J'aimerais, avant de répondre à vos questions, rappeler que le Conseil des prélèvements obligatoires est une institution indépendante et pluraliste, et que ses rapports, fruits d'un travail collectif et de consultations, font l'objet d'un consensus interne avant d'être rendus publics.
Parmi les questions et les commentaires formulés, j'ai perçu une question transversale qui revient à poser une alternative entre la pénalisation des locataires et la pénalisation des propriétaires. Je ne formulerais pas les choses de la sorte. Toutefois, le tableau final de la conclusion du rapport témoigne de notre souhait de voir la détention beaucoup plus taxée qu'aujourd'hui. Nous souhaitons que l'acquisition le soit moins, que la rénovation le soit davantage et donc que la location le soit légèrement plus. Tels sont les effets redistributifs que nous visons, et auxquels aboutirait notre système. Nous pensons, en effet, qu'il faut privilégier l'acquisition plutôt que la détention, et la mobilité et la rénovation plutôt que la rente. Telle est la logique économique, sociale, politique et écologique qui sous-tend notre rapport.
Vous m'avez interrogé sur l'absence de réflexion sur le financement de la politique du logement par les collectivités. Ce sujet est pourtant pris en compte par le CPO, ce que traduit son souci de travailler à niveau de prélèvement constant afin de ne pas fragiliser le financement des collectivités.
La rénovation du parc social et le dispositif seconde vie représentent un défi majeur pour lequel il convient de trouver des solutions de financement à long terme. D'après les estimations de l'Union sociale de l'habitat (USH), il représente environ 9 milliards d'euros pour 150 000 logements habités rénovés par an. Toutefois, il est permis de nourrir quelques doutes sur la pertinence du dispositif seconde vie, qui prévoit son financement par de nouvelles exonérations de taxe foncière, eu égard au coût qu'il représente pour les communes. En effet, ce coût s'ajoute à des dégrèvements préexistants à hauteur d'environ 25 % du coût des rénovations. La Cour des comptes avait d'ailleurs invité à remplacer ces dégrèvements par des aides budgétaires ciblées.
L'hypothèse d'un élargissement du taux de TVA à 5,5 % à l'ensemble des opérations de livraison de logements sociaux neufs ne nous paraît pas opportune. Alors que le coût des différents taux réduits de TVA sur ces opérations dépasse 2 milliards d'euros en 2022, le CPO démontre l'absence de causalité entre les modifications de ce taux et l'évolution du parc de logements sociaux. En outre, les difficultés liées à la hausse des taux sont amoindries pour le logement social par le maintien du taux du livret A à 3 % jusqu'en janvier 2025. Par ailleurs, le secteur bénéficie en 2023 d'un engagement de cotisation à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), dont le coût s'élève à 300 millions d'euros.
Il m'a été suggéré de soumettre les revenus fonciers au barème de l'impôt sur le revenu. Sur ce sujet, le CPO propose d'aligner au sein des revenus fonciers la location meublée et la location nue. Il ne nous paraît pas souhaitable de les soumettre au barème alors que les revenus des capitaux sont soumis au prélèvement forfaitaire unique, lequel est plus favorable que le taux applicable aux revenus fonciers.
La différence d'imposition entre le régime des bénéfices industriels et commerciaux (micro BIC) et le régime du microfoncier est une particularité française. Elle encourage la location meublée de courte durée et réduit ainsi le parc de logements disponibles dans les zones tendues et, de manière plus saisonnière, dans les communes touristiques. Nous considérons que cette réforme est nécessaire afin de faciliter la mobilité résidentielle et d'encourager la location de plus longue durée au profit des ménages les plus modestes. Il est entendu que cette réforme, comme toutes celles que nous préconisons, ne peut être appliquée que de manière progressive afin d'éviter des effets de redistribution trop abrupts. C'est pourquoi nous proposons de procéder à une unification des deux régimes en deux étapes. Dans un premier temps, il s'agit de corriger les avantages accordés aux meublés de tourisme par rapport aux autres meublés relevant du régime micro BIC en ramenant l'abattement de 71 % à 50 %, et le seuil à 77 700 euros. Dans un second temps, après une étude d'impact ou une évaluation, il sera procédé à l'unification complète des deux régimes, avec un abattement ramené à 30 % et un seuil à 15 000 euros pour l'ensemble du régime microfoncier, en adossant ce processus à une clause dite du grand-père.
Le CPO estime que la rationalisation territoriale du prêt à taux zéro est nécessaire au vu de ses effets ambigus. En effet, il génère d'importants effets d'aubaine. D'après l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), ce type de prêt déclenche réellement une acquisition dans seulement 15 % des cas. De plus, il ne permet pas aux plus modestes d'accéder au crédit, puisque les banques apprécient la solvabilité des emprunteurs de la même façon, quel que soit le prêt. Enfin, il produit d'importants effets d'artificialisation dans les zones détendues. L'article 6 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit de proroger le prêt à taux zéro jusqu'en 2027, alors qu'il devait s'arrêter fin 2023. Cet article prévoit de le recentrer dans les zones tendues sur les immeubles neufs collectifs, et dans les zones non tendues sur les immeubles anciens sous condition de rénovation. Le rapport du CPO se félicite de ce recentrage.
L'objectif de révision des bases n'est pas de stimuler l'investissement immobilier mais de rétablir une équité entre les contribuables. La révision des bases locatives profitera, comme je l'ai indiqué, aux habitants des banlieues et des départements ruraux.
Le rapport du CPO est favorable à une extension géographique de la TLV. Les évolutions récentes du zonage de TLV intervenues dans le cadre du décret d'août 2023 représentent une avancée dans cette direction. Cette extension réduit le champ de la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV), puisque les deux taxes sont alternatives, et permet aux communes concernées d'instituer une majoration de THRS. Le CPO n'a pas instruit la possibilité d'une fusion entre ces trois taxes, en raison des difficultés qu'une telle mesure soulève, et qui justifieraient au préalable une étude approfondie.
Le dispositif Pinel a été introduit par la loi de finances initiale pour 2015 dans le but de favoriser la construction de logements intermédiaires privés. Il a été modifié et recentré à quatre reprises, et nous pensons qu'il ne doit désormais ne plus être reconduit au-delà de son extinction prévue en 2024. En effet, ce dispositif se révèle coûteux et inefficace. Parmi les dispositifs de remplacement, on peut citer le statut du propriétaire bailleur, consistant en l'octroi d'aides en contrepartie d'un plafonnement de loyer ou de conditions de ressources, qui engagerait les finances publiques sur le long terme.