De l'avis général, et si j'en crois le diagnostic consensuel des dialogues de Bercy, la question du logement est une véritable bombe sociale. Dès lors, je regrette que, contrairement à ma demande, nous n'ayons pu débattre en séance de la mission Cohésion des territoires qui porte les crédits du logement, alors même que chacun, y compris le Gouvernement, y voyait une question essentielle. Je veux croire, conformément aux annonces faites au moment des dialogues de Bercy, qu'une grande loi sur le logement nous permettra d'y revenir dans les mois à venir.
Avant de passer aux questions adressées au président du CPO, je souhaite dresser deux constats. Le premier est que les prix du logement sont trop élevés. D'après la Fondation Abbé Pierre, la part du logement dans le budget des ménages est passée de 20 % en moyenne en 1990 à 27,8 % en moyenne aujourd'hui, et atteint 45 % pour les ménages les plus pauvres. Une autre étude récente, menée par Oxfam, montre que le logement est le premier poste de dépense contrainte des Français, à hauteur de 23 % du revenu brut contre 9,5 % en 1960. Cette étude relève également de très fortes disparités. En effet, les 25 % des ménages les plus modestes dépensent 32 % de leurs revenus pour se loger, contre 14,1 % pour les 25 % des ménages les plus aisés. Enfin, le prix de l'immobilier a augmenté de 125,6 % entre 2001 et 2020, alors que, sur la même période, le revenu disponible n'a progressé que de 29 %.
Le deuxième constat a trait à la baisse continue des dépenses publiques pour le logement, qui n'est pas sans rapport avec cette hausse des prix. En effet, ces dépenses publiques, qui permettent à l'État d'intervenir sur le marché du logement, sont passées de 2,2 % du PIB en 2010 à 1,5 % du PIB aujourd'hui. Entre 2016 et 2021, elles ont diminué de 10,8 %, de 42 milliards d'euros à 38 milliards d'euros. La baisse de production de logements sociaux suit naturellement cette diminution des dépenses publiques. Cette production est passée de 126 000 logements sociaux financés en 2016 à 96 000 en 2022 et, d'après les chiffres des fédérations des logements sociaux, atteindra environ 82 000 en 2023, soit le chiffre le plus bas depuis 2005. En outre, la hausse des taux d'intérêt bloque le système, puisque les classes intermédiaires rencontrent des difficultés pour acquérir des logements neufs.
Le rapport du CPO relève le nombre élevé de dépenses fiscales en faveur du logement, à savoir soixante-dix dépenses fiscales pour un coût estimé à 15,5 milliards en 2022, soit un sixième du rendement de la fiscalité du logement. Il évoque surtout la difficulté de les évaluer et la fragilité des bases de données sur le logement, notamment sur sa fiscalité. Le rapport évoque ainsi la suppression du dispositif Borloo-Robien en 2009, qui aurait conduit à une baisse des prix de 1 % et une réduction de la vacance de 1,6 % dans les zones ne bénéficiant plus de ces dispositifs. De même, le rapport souligne le coût élevé et les doutes sur l'efficacité du dispositif Pinel. Enfin, un rapport publié par Oxfam ce mois-ci chiffre le coût de trois de ces niches fiscales à près de 11 milliards d'euros en douze ans. Ces pertes de recettes représentent le financement de 70 000 logements sociaux.
Compte tenu du coût et de la durée des dispositifs fiscaux en faveur de l'investissement locatif, ne faudrait-il pas inverser la logique habituelle qui consiste à les évaluer ex post, pour exiger au contraire une évaluation ex ante, précise et exigeante, avant toute instauration par le législateur d'un nouveau dispositif fiscal en faveur de l'investissement locatif ?
Le rapport du CPO confirme le constat de la déconnexion des valeurs locatives cadastrales (VLC) de la valeur de marché, qui conduit à sous-évaluer la valeur de l'immobilier dans les communes les plus aisées. Le taux d'imposition du logement décroissant fortement avec sa valeur de marché, il arrive que des logements en Seine-Saint-Denis détiennent une valeur locative cadastrale supérieure à des logements situés à Paris. Le rapport souligne également que la révision devant intervenir prochainement ne semble, je cite, « pas en mesure d'assurer la cohérence fine de l'assiette de la fiscalité du logement avec la valeur économique des biens ». Le CPO suggère de s'orienter vers une taxation à la valeur vénale pour mieux refléter la valeur du marché. Or cette modalité a été exclue par la Direction générale des finances publiques (DGFIP), qui y a opposé des obstacles techniques. Dès lors que la révision des valeurs locatives cadastrales, qui devait intervenir en 2026, a été reportée à 2028, ne faudrait-il pas se saisir de ce délai supplémentaire pour mettre en œuvre une réforme en profondeur, plutôt qu'un simple ajustement ?