec la valeur économique des logements.

Par ailleurs, le viager est un mode d'acquisition auquel il est peu recouru de nos jours, alors qu'il pourrait permettre à des personnes de rénover leur logement grâce au bouquet, et de bénéficier de revenus supplémentaires. Avez-vous étudié ce mode d'acquisition et de gestion de patrimoine ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le CPO constate le gaspillage d'argent public propre à la politique du logement, alors que nos concitoyens éprouvent de plus en plus de difficultés à se loger et à acquérir un logement. Je souscris à l'idée de réorienter les aides en direction de l'acquisition de l'ancien, et plus largement au principe d'une grande réforme du soutien public à la politique du logement. Parmi les dépenses fiscales relatives au logement, lesquelles vous semblent détenir le plus mauvais ratio entre coût et efficacité ? Autrement dit, quelles sont les dépenses fiscales qu'il convient de corriger en priorité ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Faut-il, selon vous, rénover la fiscalité des revenus fonciers ? Faut-il la simplifier afin de rendre l'investissement locatif plus attractif ?

Le régime microfoncier contient deux régimes, celui du meublé classé et celui du meublé non classé. Avez-vous évalué l'impact d'un déclassement des meublés classés sur l'activité touristique des territoires et sur les stations classées de tourisme ? Je rappelle que seuls 98 500 foyers fiscaux bénéficient de l'abattement de 71 %.

Enfin, vous avez évoqué la question des plus-values sur les durées de détention. La question de la réintégration de l'amortissement dans les plus-values a été posée lors de nos discussions budgétaires. Avez-vous évalué l'impact potentiel de ce type de mesure sur le modèle des résidences de tourisme, des résidences étudiantes et des résidences seniors ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La fiscalité sur le logement en France est trois fois plus élevée qu'en Allemagne, où les prix et les loyers sont très raisonnables. Il existe par conséquent un lien évident entre cette fiscalité record et la crise du logement actuelle en France. La fiscalité doit être baissée autant sur les détenteurs que sur les acquéreurs, parce qu'elle ne contribue pas à l'ajustement du marché et présente un caractère inflationniste. Quelles mesures préconisez-vous afin de mettre un terme au racket fiscal des propriétaires ?

Permalien
Pierre Moscovici, président du Conseil des prélèvements obligatoires

Je conviens que la fiscalité contribue à rigidifier les prix en France plus qu'ailleurs. Cependant, la fiscalité n'est pas le principal facteur inflationniste. La logique de l'offre et de la demande devrait entraîner une diminution des prix qui, de fait, ne se produit pas. Cette anomalie comporte une part de mystère, elle tient sans doute à des comportements singuliers, tant du côté de l'offre que du côté de la demande, sur lesquels il convient de s'interroger. Cependant, cette situation ne peut durer éternellement et appelle une analyse approfondie.

Le système immobilier connaît un retournement depuis que la Banque centrale européenne (BCE) a enclenché une remontée des taux en juillet 2022, cette date constituant un point d'inflexion. En septembre 2023, le crédit immobilier avait chuté en valeur de 45 % sur un an et le nombre de transactions était en recul de 18 % pour s'établir à 928 000 sur un an. Cet ajustement, qui intervient après une longue période de prospérité, était sans doute nécessaire dans la mesure où un régime de taux bas voire négatifs ne pouvait être pérenne. Néanmoins, le problème reste celui de l'atterrissage. De ce point de vue, la stabilisation des taux de la BCE et les mesures prises par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) visant à fluidifier l'octroi de crédits ont permis de stabiliser en octobre 2023 le montant des crédits accordés.

En revanche, aucune mesure fiscale n'empêchera la crise si les prix ne baissent pas. C'est la raison pour laquelle j'ai précisé en préambule que le rapport du CPO n'est pas un rapport de conjoncture. Il se place dans une perspective structurelle et ne propose pas un remède miracle à court terme. Un choc fiscal se montrerait globalement inefficace, coûteux et susceptible d'engendrer de nouvelles distorsions. Ce rapport s'inscrit dans le temps long parce que le secteur du logement nécessite de la stabilité et de la visibilité. Il recommande de renforcer la neutralité de la fiscalité du logement afin de rendre le secteur plus résilient à l'avenir, et le marché davantage fluide.

En réponse à la remarque de M. Mattei sur la taxation des stocks et des flux, j'insiste une nouvelle fois sur le souhait du CPO de taxer davantage la rente que la mobilité, le mouvement et la rénovation.

Concernant la bascule des DMTO vers la taxe foncière, j'ajoute aux arguments que j'ai précédemment développés que les taxes sur les transactions en France sont parmi les plus élevées de l'OCDE, ce qui pénalise la mobilité résidentielle et l'accès au logement. Je souligne une nouvelle fois, pour répondre aux inquiétudes de Mme Louwagie, qu'une telle mesure ne peut être que progressive et postérieure à une révision de l'assiette.

Jusqu'en 1965, la France taxait les loyers implicites, ou loyers imputés, des propriétaires occupants. Dans son rapport de 2018 sur les prélèvements sur le capital des ménages, le CPO s'est prononcé contre le rétablissement de ce système, qui présente de multiples difficultés. Il renouvelle cette position dans le présent rapport. Une étude de l'Insee évalue à 7 % du revenu national net le montant des loyers imputés net. Leur non-imposition constitue une dépense fiscale cachée pouvant atteindre 11 milliards d'euros par an. Elle profite principalement aux ménages âgés les plus riches. Le CPO est disposé à travailler sur ce sujet.

Le coût du régime de la location meublée non professionnelle (LMNP) a été chiffré en 2018 à 350 millions d'euros. Quant à la loi Pinel, nous estimons qu'elle est la plus mauvaise dépense fiscale, puisqu'elle représente un coût de 1,3 milliard d'euros et entraîne un effet inflationniste. Nous n'encourageons pas, par conséquent, son prolongement.

Enfin, les dépenses fiscales, en raison de leur ampleur, doivent impérativement faire l'objet de revues de dépenses afin de préparer de manière intelligente le projet de loi de finances pour 2025. La Cour des comptes discute avec le Gouvernement de sa contribution à cette revue de dépenses.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il existe en France une séparation croissante entre ceux qui s'acquittent de l'impôt et ceux qui perçoivent les aides. Le rapport du CPO préconise de cibler davantage des aides déjà ciblées. Or les personnes qui disposent des moyens nécessaires pour entreprendre des travaux en matière de rénovation énergétique touchent de moins en moins d'aides et sont par conséquent de moins en moins incitées à entreprendre ces travaux. Ne convient-il pas de financer davantage les gros travaux de ceux qui ont les moyens de les conduire, et de financer plus modestement les petits travaux de ceux qui disposent de moyens plus limités ? Cette échelle de modulation éviterait la fracture entre ceux qui ont l'impression de tout payer et ceux qui bénéficient des aides sans payer d'impôts.

Permalien
Pierre Moscovici, président du Conseil des prélèvements obligatoires

Il s'agit là de la logique de notre rapport. Les constats 4 et 5 du rapport évoquent la distorsion majeure entre le taux d'effort après aide au logement et la part des taxes. L'ensemble de nos propositions vise à une redistribution, de façon à rétablir la valeur économique et le lien entre ceux qui payent et ceux qui bénéficient.

*

Information relative à la commission

La commission a annoncé la création des cinq missions d'information suivantes :

- L'optimisation financière et stratégique de l'offre d'emplois à domicile (MM. Jocelyn Dessigny et Luc Geismar, rapporteurs)

- Les dysfonctionnements et les délais relatifs aux taxes foncières et d'urbanisme, à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, et les conséquences pour les contribuables, l'administration fiscale et les collectivités. Évaluation de « Gérer mes biens immobiliers » et du « Foncier innovant » en lien avec ces taxes (Mme Christine Pires Beaune et M. Robin Reda, rapporteurs)

- La fiscalité de l'épargne par capitalisation finançant la retraite (Mme Félicie Gérard et M. Charles de Courson, rapporteurs)

- L'impact des dispositifs fiscaux et sociaux sur le reste à vivre des travailleurs de la classe moyenne (M. Mathieu Lefèvre et Mme Eva Sas, rapporteurs)

- La réalité des financements publics dans les villes populaires (M. Sébastien Rome et Mme Alexandra Martin, rapporteurs)

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 20 décembre 2023 à 10 heures 30

Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, Mme Émilie Bonnivard, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Christine Decodts, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, Mme Géraldine Grangier, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, Mme Charlotte Leduc, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Louis Margueritte, Mme Alexandra Martin (Gironde), M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Benoit Mournet, Mme Mathilde Paris, Mme Christine Pires Beaune, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl

Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, Mme Marina Ferrari, M. Joël Giraud

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. Inaki Echaniz, M. Éric Pauget